JiiiHWiiiiiiiil!tli|i^iH!^;M'!.i
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HANDBOUND
AT THE
UNIVERSITY OF
TORONTO PRESS
COLLECTION
DE
DOCUMENTS INÉDITS
SUU L'HISTOIRE DE FRANCE
POBLlés PAR LES SOINS
DU MINISTRE DE L'INSTIIUGTION PUBLIQUE.
DEUXIEME SERIE.
Par un arrêté en date du 18 décembre i885, M. Ïamizey de Larroque, membre
du Comité des travaux historiques et scientifiques, a été cbaryc de publier, dans
la coHeclion des Documents inédits de l'Histoire de France, les Lettres de Peiresc
aux frères Dupuy.
Par le même arrêté, M. Léopold Delisle, Président de la Section d'bistoire et
de philologie du Comité, a été nommé commissaire responsable de cette publi-
cation.
l/i
LETTRES DE PEIRESC
AUX FRÈRES DUPUY,
PUBLIEES
PAR
PHILIPPE TAMIZEY DE LARROQUE,
CORBESI'ONDANT DE L'INSTITDT,
MEMBRE NON RK8IDANT DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIBKTIFIOUBS.
TOME DEUXIEME.
JANVIER 1629 — DÉCEMBRE 1633.
PARIS.
IMPRIMERIE NATIONALE.
M DGCC XC.
p?,?, A4-
(€88
LETTRES DE PEIRESC
AUX FRERES DUPUY.
/
I
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur',
Je ne veulx pas laisser partir la staffelte, restablie aulcunement
depuis la cessation des courriers , sans avoir le bien de vous salliier,
et souliaicter la bonne année où nous entrons, et vous dire que grâces
A Dieu nous sommes encores en trez bonne santé en ce pais. Mais nos
appréhensions ne peuvent pas cesser, quand nous apprenons que la
maladie - est dans les lieux de Vigile^ et de Fraye*, fort prez de Gre-
noble* où l'on ne se garde point bien. Et qui pix est nous pensions que
le bas Languedoc se peusse garentir du mal, comme il avoit faict jus-
ques à présent. Mais depuis peu Laudun** en a esté frappé, qui est
prez de Bagnols" et le S' Esprit*, ce qui luy a faict perdre l'entrée, et
' Les notes, dans ce volume et dans le
suivant, seront beaucoup moins nombreuses
que dans le premier, parce (jue soit j)our
les noms d'bommes et de lieux , soit pour
les choses bibliographiques et philologiques ,
la plupart des explications ont été déjà
données et qu'il suffira le plus souvent de
renvoyer le lecteur au commentaire de la
première partie de la Cori-espondauce de
Peiresc avec les frères Dupuy.
' C'est-à-dire la |)esle.
' Vizille, chef-lieu de canton du départe-
ment de l'Isère, dont il a été question dans
le tome 1 , p. 660.
' Probablement la localité' appelée au-
jourd'hui le Fraynès, dans la commune de
Grolles-d'Isère, arrondissement de Grenoble,
canton du Touvet.
' Vizille et Crolles sont h une vingtaine
de kilomètres de Grenoble.
' Commune du département du Gard,
arrondissement d'Uzès, canton de Roque-
maure, a 3^ kilomèti-es de Nimes.
' Bagnols-sur-Cèze, chef-lieu de canton
de l'arrondissement d'Uzès. Voir t. I,
p. 6o6.
' Ponl-Saint-Espril , chef-lieu decanton de
l'arrondissement d'Uzès. Voir 1. 1, p. 399.
IMrRIHKKII BltlO^lU.
2 LETTRES DE PEIRESC [1629]
à dix villages d'allentour, qui avoient eu fraischement commerce avec
ceux de Laudun, bien que le mal n'ayt pas encore paru en aucun autre
d'iceulx qu'à Laudun. Au comté de Venaysin le mal ne faict pas de
nouveau progrez, au contraire il diminue grandement. Et ceux qui ont
usé des remèdes nouvellement mis en prattique escliappent tous. Nous
pensions restablir l'entrée d'Avignon, mais il y aura prou peine de s'y
resouldre encores, si le mal du dit conté cesse tout à faict. Je n'ay pas
eu de vos lettres plus fraisclies que de la fin d'octobre, et vous ay
escript par toutes les commoditez qui se sont présentées, mesmes par
la voye ordinaire de la slaffette de Lyon, ou de Belmont^ d'oij c'est
que M"^ de Fetan^ datte maintenant ses lettres, et d'où il faict partir
une despesche' quasi toutes les semaines une foys, ayant continué de
m'escrire et de m'adresser tousjours quelque lettre de mes amys, tan-
tost de M'' Gassendi tantost d'autres, que nous recevons aprez estre
passées par le vinaigre. Par la dernière staffette du dit s"" de Fetan du
18 décembre, je rcceus une lettre de M"' Gassendi du 1 2""% qui ac-
cusoit la réception d'une mienne du 1 i novembre que j'avois envoyée
par M'' de Falaize soubs vostre enveloppe, dont j'ay esté bien aise, car
j'estois en peine de ce pacquet. M' de Fetan ne m'ayant poinct accusé
la réception de celles que je luy avois adressées par le dit s"" de Fa-
laize. Mais j'ay esté encores plus content d'apprendre par le dit s'' Gas-
sendi qu'il avoit veu entre vos mains de mes lettres encores plus
fraisches. Ce qui me faict conjecturer que ce puissent estre celles que
j'avois baillées au s'' Gollon du 28""' novembre. Vous en aurez depuis
receu du h décembre que j'avois envoyées par la staffette dont M"" de
Fetan m'accuse la réception. Et ay encore escript depuis par un cour-
rier extraordinaire du païs party le 20 du mois passé. Par le retour
' Commune du d(!partement du Rhône, ' Sur M. de Fetan, voir t. I, p. 98.
canton d'Anse, arrondissement de Ville- ^ C'est-à-dire un paquet de lettres et
franche, à 17 kilomètres de Lyon. Voir p. Ix autres objets confiés à la poste. Ce sens du
une note sur Balmont. S'agit-il de deux lo- mot dépêche n'a été indiqué ni dans le Dic-
calités différentes? Le nom a-t-il été mal aowmire de Liltré , ni dans les dictionnaires
écrit, ou a-t-il été mal lu? antérieurs.
q
[1G29| AUX FRÈRES DUPUY. 3
tlucjuel je me promets d'avoir de voz nouvelles Dieu aydant. Nous n'en
avons poinct icy que du passage des troupes que le Roy veult envoyer
en Italie, dont les 2,000 hommes du chevalier de la Valette' ont
rompu la glace '^ et commancé à brescher ' noz règlements de santé.
Mais il n'y a pas moyen de desobeyr au maistre en chose si im-
portante au bien de son service. On y apporte toutes les précautions
que l'on peut. Vous aurez à ce coup des vers de M' Viaz* sur la prinse
de la Hoclielle'', et si la despesche ne part demain, vous en aurez
de M'" Hemy**. Pour des fruicts d'un pais qui ne produit rien de plus
noble que des oranges aigres, ils ne seront possible pas trouvez tant
mauvais. Je vouldrois bien qu'ils fussent A vostre goust et de cez mes-
sieurs de vostre Académie. Four le moings tesmoigneront-ils la bonne
volonté des aulbeurs comme de leurs compatrioltes. Les Flamands
de Marseille ont eu roollc des chargements des despouilles que les
Hollandois ont rapportées de la flotte d'Espagne, mais on n'en scait
pas les particularités; ce sera une grande affaire, si elle est bien
véritable. M' noslre Gouverneur'' est venu aujourd'huy de Marseille,
aux fins de concerter la forme du passage des troupes du chevalier
de la Valette, comme je pense. Nous verrons demain Dieu aydant
ce qu'il vouldra dire. Et je finiray en vous baisant trez humblement
' Louis, chevalier de la Valette, était un
enfant naturel de Jean-Louis de Nog'aret,
duc d'Kpernon. Il devint, en i645, lieute-
nant (jéndral de rannée navale des Vénitiens
et mourut en 1 65o.
' C"est-ù-dirc ont surmonté les premières
diflTicullés. Litti-é ne cite, au sujet de celte
locution, qu'une phrase du duc de Saint-
Simon.
' Sur le mot brescher, voir le tome i,
p. 100.
' Sm- Ralthazar de Vias, voir le tome I,
p. 385. •
' Voir sur ces vers le fascicule VI des
Corre-ipondiiiits de Peiresc, i883, p. iiv.
' Sur Ahraham Remy, voir t. I, p. 678.
Li pièce de vers de Remy, dont une copie
se trouve dans le registre XXXVFI de la
collection Peiresc à la bibliothèque d'In-
guimberl, est intitulée: Rupella obsessa,fii-
gali Atiffli, ad tlluslrissimum cardinalem de
Richelieu. Ce morceau et quelques autres
{Ad liupellum. Cal. apritis i6u8; Hartii*
moriens ad RupellaHO,t obsessog; Templum
gloriœ e viiini.'s Riipellœ eœcitalum Ludo-
vico Xlll triumphanli) sont reproduits dans
le petit volume publié à Paris chez
Jean Libert, iG'lS : Abrahami Remmii
eloquenliœ professons et poette regii pœiimta
(p. 7-.8).
' I.« duc de Guise, déjà bien souvent
nommé dans le tome L
4 LETTRES DE PEIRESG [16-29]
les mains et à Monsieur du Puy vostre frère et à toute l'Académie, de-
meurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 4 janvier lôag.
Je vous envoyé un catalogue de livres m[anu]s[crit]s la pluspai-t
grecs où j'estime qu'il y ayt quelque chose qui mérite de n'estre pas
négligée. Un mien amy a descouvert cette cache' en un lieu, où je
faics ce que je puis pour faire valloir un peu de crédit que j'y pensois
avoir, et pour faire disposer le maistre des dits livres de s'en desfaire
et d'y mettre un prix. Je ne scay si j'en pourray venir à bout. Cepen-
dant je serois bien aise de scavoir de vous et de cez messieurs de l'Aca-
démie qui y tiennent le hault bout s'ils y auront rien trouvé qui arrive
jusques à leur goust, et combien ils estimeroient à peu prez que le
petit recueil se peult honnestement payer.
Si l'on impiime l'ordre des courriers ordinaires qui partent de Paris
toutes les semaines pour les païs estrangers et pour les provinces du
royaulme, comme les années précédantes, je vous prie de m'en envoyer
un exemplaire à la première commodité, par la voye ordinaire de
Lyon ou de Balmont^, car il n'y aura pas de danger que cela passe par
le vinaigre.
On vous adressera possible quelque lettre de change de Bordeaux
de la part des gents de mon abbayie ^ auxquels ay mandé de le faire,
si leur commerce est tout à faict rompu comme il semble avec Mar-
' Liltré n'a cité sous le mot cache que unenotedeM.de Cazenove (L'/ii^erwérfiaiVe
des témoignages d'écrivains postérieurs, des chercheurs et curieux du ^olansicn 888,
Molière, La Fontaine, Voltaire, Regnard, p. Bg). •
J.-J. Rousseau. ' L'abbaye de Gultres. Voir la savante
' Balmont est un lieu dit coteau et montée monographie publiée par M. Ant. de Lan-
de Bal mont, qui se trouve entre la gare de tenay : Peiresc abbé de Gutlres (Bordeaux,
Vaise (Paris-Lyon) et le fort de Duclieré. i888, grand in-8°).
Voir divers détails sur cette localité dans
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 5
seille à cause du mal île Thoulouse '. Si cela esl, je vous supplie de
recevoir ces deniers aux termes apposez aux dites lettres de change, et
s'il y a commodité de les faire remettre eu cette ville ou à Marseille
par Messieurs Passart et Sarons, ou autre de vostre cognoissance h la
meilleure condition qui se pourra, vous m'obligerez bien fort, si ce
n'est que quelqu'un de cez commis de l'espargnc baillast bonne rescrip-
lion sur les receptes générales, à cette lieure que l'armée vient de
de ça, ou autrement, auquel cas M' le Peletier^ pourroit faire roflTice
envers cez Messieurs. Il y a lieu d'y penser. Mais tousjours suis-je
d'advis ([ue vous en reteniez là ce que vous jugerez à propos, pour satis-
faire à mes petites commissions ordinaires de libvres. Excusez mes im-
portunitez, je vous supplie.
Je vous recommande le pacquet de M' Gassendi, ensemble celuy de
M' Moreau ' et la lettre du sieur Naudé ' au cas que M"" Gassendi ne
fust à la ville.
Si vous voyez M"" de Vrys'', je vous prie de luy dire ou envoyer dire
par un des voslres que, selon son désir. M' le General des Galères* l'a
recommandé chèrement à M"" l'Archevesque de Paris ' en luy escrivant
d'autre chose*.
' La pesle ravngeail alors Toulouse ef
une grande partie du Ijanjjuedoc. Voir des
détails sur ces ravages dans le fascicule X des
Corrcspoiulaiits de Peiresc , «885, Lettres de
Guillaume d'Abbalia, p. v et a 5-2 8.
' Voir t. I, p. 3oi.
' Sur le docteur René Moreau , voir t. I ,
p. /ii9, et surtout p. 87a.
• Sur Gabriel Naudé, voir t. 1, mêmes
lettres, p. 4o5, ii^,8jli.
' Sur le peintre Adrien de Vries, voir
I. I, p. 5i, 782, 734, etc.
' i'Iiilippe-Enimanuei de Gondi.
' Jean-François de Gondi.
" Bibliotlièque nationale, collection Dii-
puy, vol. 717, fol. 1.
*
LETTRES DE PEIRESC [1629]
II
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
RUE DES POICTEVINS DERRIÈRE SAISI ANDRÉ DES ARTS CHEZ M' DE TUOO,
À PARIS.
Monsieur,
J'avois esté plus de deux moys entiers sans aulcunes lettres vostres,
mais par la dernière staffette de M' de Fétan j'en ay receu tout d'un
coup si grand nombre que j'en suis honteux, à sçavoir du 6 novembre
(soubs une enveloppe de M' le Peletier du i o décembre à M'' le pre-
mier présidant d'Oppede^), du 12, 19, 21 et 28 décembre avec
lettres de M-^ Gassendi du 1 9™% de M' de la Baroderie ^ du 5""^ du
dernier, de Lorraine du 2 novembre, du s'' de Vris du 17°^ et une
boitte de plantes du s"^ Robin ^, laquelle passa dans le vinaigre mais si
heureusement, parce qu'elle estoit exactement bien adjustée et clouée,
qu'aulcune humidité ne pénétra dans la boitte et les plantes se trou-
vèrent trez bien conditionnées, Vray est que ce que vous aviez cotté
dessus de vostre main du jour du parlement de Paris tant de la dicte
boitte que pacquet de lettres empeschà que rien ne fust ouvert, et fit
que l'on se contenta de tremper au vinaigre les pacquets tout clos, où
il n'y eut quasi que les seules enveloppes mouillées. Je vous prie d'user
de la mesme précaution à l'advenir, car les autres pacquets que l'on
soubçonne venir de Lion sont tellement grillez ou bouilliz que tout Se
gaste. Or il n'y a pas une de voz lettres ou je n'aye trouvé de nou-
velles obligations que je vous ay lesquelles meriteroient de bien plus
grands remerciements que je ne scaurois faire et des elïects de mon
service que je vouldrois bien pouvoir acquitter. Mais il y faudroit des
responses particulières que je ne puis vous faire présentement à mon
' Anne de Maynier, baron d'Oppède, mentionné dans le tome I. p. lio. — * Voir t. 1,
p. 733. — ' Voir t. I,p. 55o.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 7
trez grairl regret, pour avoir est6 constraint inespérémenl et hors de
mon rang et ordre du tableau d'aller aujourd'huy h la garde de la porte
de la ville, avec un mauvais temps, qui m'a occasionné un peu de co-
lique et obligé de me jetter dans le lict d'où je vous faicts ce mot pour
accuser seulement la réception de voz lettres, et vous supplier de m'ex-
cuser pour cette foys si je ne faicts mieux mon debvoir, à quoy je sup-
pléeray par la ])rochaine staffetle ne trouvant pas de meilleure voye,
quelques bonnes qualilez que puissent avoir tous autres porteurs,
comme vous pouvez voir par le temps qui s'escoula avant que vous
eussiez mes lettres ])ar M'' de Falaize, qui n'a poinct encores paru de
par deçà ni par consé(|uent voz lettres du 8""" que j'attends impaliam-
ment puis que vous m'y renvoyez, pour la response de mes précé-
dantes lettres. On nous dict icy que M"" le Maresclial d'Estrée ' est à
Valance'^ puis quelques jours. Nous appréhendons fort ie passage des
trouppes pour la maladie qu'on dict estre desjà dans les trouppes de
Montbrison^ Tout est en la main de Dieu. Nous allons rendre l'entrée à
ceux d'Avignon; le mai est cessé par tous les lieux du conté Venaissinoù
il estoit foit et excepté dans Garpentras où il faict bien du ravage *. Sur
quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pëiresc.
Vous suppliant que la presante soit commune à Monsieur Du Puy,
voslre cher frère. ,
k A Aix, ce ao janvier au soir, 1639.
Je vous recommande trez instamment le pacquet cy joinct pour
Bordeaux d'où j'ay enfin eu des lettres par Marseille.
* Voir sur la peste de Carpenlras t. 1 ,
p. "j'ti. Dans le volume 9587 du fonds
français on Ironve (pièce n" 5) une lettre
écrite d'Avignon à Peiresc, le 27 avril
1639, contenant des nouvelles de Carpen-
lras , où , dit-on , T la santé va s'amélioranl -.
' Sur ce- personnagfe , voir 1. 1 , p. 777.
' Le ciief-lieu actuel du département de
la Drônio.
^ Aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement
du déparlement de la Loire, à 35 kilomètres
de Saint-Klienne.
8 LETTRES DE PEIRESC [1629]
Comme aussy le pacquet de W Guiltard et ceiuy de Robbiu qui
sont voisins, bien niary de donner cette courvée à voz gents, mais ii
importe pour cette foys, sans conséquance '.
m
À MONSIEUR, MOÎVSIEL'R DU PUY,
ADVOCAT EN LA COL'R DE PAHLEMENT,
BDB DES POICTEVIXS PRKZ SAIM ANDRÉ DES ARTZ CHEZ M' DE THOB.
À PARIS.
Monsieur,
Par la dernière stalfelte qu'on fit partir d'icy il y a dix ou douze
jours je vous accusois la réception de vos despesches venues par la
mesme voye, tant du 6 novembre que du mois de décembre jusques
au 28""° fors celle du s'' de Falaise du 8""" laquelle est depuis arrivée,
aprez toutes foys voz lettres du 8 janvier pareillement veniies par staf-
fette, lesquelles m'accusoienl celles tant du s' Bide que de vostre petit
courrier, que j'ay enfin receiies peu à peu, trez bien conditionnées, et
par conséquant le livre de M"" Rigault, et tous cez autres livrelz et
lettres du dernier décembre et 2""" janvier, sans que rien de tout cela
soit passé par le vinaigre. Car touz nos ordres sévères commancent
maintenant à cesser puis la venue de M"^ le Mareschal d'Estrée et de
tout son train , qui a voulu passer sans porter aulcune billette de santé
des lieu\de son passage, non plus que Bezançon commissaire général ^,
un mareschal de camp qui ne voulut dire son nom lequel couroit à
six chevaulx, qui estoit possible le Mareschal DuxeP, et plusieurs autres
courriers, tant du Roy, que des officiers de l'armée. Vostre petit cour-
Vol. 717, fol. 4. écrivain raconte {ihid., p. a5) qu'en avril
Charles de Besançon , seigneur de Sou- lôag, à Suse, le maréchal d'Esfrées se
ligné, était commis auv subsistances des ar- plaignit à Louis XIII de la conduite de Be-
rnées. Bassompierre l'accuse d'avoir rempli sançon.
sa bourse aux dépens de la nourriture des ' C'était Jacques du Blé, marquis d'U-
soidats {Mémoires, t. IV, p. aSi ). Le même xelles. Voir t. I, p. 688.
^
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. .9
rier ne partit de Paris que le ai™, aussy n'arriva il que dimanche
passé. Le s' Bide m'avoit envoyé de Marseille son pacquet dez le ven-
drcdy au soir, sur le poinct que l'on expedioit un niessafjer à Gènes
pour porter les lettres du vice lé{;at d'Avignon pour Ronnne où j'eusse
peu envoyer le TertuUian s'il fut venu par le dict s' Bide, comme j'en-
voyay l'inscription de M"" Rigault au cardinal ', c'est à dire celle qui
estoit veniie soubs son enveloppe de luy, et non l'autre que vous m'a-
viez adressée parmy ces petits livrets. Mais à quelque chose malheur
sera bon, car si le TertuUian fut allé dez lors, c'eusl esté sans l'epistre
liminaire que je trouve excellante, et trez digne d'estre veiie par le
cardinal auparavant la préface, comme y servant de grande modifica-
tion. Ce qui n'eust peu estre prest en cette conjoncture que j'estois
si pressé. Maintenant nous verrons si mon relieur auroit le courage de
l'insérer dans le volume de la relieure du Gascon assez proprement
puisque le dict Gascon se faisoit fort d'en venir à bout. Sinon au pix
aller, je ferai achever de relier l'exemplaire que j'en avois eu au com-
mancement avec la dicte epistre en son lieu, et le ferai couvrir sinon
de ce beau cuir marbré, au moings du vray marroquin de Levant ou
du sagrin '^ de Perse , avec la plus propre doreure que mon homme '
y sçaurà faire, dont je veux croire qu'il s'acquittera aulcunementbien,
si ce n'est pour la tranche, où il ne scauroit faire la couche mar-
brée. Mais j'estime que cela importe moings que de laisser en ar-
rière une si belle epistre et si nécessaire à voir conjoinctement avec les
notes. Cependant je vous supplie de m'envoyer quelque autre exem-
plaire de la mesme epistre et du petit indice que l'autheur a adjousté
au bout de ses notes pour les faire insérer au livre qui me demeurera,
sans qu'il soit de besoing que M"^ Rigault se mette en peine de m'en-
' Le cardinal tout court, c'est toujours
Fr. Bnrberini.
' La forme saffrin reprësente-t-elle ia
prononciation du mot chagrin en Provence
au ivii* siècle ? Ou Peiresc tenait-il compte
de l'origine orientale du mot {sagri en turc) ?
' C'est-à-dire mon serviteur et, par
conséquent, Corberan, au sujet duquel
je citerai cette phrase de la Vie de Pei-
resc par Gassendi (liv. VI, p. 543) :
irSimeoni Corberano, ingenioso glutina-
tori. T)
tUrtUIKtlS tATlOIlAi».
10 LETTRES DE PEIRESC [1629]
voyer un autre exemplaire de son TertuUian pour moy, comme vous
me dictes qu'il vouloit faire, estant raisonable que je me contente
de l'un de ceux qu'il m'a ja adressez. Mais vous me ferez plaisir de
m'en achepter une coupple d'exemplaires en blanc bien complets, pour
en faire part à de mes amys de par deçà, et par la première conmio-
dité pour l'Italie, j'envoyeray le livre et la lettre du dict s' Rigault au
cardinal soubs l'adresse de Dom du Puy afin qu'il les presante de sa
main, selon vostre désir. J'ay trouvé la lettre du dict s' Rigault pour
Rome, trez belle et digne de son autlieur et de celuy à qui elle est es-
critteS et crois qu'il en demeurera grandement satisfaict. Au reste ce
livre avoit esté si proprement empacquetté, que quand le pacquet eust
passé par la purification du vinaigre, je pense que rien ne l'auroit peu
endaumager. Son inscription a esté grandement admirée icy d'un chas-
cun et crois qu'elle ne le sera pas moings dans Rome; elle vint bien à
poinct pour y passer, dont je lui demeure infiniment redevable, et à
vous de m'en avoir procuré la communication, comme aussy de tous
cez autres livrets tant de M' Grotius que autres, et des papiers et mé-
moires de la Rochelle, qui ne nous ont pas esté moings nouveaux pour
estre de vieille datte, car nous n'avions quasi rien apprins des curieuses
remarques et particularitez qui y sont descriltes. C'est pourquoy je
vous en remercie Irez humblement de tout mon cœur, ensemble de
cette belle response au manifeste de Savoye^ dont on nous avoit faict •
grande feste sans que nous l'eussions peu voir. Ayant encor esté bien
aise d'apprendre que vous ayez veu l'Italien primitif, car j'eusse creu
qu'il eust esté faict en France sans cela. Je n'ay pas encores peu voir
M' Bide puis son arrivée en ce païs, mais mon frère l'a veu à Marseille,
et luy a faict toutes les offres d'honesteté à luy possibles de sa part et
' Le cardinal de Richelieu. fërent et avec indication de lieu : Le mani-
' Réponse nu manifeste de M. le duc de feste de France, envoyé au duc de Savoye,
Sattoye, dédiée à Son Altesse; traduit de l'ita- sur l'état présent des affaires de France, Man-
lien, impriméàFrancfort {s.l., \&-28,ia-li°). toue et Savoye (Paris, E. Martin, 1628,
11 y eut deux autres éditions sous le même in-8°).
titre dans le format in-8° en i6q8 et i63o, ' Risposta al manifesto del serenissimo
et une autre édition encore sous un titre dif- «i«c«djSow»w( Francfort, 1628, iu-4°).
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 11
de la mienne. H doibt venir icy, où nous l'attendons en bonne dévotion
pour luy lesmoigner le pouvoir que vous avez sur nous. Je Tavois veu
par hasard une autre foys qu'il passa en cette ville revenant de la \\o~
chelle, m'estant moy trouvé de garde à la porte de la ville, oCi je vou-
lus faire cognoissance avec luy, mais il s'excusa disant vouloir passer
incognito. Il estoit avec la Miliere' qui a esté au gênerai des Galères
et qui est maintenant à M' de Mantoiie, et en tout plein d'employ. Il
ne m'a envoyé aulcune lettre de M' Priandi^ possible la reserve il pour
sa venue, mais je ne laisray de le servir cordialement eu tout ce qui
me sera possible. J'ai veu icy un M' d'Auvillier^ qui est de la suite de
M"^ le Mareschal d'Estrée, qui a l'honneur d'estre cogneu de vous, et
qui monstre d'estre grandement curieux. Il est un peu incommodé des
jambes, et a faict, ce dict il, grand sesjour en Italie, durant l'ambas-
sade et expédition militaire de M"" le Mareschal. Mais je fus estonné de
ce que luy ayant moy demandé des nouvelles du dict s' Bide, il me
dict qu'il ne le cognoissoit nullement et qu'il s'en enquerroit.
Quant à voz lettres et mémoires, j'ay veu le roUe qu'il vous a pieu
dresser de l'employ de loo libvres dont j'ay esté aussy honteux que
des précédants, jugeant cette punctualilé grandement à charge à une
personne de vostre sorte, quoy que vous puisse faire dire au contraire
l'excez de vostre courtoisie. Et si vous ne vous résolvez de vous abs-
tenir de vous donner cette peine, vous me constraindrez de m'abstenir
de vous employer en la recherche des livres et autres choses du temps,
estant impossible que vous n'oublyez souvent des articles de despance
à vostre préjudice, et que cette peine ne vous soit plus importune
que la recherche mesmes des livres. Vous auriez subject de n'avoir
pas de regret, quand vous auriez mis dans une bource à part l'argent
' J'ai vainement cherché le nom de ce
personnage dans les recueils de la première
moitié (lu xvn' siècle , et notamment dans
les Mémoires de Bassompierre et les Histo-
riettes de Tallemant des Réaux. Il ne faut
évidemment pas l'identifier avec le sieur de
Minière , gentilhomme de la maison du roi ,
qui figure dans le rtcueU Avenel (t. V et
VII).
' Sur cet ambassadeur du duc de Man-
toue, voir 1. 1, p. 779.
' Je dirai pour d'Auviiiier ce que je viens
de dire pour La Miiiière : je ne trouve son
nom nulle part.
12 LETTRES DE PEIRESC [1629]
qu'on vous auroit donné pour moy et que vous y puiseriez pour les
fournitures me concernant tant qu'il dureroit, sans vous astraindre à
l'escripture de toutes ces parties. Et vous m'osteriez l'anxiété où vous
me tenez. Pour l'honneur de Dieu faictes l'ainsin dezhorsmais, je vous
supplie, et ne me donnez plus de telles mortifications qui blessent en
quelque façon la confiance que j'ay en vous, et desrogent grandement
à la liberté de la correspondance qvie je pensois tenir avec vous, que
vous me contraindriez d'interrompre, si vous ne me donnez ce conten-
tement, que je vous ay si instamment requis, comme je faicts encores
en toute humilité, espérant que vous ne m'en vouldrez plus esconduire.
Cependant à ce que j'ay peu juger par les derniers articles de ce bor-
dereau, il fault bien que vous soyez grandement en advance pour
moy, ayant retenu comme vous avez faict sur mon conte, et des livres
d'Elzevir, et de ceux de la foire, et de ceux mesmes de Paris, ce que
vous ne debvez pas laisser si longtemps sur voz coffres. C'est pour quoy
je vous supplie trez humblement d'envoyer prendre chez la dame de
Lignage ce que vous jugerez à propos, estimant qu'elle ne faira pas
difficulté de continuer ses fournitures sur les lettres de crédict de Mar-
seille où j'escriray qu'on en r'affraischisse l'ordre. Et quand il viendra,
soit par la Hollande, ou par l'Allemagne, quelque exemplaire de ce
livre intitulé Marmora Arundelliana \ j'en suis si affamé, que vous
m'obligerez infiniment de m'en faire avoir un , le plustost qu'il se pourra ,
m'estonnaiit que quelqu'un de voz libraires n'aye prins le seing d'en
faire venir de ces lieux-là. Car il y a longtemps qu'on en a eu dans
Rome. J'ay eu ici un exemplaire des mémoires de la royne Marguerite ^
qui est venu par Avignon sans passer par le vinaigre; j'ay admiré de
voir que l'édition ayt esté non seulement advouce par un imprimeur,
mais par un privilège^. C'est Mon Signor Bagny qui me l'a envoyé, qui
' C'est l'ouvrage publid par Jean Selden le Manuel du libraire (t. 111, col. i44i).
en i<î^8-} 6-2^ -.Marmara Arundeliana, sive ' L'édition faite par Anger de Moldon,
saû:a grœca incisa (in-4°). Voir sur les édi- seigneur de Granier, à Paris, chez Ch. Chap-
tions suivantes des inscriptions des marbres pelain, iCaS, petit in-8°.
de Parcs , qui avaient élé achetés par Peiresc ' Ce privilège , qui étonnait tant Peiresc ,
avant d'être achetés par le comte d'Arundel, ne reparut pas dans la réimpression qui fut
[1G29]
AUX FRERES DUPUY.
13
a ostc la cause que je ne l'ay pas faict passer plus oultre, ju^jeanl bien
qu'il l'auroit faict luy mesmc. Je seray pourtant bien aise d'en avoir
quelque autre exemplaire pour mes aniys, et le livre du Florentin
que vous dictes avoir esté nouvellement imprimé là si exactement, et
plustost du beau papier que du pire. Il me tarde bien aussy que nous
puissions avoir cez conciles du P. Sirmond et le Solin de M' de Saul-
maise ' où je me promets de trouver de rares observations.
Au reste, c'a esté un merveilleux coup de partie^ que la prinse de
cette flotte des Indes occidentales ^ Ces peuples se vont rendre les
raaistres de la mer en despit de la grandeur d'Espagne. Et m'estonne
que cela ne constraigne l'espagnol à faire la paix en Ilalie, espérant
que quelque bonne mine qu'il face quelque temps, il fauldrà enfin
qu'il ployé. M' de Savoye faict tousjours continuer les travaulx de la
fortification du chasleau de Nice et du fort S' Souspir.
On dict que Dom Felice* a faict une querelle d'Alleman '^ au pauvre
baron d'Alemagnc, gênerai des Galères de S. A.*^, luy ayant donné un
(loniiée, la même annde, des Mémoires de la
Roine Marguerite et qui , sauf celte omission ,
est en tout point conforme ù l'édition origi-
nale.
' Rappelons que les Conciles du P. Sir-
mond ( Concilia antiqua Galliœ) parurent chez
Cramoisy en i Gat) (in-fol.), et ([ne le Solin
de Saumaise (Plinianœ exercilnlioncs in Cnii
Juin Solini Pohjhistora) parut la même annëe
chez Droiiart.
* Littré, sur cette expression, ne cite que
deux phrases de M"' de Sc'vigné.
' On lit dans l'A rtde vérifier 1rs dates [Chro-
nologie historique de la Hollande , cdit. in-S",
t.XIV,i8i9, p. 47a): trLes armateurs bol-
landais , l'an 1 6a8 , firent essuyer à cette der-
nière puissance [l'Espagne], à la hauteur de
Cuba, en Amérique, une perte considérable
par l'enlèvement de leur flotte, dont la prise
fut évaluée à douze millions de florins."
* \/i Vassor {Histoire de Louis XIII, t. V,
p. 687) nous apprend que ce ^Dom Félix 1
était fffils naturel de la maison de Savoye
et gouverneur de Monlnieliani. Dom Félix
est souvent mentionné dans le recueil Avenel
(t. VI, VII, VIII). Le savant étiifeur se con-
tente d'en faire rrun gentilhomme attaché h
la duchesse de Savoie n.
' Littré, sous cette locution proverbiale,
n'a cité que deux j)hrases de Scarron et de
M"" de Sévigné.
* Nous retrouvons ce personnage dans
une lettre du cardinal de Richelieu du 3i
juillet i636 {Recueil Avenel, t. V, p. Sai) :
trLe baron d'Alemagne est employé dans
Testât de l'armée navale en qualité de chef
d'esca<lre de Provence. 1 Sur Biaise , baron
d'Allemagne et delà Font, et sa fille, M"" de
Joucques, voir Tallcmantdes Réaux, t. VU,
p. Saô.
14 LETTRES DE PEIRESC [1629]
soufflet, et l'autre ayant voulu mettre la main à l'espée, il le fit saisir
et emprisonner au dit chasteau. Ce n'est rien qui n'eust esté predict à
ce pauvre gentilhomme, que je tiens perdu tout à faict sans ressource
quelquonque et aussy bien que le s' d'Albiny ^
Depuis avoir escript, la despesche n'estant partie on a eu advis que
la nouvelle de l'emprisonnement du baron d" Allemagne n'estoit pas
véritable, dont j'ay esté bien aise, car c'estpit grand daumage de la
perte d'un si brave gentilhomme. Ce 5 febvrier^.
Je déplore infiniment la mésintelligence d'entre M' l'arclievesque
de Thoulouze ^ et le parlement et ne doubte poinct que cela ne nuise
à l'un et à l'autre ordre. Je dis à l'un et à l'autre, d'aultant que bien
que M"' l'archevesque emporte l'advantage à ce coup selon la disposi-
tion du temps, il y aura possible tant de peine à l'exécution entière,
et tant de matière de nouvelles brouilleries, qu'on vouldroit avoir
esté à recommancer. Et cela sera pour estre tiré à consequance ail-
leurs, et pour rompre en divers lieux la bonne correspondance qui y
pouvoit estre, laquelle semble beaucoup plus à prixser que tout autre
advantage qu'on y sçauroit prétendre.
Un navire turquesque* s'est eschoiié entre les isles d'Ieres et la terre
ferme, oii c'est qu'une cinquantaine de Turcs se sont saulvez comme
ils ont peu. Entre lesquels plusieurs esclaves ont trouvé leur liberté,
et deux Turcs l'eniez, se souvenant d'avoir esté chrestiens en leur en-
fance, ont déclaré vouloir revenir à l'église et les a on mis dans le cou-
' C'est le personnage appelé d'Albigny
dans les Mémoires de Bassompierre (t. I,
p. 84 et a 65) et qui, après avoir été gou-
verneur de la Savoie, mourut emprisonné
en 1609.
' Ce paragraphe a été ajouté en marge,
en regard du paragraphe commençant par
les mots : (f On dit que Dom Feiice ..." , le-
quel a été biffé de trois traits de plume.
' Charles de Montchal. Voir sur ce prélat
le tome I , p. 888. Une intéressante étude lui
a été consacrée pr M. Léon-G. Pelissier
dans le fascicule 1 de son recueil intitulé :
Les amis d'Holstenius (Rome, 1886, grand
in-8°. Extrait du tome VI des Mélanges
d'archéologie et d'histoire, publiés par l'Ecole
française de Rome).
' Montaigne a dit : les armées Turques-
ques. Turc a remplacé Turquesqw dans la
seconde moitié du svn' siècle, et tout le
monde connaît la galère turque du Scapiii de
Molière.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 15
vont des PP. Recolez pour les instruire au christianisme. J'avois un
polit livret fjue je voulois envoyer à cez pères, imprimé à Paris in-8°
167/1 chez Martin le jeune, soubs le tittre de Confusion de la secte
de Mahomet, traduict par Guy le Febvre de la Boderie '. Mais je ne l'ay
sceu retrouver en mon estude; si vous en rencontriez quelque exem-
plaire, soit en blanc ou frippé, vous m'obligerez de m'en faire avoir
un, et de me l'envoyer par la première commodité.
Quant au s"' de Vris peinctre, je vous remercie par un million de
foys des caresses et bons offices que vous luy avez rendus et que vous
ne cessez de luy rendre, mesmes de l'advis qu'il vous a pieu me donner
que j'ay esté infiniment aise d'apprendre, non sans beaucoup de regret
que le pauvre homme se laisse ainsin emporter, comme font quelques
foys les poètes, en l'admiration de leurs ouvrages, et de leurs heureuses
rencontres de rimes, ou autres cadances, quasi inopinées. 11 faut qu'il
ayt bien change d'humeur, car il estoit merveilleusement humble en
ce pais icy, et d'une conversation doulce et complaisante, quasi comme
celle de M'' Rubens, au reste homme de grande probité et syncerité, et
grandement timoré, de sorte que j'aurois peine à me persuader qu'il
se laissast porter à des suppositions. Il m'escript qu'on avoit trouvé sa
manière si approchante de celle de Antoine More, disciple de Titian,
qui vivoit il y a 70 ansS qu'on avoit revocqué en double si le portraict
' Cet dcrivain naqtiil à In Boderie (Cal-
vados) le (jaoût i5/ii ely mourut en iSgS.
Voir sur lui et sur ses deux frères Nicolas et
Antoine le livre du comte Hector de la Fer-
rière-Percy : Les Lahoderie, élude sur uiie
famille normande (Paris, iSSy, in-8°). Voir
spécialement sur Guy une dtude de M. F.
Nèvc : Guy le Fèvre de la Ihdei-ie , orienta-
liste et poète, l'un des collaborateurs de ta po-
lyglotte d'Anvers (186a , in-S"). Le Manuel
du libraire ne mentionne pas le petit livret
dont parle Peiresc, mais il n'a pas été oublié
par La Croix du Maine, qui nous apprend
que Topuscuie traduit de l'italien par Le
Fèvre avait ëté écrit premièrement en espa-
gnol par Jean André {Bibliothèque françoise,
édition de 1772, t. I, p. agS).
^ Antonio Moro, selon une note que \eHl
bien me communiquer M. E. Miintz , naquit
a Uli-echt vers i5i a et mourut h Anvers de
1676 h 1578. La Biographie universelle in-
dique des dates bien différentes, i5'j5 pour
la naissance, i5C8 pour le décès. Moro fut
le peintre de Cliaries-Quint et de Philippe IL
Il excella dans les portraits. Le Musée du
Louvre en [wssède deux de cet habile artiste.
(Voir le Catalogue de f Ecole flamande.)
Moro, que Ton trouve en Italie du mois
16 LETTRES DE PEIRESC [1629]
de son frère n'esloit point de cette main là. Mais il m'allègue en tes-
moings deux peintres bien galants hommes que j'ay veus icy, qui le
cognoissent luy et son frère utérin qui est représenté en ce portraict.
Bien veux-je croire qu'il l'a si longuement pené\ et tant à son aise,
son frère luy prestant le collet 2, qu'il n'en feroit pas si aisément un
pareil, et de faict il me dict que selon le payement on faict plus ou
moings de travail, et que pour estre payé à la douzaine il ne seroit pas
raisonable d'y apporter tant d'art et tant de soing. M'' Rubens me parle
de luy en une de ses lettres ^ et me dit qu'il a veu de ses portraicts si
exactement ressemblants, et de si bonne manière, qu'il le louoit gran-
dement, ce qui me faict croire qu'il avoit possible veu la personne
mesmes de son frère utérin qui est représentée en ce portraict; tant y
a que j'en sçauray la vérité, car j'en feray escrire ces deux peinctres
qu'il m'allègue. Et quand cette pièce ne seroit pas de luy, tousjours
seray je bien aise d'avoir de sa main le portraict de M, Saulmaise"
et quelque autre comme il m'a promis, et me contenterois bien
de la bonté de la manière qu'il avoit autres foys icy, à plus forte raison
s'il l'a bonifiée comme il dict. Aydez moy envers M"' de Saulmaise pour
luy faire donner le temps, et prester le collet. Et s'il faict M"' Grotius ,
je le prieray de m'en faire une coppie, car celuy que j'ay^ ressemble si
peu à mon gré que j'avois peine de le recognoistre quand je le receus.
d'avril i55o au mois de novembre i55i,
ne fut pas disciple du Titien , comme l'écrit
Peiresc; mais il copia d'une façon excellente
pour Philippe II la Danaéde l'illustre peintre,
et c'est de là sans doute, selon l'opinion de
M. Miintz, que vient la qualiOcation d'élève
(lu Titien.
' Sous le mot peitter pris dans ce sens
qui a toujours été peu usité, Littré n'allègue
aucun écrivain et se contente de donner un
exemple général : Ce peintre peine beaucoup
ses ouvrages.
' C'est-à-dire l'aidant. Peiresc , on le voit ,
emploie celte locution dans un sen» tout
contraire au sens lia bituel , lequel est celui-
ci : se présenter pour lutter, être prêt à ré-
sister à quelqu'un, à disputer contre lui.
Voir dans le Dictionnaire de Littré trois
phrases de Bussy-Rabutin , de Molière et de
Destouches où prêter le collet reçoit cette
dernière acception.
' Cette lettre ne nous a malheureuse-
ment pas été conservée.
' Il a déjà été question du portrait
de Claude de Saumaise dans le tome I,
F- 77-
' Voir au sujet du portrait de Grotius
la page citée dans la note précédente.
H
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. !7
Mais j'ay trouvé bien estrange sa prétention de faire aller M"" de
la Ville aux Clercs' chez luy pour se laisser peindre, j'aymerois
mieux n'avoir poinct de portraict de mes aniys que de leur pro-
curer une telle importunité ou servitude, je luy en escripls mon
sentiment, et que je me contenteray plus tost d'un simple premier
Iraict de ressemblance que de leur imposer cette servitude. Au
reste il m'escript avoir nouvelles d'Anvers qu'on y avoit recouvré
pour moy un exemplaire du livre de la maison de Lynden* avec
quelque portraict qu'on luy debvoit bientost envoyer et qu'il es-
toit en peine de me le faire tenir; je luy mande qu'il vous remette
le tout en main et que vous me ferez la faveur de prendre ce soing.
Quand vous le verrez, je vous prie de l'en semondre, et de le
faire retirer, attendant qu'il se puisse restablir quelque commerce
sans passer par Lyon. J'attendray impatiemment cez notes de
M' Hcinsius ' sur le nouveau testament *, car ce qu'il a faict sur
le Nonnus avec tant de modestie m'a infiniment agréé ^. Son Ovide
et son Horace ne pourront estre que trez bons*, tant soit peu qu'il
y ait contribué du sien, quand ce ne seroit que le choix des meil-
leures entre diverses leçons, ou la correction de l'ouvrage et netteté
de l'édition.
J'ay veu le cathalogue des libvres m[anu]s[crit]s que le s'' Franc.
Bravo a baillé à M"" Rigault où il y a bien des pièces curieuses et im-
portantes, ce semble, mesmes le Fecundus Hermianensis dont il a
fourny la coppie, mais pour mon goust de moy, qui ne puis pas tant
bien me servir des meilleurs libvres, je vouldrois bien avoir veu cette
' Sur Antoine de Loménie, sieur de la ' Danielis lletnsii Aristarchng Saeer, tive
Ville-aux-Glerc8, voir t. 1, p. 56. ad Nomi in lohannem metaphrasin exercita-
'' Aiinales /rénéalogtques (le la maison de tiones (Leyde, 1697, in-8°).
Lynden, pni' F. Ghiistopiie Buikens, An- ' L'Horace et VOvide attendus par Pei-
vers , 1 6a 6. resc parurent en 1 6a 9 ( Leyde , in- 1 6 ). Déjà
' Sur Daniel Heinsius, voir t. I, p. 8.34. Heinsius avait publié dans la même ville.
' L'ouvrage ne parut qu'api es la mort en 161a, une édition in-8° d'Horace qui
de Peiresc : Exercitationes sacrce ad Noviim avait été fort critiquée.
Teslamentutn (Leyde, 1689, in-foi.).
f8 LETTRES DE PEIRESC [1629J
histoire ecclésiastique de Menegaldus puiscp'il a manié le Trogus, et
qu'il en a vraysemblablement conservé quelques fragments autres que
ce que nous en a donné le Justin.
Cez etyinologies aussy d'Orion grammaticus^ ne pourroient estre
que de bon usage. Et cette histoire de Philostorgius de Photius^ en-
semble cez autres pièces de l'histoire coustantinopolitaine de Briamius
et de Nicephore Blemniydas^. Gomme j'escrivois la présente on m'a
apporté de la poste vostre despesche du 1 5'™' soubs une enveloppe de
M*" Jacquet du ^h""" passée par le vinaigre, mais Dieu mercy il n'y a
rien de si gasté qu'il ne puisse bien servir. Celuy qui a accoustumé
d'estre au bureau pour la santé, et qui sçait mon humeur, ne s'y est
pas trouvé par malheur, car la cotte du doz de vostre pacquet de-
voit empescher la puriflcation du vinaigre; on y a voit joinct au bureau
de M'' de Fetan un pacquet de Lyon qui a esté cause de ce desordre.
Je luy veux mander de faire mettre soubs enveloppe séparée ce qui
viendra de Paris. J'ay grande appréhension que cez changements ne
desgoustent M'' Jacquet, à quoy beaucoup d'honnestes gents feroient
grande perte.
Voila quasi tout ce à quoy escheoit principalement responce sur
toutes voz lettres, si ce n'est que je crains d'avoir oublié de vous
accuser la réception de la boitte de cire d'Espagne, et de tout ce
que vous aviez faict bailler au petit courrier du païs. Vous remer-
ciant de rechef de tant de soing et de tant de belles curiositez et
m[anu]s[cri]tes et imprimées dont nous ne vous sçaurions rendre aul-
cune revanche qui vaille. Et je suis constrainct de clorre pour le
' Lexicographe grec, né à Thèbes en
Egypte dans le v' siècle après J.-C. Son
Etymologicum a été publié par Sturz dans
le recueil des Elymologica , dont il forme le
3' volume (Leipzig, 1820, in-/i°).
^ L'extrait de ÏHisloire ecclésiastique de
Philostorge (nd en Cappadoee dans le iv*
siècle après J.-C.) que nous a conservé Plio-
tius fut publié par J. Godefroy (Genève,
i643 , in-4°), et de nouveau, quelques an-
nées plus tard, pr Henri de Valois (Paris,
1673).
' On a publié quelques pages de cet écri-
vain ecclésiastique du xin' siècle ( Recueils de
Raynaldi, de Léo Allatius, etc.). Plusieurs
autres ouvrages de Blemmidas existent en
manuscrit dans les bibliothèques de Munich,
de Paris et de Rome.
[1629] AUX FRERES DUPUY. 19
présent, on continuant mes voeux pour vostre santé et contentement,
demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obligé serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce 3 febvrier lôag.
Mon frère est en Arles depuis quelques jours; je l'attends à mardy
procliain Dieu aydant. Il vous est trop obli{jé et à M"" vostre frère de
riioiuieur de vostre souvenir comme je suis aussy et de l'espérance que
vous me donnez de la participation de ces belles inscriptions antiques
nouvellement recueillies par Dom Du Puy.
Celles d'Arundel debvroient bien sortir de quelque coing. Je plains
infiniment le pauvre P. Goulu'. Ce bref avec la clause Dummodo recédai
à vulgari schismate facuUalts est bien estrange, et s'il s'en void de coppie
je la verrois bien volontiers. Je m'en vay voir M"" Bide dont je viens
d'apprendre l'arrivée. M"' le mareschal d'Estrée revint devant hier au
soir en cette ville et alla incontinant rendre sa visite à M. le premier
présidant qui l'avoit veu à son retour d'Arles; mais il estoit passé oultre
à Marseille.
J'entends qu'il se trouve là des curieux qui ont coppie de diverees
pièces curieuses de la façon de fra Paolo Servita^. Mesmes une sienne
version des cantiques, quelques pieux discours familiers, recueillis par
de ses amys, et plusieurs epistres mesmes à des persones qualifiées
de delà. S'il s'en pouvoit avoir des coppies vous m'obligeriez bien de
me les faire faire par quelque coppiste.
Comme aussy de quelques petits traictz de Scaliger qu'on dict se
trouver pareillement sur quelques chappitres du Daniel et du Job, si
cela se trouve en main de voz amys'. On m'a dict que vous avez faict
' Voir, sur Dom Jean Goulu , le tome 1 ,
p. 177. Peiresc venait d'apprendre la nou-
velle de la mort du gdndial des Feuillants,
mort urrive'e à Paris le 5 janvier i()si<).
' Sur Fra Paolo Sarpi , voir t. I , p. 98 ,
55, etc.
' Aucun de ces traités n'est signalé dans
le Joseph Jusius Scaliger de Jacob Bernays
3.
20 LETTRES DE PEIRESG [1629]
bailler l'armonie céleste de feu M' Aleaulme ' au s' Hardy commissaire
au Chastelet^pour la faire imprimer. J'en sçauray volontiers la vérité^
Il s'esloit veu une lettre du roy à M. de Crequy du i Janvier pour
faire mettre en liberté la connestable , on dict qu'il y a eu arrest du
conseil du 17™"= Janviei", pour son eslargissement formel. Vous verrez
icy les arrests dudict conseil contre nous et contre Mess" des comptes.
On dit qu'ils avoient esté résolus bien plus fulminants, mais que cela
fut modéré. Je me conjouys avec vous de la publication des conciles
du P. Sirmond, et vous ay bien de l'obligation de la reserve qu'il vous
plaict me promettre d'un exemplaire en fin papier. Je vous prie d'en
faire autant du Solin de M'' Saulmaise.
Je vous avois prié de me .mander si les notaires apostoliques de
Paris ont aulcuns privilèges, enquerez vous en, je vous supplie, et s'il
s'en trouve rien d'imprimé, faictes moi la faveur de me l'envoyer au
plustost que vous pourrez *.
(BeHin, i855, in-8°), ouvrage très exact
au point de vue bibliographique et où un
chapitre spécial est consacré à Ja critique
ecdésiasûque {Ecclesiastische Kriltk) dans les
œuvres du grand philologue.
' Surle mathématicienJacques Alleaunie,
voir t. I, p. 3io.
"^ Claude Hardy, fils de Sébastien Hardy,
receveur des tailles au Mans, naquit dans
cette ville; il fut d'abord avocat au parle-
ment de Paris : il acheta bientôt une charge
de conseiller au Châtelet; il mourut le 5 avril
1678. 11 fut l'intime ami de Descartes, de
Gassendi, de Huet qui l'a beaucoup loué
dans ses Mémoires. Il fit imprimer en i6q5,
in-i°. Les questions d'Euclide(Data Euclidis),
avec les Commentaires du philosophe Marin.
Voir Histoire littéraire du Maine, par B. Hau- '
réau, seconde édition , t. VI , 1 878, p. 72-76.
^ Hardy ne fit jamais imprimer ï Harmo-
nie céleste.
' Vol. 717, fol. 6.
H
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
21
IV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
BUE DES P0ICTEVIN8 PREZ SAINT ANDBI^ DBS AHTZ, CHEZ H' DE THOD.
À PARIS.
Monsieur,
La despcsclie est demeurée quelques jours icy pour attendre quel-
ques resolutions que vouloit prendre M"" le Mareschal d'Estrée avec les
gents du païs, sur le passage des trouppes qui viennent du Hault Lan-
guedoc et du païs suspect de maladie, lesquelles on expose en une isle
de S** Marguerite, prez Lyrins', pour quelques jours de quarantaine,
sans les laisser communiquer avec ceux de cette province. Comme
aussy pour l'embarquement et charroy de grande quantité de bled et
de munitions, qui suyvent l'armée, ce qui s'est résolu ce jourd'huy.
M' Sanguin '^ qui passa en poste samedy, portoit des ordres si précis
de passer en quelque façon que ce fust, soit que M"" nostre gouverneur
fust présent ou non, remettant à son arbitrage de passer ou non,
qu'il fut grandement surprins, et parla cathégoriquement qu'il iroit
quoy qui peust arriver. Et c'estoit pour cela qu'il avoit désiré de
voir M"' le Mareschal dimanche, qui s'y en alla, et en revint hier
au soir ayant aujourd'huy disné chez M'' le premier présidant d'Op-
pede. Et le s' Bide y est arrivé de Marseille à l'heure mesmcs qu'ils
s'alloient mettre à table tout à temps pour estre de la partie. A ce soir
j'ay eu l'honneur de le voir et de le sallûer de vostre part; il se lotie
' L'ile Sainte-Marguerite fait partie des
îles de lidrins, vis-h-vis de Cannes (Alpes-
Maritimes).
' C'était Charles Sanguin, alors gentil-
homme ordinaire du roi et plus lard son
maître d'hôtel (i6,3o). Il fut renvoyé de la
cour en 1 638. Voir les Mémoires de Bassom-
picrre (t. IV, p. aSg). On trouve une anec-
dote sur Sanguin dans Tallemant des Réaux
(t. II, p. 93). Ce personnage est souvent
mentionné dans le recueil Avenel (t. II, III,
VII, VIll).
22 LETTRES DE PEIRESC [1629]
grandement de vous, et m'a faict de grandes recommandations de la
part de M' Priandi, à qui je suis infiniment redevable de i'Iionneur de
son souvenir, et de m'avoir procuré la cognoissance d'un si galant
homme. M' de La Falaise s'y est trouvé en mesme temps, qui s'en va
demain en Arles pour les embarquements. Un qui vint hier de Nice
m'a asseuré que les fortifications y vont fort laschement, et que les
soldats y sont en si petit nombre qu'il n'y en a pas 3oo d'extraordi-
naire. Ce qui me faict conjecturer que M"' de Savoye pourroit bien
sinon estre de la partie, au moings se tirer un peu en arrière pour
laisser faire, ce qui ne seroit pas peu. Dieu luy veuille bailler cette
inspiration! M'' Bide n'est pas trop esloigné de cette espérance, je le
serviray de tout mon cœur en tout ce qui me sera possible. Et sur ce
je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
Ce 5 febvrier au soir 1629.
J'ay aujourd'huy escript à Mess. Autin\ Poullain^ et Du Chesne ',
et vous supplie de leur faire rendre mes lettres, et d'en faire demander
la responce. Je prie M' Autin de me faire bailler coppie de quelques
chappitres d'un registre de monnoyes qu'il a , de feu Lautier ", et vous '
supplie de luy envoyer un coppiste, pour les transcrire. J'ay des cop-
pies de quattre ou cinq vieux registres des monnoyes, qui seroient
possible de quelque bon usage, si j'y pou vois adjouster une coppie en-
' Voir, sur Aulin ou Aultin, 1. 1, p. 211.
^ On conserve h Carpentras, dans ie cin-
quième registre des minutes des lettres de
Peiresc, plusieurs lettres à M. Poullain, gê-
nerai des monnaies à Paris, mais on n'y
trouve pas la lettre ici annoncée et qui aurait
été écrite le 5 février 1629. l^es lettres de
ringuimbertine adressées à M. Poullain sont
au nombre de neuf, huit de 1612, la der-
nière de 1619, toutes écrites de Paris. Voir
une lettre de Poullain à Peiresc à la Biblio-
thèque nationale, fonds français, vol. 95^2 ,
fol. 27, écrite de Paris te 28 août i6i3.
' Sur André du Cbesne, voir t. I, p. i5.
* Philippe de Lautier, d'Embrun, qui
avait été général des monnaies de France
dans le siècle précédent.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. M
tiere de celuy du dit Laulhier, mais je ne sçay si ce ne seroit poinct
une demandf! désagréable au dit s' Autin. Bien l'asseurerois-je que
je ne l'imprinierois pas, s'il me permettoit de le faire transcrire, et
que ce ne seroit (juc pour mon usage particulier, pour avoir mieux de
quoy entendre le faict des monnoyes de ce Royaulme. H ne seroit pas
besoing d'y faire dessigner les figures du registre parce qu'elles sont
toutes imprimées en i'espreuve qu'en fit tirer M"" Aulin dont il me
donna un exemplaire. Cependant s'il y avoit moyen de faire transcrire
le registre qu'on appelle Entre deux aiz de la cour des monnoyes, j'en
serois infiniment aise et en ferois bien volontiers la despance. Je crois
qu il a esté desja coppié plusieurs foys, et qu'il se trouveroit de vos
amys qui en auront la coppie, entr'autres M' le Présidant Lauzon',
M"" Poullain et autres. Voyez, je vous supplie, si par quelque moyen
vous le pourriez faire coppier soit sur l'original, ou sur des coppies; en
un besoing, M'' de Lomenie le pourroit bien faire tirer pour l'amour
de vous et de moy, s'il ne le vouloitadjouster à ses recueils luy mesmes
par niesme moyen. Vous verrez une lettre de M' Holstenius^ qu'il ne
fault pas publier, je luy prépare des lettres de recommandations aux
consuls de Levant. 11 eu fauldroit du roy à l'ambassadeur qui fussent
de bonne ancre ^.
' M. de Lauzoïi est très souvent men-
tionné dans le recueil Aveiiel. Voir passim
t. II , III , IV, V, VI , VII et VIII. Nous retrou-
verons plusieurs fois son nom dans les let-
tres suivantes. Le registre VI des niiimtes de
Peiresc à la bibliotliè({uc de Cai'pentras con-
tient (fol. 789) une lettre à M. le président
de Lauzon écrite d'Aiv le 6 février i633.
'' Sur Luc Holstenius, voir I. I, p. ôg,
453, etc.
" L'expression écrire de bonne encre est
dans ['Histoire universelle d'Agrippa d'An-
bigué. — Vol. 717, fol. 10.
24 LETTRES DE PEIRESC [1629]
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
ROE DES POICTEVINS DERRIÈRE SAINT ANDRÉ DES ABTZ, CHEZ m' DE THOU.
A PARIS.
Monsieur,
Vostre lettre du 2 Janvier me fut envoyée de Marseille cez jours
passez de la part de M"' Bide, et le jour mesme, mon frère De Vallavez,
qui se trouvoitlors à Marseille, l'allà visiter de ma part, pour sçavoir
si ce n'estoit pas luy qui s'estoit chargé d'un pacquet vostre selon l'ad-
vis que vous nous en aviez faict donner par la voye de M' de Fetan,
et luy offrit toute sorte de service et pour luy et pour moy. M' Bide
luy dict qu'il me l'avoit envoyé et qu'il s'en debvoit incontinant venir
icy où je l'avois attendu en bonne dévotion, pour luy faire mes com-
pliments de vive voix, et pour luy tesmoigner combien vous pouvez
sur moy et sur touls les miens. Il ne vint qu'hier fort tard, et dès que
je l'ay sceu à ce matin je le suis allé trouver avant qu'aller au palais,
il n'estoit pas levé et je l'eusse attendu sans que pour une affaire qu'il
m'avoit envoyé recommander je suis entré en la chambre, et l'ay faict
passer à son contentement. A l'issue je pensois l'aller voir, et j'ay trouvé
un des siens en chemin qui me venoit faire des excuses de ce qu'il
avoit esté constrainct de repartir en poste sur le passage d'un courrier
du roy. Et de faict M"' le Mareschal d'Estrée qui estoit icy pour quel-
ques jours, s'en rêva' demain du grand matin à Marseille, pour re-
venir icy souper le mesme jour, aprez avoir conféré avec M' de Guise
des ordres nouveaux qu'il a eus du Roy. Possible que le dit s' Bide re-
viendra avec luy, et je rechercheray tous moyens de le servir, pour
' Ce synonyme de s'en va de nouveau a-t-il été ailleurs remarqué? Je n'en trouve pas
mention dans nos dictionnaires.
%
[1629]
AUX FRÈRES DUPUY.
25
l'amour de vous, et de M' Guiscardi, et pour l'amour de luy. Si j'en
rencontre des occasions, vous en entendrez les effects Dieu aydant. H
ne m'a poinct laict rendre de lettre de M'' Priandi, mais je ne laisray
pas d'agir en tout ce que je pourray, et de servir M"" Priandi si je
puis de toute mon afFection, vous l'en pouvez asseurer. Au reste le
Tertullian de M"' Rigault est arrivé en trez bon estât sans passer par
le vinaigre. J'ay trouvé grandement belle son epistre au cardinal de
Richelieu, non seulement pour les félicitations de l'Iieureux succez de
la guerre de la Rochelle, qui ne se pouvoient faire de meilleure grâce
que cela, mais aussy pour les interprétations qu'il y a faictes de la
préface de ses observations laquelle en est bien meliorée à mon advis.
C'a esté de la peine à M"" Rigault de reparler une seconde foys de ce
qu'il avoitdesjasi dignement traicté. Et je recognois bien que je suis
cause en partie du soing qu'il en a prins. Mais je n'en suis pas marry
et crois bien qu'il en est maintenant bien aise luy-mesmes, puisque
par ce moyen il contente tout le monde, et prévient tout prétexte de
sinistre interprétation. Et je trouve que cez derniers éloges qu'il donne
à Tertullian sont grandement advantageux pour sa mémoire, voire
plus obligeants que les précédants, espérant qu'ils seront encore mieux
prins d'un chascun. Son inscription pour la réduction de la Rochelle
ne se peult assez extoller' à mon gré; j'envoyay au cardinal Barberin,
par la dernière commodité, l'exemplaire qu'il m'en avoit envoyé luy
mesmes, et si j'en eusse eu une douzaine d'exemplaires, je les eusse
envoyés en bon lieu. Je vous prie de nous en faire envoyer, ensemble-
de son epistre liminaire au cardinal de Richelieu, pour en faire part à
noz amys.
M"' le Mareschal d'Estrée faict tout ce qu'il peult pour liaster les
trouppes qui doivent passer les monts, tant pour les levées qui se
iont en cette ville et en divers autres endroicts de cette province, que
pour le passage de celles qui viennent du Languedoc et du Daulphiné,
' Le verbe exloller, du latin exloUere, est iadiquë comme vieux par ie Dictionnaire de
Trévoux. Le mol ne figure pas dans le Dictionnaire de Richelet.
lirilMtlK NAtlOIAU.
26 LETTRES DE PEIRESC [1629]
lesquelles descendront par la rivière jus(|ues à la mer, où l'on les em-
barquera sur des navires ou autres barques de mer, toutes celles du
Martigues ' et autres lieux de la coste ayant esté arrestées pour cet
effect; la cavallerie est desja descendue prez d'Avignon, d'où elle
prend la traverse du Conté Venaissin , bien prez des lieux infectez de
la maladie, pour passer par Apt'S sur le pont de Sisteron\ et de là
se rendre vers Antibe \ Car en ce temps le passage des barques de
la Durance seroit grandement incommode, et cependant on espargne
les principales villes du coeur de la province , au cas que les trouppes
laissassent du mal en passant quelque part, ce que Dieu garde.
11 est desja arrivé en Arles grande quantité de bleds et de mu-
nitions pour toute l'armée, descendues par eau à travers le canal de
la rivière de Saône qui passe par Lyon. Dont l'allarme est bien
grosse de touts cez peupples icy, estant malaisé de croire que ceux
qui estoient sur cez batteaux ayent peu s'abstenir de frequanter avec
ceux de Lyon en passant*. Dieu nous veuille bien garder, nous en
avons bon besoing en ce païs. Vous verrez coppie d'une lettre du
Roy à M' de Grequy pour l'eslargissement de M*^ la Connestable. On
dict qu'il y a eu un arrest du conseil sur le mesme subject et qu'il est
arrivé un exempt à Grenoble pour l'aller eslargir et que M' de Grequy
avoit voulu remettre à l'arbitrage de M'' le premier Présidant touts les
différants qui pouvoient estre entr'eulx. Ge que ceux de sou conseil
d'elle n'ont pas voulu accepter qu'elle ne fust actuellement remise
en plaine liberté. On nous [fait] espérer bien tost le Roy à Valance*^.
' Aujourd'hui les Martigues, chef-lieu
de canton de l'arrondissement d'Aix, à
ko kilomètres de cette ville, à 38 kHoraètres
de Marseille.
■ Chef-lieu d'arrondissement du départe-
ment de Vaucluse,à 55 kilomèti-es d'Avignon.
' Chef-lieu d'arrondissement du départe-
ment des Basses-Alpes, à /io kilomètres de
Digne, au confluent de la Durance et du
Buech.
' Chef-lieu de canton des Alpes-Mari-
times, arrondissement de Grasse, à 2.3 kilo-
mètres de Nice.
' Bassompierre , qui avait passé à Lyon
le 12 février, note que la peste y restoit
violente» {Mémoires, t. IV, p. 4).
" LouisXIIl était parti de Paris le i5 jan-
vier (et non le i6, comme le marque ÏArt
de vérifier les dates); il passa, le i4 février,
à Lyon , et de là se rendit à Grenoble , d'oii
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 27
Nous n['avons] maintenant d'autres nouvelles, et je finis demeu-
rant lousjours,
Monsieur,
vostre trez humble et trez alTectionné serviteur,
DE Peuiësc.
A Aix, ce 3 febvrier 1639 '.
VI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous escrivis fort amplement par la dernière staflette qui s'en
alla vers vous. Celle qui arriva devant hier m'apporlà quelques lettres,
mais non pas de vostre part, lesquelles ne passèrent par le vinaigre
que pardessus la commune enveloppe. Les trouppes commencent à
passer et faire bien des desordres, Dieu sçait ce que ce sera au passage
du gros. Pourveu que nous eschappioiis de la maladie, tout le reste
sera peu de chose. On dict que ceux de Casai ont faict des merveilles
à une sortie, mais qu'ils sont grandement pressez^. L'exemple des
Roclielois leur doibt fournir tant plus de persévérance et de patiance
en leurs nécessitez. Un messager extraordinaire de Gènes vient de pas-
ser qui m'a laissé afl'orce lettres de Rome, mais on ne me donne pas le
il alla, le 6 mars, hëroiquement forcer en
personne les barricades du Pas de Suse. Il
ne se rendit îi Valence qne plus tard. Voir
Lettre du roi à M. d'Haliiicourt , sur son dé-
part de la ville de Suie pour venir à Valence
(07 avril). Paris, J. Martin, i6:j<), in-8°.
' Vol. 717, fol. 11. La ilate du 3 fc'vrier
est très distinctement inscrite au bas de la
|)résenle lettre, mais comme il est très pro-
bable que l'eiresc, qui avait déjà écrit à
Dupuy une assez longue lettre ce jour-
là (n° III), n'en a pas ëcril une nouvelle
le même jour, nous devons considérer le
chiffre 3 mis ici comme un lapsus et le rem-
placer par un chiffre plus vraisemblable,
tel que 6 , 7, 8 ou 9 février.
' Le siège lut levé sur la nouvelle de
l'approche des Français (ao mars).
4.
28
LETTRES DE PEIRESC
[1629]
loisir de les lire pour voir s'il y a rien de digne de vostre entretien ; j'ay
ouvert par hazard une lettre de Dom Du Puy vostre frère. J'en ay en
mesme temps ou peu auparavant receu par la voye de Grenoble de
la part de M' Godefroy * qui m'a retenu le Scaliger De emendatione
temporum^ et le Concile^ avec quelques autres pièces de mes précé-
dants mémoires* dont je luy ay bien de l'obligation. Il se plaint un
peu de ce que cez messieurs de Paris l'oublient, n'ayant poinct en-
cores veu le Tertullian de M' Rigault. Et je trouve qu'il a raison. S'il
y avoit moyen que vous m'en fissiez tenir deux ou trois exemplaires,
vous m'obligeriez bien , car je ne m'en puis deffendre de divers en-
droicts d'où il m'est demandé avec grande instance. Si vous prenez
de ceux du petit papier et les faites ployer et battre médiocrement, il
en pourra bien venir une coupple à la foys, et les faire mesmes rogner,
pour diminuer daultant le pacquet, encore qu'ils courussent fortune
dépasser par le vinaigre, patiance, il suffît de les envelopper dans
un bon cartoncin (?), et y faire coller l'enveloppe pardessus, car
on se contentera, au pix, de le tremper superficiellement. Et s'il y a
moyen d'avoir aussy quelqu'autre exemplaire de ce panégyrique de
Sillon ^, vous ne me ferez pas une petite faveur et à mes amys qui
s'y attendent. Excusez may de cette importunité et de la presse qu'on
me donne qui me constrainct de clore demeurant tousjours,
Monsieur,
vostre trez bumble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce XI febvrier 1629.
' Sur ce Godefroy (Jacques) , qui habitait
Genève pendant que son frère Théodore ha-
bitait Paris, voir 1. 1, p. 55.
' Opus de emendatione temporvm : addita
veterum Grœconon fragmenta selecta (Ge-
nève, 1629, in-fol).
•* Probablement quelque réimpression de
Vhtoria del concilio tridentino de Pietro Soave
Polano (pseudonyme de Paolo Sarpi), dont
la première édition avait été donnée h Londres
en 1619.
* Les mémoires des livres à acheter pour
le compte du plus fervent des bibliophiles.
' Sur l'académicien Jean de Silhon , voir
t. I, p. 177, 495. Voici le litre complet du
panégyrique dont veut parler Peiresc : Pa-
négyrique à Momeigneiir le cardinal de Riche-
lieu, sur ce qui s'est passé aux derniers troubles
[1629] AUX FRERES DUPUY. 29
Depuis avoir escript j'ay leu quelqu'une des lettres de Rome,
cntr'autres des vers de M' Aleandro ' qui me semblent bien gentils
sur la Rochelle '^ et une relation des cérémonies dont vous aurez coppie
à tout hazard en cas que ne les eussiez apprinses si particulièrement,
où vous trouverez quattre vers du pape sur le mesme subject' et au-
rez le dernier règlement de la santé.
Vous accepterez la bonne volonté et M' Du Pu y vostre frère que je
révère comme je doibs. J'attends impatiement quelque bonne espreuve
de l'epistre liminaire du Tertullian de M' Rigault et croyois bien la
trouver dans la dernière despesche qui me fut apportée de vostre part.
Je vous recommande la lettre de M'' Guiltard,*.
VU
\ MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
' RUE DES POICTEVINS DERRIEAE SAINT ANDBÉ DES ARTZ , CHEZ M' DE THOU,
À PARIS.
Monsieur,
Nous avons aujourd'huy receu par la stalTette vostre pacquet du
1 3 Febvrier avec une lettre de M"" de Fetan du a a Febvrier, qui nous
de France (Paris, T. du Bray, lôag, iQ-4").
La pièce est datée du ao décembre iGaS.
' Sur Jérôme Aleandro, voir t. I, p. Go,
6i.
' La petite pièce d'Aleandro (c'est un
dizain) est intitulée : LudovicoXIlI , Gallia-
rum reffi Chrislinnissimo , de Rupella recopia
et data Rupellensibim renia, Uieromjmus
Aleantler. On la trouve h la Bibliollièijun de
Carpentras dans le registre XXXVII de la
Collection Peiresc, fol. 5i.
^ Les vers d'Urbain VIII sont reproduits
au fol. 5 1 vei-so du registre qui vient d'être
mentionné dans la note précédente. Le pape
est très gracieux pour Louis, et il rapproche
de son surnom de Juste le surnom de Vic-
torieux :
Fortis cum justi nomine nomen babe.
Rappelons cjue le souverain pontife avait
célébré aussi en prose la prise de la Ro-
chelle : Bref de N. S. pire le pape au roi,
sur la prise de la Rochelle; arec la traduc-
tion en/rançoi's(a8 novembre i6a8). Paris.
E. Martin, iCag, in-8°.
• Vol. 717, foL 14.
30
LETTRES DE PEIHESC
[1G29]
donne advis de son retour chez lui; il est passé par le vinaigre sur
l'enveloppe, sans qu'il y ait rien eu de gasté Dieu mercy. J\ous y avons
trouvé le livre de Bertius S à l'ouverture duquel je suis tombé sur la
page 2 44 laquelle seule pouvoit bien mériter d'en faire la recherche '^
et quelque simplicité qui prédomine en ce pauvre bon homme, tous-
jours son recueil peult servir de quelque sorte de soulagement aux
curieux de voir les choses qu'il a assemblées. Je vous remercie trez
humblement du soing qu'avez eu de me l'envoyer, et s'il fust arrivé
deux heures plus tost, je luy eusse faict passer les monts à faulte
d'autre nouveaulté. N'ayant osé envoyer par cet ordinaire d'Avignon
le Tertullian de M"^ Rigault, sur la deffance que vous m'en avez faicte
depuis peu, ne cez mémoires de la Royne Mai-guerite parce que j'en
avois eu le premier exemplaire de la part d'une persone qui l'a, je
m'asseure, faict tenir en ce pais là plus tost qu'en celui cy.
Le s' Bide nous rendit dernièrement, avec une lettre de M' Priandi
de Grenoble du 17, voz deux pacquets du 9 Febvrier, oii nous trou-
vasmes cez trois ou quattre pièces bien curieuses tant des dicts mé-
moires et opuscules de Picherel ^ et de la vie de ce cardinal Alborno en
' Sur Pierre Bertius, voir t. I, p. 5. Le
livre dont veut parler le correspondant des
frères Dupuy est celui (]ue le cosmographe
et historiographe du roi composa à l'occasion
de la construclion de la digue par laquelle
Richelieu fit fermer le port de la Rochelle :
De uggeribus et pontibus hactenus ad mare
exstructis digestum novum (Paris, 1629).
L'ouvrage a (!té re'impriraé dans le Thésau-
rus antiquitatum romanarum.
* On trouve à cette page une lettre du
cardinal de Richelieu à l'auteur. Cette lettre
en langue latine [Ad P. Bertium, geogra-
phum et professorem regium), écrite en jan-
vier 16a 9, a été réimprimée par Avenel
(t. VII, p. 696).
^ Pierre Picherel est un savant du xvi'
siècle que les recueils biographiques de
notre temps ont oublié. Il naquit près de la
Ferté-sous-Jouarre et mourut en iSflO dans
un prieuré dépendant de l'abbaye d'Es-
somes. C'était un docte humaniste et aussi
un hébraïsant, ce qui lui a valu une place
honorable, comme dit le Dictionnaire de
Morért, dans le Gatlia orientalis de P. Colo-
miès. Il est même queslion de Picherel dans
la Bibliothèque sacrée du P. Lelong et dans
les Mémoires du président de Thou, lequel
rapporte que le jour où il alla le voir, le
vieillard (alors âgé de soixante-dix-neuf ans)
avait étudié pendant quatorze heures. Les
opuscules théologiques de Picherel, écrits
en latin, furent recueillis par André Rivet,
théologien de Leyde, et imprimés en cette
ville (1639, in-ia).
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 31
François', que de ce wrantl edict du i5 Janvier, dont le dict s' Bide
Icsmoijjna d'avoir si (jrande envie, et si grand besoin^ pour s'instruire
de la l'onction de sa charge d'Intendant parmy la milice, que je le luv
bailiay de bon cœur sans en voir que deux ou trois articles, et ne s'en
est veu aulcun autre exemplaire jusques à ce jourd'huy que M' le Pre-
mier présidant en a receu un par la staflette qu'il m'a promis me faire
voir si tost qu'il l'aura parcouru, de sorte que vous nous obligerez bien
de nous en envoyer un autre exemplaire, tel que vous pourrez, si n'en
pouvez avoir do cette première édition. Geluy qui a envoyé à M"" le
premier Présidant le sien, dict qu'il y a voit soubs la presse un livret
de modifications telles que le parlement jugeoit y pouvoir escheoir, qui
mériteront bien d'y estre joinctes, sf cela est vray, comme il ne seroit
pas tant incompatible, puis qu'on l'a voulu imprimer avant qu'il fust
vérifié selon les formes accoustumées.
J'avois auparavant eu par une précédante stalfette voz despesches
du 2i, 26 et 3o janvier toutes ensemble, bien conditionnées et par
consequant touts les livrets et papiers qui y estoient joincts, qui sont
en tel nombre en toutes, et de si hault goust la plus part que je ne
vous sçaurois exprimer les obligations que vous accumulez à toutes
heures et à tous moments sur nous.
Je fus si malheureux lors de l'expédition de la dernière staffette que
M'' le Mareschal d'Estrée et M'' le premier Présidant en firent anticiper
le départ d'un jour et demy sans que j'en feusse adverty, de sorte que
vous aurez esté longtemps sans recevoir de mes lettres, non sans un
grand reproche sur moy, car elles ne vont que de i5 en i5 jours,
dont l'interstice '^ est bien long et faicl on icy ce qu'on peult pour les
faire remettre à une foys la semaine.
Au reste la dernière foys que je vous escrivis, qui fut le 1 2 Febvrier,
je lus encorcs si malheureux, que venant de recevoir une grosse
La vertu ressuscilée ou la rie du car- nrchevêque rie Tolède, mourut le ai août
ditw.1 Albornoz; sunwmmé père de l'Eglise, 1867.
par de LcsmIo (Paris, 1609, in-S"). ' Nous avons dëjà trouvé (t. I, p. iSg)
Gil Alvarez Carillo de Albornoz, cardinal- - le mol interstice employé pour intefra/fc.
32 LETTRES DE PEIRESC [1629]
despesche de Rome je négligeai de parcourir vistement une lettre que
j'y trouvay sans datte, et que j'estimay sur les premiers mots devoir
estre de plus vieille datte que les autres, bien qu'en effet elle fust plus
fraische de huict ou 1 5 jours. Et aprez le parlement de la staffette j'y
trouvay les nouvelles de l'arrivée de M' de Thou à Raguse en bonne
santé, bien qu'eschappé de deux grandes fortunes, oi!i il avoit perdu son
valet et son équipage, dont je fus grandement mortifié, d'avoir manqué
l'occasion de vous en faire part. Car si bien il y a eu de la perte pour
luy, j'estime le gain si grand, quand on s'en lire la vie sauve, qu'il y
a lieu de s'en resjouyr à bon essiant attendu que ce contentement luy
demeure tousjours d'avoir veu les pais et les singularitez qu'il avoit
tant désiré de voir. Vous aurez maintenant la coppie de l'article le con-
cernant en cette lettre, qui est escripte à mon advis le la ou le
1 9 Janvier qui sont les jours ordinaires qu'on escript de Rome à Gènes.
Je crois bien que vous en aurez eu l'advis d'ailleurs, mais à tout cas
j'ay estimé de vous en debvoir faire part, quand je puis, n'ayant peu
vous envoyer la lettre originale à cause d'un article concernant un
ordre de recevoir quelque partie d'argent et de le faire tenir, qui a
obligé de laisser la lettre à celuy qui y estoit intéressé.
Or pour responce à voz lettres, aprez mille trez humbles remercie-
ments (que je suis constrainct vous réitérer et à Mons. du Puy vostre
frère, tant au nom de mon frère, encores qu'il soit allé à Beaugen-
tier, qu'au mien propre) de tant de belles singularitez dont il vous
plaict nous faire part incessamment, et de la grande peine que vous
daignez prendre à nous escrire si souvent, dont nous ne sçaurions nous
revancher de nostre vie, j'ay à vous rendre conte en premier lieu de
ce que vous desirez tant d'apprendre, pour raison d'Orange', pour
raison de quoy l'on a faict courir icy plus d'une foys les mesmes bruicts
dont vous avez ouy parler de pardela. Mais quand nous le voulusmes
vérifier, nous trouvasmes que tant s'en fault que cela fust vray, qu'au
contraire en ce mesme temps là, il y avoit des commissaires du Prince
' La ville d'Orange (département de Vaucluse).
[1629] AUX FRERES DUPUY. 33
d'Orange dans la ville qui faisoient je ne sçay quelles procédures, les-
quels y ont longuement sesjourni'! et je ne scay s'ils n'y sont poinct
encores. Bien suis-jo Irez asseuré ([ue le Gouverneur y est tousjours',
et qu'il y a la mesnie direction que de coustume, et les mesines com-
mandements, n'ayant poinct ouy nommer ce Latour. Et pour la religion
dudict Gouverneur, je ne puis pas sçavoir s'il se lasse d'estre huguenot
ou non, et s'il a envie de se faire catholique ou non, mais pour le
moings il n'a point encores faict de profession publique de la religion
catholique. Que je ne pense que le Roy teroit trez bien de s'en asseu-
rer s'il pouvoit honorablement, je ne le sçaurois dissimuler scaichant
comme je faicts avec certitude la loiblesse des prétentions de cette
souveraineté, et au contraire les justes raisons qu'a le Uoy de se
la maintenir, à qui que ce soit que puisse appartenir la propriété
du fonds, soit au Prince d'Orange dujourd'huy^, ou à M"^ de Longue-
ville^ ou autres. Et ceux qui conseillèrent au delfunt Prince Mau-
rice*' de refuser l'homage par luy deub au Roy luy firent tort, et à
tous ceux qui auront droict et cause de luy. Car tost ou tard, il
fauldra vuider le diflcrant, et il n'est pas pour competer avec un
Roy de France qui a tant de droict de son costé, et tant de moyen
de s'en faire h croire , et de tirer la raison du tort que ses devantiers
ont souffert si longuement, tandis qu'ils estoient divertis à autres occu-
pations et pensées plus importantes. Et puis que vous dictes qu'on
faict recherche des droicts du Roy, je vous supplie me mander s'il
est poinct sorty de coppie de voz mains, des mémoires que je vous
avois autresfoys baillez sur ce subject. Voire si Quentin en pouvoit
aller transcrire chez vous une coppie sur vostre exemplaire je serois bien
aise que la luy fissiez entreprendre ou à quelque autre, de qui vous
' Sur ce gouverneui', le sienr de Val-
keiubourg, voir t. I, p. 3()0.
" Fmldric de Nassau.
■' Henri II d'Orlëaiis, duc de Longueville ,
naquit le S17 avril i5(>ii, tut gouverneur de
Picardie, comme son père, se distingua
u.
dans les guerres de Franche-Goratë et d'Al-
lemagne , ae se distingua pas moins comme
négociateur à Munster et mourut k Rouen
le 1 1 mai iCti3.
* Le frère et prë<léc*sseur de Fn'tlëric de
Nassau.
tiiriiiaïKic vtrioxiic.
U LETTRES DE PEIRESC [1629]
«eussiez prendre quelque confiance chez vous, car je ne serois pas
bien aise qu'ils en peussent retenir et l'aire courir des coppies, s'il
estoil possible. J'en ay bien encores la minute originale de ma main^
mais plus tost que prendre la peine à la chercher entre mes papiei-s
je payerois volontiers la peine d'un coppiste, si vous l'avez agréable,
et de me l'envoyer, s'il vous plaict, par la staffette, bien enpacquetté,
à diverses foys s'il ne peut venir en une seule ^.
J'ay veu dans un mémoire de Celierier un petit livret in quarto de
deux feuilles seulement intitulé lingua Samaritana; s'il s'en trouve
d'autres exemplaires, je vouldrois bien en achepter trois ou quattre pour
en envoyer à mes amys et qu'il vous pleut me les envoyer dans un pac-
quet de lettres. Comme aussy verrois je bien volontiers dans un pacquet
s'il peult venir ployé in k° seulement, le Tarich de Perse ^, pour le
joindre à un discours d'Abbas le Persan, qui règne encor aujourd'huy \
si j'v trouve aulcun rapport de l'un à l'autre. Il a esté imprimé à Ve-
nize et est intitulé Délie conditioni [sic) di Abbas Re di Persia di Pietro
délia Valle^ 4° 1628. Avec la Généalogie derrière tirée depuis Adam
en 79 degrez de père en fils*^. C'est l'autheur mesmes qui me l'a en-
voyé et je ne l'ay receu que depuis hier, j'ay escript en Italie pour en
avoir d'autres exemplaires. Ce gentilhomme qui estoit> venu de Perse
' Cette minute originale des Instructions
concernant les droicts du Roy en sa souve-
raineté d'Aurange est conservée dans le re-
gistre LXXVIII de la Collection Peiresc,
à Carpentras : elle y occupe les feuillets 187
à 906, lesquels avaient été enlevés de ce
registre et ont été restitués à la bibliothèque
d'Inguimbert à la suite de la condamnation
.de Libri.
.;/';, Une copie des Instructions se trouve
dans le registre LXXVIII , tout rempli de
pièces relatives à la principauté d'Orange.
^ Tarich Fenaï. C'est une histoire (en
langue turque) des anciens rois de Perse,
depuis le règne d'Husheng jusqu'à l'époque
de la conquête arabe. Le Manuel du libraire
ne cite qu'une édition de Vienne, gr. in-4°,
1784-1785.
* Schah Abbas , surnommé le Grand , ne
régnait plus an moment où Peiresc écrivait
ceci. Proclamé roi de Perse en i586 , il était
mort en décembre 1698 et il avait eu pour
successeur, trois jours après sa mort, son
petit-fils Sophi II. Voir VArt de vérifier les
dates, t. V, 1818, in-8°, p. 287-388; La
Perse, par Louis Dubeux, i8ii. in -8°,
p. 355-358.
' Sur Pierre délia Valle voir 1. 1, p. 545.
° L'ouvrage fut traduit en français par
Baudouin (Paris. i63i, m-à°).
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 85
avec ie filz du s' Tanneur l'esté passé m'avoit promis coppie de quelque
chose de semblable, mais il ne s'en est pas ressouvenu, il seroit bon
(lo sçavoir de luy ce que c'est et tascber d'en avoir la veiie. Et s'il estoit
en la mosnie volonté on luy pourroit envoyer un coppiste chez luy, pour
le deschaqjer de ce soinfj ou bien chez le lilz de M' le Tanneur, qui en
aura sans double aultant par devers luy.
J'avois oublié par mesfjarde de vous accuser la réception de la lettre
de M' Ilubens, si vous n'en avez trouvé aulcune mention dans les miennes
comme je pensois avoir faict; il ne m'escripvoit quasi que la mesme
chose que ce que vous m'en touchiez de la vostre, qui fut la cause
possible que je nc(]li{![eay de la vous envoyer; seulement il disoit qu'il
n'y ' trouvoit aulcun curieux de faire des recueils d'antiquitez et que le
Roy'^ aymoit fort la jieinture et le venoit souvent voir travailler au
logement qu'il luy avoit faict donner dans le palais, où il avoit faict un
sien portraict à cheval dont il estoit demeuré bien satisfaict. Et qu'il
s'en venoit à ce moys de mars avec la Royne de Hongrie et faisoit estât
de me venir voir en passant et mes bagatelles ^
J'ay prins grand plaisir de voir les inscripfions de Transylvanie de
M' Grottius cl qui j'ay bien do l'obligation aussy bien qu'à vous de la
libérale connnunicalion qu'il vous a pieu m'en faire. Il seroit fort à pro-
pos qu'on en eust ainsin de tous les pays qui ont esté soubs l'empire
Romain, car on y verifieroit une infinité de belles choses, pour la
cognoissance des vrays noms des lieux et spécialement de leurs colonies
dont les géographes nous laissent si souvent en doubte ou dont ils n'ont
pas mesmes faict mention bien souvent, oultre une infinité d'autres
belles choses qui s'y apjirennent de l'antiquité.
J'ay escript au cavalier Doni" suyvant ce qu'il vous plaict m'ordonner
' A Mndrid , où la lettre ici luenlionnée sucette h son père sur le trône d'Espagne
fut écrite le a dticembre iGaS. Voir la en 169 1, à l'âge de seize ans.
ti'aduction de cette lettre dans Pierre-Paul ' Ce que Poiresc appelait si modestement
Ritheits, documents et lettres publiés et an- ses bagatelles, Rubens l'appelait Vabrégé de
notes par Gli. Uuelens (Bruxelles, 1877), toutes tes curiosités du monde {loc. cit.,
p. 69. p. 70).
' Philippe IV, fils de Philippe JH, avoit ' Jean-Bapliste Doni, né à Florence en
36 LETTRES DE PEIRESC [1629]
pour l'édition des inscriptions qu'il avoit recueillies ', et veux croire
qu'il se laisra persuader de les lascher pour les laisser imprimer en
HolJande avec l'auctarium de Gruterus'^ où l'édition s'en fera sans
doubte plus commodément, plus belle, en plus beau papier et plus
correcte que toute autre part, principalement si l'Elsevir s'y vouloit
intéresser ^. Je pense qu'ils suivront l'ordre et la disposition que feu
M"' délia Scala avoit donné au volume de Gruterus^ et sçauray volon-
tiers s'ils n'entendent imprimer que l'auctarium seulement, ou bien
refaire toute l'édition de Gruterus, ce que j'aymerois bien mieux, afin
que ce fust en bon papier où l'on peust escrire, ce qui est impossible
en celuy de cette Alemagne, qui a esté cy devant employé. J'en ay re-
cueilly quelques unes de cez païs de deçà que je bailleray volontiers,
mais je vouldrois bien , en aydant à la despance, si besoing est, les faire
imprimer en cahier à part, comme on a faict celles d'Espagne , pour
voir tout d'une veiie le rapport des unes aux aultres et servir princi-
palement à la cognoissance des origines de nostre pais. Sauf à cez
Mess" de remettre les mesmes soubs les chapitres de la grosse oeuvre
selon la disposition de Scaliger. A leur volonté.
iSgS, mourut dans la même ville en 16/17.
Il étudia le droit à Bourges sous Cujas, fut
ensuite protégé par le cardinal Pr. Barbe-
rini, qui le logea dans son palais et en fit
son secrétaire pour les lettres latines; il de-
vint aussi secrétaire du Sacré Collège , et il
abandonna la ville de Bome en i6io pour
aller occuper une chaire d'éloquence à Flo-
rence. Voir sur J-B. Doni l'article de Gin-
guené dans la Biographie universelle. Gas-
sendi a mentionné les relations de Doni avec
Peiresc (p. 39/1, année i6a5, et p. 3o8,
année 1607).
' L'antiquaire Antoine -François Gori,
prévôt de la basilique du Baptistère de Flo-
rence, publia en 1781 (Florence, in-fol.)
le recueil d'inscriptions que Doni avait laissé
inédit ( Veierum iiiscripiionum collectio).
"' Sur Jean Gruter, voir 1. 1, p. 768.
' L'Elsevier, comme dit Peiresc , ne voulut
pas s'intéresser à ce projet, car nulle publi-
cation d'inscriptions anciennes ne fut faite
par la célèbre imprimerie. Il fallut attendre
jusqu'en 1707 pour avoir l'édition aug-
mentée et améliorée tant désirée par le cor-
respondant des frères Dupuy ( Amsterdam ,
U vol. in-fol. publiés par Georg. Grœvius).
' Inscripliones antiquœ tolius orbis Romani ,
auspiciis Jos. Scaligeri ac M. lelseri; ac-
cedunt XXIV Scaligeri indices (q vol. in-fol.,
sans date et sans nom de lieu). L'opinion
générale est que le lieu d'impression
fut Heidelberg, mais quant à la date, les
avis sont partagés : Niceron indique 1 60 1 ;
le Manuel du libraire, 1602; Fabricius,
i6o3, etc.
[1629] AUX FRKRES DUPUY. 37
M"" voslre frère Doni du Piiy m'escript que le dict s"" Doni avoit desja
preste son consentement, et qu'il se disposoità moles envoyer, possible
pour faire à la mode de son pais d'une pierre divers coups ', car quand
ils ont résolu de faire quelque chose, ils y demandent par aprez
l'intercession de tous ceux qui leur en pourroient sçavoir gré aupa-
ravant que la conclure comme je l'ay esprouvé une infinité de foys en
practiquant avec eux. A cela ne tienne qu'il ne fasse en cecy tout ce
que vous desirez pour le bien public, et contentement de M' Grolius
et de ccz Mess". Je luy ai escript en termes qu'il aura subject d'estre
content de moy pour ce regard s'il n'attendoit plus que cela ; mais pai-
ceque je cognois bien l'humeur du pais, j'estime que pour l'exécution
finale de ce bon dessain , et pour l'accellerer, il fauldra que M'' Grottius et
celuy qui se charge de l'intendance de cette édition l'en requièrent par
quelque honneste lettre, car je pense qu'aussy tost on luy fera tomber
les armes des mains ^. Il s'est rencontré que nous avions eu cy devant
quelques propos par ensemble et de bouche à son passage par icy \
et par lettres, sur les didicultez qu'il auroit peine de vaincre s'il pen-
soit faire imprimer cela en Italie, et il m'avoil advoiié qu'il n'y vovoit
guieres de remède, et que l'on en viendroit mieux à bout de pardeça.
Il eust désiré le faire à Paris, mais je luy avois faict cognoistre l'impos-
sibilité de le faille là aussy grande quasi qu'en Italie, pour le peu de
courage de noz libraires, de sorte qu'on a trouvé la matière bien dis-
posée quand M"' vostre frère luy a parlé et que vous luy avez faict
l'honneur de luy escrire de laisser faire cela en Hollande, ce que je crois
qu'il désire et passionne* plus que ceux mesmes qui s'en font rechercher.
' Littré, sous le mot pierre, ne cite au
sujet (le celle locution qu'une phrase de Di-
flerot; rrOn a fait d'une pierre deux coups.»
Il serait facile de trouver bon nombre d'au-
tres exemples antérieurs.
' Métaphore à rapprocher du vers de
Malherbe :
De leur inain insolente a fait tomber ic» armes.
' A l'époque (i6a5) où Doni, accompa-
gnant le légat Fr. Barberini, son maître,
reçut l'hospitalité à Aix dans la maison de
Peiresc.
* Littré cite , sous le mot passionner pris
dans ce sens , Mascaron et le duc de Saint-
Simon; il rappelle que Chiillet, dans sa
Grammaire , avait déclaré que ir passionner
quelque chose n'est pas un bon motn.
38 LETTRES DE PEIRESC [1629]
C'est pour quoy je ne doubte nullement qu'on n'obtienne de luy tout
ce qu'on vouldra en cette conjoncture, avec un peu de compliments,
comme je vous ay touché cy dessus.
Pour les livres m[anu]s[crit]s j'ay esté bien aise de voir ce qu'il vous
a pieu m'escrire des sentiments de M*" Saulmaise, et en ce qui est du
Pollux j'avois eu un peu de sa curiosité et en ayant escript à celuy qui
m'avoit donné l'advis des dicts livres, pour le prier de vérifier parti-
culièrement ce quecepouvoit estre, ensemble de quelques autres pièces
dudict catalogue , il m'a faict la responce que vous trouverez cy joincte.
M"^ Piigault a le goust si friand et si délicat qu'il n'estime ce semble rien
l'argent parce que l'or est plus précieux, ne par consequant la chair du
boeuf et du mouton, parce que celle des perdreaux et des chappons est
plus exquise et plus savoureuse. Et toutefoys encores que toutes cez
choses ne contestent poinct la préséance entr'elles selon l'usage de ce
siècle, où elle est assez réglée, si est ce qu'on ne jette poinct l'argent
pour ne garder que l'or, non plus qu'on ne jette pas le lard aux chiens
pour vivre si scrupuleusement de la seule chair du gibier dont on se
lasseroit plustost que du bœuf et mouton, estant bien certain que ce
qui faict trouver le sucre meilleur, est la vicissitude et l'entregoust d'au-
tres choses qui sont aigrettes et de différante saveur. Si touts les livres
estoient d'un mesme style, pas un ne meriteroit de louange pardessus
les autres, et ne sçauroit on que c'est de beaulté de femmes s'il n'y
en avoit que d'esgalement belles.
Quant au Poliœnus j'en ay desja un m[anu]s[crit] assez net que
j'apportay d'Italie. Si M'' Saulmaise ou aultre de vos amys s'en
veulent servir, je le vous envoyeray trez volontiers, et si les livres de
ce catalogue se peuvent recouvrer, ou desmembrer, je ne laisray pas
eschapper celui-là, non plus que tout ce qui est de Proclus que j'avois
destiné à M' Holstenius, lequel a des desseins particuliers sur cet au-
theur.
J'ay bien de l'obligation à M'' l'Evesque d'Orléans» de la double fa-
' Gabriel de l'Aubespine. Voir, sur ce savant prëiat, t. I, p. 99.
[16291 AUX FRÈRES DUPL'Y. 39
veur ([ii'il m'a (laifjn»! faire des deux exemplaires de son livre ', dont
j'ay desja parcouru avec plaisir celuy que vous m'avez faict tenir de
sa part, et faisois estât de vous supplier do m'en retenir un exem-
plaire en blanc pour le faire bien relier, ayant esté bien aise qu'il vous
en ayt baillé luy mesmes un autre en si bon papier et vouldrois qu'il
en eust faict de mesmes d'un exemplaire qu'il m'avoit promis de ee
beau volume qu'il avoit cy devant faict imprimer^, ofi il disoit avoir faict
corrijjer quelques endroicts, j)our les tenir, avec l'honneur et le respect
qui leur appartient, l'un et l'autre, entre les livres curieux. Il fault im-
puter à son bon naturel ce qu'il luy a pieu vous dire de mes services,
car certainement je ne luy ay peu rendre aulcuns eflects qui vaillent,
mais il se paye de la seule bonne volonté comme Monsieur du Puy vostre
frère et vous, Monsieur, qui n'attendez pas seulement que j'apprenne
une des obligations que vous acquérez sur moy un jour, que vous n'y
en adjoustiez une autre dez le lendemain sans que j'ay le moyen ne
l'adresse de sçavoir user d'aulcune revanche qui vaille, ne vous faire pa-
roistre comme il lauldroil au moings ce qui est de ma bonne volonté.
J'eusse esté bien aise de vray que Monsieur l'Archevesque de Thou-
louse eust eu agréable de me despartir un exemplaire de son factum^,
comme il vous a dict, pour le conserver entre les plus curieux papiers
de mon estude où il y en a dont la compagnie ou le voisinage n'eussent
rien desrogé au mérite de son ouvrage. Mais un de ses amys m'escript
qu'il en avoit donné un exemplaire à M' le Prévost Marchier*, et seu-
lement l'avoit prié de me le faire voir, ce que le dict s"' Marchier n'a
pas encore faici depuis son escrire^ bien qu'il m'ayt apporté deux aul-
tres livres assez grossetz venus de Paris dans ses coU'res oultre celuy de
' De l'ancienne police de l'Égline sur l'ad-
ministration de l'Eucharistie. Paris, 1699.
I/oiivrage fiit rëimprimé en i655 (in-ia).
' De veteribus ecclesiœ ritibus (1698,
m-k°).
^ Au sujet de la lutte de Charles de
Montchal contre lo parlomenl de Toulouse,
la Bibliothhque historique de la France ne
signalf! du pn-lat que deux imprimés, Ip .
Journal de l'Assemblée de Mantes et ses Afe-
moires.
' Sur l'abbd Marchier, prévôt de la ca-
liiodrale d'Aix, voir t. 1, p. (j5.
' G'est-h-dire depuis que l'archevêque
de Toulouse lui avait écrit.
ZrO ■ LETTRES DE PEIRESC [1629]
Monsieur d'Orléans que vous luy aviez baillé, lequel il m'avoit envoyé
de Grenoble. Et adjouste de plus celuy qui m'escript, qu'on tient le
factura fort secret, et que l'autheur faict estât de le tenir en cette ré-
putation. Mais si quelque bon gros moine ou quelque fratte^ bien
zeellé en attrappe quelque exemplaire , nous le verrons bien tost entre
les mains des colleporteurs , et encores pensera il avoir faict de quoy se
faire canoinzer, en desrobant cette pièce à son autheur. Possible rae
tient on pour suspect, et Dieu veuille que vous ne passiez dans la niesme
cathegorie, car aulcuns m'ont imputé d'estre trop parlementaire et j'ay
bien recogneu dans l'arrest qu'il vous a pieu m'envoyer, qu'on n'a pas
moings affecté de nous faire le procez à nous autres de pardeça qu'à
Mess" de Thoulouse, et vouldrois bien sçavoir au vray, si le cas estoit
arrivé entre M' l'Archevesque de Thoulouse et M" du Parlement d'en-
trer en contention de tous les chefs qu'on a voulu faire régler, mesmes
pour les rangs des processions derrière le poille , parce qu'icy il y avoit
eu quelque chose à redire sur cela, qui n'avoitpas neantmoings esclatté,
ne paru dans le monde, l'affaire s'eslant estouffée en sa naissance amia-
blement. Et puis que nous sommes sur cette matière je vous prie me
mander si c'est l'usaige de pardelà, et s'il est bien vieil ou récent, que
les prédicateurs preschants devant M"' vostre Archevesque adressent
leur discours, non aux auditeurs, mais au dit s"" Archevesque seul, aussy
bien que quand on presche devant le Roy, ou les Roynes , comme il
fut practiqué l'année dernière en cette ville, sans qu'on s'en voulust
formalizer, bien que ce ne fust pas bien patiemment qu'on le souffrit,
ne avec tant de concurrance que de coustume de Mess" du Parlement,
qui ne voulurent pas, et ne pensèrent pas estre à propos de faire de
contention pour si peu de chose principalement en cette conjoncture
que le desadvantage est si grand de leur costé. J'avois tousjours oublié
de vous en demander vostre sentiment. On trouvoit je ne sçay quelle
incompatibilité pour ce regard en la personne d'un evesque, puisque
celuy qui preschoit allant monter en chaire prenoit sa mission imme-
' Fratte, frère, moine.
[1629 1 AUX FRÈRES DUPUY. ^ AI
diate de luy et sembloit aller porter la parole que l'evesque mesme»
eust deiib annoncer comme souloient faire les anciens prélats et sem-
bloit aussy debvoir parler plus tost do la part du dict evesque à son
peuple et luy faire les ammonitions ' en tel cas requises, que de parler
de son propre chef, et s'adresser au dict evesque si ce n'est par quelque
j)etite dijjression convenable à sa personne et à sa qualité.
Il me reste un autre commandement dont il vous a pieu m'honorer,
pour auquel satisfaire je vous envoyé un extraict de tout ce qui s'est peu
trouver dans le couvent des Cordeliers de cette ville d'Aix concernant
la proffession roligieuse et ecclésiastique de frère Gauchier de Volland,
dont on eust bien eu de la peine de rien trouver sans la recherche qui
en avoit esté desja faicte il y a deux ou trois ans à la requeste d'un
gentilhomme breton qui se disoit son parent, lequel emporta un extraict
pareil à celuy que je vous envoyé, dont un religieux avoit retenu
coppie, que j'ay faict collationner sur l'original, signer par le grelTier
du seneschal et seller du seaul de la dicte seneschaussee en deiie forme,
estant bien marry qu'il ne se soit trouvé rien de plus précis. Mais les
papiers de ce couvent ont esté trez mal tenus. Or il s'est rencontré en
faisant faire cette perquisition que j'ay apprins que cette affaire touchoit
principalement une femme encores vivante , la plus prochaine de parenté
qu'eusse le dict defunct Gauchier de Volland, laquelle, si les biens dont
est question estoient en ce pais, en auroit la succession entière exclu-
sivement à tous les autres parents plus esloignez. Laquelle a un fds fort
honneste homme et fort traictable qui est bien de mes amys, lequel est
honune de party, et possible auroit moyen de faire taire tous les autres
parents et prétendants de ce pais icy, et pourroit prendre la peine de
s'en aller sur les lieux si on vouloit entrer en traicté avec luy. De quoy
j'ay estimé voys debvoir donner advis, afin que vous en puissiez parler
avec celuy pour qui vous avez demandé cette instruction. A quoy je
n'adjousteray autre chose si ce n'est que pour cette succession il y a
' Peiresc ëcrit le mot admonition a peu
près comme l'écrivait Olivier de Serres. De
VAmoiiilion du Théâtre d'agriculture Litlrt!
a rapproché V Ammonissioti d'un écrivain du
xiii' siècle, Beaumnnoir.
42 LETTRES DE PEIRESC [1629]
un procez formé et pendant à Paris, contre Monseigneur le comte de
Soissons, qui s'est saisy des biens comme mouvants de son fief au païs
de Maine, si je ne me trompe, à faulte d'héritiers. Présupposant comme
on dict que ce Gauchier se soit depuis sa profession et ordre ecclé-
siastique marié en ce pais là soubs autre nom et ayant laissé des en-
fants depuis décédez sans hoirs, et sans pouvoir légitimement dis-
poser de ses dits biens au préjudice des héritiers ab intestat. Si j'en
puis avoir de meilleures instructions, je ne manqueray pas de les vous
envoyer, et si vostre amy trouve à propos d'entrer en traicté avec
celuy cy, je tascheray de le servir pour l'amour de vous en tout
ce qui me sera possible et d'employer tout mon crédit de pardeça
pour luy procurer toute la satisfaction que je pourray, et disposer ce
mien amy à tout ce qui se pourra trouver juste et raisonable, et à
toute sorte d'honneste party. J'altendray ce qu'il vous piairra m'en
ordonner.
J'ay esté infiniment aise de voir le mémoire qu'il vous a pieu me
communiquer de la part du s" Diodati, pour les errata de l'édition an-
gioise du concde de Fra Paolo , sur quoy je feray corriger mon exemplaire.
Mais je pensois que ce fussent apostilles de l'autheur qu'il eust adjoustées
sur la dicte édition, de ce qu'il semble que ce ne soient que les faultes
d'imprimerie, remarquées par quelqu'un qui l'aura conférée sur l'au-
tographe sur lequel avoit esté faicte l'édition angloise. Car en effet j'ay
apprins que le dict fra Paolo s'estoit plainct de quelque altération ou
interpolation qu'on y avoit faicte contre son sens et qui faisoit je ne
sçay quelle contradiction importante au fonds, qui estoit ce que j'eusse
bien désiré de voir. Mais tousjours luy ay je bien de l'obligation de
cecy qui rend la lecture de la pièce bien plus facile et plus agréable.
Vous me faictes grande faveur de proffîtter le temps du sesjour
de Quentin pour luy faire coppier cez belles relations italiennes de
M'' de Thou et du cardinal de la Cueva ^ Encores vous doibs je de nou-
' Alfonse de la Cueva, ëvêque d'Oviëdo, de quatre-vingt-ti-ois ans. Il avait été célèbre
de Maiaga et de Paiestrine , devint cardinal en sous le nom de marquis de Bedmar ; anibas-
1622 et mourut en i655, le lo août, âgé sadeur de Philippe III à Venise , il fut , avec le
I
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 43
veaux remerciements du soing qu'il vous a pieu de prendre non seule-
ment de me retenir des livres nouveaux curieux, mais aussy de m'en
envoyer les parties ' tant de Gramoisy que Cellerier, ce qui est plus
tollerable, puis qu'il vous plaict ainsin, leur en laissant tenir les conte-
rolles sur leur libvre courant, que de vous donner la peine et l'im-
portunité de les tenir vous mesmes, comme vous faisiez autres foys, en
quoi vous m'avez infiniment obligé et m'obligerez bien davantage, s'il
vous plaict vous resouldre pour l'amour de moy, quand vous recevrez
de l'argent de ma part,- de le tenir en un sac à part et y en prendre à
mesure que vous m'acheptercz quelque livre en dettail ou que vous
payerez quelque copiste, sans vous mettre en peine d'en dresser des
parties et d'en retenir mémoire, si ce n'estoit de quelque pièce dont
le prix fust si extraordinaire que vous jugeassiez à propos de le faire
sçavoir à l'advance.
M'" Cardon m'escript de Lyon qu'il a receu pour moy les Antigue-
dades de Cadis^, mais je ne suis pas d'advis de le presser de me les
faire tenir que Lyon ne soit achevé de purifier.
M"' Godefroy m'avoit pareillement appresté quelques livres que je
suis bien en peine de faire venir seuremcnt, parce que nous n'avons
pas encores peu restablir le commerce des marchandises avec les pro-
vinces voisines de crainte qu'on y mesle de celles de Lyon. Si le Roy
vient, il fauldra les faire passer comme du train de la cour. C'est pour-
quoy je ne suis pas d'advis que vous m'adressiez mes livres par Lyon,
car tout y demeureroit ou à l'abandon en quelque lieu des chemins. Si
M"^ le Pelletier venoit et qu'il voulut faire passer ma balle comme des
dépendances de ses bardes, il y auroit plus d'espérance de luy faire
avoir entrée. Mais en ce cas il fauldroit prendre certificat à Paris, tant
des officiers du Chastellet que de l'IIostel de ville, de l'emballement
d'icelle et qu'il y fit apposer en divers lieux le scel de plomb du Roy et
ducd'Ossoiie, gouveriieurdeNaples, l'auteur
dfi la conjuration de 1618. On lui attribue
un traité : Squiilino délia lihcrta vciteln , qui
a été traduit par Ainelot de la lloussaye.
' M(*nioires , riMes . et , comme nous disons
aujourd'hui, factures.
^ Ce livre a dëjà été l'objet d'une note
dans le tome I.
6.
44 LETTRES DE PEIRESC [1629]
de la ville de Paris, et qu'on priiit certificats des lieux du passage par
les chemins par où on la conduiroit, pour faire voir qu'elle n'auroit
poinct passé par Lyon, ne par les lieux infectez de la maladie qui sont
entre Vienne et Valance. Et en ce cas on pourroit espérer de la faire
passer jusques icy. Mais tout cela est bien difficile, et au dict cas la
fauldroit adresser à Valance chez M'' Paury ', ou je l'envoyerois prendre.
Il fauldrà attendre ce que le temps pourra opérer, et tousjours vous
demeureray je infiniment redevable, estant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a mai-s 1629.
Vous aurez les nouvelles dans la lettre de M"^ de Lomenie que je le
supplie vous communiquer.
Je vous avois supplié de m'envoyer quelques exemplaires d'un petit
panégyrique du sieur Naudé sur l'antiquité de l'escolle de Paris 8" chez
.Tean Moreau 1628^. Je vous en supplie de rechef, et d'y en adjouster
une coupple de cet autre livret du s' Coecilius Frey\ dont le filtre est
Admiranda Galliarum 8° apud Franciscum Targa, en la sale du palais*.
Ils pourront venir en blanc ployez et battus, dans un pacquet, pour les
envoyer en Italie à des gents qui les trouveront à leur goust, vous
' Ce mol n'est pas lisiblement écrit, et
la forme ici donnée est douteuse.
' De anliquitate et dignilate Scholœ medicœ
parisiensis.
' Jean- Cécile Frey, médecin et poly-
graphe, né à Kaiserstuhl vers 1 58o , mourut
à Paris le 1" août i63i, après avoir long-
temps professé la philosophie au collège
Montaigu. Voir sa bibliographie dans le
tome XXXIV des JWémoire* de Niceron, com-
plétée dans le Morcri de 1769. Jean Bales-
dens a réuni les divers opuscules de Frey en
deux volumes qui parurent à Paris en 1 6tt5
et i646, in-8°. On a une lettre de Peiresc
( Minutes de Carpentras , registre III , fol. 89 1 )
écrite d'Aix le 9 mars 1629 à ^M. Frey.
docteur en médecine à Paris 1. Diverses
pièces de Frey relatives à la Rochelle sont
mentionnées dans le catalogue de la Bi-
bliothèque nationale {Histoire de France,
p. 570, n° 2619; p. 675, n' 9699) : Be-
bellis Rupellœ ruina (1698); Panegyris
triumphaUs (1699, in-i°).
* Le titre complet est celui-ci : Admi-
randa Galliarum compendio indicata (Paris,
i6a8, in-12).
[1629] AUX FRKRES DUPUY. iS
suppliant d'excuser la frcquance de mes importunilez. Vous aurez des
vers de M'' Rcmy sur l'accidanl de i'assablement ' de l'embouscheure du
Var, qui ne sont pas à nejjligcr, ce semble^. Je seray bien aise d'ap-
prendre quel ju{jeinent on en fera, et qu'il vous plaise en envoyer ua
exemplaire au bon P. Vassan •\ et un au bon homme Bertius de ma
part. J'oubliois de vous dire pour les oeuvres de Malerbe que je n'ay
que quelques vers et alTorce lettres siennes qu'il ni'avoit demandées
pour en faire choix, je les chercheray et parleray à Mad. sa femme.
J'escripts à M"' de Lomenie pour un brevet de gentilhomme de la
chambre en faveur du s'' César de Nostradame*. Je vous supplie d'in-
tercéder pour luy et de faire fournir ce qui sera nécessaire à M"" de la
Tremoliere à qui j'en escris un mot, ou à tel autre que vous adviserez
estre plus propre.
J'aurois encore de besoing à mesmes fins d'un petit office de la Vierge
en grec en l'an 1620 chez Jean Hébert.
J'escripts à M"' d'Orléans et à M' le Lectier, vous suppliant de leur
faire tenir mes lettres et de prendre soing de celles du s' Versoris et
du s"" Frey*.
VIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
RDE DES POICTEVINS PREZ SAINT ANDRÉ DES ARTZ , CUEZ IM' DE THOU .
À PARIS.
Que cecy ne se divulgue poinct, je vous supplie.
Madame de Guise et M"" de Joinville son filz ne passèrent poinct à
' Pour ensablement. resc, et dont il paya gt'nëreusemenl tous les
' Cette pièce n'a pas étt! reproduite dans frais, comme nous l'apprend la phrase sui-
tes Poemala dëjh souvent cilds ( Paris, 1 645). vante, voir le fascicule II des Correspondanlt
' Sur le père Vassan, voir t. I, p. qo. de Peiresc, p. 18 et suiv.
' Voir, sur César de Nostrcdanie, t. I, ' Vol. 717, fol. 1 5.
p. 664. Au sujet du brevet obtenu par Pei-
1^
46 LETTRES DE PEIRESG [1629 1
Aix où l'on leur a voit préparé logis, d'aultant que M'' de Guize dict
que son filz n'apporloit aulcun nouveau pouvoir, ains seulement des
lettres de cachet au parlement et aux procureurs du pais pour com-
mander en absance de M' son père. Or par le premier pouvoir qu'il
avoit eu par lettres patentes enregistrées dez l'an 1 6 1 6 , il n'y auroit que
la simple survivance, à condition de succéder à son père, et aprez la
mort d'iceluy, sans autres nouvelles provisions, pouvoir commander
dans la province, etc., se reservant ie Roy la réception de son serment.
Or n'y est faict aulcune mention de commander en absance du père,
ains seulement aprez sa mort et je pense qu'on ne luy a jamais faict
prester le serment au Roy. De sorte que je pense que M' de Guise,
voyant qu'il n'y avoit aulcun moyen de passer pardessus cez dilficultez,
se résolut enfin d'envoyer en cour pour faire expédier un nouveau
pouvoir de lieutenance en absance, avec clause pour la prestation du
serment au parlement, et cependant l'entrée a esté différée, car pour
aller chercher le Roy sur la frontière et puis le sceau à Paris, il y aura
quelque temps. Cependant, parce que M'' de Guise vouloit que son filz
coramandast effectuellement, ce qu'on ne pouvoit souffrir paisiblement,
pour prévenir toute contention, il fut concerté qu'il s'abstiendroit de
son costé de faire d'acte de gouverneur, et que le parlement en feroit
aultant du sien, et qu'on differeroit et dissirnuleroit toutes choses de
part et d'autre en attendant les commandements du Roy sur cela.
Madame de Guise a preste 6,ooo escus' à M' son mary par contract
publique^ devant notaire et tesmoings avant son parlement pour l'armée.
On avoit emprunté 5oo escus pour luy meubler sa maison d'elle avant
son arrivée. Ces navires ont bien despendu ^, et bien peu faict de service
depuis qu'on les a quittez. Enfin il les a fallu tous laisser, et aller par
terre.
Les trouppes qui sont passées ont faict de grands ravages, rançon-
' Je remplace par ce mot une abrévialion ^ Despendu, c'est-à-dire dépensé. Voir au
formée de deux signes conventionnels. sujet de ces synonymes la piquante définition
Peiresc dit contract publique comme donnée par Malherbe et rapportée par Racaii
Montaigne avait dit un debvoir publique. dans la Vie de co poète.
[1629 1 AUX FRÈRES DLPUY. 47
nemeiits et violements, sans que la penderie de quelques uns ayt peu
remédier au mal; leur excuse et de leurs capitaines estoit que depuis
onze moys ces pauvres soldais n'avoient pas touché un sol de leurs
monstres, et qu'il les falloit bien laisser indemniser comme iispouvoient.
Bezançon' reprocha publiquement à M' le Mareschal d'Estrée que le
Roy n'avoit poinct entendu que les trouppes traversassent la province
comme elles ont faict, ains seulement un bout pour s'aller embarquer,
et que le fonds estoit destiné pour ledict embarquement et traject par
mer, et que cela ne s'estoit iaict que par vengeance de ce qu'on ne
s'estoit voulu laisser persuader de donner de l'argent-.
' Glioilos (le Besançon , dnnt il a éié déjà
question, ainsi que du maréchal d'Eslrdes,
dans in lettre III du présent volume.
* Vol. 717, fol. aa. Cette lettre fut écrite
le même jour que in précédente , comme nous
l'apprend la mention inscrite au dos : 9 mars
1609. Signalons, dans le volume 9544 du
fonds français , divers documents transcrits
de la main des Dupuy et qui i'ornieiit un
petit dossier tfpour estre envoyé à M' de
Peiresc, conseiller. Le premier de ces docu-
ments (fol. 84) est une relation des événe-
ments militai resde Suse , écrite de Cliaumont,
le mardi 6 mars 1699, et dont la dernière
partie seulement a été conservée. Il y est ques-
tion du maréchal de Schoniberg , qui n a receu
une mousquetade si favorable que la halle
luy ayant passé entre la chair et les costes
du costc gauche l'on promet sa guarison
entière dans 19 joursT», du commandant de
Valençay, «qui eu a aussi receu une dans
le gras de la cuisse, mais il n'a délaissé pour
cela de continuer son travail ... 1 , du comte
de Sault "qui a entièrement delTait un régi-
ment des erjuemis dont estoit maistre de camp
Don Marc Antonio Bellon, Milanois, lecjucl
eslant à cheval à sa teste s'est sauvé plus visle
que le pas abandonnant ses compagnons».
Le second document (fol. 84 \°) est une
relation , écrite le même jour et en la même
ville, de l'entrevue du prince de Piémont et
du cardinal de Richelieu, et de l'enlève-
ment des barricades de Suse. Deux autres
documents (fol. gC) sont relatifs h l'attaque
et à la capitulation de la ville de Sose. Ces
derniers, exiraits de lelti-es écrites du camp
de Chaumont, sont datés du 7 mars. Le nar-
rateur donne, dans le dernier document, les
détails que voici : irLe combat dura environ
deux heures. J'y cstois et je vous asseui'e
qu'il y faisoit bien chaud. Enûn M' de Savoie
lascha le pied. On a pris dix drapeaux et
trois capitaines prisonniers ...»
àS LETTRES DE PEIRESC [1629]
IX -
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 20 febvrier depuis quatre ou cinq
jours par la voye de la stafTette sous enveloppe de M' de Fetan du
3 mars, où je trouvay les imprimés des resjouyssances de Rome, et de
l'apologie pour les juges royaulx dont je vous remercie Irez humblement,
ensemble de toutes les autres belles curiositez qui y estoient joinctes,
et principalement de la peine qu'il vous a pieu de prendre à nous
faire si bonne part des nouvelles de pardelà. Estant bien fascbé que la
cessation de noz ordinaires nous empesche de vous pouvoir rien mander
en revanche de pardeça, qui ne soit si envieilly que la grâce en est
perdue. Vous pourrez voir les deux petits imprimez des dernières
nouvelles de la cour que nous avons eu hier et aujourd'huy, ne doubtant
pas que vous n'en ayez aultant et au centuple de pardelà , aussy tost et
plus tost que nous. Mais pour ne rien obmettre de ce qu'il vous plaict
me commander, je ne laisray pas de vous envoyer tout ce que nous
pourrons en avoir de pardeça. Ne pouvant y adjouster si ce n'est que'
la relation du xu est d'un gentilhomme qui est au service de M' le Ma-
reschal de Crequy, nommé Busset. M' de la Barben, qui en est reveim
aujourd'huy et qui en partit le samedy malin 1 o""*, ne dict rien de plus,
si ce n'est que revenant par Ambrun, il y lencontrà deux régiments
qui alloient trouver le Roy et grand nombre de mulletz chargez de
munitions et provisions nécessaires à l'armée; que l'on preparoit le
convoy de 2,000 mulletz pour le secours de Casai, et qu'aulcuns
l'avoient asseuré (sans toutefoys qu'il en fust si acertainé') que chascun
' Le Dictionnaire de Trévoux donne de ce ft vieux mot» celte définition : asseurer, certifier,
et cite ce vers de Marol :
Quant au travail, bien je vous acertaine.
[16291 AUX FRÈRES DUPUY. ~ 49
des dits niullclz devoit porter une couverture de velours viollet semée
de fleurs de liz d'or, pour faire que les Irouppcs qui feroient la scorte'
fussent plus jaloux de les conserver, et que les ennemys eussent plus
d'a])preliensioii de violer la vénération et le respect qui estoit deub à
cette livrée. On dict de plus que Senetaire^ ne laissoit pas de continuer
le traicté avec M'' de Savoye', et qu'il estoit arrivé le mesme jour avec
certains articles corrigez, reformez en la forme qu'on disoit avoir esté
auparavant demandée par le Roy, voire tous signez, mais je ne sçay
s'ils seront venus aussy peu à temps, ou aussy tard que ceux que disoit
l'ambassadeur d'Espagne avoir esté signez par son maistre.
Du coslé de Nice vous aurez sceu que M' de Guise avoit envoyé
Le Plessis Bezançon* avec un trompeté à Dom Felice dez le 6 de ce
moys, lequel avoit demandé cinq ou six jours* de terme pour advertir
son maistre. Le i 2 de ce moys les trouppes commancerent à passer
la rivière avec grande facilité, parceque à la faveur des sables que la
mer y avoit jettez dez le commancement de febvrier, encoresque Dom
Felice eust refaict un nouveau canal artificiel, on s'avisa de subdiviser
l'eau de la rivière un peu plus liault, et la ranger en une vingtaine de
diverses branches, qui la diminuèrent en sorte que chascun rameau ou
ruisseau pouvoit estre saulté et passé commodément par les gents de
pied sans se mouiller. On avoit apporté des ponts de boys et autres
engins que l'on n'a pas laissé d'employer pour le passage du canon,
qui debvoit bientost passer et M'' de Guise en mesme temps, lequel
estoit encor à Antibes, la pluspart de son armée estant desjà campée
dans la plaine et les prairies audelà de l'eau. On dict mesmes que 3o ou
' Peiresc reproduit ici l'italien scorla. La
forme escorte se trouve déjà chez des écrivains
anldrieurs.
' Henri de Senneterre ou Saint-Nectaire,
'marquis de In Fertd-Nabert, était alors ma-
l'échal de camp. Il mourut le 4 janvier 1 (iCa ,
âgé de quatre-vingt-neuf ans.
■^ Sur la mission de Senneterre auprès
d(i duc de Savoie, voir les Mémoires de
Bassompierre (tome IV, pages i5-a4).
* Bernard de Besançon, seigneur du
Plessis , s'était distingué comme ingénieur au
siège de la Rochelle. Voir sur lui une note
dans le Recueil Avenel [i. IV, p. i.35). Be-
sançon est plusieurs fois mentionné dans les
Historiettes de Tallemant des Réaux (t. I,
p. i35,i36;t.II, p. 164,173,360).
IVPKlMtUI «ATIOIILI.
5» LETTRES DE PEIRESC [1629]
ko coureurs, allant recognoistre le païs, trouvèrent une embuscade de
2 00 Espagnols où il y eust un peu d'escarmouche, et quelque pri-
sonnier emmené, mais nous n'en avons encores rien de certain, si
ce n'est que M"" de Guise receut un pacquet du Roy, soubs l'enve-
loppe duquel il en trouva un autre accompagné d'une lettre de Sa
Majesté par laquelle elle luy commandoit de passer un jour certain,
et aprez estre delà l'eau, ouvrir le pacquet qui y estoit joinct et non
plus tost pour mettre lors à exécution les mandements de Sadicte
Majesté.
La maladie du conté Venaissin est cessée partout fors Garpentras,
où il y a eu encores quelque petit accez. On a restably l'entrée pour
le commerce quasi par tout ledict païs, et rouvert les ports et pas-
sages des rivières, de ce costé là, et commancé à souffrir qu'on ap-
porte de Grenoble des balles de bardes, et livres de persones particu-
lières; peu à peu il se fauldra apprivoiser. J'oubliois de vous dire que
dez dimanche dernier les cinq galères de reste qui avoient esté ap-
prestées, suy virent la première, et firent voile par un fort favorable
temps pour aller à Antibes, et favoriser le passage des trouppes qu'il
nous tarde bien de voir dans la terre ennemye, car elles ont ruiné
tout le pauvre païs, estant incroyable des extorsions et rançonne-
ments qu'elles y ont faict et des cruaultez exercées, pix qu'en païs
de conqueste. J'oubliois encores que certaines galères de Sicile avoient
abordé à Villefranche et deschargé quelque infanterie espagnole ou
sicilienne d'environ i,5oo ou 2,000 hommes en fort mauvais équi-
page, et qui ne sont pas en estât de faire grande résistance ciux
nostres.
Pour respondre maintenant à vostre lettre , j'ay esté bien fasché du
decez du pauvre M"" Poullain. Il avoit de fort curieuses recherches pour
la matière des monnoyes, qui meriteroient bien de n'estre pas per-
dues. Vous obligerez le public de vous en enquérir et d'en prendre un'
peu de soing, aussi bien que de celles de M' Aleaume. Il avoit mesmes
de fort bons libvres bien qu'en petit nombre; s'ils se vendoient, ils me-
riteroient d'estre recherchez. Il avoit entr'autres ce volume in fol" des
[1629] AUX FRKRES DUPUY. 51
opuscules du P. Mariana ' qui est tant dellendu eu Espagne, oi'i est ie
traiclé De Monetis^ qui le Ht tant persécuter^. Je l'achelterois bien vo-
lontiers, si vous en rencontiiez jamais à vendre soit ccluylà ou autre,
mes assortiments en cette matière, qui sont assez grands, estants deffec-
tueux en cette pièce là, et en celle de la Grœcia Lazii'* de la vieille édi-
tion en petit folio, qui est bien meilleure, à mon gré, que la dernière
de Francfort en plus grande forme, mais en trez chettifve lettre *, et def-
fectueuse d'une espreuve qui y estoit joincte d'un autre ouvrage de
cet autheur, dont je vous r'alTraiscbiray la mémoire à tout bazard, si
vous le rencontriez jamais. Si j'eusse esté adverty des voyages que sont
allez faire en Allemagne les s" Diodati et Gassendi*, je les eusse priez
de l'y chercher pour l'amour de moy. Cependant je vous remercie trez
humblement du seing qu'il vous plaict de prendre de la transcription
des deux registres des monnoyes dont je vous avois prié, tant chez
M' le présidant Lusson que chez M'' Aultin, ensemble des droicts et pri-
vilèges des notaires apostoliques. Quant à la lettre du consul de l'Italie,
je la vous renvoyé avec mille remerciements trez humbles comme d'une
' N«U8 avons rencontré le nom du père
Jean Mariana dans ie tome I (p. i3a). Le
volume dont parle Peiresc est relui-ci : Trac-
talus Vil lum iheofogici, tum historici, vi-
delicel : I. De advenlu Beau Jacobi Apostoli
in llispaniam. II. De edittone vulgata SS.
Bihliorum, etc. (Cologne, 1609. in-fol. de
hkU pages).
' C'est le traité qui dans le recueil de 1 G09
porte le n° IV et est intitulé : De monelœ tnu-
tationc.
' Le père Mariana, accusé du ci-ime de
lèse-majesté pour avoir osé affirmer que le
changement opéré dans la valeur de la mon-
naie est condamnable, fut misaux arrêts dans
le couvent des religieux franciscains de Ma-
drid : il était aloi's âgé de soixante-treize ans.
Le roi d'Esj)agnc ordonna de faire acheter
sans bi'uit le plus grand nombre possible
d'exemplaires des sept traités et de les livrer
aux flammes.
* Voir sur Wolfgang Lazius t. I. p. a 18.
Conférer une note des Lettres françaises de
Joseph Scaliger (1879, p. Q70 ).
'■ Commentationum rerum Grœcarum libri
duo. L'édition de Francfort , dont Peiresc se
plaint, avait été précédée de deux éditions
au moins, celle de Vienne (i5.58) et celle
de Hanau (itioS), in-foiio l'une et l'autre.
L'ouvrage de Lazius a été inséré par Grono-
vius dans le tome VI du Thésaurus antiquil.
Grœcar.
' Le voyage projeté ne se lit pos. Gas-
sendi, ayant visité les Pays-Bas, revint à Pa-
ris le 8 août 1639, après environ neuf mois
d'absence. Voir Viede Gassendi, par Bougerel ,
lequel ajoute (p. 64 ) que ir c'est l'unique
voyage qu'il ait fait hors du Royaume-.
52 LETTRES DE PEIRESC [1629]
pièce qui n'a-pas laissé de me bien consoler, encores que je ne l'aye peu
Hsre sans frémir, parceque j'y ay apprins que les naufrages dont on
m'avoit escript de Rome estoient antérieurs au voyage ou arrivée à Seyde,
car on me les escrivoit en sorte qu'il sembloit que cela fust arrivé à son
retour*, ce qui m'affligeoit grandement, attendu ce qu'on y adjous-
toit de la perte de son équipage, qui me faisoit croire que toutes les
curiositez qu'il pouvoit avoir ramassées en la Palestine et Œgypte
fussent perdues. De ce que maintenant je suis en quelque espérance
qu'il ayt saulvé non seulement sa persone, mais aussy les despouilles
qu'il r'emportoit de cez païs orientaux, qui en sont plus fertiles que les
contrées de Constantinople, à tout le moings, plus aiseez à recouvrer
et avec moings de rançonnement.
J'aftendois à ce jourd'huy bien impatiemment le retour de l'ordinaire
de Rome, pour y apprendre des nouvelles plus fraisches du progrez de
sa pérégrination, mais il n'est poinct encores comparu, et fault que les
troupes qui sont sur la frontière tant d'un costé que d'autre l'ayent
arresté, si ce n'est qu'il n'ayt pas trouvé à Gènes les despesches de
Rome, et qu'on l'y aye retardé une semaine pour les attendre comme
ils font quelquefoys. Ou bien que M"" de Guise le retienne comme on
dict qu'il arreste toute sorte de commerce de part et d'autre jusques à
ce qu'il ayt faict esclatter son dessain , dont nous serons bientost esclaircis
Dieu aydant. Si vous me pouvez envoyer par la voye de la poste un
exemplaire du Tertullian de M' Rigault, pour M' le Premier Présidant,
vous m'obligerez, et pour sa préface je vouldroisbienau moings en avoir
exemplaire corrigé en un endroict où l'imprimeur a laissé je ne sçay
quelle faulte en la douzième page, ce me semble, lorsqu'il parle de
l'opinion que Tertullian pouvoit avoir conceue du Montanus. Je voul-
drois bien qu'il se résolut de la laisser imprimer de rechef à son libraire
puis qu'il ne double plus que M"' le Cardinal n'en soit demeuré plaine-
ment satisfaict. Je n'ay poinct osé envoyer sans cela son exemplaire à
M"' le cardinal Barberin et en attends tousjours sa resolution. Je me res-
' Peiresc a oublie de nommer ici François-Auguste de Thou.
I
[16291 AUX FRÈRES DUPUY. 5â
jouys que nous puissions espérer un peu plus tost que ne pensions le
Solin de M'" Sauimaise, mais je suis fasché que ses notes demeurent en
arrière, voire quand ce ne seroicnt que ses prolégomènes', car Dieu
sçaict quand on les luy pourra arracher des mains si l'occasion de cette
édition ne l'y force. Voilà quant à vostre lettre.
Il me reste à vous dire que je vous envoyé une petite relation
traduite de l'anglois de Purclias* par le s' Valois', de deux petits
voyages assez curieux, l'un de Jean Sanderson en Syrie, et l'autre de
Henry Timberley en OEgypte*, m'asseurant que vous ne le verrez pas
mal volontiers. Le dict s"' Valois avoit prins cette peine à la prière
du s' Gassendi, et j'en voulus retenir coppie, avant qu'il luy en en-
voyast la minutte comme il disoit vouloir faire, et comme je pensois
qu'il eust faict, et que vous l'eussiez veiie par ce moyen. Mais il
m'escrivit dernièrement qu'il s'attendoit que j'en envoyasse une coppie,
ce que je faicts maintenant avec prière d'en faire part au dict
s'' Gassendi à son retour, si ce n'est qu'il eust laissé ordre de la luy
faire la part où il serà^. Il y aura icy une lettre pour luy que je vous
recommande, comme chose qui luy importe h ses affaires particulières.
Je vous envoyé aussy le premier libvre du Théophile de M'' Fabrot®
bien au net, et en Testât qu'il peut estre plus commodément imprimé
en trois colonnes, sur l'autre coppie cy devant envoyée. N'ayant osé en
mettre davantage dans le pacquet pour ne le trop grossir, et pour
ne laisser en arrière un petit livret des Actes du Pape Gains' venus de
Rome que j'ay creu vous devoir envoyer à faulte de meilleur entretien. 11
' Littré n"a cilë sous le mot prolégomènes
qu'un seul dcrivnin, Guez de Balzac [Le
Barbon).
' Sur Samuel Purchos, voir le tome I,
p. 85.
' Il s'agit de Jacques de Valois, lo tré-
sorier de Grenoble , qui , en raison de son
origine écossaise, connaissait bien la laiijjue
anglaise.
* Sanderson et Tr'niborley ne figurent dans
aucun de nos recueils biographiques ou bi-
bliographiques.
' À l'endroit où il sera. Litti-é n'a pas si-
gnalé cette expression qui revient souvent
dans les lettres de Peiresc.
' Le Théophile d'Annibal Fabrot devait
paraître nruf ans plus tard (Paris, i638,
in-/i').
' Saint Gains, élu le 17 décembre a 83,
mourut le Qa avril agô.
5A LETTRES DE PEIRESC [1629]
y aura là assez de quoy entretenir l'in>primeur s'il y veult mettre la main
selon sa promesse, en attendant que par les ordinaires ou staffettes suy-
vantes, je vous puisse envoyer peu à peu les autres livres suyvants.
Ce vous sera tousjours de la peine nouvelle, et nouvelle occasion de nous
obliger nous mesmes en la personne du dict s'^Fabrot, que nous hono-
rons et affectionnons, comme le seul qui faict un peu valloir les bonnes
lettres de pardeça. Je vous recommande cette entreprinse tant que je
puis, l'ayant grandement à coeur, pour le contantement de l'autheur, et
pour l'honneur de nostre pauvre et stérile païs, qui doibt faire valloir
le plus qu'il luy est possible les fruicts qu'il produict, quelque austé-
rité qu'il y ayt, comme les septentrionaux l'ont valloir leurs citres^ et
leurs biaires, à faulte de bons vins. J'oubliois que le passage de cez
trouppes ont desassorty^ tous nos livres de géographie de la carthe de
Provence, que j'ay esté constraint d'arracher de divers endroicts pour en
accommoder les députez du païs, qui suy voient les routtes avec les ré-
giments par divers endroicts. Je vous supplie de m'en faire achepter
quatre ou cinq exemplaires chez le s"" Tavernier s'il est possible de les
faire séparer comme je pense, et une coupple de celles du Daulphiné.
Je n'ay pas encores peu expédier les inscriptions de M"^ Grottius , mais
ce sera Dieu aydant par le premier, et demeureray à jamais.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur, "
DE Peiresc.
A Aix, ce 16 mars 1639'.
' Peiresc écrit le mot cidre comme l'écri- tionnaire de Trévoux cite sous ie même mot
vait , au xvi" siècle , La Noue dans cette phrase nu quatrain du duc de Nevere.
de ses Me'jnoiVe*.- B Meilleur que les «ires de ^ Vol. 717, fol. 28. Voir à l'Appendice
Normandie.'» du présent volume, seconde partie (n" I et
' Littrë ne cite sous le mot désassorti II), deux lettres de Jacques Dupuy à Pei-
qu'une phrase de M"" de Sévigné. Le Die- resc, une du 12 mars, l'autre du 20 mars.
[1629]
AUX FRKRES DUPUY.
55
[sa fis adhessk.]
Monsieur,
Despuis vostre dernière despesche du 1 6"* j'en ay receu deux des
vostres du 97 febvrier et 2 mars, soubs une enveloppe de M' de
Fetan du dimanche xi"", lequel ra'escript avoir retenu par devers
luy un livre assez grosset^ qu'il dict reserver pour me le l'aire tenir
par le prochain ordinaire. Je pense que ce soit le Tertullian de petit
papier dont vous faictes mention, que nous pourrons avoir environ
dimanche prochain ou lundy, car de Lyon icy par la staffette les des-
pesches qui en partent le dimanche demeurent tousjours 8 ou 10 jours
par les chemins, s'il ne se rencontre quelque extraordinaire qui les
chasse. Mais si le Roy vient en Languedoc comme on dict, ces lettres
viendront un peu plus viste. Car on ne songe nullement de restablir
les ordinaires courriers, puis que M"' de Fetan s'est retiré dans Lyon,
que le commerce ne soit absolument restably avec la ville de Lyon, ce
que je ne pense pas estre iaisable de nostre costé, que les grandes
challeurs ne soient venues, pour descouvrir si la maladie n'y regrillera
poinct. Ceux de la santé de Lyon avoient faict requérir le restablisse-
mentdu dict commerce et pour justification de leur bonne santé avoient
envoyé un estât des malades, avec certification qu'il n'y niouroit plus
de la maladie que deux persones par jour, ce qui renouvella bien
les allarmes de tout le monde icy, auquel un seul accez est cappable de
donner l'espouvante toute entière. On avoit relasché un peu de la ri-
gueur du vinaigre, estimant que le bureau de M' de Fetan fust hors de
Lyon au lieu de Balmont d'où, il faisoit datter ses lettres et brevects.
Et parloit on de souffrir que les courriers ordinaires peussent aller
d'icy à Vienne, et possible au dict Balmont dans quelque temps. Mais
cette retraicte de M' de Fetan a gasté tout le mystère, et destruict tout
' Le mot grosset a été trouvé par Ijtlrë dans le floman de la Rose, dans Ambroise Paré
et dans les Mémoires de Saint-Simon ; c'est, du reste, un mot d'origine provençale.
56 LETTRES DE PEIRESC [1629]
ce que nous avions advancé pour le regard, et a-t'on desjà renouvelié
beaucoup plus de rigueur que de coustunie, tesmoing les bulles de
Montmajour de M"" de Brèves que j'ay receues par la dernière staffette,
dont l'enveloppe passa parle vinaigre chauffé, et peu s'en fallut qu'elles
ne fussent endauniagées, mais Dieu mercy on y arriva à temps, pour
empescher qu'on n'y exerçast plus de rigueur. La grosseur du volume
qu'elles monstroient avoir, fit demeurer en arrière vostre livre du Ter-
tullian, comme je pense. On nous veult faire à croire que le Roy s'en
revient par cette province en Languedoc, dans 3 semaines; si cela est,
il fauldrà faire effort pour le restablissement de noz ordinaires de
Lyon, et tascher de les faire arrester à Vienne, et qu'on leur envove '
là les despesches de Lyon, pour faire cesser les ombrages qu'on a icy
de la ville de Lyon; si le mal qui estoit en Valance et Vienne est cessé,
nous en viendrons plus facilement à bout.
J'ay receu dans vostre despesche les exemplaires que vous y avez
mis tant de l'inscription de M"^ Rigault que de la préface, dont je vous
rends grâces trez humbles, et ne manqueray pas d'en faire insérer un
dans l'exemplaire destiné à M" le Cardinal , s'il se peult faire propre-
ment, sinon j'y employeray le mien que j'avois tousjours tenu en
laisse' pour cet effect, et puis le feray tenir parla première commodité.
Entr'autres coppies de la dicte préface la première que je maniay me
mit en grande allarme, car je la trouvay chastrée de tout ce qui alloit à '
la deffence du Tertullien, et craignois que toutes les autres fussent de
mesmes, et qu'il eust prins fantaisie à l'autheur d'en retrancher cette
partie là, qui me sembloit trez nécessaire. Mais je fus tout consolé,
quand j'eus vérifié que les aultres estoient aussy entières que la pre-
mière que j'avois veue, et prins conjecture que la chastrée estoit celle
qui avoit esté véritablement faicte pour celuy à qui elle est adressée,
et que le surplus avoit esté arraché de la lettre qui pouvoit avoir esté
préparée pour Rome, afin de l'insérer en ce lieu là, où elle fict trez
bien; tant est que j'en suis gra;idement satisfait et content, et grande-
^ C'est-à-dire réserver, comme le chasseur tient en laisse des chiens dont il se servira jilus
tard. -- ,
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 57
ment obligé à la courtoisie de M' Rigault, auquel si je ne pouvois escrire
cette foys icy, je vous supplie de luy faire mes excuses trez humbles at-
tendant de m'en acquitter mieux par l'ordinaire prochain, auquel temps
je verray si par mesme moyen je luy pourrois faire tenir quelques lettres
de recommandation pour les juges de Dijon, sinon de moy, qui n'y ay pas
de grandes habitudes, au nioings de quelqu'un de mes amys.
Il m'escript que M"' Autin mettroit entre les mains de nostre coppiste
le registre de Lautier pour en transcrire ce que je luy avois demandé,
qui n'estoit ([ue certains feuillets des monnoyes du temps de S' Louys,
et s'd ne luy estoit inconunode, toutes celles qui estoient audessus de
Philippe le Bel, en remontant jusques à Philippe Auguste, en quoy ils
m'ont bien obligé l'un et l'aultre, et je tascheray de leur en rendre
toute la revanche qu'il me sera possible.
Je ne luy en avois pas demandé davantage, parce que le registre
entre deux aiz qui commence au dict Philippe le Bel pouvoit suppléer
le surplus en quelque façon. Mais c'est la vérité que s'il se trouve de
coppiste à prix honneste qui eust le courage d'entreprendre la coppie
entière de tout le dict registre de M' Aultin, et que luy ne l'eust pas
désagréable, je ferois de bon coeur la despance, et ne ferois pas pour
cela moings volontiers aussy celle de tout le registre entre deux aiz. Et
pensois vous en avoir escript à peu prez en ce sens là, mais je vois
bien à ce que vous m'en revocquez en doubte, que je ne m'estois pas
bien donné à entendre.
Cependant je vous suis bien redevable du soing que vous avez daigné
prendre de l'un et de l'aultre, comme aussy de la recherche des livres
de la secte Mahomelane et de ceux d'Estienne, qu'il vous a pieu me
retenir, en quoy je ne puis assez loiier vostre desbonnaireté en mon
endroict, et la curiosité du choix que je trouve bien délicat et cappable
de tenter de ceux mesmes qui pourroient estre moings curieux que
moy. C'est pour quoy je seray bien aise qu'il vous plaise me les retenir
tout à faict, non que plusieurs d'iceulx ne se trouvent parniy les miens.
Mais ce que vous dictes qu'ils sont tous en blanc et fort nets, m'en a
mis la salive en bouche, afin de les pouvoir faire miculx relier que ne
■HPItlitltlE FATID'-Alt.
S8 LETTRES DE PEIRESC [1629]
sont ceux quej'avoispar devers moy de plus longue main, dont quelque
aniy sera bien aise de s'accommoder. Je n'en retrancheray que ce nou-
veau Testament grec i BGg que j'ai desjà double ou tripple, au lieu du
quel je vous prie de prendre la petite bible hebraïcque in 16, si le prix
en est modéré, pour la donner à un de mes amys qui a ce goust là,
qui la sçait quasi toute par coeur, lequel en a une encores en moindre
forme (je pense que c'.est le au) en plusieurs volumes, qu'il a con-
tinuellement dans ses pochettes, que je vouldrois bien luyrenouveller,
car elle est fort sallie et engraissée. Mais j'ay oublié la datte. Ce Mys-
tagogus Cresolii > sera tousjours bon à avoir, puisque vous le trouvez
bon , voire en fin papier, si le prix n'en est pas excessif.
Le sieur de Gastines m'escript de Marseille qu'il avoit renouvelle
le crédit à la dame de Lignage pour 600 l[i]b[vres] selon qu'il vous
plairra d'en ordonner, et envoyer prendre chez elle pour mon compte.
Je n'y regrette que la peine que ce vous est.
Nostre ordinaire de Rome n'est poinct encores passé de ce jourd'huy,
nomplus que le vendredy de la semaine passée, et craignons qu'il ne
soit retenu, avec toutes ses despesches, où je courrois fortune de perdre
quelque petite anticaille qu'on y debvoit bazarder. Mais ce qui me le
faict attendre plus impatiemment est d'apprendre des nouvelles de
M' de Thou. On m'escript de Marseille qu'à son exemple le filz de
M' Mangot ^ qui estoit à Rome s'est résolu au voyage du Levant et s'en
va par Constantinople.
' Ludovici Cresollii Annorici e Societate
Jesu Mystagogus de sacrorum hominum disci-
plina, etc. (Pari», Sébastien Cramoisy,
1629, in-fol.). Ce recueil, dont on peut
voir Je litre complet dans la Bibliothèque des
pères de Backer et Sommervogel (t. I,
col. ii64), reparut à Paris, i638,en 9 vo-
lumes in-li". Le père Louis Crésol, né en
i568 dans le diocèse de Tréguier, mourut
en i634.
^ Claude Mangot, seigneur de Villarceau ,
Dreville , Oi-gèrea et Villeran , fut tour à tour
maître des requêtes, procureur général en
la chambre de justice, ambassadeur en
Suisse, premier président du parlement de
Bordeaux , secrétaire d'État , garde des
sceaux, etc. Si Ton connaît bien Claude
Mangot, on connaît très peu le fils dont il
est ici question. D'après la généalogie donnée
dans le Moréri, Claude eut de sa femrae
Marguerite Le Beau, quatre fils et quatre
filles. Je ne sais lequel des quatre fils
(Claude, Anne, Jacques, Malhurin) fut le
voyageur en Orient.
11629] AUX FRÈRES DUPUY. 59
J'ay esté bien inarry de l'incontinance du sieur du Moustier ' ; l'ap-
prelionsion que j'en avois eu à l'advance m'avoit induict à luy escrire,
pensant que pour l'amour de moy il fist quelque violance à son mau-
vais naturel, mais il ne fault pas trouver estrange que la nature ayl
vaincu, nomplus qu'envers l'aultre que vous me nommez. Si le sieur
de Vris peult faire quelque autre pièce esgalement elabourée sur per-
sone vivante, il fauldra bien qu'envie se taise. Quoy qu'il en puisse estre,
tousjours en faict il assez pour avoir de quoy me contenter en mon par-
ticulier, et pour mériter qu'on en face cas, et qu'on ne le tienne pa.s
dans le commun. Je suis bien aise ([u'il ayt si bien rencontré au por-
Iraict que vous dictes de M' nostre jadis archevesque'^et vouldrois qu'il
en eust aultant faict de celuy de M'' de Saulmaise. Il fauldrà avoir pa-
tiance, pour attendre sa commodité, ce ne sera jamais trop tard pour-
veu qu'on ayt les pièces qu'il a j)romises.
La lettre de M' le Cardinal au Roy^ sur son reffus des abbayes de
M'' de Vendosme *, est généreuse et digne d'une grande loiiange à
' Monseigneur, en cette conjoncture principalement, qu'il n'a pas trop
de revenu pour les fraiz extraordinaires qu'il est quasi constraint de
faire ^.
Je vouldrois bien que le Iraicté de M"" de Rohan dont on vous a parlé
fust véritable et bien conclu, pour esviter le passage des trouppes de
l'armée, qui ont eu commandement de repasser dans cette province pour
aller au siège de Nismes et Usez qu'on dict debvoir estre faicts en mesnie
temps, car ce pauvre païs estoit quasi riiiné de leur allée, et s'en va
' Le célèbre peintre Daniel du Monstier.
' C'était Alphonse de Richelieu, devenu
en 1 6a8 , d'archevêqae d'Aix , archevêque de
Lyon.
'' Cette lettre du cardinal Armand de
Richelieu à Louis XllI (i3 février 1629)
est dans le lonielIldur(;cMCiY^t;e»e/(p. a3o-
a3a).
' Les abbayes de Marraoutier et de Saint-
Lucien-de-Beauvais , les deux lueilleiu-es des
quatre que possédait le grand prieur, mort
prisonnier au château de Vincennes, le 8 fé-
vrier précédent.
' D'a[)rès les Mémoires de Richelieu , beau-
coup eurent pour la générosité de ses senti-
ments la même admiration que Peiresc
exprime ici; «Ce refus, dit Richelieu, fut
très bien pris de Sa Majesté et loué de
toute la Cour, où semblables actions ne sont
pas vues d'ortlinaire. »
8.
60 LETTRES DE PEIRESC [1629]
estre désolé tout à faict à leur retour. Les gents du pais ont député
mon frère de ce costé la malgré luy, pour voir s'il s'en pourra faire em-
barquer une partie et il s'y en est allé par un trez mauvais temps de
pluye.
La consolation que nous pouvons espérer en ce mal quasi inesvitable
gist en l'espérance et au bien que l'on nous promet que nous verrons
icy le Roy dans peu de jours, et par mesme moyen quelques uns de
nos amys qui suyvront à la file, entr'autres M'' le Pelletier et M"' de la
Hoguette, puis que vous nous asseurez leur despart, dont je tressaillis
de joye, en m'imaginant desja de les gouverner un peu céans et d'y
faire des voeux pour vostre santé et de toute l'Académie en cette bonne
compagnie là.
J'oubliay la semaine passée de voir si mon homme n'avoit rien laissé
sur ma table en fesant l'enveloppe de vostre pacquet, et quand la staf-
fette fut partie je trouvay qu'il n'y avoit rien mis de cez petites relations
de la cour dont je vous parlois. Vous m'en excuserez, s'il vous plaict,
comme de chose où vous ne pouviez pas aussy rien apprendre qui
vous fust nouveau, et sur ce, aprez vous avoir conjuré de me conserver
l'honneur de voz bonnes grâces, je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pëiresc.
A Aix, ce vendredy au soir aS mars 1629 '.
XI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis avoir envoyé mon pacquet à la poste, estant au palais, on
m'y a faict appeller par un huyssier pour me rendre un pacquet do
' Vol. 717, fol. 97.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 61
M' de Tliou; aussy tost j'ay envoyé requérir mon pacquet. à la poste,
et conjurer le postillon qui debvoit porter la stalTette de différer en-
core un quart d'heure, pour joindre ce pacquet au mien et cependant
j'ay prins la plume pour me conjouyr avec vous de l'heureux succez
de ses perefj'rinations jusques à ce poinct là qu'il n'attendoit plus que
le bon vent pour s'embarquer et s'en revenir dcpardeça, comme j'ay
veu au bas de sa lettre en la parcourant laquelle je ne laisray pas de
vous envoyer, afin de ne vous pas faire attendre d'y voir les particula-
ritez qu'il m'escript, auxquelles il ne se sera possible pas amusé dans
les vostres. Seulement vous supplieray-je de ne pas faire sçavoir ce
qu'il m'escript concernant la ncjjociation d'Algers qui pourroit ruiner ce
pauvre Sançon ' tandis qu'il est encore engagé de pardelà. Mais qu'il
soit de retour et qu'il ayt achevé de ramener tous les esclaves, il n'y
aura pas de danger d'en dire chascun librement sa rastellée^, sans ap-
préhension de nuire à la liberté et à l'interestde tant de pauvres gents.
Encor un coup je vous félicite de cez bonnes nouvelles, estant de
toute mon affection ,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce dernier mars 1699.
Si le pacquet d'Alexandrie fust arrivé quelqu'heure plus tost, j'eusse
peu faire part de cette bonne nouvelle à Rome, où. les amys de M"" de
Thou eussent esté grandement consolez.
Vous prendrez plaisir de voir, je m'asseure, la lettre de M' Holste-
nius. Il n'est pas si desgousté que M' Rigault, et monstre bien plus
' Sur Sanson Napollon , voir t. 1 , p. 3 1 8.
Depuis que ladite page a élé iniprimëe,
M. Léon Bourguès a iiistW. dans six livrai-
sons de la Revue de Marseille et de Provence
(mai-juin 188G à mai-juin 1887) une ex-
cellente dtude biographique sur cet ami et
correspondant de Peii'esc.
' Peiresc emploie quelquefois celte ex-
pression figurée que le Dictionmire de Tré-
votuc signale dans Saint-Amant et au sujet
de laquelle Liltrë cite , outre divers auteurs
du XV* et du xvi' siècle, Scarron et J.-B.
Rousseau.
62 LETTRES DE PEIRESC [1629]
d'ardeur aux M[anu]s[crit]8 Grecs dont je vous avois envoyé l'indice,
mais j'ay grande peur qu'ils ne m'eschappent; j'y faicts ce que je puis
pour en venir à bout.
Tandis que j'estois au palais, mon homme avoit entreprins la coppie
du catalogue des opuscules m[anu]s[crit]s de Cardan "que je venois de
recevoir; il s'en va faict, et j'espère le pouvoir encores mettre dans le
pacquet. Il en fauldra envoyer aultant à M"' Deodati.
Nous ferons demain chanter un Te Deum à l'église métropolitaine
pour les heureux succez des armes du Roy en Italie, sans feu de joye,
selon les mandements de Sa Majesté K Je vous prie de trouver bon que
je prie icy M"' vostre frère d'essayer s'il pourroit avoir quelques exem-
plaires des vers de M'' Sirmond^ sur la Rochelle', car j'ay perdu le
mien qui m'a esté retenu et en vouldrois bien garder un dans mon
recueil et en envoyer delà les monts. Quand on luy en iroit demander
pour moy, il est assez galant homme pour en donner s'il ne s'en trouve
plus à vendre \
' Défaite du duc de Savoie au pas de Suze Deum , chanté solennellement en l'église métro-
(6 mars); conclusion de la paix avec le politaine {ao mars). Aix, par E. David,
vaincu (it mars); levée du siège de Casai iCisg.in-S".
(i8 mars). On conserve à la Bibliothèque ' Voir, sur Jean Sirmoud, 1. 1, p. 282.
nationale (LL" 2782) : Lettres du roi à sa ' Rupclla capta, seu defeliciLudovici XIII
cour de parlement de Provence, sur l'Iieu- ad perduelles tiwreticos expeditione , auctore
rettx progrés de ses armes en Italie, où les JoanneSirtnondo,hisloriographo7-egio{faris,
Espagnols ont été contraints de laisser ravi- 1629, in-/i°).
tailler Cazal, et d'ôter le siège, dont ladite " Vol. 717, fol. 29.
cour a fait rendre grâces à Dieu par un Te
[1629]
AUX FRÈRES DUPUY.
63
XII
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT
RUE DES POICTEVINS PREZ DE SAIffT ANDHI^ DES IRTZ , CHEZ H' DE THOO,
A PARIS.
Monsieur,
Je vous escrivis fort à la haste par la dernière stafTelle, laquelle
partit par un si mauvais temps de pluye, que je ne sçay si elle aura
peu arriver au temps accoustumé. J'avois destiné cette matinée à vous
entretenir, mais un présidant de la cour m'est venu surprendre, et
m'a de vive force enlevé et faicl perdre le meilleur du temps, mais je
vous envoyé tout ce que nous avons eu du costé de nostre armée, et de
Constantinople, qui est tout ce dont je vous pourrois entretenir. Le
sieur Guez de Marseille" y adjouste que M"" du Thou luy escript du
2 5 febvrier, d'Alexandrie, qu'il estoit prest à s'embarquer sur le navire
du cappitaine Roubau ^ qui n'attendoit que le temps propre pour
prendre la routte de Malte, pour de là s'en revenir par l'Italie et par
ce païs icy, qui nous sera un grand heur. Il me mande que M' Man-
got ' estant à Venise eust une bien favorable rencontre pour son pas-
sage en Constantinople avec le sieur Gedoin sur les galleres de la
republique qu'elle a baillées au dict sieur Gedoin jusques à Cataro *
ou Corfu^.
' Jean Guez iiit un des correspondaaU
de Peiresc. On conserve à Garpentras plu-
sieurs des lettres que ce dernier lui adressa
(Minutes, registres III, IV, VI) et une lettre
écrite de MarseiUe, le 17 mai i63/i, par
Guez h Peiresc, en lui envoyant la relation
des dernière troubles de Constantinople
(registre VIII).
' Voir deux lettres de Peiresc au capitaine
Roubau, du aô juillet 1619 et du 1" août
de la même ann(5e (Minutes, registre VI).
' Je n'ai trouvé qu'une seule lettre écrite
par PeirescTàMiingotiùParisiIe 93 février
iGi3 (Minutes, registre IV).
* Cattaro est une ville de la Dalmatie,
chef-lieu de district, h 70 kilomètres de
Rai'use. au fond du golfe appelé Bouches
de Cattaro.
' C'est Corfou, une des plus grandes des
îles Ioniennes (royaume de Grèce).
6a LETTRES DE PEIRESC [1629]
Je vous renvoyé avec mille remerciements la lettre de Valkenbourg '
que j'ay veiie bien volontiers aussy bien que les autres curiositez
que vous y aviez daigné joindre, bien honteux de n'avoir de quoy user
de revanche. Les vers de M' Borbonius^ à part du livre de Bouguier
ne seront que les bien venus pour en pouvoir envoyer de là les monts,
et les joindre au recueil de ceux de la Rochelle. Vous remerciant en-
cores de ceux qu'il vous a pieu me retenir du sieur de S' Amand, et sur-
tout de ceux de ce jeune Jesuitte dont je voudrois bien sçavoir le nom ^,
à la lecture desquels j'ay prins un grandissime plaisir, et s'il y a
moyen d'en avoir d'autres exemplaires vous m'obligerez infiniment pour
en faire part aux amys. J'ay veu avec grand plaisir les livres dont vous
m'avez daigné retenir l'assortiment, entre lesquels j'ay esté bien aise de
trouver le Typus orbis terrarum du bonhomme Bertius in fol° * que
je luy avois autres foys voulu mettre en teste ^, et luy proposois de le
représenter en différantes cartes, selon la differance des suppositions
des divers aultheurs principaulx, comme Pline, Strabon, et autres
dont nous n'avons pas des carthes. S'il y a moyen d'avoir de ces vers de
Barlaeus ^ 8° pour les faire passer en Italie par la poste, vous m'obli-
' Le gouverneur d'Orange déjà men- lente monographie : Étude sur la vie et les
donné dans le tome I. Voir notamment œuvres du P. Le Moyne, par il. Ghéroi(¥ans,
p. 390. 1887, in-8°).
- Sur Nicolas Bourbon, voir une note de ' Sur Pierre Bertius, voir tome I, p. 5. '
V Appendice du tome I, p. 768. On trouve Le io« Aomjne avait alors soixante-quatre ans
presque toutes les poésies de cet académicien et allait mourir six mois plus tard. Le baron
réunies dans un volume intitulé : Poematia Walckenaer (article Bertius de la Biographie
exposita, etc. (Paris, i63o, in-ia). universelle) cite sous un titre quelque peu dif-
' Ce jeune jésuite n'est autre que le père férent un recueil qui doit être le même que
Pierre Le Moyne qui , né le 5 mars 1609, n'a- l'ouvrage mentionné par Peiresc : Varice or-
vait que vingt-sept ans au moment oîiPeiresc bis universi et ejus partium Tabulce geogra-
écrivait ceci. On sait qu'en 1629 parut un phieœ ex antiquis geographis et historicis con-
recueil de vers de ce poète sous le titre sui- fectœ, per Petrum Bertiuin, in-/i° oblong.
vant : Les Triomphes de Louys le Juste en sa ' On voit que l'heureuse influence de
réduction des Rochelois et des autres rebelles Peiresc s'exerça sur les travaux du géo-
de son royaume. Dédiés à Sa Majesté , par un graphe flamand comme sur tant d'autres
religieux de la Compagnie de Jésus du collège travaux de ses contemporains,
de Reims (in-4°). Voir la complète et excel- ' Rappelons que les vers latins de Bar-
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 65
gérez. Je vous envoyé un duplicata du sieur de Gastines à la dame de
Lignage pour le crédit et vous supplie en toute summission d'excuser
l'importunité que je vous donne à toutes heures et le temps qui s'est
perdu sans vous renvoyer voz vers du dict Bar]a>us, avec vostre ni[a-
nu]s[crit] du Mareschal Gervasius ' et des papiers que je vous debvois
avoir envoyez si long temps y a, mais j'espère que les chemins ne tar-
deront pas de s'ouvrir, Dieu aydanl, mesmes si le Roy vient en ce pais.
Monsieur de Lusson^ m'oblige infiniment de me vouloir si libéralement
communiquer les extraicts qu'il a de ses registres, et je rechercheray
tous moyens de le servir en revanche. Si j'estois résidant à Paris comme
luy, où j'eusse moyen d'avoir la veije du registre entre deux aiz',
toutes les foys qu'il se presenteroit occasion d'y aller vérifier quelque
article, je ne me mettrois pas tant en peine d'en faire faire une coppie
entière. Mais en estant esloigné comme je suis, et hors quasi d'espé-
rance de retourner de là, avec mes infirmitez\ il ne fault pas trouver
si estrangc que je voulusse avoir faictla despance de cette transcription,
s'il estoit loisible, pour y pouvoir avoir recours au besoing au cas que
je puisse rédiger par escript ce que j'ay observé des monoyes de noz
laeus (Gaspnrd van Baerle) ont été plusieurs
fois recueillis sous le titre de Poctnala, no-
tamment en i645 (Amsterdam, a volumes
in-ia).
' Gervais de Tilbury, maréchal du
royaume d'Arles, auteur des Olia Imperiatiu.
Voir sur lui le tome I, p. 438.
" Lusson ou Lauson. Rappelons que le
président de Lauson, déjà mentionné, fut un
des plus célèbres bibliophiles et collection-
neurs de Paris. Voir l'article (jue lui a con-
sacré M. Edmond Bonnall'é dans le Diction-
naire des amateurs français du Jtrii' siècle
(1,884). Je dois ajouter que Peiresc, en ce
passage comme en plusieurs autres, a écrit
très distinctement Ltisson et non Lauson.
Quoique le président de Lusson soit inconnu
et quoique, au contraire, le président de
Lauson ait été célèbre et ait eu, de plus, des
relations avec Peiresc, je n'ose donner la
sid)stitution du nom de l'un au nom de
l'autre comme évidente: elle est seulement
assez probable.
' Le registre entre deux ais était un
registre de la Cour des monnaies, dont,
comme veut bien me le rappeler M. L. De-
lisle , il y a une copie aux Archives nationales
Z' 35o-35 1 . Ce registre devait son nom h sa
reliui-e faite avec deux planchettes. Littré
cite, au sujet de cette sorte de reliure, une
phrase du Cyinbalum mwidi de Bonaven-
lure des Périers : rrJe ne sçay s'il le de-
mande [relié] en aix de bois, ou en aix de
papier. »
' Peiresc ne devait, en effet, jamais
revenii' h Paris.
IMraiHtKIK BATIOSllI.
66 LETTRES DE PEIRESC [1629 1
roys, aussy bien que des plus antiques, et possible y auroit il quelque
chose de plus curieux que le commun. Mais si ce livre est tenu si chè-
rement à cette heure qu'il ne se communique poinct, comme autres
foys, il fauldrà prendre patiance, et à tout le moings s'il est loisible
d'avoir coppie du chappitre concernant les monnoyes d'or du Roy Phi-
lippe le Bel , ce nous sera encores beaucoup de faveur, et d'apprendre
en quel temps finit le dict registre. On me presse desja tant que je
suis constraint de clorre pour ne laisser eschapper l'occasion de la
staffette, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur.
DE Peiresc.
A Aix, ce 7 avril 1629.
Je vous recommande les lettres cy jointes, et de faire clorre celle
qui est à lâche volant S avant que l'envoyer au sieur Guiltard^ pour la
faire tenir, et m'excusez si je vous faicts voir mes badineries si confi-
damment, à faulte de meilleur entretien.
On a desterré un nouveau marbre' avec une inscription qu'on
soubstient estre antique, bien qu'en termes bien extravagants ou
extraordinaires, à sçavoir * :
BORISTENES ALANVS CAESAREVS VEREDVS
PER AEQVOR ET PALVDES ET TVMVLOS ETRVSCOS
VOLARE QVI SOLEBAT PANNONICOS IN APROS
NEC VU.VS INSEQVENTEM DEN^
' Le Dictionnaire de Liltré ne donne pas ' Ce marbre avait été trouvé sur le terri-
cette expression et indique seulement l'ex- toire d'Apt, et Peirescl' avait fait transporter
pression cac/ie( yo/ani. La même observation dans sa maison. Voir Gassendi, liv. III,
s'applique aux Dictionnaires de Ricbelet et p. 33 1.
de Trévoux. ' Gassendi a reproduit (ibid.) cette in-
'' Guiltard était un avocat au conseil du roi, scription sur laquelle on a tant disserté. Pei-
qui habitait Paris, et auquel Peiresc adressa resc en a souvent reparlé dans sa corres-
plusieurs lettres, du a 3 octobre 1626 au pondance.
8 avril 1697 (registre III des minutes). ' Vol. 717, fol. 3o.
[1629J
AUX FRERES DUPUY.
67
XIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
À PARIS.
Monsieur,
La dernière slalFette de Lyon du premier de ce moys m'a apporté
vostrc despesclie seulement du 20 mars, de ce que j'y attendois celle
du mardy suyvant 27"°% ce qui monstre que l'ordinaire de Paris du
mardy n'arrive plus à Lyon le sammedy au soir comme il souloit, ou
que M"^ de Fetan faict partir la staflette le dimanche trop matin, avant
que les lettres soient distribuées, ce qui faict perdre huict jours de
bonne grâce aux nouvelles que vous prenez la peine de nous escrire.
Et si cela debvoit aller aiiisin, il vauldroit mioux que vous escrivissiez
le vendredy, pour avoir dix jours francs entre Paris et Lyon au lieu de
i/i qui s'y consument à cet autre conte. 11 fault que je luy en escrive
un mot. Il vouldroit que noz ordinaires fussent restablis et trouve es-
trange que nous ne puissions nous y resouldre, mais si la présence
du Roy ne le faict, ils courent fortune d'estre bien reculez, tant pour
les grandes foulles qu'a souffert le pais à cez passages d'armées, que
pour l'ordre qu'on remettra à la garde de la santé aussy tost que les
trouppes auront achevé de repasser. Car on ne peult approuver que
les villes voisines de Lyon se soient si tost bazardées d'y restablir le
commerce. J'ay receu par cette voye de l'ordinaire le libvret de Drebels '
' Voir sur Cornélius Drebbel et sur le
livret dont parle ici Peiresc {Petit traité
de la nature des éléments) , h tome I , p. 486.
Complétons les renseigtiements dounds là
(note 1) en disant que Drebbel naquit à Alk-
maar en 1 5 7 3 et mourut à Londres eni 6 3 & ;
que dans le registre VII de la collection
Peiresc, à Carpentras, figure une lettre de
Girard Pielerson Schagen à Adrien Thoni-
son, écrite d'Alkniaar eu décembre 1607,
contenant la vie et l'éloge de C. Drebbel,
ingénieur du roi d'Angleterre. Ajoutons en-
core que l'on trouve une mention de Drebbel
dans Gassendi (liv. III, p. 1 6a 1), où le
nom du physicien est imprimé Drebelsim.
Voir enfin sur Drebbel une lettre de linbens
9-
68
LETTRES DE PEIRESC
[1629J
et celuy de la langue samaritaine dont je vous remercie trez humble-
ment. Il y avoit d'autres livrets que j'ay veu aussy volontiers. Mais
celuy de la semaine précédante de ce jésuite de Rheims a esté trouvé
bien gentil, il fauldrà bien sçavoir son nom, et en avoir quelque autre
exemplaire^; avec iceluy il vint un petit éloge du Roy, qui monstroit
avoir esté broché, et lequel avoit esté depressé pour l'envoyer, mais il
y manquoit les dernières feuilles.
Jen'ay pas trouvé en ce discours de la langue samaritaine ce que
j'attendois, au moings pour ce qui est de l'autheur, car il y a faict
mettre des Alphabets, quivallent mieux que son discours. C'est pour-
quoy, ne s'en pouvant pas avoir d'autre exemplaire, nous prendrons
plus facilement patience.
Je vous remercie des bonnes nouvelles qu'il vous a pieu me donner
du sieur Gassendi d'Aix la Chappelle ^ et du soing que M' du Puy vostre
frère veult prendre d'intercéder envers M"^ de Lomenie pour le sieur
de Nostradame^, comme aussy de celuy que vous daignez prendre
d'employer Quentin pour l'amour de moy, principalement en cez re-
gistres de monnoyes, en quoy je vous aurois bien de l'obligation etpar
conséquant à Mess" Autin et Rigault.
Pour M"" le présidant de Lusson, je me doubtois bien que malaisé-
ment pouvoit il estre sans avoir aultant de ce registre entre deux aiz.
En quoy il m'obbligerà grandement de m'en octroyer la communica-'
tion. Et pour les itinéraires du sieur Le Blanc*, qu'il ne s'en mette pas
h Peiresc, écrite de Londres le 9 août lôag
{Recueil d'Emile Gachet, p. 2 3 3). Rubans parle
avec quelque ironie de cefamosissimofloso/o.
' Le P. Pierre Le Moyne mentionné dans
la note 3 de la page 64.
' Bougerel ( Vie de Pierre Gassendi) n'a
pas mentionné, dans son récit des voyages
de son héros en 1629, ce séjour à Aix-la-
Ciliapelle.
' César de Nostredame. -Il s'agissait d'ob-
tenir pour le poète-historien le brevet de
gentilhomme ordinaire de la chambre du
Roi et peut-être aussi quelque autre faveur.
Voir le fascicule I! des Correspondants de
Peiresc , passim.
' Le voyageur Vincent Le Blanc , appelé
quelquefois Blanc, naquitàMarseille cm 554
et mourut à une époque qui n'a pas été pré-
cisée (vers i64o). J'ai rappelé dans le tome I
[Appendice, p. 77a, note 5), que Le Blanc
confia, d'après les conseils de Peiresc , à Pierre
Bergeron le soin de mettre au net ses ma-
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
69
en peine, car enfin je me suis saisy de tout ce que le pauvre homme
cnavoit par devers luy par escript, et qui plus est on luy avoit des-
robbé un yrand volume in Col" que j'ay soubstraict le plus dextrement
du monde d'entre les mains de celuy qui le luy debtenoit plus de
vingt ans y a, et le nyoit^ Je ne plains que la [mesjllange ^ que le
pauvre homme y a faicte, de ce qu'il s'estoit laissé persuader à In-
diens'' contre la globosité* de la terre, s'il est loisible d'ainsin par-
ler, en quoy il se rend grandement importun et ridicule, mais il faul-
dra retrancher tout cela, comme M' Bergeron avoit desjà faict. Si le
commerce n'eust esté fermé pendant la maladie de Lyon, j'aurois en-
voyé long temps y a le volume au dict sieur Bergeron , avec un autre
aussy gros et quelques autres papiers de l'autheur. J'espère que ce
sera bien tost que je vous en envoyeray une cassette oii tout cela sera
avec d'autres choses qui me pèsent bien long temps y a.
Je vous envoyay par la dernière staflette une lettre de M' de Thou-
iouse* pour vous faire voir son desgoust de son arrest, et m'eschappa de
vous ser^ la responce que je luy avois faicte ù la chaulde'' sur
ce subject, laquelle je vouldrois bien maintenant avoir retenue, et si
par hazard vous ne l'aviez encor envoyée, vous me ferez plaisir de
me la renvoyer. Je n'ay pas veu son factum, et n'ay pas creu le
debvoir demander à M' le Prévost Marchier, pour bonnes considéra-
tions. Quelque jour nous le verrons Dieu aydant. Ce qui me le faisoit
nuscrits. Le recueil parut en 16^9 sous ce
titre : Le Blanc ( Vincent). Les voyagesfamcttx
qu'il a faits depuis l'aage de douie ans jus-
qu'à soixante aux quatre parties du monde;
rédigez. Jidellement sur ses mémoires et regis-
tres par P. Bergeron (Paris, in-/i°).
' Connaissait-on l'intervention si adroite
et si heureuse de Peiresc ?
' La première partie du mot est coupée.
Le mot mélange était autrefois des deux
genres : Amyol et Ambroise Paré ont dit la
meslange.
' Nouvelle petite coupure dans le manu-
scrit. J'avais cru pouvoir lire aux Indiens,
mais on ne lit que d [Injdiens.
* Le mot globosité n'est ni dans le Dic-
tionnaire (le Littré , ni dans les Dictionnaires
de Richelet et de Trévoux.
' Charies de Montclial.
* Mot coupé. Probablement /(lire passer.
' Nous avons déjà trouvé (t. l,p. 667)
l'expression sur la chaude, qui est la même
que celle-ci.
70 LETTRES DE PEIRESC [1629]
plus désirer, estoit que je ra'estois imaginé que le Père Sirmond y
pourroit bien avoir contribué quelque chose de son chef.
J'escriray à Venise pour le livre de Pietro délia Valle ', cependant je
vous envoyeray le mien si tost que je l'auray retiré des mains d'un amy,
qui l'a voulu parcourir. J'ay eu des lettres du sieur Doni, mais il ne
parle nullement de ses inscriptions, et me parle d'une chose bien mal
possible à moy, de faire agir en sa faveur les puissances supresmes. Je
pense que c'estoit pour cela qu'il me r'envoyoit l'esteuf^ sur ce sub-
j«ct, nous verrons ce qui s'y pourra faire.
Voila pour respondre à la vostre dernière. Les nouvelles de ce pays
consistent seulement au retour des trouppes qui s'en reviennent du
costé de Nice par diverses routtes à travers la province, ayant esté
ainsin ordonné de la part du Roy, avec mandement exprez de ne les
pas faire embarquer pour considérations particulières, qu'on n'a pas
exprimées. Il est desja passé par cette ville quelques cornettes de ca-
vallerie qui ont gaigné le devant pour s'en aller au rendez vous à Ta-
rascon.
On attend aujourd'huy en cette ville M"" le Mareschal d'Estrée, et à
Marseille M' de Guise que l'on tient avoir couché la nuit passée à la
S''^ Baulme, et avoir esté hier à midy à S' Maximin pour voir le miracle
annuel de la S'*' Ampoulle. Madame la duchesse de Crequy s'y trouva
à mesme dessein accompagnée de M""' la marquise de Canillac, sa
sœur.
Le Roy debvoit, ce dict on, faire la feste^ à Ambrun*, pour passer
par cette province au temps qu'il avoit cy devant ordonné, et se
rendre vers le Languedoc, où l'on asseure que M"" de Rohan a faict
des courses jusques au S' Esprit, pensant surprendre un convoy de
' Sur Pierre délia Valle, le grand voya- ' La fête de Pâques, qui, cette année-là,
geur, et sur ses ouvrages, voir le tome I, tombait au i5 avril.
p. 5^5. ' Embrun (Hautes-Alpes). La nouvelle
Sous l'expression figurée , empruntée n'était pas exacte , car Louis XIII ne partit
aux joueurs de paume, renvoyer l'éteuf, de Suse pour aller en Languedoc que le
fiittré ne cite que La Fontaine. <a8 avril.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 71
bcstail qui s'en vcnoit d'Anverfjne en ce pais icy pour la provision des
boucheries, mais il n'eusl pas d'assez bons advis. On attend le conseil
à Beaucaire aprez Pasques, et sur ce je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur.
DE Peiresc.
A Aix, ce i4 avril 1629.
Puis que mon pacquet ne se trouvoit pas {fros à ce coup cy, j'y ay
adjouslé le second libvre du Théophile de M' Fabrot\ attendant de
vous envoyer les autres petit à petit par les commodités suyvantes. Je
vous recommande la lettre de M"" de Vris, et vous prie de faire ouvrir le
pacquet de livres qu'il vous adonné, car il y debvoit avoir deux exem-
plaires du livre de la Généalogie de Linden, l'un que M. Gevartius
m'envoye, et l'autre que j'avois faict achepter, auquel cas si M' de Thou
n'en a poinct en sa bibliothèque je vous supplie d'en retenir un pour
son assortiment. Que s'il n'y en avoit qu'un dans le dict pacquet, je
vous prie d'en faire advertir le dict sieur de Vris, afin qu'il moyenne
de faire recouvi*er l'exemplaire, car je suis en quelque soubçon, qu'un
Flamand nommé Cossiers qui s'estoit chargé de l'un et de l'autre n'y
ayt faict quelque fripponnerie, pour gaspiller les 8 escus que l'on m'a
faict payer de l'un des dicts exemplaires. Je vous remercie trez humble-
ment de la lettre de M'^ Gevartius où j'ay apprins avec desplaisir \v
decez du pauvre P. André Schottus*.
L'excez de vostre desbonnaireté me faict excéder en importunité;
nous n'avons pas depardeça des ouvriers qui travaillent si proprement
qu'à Paris, et noz marchands n'y pouvant pas encores trafliquer, nous
ne les pouvons plus charger des commissions que nous leur soullions
donner. Si les dames de chez vous ont un jour la commodité allant à
' Il s'agit Ih du manuscrit prt^paré par t. III, col. G-Sa) n'indique pas le jour du
Annihal Fabrot, le 7'A«op/it7e n'ayant pani décès du docte liellëniste et se contente de
qu'en i638. dire qu'il moumt en 1639. Le DictioiiHaire
' La Bibliothèque des écrivains de la Corn- de .Wor^n (17. S y) nous avait appris (|ne
pointe de Jéxus (dernière ëdition, in-folio, Schot mourut le a."» janvier 1629.
72 LETTRES DE PEIRESC [1629]
la riie Aubery le boucher, de faire commander à quelque lingiere des
rabats pareils à peu prez à celuy qui sera joinct à ce pacquet', elles
me feront grande faveur; le mal est que je ne sçaurois espérer de les
servir en revanche de cette peine, comme je debvrois. Je vous envoyai
dernièrement des lettres pour la dame de Lignage où il y aura de
quoy fournir à cette despance. Excusez moi, je vous supplie, de cet
importun employ, et me commandez tant plus librement^.
XIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS ,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous escrivis sammedy par la stafTette ordinaire. Depuis celle de
Lyon est arrivée soubs enveloppe de M' de Fetan du 8"^ de ce moys,
où. se sont trouvées voz despesches du 22°"^ demeurées l'autre foys, et
celles du 3""^ de celluy cy fort bien, conditionnées, avec tous les lib-
vrets qu'il vous a pieu d'y joindre. Cependant l'ordinaire de Rome est
revenu qui m'a apporté afforce lettres du 17 et 3o mars, la plus part
sur le subject du decez de feu M' Aleandro '. Le sieur Suarez * m'a en-
voyé (de la-part de M'' le cardinal Barberin, ce dict il) une figure d'un
phénomène bien extravagant de 5 soleils apparus à Rome sur Saint-Pierre
en plein midy le 20 du dicl moys de mars^, lequel je vous eusse bien
' Rapprochons de cette demande de ra- ' Voi. 717, fol. 35.
bats une demande de même genre faite par ' Rappelons que Je'rôme Aléandre mourut
Peiresc à Malherbe en l'année 1607 {Lettres le 11 mars 1G29. Cette date, indiquée par
de l'édition Laianne, t. III, p. 43). Ajoutons Crescirabeni, à tort contestée par Niceron,
que, l'année précédente, le poète avait de- est confirmée par Victorelli, à la fin de son
mandé des camisoles à l'archéologue (lettre éloge du cardinal Aléandre, imprimé en
du 3 octobre 1606, ibid., p. 7), et que, i63o, et est aussi confirmée par Peiresc,
d'autre part, Malherbe,' en mai 1607, pro- comme on le verra plus loin,
cura des aiguillettes h son correspondant de ' Sur Joseph -Marie Suarès, le futur
Provence {ibid., p. 38). Les commissions évêque de Vaison, voirt. I, p. iS97.
bien faites entretiennent l'amitié. ' Ou possède deux opuscules de Gassendi
|1629] AUX FRÈRES DUPUY, 73
envoyé trez volontiers, par cette voye extraordinaire, mais noz curieux
d'icv me l'ont osté des mains tantosi pour le voir; ce sera Dieu aydant
pour sammedy prochain. Cependant vous aurez une autre lettre de
M"^ Holstenius oi!i il y a de bien jolies choses, et M"" Aubery m'escript
avoir eu lettres de M'' de Thou du grand Caire du 5 janvier sur le sub-
ject de ses pérégrinations en pleine santé grâces à Dieu, en Hieru-
salem, au mont Liban, et en Damas. Mais vous aurez veu par les pos-
térieures du a 5 febvrier, qu'il estoit depuis allé au mont Sinai et
qu'il nous avoit escript de cette mesme datte, mais noz lettres doib-
vent avoir prins le chemin d'Italie, au lieu de celuy de ce pais icy.
Vous verrez ce qu'il escript du 1 7™ sur la mort du sieur Aleandro que
je ne puis assez déplorer. Dom du Puy m'en faict une grande page qui
m'avoit bien serré le cœur, je vous envoyerois sa lettre sans qu'il fault
que je luy responde la semaine prochaine, et à cez autres Mess".
Je ne pensois pas vous escrire avant sammedy par la prochaine staf-
fette, mais ayant sceu que M'' le Premier Présidant' envoyoit un pac-
quet à la poste extraordinaire, j'ay esté bien aise de vous faire part de
ces nouvelles de M' de Thou quoy que plus vieilles que les précédantes
et de cette lettre de M"' Holstenius, ensemble d'une relation des routtes
de cette armée qui s'en revient du comté de Nice et passe en Langue-
doc, et d'une petite relation de Nisnies, qui ne s'accorde pas bien (si
ce n'est un leurre) avec les asseurances qu'on nous a données que le
marquis de Montbrun'^ estoit passé vers le Roy, aprez s'estre abouché
avec M' de Rohan ou quelqu'autre de sa part. S'ils sont sages, ils fleschi-
ront, sans attendre l'extrémité de ceux de la Rochelle. M'' de Montmo-
rancy bat vivement le chasteau de Soyon ', résolu de les faire tous pendre.
Quant à voz despesches, je vous remercie trez humblement de tant
sur celte apparition : Phœtwmenon rarum ' Vincent-Anne de Maynier d'Oppède.
Romip observatum ao Martii et ejiu eausarum ' Sur ce personnage, voir le tome I,
f.rplicalio , etc. (Amsterdam, 1699, in-4°); p. 890.
Parlwlta scu Soles IV spiirii qui circa verum ' Soyons esl une romniune du dëparle-
appatverunt Rmna die ao Martii i6ag et de ment de l'Ardèche, canton de Sainl-Péray,
eisdem epistola ad Henricum Renerivm (Pa- arrondissement de Tournon, à 33 kilomètres
ris, i63o, in-/r). de Priva».
11. to
t«piiiif«iK kftti««4ll.
U LETTRES DE PEIRESC [1629]
de livres curieux et autres papiers singuliers, mesmes de cez vers de
Borbonius qui méritent bien de n'estre pas ensevelis dans le livre où il
les a confinez. Le livre de Frey ' ne passera poinct les monts pour ne
vous esconduire en chose si juste, quoy qu'on me l'eust deniandé de ce
païs là. Je n'ay jamais veu cet homme, mais M"' Gassendi fut cause qu'il
m'escrivit, et je creus luy debvoir respondre'^; pardonnez moy de la
peine que vous y avez eu à faire tenir ma lettre. Je n'ay pas cncores
peu voir les autres livres que vous y aviez joincts, à cause du jour
qu'il estoit hier, et que l'on m'a destourné cejourd'huy, si ce n'est celuy
pour les Minimes de Rome de F. Ogier*, que je me fis lisre hier au
soir aprez soupper avec plaisir, et l'envoyay incontinant à un de mes
aniys qui l'a emporté hors de la province à [c]e jourd'huy, de sorte que
je seray bien aise d'en avoir un autre exemplaire sans rongneures pour le
joindre aux autres choses de mesme calibre; il est in h" chez duBray*.
Je vous remercie trez humblement du cahier d'Orange^, où il y aura
bien à adjouster des mémoires et pièces que j'avois de pardeça , et que
je n'avois pas à Paris lors que je le dressay.
J'ay esté bien aise que M' de la Baroderie ® se soit rencontré l'un de
ceux que M' de Vris a choisis pour object de son art, car il est homme
de bon loisir, et bien intelligent en telles matières, et qui le sçaurà
bien faire valoir, quoy qu'on puisse dire au contraire.
La dédicace du Solin de M'' Saulmaise à Mess" de Venise lui-
vauldra sans doubte una collana \ comme fit l'Aristote de Scaliger de
M' Maussac% la chaine estant passée par mes mains pour la luy faire
' L'Admiranda Galliarum compeiidio indi- ' Le cahier déjà mentionné où Peiresc
cota mentionné plus haut (lettre VII). avait réuni bon nombre de documents rela-
' "Cette lettre, adressée h M. Frey, doc- tifs à V Histoire de la ville d'Ormige.
leur en médecine à Paris, le a mars 1629, " Sur ce personnage voir t. 1, p. 783.
est conservée dans le registre III des minutes ' Un colUer, une chaîne en or. Sauraaise
de Garpenlras (fol. Sgi). obtint-il de la république de Venise la bril-
" Sur François Ogier, voir 1. 1, p. 33. lante récompense que Peiresc souhaitait
' Discours au Roi en faveur des Minimes pour lui ?
François du couvent de la Trinité du Mont, à ' Voir, sur Jacques-Phih'ppe de Maussac,
Rome, pour la conservation des privilèges de t. I, p. 10. Voici le titre du recueil : Àpierlo-
/rt A^«(io«( Paris, 1629). réXovs vepi l^énvhloplas. Aristotelis his-
[1629] AUX FRERES DUPUY. 75
tenir. Vous m'obligerez bien de m'en retenir un exemplaire en fin
papier. Estant bien niarry que sur ce que je vous avois escript long
temps y a vous n'ayez envoyé demander à Madame de Lignage, car
vous eussiez trouvé qu'elle avoit les ordres renouveliez long temps y a,
et je m'estonne qu'elle mesmes ne vous en ayt envoyé advertir, comme
on l'en avoit priée, afin que l'ordre demeurast perpétuel, et par le der-
nier ordinaire on m'envoya un duplicata de la lettre d'advis sur ce sub-
ject, que je vous adressay. Mais je me resoulds, pour couper chemin'
à toutes cez longueurs, d'envoyer exprez de l'argent à Marseille, pour
le vous faire payer de pardelà. Aussy bien en veux je faire tenir au
sieur Tavernier^ et autres et ce sera la semaine prochaine Dieu ay-
dant.
Il suffira que les cartes de Provence et Daulphiné soient jointes aux
autres libvres, pour ne les gaster en les ployant.
J'escripts à Bordeaux à mes gents, qu'ils vous envoyent un panégy-
rique du P. Petiot jésuite ^ que vous ne verrez pas mal volontiers,
celuy que j'en ay receu m'ayant esté enlevé de vive force par noz Mess"
du Parlement, car je le vous eusse envoyé. Excusez moy, et me com-
mandez comme,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 16 avril 1629.
tort'a de animalibus, Julio Cœsare Scaligero
interprète, cum ejusdem commentariis , Phi-
lippus Jacobiis Maussaeus, in senatu Tho-
losano eomiliarius ivgius , ex bibliothtea
patenta opus a multis ahhinc annis expe-
titum priinus vulgavitet restituit, addilis Pro-
teffotnetiis et Animadversionibus (Toulouse,
1619, in-fol.).
' L'expi-ession «st k rapprocher éa vers
du Misanthrope :
A tous nos démêlés coupons chemin , de grâce.
' Voir, sur Melchior Tavernier, le tome I ,
p. 18.
' Le P. Etienne Petiot naquit à Limoges
en \ 60a et mourut en 1675. Voici le lilfe
(le ro|)uscule : Panegyricus Ludovico XIII ,
vindici rebellionis , domitori elementorum ,
œterno triumphatori , pro/racta Britaïuiia, pro
xubjugalo Oceano , pro tiiumphala Rupclla ,
dictus in colli'gio Burdigalensi Societalis Jetu
a Stef)hano Petiot , Lemovicemi , episdem socie-
tatin , rhetorices pro/essore ( Bordeaux , Pierre
(Je la Court, i6a8, ia-8°).
76 LETTRES DE PEIRESG [1629J
J'attends impatiemment des nouvelles de l'affaire du pauvre Nostra-
damus pai'ce qu'il est bien vieil et cassé'. Excusez moy pour l'honneur
de Dieu de cette courvée ^.
XV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous escrivis par la dernière staffette sammedy passé et depuis
soubs une enveloppe extraordinaire de M"" le Premier Présidant par
laquelle je vous accusay la réception de vos despesches du 22 mars et
3 avril et vous fis part de quelques lettres de Rome. Celle cy ne
sera que pour adjouster une coppie de nouveaux vers du Pape ^ qui
m'ont esté envoyez de la part du cardinal Barberin, ensemble cette
apparition de cinq soleils que j'ay laict coppier, tellement que vous la
pourrez garder, si jugez qu'elle en vaille la peine, et puis que le
pacquet n'est pas gros à ce coup cy d'ailleurs, vous aurez par cette
commodité l'exemplaire du livre du Roy de Perse*; je seray bien aise
que le trouviez à vostre goust. J'en ay envoyé quérir un autre pour moy .
à Venize, que j'attendray tout à loisir puis que j'y ay parcouru ce que
je voulois y voir. L'ordinaire de Rome ne m'avoit poinct laissé de lettre
du cardinal^, mais le vice légat d'Avignon m'en a renvoyé une sitost
que ledict ordinaire a esté arrivé là, oii il tesmoigne de grandes condo-
léances de la perte que le public a faicte en la mort du sieur Aleandro.
Je luy avois escript dez le premier advis que j'en eus, qu'il debvoit re-
' Si casse qu'il s'éteignit quelques mois ' Nous avons déjà vu que ce livre avait
plus tard (après le 28 août). été publié par Pierre deila Valle sous ce
' Vol. 717, fol. 35. titre: Relazione délie condiziom di Abbas rè
' Sur Urbain VIII et ses poésies, voir <it Pema ( Venise , i628,in-i°).
1. 1, p. 18. 'Du cardinal Fr. Barberini.
[1629J AUX FRÈRES DUPUY. 77
mettre à M' Holstenius les mémoires et observations du dict sieur
Aleandro ez mains du sieur Holstenius pour les donner au public, et-
achever ce qui s'y trouveroit imparfect, spécialement sur le calen-
drier constantinien. Nous verrons ce qu'il nous respondra. Car quoy
que la modestie face dire à M' Holstenius dans sa lettre que je vous ay
envoyée ', je ne pense pas que le {jenie du cavalier Doni fust assez fort
pour sortir de cela à souhaict^. Je feray une recharge la plus instante
que je pourray sur ce subject par le prochain ordinaire de la semaine
prochaine, Dieu aydant.
J'oubliay de vous escrire dernièrement l'affaire du sieur Bezançon^
(qu'on dict estre filz du présidant Chevalier*, à tout le moings qu'il
ne trouvoit pas bon que son père putatif le qualifîast son filz) lequel
se voyant embarrassé dans la contestation qu'il avoit eue avec M' le
Mareschal d'Eslrée^, et ayant apprins de la cour, que l'air du cabinet
et du conseil n'estoit pas pour luy, faignit d'estre griesvement malade
et d'avoir de si grandes convulsions qu'on eut pitié de luy, et l'envoya
t'on dans une chère •* à la prochaine ville, pour faire consulter son ma ,
demeurant tousjours neantmoings avec des gardes, qui ne le tenant
d'assez prez dans cette confiance de maladie, il trouva moyen de leur
eschapper, et se saulvà du costé de Nice, où l'on dict qu'il est encores.
' Voir celte lettre dans le i-ecueil de
Boissonade, n" xxn, p. i43. Holstenius
répond ainsi (p. ilxlt) à la demande de Pei-
resc : trNam quod in Aleandri locum nie
subrogare conaris, id profecto tenuitalis
meœ conscientia delerritus admitterc non
ausim. . . »
' Voici le passage dans lequel Holstenius
[ibid.) proposait à Peiresc de charger Doni
de l'achèvement des travaux d'Aléandre :
ffQuod et Donium noslrum nna mecuin fac-
turum existimo,et quidem eo magis, quan-
tum politioris doctrinœ elegantia et anliqui-
lalis cognitione praestat. » Dans une lettre
précédente (du a3 mars), Holstenius déplo-
rait ainsi (p. i33) la mort d'Aléandre :
(rDeCI. Hieronymi Aleandri morte puto jam
aliorum literis ad te nuntiatum fuisse , cujus
inlerilu Italia magno lumine, et universa
res literaria insigni ornamento orbala est. n
' Charles de Besançon, seigneur de Sou-
ligné, déjà plusieurs fois mentionné.
* Sur le président Chevalier, voir t. I .
Appendice, p. 839.
' Voir sur cette contestation les Mémoires
de Bassompierre , t. IV, p. a5.
' C'est-à-dire une chaise à porteurs. Nous
avons déjk rappelé (t. I, p. 67, note 1) que
l'identité des mots chaire et chaite se pro-
longea jusqu'au milieu du xvn' siècle.
78 LETTRES DE PEIRESC [1629]
H est venu un prevost pour luy faire et parfaire ie procez jusques à
sentence exclusivement, pour estre aprez jugé par Mess" les Mares-
chaulx de France, auxquels le Roy en a renvoyé et attribué toute juris-
diction et cognoisçanceS dont ce pauvre homme est au desespoir. Les
communes le regrettent fort, parce qu'il avoit bien empesclié des
desordres au passage des trouppes encores qu'il s'en soit faict beaucoup.
On adjouste que le Roy a faict deffences de plus bailler par cy aprez
la qualité de commissaire gênerai que prenoit le dict Bezançon, parce
qu'elle sembloit heurter et quasi deslruire la charge de gênerai d'ar-
mée, ce disent cez Mess". On se plainct fort des nouveaux desordres et
rançonnements que font cez trouppes par tout le pais. Vous diriez que
tout est au pillage, on dict qu'il y en a eu de bien frottez en quelques
lieux d'ici autour qui ne sont pas tant regrettez, car ils abusent bien
de la facilité des chefs. Au reste on commance à nous renouveller les
appréhensions de la maladie qu'on dict faire desjà du progrez à Gre-
noble; c'est pourquoy on a cejourd'huy faict assembler extraordinaire-
ment Mess" du parlement, pour en suspendre l'entrée et le commerce,'
attendant le verbal de ceux qu'on a envoyez pour s'en informer soubs
main '\ Et si le voisinage du Roy et le conseil qui est à Valance ne
nous eust empesché de frapper coup, nous eussions incontinant inter-
dict le commerce de tout le Daulphiné, à cause de la communication
qu'il a quasi inévitable avec Grenoble. Mais si le Roy est une foys
passé en Languedoc, on leur fera de grandes instances pour agréer
qu'on restablisse les ordres les plus rigoureux que l'on pourra pour le
regard, de crainte que le mal ne nous accueille, qui seroit la totale
riiine de ce pais, aprez celle que nous avons eue aux passages de ces
trouppes, qui ont desjà cousté plus de 3oo mille escus au païs, et
On lit dans les Mhnoires de Bassom- ' Littré ne cite, à propos de cette expres-
pierre (t. IV, p. 53): trLeluiidy g"" [juil- sion , que des écrits postérieurs à la présente
Jet lôag], nous fusmes encor au conseil, lettre, les Considérations sur lés coups d'Etat
puisnous vinmes, M.de Chombergetmoy, de Gabriel Naudé (1689), ie Soliman de
cheux nioy juger Besançon d'avoir la teste Mairet (1689), etc.
tranchée. 1
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 79
sont pour en couster encores beaucoup, si les trouppes du Roy ne sont
plus rcfjlées que celles que nous avons veûes jusques à presant. Nous
n'avons rien de bien certain pour le temps de la venue du Hoy dont
nous sommes en grande peine ' et de faire sortir du pais les trouppes
qui ont le commandement d'aller en Languedoc. Voila tout ce que nous
avons pour le présent. Conservez moy l'bonneur de vos bonnes grâces,
comme à celuy qui est et sera à jamais,
Monsieur,
vostre trcz humble et trez obligé serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, le 30 avril au soir 1699.
J'oubliois de vous dire qu'il est passé par icy depuis deux jours uu
ambassadeur de Gènes di casa Lomellino ou Palavicino, qui s'en va
vers le Roy pour compliments '^ 11 y a eu quelque peu de changement
en leur ville pour le choix des persones qui y sont en employ, qu'on
dict n'estre pas du tout tant attachées à l'Espagne que ceux qui sont
sortiz de charge. Vous aurez sceu que les assiégez de Soyon se sau-
vèrent une nuict fort bien pour eux, car ils n'eussent pas eschappé la
corde. M' de Montmorancy est descendu à Beaucaire où Madame sa
femme estoit fort griesvement malade et en grand danger de mort.
Un mien intime amy qui ayme passionément la musique m'a prié
' Ce fut, nous l'avons déjà vu , le 98 avril
que Louis XIII paitit de Suse pour renti'er
en PVance. il ariiva le 1 h mai au «tmp de-
vant Privas.
' Bassompierre ilil dans ses Mémoires
(t. IV, p. 99) : «Il arriva à Suse un ambassa-
deur extraordinaire de Gesiies», et (p. 33):
((La vendredy 37"" l'ambassadeur de Gènes
eut audience . . . i> Le marquis de Ghantérac
n'a pas indiqu)^ le nom do cet ambassadeur
qu'avait ainsi fait connaître le recueil Avenel
(t. III, p. 981): ((Augaslin Palavicino fut
envoyt! à Suse pour féliciter le roi de soi»
glorieux passage en Italie. La république de
Gènes avait écrit au cardinal de nichelieii
pour le prier de disposer le roi k accueillir
avec bonté leur ambassadeur." Richelieu,
dans une lettre ii la reine, du a 9 avril, écri-
vait ceci : (fil a envoie devant, pour annon-
cer sa venue, force confitures qu'il a fait
passer par la Savoye; et, pour sa personne ,
il a creu que le chemin de Provence lui se-
roit |)lus favorable, au rebours des Nor-
mands, qui vont par eau et envoient leurs
procès par terre. «
80 LETTRES DE PEIRESC [1629J
fort ardemment de luy faire recouvrer des airs nouveaux s'il y en a, je
vous supplie d'en demander quelques uns des plus modernes et des
meilleurs à quelqu'un de voz amys; en un besoing M"" du Monstier mon
compère^ ne me les refusera pas si vous les luy faictes demander de
ma part, sçaichant bien qu'il les a incontinant qu'ils sont esclos. Excu-
sez mov de cette peine et pour l'bonneur de Dieu me commandez tant
plus absolument.
J'oubliois de vous dire que cet ambassadeur de Gènes fut porté à
Toullon par deux galères de la Republique sur lesquelles parurent
alTorce gents vestus à la Françoise, et furent deschargées trente six
caisses d'une mesme forme que l'on disoit estre envoyées au Roy par la
dicte Republique qui furent emportées par dix huict niullets que ledict
ambassadeur fit demander pour cet effect sans les autres qu'il print
pour ses bardes et pour son train. Mais on adjouste à cela une chose
dont je n'ay pas de bon garant, scavoir est que parmy cez caisses la
Republique envoyoit au Roy cinq cents mille escus en or de l'argent du
feu mareschal d'Ancre, et veult on asseurer que le dict ambassadeur
l'avoit ainsin asseuré à M' le General des Galleres tout hault en pré-
sence de prou de gents ^. Si cela est je m'en rapporte; tant est que se
non fu bella, fu ben trovata ^. Rien est il véritable qu'il y a eu du chan-
gement en l'employ des persones choisies pour les principales charges
de leur republique.
Je ne vous avois pas dict aussy une chose bien déplorable, que lors-
qu'on voulut se servir du canon que l'on avoit faict traisner pour favo-
riser le passage de la rivière du Var contre les galères d'Espagne, il se
trouva que les boulletz n'estoient pas de calibre , de sorte qu'il n'y eut
pas de moyen de le faire tirer, et fallut que les pauvres soldats passas-
sent à la mercy du canon des galères dont il en demeura plus de 200
' H s'agit là du peinire Daniel du Mons- ne dit pas un mot de la grosse somme qui
lier, que Peiresc appelle son compère parce aurait été apportée par l'ambassadeur,
qu'ils étaient intimement liés. ' On cite généralement cette expression
' Le cardinal de Richelieu , dans la lettre proverbiale sous une forme un peu diflfé-
dont un fi'agment vient d'être reproduit. rente : Se non e eero, etc.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 8!
sur la place, cl toutel'oys il ne se vit jamais rien de si insolent ne de
si tyran que ce Buysson qui avoit la commission de l'artillerie et que
tout le monde condamnoit en une l'aulte si inexcusable. Il a bien faict
crier tout le pauvre monde, qui est passé par ses mains soit pour mul-
lels ou autre attirail, mais cela soit dict entre nous, s'il vous plaict'.
XVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je receus lundy au soir vostre despesclie du lo de ce moys, avec le
TARIGH^ fort bien conditionné et un cahier de remonstrances sur les
rentes de Paris, oii il y a de fort bons mouvements de ce pauvre bour-
geois, dont je vous remercie trez humblement, comme aussy des par-
ticularilez de la cour, en revanche desquelles vous en aurez une petite
relation qui n'est pas de si haulle cour, mais encores y aura t'il pos-
sible quelque destail qui vous pourroit eslre eschappé. Vous aurez
par mesme moyen l'autre despesche de M' de Thou du Caire laquelle
il accusoit par celle d'Alexandrie; vous verrez ce qu'il m'escript, car
j'ay eu loisir de luy faire response pour l'ordinaire de Rome, depuis que
je l'ay receiie, avant le partement de la staffette.
J'ay prins grand plaisir au jugement dont vous m'avez faict part de
cez Mess" qui ont l'oreille si sensible sur les vers des sieurs Viaz et
Remy', et sans nommer persone j'ay donné un petit mot d'advis à ce-
luy qui en avoit besoing, qui n'est point jaloux de ses ouvraiges, et
recognoit fort ingeniiement la vérité ; il est fort jeune* et en estât de se
corriger, comme il en a trez bonne envie. Pour la première syllabe de
' Vol. 717, fol. 87. ham Rémi sur la prise de la Rochelle.
' Ce livre a été déjà mentionné plus haut * Là il est question de Rémi, lequel n'a-
(lettre VII). vait alors que vingt-huit ans, tandis que
^ Les vers de Balthazar de Vias et d'Abra- Vias avait dépassé la quarantaine.
82 LETTRES DE PEIRESG [16"29|
SYRUS, je pense que ce qui se trouve du nom pareil de ce lieu en
isle de l'Asie Mineure, le peult avoir trompé. Oultre que pour les noms
propres il semble que les poètes s'en soient fort dispancez, attendu
que les etymologies en sont communément tirées de si différantes ra-
cines, qu'il n'est pas inconveniant que les unes ayent des fondements
pour allonger, et des autres pour abbreger la prononciation d'une syl-
labe et de faict si on alloit examiner le nom de Syrie selon les origines
Phoeniciennes ou Hebraiques, où les principaulx mots et primitifs sont
accompagnez de consonantes fort haspirées, mesmes celuy là, qui es-
toit anciennement monosyllabe, comme il est encor aujourd'buy entre
les Arabes et se commance à escrire par une lettre grandement has-
pirée, qui ne se peult proprement imiter par les lettres grecques ou
latines sans en joindre deux ensemble pour faire TSOUR ', il est bien
malaisé de le mettre en vers en sorte qu'il n'y eust de la cacophonie,
s'il estoit escript et prononcé si scrupuleusement comme aulcuns croi-
roient qu'il deubt estre, et de faict ce qu'aulcuns ont depuys exprimé
par un S en SYRIA, les autres l'ont exprimé par un T en TYRUS,
bien qu'on tienne que l'un vienne de l'autre. Voire quelqu'un a tenu
qu'ASSYRIA ne soit qu'un emprunt de syllabe, pour pouvoir plus com-
modément prononcer la première consonante du mot de Syrie en la
redoublant, attendu que les voyelles leur sont si indifférantes et qu'ils
ne s'arrestent principalement qu'à leurs consonantes.
Quant à l'autre mot de Varus, bien que l'usage receu soit sans ré-
plique, si est ce qu'il ne recevroit pas moings de difiiculté, s'il estoit
examiné selon les plus vraysemblables etymologies et origines de la
langue GauUoise ou Germanique où la plus part des rivières et ruis-
seaux se trouvent avoir retenu des noms qui viennent d'une seule
origine, bien que diversifiez d'une estrange façon, comme le Var, le Ga-
ron, le Garin ou Guarin, le Verdon, le Guar, le Guardon, la Garonne,
la Gavarre, le Gavarret, le Gau, le Gappeau, le Gaveau, le Gavot,
le Gavardel, le Gavaudan, le Gavardon, la Gaverne, la Gavelne,
' Tsour ou Sour est une ville de la Turquie d'Asie, province de Syrie, sur la Méditer-
ranée, à 36 kilomètres d'Acre. C'est l'ancienne Tyr.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 83
l'Lfveaune, et une infinité d'autres, que l'on trouve A touts bouts de
cliamps dans cette province, et dans le Languedoc, mais principale-
aient dans cez païs du Bearn, et autres circon voisins, lesquels ont
plus opiniastreinent retenu le Barragoïa celtique ou canlabrique, où
j'ay autres foys admiré de voir quasi touts les ruisseaux qualifiez en
cette sorte et Dieu sçaict si le nom de Ligeris ne pourroit pas en estre
dérivé comme les autres, car les voyelles n'estoient pas gueres moings
arbitraires entre ces peuples là qu'entre les Orientaulx, et de faict
vous voyez que dans cette mesrae Province nous avons deux notables
rivières qui ont retenu les noms de VAU et de VERDON, et si on y
rapporloit les autres noms de rivières ou ruisseaux qui peuvent avoir
cbangé l'V de la première syllabe en B ou en P, comme il n'est pas
arrivé moings promisciiement' que de le changer en G ou en GV,
vous y trouveriez comprins le PADUS et un si grand nombre d'autres,
qu'il n'en manqueroit pas dont cette syllabe pourroit avoir esté rendue
breive, soit par corruption ou autrement, avec la traicte du temps''';
voire l'ERIDANUS n'en seroit pas exclus, n'estant pas nouveau que le
tenq)s retranche des lettres du commancement des mots comme d'ail-
leurs, et comme d'y en adjouster, tesmoing ce que les anciens ont
remarque de son vieil nom BOGHERNUM, le CH n'estant pas tant
eslongné du G pour la prononciation, qu'il ne peult avoir esté nommé
GUERIDANUS et BOGUERIDANUS, ce qui embrasseroitencoresnostre
RHODANUS, par la mesme raison, puisque l'arbitrage des voyelles
en la dicte langue celtique l'a faict aussi bien nommer autres foys par
(juelque autbeur ERIDANUS, comme le PO et quelques autres de ceux
d'autour des Pyrennées, oi!i il s'en voit de plus apparantes vestiges, n'y
ayant rien d'incompatible de faire de GAL'RDAN ERIDANUS et RO-
DAINUS et qui plus est le RHENUS de GUARHENLS, les noms de GUÉ
et de VADUS pouvant fort bien encores venir de tout cela, sans qu'il
faille craindre d'ofl'ancer l'antiquité, pour avoir voulu comprendre tant
de rivières et ruisseaux soubs des etymologies venants d'une mesme
' On chercherait vainement cet adverbe dans nos dictionnaires. — ' C'esl-h-dire la suite
du temps.
84 LETTRES DE PEIRESC [1629J
source. Puis que vous voyez que dans le Bearn il y en a un nombre
merveilleux , qui ne sont diversifiez qu'en terminaison , diminution ou
ampliation comme peuvent avoir faict les anciens, principalement dans
ces premiers siècles de plus grande ignorance ou simplicité, car ceux
qui sont venus par aprez ont plus scrupuleusement voulu faire valoir
les corruptions des noms propres en Testât qu'ils les ont trouvez, pour
les mieux distinguer les uns des autres. Mais que direz vous de cette
impertinante digression ? Vous aurez bien du subject de vous mocquer
de moy, je vous supplie de m'en excuser, car toutes cez badineries me
sont insensiblement eschappées de la plume sans y avoir pensé quand
je l'ay prinse pour vous escrire, et ne suis pourtant pas marry de m'y
estre engagé, car cela m'y fera possible songer un jour plus à loisir et
si cela estoit examiné par ung homme commeM^'Crottius, je pense qu'il
y trouveroit possible au bout du compte quelque bonne consequance
à tirer, ayant la langue de son pais à commandement, et la pouvant
joindre aux origines de la grecque et latine mieux que moy. Si vous le
trouvez quelque jour en humeur d'en prendre la patiance, je ne seray
pas marry que luy en disiez mon imagination quoy que possible im-
pertinante, car je sçay bien qu'il ne laisra pas de l'interpréter benigne-
ment selon sa doulceur naturelle et nous enseignera de très belles
choses, s'il veult, sur cette matière.
Au reste je suis bien aise qu'ayez faict retirer les 4oo livres pour
empescher que ces gents ne soient si empeschez à rappeller leur mé-
moire. Je vous remercie du soing qu'avez eu des libvres de Macé dont
j'ay veu le roolle. Pour la Bible elle me semble de vray un peu chère,
et puis de n'estre pas toute en blanc, il y a quelque chose à dire, car
pour la relier de nouveau tout d'une parure, la marge en pâtira fort.
Je vous supplie de me mander la datte de l'édition , la vraye forme et
le nombre des volumes, car aussy bien si ce n'estoit la mesme édition
sur laquelle a faict sa mémoire locale celuy à qui je la destinois, je
n'y employerois pas volontiers une somme notable, cette sorte de livres
estant hors de mon usage tout à faict. J'ay desja envoyé en Espagne le
mémoire des livres qui y sont nouvellement imprimez, par un reli-
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 85
gicux qui va au chappittre des Minimes à Barcelonne avec lettre de
crédit d'un marchand de Marseille. S'il s'y en trouve je pense que nous
en aurons. Je serois bien marry que les occupations du sieur de Vris
l'empescliassent de faire le portraict de M' Saulmaise '. Je n'ay pas en-
core peu retirer toutes les lettres de recommandation qui m'ont esté
promises à Mess" de Dijon pour M" Rigault et Haullin*; entre cy et la
première stalTette j'cspere de les retirer toutes, et qu'il y en aura quel-
qu'une de bonne. Si j'eusse sceu les noms de leurs juges, et spéciale-
ment de leur rapporteur, j'eusse plus affecté ceux là que les autres,
mais je faicts escrire à tous ceux que je puis tant de la Tournelle que
Grand chambre, parce que je ne sçay en quelle chambre il est, et que
les procez suivent le rapporteur en quelque chambre qu'il soit obligé
d'aller.
Je vous doibs mille remerciements trez humbles des bons offices
et favorables compliments qu'il vous a pieu rendre à nostre pauvre
M" Fabrot, qui est bien fier de l'honneur que vous lui faictes et vous
en sera {\ jamais redevable. Je vous ay adressé le second livre, et pen-
sois maintenant envoyer le troisiesme; mais puis que cela ne presse
pas, je luy feray remettre encor au net quelque feuille, pour oster
tout prétexte de doubte aux compositeurs d'imprimerie. Je vous re-
mercie encores par un million de foys de la prompte et favorable
expédition des provisions du bon vieillard le sieur de Nostradame ', en
quoy vous n^'avez infiniment obligé, comme aussy M' de Lomenie et
M"" de la Tremolieres, mesmes du Gratis auquel je ne m'attendois pas,
et les en remercieray comme il fault. Je les luy ay envoyées et crains
que la joye ne fasse tort à sa foible santé, tant il en a esté content. Il
eut désiré quelque petit mot de sa qualité et de ses services, mais je
pense qu'il se doibt contenter de cela.
' Il a été déjà plusieurs fois question, telet de Paris, voir t. I, p. ai i, où Peiresc
dans cette correspondance, du portrait de écrit ainsi le nom de l'archéologue : Autin.
Saumaisc , si vivement et si vainement désii'é ' Les provisions de l'état de gentilhomme
par Peiresc. Voir notamment l. I, p. 77. de la chambre du roi obtenues pour César
' Sur ce savant conseiller du roi au Châ- de Nostredame.
86 LETTRES DE PEIRESG [1629]
Pour des pièces de feu M" de Malerbe, je ne pense pas en avoir en
vers qui a'ayent esté imprimées, et pour la prose, j'ay grand nombre
de ses lettres missives qu'il m'avoit autres foys demandées pour les re-
voir, et en faire choix de celles qui se pouvoient imprimera Mais cela
fut interrompu par des voyages survenus de sa part et de la mienne.
Si on en veult je vous envoyeray trez volontiers tout ce que j'en
auray. M"" le conseiller Boyer son neveu ^, et père de son héritier^, me
demanda l'autre jour la mesme chose, et je luy avois faict la mesme
responce, mais il ne m'en avoit pas depuis parlé.
J'ay trouvé jolies les petites heures grecques de Libert, ce me
semble, et vous prie de m'en faire envoyer un autre exemplaire à
vostre commodité.
M"" le Nonce * m'a faict plainte de n'avoir pas veu l'epistre de M"" Ri-
gault au cardinal de Richelieu^; si j'en eusse eu une à part, je la lui
eusse envoyée, mais toutes celles que vous m'aviez envoyées ont esté
employées aux quattre exemplaires que j'ay eus en main, l'une en ce-
luy du cardinal Barberin, l'autre en celuy de M' d'Oppedc**, car le
libraire n'y en avoit poinct mis, la troisiesrae en un autre que j'ay
envoyé en Italie, et la quattriesme pour le mien, où il me manque
' Ces lettres, dont les autographes sont
conservés à la Bibliothèque nationale, fu-
rent écrites de février 1606 au 3 avril 1698;
elles sont au nombre de aai, sans compter
les pièces sans date ; elles ont été très mal
publiées en 182a par le libraire Biaise, et
très bien publiées, en 1869, par M. Lud.
Lalanne, dans le tome III des Œuvres de
Malherbe (Collection des Grands écrivains de
la France).
^ Jean-Baptiste de Boyer, conseiller au
parlement d'Aix, était neveu de la femme
de Malherbe. Ce fut lui qui édita, en 1687,
la traduction des Épîlres de Sénèque laissée
par son oncle ; il dédia cette publication au
cardinal de Richelieu. Voir, sur J.-B. de
Boyer, le Malherbe de M. Lud. Lalanne
(t. I, p. XLUi; t. II, p. 261, 962; t. III,
p. 59, 335).
' Malherbe, déshéritant complètement
sa famille, choisit pour légataire universel
son petit-neveu Vincent de Boyer, seigneur
d'Eguilles, qui fut conseiller au parlement
d'Aix , comme son père , et qui se maria
avec Madeleine de Forbin d'Oppède. Voir
les Rues d'Aix, t. I, p. 89, SSg.
' Jean-François Bagni, qui avait succédé
en 1 697 au cardinal Spada. Voir, sur le car-
dinal Bagni , le tome I , p. 118, 777.
' L'épître dédicatoii-e du Tertullien.
' Le premier président du parlement de
Provence.
11629] AUX FRÈRES DUPUY. 87
encores le quarton de supplt'mienl aux animadversions. J'en «vois bien
une ciiiquicsnio qui vint toute la première, mais il y avoit quelques
faultes d'imprimerie, et n'estoit pas mesmes ajustée en façon qu'elle se
peult jamais relier proprement.
Pour le commerce, je crains fort que nous ne soyons encores bien
loing de le restablir, car le vicelegat nous vient de mander que la ma-
ladie s'est fourrée tout fraischement dans un village nommé Monteux
prez de Carpentras \ où tout d'un coup en 26 heures y a eu 60 per-
sonnes frappées, et dicl on qu'un malade par surprinse est venu passer
à Noves ^ et à Eyragucs ', où nous avons envoyé en diligence faire
fermer tous les lieux où il aura frequanté. Si Dieu ne nous ayde, nous
courrons grande fortune à cet esté, et si cez armées ne prennent autre
chemin que par cette province et par des lieux où les chaleurs font si
facilement prendre le mal. La cavallerie qui devoit passer en Lan-
guedoc a rebroussé chemin depuis Arles, et a eu commandement de
s'en aller suyvre M'' de Schomborg du costé de Lyon. L'infanterie doibt
eslre passée depuis hier; le jour précédant tout estoit desja passé fors
le régiment du chevalier de la Valette qui avoit sesjourné un jour
plus que son ordinaire ne portoit par les chemins: M' de Guise à la
prière du parlement s'en alla en personne en Arles, pour les faire sortir
et faire retenir les mullets qu'ils emmenoient pour plus de 60 mill«*
escus.
C'est tout ce que je vous puis dire et que je suis tousjours,
Monsieur,
vostre tre/ humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Ail, ce 38 avril 16^9'.
' Monteui est une commune du ddpar- Chfiteau-Rcnard , à 7 kilomètres de cette ville,
tement de Vauciuse, canton de Carpentras, ' Commune du même df'partrment, du
à 5 kilomètres de cette ville. même an-ondissemcnt et du même canton,
' Commune du df^parlement des Bouches- à 5 kilomètres de Château-Renard.
du-Rhône, arrondissement d'Arles, canton de ' Vol. 717, fol. 39.
88 LETTRES DE PEIRESC [1629]
XVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du 17'"'' avec la boitte de M' Robin, les vers de
M'' Sinnond , les papiers de M"' de Vend et autres belles curiositez que
vous y joignez d'ordinaire, dont je vous remercie de tout mon cœur,
bien niarry que noz chetives revanches ayent si peu de proportion avec
les obligations dont vous nous comblez à toutes heures. Je suis bien aise
que la lettre de M' Holstenius vous ayt agréé. Je trouve ce personage
grandement universel, et qu'il y a tant à apprendre auprez de luy, que
sa conversation ou correspondance ne se sçauroit assez prixser. Je suis
bien avant en traicté pour les m[anu]s[crit]s grecs, et en ay desja
offert 5 00 livres contant des 20 pièces du roolle que vous avez veu,
on n'en veult rien r'abbattre de 900 livres. Nous verrons ce qui s'en
pourra rogner; tant est que j'auray de la peine de m'empescher de les
prendre à ce priy là s'il ne se peult faire mieux, quand ce ne seroit
que pour bailler à M"" Holstenius ses Platoniciens, qu'il a maintenant si
à coeur. Du Pollux il n'y a que les deux premiers livres de l'imprimé,
encores ne sont ils pas complects, mais en revanche des autres libvres-
de l'imprimé, il y a en ce volume m[anu]s[crit] afforce autres pièces non
jamais imprimées, lesquelles seules m'embarqueront possible à cette ac-
quisition, quand il n'y auroit que cela. On l'a conféré sur l'édition de
Basle in U° de l'an i636 [sic) ^ et s'y est trouvé la differance contenue
au mémoire que je pensois vous avoir envoyé, mais à tout hazard je le
feray derechef joindre à la présente. J'ay bien de l'obligation à Mess" Ri-
gault et Haultin, du registre de Lauthier^, et trouve fort bon l'employ
' Pour i536. Cette édition de YOnomas- ^ C'est probablement de ce registre qii'a-
tica est la troisième. Les deux premières vait élé tiré l'ouvrage intitulé : Figures des
sont, l'une de i5o2 (Venise, Aide, in-fol.), monnotes de France. Paris, 161g, in-4°. Ce
l'autre de iSao (Florence, in-foi.). volume fut publié par Jean-Baptiste Haultin,
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 89
que vous y faicles de Moulinot, en absance de Quentin; il estoit un
|)fiu cslourdy et precipilant', ce me semble, du temps que je l'em-
ployois; il n'y aura pas de dan{i[er de luy recommander un peu l'at-
Icnlion et i'exactezze en ce qui est des nombres, et puis qu'il me met
au taux de M' de Lomenie, à tout le moings qu'il ne fasse pas de dif-
(iciilté de vacquer par aprez à la collation sur l'original, avec quelque
autre, en payant, affin qu'il n'y demeure pas, s'il est possible, des
faultes considérables. Si les livres de M"' Poulain se vendoient, j'acliej)-
terois volontiers l'exemplaire que luy avoit donné le dict sieur Aultin,
de ce qu'il fit imprimer en taille de boys des monnoyes de France ■^
])our le faire coupper par petits morceaux, et les faire proprement
placqucr auprez de chascun des articles de la coppie du dict registre,
où il en est faict mention. C'est daumage que M"" Aultin en fit im-
jM'imer si peu d'exemplaires, qu'il en fut incontinant despourveu. Si
par cette occasion ou autre de la vente de quelque inventaire il s'en
présente à vendre quelque autre exemplaire, je vous supplie de me
le faire achepter, pour servir à cet usage là, car j'estimeray bien ce
registre, si je l'ay un jour bien complect, l'une des curieuses pièces
de mon cabinet. Ces relieurs qui réduisent en libvres les portraicis
d'hommes illustres imprimez en placcard chez le Clerc, colleroienl
bien proprement toutes cez figures de monnoyes chascune en son
lieu et place, selon le dict registre. Je me doubte fort que vostre
soubçon concernant les oeuvres de Cardan ne soyt vray; je n'ay ja-
mais peu tant gouster cet homme là, où je trouve, ce me semble,
beaucoup plus de plume que de chair', mais j'eusse esté bien aise d'y
servir M"" Deodati et ceux qui y trouvent leur goust, car comme j'ay
mentionna d.iiis In lellrc précédente. Voir On voit que précipitant s'est dit encore au
Manuel du libraire, t. III, col. 69. xvu*.
' Litlré, qui rappelle cette piquante dé- ' Le livre dont il vient d'être question :
finilion des Français donnée par Martin du Figiires des monnaies de France.
Bellay : trLes François sont bouillans et ' Bon jugement pittores<]ncnient exprimé,
précipitants de nature», fait observer que La locution dont se sert Peiresc n'a pas été
le mol s'est dit adjectivement au xvi* siècle. recueillie dans le Dictionnaire de Litlrë.
II. la
90 LETTRES DE PEIRESG [1629]
souvent des gousts extraordinaires, et que je suis bien aise que mes
amys me les souffrent, je pense estre obligé d'en faire de raesme
envers ceux qui ont d'autres gousts que les miens, et c'est comme cela
qu'en recherchant ])our l'amour de mes amys des choses que je
sçavois estre de leur goust et qui n'estoient nullement du mien, je m'y
suis laissé neantmoings prendre quelques foys sans y penser, comme à
la moustarde, et m'y suis entin trouvé alTriandé voulusse je ou non,
dont je ne me suis pas tant repenty. Mais je ne pense pas pourtant
que cela m'advienne, pour ce chef là, à mon advis.
Je me suis un peu lassé à escrire à Rome de façon que je finira y un
peu plus tost pour le coup, remettant le reste à ce que j'ay mandé à
M' du Puy vostre frère et vous suppliant de me tenir tousjours.
Monsieur, pour
-Yostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresg.
A Aix, ce 4 mai lôag.
J'ay eu une relation d'Espagne sur la réduction de la Rochelle, où
il n'y a rien à apprendre pour le regard que nous ne sceussions desja
mieux d'ailleurs, mais neantmoings il y a certaines chosettes tant à
l'advantage de la France que j'ay creu qu'elle meritoit de n'estre pas
négligée, et pour cet eflect je la vous envoyé originellement' pour la
garder, et faire induire deshorsmais à ceux qui escriront de la préro-
gative de la France sur l'Espagne, comme une pièce qui vient de leur
main, tout de mesmes comme ils affectent tant d'alléguer noz autheurs
Fiançois sur tout ce qui leur peult estre eschappé à leur advaiitage.
Vous la pourrez faire voir à M"' l'advocat gênerai Bignon et à M' Go-
delroy, qui n'en seront possible pas marrys, non plus que d'apprendre
de vostre part que je suis tousjours leur serviteur Irez humble, bien
fasché de le leur tesmoigner si mal.
Il y a un libvret in 8° d'observations de médecine imprimé à Paris
' C'est-à-dire à l'étal d'original.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 91
on i'an 1612 de Chifflcliiis père et du filz aussy', que je recouvrerois
volontiers, s'il vous toniboit en main*.
XVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je ne pourray pas avoir le bien de vous entretenir à ce coup cy
comme j'eusse désiré, {\ cause du decez d'un nostre parent, qui nous
oblige à des compliments qui ne se peuvent remettre. Seulement je
vous accHseray la réception de vostre lettre du 18 mars par le sieur
Pierre Harwik de Hambourg, qui est party à ce jourd'huy pour aller à
Marseille, et delà prendre la routte deSuse et du Piémont, pour s'em-
barquer sur le Pô et s'aller rendre à Padoue, où je lui ay baillé des
lettres qu'il a désirées pour le sieur Lorenzo Pignoria^, comme aussy
pour divers amys en divers lieux de cette province, par lesquels il a
prias son destour pour la curiosité. C'est un trez liortneste jeune homme
et dont j'estime bien la cognoisçance qu'il vous a pieu me procurer, et
vous en remercie de tout mon coeur. Vostre lettre luy vint bien à propos
à Monpelier, où l'on l'avoitarresté comme spie*; elle l'ut ouverte, et fut
ie seul fondement de sa délivrance. Je receus depuis vostre despesche
du 26 avril par la staffette, avec cette généalogie ridicule, une queri-
monie^ des Minimes et des poèmes d'Auberoche*, dont je vous remercie,
' Jean Chifllet, «locleur en médecine, seconde partie, n° III, une lettre de Pierre
mort vers i(iio h llcsaiiçon, sa ville na- Dupny ëcrite à Pciresc le 18 mai 1639.
laie, avait laiss»< un ouvrage inédit intitulé : ' Voir sur cet érudit le tome I, p. 3.
Singukres ex curalionibus et cadaverum * Pour espion. Littré rappelle que l'an-
seclionibim obsenaùones , qui fut publié cienne langue disait e.?pic.
par son (ils aînt?, Jean -Jacques, docteur ^ Sous le mot quenmonie Littré cite un
en médecine, sur lequel on peut voir le écrivain du .wi' siècle, Calvin, et doux du
tome I , p. 591. XVII*, Scarron et Saint-Simon.
' Vol. 717, fol. 4 1. Voira l'Appendice, ' Ce doit être Pierre d'Aulberoche, de la
92 LETTRES DE PEIRESC [1629]
mais bien plus des Poemata Barlœi, que j'envoyay inconlinant à Rome,
s'estaiit présenté un gentilhomme qui s'y en alloit; c'est pour quoy vous
m'obligerez bien de m'en procurer quelque autre exemplaire s'il
s'en peult avoir, pour moy et pour quelques amys, car cet homme
est fort à mon goust. Je ne plains que le mauvais caractère qui a esté
employé à cette édition. J'altendray le Tertullian ' que vous me pro-
mettez par la prochaine staffette qui viendra tout à propos pour le
présenter à M'' nostre Archevesque^ à qui je feray lisre l'epistre limi-
naire en ma présence si je puis^, et puis je prendray de ses lettres pour
Dijon. Les vers de ce Gruceius ne semblent pas devoir estre négligez'.
C'est pour quoy je leur ay faict passer les monts, en ayant retenu
coppie, au cas qu'il ne s'en peusse recouvrer d'autre exemplaire,
comme je ferois bien volontiers, pour en avoir mon assortiment des
choses de cette matière plus complect. J'oubliois de vous remercier du
libvre du comte de Cramait ^ que M'" nostre Archevesque a voulu voir;
compagnie de Jésus, professeur de rliëto-
rique au collège de Bordeaux , auteur de di-
verses odes latines publie'es en 1626 dans
le rare et curieux recueil intitulé : La cou-
ronne de Jleurs lissée dans le parterre de Thé-
viis et des muses du Parnasse de Guyenne,
dediéeau Roij (Bordeaux, Jacques Millanges,
1G9/1, plaquette in-4°). Le poète d'Aulbc-
roche a été oublié dans la Bibliothèque des
écrivains de la Compagnie de Jésus (der-
nière édition). Son nom est imprimé sans
apostrophe dans le Catalogue de la Bibliothèque
nationale (t. I, p. SaS), oîi l'on mentionne
ainsi un de ses poèmes : Urbano octavo , ponli-
fici maxiino ,priinogeniti Ecclesiœfilii Ludovici
Justi, christianissiini régis , expeditiones Beana
et Riipellana, ad summam Ecclesiw et regni
dignilatem siisceplœ perfeclœque , heroïco versu
descriptœ a P. Daulberoche (1629).
' Le Terlultien do lligault.
" L'archevêque Alphonse de Richelieu.
^ L'épiire dédiée au frère de l'archevêque
d'Aix, au grand cardinal Armand de Ri-
chelieu.
* Les vers de La Croix, comme on le voit
dans la lettre suivante, étaient consacrés à
la prise de la Rochelle. Voici le titre du
poème conservé sous le n° 9 1 3 h la biblio-
thèque de la Rocliolle {Bibliographie roche-
laise, par Léopold Délayant , 1882, p. 268):
Jselasticon seu triumphus rupellanus Ludovici
Justi (Paris, Jean Libert, 1629, in-8°). Le
catalogue de la Bibliothèque nationale n'in-
dique de La Gioix qu'un poème sur Casai :
Emerici Crucei soteria Casalœa , sive expeditio
italica Ludovici Justi (Paris, 1629, in-8°).
lîmeric de la Croix, né à Paris vers iSgo,
est connu pour avoir donné une édition de
Stace(Paris, 1618, in-i°).
'' Le comte de Cramail ou de Carmain
était Adrien de Monluc, seigneur de Mon-
tesquieu, prince de Chabaiiais, petit-fils du
maréchal Biaise de Monhic. Il naquit en 1 068
et mourut en i646 (22 janvier). Il fut ca-
[1629]
AUX FRKRES DUPUY.
93
c'est pourquoy je ne l'ay pas encore veu, et je vous en suis tant plus
redevable. Je dicts M'' iiostre Arclicvesqiie, parce qu'il faict oncores la
lonction de premier procureur du pais aux asseniLices publiques, en
ayant niand(i une solemnelle au 16 du présent Nous croyons qu'il sera
icy plus lonjflernps que n'avions pensé. Je suis doublement aise de ce
qu'avez trouvé le moyen de m'assortir du volume des vu traictez de
Mariana, et de ce qu'avez rencontré le propre exemplaire du pauvre
feu M"" Poulain qui me l'avoit autres foys voulu donner, dont je m'cstois
depuis repenty, voyant que je n'en avois peu avoir d'ailleurs. Encores
l'auldroit il s'enquérir que sont devenus les mémoires et papiers curieux
dont il avoit fort bon nombre. Je les aurois fort volontiers acheptez,
si je me fusse trouvé là, et n'eusse pas laissé de conserver au pauvre
defl'unt l'honneur tout entier de ce qui s'y seroit trouvé digne de voir
le jour. On me surprend et me constraint on de finir. Vous verrez aux
papiers cyjoincts le peu que nous avons de nouveau, n'y pouvant ad-
jouster si ce n'est que jeudy M' de Guise passa par icy et alla descendre
chez M'" rArcheves(|ue et aprezestre venu disner chez luy, passa oultre
vers Avignon, estant allé voir le Roy à la Voutte' où l'on dict qu'il a
prinsson quartier. Et sur ce je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pëihesc.
A Aix, ce la mny i6ag.
Mon frère s'est tant incommodé en ses voyages qu'enfin il est tombé
malade, mais grâces à Dieu il est maintenant sans fiebvre, et debout,
mais grandement alfoibly.
|)itainc de cent hommes d'armes, maréchal
de camp des armc'es du roi et g-ouverneur
du pays de Foix. I.o livra dont veut parler
Peiresc serait-il le recueil intituld : Les jeux
de l'inconnu, qui parut h Paris, ranndo sui-
vante, sous le pseudonyme de ])e Vaux,
mois dont quelques exemplaires auraient été
mis en circulalion dès le milieu de tCaj?
' La Voulle , chef-lieu de canton du ilëpar-
tcment de l'Ardèche, arrondissement de
Privas, h 9 1 kilomètres de cette ville, sur la
rive droite du llhiinc.
94 LETTRES DE PEIHESC [1629]
Jo vous supplie de m'envoyer par la voye de la poste, s'il s'en peut
avoir, un exemplaire de cez petites heures du concile d'Elzevir soubs
le nom de Cologne', soit en blanc ou reliées, pour un amy^
XIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
J'eus hier vostre despesche du h may, avec le livret de M"" Ribier',
les rabas et les vers de Cruceius sur la Rochelle que je trouvav trez
bons à mon petit goust. Et s'il y a moyen d'en avoir quelque autre
exemplaii'e, me ferez laveur singulière comme aussy du livre du dict
sieur Ribier. J'avois eu lundy la procédante despesche du 97 avril avec le
Teituliian fort bien conditionné et le factum deM'Grotius que j'ay ad-
miré, et qui meriteroit encores d'en avoir quelque autre coppie, s'il s'en
trou voit, pour esvitcr qu'une si bonne pièce ne se perde; voire si l'arrest
sur ce intervenu se recouvroit, bien que contraire, il seroit tousjours
' N'ayanl trouvé aucune mention de ces
petites heures , pas mémo dans l'ouvrage le
meilleur qui ait été consacré aux EIzevier,
celui de M. A. Willems , je me suis adressé à
l'éminent bibliographe et voici ce qu'il m'a fait
l'honneur de me répondre: (rll m'est impos-
sible de vous procurer le moindre renseigne-
ment au sujet des petites heures du Concile
dont il est question dans la lettre de Peiresc.
Non seulement je n'ai jamais rencontré ce
volume, mais je puis affirmer qu'il n'en est
■^lyneuré trace dans aucun catalogue du
'mps. Ce qui est plus significatif encore ,
st que le titre en question, ni aucun autre
"^Z^' analogue , ne figure dans les catalogues
""laux des EIzevier parus en i6a8
oflTici
et 1 638. La lettre étant de 1 629 , vous pouvez
tenir pour à peu près certain qu'un livre quel- '
conque imprimé vers celte époque par les
EIzevier aurait été port<; dans l'un au moins
de ces deux inventaires. Je regrette beaucoup
de n'avoir pu résoudre ce petit problème
bibliographique. . . »
' Vol. 717,101. Zi3.
' Probablement : Discours sur le gouver-
nement des monarchies et des principautés
souveraines, par Messire Jacques Ribier,
conseiller d'État (Paris, Cramoisy, i63o).
Comme pour les Jeux de l'inconnu men-
tionnés en une note de la lettre précédente,
quelques exemplaires du livret de Ribier
purent être distribués en 1629.
[1629J AUX FRÈRES UUPUY. 95
bon, et encores meilleur si le faclum contraire se trouvoit. La lettre à la
Roync estoit bonne à voir, et tout le surplus, mesnies' la lettre de
M"^ Besly dont je vous remercie Irez liumblemenl, honteux de me voir
tousjours plus reculé des moyens de vous rendre aulcunc revanche de
tant de bienfaicls pour lesquels nous ne vous sçaurions rendre que
de bien chetives paroles, si Dieu ne nous en ouvre de meilleurs moyen»
que n'en avons peu avoir.
Vous verrez dans les lettres de Rome cy joinctes les nouvelles r|ue
nous avons de M'' de Thou; il me tarde bien fort de le voir icy, pour
estre en repos d'es])rit de tant de daiifjers et naufrages dont il est
eschappé qui luy présagent sans double i|uelque grand et digne employ,
auquel Dieu le reserve.
Cependant je vous remercie trez humblement dusoing qu'avez prins
pour ce que je desii-ois du registre de M"" Autin qui m'a infiniment
obligé, et M" Rigault quant et luy, comme aussy de l'instance qu'il vous
plaict de l'aire à M"^ de Lusson pour me faire participer à quelque chose
de ses recueils de la ciiambre des nionnoyes, dont je luy serav infi-
niment redevable et cherchcray tous moyens de m'en revancher. Le
sieur Vincent Blanc a un grand procez sur le bureau contre le Grand
Maistre de Malte; il me dict hier que s'il en a bonne issiie comme il
espère, il ira donner un coup d'csperon à Paris pour aller satisfaire aux
commandements de cez Messieurs ia.
Si j'eusse sceu le commerce de M^Lumaga-, il y a long temps que
je les eusse employez pour me faire avoir cez MARMORA ARLNDEL-
LIANA ', car ils sont de mes amys, principalement celuy qui eslfraische-
ment retiré de Gènes à Paris, de sorte que si lalfaire n'estoil encores
faicte', il suppléera fort volontiers, si vous luy en faictes dire un mot de
ma part. Je vous ay néantmoings tousjours une trez grande obligation
de ce seing qu'il vous a pieu d'en prcndni, et do me toucher les par-
' N'oul)lioiis pas que mcsmes voulnit alors hlis îi Gênes qui furent au nombre des cor-
dire surtout. respondanls de Peiresc.
' Ra|)pelon8quelesfrèresLnm8gn (Marco- " C'est \n mémorable publication de Jean
Antonio elOttavio) étaient dos banquiers t'(a- Selden (ifiag. iii-Zi").
96 LETTRES DE PEIRESC [1629]
ticularitcz qu'il vous a pieu m'en escrire qui m'ont bien csmeu la curio-
sité plus ardante de les voir que devant.
Je m'estonne fort que n'ayez pas trouvé la figure du phoenomene
du soleil du 2 0 mars dernier dans mon pacquet, car j'eusse juré delà
vous avoir envoyée, l'ayant faict copier exprez pour vous, et ne sçay
comme elle se peult estre esgarée; j'en fis faire en mesmc temps une
autre pour M"" Gassendi, et je crains que mon homme par inadvertance
les aye mises toutes deux dans son enveloppe, car elle n'est pas de-
meurée sur ma table. Le peintre qui l'avoit coppiée n'est pas à la ville;
je l'attends ce soir, et la luy feray refaire pour la vous faire tenir par
le premier. Un homme qui se picque de prédictions a mandé que ce
signe pronostiquoit de grands changements à l'église Romaine dans
cinq ans du jourd'huy; si je puis vivre assez pour le voir, je le croiray
mieux qu'à cette heure.
Pour le panégyrique du P. Petiot \ il ne me souvenoit pas que
[vous l'jeussiez envoyé de Paris, ce qui me faisoit penser que ne l'eus-
siez pas eu. C'estoit pour cela que j'avois mandé qu'on vous en fist tenir
de Bordeaux. Et puis que dictes m'en avoir envoyé un exemplaire, il
fault qu'il se soit esgaré d'un paquet qui avoit esté fort gasté du vinaigre,
et qui fut remis à mon relieur la plus part pour le relaver, et que
s'il l'a deschiré il ayt eu regret de me le remettre devant les yeux, ou
bien que mon neveu s'en soit saisy ^. Je veux pourtant en sçavoir la vérité
et tousjours vous ay-je bien de l'obligation de la faveur que m'en aviez
faicte. Et de celle que m'avez procurée envers M"" de la Hoguette. On
nous disoit que son camarade estoit passé à Mantoûe ou Venize, mais je
ne vous en oserois rien asseurer; j'attends si nous serions assez heureux
pour les voir icy.
J'ay veu ce qu'il vous plaict me mander de la Bible des païs bas,
dont je vous remercie, et puis que ne l'avez prinse il n'en sera pas de
besoing pour à cette heure, estant assez assorty pour mon petit besoing
de ce costé là.
' Voir plus haut, lettre XIV. — * Le baron de Rians, déjh plusieurs fois mentionné. Voir
notamment 1. 1, p. i33.
[Ifi29] AUX FRÈRES DUPUY. 97
Je remercie trez humblement les clames de chez vous et leur crie
mercy d'e-ivoir oubHé de leur mander le nombre des coilelz dont
j'avois affaire; il suflira d'une douzaine encores, puis qu'il leur plaict,
oullre ceux qui sont venus, qui ont esté trouvez parfaictement beaux
par les femmes de céans, ne se faisant rien de si propre de pardeça, es-
tant bien marry de la peine que je leur donne, sans leur avoir rendu
aulcun service. J'ay esté trez aise que l'ouvrage de M' de Vris ayt peu
contenter M' de la Baroderie ' et crois qu'on s'en contentera tousjours
de mieux en mieux.
Vous verrez les nouvelles que nous avons h l'imprimé cy joinct'; on
dict de plus qu'il y a bien 600 hommes de morts de iiostre costé', et'
qu'aprez la retraicte des ennemys, les nostres entrèrent dans Calvisson*
et mirent tout à feu et à sang, comme n'ayant poinct capitulé avec eux
en haine de ceux qui y avoient esté tuez le jour précédant.
Le Roy presse desja ceux de Privas' qui se sont laissé prendre les
logements contre leurs pièces de dehors*. On croid que la ville ne tien-
' Adrien de Vries avait fait le portrait de
M. de la Baroderie.
' Cet imprimé devait être lu Relation en-
voyée au roi de la honteuse fuite de M. de
Uohan , mec la défaite entière de ses troupes
par l'année de Sa Majesté, commandée par
M. te maréchal d'Estrèes , en Languedoc
(1 9 mai). 1 6a() , in-8°. Conférez les Mémoires
du duc de Roliun (étlition de lySC, t. 1,
p. 917-Q19). Voici comment se termine son
l'écit : (f Ainsi se passa cette affaire oîi peu
s'en fallut que le duc de Rohan ne reçût un
échec qui entrainoit sa ruine et celle de son
parti. y>
' C'est ce qu'allirmn le duc de Kohan
(p. aiy) : tll y eut de morts du côté des
Reformés cinquante ou soixante et le double
de blessés; du côté des Catholi(|ae8 Romains
il y en eut plus de 4oo de morts et 800 de
blessés. îi
' Chef-lieu de commune du département
du Gard, canton de Sommières, arrondisse-
ment de Mmes, à 1 7 kilomètres de cette ville.
Dans l'édition qui vient d'être citée des Mé-
moires du duc de Rohan, on a imprimé Ca-
nisson (p. 916, 919).
' Louis XIII était arrivé le ta mai au
camp devant Privas. Le cardinal de Richelieu
vint rejoindre le roi le 19 mai.
° Voir sur le si^e de Privas les Mémoire*
de Bassompierre (t. IV, p. 89-43 ). Conférei
diverses plaquettes énuniéives dans le Cata-
toguede la Bibliothèque nalionale( 1. 1 , p. 879) :
Lettre envoyée à la reine , mère du roi . con-
tenant ce qui s'est passé en la prise de Privas
(3o mai). Paris, Vitray, 1699. in-fol. ;
Lettre du roi à la cour de parlement de Pro-
vence, contenant les particularités de tout ce
qui s'est passé au siège , prise et embrasement
de la ville de Privas (3i mai). Aix, E. Da-
vid, 1699, in-S"; Lettre du roi à monsei-
gneur le duc de Guite , gouverneur et lieutenant
i3
tvrtiai rit ««Ti«mi.
98 LETTRES DE PEIRESG [1629]
dra guieres et pour la cittadelle qu'elle sera tost reduicte en pouldre.
J'ay employé plus de temps que je ne pensois à escrire à M' Rigault,
et seray bien aise que voyez ma lettre et m'en disiez vostre advis libre-
ment; cela m'excusera si je ne vous entretiens davantage. M"" nostre ar-
chevesque alla hier à Marseille voir Madame de Guise ^ et emmena mon
frère tout malade avec un peu de violance. Il a tenu son assemblée des
Prélats, Nobles et communautez, du nombre [sic) des procureurs joincts
et refusa la deputation au Roy, bien dict qu'il serviroit le païs et de tout
son pouvoir. On le nous faict espérer.
M' de Guise est en Avignon, et presse la sortie de la gendarmerie
veniie de Suse pour se rendre aujourd'huy à Marseille.
M' de la Trimouille * passa hier icy revenant de la S'" Baulme' et
print la poste sans s'arrester que fort peu.
Madame de Guise doibt aller à son tour en pellerinage à la S'" Baulme
et dict que dans le moys de juillet elle veult partir pour Nostre Dame
de Lorette* avec deux galleres, pressant de mettre en estât celle que
M"" de Guise a faict construire de nouveau.
Et sur ce je finis demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 19 raay 1639.
général pour le tvi en Provence , contenant les de la charge de inestre de camp de la cava-
particularités , etc. (Si mai). Aix, E. David, lerie légère de France. 1 J'ai vu une pla-
1629, ia-S". quelle 1res rare intitulée : La conversion de
' Nous avons déjà vu que c'était Henrielle- M. de la Trimouille duc et pair de France,
Catherine , fdle du maréchal-duc Henri de faitte en l'année du Roy devant la Rochelle le
Joyeuse. 18' jour de juillet mil six cens vingt-huicl
' Henri, seigneur de la Trémoille , duc de ( Paris, Toussaincl du Bray, 169 8, petit in-8°
Thouars, prince de Tarenle et delalraond, de i3 pages).
né en 1598, raourulen 1674. «Ayant abjuré ' La grolle de la Sainte-Baume, dans la
la religion réformée au siège de la Rochelle montagne de ce nom , appartient au départe-
enlre les mains du cardinal de Richelieu, ment du Var, arrondissement de Brignoles,
lit-on dans Le chartrier de Thouars , Documents canton de Saint-Maximin.
historiques et généalogiques {Vark, 1877, in- " En Italie, à ai kilomètres d'Ancône, à
fol., p. i35), il fut investi par Louis XHI a kilomètres de l'Adriatique.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. "99
J'oubliois de vous remercier comme je faicts trez humblement du
soing de me retenir le nouveau recueil de Mirœus' donationum Bel-
f{icarum% ayant desja deux volumes de luy de choses approchantes
qui sont bien curieuses^. Je vous recommande un pacquet des bons
Pères Chartreux de cette ville et de M"" Marchier, ensemble ccluy de
Bordeaux et celuy de M"" Gassendy et surtout celuy du sieur du Soûl
procureur, y ayant une pistole dedans'^.
XX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vous aurez icy une lettre que M' de Thou m'a daigné escrire de
Maltlie du 5 avril où. vous verrez combien heureusement il estoit passé
d'Alexandrie en Sicile dans dix jours, et qu'il luy avoit fallu attendre
plus de vingt jours la commodité de passer à Malte, d'où il faisoit estât
de s'en venir sur les galères de la religion. Je ne crains que le retar-
dement, attendu que le premier rendez vous pour le voyage de l'Infante
estoit au moys de mars, et nous sommes desja si advancez en la saison,
que vraysemblablement on remettra ce passage à l'automne, pour ne
bazarder cette princesse aux grandes chaleurs. Oultre que s'il est vray
que le Roy d'Espagne se veuille déclarer contre la France, comme on
dict, il n'y a pas d'apparance qu'on expose cette princesse aux dangers
où elle pourroit estre engagée par un mauvais temps, qui la constraignist
d'abborder en lieu qu'elle cust voulu esviter, principalement cette année
qui a esté si desreglée, surtout dans la mer, où il est plus arrivé de
naufrages, l'byver dernier, qu'il n'y en avoit eu de ao ans. La bonne
' Sur le chanoine Aiibert Le Mire, voir ' Peiresc veut parler du ^'<Kfc.r (ion(i/ion«m
1. 1, p. 870 et 87 I. piarum, pnesertim Belgicanmi (Bruxelles,
' Donaliones Belgicœ. Libri II (Anvere, 16a 4, in-4').
1639, in-i"). ' Vol. 717, fol. 44.
i3.
100 LETTRES DE PEIRESC [1629J
fortune de Monsieur de Thou ayant esté si grande, que le lendemain
de son débarquement à Saragousse de Sicile, ou le jour suyvant, le
navii*e du cappitaine Roubault, sur lequel il estoit venu d'Alexandrie
d' (Egypte jusques à Saragousse, fit naufrage au destroict de Messine,
avec telle perte que les marchands intéressez croyent qu'ils seront bien
heureux si du saulvé ils peuvent recouvrer jusques à aB pour cent, au
lieu que s'il fust venu à bon port, ils n'eussent pas laissé leur bonne for-
tune à moings de doubler leur sort, et d'avoir cent pour cent, en quoy
Monsieur de Thou et tous ses serviteurs ont bien de quoy loiier Dieu
qu'il fust sorty si opportunément de ce navire, tout ce que je regrette
présentement n'est que la perte des lettres qu'il y avoit, je m'asseure,
de sa part pour vous et pour moy. Car M' le lieutenant de l'admiraulté
de Marseille ' m'a dict avoir apprins qu'il y avoit un pacquet de lettres
du dict sieur de Thou adressé à luy, qui s'est perdu , ce qui me faict
juger qu'il n'y pouvoit avoir pour luy que la lettre d'adresse, et que le
reste debvoit estre à vous Mess" et à moy, encores qu'il ne les accuse
poinct dans sa lettre de Malte, s'estant yraysemblablement fié que nous
deussions avoir receu cette despesche longtemps devant la datte de
cette lettre du 5 avril. J'ay envoyé faire la plus exacte recherche qui
sera possible à Marseille, chez le dict cappitaine Roubault et son escri-
vain, pour sçavoir au vray s'il n'y avoit point de bardes de M' de Thou,
et quelle sorte de pacquet estoit celuy que M' de Thou avoit adressé
au dict sieur lieutenant de l'admiraulté.
Je n'ay pas à ce coup icy de responce à vous faire, d'aultant que la
dernière staffette qui vient de Lyon ayant anticipé son arrivée de
3 jours, je receus voz dernières lettres du h may assez à temps pour
y respondre conjoinctement avec celles du 97 avril. Seulement vous
diray je que maintenant que les pluyes et inondations ne sont plus cap-
pables d'arrester les ordinaires et empescher que ceux du mardy n'ar-
rivent à Lyon le sammedy, puis que vous dictes vous estre indifférant
d'escrire le mardy ou le vendredy, elles viendront plus fraisclies du
' C'était M. de Valbelle, déjà mentionné dans le tome I, p. fioo.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. lOt
mardy, car M' de Fetan faict lousjoiirs sa despesche de Provence le
dimanche.
Nous avons icy M' l'Evesquc de Coustances', incognito ce dict-ii.
qui arriva liier au soir, venant de Rome, accompagné du sieur Orsel,
que feu M'' d'Herbault^ avoit despesché au pape de la part du Roy, lors
du traicté de Suse. Lundy passé,M'' de la Trimouille y vint de Marseille
et s'en alla voir M' l'Archevesque, et aprez tira vers Tarascon à son
rendez vous. Les trouppes de cavallerie sont encores en cez quartiers
là, au grand regret de tout le 2)aïs qui y reçoit une bien grande foulle,
sur quoy il y a bien du discours, pour le mal entendu d'entre ceux qui
avoient creu le pouvoir empesclier, mais cela seroit trop long et en-
nuyeux. Vous verrez ce qu'on escript de Marseille touchant l'interdiction
prétend lie du commerce de France faicte en Espagne le i 6 de ce moys
ou environ. J'ay receu une lettre du P. Jean François, Provincial des
Minimes de ce pais', qui est allé au chappittre gênerai à Barcellone,
d'oii il m'escript de la mesme datte du 1 6 may, touchant certaines par-
ticularitez de livres dont je l'avois chargé, et ne dict rien de telle
interdiction, et quand on a envoyé approfondir la nouvelle et qu'on a
interrogé touts les patrons, matelots et autres qui en estoient venus
sur plusieurs barques, il ne s'est trouvé personne qui ayt peu dire:
j'ay ouy faire la publication des deffences du commerce. Mais plusieurs
estoient d'accord en cela de l'avoir ouy dire à d'autres qui les avoient
asseurez d'avoir ouy publier l'interdiction. J'ay pêne de le croire, parce
qu'on ne commance pas cousturaierement par là. quand on veult dé-
clarer la guerre en ce temps icy. On en sçaura bien tost la vérité.
J'ay veu citté cez jours passez un Goronides Dorotheus* in synopsi
' Fiéonor Goyoïi de Matignon , qui sic^gea fol. 876 , une lellre de Peiresc an R. P. Jean-
du mois de juillet iGaû au mois d'avril François, écrite d'Aix le q6 fi^vrier 1639.
t646, devint ensuite évêque de Lisieux et ' Voir le Manuel du libraire, au mot
mourut le a4 février 1680. Josephus Gorionides seii Jossiffon, et, si l'on
' Voir, sur ce secrétaire d'Etat, t. I, veut beaucoup de détails sur cet historien,
p. 81 3. In Bibliotheca Uebrœa de J .-Chrislophe WollT
' On conserve dans le registre VI des nii- (IFand)ourg, 1715, h vol. in-à", I. I.
nutes, h la bibliothèque de Carpcntras, p. 5o8-593, et t. III. p. 387-.389). Joseph
102 LETTRES DE PEIRESC [1629]
«hronic. apud Serrarium', dont je ne me suis pas encores desjuné^. Si
c'est chose qui se trouve, je vous suppiie de m'en faire avoir un exem-
plaire et un bon Apulée ^ pour donner à un amy qui me l'a envoyé
demander de bien loing. Ensemble un Julius Obsequens et un Festus
Avienus, si vous en rencontrez et s'ils peuvent commodément venir
par la poste, il seroit encore meilleur.
Vous aurez sceu la mort de ce fjrandRoy de Perse qui avoittant faict
parler de luy*. Si tout ce qu'on en dict est véritable, il a voulu cou-
lonner sa vie d'une action bien estrange et bien mémorable, car on
dict que quattre jours avant que mourir, estant en pleine santé, au
moins sans mal apparent, il convoqua tous les grands de son royaulme,
et en leur présence déclara son successeur un filz de son fdz puisné,
jeune prince, mais fort valeureux, et lequel il avoit desjà veu bien faire
dans les armées^. Puis se desmit de l'empire, [en re]vestit ce jeune
prince, et s'estant levé de son siège, y fit asseoir son petit filz et se
prosterna luy mesmes devant luy, et luy embrassant les jambes luy fit
hommage comme si ce n'eust esté que le premier de ses subjects, et
s'estant levé se mit au dessoubs de luy, et dict aux autres de venir
recognoistre leur Roy, ce qu'ils firent à l'envy, bien ravis de cette ac-
tion. Au partir de là, ce vieillard s'alla mettre au lict disant qu'il
se sentoit mourir, et quattre jours aprez rendit l'ame '^. Je vous prie ,
Gorionides est un rabbin qui écrivit en hé-
breu une histoire des Juifs comme supplé-
ment à celle de Flavius Josèphe.
' Nicolas Serarius, né à Rarabervillers
(Alsace) en i555, entra dans la compagnie
de Jésus en 1672, fut pendant vingt ans
professeur à VVurtzbourg et à Mayence, et
mourut dans cette dernière ville en 1609.
Voir dans la Bibliothèque des écrivains de la
compagnie de Jésus (t. III, col. 761-766)
la liste des ouvrages de ce religieux que
Baronius (Annales) appelle la lumière de
l'Eglise d'Allemagne.
' Nous avons déjà trouvé l'expression se
déjeuner, pour s'accommoder, se délecter, dans
le tome I, p. 389.
^ Un bon Apulée avait été publié quelques
années auparavant : Apuleii Opéra omnia,
cum Ph. Beroaldi , Sleirechii et aliorum noti»;
ex editione J. Casauboni (Lyon, A. de Harsi,
161/i , 2 vol. in-8°).
' Nous avons vu plus haut (lettre VU ) que
Schah Abbas était mort en décembre 1 698.
' Ce petit-fils de Schah-Abbas prit, en
montant sur le trône, le nom de Schah-Séfi.
Il régna jusqu'en i64i.
" Ces curieuses circonstances ne sont point
indiquées dans La Perse de Louis Dubeux.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 103
si ies advis n'en estoient desja de pardelà , d'en faire adverlir M' de
la Motte', afin que s'il escript à M' Gassendi, il luy en touche quel-
que mol, car il l'aisoit grand cas de la générosité et franchise de ce
Prince là.
Aujourd'huy l'on a assemblé les chambres pour diverses occurrances,
entr'autres pour voir l'edict du i5 janvier à l'examen duquel on tra-
vaille par commissaires quelque tenqjs y a. Et si Messieurs du Parle-
ment do Paris font quelques modifications qui se puissent voir, nous les
verrions bien volontiers.
Il s'est par mesme moyen parlé d'une grande entreprinse de la
chambre des comptes, laquelle s'est laissé porter à faire un arrest por-
tant deffances au Throsorier (qui est payeur des gages) de payer les
gages des présidants et conseillers de la Grand Chambre du Parlement,
à cause que la cour pour travailler à un procez criminel contre des
officiers de l'armée qui avoient contrevenu aux ordonnances, pour
faire exemple, avoit quitté son audiance du jeudy et l'a voit remise au
lendemain qui estoit le jour ordinaire de l'audiance de Messieurs des
comptes et aydes, à sçavoir le vendredy de la semaine dernière, et par
mesme moyen les avoit empeschez de tenir la leur, attendu que les
mesmes odvocats servent à l'un et à l'autre tribunal.
On a délibéré que le procureur gênerai du Roy poursuyvroit la cas-
sation de leur arrest etc. et que soubs le bon plaisir de Sa Majesté il
seroit enjoinct au dict thresorier de payer les gages des présidants et
conseillers de la cour aux termes et manières accoustumés; autrement
qu'il y seroit conslrainct par corps ensemble ses cautions. Le voisinage
du Roy nous a retenus dans la modération.
Plusieurs eussent désiré de passer plus oultre, et procéder par cas-
sation de leur arrest, et par lacération d'iceluy, pour reparer raff"ront
et l'injure , voire par constrainte et saisie des biens de ceux qui y avoient
opiné.
Mais la plus douice et la plus discrète opinion l'a emporté, afin de
' François do la Motlie-le-Vnyer.
104 LETTRES DE PEIRESC [1629]
les laisser dans leur tort, et qu'ils ne soient pas en peine de poursuyvre
la cassation de nostre arrest.
Cependant on leur a frappé un coup bien cuysant; ils avoient un
ancien droict de petits seaux qu'ils avoient conservé depuis le temps des
comtes de Provence, qui leur valoit de bons émoluments. On a donc
faict arrest, portant que confoi'mement aux ordonnances qui abolissent
touts cez petits seaux, on se pourvoiroit [auprez de] la chancellerie du
Roy, avec deffences à touts officiers [qui resideroient] en la province,
d'exploicter aulcunes commissions venants de leur part soubs les dicts
petits seaux, et si elle n'estoit scellée en la petite chancellerie du Roy, à
peine de suspension de leurs charges, et à tous autres d'y déférer soubs
grosses peines. Ce qui augmentera le i-evenu de la chancellerie de
plus de 6 ou 5 00 [livres] pour le moings; c'est pour quoy difficilement
pareront ils à ce coup là et auront subject de se repentir d'avoir de
gayetté de coeur, à si peu de subject, attaqué le parlement si mal à
propos.
H me reste à vous dire que n'ayant rien de quoy grossir mon pacquet
à ce coup j'ay envoyé prendre chez M'' Fabrot un autre libvre de son
Théophile et à la première commodité nous envoyerons le surplus, car
le pacquet eust esté trop gros. Il attend en bonne dévotion l'espreuve
que luy promettoit le sieur Cramoisy, et encores plus impatiemment
d'entendre qu'on y ayt mis la main à bon essiant, comme je vous sup-
plie de l'en faire solliciter un peu. Et sur ce je finis, n'estant pas bien
gaillard, et demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a5 may 1699.
Vous aurez une petite boitte de Rome veniie par mer de la part
de Dom du Puy. Celuy qui l'a apportée dict qu'il a demeuré un
moys en chemin à cause des vents contraires, et qu'on luy a dict
qu'elle est pleine de grenes, de sorte que la saison sera passée de les
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 105
semer, à mon grand regret. Cez Messieurs la pouvoient bien avoir en-
voyée par l'ordinaire d'Avignon, car elle seroit à Paris long temps y a.
Vous aurez une autre coppie des Parelies de Rome '.
XXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PABLEMBNT,
BUE DES POICTEVINS PREZ SAINT ANDRK DES kHTl ,
À PARIS.
Monsieur,
Comme je prenois la plume pour vous escrire par la staffette de cette
semaine, il passa un extraordinaire de Gènes, qui m'apporta afforce
lettres de Rome, etmedictqu'il s'en retournoit dans deux heures, et que
l'ordinaire d'Avignon estoit arresté là pour 1 5 jours, de sorte que de trois
semaines nous ne pourrions espérer autre commodité d'escrire h Rome,
et d'y faire tenir le Tertullian de M'' Rigault, puis que j'en avois main-
tenant la permission et que mon homme y avoit fourré l'une de cez
preffaces que vous m'aviez envoyées dernièrement, en sorte qu'il n'y a
rien d'indécent. Je quittay donc vostre despesche, pour ne perdre l'oc-
casion de celle là, et employay tout le temps à escrire à Rome, tant à
mon dict seigneur le cardinal Barberin et au R. P. Dom du Puy à
qui j'adressay le livre suyvant l'ordre de l'autheur, qu'à aulcuns autrey
amys, n'ayant pas encores peu lire toutes mes lettres de Rome, ains
seulement celle de M'' Holstenius que j'ay creu vous devoir communi-
quer, et celle du sieur de Bonnaire qui m'escript du xi mars une bien
affligeante nouvelle du decez du pauvre sieur Aleandro advenu le 9"°**,
' Vol. 717, fol. 47. mort (l'Aleandro une autre lettre de Peiresc
' D'après ce formel I(*moi(Tnajjc, Aleandro adress«fe h Christophe Dupuy, le 37 avril
serait décédd deux jours plutôt que ne l'in- 1 Gag , lettre que l'on trouvera h la fin du pré-
diquent les Lio{jrnphe8, les<juels mettent gé- sent volume, dans la première partie de
nérnlement sa mort au 1 1 mars. Voir sur la V Appendice.
II. ti
■ r*l«lkll RATIO««LL
106 LETTRES DE PEIRESC [1629]
n'ayant esté malade que xi jours. J'avois trouvé une sienne iettre dans
cette despesche du 28 febvrier, avec un rooHe des oeuvres m[anu]-
s[crite]s trouvées à Rome, dont il avoit arresté le prix pour raoy à une
5o"'' d'escus, mais cela fut traversé, en sorte qu'on l'avoit mis à plus
de 100 escus, et le fou s'estoil sur cette concurrance persuadé qu'il en
debvoit avoir 3oo, de sorte qu'il ne fauldra pas de long temps penser
à cela. Le traicté de Fato n'y est pas, mais il y en a bon nombre de
bien curieux non imprimez et un dont le subject n'est pas bien esloigné
de celuy là. Je n'ay pas eu le temps de le bien considérer ne faire tran-
scrire; ce sera pour le prochain Dieu aydant. Cependant pour ne perdre
du tout l'occasion de vous salliier, je vous ay voulu faire seulement ce
mot pour vous dire que le sieur Aubray m'escript que la nouvelle de
Raguse concernant l'arrivée de M' de Thou s'estoit trouvée faulse,
et que par la dernière stafTette, je receus voz despesches du 2 mars, et
ensemble le fagot des deux exemplaires du TertuHian petit papier de-
meurez de l'autre foys. Mais il n'y avoit poinct d'epistre liminaire ni de
ce carton cotté Q dont je n'ay receu qu'un seul exemplaire avec les
préfaces que m'envoyastes l'autre jour, lequel exemplaire du carton je
fis insérer au libvre du cardinal qui est party cejourd'huy pour l'Italie.
Comme je pensois clorre et remettre à une autre foys ma responce à
voz dernières, on m'est venu apporter voslre despesche du tS""^ fort
bien conditionnée, mais je ne la sçaurois lire, la staffette ne se pou-'
vant plus arrester, et l'ayant arrestée jusques à présent avec beaucoup
de peine.
Vous m'excuserez s'il vous plaict pour à cette heure, et je demeu-
re ray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix , ce 3 1 mars 1629'.
' Vol. 717, fol. 49.
[1629] AUX FRERES DUPUY. 107
I I ji| iipwfifffap
XXII
À MOIVSIELR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vostie (lespesche du xi may, arrivée fort bien conditionnée avec les
livres et papiers qu'il vous avoit pieu d'y mettre, m'a apporté une bien
agréable nouvelle, comme vous dictes, d'entendre que M' Rubens l'ut de
retour sain et sauve d'un grand voyage, mais j'en suis bien demeuré
mortifié me voyant Cruslré de l'espérance que j'avois conceiie de le voir
icy et de le gouverner quelques jours, pour y apprendre mille bonnes
choses que je me promettois de pouvoir apprendre de luy en luy ex-
posant mes petites curiositez. Je ne doubte poinct qu'il n'ayt retenu
quelque grifl'onnement de cez vieilles figures Persieimes, dont j'ay veu un
peu de description dans une lettre missive imprimée in 8° d'un certain
nommé Figuera, si je ne me trompe, que M"' Bignon me monstra au-
tres loys. S'il lust passé par icy, nous eussions peu voir cela entre ses
mains. Le sieur Léger m'avoit parlé, ce me .semble, d'une source de
fontaine ou de petite rivière, dont la montagne est quasi toute taillée
et figurée d'une infinité de belles figures, et si ce n'est luy, il fault que
je l'aye ouy racconter à ([uelque autre de ceux qui ont faict ce voyage.
C'est sans doubte que dans ces païs là , qui ont autres fois esté si puis-
sants, il fault qu'il y soit demeuré de belles vestiges ' de leur grandeur.
Et semble que le terrain de cez païs là ne soit pas si corrosif que celuy
de deçà, car les médailles et figures de bronze qu'on apporte de tout
ce Levant ne sont quasi poinct rouillées, ne les marbres rongez de
l'air. C'est pour quoy ce qui n'a esté brisé volontairement, se doibt
estre beaucoup mieux conservé que parmy nous. Et le deffault d'habi-
tation a empesché de ruiner une infinité de choses qui seroient de-
perics par l'usage comme nous voyons advenir tous les jours de pardeça.
' Je ne connais [>ns d'autre exemple de remploi du mot vetttge au fiéminin, emploi
condnmnd par IVtymolojjie ( vesliffium).
108 LETTRES DE PEIRESC [1629]
Il fauldrà laisser un peu recognoistre M'' Rubens, et puis le sonder sur ce
qu'il en aura peu observer, et mesmes pour les thiares et habillements
des princes et deitez de cez pais là. Je vous r'envoye sa lettre avec mille
remerciments, vous estant bien redevable de la communication et à
luy de la continuation de ses bonnes grâces. Je n'ay pas receu son pol--
traict, car l'interdiction du commerce l'a enclavé quelque part, et pos-
sible dans Anvers mesmes, comme les livres que vous avez à moy, et
les autres portraicts qu'il vous plaict me garder.
Je n'ay pas encores peu lisre le livre de Dom Antoine ' et ne doubte
poinct qu'il n'y ayt de bonnes curiositez, cependant je vous en remercie
trez humblement, ensemble des autres livres et papiers singuliers qu'il
vous a pieu d'y joindre, comme aussy des libvres d'Elzevir que vous
avez retenus et mesmes des livres de musique par le moyen desquels
je me suis dellivré d'une persécution d'importance. Le pauvre Morel^ a
esté bien simple de ne se pas estre pourveu des catalogues de la foire.
Monsieur le Présidant de Lusson m'a infiniment obligé de me faire
part si coniidammentdeson registre. Quand je n'aurois que la seulle es-
critture, ce me sera tousjours une grande faveur et un grand advantage.
Mais s'il se trouvoit quelque jeune peintre qui voulut y desseigner les
figures des monoyes qui y sont aux marges, il n'y auroit rien à désirer.
Ce n'est pas une besoigne oij il soit requis une main si excellante, car
il n'y a guieres que des lettres et caractères à contrefaire, à quoy est
besoing quasi de plus de patiance que de sciance de peinture. J'y des-
pcndrois volontiers une petite pièce d'argent, comme pou rroit estre
une douzaine d'escus ou environ plus ou moings. Je ne craindrois que
le temps et le fauldroit faire fort presser; à tout le moings quand on
feroit portraire les monnoyes d'une centaine des premières années, on
pourroit dire d'avoir le meilleur, car les plus modernes sont assez co-
gneiies, et y a moyen de s'en passer si la coustance ou le temps y sont
' Briève et sommaire description de la vie Louis, second fils du roi Emmanuel; il na-
et mort de Dont Antoine, premier du nom et quiteni53i et mourut à Paris en août iSgS.
dix-huitiesme roy de Portugal, etc. (Paris, ^ Le libraire parisien si connu, dont le nom
1639, in-8°). Dom Antonio eut pour père revient souvent dans cette correspondance.
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
t09
considérables. L'autre petit recueil de vieilles ordonnances des uionnoyes
n'est poinct à refuser non plus, au moins d'en avoir l'inventaire, car
j'en ay prou, je m'asseure, une bonne partie. Mais quand il n'y en
auroit que certain nombre que je n'eusse poinct, je n'y plaindrois pas
les frais du coppiste, n'estant pas de si grand volume ne de si grande
despancc. Soit que M"" d'Aubray vienne ou non le Roy s'approcliant de
nous, j'ospore que nous aurons moyen de vous faire tenir la cassette
qui est demeurée si longuement icy inutile et les voyages de Blanc'
n'y seront pas obmis asseurement. Au surplus je vous remercie trez
humblement de ce qu'il vous a pieu m'escrire touchant le grand edict,
que nous avons veu les chambres assemblées, et avons colté bon
nombre d'articles pour y délibérer chascun à part, aprez la S' Remy,
car avant les vacations, il est malaisé d'y rien faire. Cependant s'il y a
moyen de rien apprendre du destail de ce que Messieurs du Parlement
de Paris trouveront bon d'y faire, vous nous obligerez inPinimenl.
Comme aussy au cas que les arrests de Thoulouze et Bordeaux se peus-
sent voir, on les vcrroit bien volontiers.
Ce libvre de Dom Antonio pourroit bien passer delà les monts si
nous n'avons rien de meilleur entre cy et le prochain ordinaire, au-
quel cas je vous en demanderay un autre exemplaire. Mais si nous
avions de ceux d'Elzevir, je crois qu'ils seroient encores mieux receus,
et s'il en vient quelqu'un double, on y aura bien moings de regret.
Nous n'avons poinct icy de nouvelles que vous n'ayez plus certaines que
nous de la prinse de Privas^. On attend le Roy ;\ Marguerites prez de
Beaucaire ^ etNismes pour y faire commancer le siège. Les chevaux de
' Vincent Blanc ou Le Blanc.
' a8 mai. Voir Mémoires de Bassompievre ,
l. IV, p. 43; Lettres du cardiiialde liichelieu,
l. IV, p. 3!i3. Le fort de Toulon, près de
Privas, ne se rendit que le 99. Il faut donc
corriger ce passage de VArt de vérifier les
dates (t. VI de l'édition in-8°, 1818) : -rLe
i/i mai, il [le roi] fait investir, par le mn-
rtSclial de Schomberg, la ville de Privas,
regardée comme la plus forte place des
religionnairos , et la prend, le 97, avec le
château de Toulon. »
' Marguerittcs est un chef-lieu de canton
du département du Gaitl, arrondissement
de Ntmes, à 10 kilomètres de cette ville.
De Privas [h juin), Ix>uis XIII se rendit à
Alais par Villeneuve- de -Berg, Bargeac,
Salindres.
110 LETTRES DE PEIRESC [1629]
poste ont esté envoyez à la traverse, pour les advenues du lieu où Sa
Majesté se logera. M'' l'Archevesque partit hier pour aller à la cour et
promit de revenir dans 3 semaines ou un moys, le Roy s'approchant
de nous. J'ay eu un peu de fiebvre cez jours passez qui m'a empesché
de le gouverner comme j'eusse possible faict. J en suis maintenant
quitte grâces à Dieu , mais je suis demeuré un peu foible. Nous sommes |
en de nouvelles allarmes bien grandes de la maladie, laquelle a esté 1
portée par un prebstre, venu de Grenoble, à un bourg nommé Reillane |
à sept ou 8 lieues d'icy S où il est mort cinq ou six persones dans deux î
jours. Elle a paru en mesme temps à un petit village nommé Chêne- |
rilles à 2 lieues de Digne ^, où il en est mort aultant dans 6 ou 5 jours. 'J
L'un et l'autre ont esté bouclez^ et assiégez par les voisins en mesme |
temps. Ce nous sera une grande grâce du ciel si nous pouvons nous |
en garantir cette année avec cette guerre, mesmes à cause de deux y
régiments que le Roy a donnez à lever en cette province, qui sont |
cappables de mettre le mal partout si Dieu ne nous ayde. Sur quoy y
je finiray demeurant, I
Monsieur, i
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 2 juin 1629 \
' Heillanne est un chef-lieu de canton du le canton de Mées, arrondissement de Digne,
département des Basses-Alpes, arrondisse- à 18 kilomètres de cette ville,
ment de Forcalquier, à 18 kilomètres de ' Boucler, c'est-à-dire fermer l'entrée,
cette ville. On disait autrefois boucler un port, comme
^ Chéneriiles est une toute petite com- le rappelle le Dicttomtaire de Trévoux.
mune (moins de 1 00 habitants) située dans ' Vol. 717, foi. 53.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. . 111
XXIIl
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
A ce coup cy je vous accuseray la réception de deux despesches
voslres, non seulement de celle du 18 avec l'Ovide d'Elzevir' et les
heures grecques, mais aussy celle du 26 qui a anticipé son arrivée de
3 jours, avec l'Horace'^ et l'Asinus de Heinsius', le livre de Sabatho''
et une infinité d'autres papiers et curiositez les plus gentiles qui se
puissent voir, le tout venu fort bien conditionné Dieu mercy, nonobstant
la précaution extérieure du vinaigre, qui me faict vous supplier néant-
moings de vouloir tousjours faire mettre une bonne feuille de macu-
lature par dessus vostre fagot et par dessoubs voslre enveloppe pour
esviter plus asseurement que rien ne se puisse gaster.
J'aurois mille choses à vous escrire en responce de voz bienfaicts et
trez agréables entretiens, mais il fauldrà que je le remette à la prochaine
semaine à mon trez grand regret, à cause que l'on m'a desrobé tout le
jour à ce destiné, et que l'on me faict commancer un bain durant trois
jours pour lequel il me fault certaines petites précautions et j'ay creu
que vous me pardonneriez comme je vous en supplie trez humblement.
Seulement vous feray je les remerciments que je doibs trez humbles
de tant de signalées faveurs que je reçois do vous et de voz amys, et
' P«6. Ovidii iVasonis Opéra. Daniel Hein- i6a3. Voir sur les deux éditions Les Elte'
sius textum recettsuit (Leyde, 1639, 3 vol. vier de M. Alphonse Willems, p. 60 et 89 ,
in-16). n°'ai5et3i5.
' Quintus Horatius Flaccus. Accediint nunc * Disserlatio de Sabbatho, sive de verv
Danielis lleinsii de Satyra Horatiana libri sentu nique %su qmrli pnrcepli ; auctore An-
duo. . . (Ley<le, 1639, t vol. in-16 divisé tonio YValteo, S. S. Theologite dociore el pro-
en trois parties). /essore in Academia Luffduno-Balaca (Leyde.
' Laus Asini tertio parte auelior(Le^de , 1698, in-S"). Le théologien protestant
1699, in-Q/4).0n sait que l'édition originale Antoine de Wale naquit à Gand en 1673 et
de celte facétie de Daniel Heinsius est de mourut à Leyde en juillet 1689.
112 LETTRES DE PEIRESC [1629]
en contre eschange d'un mauvais entretien que vous eussiez eu de
nioy, je vous envoyé une lettre que j'ay reçue du sieur P" délia Valle à
qui j'ay escript ce que vous desiriez concernant ses relations de la Géorgie
et ses pérégrinations, et ay accepté son offre du Pentateuche Samaritain.
Il fauldra que vous vous donniez un jour la peine de voir le Père
Maurin de l'Oratoire', pour contracter cette affaire, et voir si ceux qui
entreprennent la grande Bible s'y pourront accommoder en sorte que
le gentilhomme demeure satisfaict. M"' Gassendi m'en avoit souvent
escript, mais vous ferez bien plus si vous voulez et sans vous incom-
moder, par l'entremise de vos amys. Cependant vous pourrez voir
l'eschantillon qu'il m'envoye du dict Pentateuche, et les Alphabets
^Egyptiens, que j'ay veu trez volontiers et où il y a quelque chose de
bon à proffiter, ce me semble. Mais il y fault un peu de loisir pour en
parler.
Je vous envoyé encores une lettre de M"" Holstenius que je vous
supplie de ne pas monstrer à d'autres, puis qu'il ne le désire pas, car
avec vous il n'y a moyen de rien celer. Vous y trouverez de jolies
particularitez. Il sera bien content à mon advis, car je suis enfin venu
à bout de cez m[anu]s[crit]s lesquels il avoit tant à cœur, dont j'ay ar-
resté le marché, quoy qu'un peu cher, et faict le payement; il n'y a
que l'interdiction du commerce qui me tient en peine pour les pou-
voir faire venir. Je suis bien aise que le registre entre deux aiz se soit
transcript à si petits fraiz, car je m'attendois à aultant d'escus que vous
dictes y avoir de livres. Les monnoyes qui y sont représentées sont
imprimées avec les pièces mesmes, passées sur la fumée de la chan-
delle. M"" Aultin en avoict faict une coppie oi!i il avoit apporté la mesme
punctualité. Mais cela seroit malaisé à faire faire par autres que ceux
qui sont spécialement curieux de cette matière et qui en ont faict grand
recueil. Si quelque peinctre pouvoit en prendre un peu de griffonne-
ment, quand il ne feroit que prendre la grandeur des espèces et les
lettres qu'il pourroit imiter, avec un peu de figure de la croix et de la
' Voir sur ie père Jean Morin le tome I, p. 536.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 113
pille, il suffiroit et j'y employerois volontiers de l'argent, comme aussy
au registre de Lauthier, principalement de celles qui se trouvent n'estre
poinct imprimeras au libvre do M"" Aiiltin en taille de boys'.
Le sieur Vris m'a escript deux foys, mais je ne luy sçaurois de ce
coup respondre et vous supplie, si le voyez, luy faire mes excuses et à
cez autres Messieurs, luy estant infiniment redevable du soing qu'il a
prins des portraicts de M' Saulmaise et de M' le Beauclerc.
Mon frère m'escri[(t d'Avignon que le nonce avoil receu coppie de
la ratification d'Espaigne pour les articles d'Italie.
.l'ay prins grand plaisir de voir toutes les lettres escrittes sur la pu-
blication de la paix d'Angleterre \ k cause de ce qui s'est passé de
pardeça, par M"" de Guise contre le Parlement, estant luy allé dans
l'église métropolitaine faire chanter un Te Deum et prinz place soubs
un grand day au mitan du cœur, au mesme lieu où le Roy avoit faict
mettre le sien la dernière foys qu'il fut icy. Il avoit faict semondre la
chambre des comptes de s'y trouver, en absance du parlement qui
n'avoit pas de commandement du Roy d'y aller, et avoit respondu que
pour cez actes il ne recevoit les commandements que de Sa Majesté.
Mais il en fust esconduit aussy de Mess" des comtes encores qu'il eust
offert de prendre une autre place et de se contenter de leur laisser leur
costé libre, et se mettre de l'autre costé où ils creurent qu'il les auroit
précédez en corps. C'est un fort long discours que je ne vous sçaurois
faire maintenant. Tant est que j'ay esté bien aise de voir qu'en toutes
cez lettres il ne se parle poinct de Te Deum. Vous me pardonnerez si
je remets à une autre foys cet entretien, demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pbibesc.
A Aix, ce g juin au soir 1639.
' Ce livre (le Jcan-Baplisle Hauitin , donl rarissime est corn pose seulement de planches,
on trouve la description dans le Manueldu li- ' Le traité de paix et d'alliance entre la
braire{[.\\l,]>.6o),csl'mliiu]é: Figures des France et l'Angleterre avait élé signd le
monnoyesdeFrance{tùi(f, in-li°).Ge\o\ume a 4 avril.
II. i5
114 LETTRES DE PEIRESC [1629]
Orfeuil vient de passer qui dict avoir laissé le Roy à Alez ' et que
tout avoit faict joug au Roy^ excepté Nimes et une autre place; on n'a
sceu dire si c'estoit Anduze^ ou bien Uzez*.
Je vous ay recommandé le filz de M' Ollivier, le conseiller de ce par-
lement^, et vous réitère le compliment le plus affectueusement que je
puis, et de voir s'il y auroit moyen de luy faire tomber en main quel-
que jolie cause à playder avant que s'en revenir de pardeça.
Le Roy assiège S' Ambruy ®, M"' de Marillac a preste le serment de
Mareschal de France'.
L'advis de l'interdiction du commerce d'Espagne se trouva faulx et
avoir esté fondé sur une autre sorte de publication qui ne regardoit pas
le gênerai des nations, ains certaines affaires particulières*.
' Chef-lieu d'arrondissement du dépar-
tement du Gard , à 45 kilomètres de Nimes.
Le 9 juin, Louis XIII n'était pas à Alais,
mais auprès d'Aiais, à Salindres, qui est a
10 kilomètres de cette ville. Voir les Mé-
moires de Bassompierre, t. IV, p. 48. La ville
d'Aiais fut investie le 9 et se rendit le 1 6.
^ Le Diclionnaire de Trévoux rappelle que
Régnier et Brébeuf ont dit -.faire joug, pour
se soumettre. Littré signale celte locution
dans les Mémoires de Saint-Simon.
' Chef-lieu de canton du département
du Gard, arrondissement d'Aiais, à 1 4 ki-
lomètres de cette ville.
* Chef-lieu d'arrondissement du dépar-
tement du Gard, à a4 kilomètres de Nimes.
' Sur le conseiller Olivier et sur son fils ,
voir 1. 1 , p. 7 1 .
' Saint-Ambroix , chef- lieu de canton
du département du Gard, arrondissement
d'Aiais, à ao kilomètres de cette ville.
Le roi n'eut point à assiéger Saint-Am-
broix, car la place se rendit aussitôt que
Louis XIII parut devant ses murs. Voir les
Mémoires de Bassompierre (t. IV. p. 47)
et une lettre du cardinal de Richelieu à la
reine mère, du 8 juin lôag {Recueil
Avenel , t. III, p. 387).
' Louis de Marillac avait reçu le bâton le
9 juin , d'après Richelieu qui , le 3 de ce mois ,
écrit à Anne d'Autriche (t. III, p. 336) : trLe
roi filhierM.de Marillac mareschal de France.
Je puis asseurer Voslre Majesté que sa re-
commandation y a fait plus qu'aucune autre
chose. D D'après les Mémoires de Bassompierre
(t. IV, p. 46), ce fut le dimanche 3 que tie
roy fit mareschal'de France M. de Marillac».
M. de Chanlérac {ibid. , note 4) constate que
les provisions sont datées du 1" juin.
' Vol. 717, fol. 53.
[1629J AUX FRÈRES DUPUY. It5
XXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je m'en vay présentement h Marseille faire la bien veniie à M' de
Thou qui y arriva devant hier en trez bonne santé de retour de son
voyage de Barcelonne, Maillorque ', Sardaigne, Sicile, Malte et du
Levant, dont Je loue Dieu et nio conjouys de tout mon coeur avec vous.
Il laisoit estât de repasser encor en Italie, pour s'acquitter de sa pro-
messe envers cez Mess" de Rome, et particulièrement pour y aller
reprendre M' Aubery lequel l'y avoit longuement attendu, mais nous
luy ferons sçavoir que M' Aubery en est asseurement party depuis le
i3"* de may, et espère que nous le destournerons de ce voyage, non
seulement pour la mauvaise saison, mais aussy pour l'amour de vous,
et abbreger le temps de son absance de chez luy. Nous y allons en si
bonne compagnie, que je ne pense pas qu'il nous en [)uisse desdire,
car c'est avec M' Haligre, conseiller d'Estat, M' le Grand, maistre des
requesles, et M' le Pelletier, lesquels m'ont faict l'honneur de faire
penitance deux ou 3 jours céans, et ont rompu leur voyage qu'ils
s'en alloient faire ailleurs du costé de la S'" Baulrae de Thou-
lon, pour tourner du costé de Marseille, et aller rendre ce compli-
ment en corps de députez de l'Académie à un si digne chef. Il eust
fallu, pour comble de mes souhaicts, que vous eussiez peu estre de la
partie.
Au reste vous m'excuserez bien si je ne respons encor à ce coup à
voz dernières lettres que j'accusay par la dernière staffette, puis que
le temps que j'y avois destiné se va divertir en si bon employ, et si je
paye d'une si bonne monnoye que sera, je m'asseure, la lettre ci-
joincte de M' de Thou, lequel vous pourra bien avoir escript de Mar-
' C'est Major(|ue, la plus grande des iles Baléares, en espagnol Mallorca.
i5.
116 LETTRES DE PEIRESC [1629]
seilie, mais s'il a baillé ses lettres à quelque marchand, elles passeront
possible soubs l'enveloppe de quelque correspondance qui n'ira pas si
viste chez vous que le pacquet de M'' de Lomenie. Il passa un courrier
par icy depuis mercredy au soir, party de Casai puis trois jours, lequel
disoit que l'empereur avoit remis le siège devant Casai, avec 2 5 mille
hommes, qui y dévoient estre dez lors qu'il en partit, mais l'ordinaire
de Rome passa hier au soir, avec lettres de Rome du 2 juin et de
Gènes du 9™'' où l'on n'en sçavoit encores du tout rien. Ce sera une
trez mauvaise affaire, si ce divertissement ' obligeoit le Roy de quitter
un si beau jeu pour retourner en Italie. Dieu punira, s'il lui plaict,
cez canailles d'Espagnols, aussy bien que noz révoltez, de tant de
mauvaise foy.
Dom du Puy m'escript du dernier may, et M' de Bonnaire du
2 juin qu'ils n'avoient eu aulcunes nouvelles de M' de Thou et qu ils
en estoient en extrême peine. Il n'y a rien de nouveau en leurs lettres
que la rattification faicte en Espagne, ce dict on, des articles de la
paix d'Italie et que si cela s'achève on fera des cardinaulx entre lesquels
on parloit de M' nostre Archevesque^. Mais ces choses auront bien
possible changé de face, si ce n'est que Tadvis qu'on a soit véritable,
que les Espagnols veullent refaire la paix, aux mesmes termes qu'elle
est conclue, pourveu qu'on la leur laisse faire les armes en main , pour
reparer l'infamie passée. On disoit que Spinola^ estoit passé à Gènes.
Mais de là on n'en a rien escript icy que je sçaiche , et sur ce je finis
demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce 16 juin 1629.
Cez Messieurs vous ont voulu escrire en corps d'Académie et m'ont
' Pour diversion. — ' Alfonse-Louis du Plessis-Richelieu fut, en effet, de la promotion
de 1639. — ' Voir surle célèbre général le tome I, Appendice, p. 863.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 117
à vive force faict soubscrire où ils ont voulu aprez que M' Haligre a
tesmoigné désirer passionement d'y estre aggregé.
Le Roy est encor devant Alez, à nostre grand regret'. M' de Cas-
tille est en Avignon malade de (iebvre qu'on tient un peu dangereuse*;
En voulant clorre on m'a apporté vostre despesche du i" juin fort
bien conditionnée, mais je n'en sçaurois voir que la datte, pour ne
relarder cez Messieurs qui veullent se mettre en carrosse. M' Haligre
s'est saisy desja du Marmora Arundelliana^ pour me laisser cachetter
cette lettre *.
XXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Voz despesches du 8 et 1 2 de ce raoys de juin arrivèrent hier au
soir et furent trempées dans le vinaigre sans mercy, à cause de l'aug-
mentation des bruicts de la maladie, mais les livres de Bourdeaux
servirent à deffendre voz papiers; celuy de Seldenus fut un peu attaint,
mais avec la laveure, les macules sont disparues. Celuy de M' Rigault
estoit si bien empacquetlé, que quand il eust esté dans la mer, il eust
peu se garentir longuement. Il fauldra deziiorsmais y adjouster, soubs
l'enveloppe, quelque bonne forte feuille de maculatures pour ne courir
la mesme fortune. Le Julius Obsequens fut en mesme temps descousu,
et trempé dans l'eau et mis en presse, et s'est bien nettoyé par ce
moyen. Je vous remercie trez humblement de toutes cez belles curiositez
et du soing qu'il vous a pieu d'avoir de me retenir les livres mentionnés
en vostre lettre, en quoy vous ne debvez avoir aulcun regret, ne se
* Louis XIII entra dans la ville d'Alais le ' Pierre de Castille, conlrAleiir géainl
17 juin, le lendemain de la capitulation des des finances, gendre du président Jeannin.
habitants. Il partit de cette ville le 97 du 'Le livre alors tout récent de Selden,
même mois ( Mémoire» de Bassompierre , comme nous l'avons déjà vu .
t. IV, p. 5i), ' Vol. 717, fol. 55,
118 LETTRES DE PEIRESC [1629]
pouvant Taire de meilleur choix que le vostre. Il l'auldra prendre un
peu de loisir pour voir le catalogue de la foire.
J'attends aujourd'huy céans M' de Thou qui voulut aller accompagner
Mess" Haligre , le Grand et le Pelletier en leur pèlerinage de la S''' Baulme
et S' Maximin, et partirent de Marseille mardy aprez disner, pour
aller coucher à la Ciottal' et le lendemain à Toullon, touts en bonne
santé, grâces à Dieu, ayant eu advis de leur passage en touts ces lieux
là, et qu'ils dévoient partir de S' Maximin à ce jourd'huy aprez desju-
iier. Je m'en vay monter en carrosse pour aller au devant d'eux à une
lieiie d'icy ou environ, ce qui m'empeschera de vous entretenir
comme je desirerois. Seulement vous diray je que nous fusmes à Mar-
seille 3 ou 4 jours ensemble, où nous n'engendrasmes poinct de me-
lancholie*, encores que la mer en esprouvast quelques uns, en allant
voir le chasteau d'If et la pesche.
Je receus à Marseille les 3 opuscules de Villegas qui seront cy
joincts^, ensemble la vie de Don Juan d'Austria qui est in h°iort gros*,
et qui ne pourra aller qu'en deux foys. Cependant nous verrons s'il y
aura moyen de la parcourir. Celuy de Portugal ne se trouva pas à Bar-
cellone ^, mais j'ay donné charge de le faire venir du lieu mesme de
l'édition. J'ay bien du regret de ne vous pouvoir respondre à tant d'ar-
rérages, mais vous estes si bon que vous m'en excuserez encores, s'il
vous plaict, comme je vous en supplie de tout mon coeur, espérant'
([ue la semaine prochaine il y aura plus de moyen de m'acquitter de
mon debvoir ou au pix aller la suyvante que nous serons tout à faict
hors de notre parlement.
' Chef-lieu de canton du département des
Bouches-du-Rhône , à 35 kil. de Marseille.
' Littrë n'a cité cette locution que d'après
le Médecin malgré lui de Molière.
" On connaît plusieurs auteurs espagnols
de ce nom. 11 doit être question ici d'Estevan
Manuel de Villegas , surnommé i'Anacréon es-
pagnol , né à Najera en 1 696 , mort en 1 669.
Sur ses divers recueils poétiques, voir le Ma-
nuel du Libraire ( t. V, p. 1 a 38 ) , Y Histoire de
ta littérature espagnole de Ticknor, traduite
par M. Magnabal (t. III, p. 77-79, 90-96).
' Historia del Don Juan de Austria (Ma-
drid, 1627, m-l>° ) , par Lorenzo van der Ham-
men y Léon.
' En cette ville avait paru, en 1572, la
Cronica del principe Don Juan de Austria par
Gosliol (in-8').
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 119
M' de Bullion • s'en vient tenir les estais de ce païs à Tarascon. M' le
Premier Présidant^ s'en alla hier à Marseille, ensemble M'' le présidant
Se{;uiran\ pour entendre de la bouche de M' de Guise certaine créance
à laquelle ils estoient renvoyiez par le Roy sur le subject des dicls
estats, où l'on veull qu'ils se trouvent l'un et l'autre, ce dict on, et que
M"" de Bullion y préside. Je ne pense pas qu'ils s'y puissent accommo-
der sans quelque autre précaution. Nous sçaurons tantost le subject de
leur voyage, Dieu aydant, car ils sont de refour maintenant.
M"" le comte de Moret* est encor en cette ville, où il trouve du di-
vertissement qui n'est pas tant hors de son goiist.
Nous vismes à Marseille une barque de ce païs revenue de Lisbone,
sur laquelle les ofiiciers de la justice de la dicte ville avoient faict
pendre aux antennes un cousin de Ravaillac , trouvé saisy d'un coul-
teau d'assassin dans son bas de chausse avec lequel il s'estoit vanté
de vouloir tiier le fdz de celuy que son cousin avoit tiié*. C'est une
furieuse manie. Dieu veuille préserver Sa Majesté de telles mains, et
nous donner une bonne paix, demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pbirbsc.
A- Aix, ce 93 juin 1699 en basle.
J'ay receu deux deepesches de M' Gassendi du a/j may et i juin,
mais je n'y [)uis respondre à mon grand regret, de cette foys. Je vous
envoyé l'advis d'un célèbre astrologue sur les parelies dont je vous prie
luy .l'aire part, quand vous l'aurez veu, croyant bien que vous n'en
ferez pas si grand cas comme l'autheur pense que l'on doibve faire.
' Sur Claude de Bullion, sieur de Bon- * Snr Antoine de Bourbon, comte de Mo-
nelles, alors membre du conseil (de[)uiR ret, voir le tome I, p. «89.
iQùk) et bientôt surintendant des (inauc«s ' Ce |>arcnt du rëgicide n'e«t pas niea-
(i63a), voir le tome I, p. 819. tionné dans l'ouvrage consacre par M. Araé-
' Anne de Maynierd'Oppède. dée Callandreau à Ravaillac et à sa famille
' Sur Henri deStîguiran, beau-frère de (Paris, t884, in-S").
Peiresc, voir le tome I, p. 89.
I
120 LETTRES DE PEIRESC [1629]
J'ay quelques lettres pour M' Rigault, que je vouldrois bien accom-
pagner des miennes, mais il me pardonnera, s'il luy plaict, pour cette
semaine. Je feray pourtant ce que je pourray, le remerciant cependant
de son Tertullian, tant que je puis. Il peut envoyer les autres exem-
plaires quand il vouldrà pour Dom du Puy et autres que je feray tenir
seurement, estant bien marry que M"^ d'Orléans • le soit allé attaquer,
et vouldrois l'en avoir peu destourner 2.
XXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis avoir envoyé ma despesche à la poste, ayant apprins que
M' le Gouverneur avoit envoyé retarder l'expédition de la stafFette jus-
ques à demain au matin, j'ay bien voulu vous faire cette appendice'
pour vous donner advis de l'arrivée de M' de Thou, et de cez autres
Messieurs Haligre, le Grand et le Pelletier, en trez bonne santé Dieu
mercy, et que M"" de Thou a prins une consolation non pareille à la
lecture de voz lettres du 8 et 1 a"^ et des papiers qui y estoient
joincts, ensemble de la préface de M' Rigault sur son Tertullian,
où il a voulu voir le chappitre contentieux entre luy et M' d'Or-
léans, n'estant pas moings scandalizé que moy d'ouyr dire qu'il y
puisse avoir eu du mal entendu entr'eux. Il a prins aussy grand plaisir
à cez Marmora Arundelliana, où il fault advoiier qu'il y ade si notables
époques, que je ne pense pas qu'il nous soit demeuré un plus beau
monument de l'antiquité grecque que celui là. Pour moy, de ce peu
que j'y ay peu jetter les ieux j'en suis demeuré infiniment satisfaict. Et
' Gabriel de l'Aubespine. lit-on dans le Dictionnaire de Littré, a varié,
'■' Vol. 717, fol. 56. et on le trouve souvent féminin d'après le
' r- Ce mot, qui est aujourd'hui masculin , latin, n
[1629] AUX FRKRES DUPUY. 121
les observations* du sieur Seldenus, où j'ay trouvé qu'il a mani»i un
Pentalcuque Sainaritain d'un Archevesque d'Hihcrnie, d'où il tire de
bonnes cl curieuses consequances. H fault que celuy du P. Sancv^soit
tout le n)esme, et seroit bon de vérifier sur l'eschantillon que je vous
envoyai dernièrement de celuy du sieur P" délia Valle, si ce n'est |)a8
aussy la mesme chose, car ce gentilliomine avoit creu que la langue
n'en lusse pas purement hébraïque, ains une version en dialecte sa-
maritain. Le P. Morin aura bien tost esclaircy tout cela. On vient de
nousasseurerdc la réduction de la ville d'Anduse, de Sauve' et autres
d'allentour. On avoit crou que ceux d'Anduse se fussent voulus saisir
de M' de Rohan, mais cela ne s'est pas encores bien vérifia. C'eust esté
une prinse d'importance. Sur quoy je finiray pour aller boire à vostre
santé avec cez Messieurs, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
i>E Pkiresc.
A Aix, ce 27 juin 1699 aa soir'.
XXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous accusay par la dernière stalTette la réception de voz des-
pescbes du 8 et 1 2 de ce moys et l'arrivée de M"" de Thou en cette
ville, venant de la S'*Baulme avec Mess" Haligre, le Grand et le Pel-
' C'est-à-dire : ainsi que des observations. Saint-Malo en t63i et mourut le 90 no-
' C'était Achille de Harlai, fds de Nicolas venibre iG46.
lie Harlai, seigneur de Sanci : d'abord abbé ' Chef-lien de canlondu déparlement du
de Saiul-Benoit-sur-Loire, de Villeloing-, de Gaiil, arrondissement du Vigan, à 4o kilo-
Chasteliers, il fut nommé évoque de Lavaur, mètres de Nîmes,
et, après avoir été ambassadeur en Orient, ' Vol. 717, fol. 58.
il entra dans l'Oratoire, devint ëvéque de
II. 16
122 LETTRES DE PEIRESC [16'29J
ietier, lesquels me firent la faveur de s'arrester encor icy trois jours,
mais il n'v eut pas de moyen de les retenir plus longuement, quelque
instance que je leur en fisse, principalement à M"^ de Thou, car pour
les autres, ils estoient mandez par M' le Garde des sceaux, et mesmes
M' le Pelletier estoit pressé de se trouver à la resolution d'aflfaires im-
portantes à cette Province auprez du roy, c'est pourquoy je les laschois
patiemment, mais pour M' de Thou, il sembloit que toutes cez consi-
dérations cessassent et qu'il ne me deubt pas refuser 7 ou 8 jours, car
la presance des autres m'empeschoit de le gouverner et entretenir
selon son goust particulier comme j'eusse désiré. Il voulut neantmoings
partir en mesme temps que les autres, et s'en retourner à Marseille,
m'ayant neantmoings engagé sa parole qu'il reviendroit icy pour l'amour
de moy et me donneroit quelques jours. On me donne tous les jours
de ses nouvelles tandis que je l'attends en bonne dévotion. Je luy fis
voir voz dernières despescbes auxquelles il print un plaisir non pareil
et à quelques uns des livres que j'ay receus de vostre main par la poste.
H raconte des merveilles de ses voyages, et s'il en faisoit jamais une
relation, ce seroit toute autre chose que tout ce que nous en avons
jamais veu jusques à présent. Il me dict entre autres choses de trez
belles particularitez de la mer rouge, et du mont de Sinai, où il vid de
trez beaux livres grecs m[anu]s[crit]s où il souhaictoitbienla sagacité et
patiance de M"' Holstenius, pour y distinguer ceux qui nous manquent'
en l'Europe de ceux que nous avons. Et a grande envie de s'aboucher
avec le dict sieur Holstenius, pour luy donner sur ce subject des in-
structions importantes, monstrant d'ailleurs d'avoir tousjours en l'esprit
animum redeundi • vers l'Italie et Rome, bien qu'il aye promis assez
solennellement à cez Mess" et à moy de n'y songer plus, et qu'il s'en
retournera d'icy à Paris, sans autre destour que de la cour. Mais j'ay
peine pourtant de me le bien persuader, et vous asseure que sur un
bruict qui vint cez jours icy de l'arrivée des galères de Malte à Mar-
seille, pour repasser en Italie, je trembiois que la commodité et les
' Le désir de revenir, l'esprit de retour.
[1629] AUX FRKRES DUPCY. 123
habitudes qu'il a prinses ne le r'amenassent en Italie. A faulte de quoy,
il y a trois de noz galères qui ont eu pour mission du Roy d'aller
charger A Messine (juehpies soyes des Marseillois qui doivent partir
dans le inoys prochain. S'il l'aict guieres plus de sesjour à Maj-seille el
qu'il en ayt le vent, il sera malaisé de le retenir. Car dans ce temps
là tout le pire de la saison mauvaise de Rome sera expiré et il se
pourra arrester quelques jours à Florence et à Gènes, et par aprez
s'en retourner en France par l'Allemagne. Je feray touts mes efforts
pour l'en dissuader, mais s'il ne se peust esviter, il fauldra bien se
consoler à plus forte raison que du voyage du Levant. 11 me resteroit
beaucoup de choses à vous dire en responce de voz lettres tant les
dernières que les précédantes, mais nous sommes au desgel de nostre
parlement', de sorte que pour expédier quelques pauvres gents qui
sont demeurez en arrière, il fault que je remette à ce moys de juillet,
que j'esperç n'estre poinct de service, m'asseurant que vous m'en excu-
serez cependant, seulement vous diray je que se présentant occasion
pour Rome , j'ay envoyé à Monseigneur le Cardinal Laus Asini de Hein-
sius avec ses autres opuscules, attendant d'en avoir quand nous pour-
rons, comme aussy la vie de Dom Ant[onio] de Portugal, qui se rem-
placera bien plus facilement. Je n'ay pas veu le lieu de Serrarius où il
citte le Goronides Dorotheus in synopsi chronicorum , mais je l'ay veu
allégué à la marge du Chronicon Alexandrinum, en divers endroicls
de l'édition de Raderus^ in-^" Monachii 1626, page 869 où il cotte la
page 997 de Serrarius ad Machabœos et ailleurs, ce me semble, car
je ne le sçaurois maintenant vérifier. Nous eusraes icy hier M' de Bul-
' Si je comprends bien cette métaphore ,
Peiresc veut dire que le Parlement, nprès
avoir dlé un peu engourdi , s'est remis au
travail avec bcaucotip d'activité et, en raison
du retard (|ui avait été apporté à l'expédition
des affaires, est plus occupé que jamais.
- CÀrouicoH alexandrinum, ùleiHffiic aslro-
nomicum et ecclesiaslicum. . . opéra et ttudio
Mattk. Raderi. La première édition est de
Munich, 161 5, pet. in-lt'. L'éditeur du
Chronicon Alexandrinum ou Chronicon pat-
chale , le jésuite Matthieu Rader, naquit dans
leTyrol, à Inichingen , eu i56i el mourut h
Munich en déc"mbre i634. Voir un impor-
tant article sur cet érudit dans la Biblio-
thèque des écrivains de la Comptignis de Jésut
(L m, in-foL, 1876, col. 6-11).
t6.
124 LETTRES DE PEIRESC [1G-29J
lion, qui y tinct le lict tout le jour disant avoir des fiebvres et la goutte,
mais il n'a pas laissé de partir à ce matin pour Marseille oii il s'en va
voir M' de Guise qui a mandé les Estats du pais à Tarascon au i o""''
où M' de Bulion a charge de porter la parole de la part du Roy. L'on
avoit mandé aux deux premiers présidants des deux compagnies sou-
veraines de s'y trouver à l'ouverture, et M"' de Bullion entendoit d'y
présider comme plus ancien conseiller d'estat. Mais on n'a pas trouvé
que cela fust nécessaire ne tollerable, n'ayant jamais esté practiqué en
ce pais, que le premier présidant y ayt esté précédé par autre que par
le gouverneur, ne qu'autre y ayt porté la parole que luy en sa pre-
sance hors de quelques mots que le gouverneur a de coustunie d"y
prononcer pour compliments au commancement, et pour attester que
ce que leur va dire celuy qui le suit est par exprez mandement du Roy;
les autres qui y assistent sont coustumierement des trésoriers de
France et receveurs des deniers du Roy aprez celuy qui porte la pa-
role. On A despesché en cour sur cette dilliculté, et je crois que noz
premiers présidants seront tenus pour excusez, si M' de Bulion s'y
trouve. Sa maladie fut honneste prétexte à luy de ne pas sortir, et à
M"' le Premier Présidant de l'aller visiter charitablement. Je m'y trouvay,
et il dict à M' le Premier Présidant lors qu'il Ée reliroit qu'il ne n)an-
queroit pas de l'aller voir chez luy. Je ne scay pourtant s'il l'a veu à ce
matin avant que partir. Au reste nous sommes tous en grande al-
larme de ce que la maladie a commancé de paroistre dans la ville de
Digne et en deux ou trois autres villages d'allentour', de sorte que l'on
vient de faire arrest pour les faire blocquer, et de suspendre pour vingt
jours le commerce de touts les lieux circonvoisins qui sont à trois
lieues à l'entour des uns aux autres, pour voir s'il n'y aura poinct eu
de communication qui eust peu apporter du mal ailleurs. Dans le vil-
' Sur la peste qui ravagea celte ville el pitre vi intitulé : De l'air et de la pesle de
les environs, voir le récit de Gassendi dans iGaQ, est très curieux et très émouvant,
sa Notice sur l'église de Digne, traduite par Gassendi déclare qu'il tenait les détails qu'il
Firmin Guichard (Digne, i845, in-ia, fournit sur le fléau, du savant docteur Lau-
p. ii-ig). Ce récit, qui remplit tout le eba- taret, lequel donna ses soins aux pestiférés.
|1029| AUX FRÈRES DUPUY. 125
liifjc (l(! Ghenerilles qui fut attaint le moys pass^;, tout y est mort ii
trois seules [lersones prez et médecins et cirur}fiens et tout sans remis-
sion. A Reillane il y a desja plus de soixsante morts de la maladie; ce
sera un {jrand miracle si tout ce pauvre pais ne s'embrase avec celte
convocation des Estats sans laquelle nous avions de besoing de sus-
pendre la communication de lieu à autre quasi par toute la province
pour laisser paroistre le mal là où il peult avoir esté porté insensible-
ment. Jamais la j)aix ne vint plus à propos que fera celle-cy, dont on
nous donne tant d'espérance. Je prie à Dieu de la vouloir accellerer le
plus que faire se pourra, et sur ce je finis demeurant.
Monsieur,
vostrc trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 39 juin au soir 1699 '.
XXVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Celle cy sera encor aussy courte que mes précédantes et faicte
aussy à la liaste, pour ne rompre guieres la compagnie que je doibs à
IW' d'Aubray et h M' de la Hoguette ([ui arrivèrent céans devant liier
fort opportunément l'un par le chemin d'Avignon et l'autre par celuy
do Tarascou, sans sçavoir l'un <le l'autre. Je ne vous sçaurois exprimer
le contentement que ce m'a esté ne combien cela a servi à me consoler
du tort que M'' de Thou nous avoit faict à trez touls, en meslant noz
plaintes communes et particulières, car M' d'Aubray le venoit voir icy
pensant le trouver encores céans. Il croid que ce pourroit bien estre
quelque vœu faict dans les dangers du voyage de Levant qui poinToit
' Vol. 717, fol. 59.
126 LETTRES DE PEIRESC [1629]
avoir engagé M' de Thou à ce voyage de Rome avant que se retirer.
Pour moy je ne l'impute qu'à un scrupule de s'acquitter de sa parole
envers cez Mess". Au reste la douceur de la conversation de mes hostes
est telle que rien ne la sçauroit esgaler ou meliorer que si nous avions
l'honneur de vous y pouvoir tenir l'un ou l'autre. Cependant nous
vous V avons bien souhaicté, et ce n'a pas esté sans parler de l'acadé-
mie , et implorer du ciel toutes ses grâces pour vostre santé et pros-
périté.
M' de la Hoguette fut un peu surprins quand je luy dis que M' Gra-
nier' songeoit à donner au public cez escripts du chancellier Baccon,
et me dict qu'il vous en escriroit pour vous conjurer de l'empescher,
n'estimant pas que cela soit tollerable pour ne prostituer la réputation
de l'autlieur, qui s'en estoit fié à luy et ne luy avoit baillé que des
choses informes et non digérées. Je luy ay remonstré que cela se pou-
voit aulcunement reparer par un adverlissement au lecteur qui tes-
moignast le larrecin en la forme qu'il a esté faict, mais il ne s'en paye
pas, et crois que vous luy ferez grand plaisir d'enipescher ce coup la.
M" nostre Gouverneur partit hier de Marseille pour aller voir le
Roy, sans passer par cette ville, croyant trouver Sa Majesté à Beau-
caire. On assure que ceux de Nismes ont enfin crié vive le Roy; si cela
n'est, je crois bien qu'jl ne sçauroit tarder^ puis que les autres sont à
leur debvoir, qui n'est pas un petit miracle, aussy bien que de voir que
la maladie ne se soit poinct encores mise dans l'armée du Roy. Nous
ne sommes pas si heureux en ce pais icy où elle faict bien du progrez
du costé de Digne, en sorte que nous allons mettre des bornes à la ri-
vière de Verdon et de Durance, pour exclurre le commerce de tout ce
qui est au delà, avec le reste de la province, et Dieu sçait si nous
' Auger de Mauléon, sieur de Granier, let] les desputés de Nismes vindrent trailter
l'éditeur des Mémoires de Villeroy, des Mé- tout le matiu avec Monsieur le Cardinal. . .
moires de Marguerite, des Lettres du car- Le jeudy 5"' Monsieur le Cardinal et M' de
dinal d'Ossat, etc. Voir sur lui le tome I, Montmorency ammenèrent les desputés de
|). 355. Nismes quy (irenl leurs soumissions au Roy-
* On lit dans les Mémoires de Bassom- Le vendredy 6"" on publia la paix à Msmes
pierre (t. IV, p. 52) : «Le mardy 3"" [juil- et y fit-on les feux de joye. "
(1629] AUX FRÈRES DUPUY. 127
nous en pourrons garentir. Cependant M' d'Aubray se charge de la
cassette, pour la faire tenir comme des choses du train de ia cour eu
voz quartiers.
Je vous envoyé une lettre du cardinal Barberin toute de sa main
où vous verrez ce qu'il me respond à la proposition que je luy avois
faicte de subroger M' Ilolstenius au soing de la publication des pos-
tumes du feu sieur Aleandro, et une lettre du dicl sieur Holstenius
bien gentile aussy. Jene les avois pas receues par l'ordinaire d'Avignon,
ains par celuy de Lyon, de sorte que le tout passa dans le vinaigre,
avec le livre que le cardinal y avoit faict joindre des Hymnes cor-
rigez, lequel je vous euvoyeray par le premier ordinaire, afin d'y pou-
voir un peu jetter les yeux entre cy et là si tost qu'il sera sec, car il
l'a fallu relaver à cause du vinaigre. Je crois bien que vous aurez en
reconnnandation les lettres cy joinctes que je vous envoyé de Mess"
d'Aubray et de la Hoguette sans autre semonce, ils sont aprez à les
clorre. Et ne me veullent pas accorder de s'arrester encores demain,
pour attendre mon frère qui doibt estre de retour d'un petit voyage
qu'il estoit allé faire depuis sa veniie de la cour, vers M' de Guise à
Marseille et de là à Beaugentier. J'espère pourtant de les retenir, veuil-
lent ils ou non et de boire encores à vostre santé avec cez Mess", mon
frère estant de la partie, sur quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce samedy au soir 7 juillet 1699 en haste.
J'oubliois de vous dire que le sieur Suarea m'escript de la mesme
datte du 1" juin que les vers de Borbonius et de Sirmondus' ont esté
veus par le Pape et le Cardinal'^ à Castel Gandolfo^, lesquels les ont
trouvez excellants, et me mande que le dict sieur Cardinal m'envoye
cez Hymnes sacrez par commandement de Nostre Saint Père et y ad-
' Les vers sur la prise de la Rochelle. — ' Urbain VIII et Fr. Barberini. — ' A 1 7 ki-
lomètres de Rome, sur le lac Albano.
128 LETTRES DE PEIKESC [1629]
jousle un distique iaicl par Sa Sainteté sur ceux qui joiient de la harpe
et chantent, en cez termes :
Pierios modulos digili sine voce loquunlur
Duni({ne canunt certaiis provocat ora inanus.
Je ne vous envoyé pas sa lettre à ce coup afin de pouvoir respondre
au préalable h tout plein de divers chefs qu'il y a auxquels eschoit res-
ponce. Il dict entr'autres que M"' Holstenius me vouloit escrire concer-
nant le mot TRITVRHI, mais qu'il doubte s'il le pourroit faire lors,
estant fort affairé depuis la nouvelle qu'il avoit eue de l'heureuse issiie
de la prevosté d'Ambourg à luy conférée par Nostre Saint Père à la re-
queste de Monseigneur le Cardinal, la recommandation duquel avoit
esté si puissante, que l'Empereur sans avoir esgard aux prétendants
trez nobles, l'a préféré et agréé, dont je pouvois, dict il, me resjouyr
avec luy. Je crains que cette occasion ne le fasse retirer de Rome, dont
je ne serois pas tant marry, s'il avoit au préalable veu un peu à sou-
haict les m[anu]s[critjs du Vatican, possible sera ce pour le mieux.
11 me reste à vous adresser les papiers de ce gentilhomme de Ma-
dame la Comtesse, à qui je pensois faire responce, mais la lettre qu'il
m'avoit escritte s'est esgarée entre mes papiers, en sorte que je ne la
sçaurois retrouver maintenant. Je tascheray de la retrouver pour y sa-
tisfaire; cependant vous luy pourrez faire rendre ce qui le touche afin
que le temps ne luy nuise, et l'asseurer de mon service, aussy bien
aurois je peine de l'entretenir à ce coup. L'homme de qui je luy avois
parlé l'a servy fort franchement et fidèlement, et mérite qu'on y ayt
esgard selon qu'il a daigné l'en asseurer.
Je ne sçaurois non plus escrire à Madame de Rreves, à laquelle je
vous prie de faire cependant tenir le paquet et lettre cy joincte ^
' Vol. 717, fol. 62.
[1629] AUX FRÈRRS DUPUY. 129
XXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur
Ce mot à la haste dans les incommoditez de la cour en logement
emprunté, n'est que pour accompagner la lettre cy joincte de M' Gas-
sendy laquelle debvoit accompagner un fagot de ses escripts, lequel je
baillay fort inopinément à M"" Haligre et à M' le Pelletier sans y pou-
voir adjouster une lettre de deux lignes, à quoy je satisferay mainte-
nant par une commodité de l'un des siens que je viens de rencontrer
inopinément, lequel s'en va le suyvre. Mais je ne vous sçaurois entre-
tenir, d'aultant que l'homme veult partir. Seulement vous prieray je
de faire advertir M"^ l'Huillier ou M' de la Motte en son absance, que
vous avez ce pacquet du dict sieur Gassendy et que vous estes prest
d'en suyvre les ordres que M"" Gassendy en aura donnez. Et si le dict
sieur l'Huillier s'en alloit en Flandres, il les pourroit porter; sinon il
fauldra attendre les commoditez qui vous pourront estre indiquées par
le dict sieur Gassendi. Car cez pièces luy sont si chères, que je ne
suis pas d'advis de les confier à autre qu'au dict sieur l'Huillier, s'il n'y
en a ordre bien précis. Excusez moy de cette peine, ^ious avons veu
icy M"" de la Hoguette, qui est tousjours le plus courtois et le plus obli-
geant homme du monde, et M' Sanguin, vostre parent, qui nous est
venu si à propos que sans luy, qui nous a desparty son logement par
pitié, tous noz députez du Parlement qui estoient venus pour sallûer
le Roy demeuroient logez dans les rues. Et il ne se contenta pas de
nous céder son logis et son lict, mais il nous y fit apporter de chez
le Roy de quoy vivre et à disner et à soupper le premier jour de nostre
arrivée, si magnifiquement qu'il ne se pouvoit rien faire de plus ex-
quis. II est merveilleusement honneste et bien faisant, et est bien
vostre parent de ce costé là. Le Roy entra en cette ville mardy au
II. 17
IWBlHEftlS UTIABAIC,
f30 LETTRES DE PEIRESG [1629]
soir S et croid on que les députez de Nismes le viendront aujourd'huy
prier d'aller voir la leur et qu'il s'y en ira demain ^. M' le conte est
tousjours bien mal, et si Dieu ne faict résister et agir puissamment la
jeunesse, il court grandissime fortune de la vie^. Je receus avant que
partir d'Aix vostre despesche du 26 juin fort bien conditionnée, mais
je differeray d'y respondre par l'ordinaire; aussy bien ne crois je pas
que cette lettre puisse aller guieres viste, et sur ce je finis demeu-
rant,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Uzez, ce 12 juillet 1639 en haste '.
XXX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Nous voicy enfin de retour sains et sauves du petit voyage de la
Cour que nous sommes allez faire du costé d'Uzez et de Nismes où
Mess" de nostre compagnie voulurent que je me trouvasse entre leurs
députez pour salliier le Roy et Mess" les Ministres. On nous avoit
rendu à l'advance de mauvaises charilez, mais nous ne laissasmes
' On lit dans les Mémoires de Bassom-
pierre (t IV, p. 53 , 54) : (rCeux d'Usés vin-
drent [à Beaucaire] prier le Roy d'aller en
leur ville, à quoy il se résolut. . . Le mardy
10"* M' de Ghomberg et nioy vînmes le ma-
lin à Uses pour donner les ordres nécessaires.
Le Roy y arriva le soir, s
' Nous lisons dans les mêmes Mémoires
(p. 54): ffLe vendredy 1 3'°' nous eûmes les
ostages de Nismes, et leurs députés vindrent
supplier le Roy de vouloir honorer leur ville
de sa présence. Le samedy 1 k°" le Roy vint
h Nismes; il fut fort bien reçu; puis il alla
voir les arènes. »
' Ce fut le 13 juillet, selon Bassom-
pierre (ibid.), que Louis de Bourbon , comte
de Soissons, rrfut à l'extrémité de sa ma-
ladie». Il commença , le dimanche 1 5 , à aller
mieux.
' Vol. 717, fol. 64.
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
131
pas (l'y trouver Irez bon accueil. Je vous escrivis par M' d'Haligre el
vous adressay un petit fafjol des papiers de M' Gassendi et crois que
vous l'aunîz vcu à Paris avec M'' le Pelletier, avant la réception de ia
presante. J'escripvis encor un mot à M' de Lomenie avant que partir
d'Uzez à l'indication que me fit M' Lucas' d'une commodité extraordi-
naire d'un gentilhomme qui s'en alloil en poste à Paris, et luy envoyay
coppie de la première érection d'LJzez en tittre desimpie Duché*. Mais
ce iust si à la haste que je n'eus pas de moyen de vous escrire. Devant
hier au soir nous arrivasmes icy, et y trouvasmes voz depesches du
•29 juin et 3 juillet bien conditionnées, avec le Habbi Elclia, et les deux
opuscules d'Erycius Puteanus^, dont je vous remercie trez humblement
ensemble M'' de Vris. Le Tertullian pour Dom du Puy est aussy venu
en trez bon estât, et je ne manqueray pas de le faire tenir à Rome par
la première commodité, ensemble le pacquet pour M' de Thou, de qui
je receus hier une lettre de Gènes par l'ordinaire de Rome et une autre
de Maillorque laquelle estoit demeurée en arrière. Vous y verrez ce
qui estoit de ses premiers desseins, et ce qui a depuis prevallu. Il faut
trouver bon tout ce qui luy plaict et espérer que le tout sera pour le
mieux Dieu aydant, ne doublant poinct que tous ses voyages et diver-
tissements ne luy soient grandement utiles, tost ou tard, et qu'il n'en
demeure beaucoup plus satisfaict et beaucoup mieux instruict, pour
' Voir sur Lucas le lonie I, Appcitdice,
p. 818.
' La vicomte d'IIzès fut érigée en du-
ché (mai i565) en faveur d'Antoine de
Crussol.
' Henri Dupuy (nom francisé d'Hendrik
vau Put), né à Venloo en iSyi, mourut
en i646 h Louvain, où il avait succédé à
Juste-Lipse dans la chaire de belles-lettres
(1606), qu'il occupa jusqu'h sa mort. Un
des deux opuscules envoyés à Peiresc (Ery-
cius Putcamis en laissa 98 , dont on peut
voir la liste dans le tome XVH des Mémoires
de Niceron) devait être : De S. Flavia Do-
mililla. Martyre, Observatiuneula epistolica,
ad locum Marlytvlogii lioinaiii Nonis Mai»
(Louvain, 1629, in-'i°). Voir sur H. Dupuy
le curieux article du Dictionnaire de Bayle
(t. XII, p. 363-373). On a deux lettres de
Peiresc k (tM. Erycius Puteauus, professeur
royal en l'université de Louvain» : l'une
écrite d'Aix le 16 août i6a6, l'autre écrite
(fde Boisgency, le ao novembre 1639» (Mi-
nutes de Carpentras. registre V, fol. 894
et 395). Ce dernier document a été pu-
blié, avec d'intéressants commentaires, par
M. C. Kuelens dans le Bulletin Rubens, 4' li-
vraison de 1889 , p. «68 et saiv.
«7-
132 LETTRES DE TEIRESC [1629J
se rendre plus cappable des plus grandes affaires du royaulme où
j'eslime que ses mérites nom pareils l'appelleront un jour, pour le bien
de Testât.
Le mesme ordinaire de Rome m'a rendu une lettre de M' Holste-
nius grandement honneste à son accoustumée sur le subject de ses
Platoniciens. Mais par un bien grand malheur le bruict de la maladie
du lieu où ils estoient prévint de deux jours seulement l'arrivée de
l'homme que j'envoyois pour les prendre, qui n'eust pas le courage d'y
entrer, de peur de faire quarantaine à la sortie, et depuis le mal s'y es-
tant estendu, il n'y a plus de moyen d'y pourvoir que l'on ne voye ce
que deviendra cette ville, et qu'elle soit bien et deiiement purifiée. Ce-
pendant j'ay mis ordre qu'on les fit bien emballer, et séquestrer en lieu
qui fust hors de commerce dans la maison où ils sont. Ce sera une
grande mortification à M' Holstenius et à moy ne sera gueres moings
grande pour n'avoir moyen de satisfaire assez tost à sa curiosité pour
ce regard et à la parolle que je luy en avois donnée. Tousjours prendrez
vous plaisir, je m'asseure, de voir sa lettre.
Comme j'en estois arrivé jusques icy, j'ay receu vostre despesche
du 9""= avec le g'^Mibvre de M'' d'Orléans', l'antidote, la remonstrance
de M' l'evesque de Montpelier^ et autres choses dont je vous rends
grâces très humbles. Il y avoit une autre lettre pour M' de Thon,
que je joindray au précédant pacquet, et les adresseray à Rome à
M"" de Ronnaire, qui m'escript en avoir receu un grand nombre de
toutes parts pour ledict sieur de Thou, lesquelles il luy garde
jusques à ce qu'il repasse à Rome, ou qu'il luy donne autre ordre de
les luy faire tenir ailleurs.
J'ay aussy receu une seconde lettre de M"" l'Huillier, qui estoit en
Un nouveau fragment de VAnctenne de ce prélat ante'rieure de plusieurs années
police de l'Eglise, ouvrage ici plusieurs fois à l'époque où nous place la présente lettre :
mentionné. Remontrance au Roi contre les duels, pro-
' C'était Pierre de Fenouillet. Oa men- noncée au nom du clergé de France à la tenue
lionne dans la Ribliothèque historique de la des Etats, le aô janvier 16 15.
France (t. I, n° 20953) une Remontrance
[1629]
AUX FRÈRES DUPUY.
133
peine de la première, à cause du retardement de ma responce, mais il
l'aura meshuy receiie, et ne tardera pas de recevoir les papiers qu'il at-
tcndoit de M'' Gassendi, lesquels je vous ay adressez, par M' d'Halijjro
et Pelletier, qui partirent en carrosse de Tarascon le mercredy xi de
ce moys, et ne pensoient pas sesjourner en chemin plus d'une quinzaine
de jours ou environ, de sorte qu'ils ne tarderont pas d'estre là.
J'ay esté bien aise d'apprendre que vous ayez receu la coppie du
m[anu]s[crit] de Jacques de Lalain ', que j'avois faict transcrire* sur
un exemplaire du sieur Chitllet^, n'ayant pas sceu que M"' Godefroy ne
M'' Chrestien'* en eussent de semblables, car j'eusse eu recours à eux
pluslost qu'au dict sieur Ghilllet, mais H importe peu d'où que la coppie
en vienne, pourveu qu'elle soit bien correcte. Cependant je vous re-
mercie de l'advis de cez deux autres exemplaires, pour m'en pouvoir
prévaloir en la collation si besoing estoit.
Les alphabets et mémoires samaritains et cophtites ne pressent
nullement, non plus que la lettre du sieur Pietro délia Valle que l'on
m'escript de Home s'estrc marié depuis peu à une Arménienne qu'il
avoit emmenée du Levant avec sa defuncte femme*.
J'ay veu à Nismes le sieur Samuel Petit ^, professeur en théologie
' Jacques de Lalaing, dit le bon chevalier,
naquit vers i4î!a, et fut tu<Ç le 4 juillet
1^53. C'est le hëros d'une chronique long-
temps altribuëe h Georges Chastelnin et
qui a pour auteur Jean I.c Fèvre, seigneur
de Saint-Remy. (Voir la Notice sur cet ëcri-
vain mise [)ar François Morand en ttMe du
touie II de la Chronique publide pour la
Société de l'histoire de France en i88i.)
Uffiitoire du bon chevalier, Jacques de Fm-
lain, parut du vivant de Peiresc par les
soins de Jules Chifllet, fds aine de Jean-
Jacques Chifllet (Bruxelles, iC3/i, in-4°).
L'ouvrage a élé n'imprimé par liuclion dans
les CÀroniquex nationales françaises et dans le
Panthéon littéraire.
' Cette transcription est conservée à
l'Inguimbertine (Carpenlras) d.ins le re-
gistre XVIII de la collection Peiresc, h la
suite de la transcription des mémoires de
Robert de la Marck , seigneur de Fleuranges.
' A la fin de la copie que Peiresc avait fait
prendre , on lit cette note écrite et signée de
la main de J. -J. Chifllet : it(À)neordal eum
ms. originali lyjunii tC-jg. yi
' Sur Claude Chrestien, (ils de Florent
Chrestien, voir le tome I, p. 887.
' Voir sur le second mariage de Pierre
délia Valle, l'article d'Ey ries dans la Biogra-
phie universelle. Cet académicien donne de bien
piquants détails sur la première femme du
voyageur, laquelle était une Orientale,
comme la seconde, dont elle était la parente.
' Samuel Petit naquit le -lù décenibn'
134 LETTRES DE PEIRESC [1629]
prétendue, fiiz d'un Parisien proche parent de M'' Perrot, vostre allié,
et demeuray grandement satisfaict de la douiceui- de sa conversation
et de sa rare érudition. Il nie nionstra un petit travail qu'il a faict sur
iecompute des Samaritains aprez Scaliger',oii il monstre combien peult
son esprit aprez celuy de ce grand personage, et me dict avoir faict
quelque travail d'importance sur la chronologie. Je luy montray les
Marmora Arundelliana que j'avois dans ma maie , où il prinl un extrême
plaisir. 11 me fit voir trois libvres d'observations trez curieuses sur
Athénée, sur les mesmes m[anu]s[crit]s que Casaubon avoit maniez, où
il faict comme M' Saulmaise sur le Suétone. 11 les veult mettre soubs
la presse à ce moys de septembre Dieu aydant qu'il espère d'aller faire
un voyage à Paris pour cet effect, dont j'ay extorqué parolle de luy.
11 a faict de bonnes notes sur le Martial. Mais il en a de bien plus utiles
et nécessaires sur tout le Plante où il est allé si avant qu'il a inter-
prété tout le Punique qui y estoit le plus heureusement du monde-,
et v a trouvé un sens relatif au latin du devant et du derrière, qui lie
trez bien les noms propres qui y sont entremeslez dont il rend les
raisons trez apparantes,par le rapport des règles de cez langues orien-
tales qui sont dérivées les unes des autres, et lesquelles divertsifioient
si fréquemment les voyelles. Il est arrivé jusques à ce poinct que d'in-
terpréter le plus heureusement qu'on eust sceu imaginer, quelques
noms propres de lieux insérés en la Saincte Escripture par ces fiagments
de la langue Punique, ce que pas un des anciens Pères n'avoit encores
sceu faire. Au reste c'est un homme le plus humble, le plus modeste.
1894 à Saint- Ambroix , fut à Nimes pas-
teur, professeur, principal du collège, et
mourut le 12 décembre i643 dans sa
maison de campagne de Courbessac, près
de Nîmes. Sur cet e'rudit, voir Colo-
miès [Gallitt orientalis, p. 169-175), la
France protestante, et surtout l'excellente
et en grande partie nouvelle notice bio-
graphique publiée par M. Georges Mau-
rin on tête du 1 /i' fascicule des Corres-
pondants de Peiresc (Nîmes, 1887, in-8°).
' Voir, sur ce travail et les autres travaux
de Samuel Petit, les lettres à Peiresc in-
sérées dans le fascicule cité en la note pré-
cédente.
* Le bon Peiresc juge ici beaucoup trop fa-
vorablement la tentative de Samuel Petit. La
vérité est que ce philologue échoua dans son
interprétation comme tant d'antres l'avaient
fait avant lui et l'ont fait après lui.
[1G29J AUX FRKRES DUPUY. 135
et de la pins doulce liiimeui' c|ue j'aye veii'. Je parlay de luy i^ Mon-
seigneur le Garde des Sceaux* et à M' le Surintendant' lequel en parla
à Monsei{{neur le (jardinai de lîiclielieu pour le faire tirer de là et
l'appointer à Paris, En <[uoy je trouvay tout plein de bonne disposition.
Si nous en venons à bout, je pense qu'il feroit des merveilles à l'édition
de ce Pentateuque Samaritain. J'en parlay aussy à M"' le Grand, maistre
des requestes, pour le {gouverner un peu durant le sesjour qu'il a à
faire ci Nismes. Il me monstra un {jrand Homère de l'édition de Budee
in folio en deux volumes \ tout apostille de la main propre du dict
Budee'' et enluminé en divers endroicls des armoiries et devises du
dict Budee. Il a une |;rande passion de vous offrir son service, tenant
vostre vertu en sinjjuliere vénération. J'estime que vous y aurez bien du
contentement. 11 a une belle et curieuse bibliothèque, où il a bien bou-
quiné ses livres" durant i a années qu'il s'est tenu dans cette misérable
ville, et a une mémoire nompareille. 11 le fault ayder à s'en tirer.
Je vous remercie trez humblement de l'exacte relation qu'il vous a
pieu faire de ce que vous avez apprins du P. Morin et du sieur le Jay^
' Ce bel ('loge complète admirablement ' M. E. de Biidé donne pour les apostilles
un collabonileur à Guillaume. «Se» marge»,
dit-il , ëtaieiil littéralement couvertes de sco-
lies manuscrites de la main de Guillaume et
def^ouis, son frère.»
• Bouquiner est pris ici dans le sens de
constdter, sens ainsi indique dans la dernière
édition du Dictionnaire de l'Académie fran-
çaise : trll se dit aussi en parlant de l'Iiabi-
ludc de lire de vieux livres : il s'aninse tout
le jour h bouquiner dans ton cabinet. -^ {.'Aca-
démie, Littré, les auteurs du Dictionnaire de
Trévoux, etc., n'ont indiqué le verbe bou'
fuiWrque comme verbe neutre.
' Guy-Michel Ijù Jay, d'abord avocat au
parlement de Paris, puis prêtre et doyen de
Véielay, était né h Paris eu 1 588 ; il momul
en juillet 1675, selon le Dictionnaire de
Morèri, en juillet 167/1 ^" \a Biographie
uniremelle.
tout ce que les contemporains de Samuel
Petit ont dit do ses rares (jualités.
' Michel de Marillnc.
^ Antoine Coi(Tier-Ruzé,mar(juis d'ElTial.
* (îuillnumé lUidé, tour h tour secrétaire
de Charles VIII, prévôt des marchands,
maître des re<[uétcs, garde de la librairie du
roi, naipiit h Paris en 1667 et mourut le
a.*? août i5^io. Peiresc n"a pas voulu parler
d'une (-dition d'Homère due à Budé, mais
bien d'une édition possédée par ce grand
érudit. Voir, sur l'exemplaire de l'édition
princeps d'Homère (l^'lorence, 1/488), qui
était le plus beau joyau de la bibliolh(''que
de Budé, les détails fournis par un de ses
descendants, M. Kugône de Budé, dans son
ouvrage intitulé : Vie de (juillamne Budé,
fondateur du Collège de France (Pans, Didier,
i88'i, iii-i Q, p. 196-iioii).
136 LETTRES DE PEIRESC [1629]
touchant cez bibles \ et les serviray si je puis trez volontiers l'un et
l'autre soit dans Rome ou ailleurs, pour faciliter sinon les approbations
qui y seroient nécessaires, au moins la tollerance et abstinance de
censure dont on se peult lionestement passer. J'avois veu avec grand
plaisir, dans la préface du Seldenus, ce qu'il y dict de ce pentaleuque
samaritain de l'evesque d'Irlande, mais j'ay eu grand desplaisir d'ap-
prendre en ce voyage que le pauvre Seldenus soit prisonnier d'estat,
pour avoir trop librement parlé dans la dernière assemblée du Grand
parlement d'Angleterre, etseroisbien niarry qu'il luy mesadvint^, estant
son amy et son serviteur de longue main, et ayant eu fort souvent de
ses letlres.
Je plains le P. Sirmond de s'en aller à Rome en ce grand aage' et
de quitter l'air où il a esté norry la pluspart de sa vie. Mais j'ay esté
bien aise d'apprendre qu'il se soit rangé du costé de M"" Rigault avec le
cardinal de Berule contre M"' d'Orléans. Je n'avois encores peu exa-
miner la difficulté, mais à cette heure que j'ay les escripts de part et
d'autre, et que nous serons un peu plus en repos, j'auray meilleur
moyen de le faire. Je verray bien volontiers ce que M"' Saulmaise mé-
dite sur le concile eliberitain, mais je vouldrois bien qu'il se voulust
abstenir de toute sorte de termes d'aigreur envers qui que ce soit.
Je ne m'estonne pas que le cardinal Bentivoglio veuille supprimer
l'édition de ses relations*, car je sçay qu'il desiroit qu'elle fust différée
jusques aprez son decez. On imprime certainement aujourd'huy toutes
choses avec un peu trop de liberté et trop peu de respect. Le pauvre
li s'agit là de la Bible polyglotte qui années auparavant pour les mêmes motifs
porte te nom de Le Jay et qui parut en dix (162a).
volumesin-fol.(i6a8-i6à5). On trouve par- ' Le P. Sirmond avait ators bien prés de
tout des détails sur la belle publication à soixante-dii ans.
laquelle Le Jay consacra sa fortune et sa vie. ' Belazioni varie faite in tempo délie nun-
Gitons seulement l'article sur Le Jay fourni ziature di Fiatidra e di Francia (Anvers,
par l'abbé Labouderie à la Biographie uni- 1699, in-4°). Le recueil fut réimprimé dans
verselk. le même format en 1 6 3o à Cologne , en 1 63 1
" Selden fiit mis en liberté l'année sui- à Paris, en i633 à Venise,
vante. Il avait déjà été emprisonné quelques
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 137
M'' de la Hogiiellc est en {jrando colore conlro M' Grariier pour les
fragments du chancellier Baccon, sur lesquels il vouloit travailler luy
niesmes, h ce que j'ay peu conq)rendre, en ce voyage de la cour, où
je l'ay reveu. C'est pourquoy, si pouviez rompre le dessein de celle édi-
tion, je pense que vous l'obligeriez grandement.
J'ay piins grand plaisir à ce petit leuillet des arreslz sur les 9 ar-
ticles du code Micheau ', et le recevrois bien plus grand si quelque jour
on pouvoit l'aire transcrire chez vous mesmes le verbal journalier sur
ce subject. L'autlicur nous dicl que l'interest des greHiers avoil faict
l'aire le plus grand bruict.
Sur ce je finis estant pressé de clorre, demeurant.
Monsieur,
vostre Irez humble et Irez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce samedy 21 juillet 1699.
Nos Estais, voyant la grande surcharge qu'on leur jetloit sus, oultre
les dernières riiines du passage des Irouppes, et l'entretien de trois ré-
giments qu'on y faict mettre en garnison, et la peste qui nous menasse
de tous costés, ont voulu revocquer l'establissementdes ordinaires pour
se prévaloir du fonds qui y estoit destiné, dont j'ay esté bien marry.
Mais noz lettres ne laisront pas d'aller tousjours comme elles pourront
soubs les précautions du vinaigre tant que le mal durera. M' Guiltard
m'a laissé le factum de M' de Thoulouse pour le voir et le luy renvoyer,
comme je feray; ce (jue j'en ay veu est d'importance, et je crois bien
que le père Sirmond y a contribué du sien prou de bonnes choses,
M'' le Beauclerc vous fera part des nouvelles, comme je l'en prie, estant
surprins, et ne pouvant vous en escrire autre chose. Vous verrez aux
lettres de M' d'Agut Testât de la santé, qui va mal dans la montagne;
nous allons mettre pour barrières la Durance et le Verdon et possible
surseoir la contmunication de lieu à autre dans la province aussytost
' La fameuse ordonnance que le garde des sceaux Michel de Marillac fil enre^slrer nu
commeiicenient de l'aiint^ i(ia<)-
II. 18
UIPklHKBIC «ATlOIAtt.
138 LETTRES DE PEIRESC [1629]
que les régiments seront achevez de passer pour estre aux escouttes et
voir si le mal paroistroit en quelque autre lieu '.
XXXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis l'expédition de la dernière staffette par laquelle je respondi»
à voz lettres du 3, 5, 9 juillet, celles de la semaine suyvante n'estant
pas encor arrivées, je vous diray que j'ay veu le livre de M"' d'Orléans,
et particulièrement ce qu'il a voulu escrire contre M"^ Rigault, où j'ay
trouvé grandement à redire, et si bien sa conception me semble bonne
en ce qu'il estime que le cas de l'absance ou empeschement des prélats
se puisse entendre du temps des persécutions, je ne vois pas pourtant
qu'on en doibve exclure celuy des navigations en terres barbares et
destituées du christianisme. Vous pouvez voir ce que j'en escripts à
M'' Rigault, que je plains grandement en cette occasion pour l'inquié-
tude d'esprit que cette rencontre luy peult avoir apporté; mais ayant
la raison de son costé, il ne s'en doibt pas tant mettre en peine, ce me
semble. Et crois qu'il fault bien plaindre davantage M' d'Orléans pour
le tort qu'il s'est faict à soy mesraes en touts cez discours, qui desro-
gent sans doubte grandement à tout plein d'autres bonnes pensées qui
se trouvent dans ses escripts et observations et desquelles il pouvoit
espérer de l'honneur, dont il a grandement diminué la créance et l'au-
thorité, s'estant prins si mal à propos à un tel personage que M"" Ri-
gault, et s'estant voulu opiniastrer à chose si mal compatible avec le
sens commun, et faire tant de bruict de chose qui pouvoit au bout du
compte passer pour indifférante, puis que, généralement parlant, la
Doctrine du Tertullian n'est poinct approuvée par l'église, ains plus-
' Vol. 717, fol. 65.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 139
tost censurée et condamnée. J'altcndray avec impatiance la lettre du
dict sieur Rijjault A Monseigneur le cardinal Barberin, me promettant
qu'il ne laisra pas en Iraictaiit celle dillicullé de se contenir dans cette
modération (pii luy est si nalurelle et si recommandable et ia(}uelle
a tant d'advantaye sur toute sorte d'aigreur, quoy qu'aulcuns ayent
peu dire et practiquer au contraire, lesquels ne se sontguieres nioings
faict de tort à eux mesmes par ce moyen qu'à leurs antagonistes. Je
luy escripts concernant l'inscription d'une bague antique trouvée en
Arles depuis peu laquelle j'y aclieptay en revenant de la cour, et la-
quelle inscription semble assez curieuse estant conceiie en cez termes,
+ TFXLA VIVAT DEO CUM MARIÏO SEO. et peult avoir esté au-
tres loys Yannulus pronubus, et avoir passé pour arra ffenialis '. Il ne
fault pas que vous le laissiez en repos qu'il ne m'ait faict responce, et
dict son advis sur ce subject. Je seray bien aise que vous preniez la
patiance de voir ce que je luy en escripts, encores qu'il y ait bien des
extravagances et possible des resveries, afin que vous m'aydiez à les
faire excuser et supporter, aullant que nostre familiarité les peult
rendre tollerables, estant d'humeur de ne pas considérer tout ce qui
seroit requis, quand il est question de fournir de la matière à cez
grands personages d'exercer leur bel esprit, et d'aller fouiller dans leur
grande lecture des choses non communes, pour en arracher des notices
auxquelles ils n'auroient pas quelque foys daigné penser, si on ne
les avoit chastouillez de la sorte, ce qui m'a autres foys reussy fort à
souliaict envers feu M' de la Scale, et autres grands hommes de lettres.
M' Saulmaisc etM''Groltius en diroient bien aussy de trez bonnes choses
silsvouloient, et possible queM'Besly, s'il se renconlroit là , à ce retour
de la cour, fourniroit quelque observation de la vieille langue Fran-
' Gassendi semble avoir eu 90US les yeux eruditis disseruit, occasione inscriplionis :
le récit de Peiresc, tant son propre récit TEGLA VIVAT DEO CUM MARITO SEO.»
rosspinhle à celui de son héros (p. 335): Voir, dans le Diclionnaire des antiquités
(rAreialc ciini redirel,. . . aajuisivitque an- grecques et romaines de M. Edm. Saglio
nulum (juendam Pronubun», seu Arrliam (fascicules ii et m), les articles /4««m/m et
genialem, de (jua plura per iiteras cuiu Arra.
i8.
lâO LETTRES DE PEIRESC [1629]
çoise, qui n'y seroit pas inutile, comme aussy Mess" Godefroy et du
Ghesne, auxquels je vous supplie de faire mes trez humbles recom-
mandations. Je vous envoyay la semaine passée des lettres de M' de
Tliou, maintenant vous en aurez une d'un marchand de Marseille qui
me donne advis de l'arrivée de ses hardes d'^Egypte saulvées du nau-
frage de Messine, lesquelles j'ay envoyé demander, pour voir s'il y
aura moyen de saulver encores quelque chosette de la rouille et de
la pourriture; j'en attends des nouvelles à ce soir, mais je ne sçay s'il
ne ("auldra pas clorre la despesche avant que je les aye. Nous venons
d'apprendre par un honneste homme venu de Mompelier que M"' le
Gardinal y fit son entrée à cheval en gênerai des armées du Roy ', trois
mareschaulx de France marchants devant en un rang'\ puis M"" le
Duc de Montmorancy, avec M'' le Duc d'Uzez^ en un autre rang, et
aprez eux M'' le Gardinal seul avec le cappitaine de ses gardes un peu
en arrière , et ses vallets de pied , et que M"" le Comte , se portant mieux *,
s'estoit desja acheminé vers Paris, dont tout le monde est grandement
aise. On a enfin expédié et exécuté un edict de reunion de la Ghambre
des comptes de Mompelier avec la Gour des aydes^, ce qui avoit au-
tres foys esté empesché avec tant d'ardeur, et en mesme temps on leur
a presanté l'edict d'eslahlissement des esleus d'Aix en tout le Langue-
doc qui est passé nemine discrepante *^. On en avoit auparavant faict
' Bassompierre ne dit rien de celle pom-
peuse entrée du cardinal de Richelieu. Il se
contente de nous donner( t. IV, p. ,55 ) les indi-
cations que voici: rrLe mercredy 18' [juillet]
nousarrivamesà Montpellier. . . Le jeudy 1 9""
Monsieur le Cardinal nous festina, puis nous
mena vers le jardin des simples du Roy. ..■".
^ Ces trois maréchaux étaient Bassom-
pierre , Marillac et Schomberg.
^ Emmanuel de Crussol , duc d'Uzès.
' Bassompierre dit (t. IV, p. 55): (tLe
vendredy ao'"* [juillet] M' de Longueville
arriva qny nous asseura que M' le Comte
estoil hors de danger. 1
' Citons encore les Mémoires de Bassom-
pierre (t. IV, p. 55) : «Le samedy 21 "" on
fit la réunion de la Court des aydes à la
Chambre des comptes, -n Conférez la note de
l'éditeur (même page).
' Peiresc était-il mal informé? Bassom-
pierre, qui était sur les lieux, raconte les
faits tout différemment (t. IV, p. 56) : rrLe
mercredy 95°" [juillet] on apporta le refus
que les estais avoint fait de vérifier l'édit
des eslus. Monsieur le Cardinal envoya
rompre les estais et leur deffendre de se
plus assemblera lad venir.»
[1629] AUX FEtÈRES DUPUY. 141
l'adresse au parlement de Thouloiise oTi peu s'en fallut qu'il ne passast,
car il ne tint qu'à une ou doux voix qui firent la plus {jrande opposition
au reject. On leur avoit parlé d'une jnssion; mais cette voye icy a esté
plus briefve. Et l'importance est ((u'on nous asseure que celte province
ne sera pas plus favorablement traictée, voire que M' de BuUion doibt
arriver lundy h Marseille avec M' d'Aubray, et que M' de Guise les doibt
mener icy le mardy suyvant, pour faire le raercredy quelque chose de
semblable. Dieu veuille disposer toutes choses au bien. Vous verrez la
coppie d'une lettre que je vous prie ne pas laisser voir concernant ce
qui s'est passé aux derniers estats, qui a mis le monde en grande con-
sternation. Au reste je vous envoyé touts les cahiers que j'avois de reste
du Théophile de M' Fabrot jusques à la fin, que j'avois bien du re-
gret de n'avoir envoyé avant mon petit voyage de la cour. Mais j'avois
tousjours esté si pressé, que je n'avois pas eu le loisir de les chercher.
Enfin je les ay retrouvez bien opportunément pour cette occasion, et
vouldrions bien que l'imprimeur se résolut d'y mettre la main à bon
essiant, et de nous en envoyer bientost la première espreuve. Je vous
supplie trez humblement de l'en faire presser, et luy faire cognoislre
que je luy en auray de l'obligation, estimant que ce soit tousjours
M"" Vitray ', qui m'a tesmoigné d'avoir tout plein de bonne volonté pour
moy, dont je tascheray de me revancher en son endroict quand je le
pourray. La maladie ne faict pas du progrez dans la ville de Hiez grâces
à Dieu, parce que l'ordre y est bien observé, mais dans Digne le ra-
vage y est furieux et cez jours passez ils ont voulu forcer les gardes,
en sorte que les villages voisins au son du tocsain coururent au secours,
et faillit à y avoir bien du desordre. On faict ce qu'on peult pour se
conserver depardeça. Et sur ce je fiin's demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce saniedy 98 juillet 1639.
' Antoine Vitray ou MM, un des plus à Paris vers i.'jçiS et mourut dans cette villf
«tîlèbres iniprimeiirs du xvii' si^ie, naquit on 1674. Absorbe pr l'tHlition de la Poly-
142 LETTRES DE PEIRESC [1629]
Jl y a dans la bibliothèque du Roy un m[anu]s[crit] de Theodorus
Hermopolites^ derrière lequel il y a un petit traicté du dict Theodorus
Hermopolites sur le tit. de Reg. Jur. ^. Il n'est pas de la contenance de
plus d'un feuillet ou deux tant seulement. Et je vouldrois bien en avoir
coppie, je vous supplie de me la faire faire, et aprez l'avoir faict col-
latiouer exactement me la faire tenir s'il vous plaict le plus tost que
vous pourrez, croyant que M'' Rigault n'y fera pas de la difficulté.
On a enfin veu les articles de la paix d'Alez ', qui eussent faict un
peu plus de mal au cœur à prou de gents, si on n'eust veu entrer le
Roy dans Nismes et Uzez et desabuser cez pauvres peuples, qui ne
seront pas dezhormais si revesches et si portez à suyvre les chefs de
faction et de rébellion*.
XXXII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Voz despesches du 1 3 et 17 de juillet arrivèrent en bon estât mardy
dernier, jour fatal à cette pauvre ville, d'aultant que la nuict précé-
dante, la maladie avoit commancé d'y paroistre et joiier son personage^,
glotte de Le Jay, il ne put se charger de
l'impression du Théophile. Voir à la suilr
de la Notice sur la vie de C. A. Fahrol, par
Ch. Giraud, parmi les Pièces justificatives
(p. 20i-ao4), une lettre de Vitré h Peiresc,
du 22 juillet i63o, et une lettre de Peiresc
à Vitré, du 8 novembre 1689.
' Voir sur cet obscur auteur, oublié dans
i a plupart des recueils biographiques et dont
l'époque est incertaine, un assez vague petit
article de Fabricius {Bibl. gi-œca, édition
Harles, t. X, p. 897 ).
= Ms. grec i358, fol. 867 et 358 : Ilepi
SixaiOffwvvs rôfxou xai ■nrepi prj^éxaiv arj-
fiaaias, x.t.A. Le manuscrit i358 provient
de l'ancienne bibliothèque de Fontainebleau.
(Communication de M. H. Omont.)
' Articles de la grâce que le roi a voulu
faire au duc de Rohan et au sieur de Soubise,
aux habitants des villes d'Andtize, Sauve, etc.
(97 juin).
" Vol. 717, fol. 67.
' Littré a retrouvé celte métaphore dans
les Essais de Montaigne , dans la satire xi\
de Régnier, et dans plusieurs des grands
écrivains du xvn' siècle.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 143
par la mort d'un bon Père trinitairc qui fut suyvie le lendemain de
celle de son compagnon, avec lequel il estoit allé chez une femme
(lecedée quelques jours auparavant de la pierre, comme on a voit abu-
sivement creu, car ses deux filles furent tost aprez attaintes de la ma-
ladie, dont Tune est depuis morte, ensemble un garçon tailleur qui
y estoit allé porter un corps picqué '. A la suitle de quoy il y a eu trois
ou quattre autres personnes mortes soudainement, soit d'ell'roy ou de
la vraye maladie contagieuse. De sorte que nous voilà en bien pileux
estât, si Dieu n'appaise son courroux. Toute la consolation que le pauvre
peuple ressentit en son malheur, fut de ce qu'il avoit paru, ce leur
senddoit, bien opportunément, peu d'heures auparavant l'arrivée de
M' le Gouverneur qui s'y en venoit mener M"^ d'Aubray, chargé de
l'edit des eslectious avec commission à luy et aux sieurs de Rullion et
d'Aubray de l'aller faire enregistrer en la Chambre des comptes et Cour
des aydes. De quoy M' de Bullion s'estoit desja excusé, pour ne con-
trevenir aux boiuies paroles qu'il avoit données icy, pour l'entretien
des privilèges et prérogatives de la province. Comme ils arrivèrent
donc à la porte de la ville, et qu'Hs furent accertainez de la vérité du
bruicL de la dicte maladie, qu'ils avoient desja apprins à quelques
lieiies d'icy, ils lirent scrupule d'entrer dans la ville, et jugèrent qu'inu-
tilement mesmes ils en feroient l'enregistra tion, si l'establissement ac-
tuel ne pouvoit estre faict en mesme temps. Kt disnerent au fauxbourg,
et puis s'en retournèrent à Marseille, où le dict sieur d'Aubray fut re-
tenu jusqucs à hier en attendant de se mieux esclaircir du faict de la
dicte maladie, et si les ordres qu'on y mettoit en pourroieut arrester
le cours et l'eslaindre à bon essiant, mais ayant veu les suitles. M' de
Guise donna son carrosse et de ses gardes au dict sieur d'Aubray pour
le conduire jusques hors de la province, et de faict il passa hier à
une lieue d'icy et s'en est allé ce jour d'huy coucher à Orgon-. Comme
je fus adverty de leur arrivée à la porte, et que M' le premiei* presi-
' Un corsnge. Je ne retrouve pns l'expression corpt piqué dans nos dictionnaires. —
' Chef-lien de canton du dëpnrlemenl des Bouclies-dn-Rliône, arrondissement d'Aries, h
ia kilomèlres d» cette ville.
144 LETTRES DE PEIRESC [1629]
dant d'Oppede y estoit allé pour salliier M' de Guise, je m'y en allay
aussy, pour voir ledit sieur d'Aubray, et le voyant en cette resolution
de s'en retourner bien tost à Paris, je voulus luy bailler le m[anu]s[crit]
du Polybe et caetera que je voulois envoyer tirer de vostre cassette avec
vostre coppie du concile, me voyant exclus du moyen de luy faire
porter la dicte cassette, comme nous avions arresté dez la première
veniie icy, que je la luy envoyerois à Tarascon lors qu'il seroit en estât
de partir pour Paris. Mais il s'en excusa sur ce qu'il n'avoit pas icy du
train, dont je fus bien marry, et luy eusse bien baillé homme pour le
suyvre et les porter aprez lui jusques au bout de la province, sans que
je craignis qu'il ne fit luy mesme quelque scrupule, sur le mal qui es-
toit desja dans la ville. Ce qui me fut une bien grande mortification ,
et ne fut guieres moindre le soir ensuyvant que l'on m'apporta de Mar-
seille le coffre (ou corbeille couverte de cuir) de M' de Thou, qui
n'avoit peu estre tiré plus tost dessoubs les balles de marchandises qui
estoient venues par le mesme navire qui l'a apporté de Messine à Mar-
seille. Car oultre le desplaisir que j'ay eu depuis, de voir le daumage
que i'eau de la mer a faict à la plus part des beaux livres qu'il y avoit
mis, ce m'estoit un regret nom pareil de le voir engagé icy entre mes
mains, liors d'espérance de m'en pouvoir descharger de longtemps, si
Dieu n'a pitié de ce pauvre pais. En quoy j'admiray la fortune de cez
pauvres livres d'avoir esté tirez avec tant de peine des mains des bar- '
bares qui les possédoient, et puis des ondes de la mer qui les a voient
englouttis et retenus dix jours entiers, à ce que m'escript le cappitaine
Roubault et autres, et aprez des mains des volleurs (car le dict Rou-
bault asseure qu'on l'avoist destourné au sortir de l'eau de la mer pen-
sant qu'il eust des choses bien précieuses, et qu'on le surprint entre
leurs mains, lorsqu'ils l'avoient desja ouvert et commencé de se le
partager) et maintenant de le voir engagé en une ville interdicte de
tout commerce ])our la maladie et, s'il se peult dire, à la mercv de la
maladie et des desordres qui l'accompagnent bien souvent. Mais je
faicts estât de me retirer dans la sepmaine prochaine Dieu aydant à
Beaugentier, où j'ay desja envoyé toute la famille à i'advance, et y feray
I
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. U5
porter ledicl coiïre quant et nioy, pour voir quels moyens le temps
nous pourroit fournir de le vous faire tenir aprez les quarantaines ac-
coustumées, si Dieu nous préserve de mal, comme nous l'espérons, à
quoy on contribue touts les soings et ordres «jui se peuvent liumaine-
nient apporter. Mais il faull que Dieu les bénisse et fasse reuscir, autre-
ment nous avons beau faire. Entr'autres choses il est desja sorty plus
de 1 5 mille persones de cette ville qui ont prins leur retraicte dans le
terroir ' des villages circon voisins où l'on se contient en quarantaine,
pour aprez estre admis dans les dicts lieux. On a mis les mandiants
dehors dans des huttes, où l'on les faict norrir aux despans de la ville
au deflault des aumosnes. On loge d'un autre costé les gents de basse
condition non mandiants, mais nécessiteux, pareillement dans des
huttes, pour les y entretenir de mesmes aux fraiz du public. La peine
n'est qu'aux paisans travailleurs, qui sont en grand nombre et qui
seroient gents à mettre la ville au pillage, en cas de plus grand mal-
heur, si la ville se trouvoit destituée des magistrats et gents de créance
cappables de les contenir en debvoir. C'est ce principalement qui y re-
tient encores la cour, ou du moings la chambre des vacations où je
suis de service. Mais je tascheray de m'en faire excuser, non que jap-
prehende le mal , mais bien le peu d'obéissance qu'on y trouveroit au
bout du compte, oultre que mes infirmitez et foiblesses ordinaires ne
peuvent pas promettre grand service en telles occurrances où il fault
des gents bien robustes. Dieu mercy le mal n'est poinct encores saullé
dans hostre cartier de ville, et s'est contenu dans celuy qu'on nomme
des Augustins, qui est assez esloigné de nous^, pour encores. Je m'en
vay faire enfermer touts mes livres dans une ou deux chambres, elles
faire murer à choux et sable, tandis que l'air n'y est poinct infecté, et
en retiendray fort peu pour emporter quant et moy, afin d'avoir de
quoy m'amuser aux champs. Cependant il ne me manque pas de la
' Terroir est employé ici dans le sens de publiëes par M. Lud. Lalanne, t. 1 , p. 4o4.
leniloire. Malherbe s'est servi de la même ' Sur le quartier des Augustins, voir Le*
expression dans sa traduction du XXX II r li- rues 'd'Aix, par Roux Alpheran, t I,
vre de Tite-Live. Voir les Œuvres compiles p. 3Ao.
n. «9
I7i6 LETTRES DE PEIRESC [1629]
besoigiie pour disposer toutes choses comme elles doivent demeurer dans
la maison. Ce qui m'empeschera de vous pouvoir entretenir comme
j'eusse désiré et de respondre comme ii fauldroit punctueilement à voz
lettres, seulement vous remerciray je irez humblement des curiositez
qu'il vous a pieu m'escrire et des livres et papiers courants qui v es-
toient joincts, et que j'emporteray pour les voir plus à loisir, mesmes
les factons de M"' Rigault, à qui je m'advisay d'escrire un mot lundy
parce que j'avois oublié l'autre jour de luy demander son porlraict. Je
suis bien aise qu'ayez renvoyé à Rome les pacquets de M' de Tiiou; je
luy en ay donné advis ce jour d'huy par l'ordinaire d'Avignon, et ay
faict tenir le livre de M'' Rigault adressé à Dom du Puy. Je ne l'atten-
dois plus, croyant bien que le bruict du mal de cette ville estoit allé
jusques là assez à temps, mais ilscreurent que ce fust une fourbe con-
trouvée pour s'opposer aux edicts, encores que le mal ne soit que trop
vray, quoy qu'on en aye nettoyé la ville et renvoyé au dehors le plus
tost qu'on a peu toutes les familles qui en avoient esté attaintes. Si
cette commodité m'eust manqué, il m'estoit bien malaisé de faire tenir
ledict livre si ce n'est par mer, au cas que les villes de la coste puissent
conserver le commerce avec l'Italie, ce que je ne crois pas. Le pix est
qu'on a advis à Marseille, que la santé n'est poinct trop bonne en Italie
et qu'on se meurt à Ligourne et autres lieux de la coste de fièvres
chaudes qui expédient' le monde dans trois jours, et met on en qua-
rantaine à Marseille les barques qui en viennent, en estant arrivé une
depuis sept ou 8 jours de Patron Varendo , venu de Rome, sur laquelle
sont morts deux passagers en chemin faisant, ce que j'ay apprins à
cause de quelques miennes petites curiositez dont il s'estoit chargé à
Rome. On attend d'heure à autre les galères qui ont porté M' de Ro-
han*, et sont passées à Messine, d'où elles me doivent apporter le livre
Sous le mot earpédier pris dans le sens trOn doona cent mille escus au duc de Ro-
de tuer, le DiWwHMaîre de Littré ne cite que han, qui en devoit plus de quatre-vingts
des écrivains postérieurs à Peiresc, tels que mille : mais le roi déclara qu'il ne vouloit
La Fontaine, Molière, Pascal, etc. pas le voir, et l'on convint qu'il sortiroitdu
On lit dans VHistotre du règne de royaume , et qu'il iroit demeurer à Venise
Louis XIII , par le P. Griffet (t. I, p. 676): jusques à ce qu'il plût à Sa Majesté de le
[1629] AUX FRÈRKS DUPUY. 147
des inscriplions de Sicile, dont vous estes en peine à tort. Au surplus
il ne iault pas que je ferme cette lettre sans vous dire que si bien la
mer a fort endaumajjé les livres de M"^ de Thou, il y en a pourtant
plusieurs qui ne seront poinct Lors d'usage. Les coplitites seulement
sont les plus gastez, et sont ceux neanlmoings dont j'eusse esté quasi
plus jaloux. Car le papier où ils sont escripts estoit trop collé, et la
colle d'un feuillet s'est attachée si fort contre l'autre, qu'il semble que
ce soit tout un seul carton, qui ne se peult quasi diviser, sans emporter
la pièce. Il y fauldra chercher quelque remède. 11 y a des médailles
à ce que j'ai peu recognoistre en courant, qui seront bien bonnes à
garder, et en ay rencontré de bien curieuses, et bien de mon goust. Il
n'y a qu'un mal, c'est que l'eau de la mer leur a donné un certain
verd,et faulx lustre, si desadvantageux, que ceux qui ne sont bien as-
seurez à recognoistre l'antique, les jugeroient toutes modernes, mais
je veux essayer si quelque laveure ne pourroit poinct oster ce faulx
lustre. Il y a quattre graveures antiques, dont l'une est une onyce bieii
gentile quoy que la gi'aveure soit de golfe main. Il y a une Victoire et
cette inscription VTERE PELIX, j'estime qu'il veult direVTERE FELIX
Victoria partti, et qu'à la mode de l'oriant il employé et prononce leP
comme ÏF ou le PII, si ce n'est que ce fut comme le PHOEMGIEN
converty en PVNIQ. Mais il y a une grande amethiste où se void
une figure de Mercure, ce semble, toute escriple quasi comme celle
que le Baronius ' a donnée au n Tome pour un des dieux de Basi-
lides*. Mais icy les inscriptions sont toutes différantes, et j'en ay
desja deschilTré de prim'abbord plus de la moitié. Il fault l'esprit plus
rappeler. Le loi lui donna monsieur île la
Valette pour le conduire en sûrel*; jusque»
h Marseille, et de là une galère pour le me-
ner à Livourne. »>
' Sur le cardinal Gësar Baronius, voir le
tome 1, p. 70/1. J'ajoute (|ue l'on peut con-
sulter, au sujet des relations de l'eia>sc avec
Baronius à Home en 1600, Gassendi, liv. I,
p. 37.
' Trèsjeune encore, Peirescs'étaitoccupë
de l'histoire de Basilide et du gnosticisme
en étudiant divei-ses médailles et pierres
gravées. Il* avait ainsi , avant sa vingtième
année, pu jeter beaucoup de jour sur les
pages du loini" II du Recueil de Baronius
relatives à Basilide et i) l'école dont cet héré-
tique fut le chef à Alexanilrie. Voir Gassendi .
liv. I, p. 37-38.
•9-
Iâ8 LETTRES DE PEIRESC [1629]
quiet' pour essayer d'enlever le demeurant. 11 y a de l'Hébreu, du Grec,
et du Latin, et peult estre de l'^Egyptien antique à quoy il fault une
disquisition un peu exacte, et le Gophtite y viendroit, je m'asseure , bien
à propos. Il y a encores deux ou trois médailles d'or du bas empire
bien jolies. Et hors du coffre une grande peau de crocodyle, mais la
mouilleure de l'eau de nier l'a i'aict corrompre et remplir de vermine,
de façon qu'il y aura bien de la peine de la conserver; on y fera ce
qui sera possible. Et sur ce je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur
et à M'' du Puy vostre frère.
DE Peiresc.
A Ai}b, ce vendredy au soir 3 aoust 1639.
Si vous ne m'avez renvoyé une coppie de lettre que je vous envoyay
dernièrement concernant la tenue de noz derniers estais, je vous prie
de la bailler à M"" le Pelletier, pour la faire voir à M"" le Beauclerc qui
vous la rendra par aprez, car je seray bien aise de la retirer et brusler,
si elle peult revenir jusques à nous. Je dicts si elle peult revenir, et
de faict, dezhorsmais les despesches courront beaucoup plus de fortune
que de coustume, tant que la cour sera encor icy, car si elle en sort,
les despesches l'iront chercher la part où elle se retirera, auquel cas
il me sera plus aisé de les retirer. Il ne fauldra plus bazarder de pièces
uniques ne dont on peult appréhender la perte jusques à ce que nous
voyions quel sera le succez de ce malheureux fléau que Dieu veuille
destourner de sur nous.
Depuis avoir escript, la despesche ayant esté retardée par M' le Pre-
mier Présidant jusques à ce jour d'huy, 7 aoust, je vous diray que l'on
me vient d'advertir que le pacquet de Lyon de cette semaine est ar-
rivé, et que l'on a mandé les intendants de la santé, pour l'aller faire
Sous ce mot, qui figure encore dans vieux), Litlré cite seulement une phrase de
la dernière édition du DicUonnaire de l'Aca- Montaigne et une phrase de saint François
demie française (il est vrai avec la note: de Saies.
11629] AUX FRÈRES DUPUY. U9
passer par le vinaigre, de sorte que nous voila hors de peine pour celuy
ià Dieu mercy. Mais j'ay bien une meilleure nouvelle à vous dire, c'est
que voicy au jour d'iiuy le cinquiesme jour qui s'est passé, sans qu'il se
soit descouvert aulcun nouveau mal dans la ville ne dehors, grâces à
Dieu, et que de ceux mesmes qui avoient esté envoyez à la maladerie,
il n'en est poinct mort depuis les trois premiers jours durant lesquels
. se descouvrirent tous les inconveniants et accez qui firent tant d'al-
larme.
Vous aurez icy l'un des livres du coffre de M' de Thou que j'ay ha-
zardé afin que vous en ayez quelque eschantillon, attendant que le
commerce nous soit restahly. Je l'ay iaict relaver et recouidre par mon
relieur, pour remédier aux macules de l'eau marine qui s'en sont bien
allées.
Pour les lettres de Malerbe, j'en dois avoir diverses liasses, je n'en
ay trouvé qu'une bien vieille, je chercheray plus exactement et en tout
cas vous envoyeray celle là par la première commodité '.
XXXIII
À MONSIEUR, MOiNSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre pacquet du 9 4"'* avec le libvre de vita et morte Mosis
du sieur Gaulmin^ fort bien conditionné nonobstant le vinaigre, dont
je vous remercie Irez humblement ensemble des autres pièces et pa-
piers qui y estoient joincts. J'ay veu et admiré comme vous l'espitre
liminaire à M'' le cardinal de Berule, et ne pense pas qu'il la puisse ne
doibve souffrir en façon du monde, ne doubtant poinct qu'il n'y ayt
de grandes resveries dans cez traditives rhabinesques*, mais j'estime
' Vol. 717, fol. 69. ci : Liber rabbinicu* de vita et morte Mo$i$
' Voir sur Gilbert Gaulmiii le tome I, e»m noh» (Paris, 1629, in-8*).
p. 36. Le V(5ri(ab!e titre du livre est celui- ' Ce mot n'est ni dans Richelet ni dans
150
LETTRES DE PEIRESC
[1629]
pourtant qu'il y aura quelque chose à profliter dans les observations
de l'interprète. Il est vray qu'il y fauldra du loisir. Je suis fort aise que
l'advis soit arrivé à temps de la part de M' de la Hoguette, pour em-
«pescher M' Granier de mettre soubs la presse cez œuvres postumes
du chancellier Baccon, car comme je vous ay depuis escript, je des-
couvris que le dict sieur de la Hoguette avoit quelque dessein d'y tra-
vailler à son loisir, s'il en pouvoit trouver la commodité ^ C'est un
personage certainement, dont le mérite et recommandables parties
surpassent tout ce qui s'en pourroit jamais dire;. il n'y auroit qu'une
seule chose à désirer en luy, pour mon humeur, qu'il fust un peu
moings excessif en cez cérémonies, car il ne vous aui'oit pas donné la
peine que vous avez prinse à me redonner de cette eau benitte ^ si
abondamment comme vous avez-faict, tant de son chef que du vostre,
comme si je ne debvois pas aux uns et aux autres au centuple de tout
ce que j'ay jamais faict et que je sçaurois faire de ma vie. Je ne vous
en ose pas dire davantage pour n'encourir les mesmes reproches,
sçaichant le plaisir que vous prenez d'obliger voz serviteurs, et le des-
plaisir que vous recevez d'en ouyr parler, parce que vous vouldriez
tousjours faire davantage que ^ vous n'en faictes. Vous aurez veu par mes
dernières le desastre qui a rompu uoslre partie, et nous a empesché de
vous faire tenir la cassette avec les hardes de M' d'Aubray, dont je suis
bien mortifié. Mais au bout du compte il me fault resouldre à la pa-
tiance pour ce regard, aussy bien que pour celuy des hardes de M' de
Thou qui ne me tiennent pas moings en peine que le reste.
Tout ce qui me console le plus, est que grâces à Dieu, la cessation
Trévoux. On trouve dans ce dernier recueil
te mot rahbinique au sujet duquel Littré cite
Bossuet et Voltaire.
' La Hoguette n'a rien publié des œuvres
posthumes du chancelier Bacon.
■ Nos dictionnaires mentionnent ïcau bé-
nite de cour, mais aucun ne semble connaître
l'expression figurée plus simple employée
par Peiresc.
^ C'est ici l'occasion de citer une ob-
servation de Littré : rLes grammairiens
modernes ont décidé que davantage ne pou-
vait être suivi de que. Toutefois cette déci-
sion est en contradiction avec l'usage des
meilleurs écrivains.» Littré cite, à ce su-
jet, Descartes, Malherbe, Molière, Pascal,
Bossuet, La Bruyère, Massillon, J.4. Rous-
seau.
[1629] "* AUX PMIÈRES DUPUY. 151
du mal qui nous avoit doiitié l'aliarme si chauldc continue tousjours.
Et la santé ne fut de longtemps meilleure qu'elle est en cette ville,
où nous comptons au jour d'Iiuy le xr jour qu'il n'y a eu mal quei-
quonque, tant soit peu subjcct à soubçon; voire on commance à re-
vocquer en doubte si les 9 ou i o persones qui moururent dans les
3 premiers jours sont mortes attaintes de la vraye maladie contagieuse,
attendu que la pluspart estoient gens gastez et pourris de verolle et de
desbausche, qui pouvoit bien avoir dégénéré en espèce de peste, mais
non pas tant communicable ' que la vraye peste, et pour les autres la
frayeur en a certainement tiié quebpies uns, comme il s'est trez bien
vérifié, dont les corps n'avoiont aulcune vraye marquo de peste, bien -
que la mort y eust esté fort soubdaine. Mais pourtant on ne laisse pas
d'y apporter toutes les précautions qui se peuvent bumainenient, et
tout de mesmes comme si le mal avoit esté le pire qu'on cust peu ap-
préhender, afin d'en exclurre la suite et communication. Si Dieu vou-
loit permettre que nous en fussions (juittes pour ce que nous en avons
eii, ce seroit un grand lieur. Cependant M"" le Gouverneur n'a jfas
laissé de faire diverses ordonnances pour exclurre tout commerce de
cette ville icy, non seulement avec Marseille, et puis avec toutes les
villes de la coste, mais aussy en faveui- d'Aubagne '^ disant qu'il le veult
reserver pour sa retraicte, en faveur de Lambesc' et Orgon dont il est
propriétaire, et en faveur de Berre* où sont les greniers à sel*, dont
la closture met en desarroy toute la Province et partout il envoyé des
quasaques de ses gardes pour s'opposer et éluder toute sorte d'arresfs
du parlement. Il avoit une foys demandé conferance; on luy a député
M'' de Boyer, conseiller", pour cet elfect, mais ils n'ont rien conclu et
tout est en la mesme mésintelligence que devant, ce qui produira un
' Le Dictionnaire de Utlré cite sous le * Chef-lieu de canton de rarrondissement
mot communicable une lettre de Guez de ' d'Aix, h 26 kilomètres de celte ville.
Balzac et les Mémoire» de Saint-Simon. ' Chacun a entendu parler des immenses
' Voir sur Aulwgne le tome 1, p. 109. salines exploitées sur les bords de l'étanj» de
' Chef-lieu de canton du département des Berre.
Bouclies-du-Rhône, arrondissement d'Aix , h " Jean-Baptiste de Boyer, seigneur d'É-
ai kilomètres de cette ville. guilles, plus haut mentionné (^lettre XVI).
152 LETTRES DE PEIRESC [1629]
jour de pernicieux effets. On a esté constraiiit de resouldre une depu-
tation vers le Roy, pour en aller porter les plaintes à Sa Majesté. La
retractation de M"' de Rouen ^ est bien estrange et mérite d'estre veiie
en son temps. J'ay de l'obligation à M' l'Huillier^ du beau libvre
qu'il luy a pieu me despartir. J'en verrois volontiers les premières
teuilles si l'imprimeur en veult despartir, pour ne desassortir mon
exemplaire, et pour voir à peu prez ce que c'est en attandant que
le commerce puisse estime r'estably, qui n'est pas besoigne preste. Mais
j'ay bien plus d'impatiance de ce beau siège de Grosle de M'' Grottius,
et d'entendre que le succez de Bosleduc ^ l'oblige à le descrire comme
l'autre. Je suis iort aise que le sieur Noël médecin soit en la bonne
ville de Paris, mais puis qu'il a tant différé je luy conseillerois de tem-
poriser encor un peu, pour voir que deviendra tout ce mal, car en-
cores que nous soyons en trez bonne espérance pour cette ville icy, le
mal est neantmoings desja bien grand en la ville d'Arles, et s'il faict
du progrez ailleurs, il n'auroit pas de contentement en ce pais icy, où
les villes sont desja toutes désertes, non seulement pour cette ville icy
et Arles, mais pour celle mesmes de Marseille, où la terreur n'a esté
guieres moindre qu'icy, y ayant eu, quoy qu'on le nye, des accidents
aussy suspects que ceux d'icy. Que si le dict sieur Noël faisoit estât de
se venir offrir à servir pendant la maladie, en ce cas ce seroit la vraye
saison de venir, car il sera le trez bien veneu, etreceu avec toute sorte
d'applaudissement, attendu les difficultez que faisoient noz médecins
' L'archevêque de Rouen était aloi-s longtemps il [Frédéric -Henri de Nassau]
François II de Harlay, lequel siégea de la fin méditait le siège de Bois-le-Duc, l'une des
de 161 5 à la fin de 1 65 1. plus fortes places du Brabant. L'archi-
' François Lu illier, le grand ami de Gas- duchesse gouvernante, apprenant le des-
sendi. sein du prince , n'oublia rien pour le faire
Hugonis Grotii obsidto Grollce, cum an- échouer. Elle leva une armée considérable.
nexis anno i6ay (Francfort, 1629, in-fol.; Mais l'habileté de ses généraux et la va-
Amsterdam, 1639, in-fol.). Dans VArt de leur de leui-s troupes ne purent empêcher
vérifier les dates, où n'est pas mentionné Bois-le-Duc de capituler 'e i4 septembre
le beau siège célébré dans les vers la- [i6a8].i Voir sur Bois-le-Duc et le siège
tins de Grotius, on raconte ainsi (t. XIV, de jôag une note du recueil Avenel, t. IV,
p. 178), le siège de Bois-le-Duc : Depuis p. lui.
[1629] AUX FRKRES DL'I'UY. 158
ordinaires qui ont bien aydé à augmenter l'allarnie pour rançonner
incontinant la ville. On en a arresté quattre à cinquante pistoles par
n»oys, dont on leur faict l'advance de cent pistoles de deux movs en
deux moys, et ils s'obligent de servir la ville durant tout le mal, sii y
fin a, à cette condition. Les cyrurgiens se faisoient fort tirer l'oreille, et
n'avoient pas de honte de demander des dix mille francs, mais on en a
faict venir de dehors, qui leur ont passé la plume par le bec', et se
sont contentez de la raison et du debvoir.
J'ay receu un gros fagot de Rome de la part du cardinal où est ce
libvre délia congiura dcl Ficsclio in /i" - dont parloit Dom du Puv,
ensemble la vie de Sylvesti-e 11 de Bzovius in-f"^; la vie de saint Adal-
bertus* escripte par le dict Sylvestre II*, adjoustée par appendice à la
précédante, et les sull'rages des cardinaulx et evesques adsistants au
consistoire lors de la canonisation de saint André Corsini, evesque de
Fiesoli, prez de Florence ^ in 8". Je n'ay pas encores veu ce que c'est
' Voir l'explication que le Dictionnaire de
Liltré (au mot Bec) donne de celle locution
qui a élé employée par Molière et par le duc
de Saint-Simon.
* La congiura del conte Luigi de' Fieschi ,
descr. da Agost. Mascardi {\en\se, 1639,
in-/i°). Voir sur Aujjustin Mascardi une noie
dans le tome I des Lettres de Jean CItapelain
(p.a27).
' Sylvesler II pontifex maximns (Rome,
1699). Abraham Bzovius, dominicain po-
lonais, naquit en 1667 et mourut le 3 1 jan-
vier 1687. Ce fut un des continuateurs dos
Annales de Baronius (tomes XIII à XXI, im-
primés à Cologne de 1616 h i63o).
' Saint Adalbert , né h Lobnik en 960 , fut
le second évêque de Prague (1 9 février 98a ) ;
il mourut le 28 avril 997. Voir Répertoire
des sources historiques du moyen âge , par l'nbbé
Ulysse Chevalier (fascicule i, col. 17).
' Le savant bibliographe cité dans la noie
])récédenle mentionne, au sujet de saint
Adalbert, un grand nombre d'auteurs, mais
il ne signale ni Bzovius, ni Silvestre II. Du
reste, ce serait h fort que l'on aurait mis
sous le nom de ce pape la Vie que lui attri-
bue Pciresc, si l'on en croit un des plus
doctes de tous les Boliandistes, Henschcnius
i^Acta Sanctorum , .Apribs. t. III, p. 176),
lequel rappelle que Baronius, en ses An-
nales, cite sous le nom de Silvestre II la
Vie de saint Adalbert, d'après un manu-
scrit de la bibliothèque du Mont Ca.s$in. U
rappelle aussi que Bzovius a publié cette
Vie en 1629. Lui-même la reproduit parmi
les documents i-elatifs ii saint Adalbert
(p, 178-187).
' Saint André Corsini, né à Florence
le 3o novembre i3oa, carme en tSig,
évêque de Fiesolo en i36a, mort en i37-3
le G janvier, fut canonisé par le pape Ur-
bain VIII en 1629, y o\r Répertoire de l'abbé
U, Chevalier (fasc. i, col. u4).
ao
154 LETTRES DE PEIRESC [1629]
et ne sçay s'il y aura rien qui vaille, ne qui meritast de vous estre en-
voyé, si ce n'est possible cette vie de s^ Adalbert pour estre pièce du
temps, et d'un siècle assez stérile. Je la parcourray mais que je sois
aux champs Dieu aydant, et puis je pourrois bien la vous envoyer et
celle de Sylvestre, en un ou deux pacquets, car quand bien en les
ployant ils se gasteroient il n'y auroit pas grande perte. Si les libvres
arabes m[anujs[crit]s deM'"deThoun'estoient si gros, je les hazarderois
volontiers par la poste les uns aprez les autres, attendu que je- sçay
qu'il y a une bible, et que le sieur le .lay ni'escrivit dernièrement qu'il
en desiroit avoir une de Rome en quelque façon qui iust bien entière.
Et encores ne sçay je si la grosseur un peu trop disproportionnée ne
pourroit empescher de les bazarder, car tousjours ne sont ils qu'in k"
et plus tost il y auroit moyen de les envoyer en deux foys chascun des
deux plus gros volumes. Mais j'appréhende avec cez nouveaux bruicts
de peste de ce costé cy, que Mess" de Lyon ne se veuillent vanger
des rigueurs que nous avons exercées sur eux et sur leurs pacquets
maintenant qu'ils penseront avoir représailles sur nous, et qu'ils ne
veuillent faire passer comme nous par le vinaigre tout ce qui viendra
de pardeça. C'est pourquoy j'attendray ce que M"" de Fetan me man-
dera depuis l'advis de nostre allarme, touchant l'ordre qu'ils auront
prins pour cela.
L'une des choses qui me feroit iiaster de vous envoyer lesdicts libvres
seroit pour vous donner moyen d'y employer voz excellants relieurs, à
tascher d'en séparer les feuilletz qui se tiennent la plus part les uns
contre les autres, n'y ayant osé employer le mien cou)me .inexpéri-
menté en cez besoignes si dilficiles. Or cez petits libvres ^Egyptiens ou
Gophtites sont si mal accommodez qu'à peine se peuvent ils ouvrir en
cinq ou six endroicts du volume, et je plaindrois grandement s'il ne se
trouvoit quelque remède à cela. Il y avoit cinq petits feuillets de vellin,
de ceux que M"^ de Thou disoit, ce me semble, avoir faict venir de la
mosquée du vieil Cayre et dont j'eusse bien faict grand cas, comme luy,
s'ils se feussent peu conserver en leur entier, mais comme cela esloit
destaché et n'estoit'pas en libvre ne soubs aulcune couverture, je ne
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 155
sçay si la mer y a plus exercé de tyrannie, ou si ceux qui les ont
maniez au sortir de l'eau ne les ont pas bien gouvernez; tant y a qu'il y
en a de louts yastez et perdus; il y en avoit un seulement qui estoit
plus conservé que les autres, lequel je fis mettre entre deux ais un peu
cliaufl'ez où il s'est lort bien remis, et par où j'ay jugé que l'escritture
est arabique, la plus part enrichi de fleurettes d'or ou de miniature,
avec des gloses interlineaires, et semble estre arraché de quelque
libvre en forme bislongue comme ceux de musique, possible pour
plus de commodité à chanter dessus dans la dicte mosquée, si ce n'estoit
pour les chrétiens arabes. Or j'estime que cela soit bien vieil, et le juge
de ce que aulcuns autres des dicts feuillets sont percez, ce semble, à
l'endroict où avoit esté l'ancre corrosive, comme cette vieille Genèse m[a-
nu]s[crite] d'Angleterre que vous avez veiie autres foys, dont les lettres
estoient quasi à jour, et à pièce enq>ortée. Si nous avions la liberté du
commerce de Marsedle, j'eusse envoyé quérir l'interprète du Koy, pour
voir s'en scroit rien deschiffré. Mais cela ne se pouvant, si je ne trouve
à Toullon quelque Turc qui m'y puisse servir, je le vous envoyeray
là, pour les mettre ez mains de cez Maronites, qui de leur grâce me
gardent encores sans jamais m'avoir voulu rendre un petit libvret
escript en caractères cophtites, qu'un cordelier de ce pais icy m'avoit
donné, lequel je leur avois mis en main pour voir s'ils en sçauroient
rien deschilTrer, et parce que je ne m'advisay pas de le leur redeman-
der qu'aprez le decez de feu Monseigneur le Garde des sceaux du Vair,
ils me voulurent faire à croire que le dict seigneur le leur avoit donné,
qui estoit une imposture Arabesque à la mode de leur païs, n'ayant
pas moy de quoy vérifier là le contraire ni beaucoup de volonté
de me tourmenter de si peu de chose, mais leur mauvaise foy me
blessa grandement, et m'a depuis empesché de les employer jamais,
au moins celuy qui est encores là, car pour l'autre qui s'en retourna
en Levant, je ne pense pas qu'il eust esté perfide pour si peu de chose.
4u reste , comme j'avois escript jusques icy, M"" Valois ^ m'est venu voir.
' Le trésorier de (irenoble.
156 LETTRES DE PELKESC [1629|
revenant de Suse et de Turin, envoyé en ce pais par M' le Mareschal de
Crequy. 11 m'a conté afforce nouvelles de libvres bien curieux, mesmes
du Glossarium archaiologicum Spelmanni, qu'il a veu cz mains de
l'ambassadeur d'Angleterre à Turin, qui est sans doubte cbose excel-
lante, et dont l'autheur' m'a envoyé les 20 premiers cahiers plus de
dix ans y a, oiî j'ay apprins des merveilles de cez langues septentrio-
nales et origines de mots anciens qui en sont descendus. Il fauldra bien
tascher d'en avoir un exemplaire complet. Il m'a dict avoir veu aussy
un autre livre d'un Herveus anglois-, imprimé à Francfort in U° de
motu cordis et sanguinis^, qui est chose trez exquise au rapport qu'il
m'en a faict et qui sera bien du goust de M"" de la Hoguette comme ce-
luy des veines lactées, car il veult prouver une circulation perpétuelle
du sang par le cœur, des artères aux veines, et des veines de rechef
aux artères, etc. 11 y a encores d'Angleterre une Historia navalis qui
sera sans doubte curieuse dans la suitte plus qu'en ses commance-
ments ''. Il parle d'un Italien qui faict de Gravibus qui s'imprime à
Turin, qui est trez curieux^, d'un autre qui se faisoit à Padoiie de
quadratura circuli promota '', dont les figures de boys se tailloient aux
' Henii Spelman. Voir sui' cet érudit, le
Du Gange de l'Anglelerre, le tome [, p. 30 et
•2 1 . Voici le titre complet de son célèbi e l'e-
cueil : Glossarium archaiologicum : conlinen-s
latino-barbara , peregrina, obsolela et uovulœ
niguificatioms cocabulu. Ce lut la première
partie du Glossaire (jusqu'à ia lettre L) qui
])artil en 1629. L'ouvrage complet ne fut
publié que vingt-trois ans après In mort de
l'auteui-, en i664 (in-fol.)
' il s'agit là de l'illustre mtklecin Guil-
laume Harvey , né a Folkslone en avril 1578,
mort en juin i658. Voir sur Harvey, outre
le livre mémorable de Flourens ( Histoire de
la découverte de la circulation du sang , Paris,
i854, in-19), un article du docteur A. La-
boulbène dans la Revue scientifique du 96 no-
vembre 1 887 : Harvey et la circulation du sang.
' Exercitalio analomica de motu cordis et
saiiguinis in animalibiis (Francfort, 1628,
iu-'i°).
' Peiresc veut sans doute parler des pre-
miers chapitres d'un ouvrage ainsi indiqué
dans le Nouveau manuel de bibliographie
universelle de Ferdinand Denis, Pinçon et de
Mai tonne : Th. Rivio, Hisioria navalis unti-
qua, libri quatuor (Loudini, i633).
* Des recherches fuites pour moi en Italie
par d'obligeants et savants amis n'ont pu
me procurer le moindre renseignement sur
l'auteur et le livre dont il est ici question.
' C'était l'ouvrage intitulé : Curvi ac reeti
proportio a Bartholonueo Sovero Friburgensi
in Gymnasio Patavino Malheseos pro/essore
promota, libri sex (Palavi, i63o, in-/i°).
Voir, sur l'auteur de ce livre, né à Frilwurg
(1629J AUX FRÈRES DUPUY. «7
despens du cardinal de Savoye '. Mais l'aulheur est mort sans que
i'odition fust achevée. Finalement il me parloit de l'autheur de l'anti-
Tycho ^ qui a faict un lihvre ex prolesso de tribus novis steliis contre
Tyciio, Keplei-us et tous les modernes, qu'il fauldra tascher d'avoir en
son temps ^.
Mais pour les nouvelles il dicl (|ue l'empereur occupe et fortifie non
seulement la Valteline, mais tous les Grisons, excepté fort peu de
chose, que la paix d'Italie est meshuy achevée d'exécuter, mais il y a
là un gros os à ronger* dans cez Grisons. Que Monseigneur le Cardinal
a mandé à M'' le Mareschal de Grequy qu'au moindre advis qu'il aura
de luy, il luy envoyera sur le champ 3o mille hommes pour s'en faire
à croire. Que le Duc de Savoye s'est entremis fort avant par son ambas-
sadeur, |)our commancer un traicté do paix entre l'Angleterre et l'Es-
pagne; (pnin ecclesiasti<[ue envoyé pour cet effect vers la Koyne
d'Angleterre par l'Infante, avec afforce reliques, ayant salifié le Koy
vers 1J77, iiiofl le «3 jiiillel itiaij, el sur
ses ouvrages, deux litudes do M. le profes-
seur Antonio Fnvarn publiées dans le Biil-
iettino di Liljlioffvnjia dclle ncienie malem. de
j88â el i88(i, el doul il aél^l'uit un tirage
à pari (Rome, in-i", 60 et 18 pages). —
Coiuniunicalion de M. le baron Manno,
membre de l'Acaddniie des sciences de Turin
et secrétaire de la royale d^putation pour
l'Iiistoire de la patrie.
' Le cardinal Maurice (^voirl. I, p. 8o3)
se piquait de faire le Mécène et avait une
cour de savants.
* L'auteur de r.l(i//-7yc/io est Scipion
Chiai'amonti , né à Césène le a a juin i565,
mort le 3 octobre i65a. Voir, sur les nom-
breux ouvrages de ce nialhénialicien , le
tome XXX des Mémoires de Niceron. Ghia-
rarnonti esl plusieurs l'ois mentionné <lans
les Lettres de (labricl Nniidé ((ascmi\e XU des
Correspondants de Peiresc), 1887, p. 3o-
3i, 76. Adrien Baillet (Des satyres person-
nelles, a la suite du Jugement des Savants,
I. VII, in- /i", i7aa, p. ag'i - agS) a
donné d'abondants détails sur la querelle
soulevée par la publication à Venise (iBai,
iu-i') du l'Anli - Tycho Scipionù CUra-
moiilii, in quo advenus Tychonem Brahe et
nonmdlos alios, rationibus eorum ex opttcis et
geometricis principiis solutis , demonstralw
cometas esse sublunares , non eœlettes.
' De tribus novis stcllis qtiœ annis lôyj,
lOoo et j6'oi comparuere, in (/uibus de-
moiistratur rationibus ex parullaxi pnetertim
ductis stelliis fuisse sublunares et non calestes
adversus Tychônem , Gemmam . Mastlinum ,
Diggesseuin , Hagecium, Samucium, Kep-
pterum uUosque plures quorum rationes w
contrarium adducl(r solvuntur ( Césène ." 1 6 a 8 ,
in-Zi").
' Lilti"é a reli-ouvé cette locution dans les
lettres de M"' de Sévigné et dans les lettres
de Voltaire.
r58 LETTRES DE PEIRESC [1629]
d'Angleterre, estant dans un batteau pour aller salluer la Royne d'An-
gleterre, accompagné du dict Ambassadeur de Savoye et d'un sei-
gneur Anglois, le batteau se renversa soubs le pont de Londres, et ce
pauvre prebstre se noya, les autres estant eschappez comme ils
peurent. Mais que M' Rubens y est allé à mesmes fins, et y est tous
les jours mené en carrosse par le conte de Garlile ', et qu'on en est venu
si avant que le premier jour de ce moys il debvoit partir d'Espagne
un ambassadeur et d'Angleterre un autre pour aller sur les lieux vé-
rifier si les propositions laictes sans charge seront advouées, mais que
le dict Ambassadeur d'Angleterre en Savoye disoit que si le Roy vou-
loit, il romproit bien tost tout ce traicté en sa naisçance. Voila des
nouvelles de bien loingtain pais pour venir d'un lieu assiégé comme
celuy cy, et interdict comme M"^ nostre Gouverneur vouldroit faire de
tout secours et raffraischissemens. Vous en devez bien sçavoir là de
meilleures et plus seures nouvelles, et particulièrement de celles des
livres, mais vous me pardonnerez si je me suis ainsin donné carrière,
à ce coup, sans consequance, puis que nous avons si peu de moyen de
vous rendre la pareille de tant de bonnes et curieuses recherches dont
il vous plaict nous faire part, et que vous m'excuserez tousjours comme
je vous en supplie trez humblement, faisant la profession que je faicts
d'estre toute ma vie,
Monsieur,
voslre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce sammedy au soir xi aoust 1629, ix°' de la cessation de tout mal soub-
çonneux ' en cette ville, qui est un miracle , aprez trois jours entiers de progrez.
Du dimanche matin, il n'y avoit rien d'altéré non plus.
J'ay retrouvé quelque autre liasse des lettres de feu M"" de Malerbe,
que je feray porter aux champs quant et moy, pour en faire choix de
quelques unes, car il y en auroit qui ne meriteroient pas d'estre en-
' Sur le comte de Garlisle, voir t. I, réunis par Liltré sous le mot soupçonneitx
Appendice, p. 908. sont tous empruntés à des auteurs du nu'
' C'est-à-dire suspect. Les exemples et du xiv' siècle.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. U9
voyées d'icy à Paris, iioiiplus que d'estre imprimées, et le fagot seroit
trop {{l'os pour la poste.
Mais je me suis erilin résolu de liazarder les deux petits volumes
en lanjTue cophtite, sur la proposition (|ue mou relieur m'a faicte de
les couvrir proprement avec de la toille cirée; ils sont si petits qu'ils
escliapperont plus facilement, et si nous trouvons que cela reuscysse,
nous tasclierons de nous descliar(jer peu à peu de tout ce que nous
pourrons pour ne tant lanjjuir en l'attente du coffre entier'.
XXXIV
À MONSIlilR, MONSIEIR DIJPLV,
A PAIUS.
Monsieur,
Vostre despesclie du dernier du passé est venue un peu plus tard
que decoustumc, mais s'est fort bien conservée, nonobstant la rigueur
du vinaigre, ensemble le livre et epistre de M' de Rouan '\ à cause
des niaculaturos qui l'enveloppoient, lesquelles ont porté toute la
inouilleure, dont je vous remercie trez humblement. J'ay veu cette
epistre et suis bien de vostre advis, ne pouvant quasi me persuader
que l'autheur ayt bien songé à ce qu'il faisoit aussy peu dans la dicte
epistre qu'en son livre*, au moings à ce que j'en ay peu voir jusques
à cette heure, car il ne m'a pas manqué de divertissemens, oultre que
le labeur n'est guieres attrayant. Je ne sçay s'il ne penseroit point
qu'en se faisant tenir on luy pourroit offrir ce que le cardinal Aleaudro*
' Vol. 717, fol. 7a. sëvère. Tous les ciiliques ont blâme rincou-
' François de llnrlay, iritScoiileiil de venonaî dr> l'i^crivaiii, el Tfll>araii<i, dans la
s'être vu pré('<irei', pour k (■{irdinulnl, lui Bic^cn/)Aie i«/n'iwse//e, s'esl élové contro la
simple prêtre , dans la personne du I'. de dureté et l'emportement avec les«piel8 l'arabi-
Bérulle, publia eu lôaç) une sorte de lieux pn'Inl fit, au lieu d'une liistoire de
])amplilel rouiro In cour de Home sous le l'Église, une satire de la papauté,
titre de Ecckxiasiiac hittorite liber primas. ' JërAme Alf'andrc. né en février 1 48o.
' L'appréciation de Psiresc n'est pas tmp fui nonre de Léon X en Allemagne (ifitç).
160
LETTRES DE PEIRESC
[1629]
offroit autres foys à Luther pour le faire taisre'. Il y a des esprits cap-
pables de toutes les extravagantes pensées qui se puissent imaginer.
Je suis trez aise que le fagot de M"" Gassendi soit arrivé sain et saulve,
et de la resolution qu'avez faicte de le luy garder jusques à son retour,
puis qu'il est si prest à revenir à Paris. Monsieur le Pelletier flatte le
day ^ et ne dict pas tout ce qu'il pense et tout ce qu'il a veu et souffert
d'incommodité quand il vous veult persuader tant de bonne chère, qui
ne gisoit principalement qu'en bonne volonté. Des lettres de feu M"^ de
Malerbe, je vous escrivis la semaine passée ce que j'en avois trouvé. Je
suis bien aise que vous ayez eu des nouvelles du recueil que feu M'' de
Malerbe avoit faict d'aulcunes de ses lettres plus considérables et autres
pièces dont il m'avoit autres foys parlé et m'avoit mesmes demandé
mes liasses des lettres qu'il m'avoit escrittes pour y en insérer quelques
unes. Je craignois que cela fust perdu, car M' le conseiller de Boyer, qui
est héritier ou père de l'héritier' du dict feu M"" de Malerbe, ne l'ayant
pas trouvé entre ses papiers, estoit bien en peine où il pouvoit avoir
recours. Je m'estonne fort que le sieur Icard* luy ayt voulu celer cela,
puis qu'il estoit dépositaire et comme fideicommissaire de tous les
livres et papiers du deffunct pour remettre le tout au dict sieur de
bibliothécaire du Vatican (1020). dé-
nient VII lui donna l'archevêché de Brindcs,
le nomma nonce en France, puis en Alle-
magne (!53i). Paul m le revêtit de la
pourpre en i536. Méandre mourut à Home
le 1" février 1.549.
' Peiresc avait deviné juste. Fr. de Har-
lay, dans la lettre de soumission qu'il écrivit
à Urbain VIII , déclara qu'il garderait désor-
mais le silence jusqu'à ce qu'il plût au pape
de lui ouvrir la bouche, indiipinnt par ces
mots, selon la remarque de Tabaraud, qu'il
aspirait toujours à la dignité de cardinal.
' Sous celte expression, qui signifie adou-
cir, déguiser quelque chose, Littré ne donne
aucune citation.
^ Nous avons déjh vu (lettre XVI) que
le conseiller J.-B. de Boyer était le père de
l'héritier de Malherbe, Vincent de Boyer.
futur conseiller.
' M. Lud. Lalanne, qui a reproduit une
partie de cette lettre dans la Notice biblio-
graphique [Œuvres complètes de Malherbe,
t. I, p. xciv), dit au sujet d'Icard : rrC'était
l'homme d'affaires de Malherbe, autant du
moins que je puis le conjecturer d'après la
corres|)ondance du poète avec Peiresc. où
il en est parlé plusieurs fois.i Une lettre
d'Icard . écrite de Bordeaux le 1 3 juillet 1 63o.
est transcrite dans le registre I des minutes
de la correspondance de Peiresc, Inguim-
bertiiieiie Carpentras (fol. ao).
[1629J AUX FRERES DUPUY. 161
Boyer, à qui il a en effect rendu les livres et quelques papiers, mais à
ce que je voids, il a voit soubstraict le meilleur. Il n'y a voit que deux
jours que M' de Boyer estoit party de cette ville pour aller du costé de
Tollon, quand je receus vostre advis, mais à son retour je luy com-
muniqueray l'advis et feray que luy en escrira comme il fault au dict
sieur Icard, auquel je feray mesmes escrire par M' le Premier Prési-
dant et par le Marquis d'Oraison ', qui sont ses meilleurs patrons et
amys et qui aymoient bien le pauvre Malerbe. Je n'y ay pas du cre-
dict pour mon particulier, pour certaines petites galanteries qui m'a-
voient esté faictes de sa main en affaire bien importante. Mais je le
feray prendre de tant de costez qu'il aura bien de la peine à se parer
de ce coup où je seray bien aise d'agir, pour l'amour du pauvre M' de
Malerbe que j'ay aymé comme mon propre père '\ et pour l'amour aussy
de M'' Granier h qui j'ay de l'obligation sans l'avoir jamais servy, dont je
serois bien aise de me pouvoir revanclier, mais principalement pour
l'amour de vous, Monsieur, puis que vous vous en meslez si charita-
blement. Je verray aussy par mesme moyen s'il y auroit moyen d'ar-
racher de mon dict sieur le Premier Présidant et de M"' le Marquis
d'Oraison ([uelques unes des lettres que le dict sieur de Malerbe leur
escripvoil^, dont j'en ay autres foys veues de trez bonnes. M' de Boyer
m'avoit dict, ce me semble, tost aprez le decez du sieur de Malerbe,
que le deffunct avoit laissé quelques siens escripts en depos ez mains
d'un sieur de Porchères son parent* (autre que le célèbre courti-
' François d'Oraison, d'abord viconilo
de Cadenel, puis marquis d'Oraison (mars
i588), est mentionne dans cette plirase
d'une lettre de Malherbe h Peiresc, du
19 février tôio (t. III, p. i4o): irVous
m'avez vu, ce me semble, quelques couplets
d'une ni(k:bante cbanson que j'avois com-
mencé h faire sur un air que m'avoit baillé
M. le Marquis d'Oraison ...» Le premier
président (baron d'Oppède) avait épousé
Marguerite d'Oraison. Malherbe parle très
galamment d'elle dans une lettre h Peiresc
des ^13-35 niai-s t6io (ibid., p. aSo).
' Témoignage bien remarquable et au
sujet duquel il est bon de rappeler qae
Malherbe, de son côté, eut toujours potu-
Peiresc une affection dans laquelle il entrait
quelque chose de respectueux.
' On n'a conservé aucune des lettres
adressées par Malherbe au baron d'Oppède
et au marquis d'Oraison.
' Malherbe l'apjKille rM. de Porchères
Arbaut» dans une lettre à Peiresc du 3 avril
i6a8(t. III, p. 578). C'était son parent par
tapimiBit HAfiMAU.
162 LETTRES DE PEIRESG [1G29]
san ') pour prendre le soing de les faire revoir et imprimer ; je croyois que
cefust luy qui eust remis à M' Granier ce qu'il en avoit et qui luy eust
aussy remis le privilège dont j'avois autres foys ouy parler. Il sera bon
de s'en esclaircir et m'en escrire, s'il vous plaict, au plustost que vous
pourrez, pour s'asseurer si c'est autre chose que le recueil que le dict
sieur Icard se trouve aujourd'huy saisy. Voila tout ce que je puis vous
dire en responce de vostre lettre, si ce n'est pour vous remercier comme
je faicts trez humblement des relations de Bosleduc, de la pretendiie
généalogie de Gogneux, que je n'admire pas moings que celle de
Brèves ^. En revanche de quoy, je n'ay ri«n à vous envoyer, n'osant
bazarder la bible arabique de M"^ de Thou , sans avoir des nouvelles
de M"" de Fetan depuis l'advis qu'ils auront eu de nostre allarme. En-
cores que le mal. Dieu mercy, n'ayt pas eu de suitte dans la ville, ains
seulement sur ceux qu'on avoit mis dehors, pour avoir eu communica-
tion avec les premiers touchez de maladie suspecte. Tout est en la main
de Dieu.
Au reste à faulte d'autres nouvelles du monde je vous diray qu'il
s'est desterré en ce païs depuis peu un petit larmoir' de plomb sur
lequel est escript GLAVDI WVOOIS, un mot se lisant à droict sens sur
un costé du larmoir, et l'autre à contresens de l'autre costé, sur quoy
alliance; car François d'Arbaud et M"' de
Malherbe (M"* de Coriolis) étaient cou-
sins, la mère de l'une et la grand'mère de
l'autre appartenant à la même famille, la
famille d'Escalis. François d'Arbaud, trop
souvent cojifondu avec son demi-homonyme ,
son compatriote et son confi-ère à l'Acadé-
mie Laugier de Porchères, naquit à Bri-
gades en 1690 et mourut dans la Cham-
pagne en 16/18. Voir une très intéressante
élude de M. L.éon de Berluc-Perussis : Lau-
gier de Porchères et Arbaud de Porchères,
deux des quarante premiers de IWcadémie fran-
çaise ( Forcitlquier, 1880, in-8°).
' Honoré Laugier de Porchères, né h
Forcalquier le 8 juin 1 57a , fut genliihomrae
de la chambre et intendant des fêles de la
cour. 11 mourut, comme nous l'apprend la
Muse historique de Loret.en octobre i65.3.
Voir son historiette dans Tallemanl des
Réaux (t. IV, p. Sai), mais en tenant
compte des observations rectificatives du sa-
vant critique cité dans la note pn'cédenle.
- Déchirnre du papier.
' Ce mol ne se trouve ni dans le Dicliou-
iiaire de Trévoux, ni dans les divei's autres
recueils lexicographiques qu'il m'a été donné
de pouvoir consulter, la forme lacrymatoire
ayant prévalu. Larmoir était le nom d'un
petit vase, d'une sorte de liole que les pleu-
reurs on pleureuses de profession employaient
dans les funérailles.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 1«S
il y a bien à resver à mon avis, ne me pouvant perauader que c'est
que veull dire ' ce mot de SICGAM, si ce n'est une espèce de surnom
ou de patrie de ce Claudius, car elle eust deub plus tost estre muitte de
larmes que seichée; toutefoys cez Mess" de Rigault, Saulmaise et Grot-
tiiis en pourroient bien dire possible (pielque chose de bien relevant
avec les notices qu'ils ont de cez anciennes coustumes sepulchrales que
je n'ay pas observées ou retenues comme eux, n'ayant mémoire quel-
quonque de cez choses que je n'ay veues de si long temps oultre que
je n'en ay gueres veues de celles qu'il fauldroit, principalement dans
les poètes Grecs que je n'ay guieres maniez. Je vous prie de les en en-
quérir et me tenir tousjours,
Monsieui',
vostre trez humble et Irez obligé serviteur,
OR Feiresc.
A Aix, ce 18 aousl 1699.
On vient de m'advertir du passage d'un courrier de M' de Mantoue,
qui va vers le Roy, et dict avoir rencontré la nuict dernière six galères
d'Espagne qui tenoienl la routte d'Italie, lesquelles portent le Marquis
Spinola, et que le Valstain '\ se trouvant hors d'employ par la paix de
Danemarc, passe en Italie' avec grande armée contre M' de Mantoue.
Je vous adresse le pacquet cy joinct pour le sieur Guiltard, pour le
luy garder jusques à ce qu'il soit arrivé à Paris, car il est allé passer
par l'Auvergne avec M' le Grand Prieur de France. Et ay laissé l'enve-
loppe à cachept volant, afin que vous puissiez jetter les yeux, si vous
voulez, sur les papiers qu'on m'a envoyez de Marseille pour luy faire
tenir, et en retenir copie ou mémoire de ce que vous vouldrez, mais je
' Ce que veut dire. Gomme Peiresc , Baêsompierre met l'article
' On a i«coniui Albert Wenceslas Eu8èl)e , devant le nom de Waldstein . qu'il écrit Wa-
cointe de Waldsleiii , duc de Meckiembourg, lestein (t. IV, p. 1 h-j ).
de FriinllaDd , de Sagan . né au ckâleau ' Le célèbre capitaine ne passa point en
d'Hernittuic, en Bohême, le i5 sejHembre Italie.
i583, assassiné h Ëgra le 9 5 février i63â.
164 LETTRES DE PEIRESC [1629J
vous prie de ne les pas laisser voir à d'autres, et recachepter le pacquet
avant que le luy envoyer'.
XXXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUY.
À PARIS.
Monsieur,
J'ay aujourd'huy seulement receu voslre despesche du 7"°*^ fort bien
conditionnée, nonobstant qu'elle ayt passé bien avant dans le vinaigre,
parce que vous iuy aviez faict la caresse ^ d'une bien forte enveloppe , et
ay trouvé trez beaux cez petits livrets de dévotion d'Amsterdam, dont
je vous rends mille trez humbles grâces. ïls viendront bien à poinct au
mauvais temps où nous sommes à présent, puis qu'il plaict à Dieu.
Durant lequel je n'oserois en avoir envoyé à Rome, pour le soubçon
de maladie, comme j'eusse faict sans cela. Hier nous l'econtions le Ix"
jour de cessation du mal pour la seconde foys tant dedans que dehors
la ville, mais cette nuict il y a eu quelque nouvel accez en la persoune
de la femme d'unhonnesle bourgeois, qui renouvelle bien les allarmes
(bien qu'il n'y ayt pas encores de certitude que ce soit contagion),
parce qu'on ne sçait pas quelle dépendance peult avoir cet accidant
avec les précédants , auquel cas on seroit sans regret. Au terroir de
Marseille, à une lieue de la ville du coslé d'Aubagne, à un certain
petit hameau ou assemblage de Bastides nommé des Caillaux^, il y est
mort un homme de la maladie, qui fit une telle terreur dans cette
pauvre ville là, qu'encores que plus d'un tiers des habitants eussent
prins retraicte aux champs dez le commancement de ce moys, par
précaution, il en sortit hier une infinité d'aultres familles, et une infi-
nité de charges de meubles. Ils faisoient fort les renchéris à nous souf-
' Vol 717, fol. 75. ' Aujourd'hui les Caillols, localité de près
' Crtreïse est pris ici dans le sens de fa- de 5oo habitants, dans la commune de
veur. Marseille.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 165
frir aulcune sorte de communication, mais ils sont pour avoir auitant
et beaucoup plus de besoing du secours de cette ville icy, que celle cy
d'eux. Car l'ordre (ju'on y a mis a esté si ponctuel, que grâces à Dieu,
de tous les malades qui ont esté portez à la maladerie, il n'en est mort
que cinq en tout, et hier à la visite qu'on y envoya faire, touts les
malades sortirent sur le pied en estât de garison toute apparente,
exceptée une seule femme qui estoit la dernière veniie. Le cirurgieii
avoit été prins avec son vallet, le vallet mourut incontinant et fut un
des cinq. Mais le maistre est hors de danger, et sera tant plus hardy à
penser et secourir les aultres dez hors mais. Voila toutes les plus im-
portantes nouvelles que nous vous pouvons dire à présent, et crains
bien, comme vous, que nous n'ayons plus de moyen durant quelque
temps d'entretenir nostre commerce de lettres, car M' Jacquet m'es-
cript du 1 2""* qu'il n'avoit poinct encores eu la despesclie qui partit
d'icy dez le 29™" du passé, qui estoit i5 jours entiers, et qui pix est,
le maistre de la poste vient de m'apporter deux lettres qu'on luy escript
du S' Esprit et d'Avignon, portant que les despesches ne peuvent plus
passer sur le chemin de Lyon parce que tout y est desja infecté de la
maladie, et que tous les maistres de poste sont retirez aux champs, de
sorte qu'à grande peine les pacquets du Roy pourront aller et venir. Je
ne seray pas en repos d'esprit que je n'aye advis de M' de Fetan de la
réception de cette despesche là, avec laquelle j'avois joinct le /«'"" libvre
du Théophile de M' Fabrot, et de trois aultres despesches que j'ay
mises à la poste durant ce moys du 6"% 12°°* et 19™ de ce moys, ou
bien qu'on les nous aye renvoyées icy. Car avec icelles je vous ay en-
voyé de bonnes curiositez, et à bonne foy, voyant venir les lettres de
Lyon icy, et pensant que le réciproque deubt réussir, j'avois hazardé
entr'aultres choses, par celle du 12"°", doux petits ni[anu]s[crit]s en
langue cophtite tirés du coffre de M' de Thon, pour essayer avec voz
relieurs plus expers de remédier au daumage qu'ils avoient receu dan»
la mer, car je n'avois pas eu le courage d'y faire toucher par le mien
et regrettois infiniment que cela fust hors d'usage. Par la précédante
despesche je vous envoyois un libvre in-^° de quelques opuscules grecs
166 LETTRES DE PEIRESC [1629]
imprimez en Constantinople soubs les armes du Roy d'Anj^lelerre et
dans la dernière y avoit des papiers importants que je plaindrois grande-
ment. Peu s'en fallut que je ne hazarday la Bible Arabique m[anu]s[crit]e.
Mais un bon {renie me retint, pour attendre le conseil de M"' Jacquet
sur cela, dans cette conjoncture de nouvelle nécessité qui me met en
tel estât, que je crains que pour faire tenir le coffre de M' de Thou,
il ne faille prendre la voye de la mer par Rouen, auquel cas il fauldra
laisser passer la quarantaine aux champs, dans laquelle je vouldrois
bien avoir sur cela vostre resolution; autrement, je ne sçay s'il ne faul-
dra pas attendre des années, pour, laisser repurjjer les chemins d'icy à
Lyon et restablir le commerce qui est si descousu et si ruiné.
Pour mes livres de delà, ne vous en mettez poinct en peine, car ils
sont mieux là qu'icy asseurement, où il me fault abandonner tous les
miens à la mercy et discrétion d'un peuple, qui pourra faire de grands
desordres si la maladie y faict du progrez, auquel cas malaisément les
gents de qualité vouldront ils tenir pied. De sorte que si je les retrouve
à nostre retour, et que Dieu nous fasse la grâce de pouvoir revenir, il
me semblera qu'on me les aura donnez. Et ce sera assez à temps si
nous avons lors les vostres qui ne courront pas la mesme fortune chez
vous. Si cependant le temps nousfaisoit voir que la santé se peult con-
server à Tollon, avec quelque commerce de Roiien, comme il y en a
souvent, possible tenterions nous cette voye là sans tant d'apprehen-
Mon , maintenant qu'on ne craint rien du costé des Anglois, et que la
crainte n'est pas si grande aussy du costé d'Algers. Mais pour la voye
de Lyon je pense qu'il ne fault plus rien bazarder, dont on puisse re-
gretter la perte, je veux dire des pièces originelles, ains seulement des
coppies, ou des imprimez qui se puissent remplacer, et dont la perte
ne soit pas considérable, afin que si quelque chose eschappe, on ayt
encores quelque consolation en cez exils où nous courons fortune de
nous aller confiner pour longtemps. Mesmes qui mettroit les lettres à
part des livres, il ne seroit possible que bon, afin que si la grosseur
des livres faisoit difficulté au passage, les lettres puissent venir plus
facilement.
[1G2'JJ AUX FRÈRES DUPUY. . 1«
Or pour respondre h la vostre, j'ay encore» des renierciineiits à vous
faire du soin{{ que vous avez eu de me faire transcrire le verbal de
l'ordinaire, et de me faire part des bonnes nouvelles de l'enlreviie du
Roy avec la Royne refjnanle (d'oîi tous les gents de bien attendent un
Danlpliin dans l'an comme vous'), et de la retenue ou conlinance ' de
MoiisicMir, de n'estre poinct sorty hors du Royaulme, dont on esloit un
peu en peine. Quant aux ouvrages de Cardan ^ m[anu]s[crit]s, c'estoit le
pauvre M' Aleandre deduiict qui m'en avoit envoy<'; l'indice et qui avoit
entreprins de les m'achepler, mais il- ne tarda guieres aprez cela de
mourir et je suis bien empesclié par qui je pourrois faire reprendre ce
traicté. M"" de Tfiou eust mieux faict cela que persone, si on eust sceu
son dessein d'y retourner, et si je me fusse advisé de luy en escrire der-
nièrement par le dernier ordinaii-e d'Avignon qui passa, le(|uel n'est
poinct revenu en son temps, et je me doubte qu'on luy fasse faire
quarantaine quelque part, et que nous n'en ayons plus par celle
province.
J'avois escript à Rome deux jours aprez son j)assage, par la voye de
Lyon, du septiesme de ce moys, sous l'enveloppe de M' de Fetan, mais
je crains fort que cette despesche ne soit demeurée en chemin entre
cy et Lyon, comme je vous disois tantost, et que nous ne soyons dez-
hors mais exclus de tout commerce de ce costé là. En un besoing vous
en pourriez escrire un mot à M"" de Thon, qu'il s'en enquisl du cavalier
de! Pozzo et de M''de Bonaire. Pour le bon M' Samuel Petit, nous n'au-
rons pas, jem'asseure, guieres plus de moyens d'entretenir aulcune cor-
respondance avec luy de quelque temps, attendu qu'on nous asseure de
Tarascon que la pcst'e est à Nismes bien forte , et que tout commerce
est rigoureusement exclus de ce costé là de la rivière, ainsin que nous
' On sait que l'nspc'rance de tous le» gens propro dn sa lenir au rnilieii . n'y mamtmir.
de bien fut trompée et que le dauphin tant Nos dictionnaires n'ont pas indiqnë ce sens
attendu ne naquit que près de dix ans pins du mot continence.
lard (5 octobre 1 6.38). ' Voir sur JërAme Cardan le lorne I.
' \/! mot continence est pris ici dans un Appendice, p. 898.
sens bien rarement employé, dans le sens
168 . LETTRKS DE PEIRESC [1629]
a asseuré un député de Tarascon, venu pour implorer secours (sans
resource neantmoings) sur ce que M' le Surintendant a taxé leur ville
à 6000 escus pour les desmolitions des fortifications de Nisnies, sans
aultre formalité. Mais s'ils sont quittes de la maladie de leurs voisins
de Beaucaire et d'Arles (oii elle faict de grands progrez), ils seront bien
heureux de n'avoir pas de plus grand daumage. Et vauldra mieux
pour eux de payer les 6000 escus, que d'y envoyer des hommes qui
eussent peu apporter la peste dans leur ville à leur retour. Nous pen-
sions que tout commerce fust desja bouclé sur cez bruicts, mais il passa,
l'aultre jour, un gentilhomme Breton, qui disoit venir attendre le Che-
valier d'AUincourt' pour passer en Italie quant et luy, lequel estoit
venu de Hollande depuis peu, où il disoit qu'un Professeur en langue
Arabique estoit revenu depuis peu du Levant où les Estats l'avoient
envoyé avec si gros fonds de credict, qu'il en avoit rapporté 3 ou 600
volumes Arabes entre lesquels il y avoit d'excellentes pièces non en-
cores veùes, d'Archimede, Euclyde, Ptolemée, Appollonius Pergasus^,
et aultres, mesmes de Platon et d'Arislote, et qu'il y avoit des Tables
astronomiques d'un Roy du Catay ^, et des observations continuées en
cez pais là durant plusieurs siècles, qui doivent eslre de grands thre-
sors. Il le nommoit M' Joly, et je pense que ce soit celuy dont M' Ca-
merarius* m'avoit aultres foys escript, par vostre entremise. Je serois
bien marry si M' Gassendi estoit passé si viste en cez pais là qu'il n'eust
pas eu le moyen d'en voir quelque chose. Cez peuples septentrionaux
' Le chevalier d'AUincourt (et mieux ' C'est Apollonius de Perga, géomètre,
d'Halincourt) ëtait un des fils de Charles de qui vivait à Alexandrie sous Ptoldniëe IV.
Neufville, mar(juisd'Halincourt,seigneurde ' Nom que l'on donnait autrefois à la
Villeroy, gouverneurde la ville de Lyon , etc., Chine.
et de sa seconde femme Jacqueline de ' Le registre III des minutes de la cor-
Harlay. Il portait le prénom de François, respondance de Peiresc (à Carpentras) ne
était chevalier de Malte; il fut tué h la contient que deux lettres à Camerarius,
tête du régiment de Lyonnois, au siège une écrite d'Aix le 3o novembre 1637,
de Turin, en i64o. Voir Le dernier des l'autre écrite de Toulon le 12 juin i63i.
Villeroy et sa famille, par Aimé Vingtri- Voici la suscription des deux lettres :
nier (Paris, 1888, brochure grand in-8% frM. Camerarius, chez son père, ambassa-
p. 35). deur de Suède.»
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 169
ont des génies njerveilieusement nobles et généreux d'envoyer chercher
si loing, et à si grands fraiz, de si belles et dignes recherches comme
sont celles là, et celles d'Angleterre. Il faiildroit que M"" Holstenius eust
les rains aussy forts que ceux là, pour y profïitter aussy bien qu'eulx.
S'il y a moyen de luy escrire, il luy fauldra donner cet ad vis là, pour
le tenir en bonne haleine. J'oubliois que ce gentilhomme nous dict
que ce M' Joly avoit faict un voyage oïli il ne fit que marquer les
choses, et puis s'en revint quérir lettres de crédit, avec lesquelles
il alla rafiler ' tout ce thresor là en fort peu de lieux. Ce que j'y trouve
de bon est que cez Messieurs n'en frustreront pas le public et seront
bien aises de faire sortir cez pièces si précieuses de leurs imprimeries.
M' Scaliger manquera bien maintenant, qui y eust faict un merveil-
leux proffit. Mais quelque aultre sortira de quelque coing pour sup-
pléer son deffault. Sur quoy je finis demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Pbiresc.
A Aix, ce aS aoust 1699.
M'estant trouvé un peu de loisir hier au soir, je vous avois faict cette
lettre à l'advance, pensant l'envoyer dimanche prochain par la staffette
au hazard. Mais il vient de se présenter une commodité extraordinaire
d'un honneste homme qui veult partir en poste dans demy heure, à
qui j'ay mieux aymé la donner, et en un besoing j'en feray brocher un
duplicata à mon homme, s'il peult estre faict à temps, pour l'envoyer
dimanche, et pour servir au cas que ce courrier ne trouvast pas le
moyen de passer, qui ne sera pas sans peine. Je l'ay fort prié de se
charger, en passant, s'il peult, de pacquets demeurez aux bureaux des
postes sur son chemin cottez de cette ville, ce qu'il m'a promis faire
s'il le peult, qui seroit un grand secours. Le mal est qu'on me persé-
cute d'un aultre costé, et qu'on ne me laisse pas escrire comme j'eusse
' Sous le mot rafler on ne trouve dans le Dictionnaire de Littré que des citations ein-
prunt^B h des auteurs du xvui' siècle, Lesage et Voltaire.
S9
i
17© LETTRES DE PEIRESC [1629J
faict volontiers à M"" Gassendi , sur ce subject, pour luy dire que le sieur
Taxil, son amy de Digne', se porte bien, et M' l'Evesque aussy^, et
que M'' le Prieur de la Valette^ est à Rians^ avec le conseiller Gautier
son neveu ', où je leur envoyeray sa lettre et la mienne ce jour-
d'huy 26 aoust. Dieu aydant, et respondray dimanche à luy et à
M'' d'Aubery, bien fasché de ne le pouvoir à cette heure dans cette
presse. Cependant j'ay faict joindre icy une lettre pour M' Rigault, que
mon homme oublia par mesgarde sur sa table en faisant mon pac-
quet dimanche passé.
Tout présentement je viens de recevoir la despesche de l'ordinaire
de Rome veniie par Marseille, où il l'avoit laissée; je n'y ay pas trouvé
de lettre de M"' de Thou, ne de M"" Holstenius, non plus que du car-
dinal, mais vous verrez ce que m'escrivent de l'arrivée de M' de Thou
le R. P. Dom du Puy et M' de Bonnaire. Et par mesme moyen, verrez
le peu de fondement qu'il y a aux espérances que le sieur Dony avoit
données de fournir son recueil d'Inscriptions, sur quoy il ne m'a ja-
mais faict de responce, bien qu'il ayt punctuellement respondu à toutes
aultres choses, qui est une vraye marque qu'il a de l'aversion à cela,
quelques offres qu'il en eust faict autres foys au dict P. Dom du Puy.
Ce gentilhomme de Hambourg nommé Hartwic m'escript de Padoiie'',
et se loiie fort des caresses du sieur Pignoria.
' Le chanoine Nicolas Taxil fui le succes-
seur de Gassendi dans les fonctions de pré-
vôt du chapitre de Digne. Ce fut lui qui
prononça l'oraison funèbre de son ami dans
l'ëglise cathédrale de Digne le 1 4 novembre
i655. Voir sur Nicolas Taxil, mort le
94 septembre 1682, la nouvelle édition
donnée de cette pièce (Digne, 1882 , in-8°).
Conférez les Documents inédits sur Gassendi
(Paris, 1877, in-8°), oîi a été publiée
(p. 35-36) une lettre de l'orateur à Habert
de Montmor, en même temps que l'oraison
funèbre (a janvier i656).
' Raphaël de Boulogne ou de Bollogne
déjà mentionné dans le tome I , p. 19, note 3.
Ajoutons que l'on trouvera une petite notice
biographique sur ce prélat dans l'édition
qui vient d'être citée de VOraison funèbre
de Gassendi (à l'Appendice, p. 85, note 1).
^ Sur Joseph de Gaultier, prieur de la
Valette, voir le tome \, p. 921, note a.
* Rians était la ville natale du prieur de
la Valette.
'■ Voir sur le conseiller Gaultier le fasci-
cule IV des Correspondants de Peiresc, con-
sacré au prieur de la Valette (p. 42).
° Je ne trouve aucune trace de la cor-
i-espondance de Peiresc avec Hartwic, ni
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 171
Le sieur Pietro délia Valle m'escript que le P. Morin luy accuse
la reccpUoii des eschantillons de Samaritain, et luy a inandt'- qu'il avoit
Tort bien entendu et interprété les Chappitres dont il luy avoit en-
voyé coppie, et qu'il estoit prest d'envoyer son original soubs les pré-
cautions offertes, mais cez interdictions de commerce viennent bien
mal à propos, et s'il ne proflite la commodité du refour de M' de Thou,
malaisément s'y pourra il pourvoir de longtemps, au moings n'y pour-
ray je plus intervenir de ce lieu cy descrié.
Le dict sieur Pietro délia Valle adjouste que les relations de ses
voyages et pérégrinations ne sont guicres bien prestes, et qu'il est
lort desgousté de ce (jue son Abbas roy de Perse a esté mal receu dans
Home, et (|u'on ne l'y a pas voulu vendre en façon quelquonque. Mais
il laull mesnager cela avec un peu de temps. Je ne vous envoyé pas sa
lettre, pour luy respondre si je puis en avoir de commodité, et puis
si je ne vois de santé sur le chemin de Lyon, je vous en envoyeray la
coppie , pour ne la bazarder, car encores y a il de jolies particularitez
sur les caractères cophtites et sur son humeur et liberté particulière.
On m'escript de Mantoùe du î>.o juin (|ue le sieur Possevin estoit
decedé peu auparavant", et qu'il avoit laissé un Tacite avec les sup-
pléments et des commentaires gros comme la Bible, dont on faict une
merveilleuse estime, que c'estoit un ouvrage de 3o ans, que l'on estoit
aprez à faire imprimer^. Je voudrois bien là dessus voir l'advis de
M' Guiscardi.
On pendit hier icy un des séditieux du Marligues, qui avoient si in-
dans le» minutes de la bibliolhèque de Car-
pentras, ni dans les manuscrits des biblio-
thèques d'Aîx et de Paris.
' Sur Antoine Possevin , neveu du «^lèbre
Jésuite, voir le tome 1, p. 8i. Avant sa
mort, Antoine avait eu le temps de doiuier
une seconde édition de son histoire en latin
des Gunzague , ducs de Mautoue et de Mout-
ferrat (1698, in-&°), mais il n'avait pu
publier son histoire (également en latin) de
la gueiTe de Montferrat de 1612 i i6i8
qui parut à Genève en 1 63 1 , et non en
t6ai , comme l'indique la note de la page
précitée. Puisque l'occasion s'en présente,
taisons h la même note une autre rectiljcii-
tion : les mots due* de devaient être mis
non devant Gonzague, mais devant Mantoue
et Montferrat.
* Ce Tacite n'a jamais été imprimé. Le
travail si considérable (par sou étendue)
172 LETTRES DE PEIRESC [1629J
solemment parlé à un commissaire de la cour qui s'estoit présenté à
la portg de leur ville pour l'exécution d'un arrest de la cour, et qui
avoient esmeu une grande sédition dans la dicte ville, et menasse du
mesme traictement qu'on avoit faict à Sisteron, où ils traisnerent par
la ville feu M"^ le conseiller de Brez '.
Du 38"^ Le parlement de ce courrier ayant esté retardé (et peult
estre son voyage rompu tout à faict), ensemble celuy de la staffetle,
j'ay eu le loisir d'escrire à M"" Aubery et à M"" Gassendi. Cependant on
tint hier la conferance entr'Aix et Marseille et leurs députez, où M' le
Gouverneur se voulut trouver, et tesmoigna un grand ressentiment de
l'homme qui avoit esté pendu, ne voulant pas croire qu'il eust tenu des
parolles si séditieuses que celles qui résultent des informations, et qu'il
en vouloit avoir la raison, et pour cet effect se trouver le 3"°* septembre
à Lambesc qui est à trois lieues d'icy, où il a donné rendez vous aux
trouppes qui sont delà la rivière de Durance, pour s'en faire à croire.
Mais il aura loisir de se r'appaiser dans ce temps là. S'il en venoit à ce
jeu , il se verroit d'estranges folies. Car cez peuples icy ne sont pas si
endurants qu'en autres païs^.
d'A. Possevin n'est pas même mentionné mont, l'un conseiller, l'autre auditeur à la
par Daunou , dans l'article TacîVe de la Bio- Cour des comptes. Voici comment M. de
graphie universelle, oîi sont ënumérés tant Laplane raconte la mort du conseiller qui
d'autres travaux sur le grand historien. s'était réfugié dans l'hôt-ellerie de la Têle-
' M. de Laplane, dans son Histoire d'Or, en face de la Fontaine Ronde : ^De
de Sisteron, t. II, p. iSS-ig.S, fait un Brez veut s'échapper par la fenêtre: il est
émouvant récit de k sédition excitée en pris , battu , foulé aux pieds , dépouillé et
cette ville, le i4 juillet 1617, par l'arrivée traîné au-dessous de la fontaine, dans un
des commissaires chargés d'établir un nou- cloaque où il est laissé pour mort ; et comme
vel impôt , la traite foraine. Ces commissaires si le crime qui venait de lui arracher la vie
étaient François Alby, sieur de Brez ( terre ne suffisait point pour assouvir la rage de
située près de Rognes, arrondissement ses bourreaux, on vit des femmes, l'op-
d'Aix , et qu'il ne faut pas confondre , comme probre de leur sexe , se jeter sur son cadavre
on Va fait trop souvent, avec la terre de et lui faire subir les outrages les plus révol-
Bresc, près de Fox-Amphoux, arrondisse- tants. . . »
ment de Brignoles) et Jean-Pierre de Beau- ' Vol. 717, fol. 77.
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
173
XXXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PAnis.
Monsieur,
Voslre despesclie du i3°* arriva hier au soir par la stcifFette eiicor
à propos pour vous en accuser la réception, et vous oster de la peine
où nous estions que les noslres du 2 g juillet ne fussent demeurées en
chemin, ensemble la suyvante du 7 aoust, que M' de Fetan nous dict
avoir enfin rcceiie. Il me tardera grandement d'apprendre qu'il ayt eu
pour le moings encores celle dapprez du 1 a"»", parce que j'y avois
joinct des ni[auu]s[crit]s ^Egyptiens de M' de Thou, espérant qu'elle
aura passé, tost ou tard, puis qu'on ne la nous a pas renvoyée avec
vostre dernière ensemble les suyvantes du 19 et 29 du passé.
J'ay donc à vous remercier trez humblement de la continuation de
riionneur de vostre souvenir et de voz soings en tout ce qui me con-
cerne, niesmes en la communication de ce verbal, que je seray trez
aise de voir tout à loisir, ensemble de cette lettre du Persan (où l'on a
oublié le nom propre du |)rince au non» de qui elle est escripte) et de
ce petit traicté de Septalius que j'ay aultres loys cogneu en passant par
Milan, et qui estoit en grande réputation '. J'ay encores à vous renjei-^
cier comme je faicts aussy du soing que vous avez daigné prendre, non
seulement de faire tenir à Bordeaux les lettres que je vous adresse,
' Scplaliiis est le nom ialinisé de Louis
Setlala,savoiitint'decin,ndù Milctnen i55si,
mort dans cette ville le la septembre i633.
Le petit traité dont Peiresc veut parler ne
peut pas être le De nœvis (envies ou tiiclies
de naissance), dont la première édition est
de Milan , 1 6o5 , el dont une nouvelle édition
lut donnée à Padoue en i6a8, car c'est un
ouvrage divisé en neuf livres. On trouve un
autre opuscule du docteur Settala publié en
1698: De tnorbis ex mucronata cartilagme
evenientibus liber ( Milan , in-8'). Gassendi n'a
pas manqué de rappeler qu'en l'année iGoa
Peiresc fut fêlé îi Milan par le docteur Set-
lala, par le frère de ce dernier et par plu-
sieurs autres savants au milieu desquels on
distinguait le cardinal-archevêque Frédéric
Horromée, fondateur de la bibliothèque Am-
brosienne (liv. I, p. 77).
174 LETTRES DE PEIRESC [1629]
mais aussy d'y escrire vous mesnies à ceiuy qui s'est chargé de mes
affaires particulières, dont je vous suis trop redevable. 11 aura depuis eu
de quoy se satisfaire si ces despesclies que je vous ay adressées le moys
d'aoust sont passées jusques c^ Lyon et à vous.
Mais la peine que vous avez voulu prendre pour l'édition du Théo-
phile de M"' Fabrot oblige le public quant et nous. Je le feray sçavoir
au dict sieur Fabrot, aux fins qu'il vous tesmoigne de sa part l'obliga-
tion insigne qu'il vous a de tant de soing, sans lequel je pense qu'il
luv fauldroit attendre bien longtemps la dicte édition qui se fera
mal aisemeut comme je pense par le sieur Vitré parmy les extraordi-
naires divertissements que luy donne sa grande Bible. C'est pourquoy
j'approuve fort le dessain d'y employer quelqu'atdtre, s'il est possible.
Nous serons attendans en bonne dévotion la coppie de la lettre de
M"' Rigault avec le cardinal Barberin , et la responce qu'il nous promet
sur l'anneau de TECLA, ayant esté bien aise que M'' Saulmaise se soit
trouvé chez vous lors de la lecture de ce que je luy en avois touché,
vous advouant ingénument la foiblesse de mes conjectures, comme je
pense que dez lors jen'aurois pas oublié d'en prolester. Mais pourtant,
par les lettres que j'ay depuis escriptes au dict sieur Rigauit, il aura
veu ce que j'ay rencontré pour fortifier sinon toutes mes conjectures,
au moings celle qui regarde simplement l'interprétation de l'inscription
RA'.TE par l'authorité mesmes du Piaule, qui introduict un perso-
nage qui ayuioit mieux dire RABO que ARHABO comme les Prenes-
tins de son temps disoient CONIA pour CICONIA par abus commu-
nément receu, dont je ne m'estois pas advisé du commancement que
je luy en escrivis, daultant que je l'avois faict trop précipitamment,
sans m'estre encores peu souvenir du lieu oi!i il me sembloit tousjours
avoir veu la preuve de cet usage ou de cet abbus. Car je ne vous ose-
rois quasi confesser ma dapoccagine ' qu'il y a une bonne trentaine
d'années que je n'avois remis le nez dans mon pauvre Plante, et j'ay la
plus misérable et chestive mémoire du monde, surtout des choses qui
' Ma fainéantise, ma négligence.
[1629] AUX FRERES DUPUY. 175
ne se trouvent pas dans quelqu'une de mes curiositez particulières,
auquel cas je n'ay poinct de peine h retenir ce que je voys, quand
niesmes il ne me soussieroit pas d'en conserver la mémoire. J'atten-
dray aussi puisqu'il vous plaict la coppie de ce petit feuillet du Theo-
doius Herniopolites, ostaiit bien marry que vostre bon escrivairi Grec
soit decedé. En un besoing Ruelle (qui avoit aultre foys escript pour
M' de Lomenie et dont on pourroit apprendre des nouvelles de M' de
la Tremolliere, ou au collège de Clermont) prendroit bien volon-
tiers celte peine pour l'amour de moy, puisque l'ouvrage n'est pas
de longue baleine. Au reste je me resjouys grandement du voyage de
M"" de Saulmaise i\ Dijon, principalement pour les intérêts de M' Ri-
gault, et puis pour l'espérance qu'il donne (bien que je double un peu
s'il en pourra desrober le temps en ce lieu la aussy commodément qu'à
Paris) d'y achever son ouvrage sur le Pline, qui meriteroit certaine-
ment d'estre bien peigné de la main de M' Rigault et ['de la sjienne.
Je suis marry que n'ayez ouvert la lettre de M' Rubens'' et vous prie
d'en user ainsin h l'advenir quand vous en recevrez pour moy de sa
pari, et do gents curieux, car je sçay bien que vous n'aurez pas deza-
grcable d'y voir ce qu'il m'escripl, oCi il entremesle tousjours quelque
galanterie digne de n'estre pas négligée. Si mon homme en peult des-
chiiïrer une coppie à temps, je la feray joindre icy, reservant l'original
pour luy respondre un peu plus h loisir, et pour ne l'exposer au dan-
ger des chemins dans l'incertitude où nous sommes encores si les des-
pescbes continueront de passer ou non. Il m'escripl de la debtention
du pauvre Seldenus que je plains grandement', et dicl que le sieur
Bosweld'' luy avoit faict feste de cez suppléments du Procope que vous
' Dëchirui'e du papier. réimprimer, recensilum iierum et auetiu:
' LeUre écrite de Londres le 9 août 1 699 Mais je voudrais bien qu'il se reofermAt dan»
et publiée dans le recueil d'Lmile Gacbet les bornes de la science, sans aller se mêler
(p. 339-a34 pour le texte italien, p. a35- h tous ces désordres politiques qui ront
a38 pour la traduction). privé de sa lil)erté, ainsi que |>Uisietirs an-
' Voici ce que Rubens écrivait à Peiresc très membres du parlement, accusés d'avoir
au sujet (le Selden : ir Vous aurez sans doute agi contre le Roi dans la dernière session.»
vu son traité De diisSyrU, qu'on vient de ' Voir sur ce personnage le tome I,
176 LETTRES DE PEIRESC [1629]
avez veuz, lesquels il luy fauldroit envoyer en tont cas, si on ne les luy
avoit communiquez en ce païs là. Il me reste à vous remercier des nou-
velles du monde, que j'ay veiies volontiers, principalement celles du
mariage de M' le baron d'Acheres', et vouldrois bien sçavoir si c'est
avec la damoiselle que M' de Préaux avoit une foys voulu espouser, ou
si c'est une aultre sœur^ souhaictant que cette alliance puisse servir à
l'aflermissement de la fortune de cette maison et à la conservation de
cette grande charge qui y est^ De cez quartiers icy nous ne vous sçau-
rions escrire que des fascheuses nouvelles du progrez de la maladie,
laquelle commance de s'estendre en divers endroictsde la ville, et faire
suitte dans les familles que l'on met dehors aussy tost qu'il y a eu quel-
qu'un de frappé. Il se fauldra enfin resouldre de gaigner la clef des
champs*, la place n'estant plus guieres tenable pour ceux qui ne .sont
pas assez robustes pour résister à des grands maulx. Car encores que
le courage n'y soit pas inutile, il ne sert pourtant de guieres, quand
les forces y défaillent pour l'accompagner au besoing. Vous verrez en
la coppie d'une lettre escripte à un de nostre compagnie ce qui s'est
passé depuis peu avec M' le Gouverneur qui ne se veult pas encores
p. 90. On lit dans la lettre déjà citée de Ru-
bens : cril y a encore ici le cavalier Gotton , an-
tiquaire , fort remarquable par la variété de
ses connaissances, et puis le secrétaire Bos-
wel, tous personnages que vous devez par-
faitement connaître et avec lesquels vous
êtes même probablement en correspondance ,
ainsi que vous prenez soin de le faire avec
tous les hommes distingués du monde. Ce
dernier m'a appris, ces jours passés, qu'il
avait à sa disposition et qu'il me communi-
querait même divers passages de l'histoire
anecdotique de Procope, touchant les dé-
bauches de Théodora, qui manquent dans
l'édition d'Alemanni, ayant été supprimés
par modestie et par pudeui- sans doute, et
qui ont été retrouvés dans un manuscrit du
Vatican, n
' Michel le Beauclerc, baron d'Acheres.
épousa (voir les Historiettes de Tallemant
des Réaux, t. I, p. 469) Marguerite, fille
de Jean d'Estampes, seigneur de Valençay.
' Je ne puis répondre à la question adres-
sée par Peiresc à Dupuy. Tout ce que je puis
dire, c'est que la baronne d'Acheres eut
deux sœurs: l'une Elisabeth, mariée avec le
maréchal de la Ghastre; l'autre. Gharlotte,
mariée avec Pierre Brusiart, marquis de
Puisieux.
' La charge de secrétaire d'Etat alors
possédée (depuis le 5 février 1626) par
Charles le Beauclerc, frère de Michel.
' Au sujet de cette locution figurée, le
Dictionnaire de Litlré ne cite que des écri-
vains venus après Peiresc, Pierre Corneille
et La Fontaine.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 177
laisser vaincro, bien qu'il se trouve assez empesché à l'exécution de ce
qu'il a dict vouloir faire. Le mal est que le peuple qui estoit sorty de
la ville, pour diminuer la matière sui- laquelle le mal pouvoit agir, et
qui se trouve espars dans les villages voisins, ou dans les granges,
parle de se venir pluslost retirer dans la ville à la mercy de la maladie,
que de demeurer aux champs exposé à la mercy des soldats, ce qui
adjonstera bien du boys au feu ', et sera pour enflammer grandement
le mal, et pour augmenter la dilliculté de trouver de quoy vivre, dans
la difTiculté qu'il y aura de faire passer à travers la soldatesque les
danrées nécessaires à ce peuple pour ses aliments. Ce qui seroit pour
produire quelques grands desordres, et pour réduire le monde à l'es-
preuve des trois fléaux tout ensemble , peste , famine et guerre , à quoy les
autheurs auroient possible au bout du compte peu d'avantage, et beau-
coup de regret et de reproches auprez du Roy, qui n'entend pas que ses
peuples soient ainsin traictez. Je crois tousjours qu'il- reviendra, et qu'il
ne se vouldra pas charger de cez reproches et sur ce je finis demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 3 septembre lôag*.
XXXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
À PARIS.
Monsieur,
Vous recevrez ce mot de lettre par les sieurs Gobert et le Jeune*,
architecte et peintre respectivement, de ceux de Fontainebleau que
' Nos dictionnaires ne donnent pas cette ' Vol. 717, fol. 79.
expression (igurëe. * On possède une lettre de Peiresc à
' Le duc de Guise, gouverneur de la irMonsieiu"Lejeune,undespeinti-es duRov"
Provence. dans le registre des minutes de Carpeiitras
II. «3
m LETTRES DE PEIRESC [1629]
le sieur Fouquiere ' avait emmenez icy, pour l'adsister à prendre le
plan et prospective ^ de la ville d'Aix, par mandement du Roy. Ce sont
des plus honnestes hommes, et des plus discrets que j'aye veu, et des
plus officieux, et reconimandables en leur vocation. Si vous pouvez faire
quelque chose pour eux selon les occasions, vous n'y aurez pas de re-
gret, quand les aurez cogneus, et prendrez plaisir, je m'asseure, de
les obliger, comme je vous en supplie, bien marry de n'avoir eu leur
cognoisçance de meilleure heure, dont je me serois mieux prevallu, et
ne les aurois pas laissé partir du pais maintenant, sans tirer de
leur main de bonnes choses, pour les desseins des mazures antiques
de cette province, mais la maladie, qui s'espand desja fort, m'a faict
faire scrupule de les y retenir. S'ils reviennent, il fauldra suppléer à ce
deffault; cependant je vous supplie de les aymer pour l'amour de leur
vertu, et pour l'amour de moy, estant tousjours.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Âix, ce i3 septembre i6a9\
XXXVIH
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Enfin voz despesches du 28 aoust nous ont osté de la crainte où
nous estions que les nostres du 7 et 1 2 ne fussent demeurées en che-
qui contient la correspondance avec les frères '' Je ne retrouve le mot prospecÙKe nulle
Dupuy (fol. 253). Cette lettre, datée du uutrepart.LePoussin,dansunede sesletlres,
1 1 juillet 1682, est précédée (fol. 2 Sa) d'une a employé la forme prospecl. Du reste le mot
lettre de la même date adressée à ff M. Engo- perspective ne semble avoir été employé
bert, vallet de cbambre du Roy à Fontaine- qu'un peu plus tard. Le Dictiomiaire de
hleaiUii. Gel Engobert serait-\\ le même que Littré ne le signale, an \vu* siècle, que
le Gobert de la présente lettre ? dans les écrits de Pascal et de l'abbé de Ma-
' Jacques Fouquières, né à Anvers en rolles.
j58o, mourut à Paris en iCSg. ' Vol. 717, fol. 81.
1629] AUX FKÈRES DUPUY. 179
min, et celle de M' de Fetan du 2 septembre nous a accusé la récep-
tion de l'aultre que je vous avois faictc du 19"'. Le reste que je vous
ay adressé est allé par voyes extraordinaires à cause de la rupture des
chemins. On mande que le Pont S' Esprit est fermé, de sorte qu'il y
aura de grands et fascheux destours <i faire à l'advenir. En mesme
temps que j'ay eu le plaisir de voir de voz nouvelles, j'ay eu une petite
mortification en ce que j'ay esté sommé de respondre, mais si à la
haste, qu'à peine me donne on le loisir de vous en accuser la récep-
tion et ne pense pas qu'on. me permette d'achever de lisre les aultres
lettres qui estoient joinctes à la vostre de M"" du Plessis ', de M' Gas-
sendi et aultres, parce que me voicy aux champs, où je suis enfin venu,
et pour ne perdre l'occasion de la présente staffette qui partira d'Aix
demain au poinct du jour, un homme qui s'y en va exprez aura de be-
soing d'employer la nuict pour y eslre à temps. La toille cirée est veniie
bien à propos, car M"^ le Gouverneur avoit envoyé un de ses gardes à
Orgon^ qui voulut ouvrir la première enveloppe de l'ordinaire tant de
Marseille que d'Aix, disant avoir le commandement pour prendre les
lettres de son maislre et les luy porter en diligence, ce qu'il ne fit pas
neantmoings aprez avoir faict l'ouverture, mais cela fut cause que la
despesche estant mise toute ouverte dans le vinaigre, il eut moyen de
pénétrer plus avant, et devant qu'elle ni'ayt esté apportée, il y a eu
encores plus de temps perdu. Ce qui est cause que le livre du Facun-
dus' a esté un peu attaint par la marge d'en bas, un coing de la toille
' On possètle dans le registre I des mi-
nutes de Cni'penlras (foi. 5i3) une lettre
écrite de Belgentier, le 6 novembre 1629,
à ttM' Duplfssis, advocat en parlement, rue
Trnversiere, prez les Cordeliers, à Paris »i.
Voir d'antres lettres au môme, du a5 oc-
tobre iCîa {ibid., fol. 5^9), du 1" août
i633 {ibid., fol. 55»), du ay mars i635
(registre IV, fol. 708), des i et 8 mars
i63G (ibid., fol. yao-yai).
' Nous avons déjh trouvé ( lettre XXXII)
le nom de ce clief-iieu de canton de l'arron-
dissement d'Arles.
' Facnndus est le nom d'un évêque d'Her-
miane (en Afrique) qui. selon les biogra-
phes, se distingua sous le règne de Jusli-
nien par le rôle qu'il joua dans les disputes
lliéologiques au sujet des trois chapitrt*.
L'ouNTage dont veut parler Peiresc est inti-
tulé : Faeundi episcopi Uermianennis Pro-
viiiciiV Africaniv pro defeiuione trium capitu-
loi-um coneilii Calchedoiiensis libri xii. Ad
aS.
ISO LETTRES DE PEIRESG [1629]
cirée s'estant brisé, mais je ie r'envoye présentement à mon relieur
pour le laver, croyant que ce ne sera rien. Dieu aydant. Aussy vous
suis je bien redevable du soing qu'il vous a pieu de prendre de me
faire voir cette pièce, qui ne peult estre que trez bonne en ce siècle là
si stérile de bons autheurs, et venant de si bonne main que celle du
P. Sirmond qui a bien opportunément prévenu les aultres qui en
avoient d'aultres coppies, et qui l'eussent possible donné bien tost, ou
ez Pais bas ou ailleurs.
Nous avions apprins comme vous des nouvelles de l'arrivée de M"' de
Thou à Rom€, d'environ par cette datte, comme vous aurez peu voir
par mes précédantes. Ses bardes sauvées du naufrage n'estoient poinct
dans une cassette ne dans un coffre, ains dans une espèce de corbeille
recouverte de cuir bouilly, qui estoit, je m'asseure, trez bon pour la
mouilleure momantanée, mais quand on y eust mis pardessus une
toille cirée, je ne pense pas que la mer n'eust tout pénétré durant dix
jours entiers qu'elle l'a tout englouttie, puis que vous voyez que la
vostre n'a pas peu absolument garentir du vinaigre ie pauvre Facini-
dus. Vous ])ouvez asseurer M"" le .lay que la Bible arabi(jue n'est pas
ainsi» mal traictée, et l'alcoran est encores mieux, car il n'y a rien
d'attaché, ne mesmes de maculé, si ce n'est dans les marges, ou fort
peu avant dans l'escriture. Il fault que le papier en fust nioings collé .
que celuy des livres coplitites, ou bien que ceux qui les ont faict seicher
au sortir de la mer n'ayent pas eu le soing de les ouvrir aussy tost
que les aultres, et de bien diviser les feuilles, tandis que la mouilleure
n'estoit ne trop grande ne trop petite, pour estre bien disposée à la
séparation. Pour les médailles, il est véritable que la courtoisie de
M' de Thou va jusques où vous dictes et iroit plus avant si elle pou-
voit passer plus oultre, tant il y a de l'excez en son honnesteté aussy
bien qu'en la vostre, dont j'ay desja tant veu d'effecls, et dont vous
me donnez tout de nouveau de si bonnes preuves, par les offres qu'il
vous plaict me faire des antiques qui vous pourroient tomber en main,
Justinianum imperatorem. Jac. Sirmoiidi Soe. lucem edili itolixque Hlmtrati. (Paris, Séb.
Jesu presbyteri cura et studio numprimum in Gramoisy, 16-29, in-8*.)
[1629J AUX FRÈHES DUPUY. 181
dont je vous remercie d'aussy bon cœur, et vous demeure aussy obligé,
que si vous m'en aviez donné des plus rares et des plus précieuses <jui
se puissent voir. Mais les mesmes loix de la courtoisie qui vous por-
tent à cez bienfaicts obligent voz serviteurs à ne pas accepter si géné-
ralement tant de choses curieuses ensemble. Ce n'est pas que je veuille
tant faire le délicat, que je ne sois trez aise d'en accepter quelques
unes, sçaicliant de combien bon cœur M' de Thou s'est daigné m'en
faire les offres si réitérées et si obligeantes. Car mesmes je ne vous
sçaurois desadvoiier, qu'il y en a qui m'ont prins par le nez comme la
nioustarde, à ce qu'on dict communément. Mais le mal est que ce sont
de celles que je faicts plus de scrupule d'accepter, crainte d'encourir
le blasme d'indiscrétion, sinon en l'endroict de M' de Tbou et au vostre,
au moings envers le reste du monde de nostre cognoisrance qui juge
sans préoccupation d'alfection. Car pour les médailles de cuivre, je
n'ay pas fait de difficulté d'en retenir j)lus d'une douzaine qui peuvent
estre plus ou moings bonnes, et toutes servir à quelque petit assorti-
timent, tel que sont ceux que me fournit ma bizarrie ', et mon goust
trop vaste. Mais l'importance est des graveures. Car si je puis un jour
venir à bout de l'inscription de l'Amethiste comme j'en ay desja des-
chiffré la meilleure partie, je pense que vous n'aurez pas désagréable
que je vous eu mande mon sentiment, ce que je n'oserois encores faire ,
crainte que vous m) trouvassiez pas mes conceptions assez bien fondées.
H y fault avoir un j)eu de repos d'esprit, que je n'ay pas encores eu
loisir de trouver depuis la première veiie. Je vouidrois bien que ce
qu'on vous mande du prochain retour de M' de Thou fut si certain,
<|u'il fust desja prez de vous, et me contenterois qu'il ne le differast
pas plus loing que le terme que vous luy donnez de la Sainct Martin.
Car je crains fort (ju'ayanl passé les chaleurs dans Rome, il n'y ayt de
la peine à l'en l'aire partir, et que pendant cela il ne puisse naislre des
dangers des chemins du costé de rAllemagne si les choses rompent
' Nous avons ili-jà vu celle expression dans le tome I, ji. 436. De iiiénie, pour la lo-
cution figurée «jiu.- nous veuons de trouver {preitdre par le uez comme la moulante), voir
le tome I, p. tgti.
182 LETTRES DE PEIRESC [1629]
comme on est à la veille, ce semble, estant passé depuis deux jours
un courrier de M"" de Crequy, pour r'appeler en diligence les trouppes
de cette Province, lesquelles on avoit faict venir autour de la pauvre
ville d'Aix, et depuis, par remors de consciance, on les en avoit tirées,
pour les envoyer à la marine oià elles ne font qu'arriver. Je n'oublie-
ray pas meshuy les lettres de feu M'' de Malerbe que j'avois envoyées
icy, en mesme temps que le coffre de M' de Thou, avec quelques
libvres et papiers pour me servir d'amusement aux champs, durant
une petite sécession. Je suis marry qu'il n'y ait chose plus digne de
voir le jour, mais c'est par obéissance que je le faicts.
Le sieur Noël' est en Provence, mais il a esté arresté en quaran-
taine à la frontière du Rhosne, où il a esté une quinzaine de jours
avant que nous l'ayons sceu, car nous luy envoyasmes incontinant des
chevaulx pour l'aller prendre avec dispense des formalitez par arrest
de la cour, mais nostre homme le trouva party comme à la desrobée
et venu au terroir d'Allençon^ oii il continoit sa quarantaine, mais je
pense qu'on l'envoyera prendre là de rechef, et qu'il se resouldra de
servir le public en cette occasion de maladie, auquel cas il sera le trez
bien venu, et fort opportunément, car depuis Imict ou lo jours, soit
pour le desordre du peuple revenu des champs à cause des gents de
guerre, soit pour le decours de la lune, tant est, qu'il y a eu plus de
80 persones frappées, et plusieurs troussées' fort soudainement. Un
conseiller de la cour, nommé de Penesfort, est enfermé etplattiné^
dans sa maison, pour s'estre sa femme trop librement laissé porter à
aller chez un sien voisin, qui est depuis mort de la maladie, bien que
les médecins eussent longtemps opiniastré que ce ne l'estoit pas. De
mesmes que M'' le Prévost Marchier, de qui le lacquay avoit esté mis
' Le médecin dont il a été question un ' Sous le mot trousser, employé dans le
peu plus haut. sens d'enlever, de tuer, le Dictionnaire de
' Sic. Faut-il lire Alleins, nom d'ime Littré ne cite que des écrivains d'une époque
commune du département des BoucUes-du- postérieure , Dancourt et Voltaire.
Rhône, arrondissement d'Arles, canton * Le mot p/aHin«r n'est donné dans aucun
d'Ëyguières, près de Lamhesc? de nos dictionnaires.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 18S
en lieu séparé de l'infirmerie comme ayant auitre mal que la peste,
et a esté assez lonjjtemps en estât, qu'on le tenoit pour exempt tout à
l'aict non seulement de ce venin, mais aussy de danger de mort, et
toute foys depuis deux jours il a eu d'aultres accidants plus malins,
qui font attribuer les commancements à la maladie, dont j'ay esté bien
fasché, car on estoit à la veille de finir la closture de son maistre, qui
ira à la quarantaine entière, si ce garçon empire tant soit peu. On
n'a pas icy faulte d'hospital ne de gents pour y servir et traicter les
malades, à quoy on espargne si peu, qu'il y a desja plus de ta mille
escus de despendus par le corps de ville. Mais c'est que le mal de ce
païs ne ressemble pas si fort celuy de Paris, non plus que nostre
soleil n'est pas le vostre si absolument que les effects n'en soient
grandement diflerants. Ce qui me faisoit ne pas négliger l'Histoire na-
vale de Rivius, estoit en partie le nom de l'autheur, qui a tesmoigné
ailleurs de bonnes intentions, et en partie l'espérance de la continuation
jusques aux derniers siècles, qui sont principalement ceux qui peuvent
estre à désirer de sa main. Je vous remercie trez humblement du soing
qu'avez eu de me recouvrer l'Herveus de Motu cordis,et leClaromon-
tius\ mais si l'Herveus pouvoit passer soubs l'enveloppe de la poste,
il seroit bien plus à désirer que l'aultre, lequel, allant contre mon sens,
et, si je ne me trompe, contre le sens commun '^ ne peult pas gueres
bien réussir à mon advis. Le livre du P. Sirmond ' ne passera pas les
monts de ma part, puis mesmes qu'il est desdié à Home. Ce seroit pes-
cher contre la discrétion, et en ce temps icy, je ne sçay si on prendroit
plaisir qu'on leur adressast des livres de ce païs icy et spécialement de
la ville d'Aix tant que j'y ay esté pendant le mal. Je vous remercie en-
core» trez humblement du soing que vous daignez continuer pour le
Théophile, et des nouvelles de Vesel, que je tiens grandement impor-
tantes, et bien employées à cez gents qui au lieu de se deffendre vien-
nent troubler le gros de la chrestienté et obliger nostre Uoy i\ repas-
' Les livres df'jà mentiomids de Giiillnnine ment était aussi jmle que vÏTeraent ei-
Harvey et de Scipioii Chiarainonti. priiut'.
" Peiresc ne se trompait pas et son juje- ' L'éditionihitrailrfdeFévêqueFacundus.
184 LETTRES DE PEIRESC [1629]
ser les monts pendant ce temps de maladie, qui est si généralement
espandiie. Mais Dieu le garantira et confondra ses ennemis, et je de-
meureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peibesc.
A Boysgency, ce 16 septembre 1639.
Je VOUS supplie de faire mes excuses à cez Messieurs si vous les
voyez, attendant que par le prochain ordinaire je puisse mieux satis-
faire à mon debvoir.
J'oubliois de vous dire que l'on tient qu'il y a eu un accez de la ma-
ladie dans l'Hostel Dieu d'Avignon, et deux dans Pertuys, qui est à
trois lieues d'Aix S ce qui faict grandement craindre que le mal ne soit
gênerai.
J'envoye ma despesche à Aix, sans clorre l'enveloppe, pour y ad-
jouster les lettres qui y pourroient avoir esté apportées pour les amys
en mon absance, si aucunes en y a^.
XXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Aussytost que je fus retiré à la campagne en nostre petite maison \
je ne faillis pas de vous en donner advis, mais depuis je n'ay peu
' Pertuisest un chef-lieu de canton du sa jwftJe maiso». C'était , au contraire , une très
département de Vaucluse, dans Varrondis- belle maison, presque un château, comme
sèment d'Apt, à 7a kilomètres d'Avignon. ie prouve une gravure d'Israël Silvestre qui
' Vol. 717, fol. 81. fait partie de la magnifique collection de
' C'est par modestie que Peiresc parle de M. Paul Arbaud (à Aix en Provence) et qui
I1629J AUX FRÈRES DUPUY. 185
continuer iiosln; petit commerce de lettre», tant pour un peu d'indis-
position que j'avois apportée de ia ville (que je ne pou vois vaincre,
selon l'advis des médecins, sans m'abstenir de toute sorte d'exercice de
l'esprit), que ])our avoir esté sevrez de la commodité de recevoir et en-
voyer des lettres du coslé d'Aix, afin de laisser en repos les esprits de
cez peuples de deçà, qui appreliendoient que ce commerce l'ust capable
d'altérer le bon estât de leur santé, et s'imafjinoient (fue cela leur
pouvoil apporter la maladie dont la jalousie les tenoit en de si grandes
delliances, qu'encores que je me lusse renfermé dans l'enclos de nostre
parq, et que je m'abstinsse, et tous les miens, de toute communication
avec ceux du village, les aullres voisins n'ont pas laissé, deux ou trois
foys, d'interdire ce village icy de tout commerce avec eux, ce qui a
bien donné de ia peine à restablir^ et a fallu enfin que j'aye achevé une
quarantaine toute entière dans cette continanro. Mais depuis que je
l'ay achevée, la cour de Parlement avant esté constraiiite de céder à la
\iolance du mal de la pauvre ville d'Aix, et s'estant retirée à Sallon ',
nous avons trouvé le moyen par voyes indirectes de faire venir de là
les despesches qui estoient venues de vostre part quasi toutes en-
semble, tant le desordre est grand sur le chemin, tout infecté au long
delà rivière du Rhosne. Cependant je me suys trouvé Dieu mercy fort
bien remis. à ce bon air natal, où j'ay recouvré plus de vigueur que
n'en avois eu de longtemps, et y ay reparé grandement les foiblesses
cl aultres iiicommoditez d'une espèce d'oppression de poitrine et d'un
grand desgoust qui me travailloient depuis quelque temps, de sorte
qu'à quelque chose malheur a esté bon. car sans cette occasion je ne
représente sa maison de Belgealier et ses (96 octobre 1699-1" septembre jOSo) du
admirables jardins tels qu'ils existaient dans parlement ou, pour mieux dire, de la pre-
ia seconde moitid du xvn' siècle, quand ils mière chambre du parlement, car l'autre
appartenaient «u baron de Rians, le neveu chambre, sous la conduite du président de
de i'eiresc. Coriolis, sieur de Corbièi-e. se relira à
' Salon est aujourd'hui un chef-lieu de Pertuis, voir les C'Aro«iV/«e« de la vUle de
canton du département des Bouelies-du- ^/on, par l^ouisGimon (Aix, i88»,in-8*,
Rhône, dans l'airondissement d'Aix, h 33 ki- p. 477-678).
lomètres de cette vdie. Sur le séjour à Salon
186 LETTRES DE PEIRESC . [1629]
sei'ois pas icy, ou du moings je n'y aurois pas peu faire tant de sesjour.
Le principal est que j'y ay recouvré l'appétit, qui me donne plus de
moyen de me fortifier en peu de jours, que je ne ferois dans un long
espace de temps sans cela. Je ne m'y suis amusé durant toute la qua-
rantaine et au delà qu'à jardiner et à restablir du plant, au lieu de
celuy que le froid nous avoit tiié l'année précédante parmy noz orangers.
En sorte que si cet hyver icy n'est trop rigoureux, j'espère que ce lieu
aura bientost recouvré sa première gentilesse'. Et nostre présence ne
luy nuira pas pour faire conserver ce nouveau plant, tandis que le peu
qui restoit du vieil nous donne encores quelque satisfaction, noz
jossemins^ d'Espagne estants encores à présent touts couverts de Heurs
au long d'une allée de 60 toises qui en est bordée en palissade et
nostre parterre de niyrthe ayant une odeur un peu plus agréable que
ceux de bouys^ dans voz quartiers; il est accompagné d'une bordeure
d'orangers de la Chine, qui l'enrichit grandement, et qui est réussie
beaucoup mieux que nous n'avions espéré lorsque nous la fismes planter
et bazarder comme chose que nous n'osions nous promettre de con-
server guieres longtemps, et toutefoys cette race de plant a mieux résisté
au froid que les aultres du pais, et faict une verdure beaucoup plus
noble, dans laquelle les fleurs et les fruicls paroissent beaucoup plus
que sur les aultres. Nous y avons aussy faict mettre en terre afîorce .
belles tulipes, narcisses, liyacintbes, anémones et aultres plantes
curieuses, et y avons eu jusques à cette heure en fleur le Jossemin
jaulne des Indes, qui a l'odeur beaucoup plus suave que l'aultre.
Maintenant j'ay faict porter dans ma chambre, pour esviter les rosées
malignes, un pot de l'Hyacinthe tubéreuse des Indes, qui embaulme
toute la maison, et qui est pour durer encor en fleur plits de trois
' Peiresc écrit le mot conformëment h «La prononciation bouts est un provincia-
l'ortbpgraphe de la langue provençale : geii- lisnie et contraire au bon usage. C'était l'in-
tileza. verse du temps de Ménage, qui remarque
' Ronsard écrivait josmin et Olivier de que bouts est la prononciation de la Cour et
Serres jessemin. la bonne, et buis celle de la province.» Dans
' Olivier de Serres, lui aussi, écrivait ftoMi.? leDiciionMa/rede Richelet(i759)on renvoie
pourims. On litdansleDicij'wmajredeLittré: .de Buis h Botiis.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 187
semaines ou un nioys, comme il fit l'anni^e passée, ayant faict ses pre-
mières fleurs en juillet et aoust, et poussant maintenant comme une
seconde saison automnale, dont les fleurs durent beaucoup plus long-
temps sur le pied qu'en esté, et semblent plus estimables pour le peu
d'aultres fleurs qu'on a en celte saison. Enfin il ne manque pas de
ranuisement à un faysneant tel que l'ay esté depuis près de deux moys
en çà. Mais j'espère que si j'ay reculé, j'en pourrav un peu mieux
saulter, comme on dict', et en auray Dieu aydant à l'advenir tant plus
de moyen de m'acquitter de mon debvoir envers nos bons seigneurs et
amvs et surtout envers toute vostre maison, qui est ce que je doibs avoir
plus à cœur, vous estant si redevablecomme jesuis,et me trouvant tous
les jours engagé en de nouvelles obligations que vous ne cessez jamais
d'acquérir sur nous avec tant de surabondante courtoisie, et avec tant
de sollicitude et de peine, que je suis tout confus, voyant bien que je ne
sçaurois avoir de quoy vous en rendre jamais de revanche qui vaille,
jie qui ayt de la proportion avec ma redevance. Mais vous seriez bien
moings contant si vous aviez moings d'advantage sur vos serviteurs,
que vous voulez tousjours tenir comblez de voz faveurs et gratifications.
C'est pourquoy il vous fault laisser vaincre, et attendre patiemment les
moyens que Dieu nous vouldra donner, de vous tesmoigner au moings
nostre recognoiscance et nostre bonne volonté.
Les despesches qu'on nous a faict tenir de voz quartiers depuis celle
du 28°'*= aoust, que je vous avois accusée , sont du 6,11.18 et 9 5 sep-
tembre, et du a octobre, et sont venues assez bien conditionnées pour
estre passées par le vinaigre pour le moings deux foys cbascune en
divers lieux. Mais les libvres du sieur Berger'^ contre les duels', et du
' Le Dictionnaire de Liltré cite, au sujet
de celte locution. Le Pédant joué du Cyrano
de IJerjjerac et le Don César d'Avalos de
Tiionias CurDeille.
' Peiresc a écrit Bei-gei- pour Bergère.
Jacob de (Jassion, seigneur de Bergère, fut
n)an<c))al des camps et arnires du roi, lieu-
tenant de la ville et citadelle de Coudrai,
et mourut & Paris en 16A7. C'était un OU
du conseiller d'Etat Jacques de Gassion et
un frère du maréchal Jean de Gassion. né.
comme lui, à Pau. Voir ce que Tallemant
des Réaux raconte de Bei^eré dans l'histo-
riette sur le maréchal (t. IV, p. i8t>-i88).
^ Invective ou discours satyrique contre
les duels (Paris, I.ibert 16*9, in-8*).
th.
188 LETTRES DE PEIRESC [1629]
jesuitte de Reims', sont demeurez entre les mains de M' INoel, qui
est venu laire sa quarantaine à deinye lieiie d'icy, de qui nous les reti-
rerons quand il l'aura achevée, car ils avoient esté si mal traictez à la
première trempe du vinaigre, que tout l'ust demeuré en pièces, s'il les
eust fallu retremper une seconde foys. Cependant nous avons eu touts
les aultres papiers, où nous avons prins \in bien agréable divertis-
sement, car nous en estions bien alJ'amez, durant tant de temps que
nous en avions esté sevrez. Le pis est que je crains grandement que nous
n'en soyons dezhorsmais frustrez possible tout à faict, ou pour long
temps. Car bien que mesbuy il ne soit plus de besoing que les des-
pesches aillent passer par Aix où il n'y a plus de commerce du tout,
elles courront neantmoings grande fortune de Sallon seulement jusques
icy, parce que les villages d'entre deux commancent à s'infecter, et
perdre le commerce, de sorte que pour aller d'ici là, il fauldra aller
faire de grands destours. Je suis pourtant aprez d'establir un petit com-
merce à la desrobée, par des larjuays d'icy à Rians une foys la semaine,
et d'aultres delà à quelque village prez de Sallon, auquel M"' le Premier
Présidant ou M'' d'Agul me pourront envoyer les lettres par quelqu'un
des leurs soubs les précautions du vinaigre. C'est pourquoy il sera
nécessaire que par cy aprez mes lettres viennent soubs une enveloppe
à M"" le premier présidant d'Oppede, qui me promet de prendre le
soing de me les faire tenir, ou du moings il fauldra mettre une petite
apostille à un coing de la suscription de mes pacquets pour les recom-
mander à mon dict sieur le premier présidant d'Oppede et à M"" le
conseiller d'Agut. Et alin qu'il le face avec moings de regret, si vous
trouvez bon de faire mettre (jueKjue petit feuillet de nouvelles soubs
la dicte enveloppe hors delà mienne, il y prendra grand plaisir, sans
vous astraindreà luy escrire. Mais pour estre plus asseuré, il lauldroit
envoyer voz despesches à M"^ le Pelletier, qui les feroit mettre sous
l'enveloppe de celles du Roy et de M' le Reauclerc; aultrement ce sera
grande merveille s'il ne s'en perd quelques unes. Car le maistre de la
' Le P. Le Moyne, déjà piiiKÏeiii'g fois mentionné.
[1629] AUX FRKRES DUPUY. 189
poste d'Aix qui est de mes amys n'exerce plus, à cause d'un accidant
de peste qui survint chez luy, et qui fit remettre ses chevauix à un
auitre qui n'entend rien à ce niestier. Et je ne st^ay s'il se sera soucié
de transférer son bureau à Sallon, d'aultant (ju'il sembloit s'eslre lassé
de la vacation, et hors de luy je n'ay personc là à (|ni je voulusse confier
mes lettres, si ce n'est M'' h; Premier Présidant et M'd'Agut tant qu'ds
y seront. Que si la guerre d Italie, dont on parle, faisoit passer les cour-
riers du Moy dans cette province, comme M' de Fctan me le mandoil
dernièrement, l'adresse du dict sieur de Fetan sulTiroit, mais il fauldroit
que les despesches fussent adressées au sieur Henest, maistre de la poste
du lieu de Tourves, qui n'est qu'à quattre lieues d'icy, sur le grand
chemin d'Italie', car il est fort de mes amys, etaprez les avoir receiies
par le vinaigre me les feroil tenir icy bien seurement. Je luy en es-
criray un mot, et le prieray de vous en donner advis, afin (pie cela
manquant, vous recouriez, s'il vous plaid, à M' le Beaurlerc ou M' le Pel-
letier, avec l'adresse de M' le Premier Présidant à Sallon. Et sur le dos
du papier des nouvelles, vous pourrez cotter que c'est pour m'estre
envoyé avec le paquet y joinct, à cette (iti (|u'il ne le retienne, et qu'il
suffise d'une seule coppie pour luy et pour moy. Auquel cas il n'y auroit
pas de (langer d'envoyer quérir Quenlin tous les mardy matins, pour
transcrire les dictes nouvelles sans vous en donner la surcharge, ou bien
'un jour à l'advance pour avoir loisir de faire tenir vostre despesche à
mon dict sieur le Beauclerc. Si j'estois asseiiré que M'd'Aglit tinst pié à
Sallon, je luy ferois volontiers mes adresses parce qu'il est fortofiicieux,
et fort exacte à obliger ses amys, et auroit plus de soing que M' le
Premier Présidant de m'envoyer exprez de ses laquays; mais je me
double qu'ayant servy quelques moys, il vouidra s'aller reposer aux
cliampsà son tour; maintenant que la cour ne peult pas faire de grand
travail, hors de quelque cause criniinclle où Ion na que faire de moj,
ou bien de quelque exécution de règlements, oh trois persones peuvent
aultant faire que cinquante, c'est pour»(uoy je ne me hasleray pas tant
' Aujourrrhiii commune du di'pnrlcinnnl du Vnr, iirrondisseraenl et ranton de Brignolefi.
à I -1 kllomèti-os de ceUe ville, h 58 kilnmèlres de Di-ngiiigiinii.
190 LETTRES DE PEIRESC [1629]
d'aller servir à Salion, pour fortifier de tant mieux ma foible santé,
laquelle avoit certainement besoing de ce peu de relasche.
Vous aurez possible apprins que tant que la dicte cour de Parlement
trouva de quoy espérer d'apporter du remède en la ville d'Aix, elle y
tint pied vertueusement pour y establir de bons ordres, mais au de-
cours de la dernière lune, y ayant eu des journées de cinquante per-
sones mortes ou frappées de la maladie, manquant toute ressourcée la
prudance humaine, ils firent une procession solemnelle avec touts les
reliquaires, sans y souffrir aulcun concours ne suitte de peuple, et aprez
résolurent soubs le bon plaisir du Roy leur translation en la ville de
Salion, qu'ils choisirent comme la plus commode, pour de là pouvoir
secourir les villes d'Aix, d'Arles, et si le malheur le portoit ainsin,
celle de Marseille , car elle est comme au centre d'icelles. Et partirent
d'Aix en corps le jeudy 2 5'"'= du moys passé, non sans un grand des-
plaisir de ce peu de monde qui restoit à Aix. Et envoyèrent un Pré-
sidant à Pertuys, pour avec ceux de la compagnie qui estoient delà la
Durance tenir une chambre par forme de grands jours sans plus grand
ressort que de ce qui est delà la rivière avec Digne. Messieurs des
Comptes, ayant apprins que plusieurs de leur compagnie sestoient
jetiez dans la ville de Toulon ou ez environs, où ils avoient esté re-
ceus les uns après les aultres aprez avoir faict leurs quarantaines par-
ticulières, leur envoyèrent commission expresse, pour y ouvrir leur
séance, et y firent couller un de ceux qui avoient preste le serment à
la Saint Denys dans Aix, pour recevoir le serment du Doyen (qui s'y
estoit retiré longtemps devant), lequel par aprez receut le mesme ser-
ment de tous les aultres, et y présida. Mais M'' nostre Gouverneur en
fut si fasché, qu'il fil oster l'entrée et le commerce de Toullon dans
Marseille, et puis voyant que cela ne satisfaisoit pas à ses sentiments,
s'en vint en persone à Toullon disant que c'estoit pour faire sortir de
là Messieurs des Comptes, lesquels enfin seront possible constraincts de
chercher retraicte à Brignole^ ou ailleurs. Le Prince maintenant se
' Chef-lieu d'arrondissement du département du Var. ■•
[1629] AUX FREKES DUPUY. 191
picque do peu de chose; l'aullre jour dans Marseille, lors de l'élection
des Consuls ou Eschevins, il se rendit en l'Hostel deVille, et sur quelque
bruict qui se faisoit hors la porte du dict Hostel de Ville, il sortit et
donna des coups de plat d'espée à un qui tranche du gentilhomme
bien que filz d'un marchand, dont il faillit à y avoir grand bruict, car on
commença à crier tue tue, et grande quantité de peuple saulta aux
armes, y ayant eu une espèce de miracle qu'il ne s'en soit ensuivy
quelque grand excez. On avoit dict que sa venue à Toullon estoit pour
y faire embarquer le régiment de Rambures, qui y estoit descendu de-
puis peu, et pour le faire passer en Italie, mais il n'y a gueres d'aj)-
parance, car le passage luy eust esté plus aisé du costé de Suse tandis
qu'il estoit à Sisteron. Si cela est qu'on les embarque, je m'imagine
que ce sera pour les jetter aux Isles d'Ieres, afin d'y empescher une
descente de l'Hespagnol, maintenant que l'on faict plus de bruict que
devant de la guerre d'Italie, où l'on dict estre entré grand nombre de
trouppes Allemandes, et que tout le Monlferrat est de rechef occupé
excepté Casai, oi!l M' de Toiras' s'est retiré y ayant eu quelque conflict
à Alessandria de la Paglia^ mais cela n'est pas creu absolument, parce
que la nouvelle vient de la part d'un personage qui prend plaisir de
dire des mensonges.
On me vient de dire que Messieurs des Comptes ont faict arrest,
portant surceance pour un moys de toutes affaires, pendant lequel
temps ils disent avoir à travailler pour le Roy, et que cela aura aul-
cunement satisfaict M' le Gouverneur; ils en auront esté quittes à
bon marché, si moyenant ce ils peuvent se maintenir dans Tollon, car
aussy bien y a il surceance au Parlement de toutes affaires particulière
hors le criminel et la police. D'Aix nous ne voyons pas de nouvelles
• Nous avons dt^jà rencontré dans le Tanaro, à 80 kilomètres «le Turin. On prt^
lome I le nom de Jean de Saiiit-lJomiel, tend que ren)|K;reiir Friîdéiic iSarberousse
seigneur de Toiras, qui allait bientâl rece- opi)cla par dérision ceUe ville Altxandrie Je
voir le bâton de maréchal de France pour la Paille, parce que ses murs n'ëlaient
sa magnifique défense de Casai. formés que de paille et do bois enduits de
' Ville du Piémont, sur la rive droite du terre.
192 LETTRES DE PEIRESC [1629]
beaucoup pires que devant, attendu qu'il y a si peu de inonde, que ie
mal ne trouve quasi plus de matière sur quoy il puisse agir. Il n'y a que
le pauvre Assesseur des consuls de la dernière année, qui s'est laissé
surprendre au mal, et dict on qu'il a esté bien tost despesché, et que
cela est arrivé dez le dernier jour de consulat qui expiroit le jour de
la Toussains, ce qui aura donné grande terreur dans la ville.
Or pour respondre à voz lettres en destail , j'ay receu et veu avec
un indicible plaisir la coppie de la lettre de M"^ Rigault à Me' le car-
dinal Barberin, ayant esté infiniment aise d'entendre que le différent
eust desja esté jugé à Rome en sa faveur, où la présence de M"^ de Thou
ne luy aura pas nuy. Il fault advoiier que c'est un bel esprit, et que
son style a des rares délicatesses, et son génie un grand advantage pour
persuader. J'ay honte de la peine qu'il a daigné prendre luy-mesmes
pour transcrire de sa main cez petits fragments du Michael Attaliota,
derrière le Theodorus Hermopolites, et luy en suis bien redevable quant
et vous, ayant grand regret de la peine que vous donne ce Théophile',
ou plus tost Vitray, dont je pense qu'il seroit bon de dire un mot à
M' le Jay qui l'emploie à cette Bible, aux 0ns que s'il estime que cez
deux ouvrages soient incompatibles, on ne s'attende plus à Vitray;
sinon, qu'il interpose son authorité et son intervention, luy qui est
plus souvent chez luy, pour le luy faire entrepreiidie. Il aura peult
estre bien à parler à nous dez hors mais, car j'attends d'heure à aultre
de Marseille une grammaire samaritaine que l'on m'a apportée de Le-
vant, et à laquelle j'avois faict l'amour il y a une vintaine d'années^,
l'ayant eiie lorsque je n'y esperois du tout rien. L'importance est que
l'on m'a achepté en mesme temps, et par un bien plus grand heur, un
Pentateuque en trois langues, escrittes par colonnes è regione l'une
de laultre, toutes trois en caractères samaritains, et toutefoys en langue
hébraïque, samaritaine et vulgaire antienne que les uns jugent Ara-
bique, les aultres Syriaque, pour la meslange qu'il y a des termes de
l'une et de l'aultre. Mais pour me laisser de la mortification parmy le
' LiC Théophile d'Auuibai Fabrot. — ' Cbarniante expression bien digne de celui qui eut
à un s( haut degré la passion des livres et des manuscrits.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 193
plaisir de celte acquisition, ceux qui en avoient la charge n'ont pas eu
assez de resolution pour me l'envoyer en mesme temps que la gram-
maire, soubs prétexte de quelques feuillets d'imperfection sur la fin,
qu'ils font transcrire d'un aultre exemplaire imperfect quasi partout,
excepté aux lieux qui defTailletit eu l'aultre, et lequel ils eussent peu,
je m'asseure, achepter avec la mesme facilité que l'aultre pour les en-
voyer tous deux ensemble, ou plustost ils debvoient faire marquer les
lieux imperfects, pour les faire suppléer à loysir, sans retardation ' de
l'envoy de mon original. Il fault prendre de la Providance divine tout
ce qui luy plaict, et louer Dieu encores quand nous n'aurions que la
grammaire qui est arrivée en cette cosle sur une barque qui passa hier
devant Tollon avec fort beau temps pour se rendre à Marseille, où j'ay
despesché en diligence, pour recouvrer ma caisse dans laquelle on
m'envoye par mesme moyen un nouveau testament en Syriaque, un
volume de conciles Grecs m[anu]s[crit] qu'on dict estre bien beau, et un
libvre Arabe grandement ancien et aultres choses, mesmes afl'orce mé-
dailles antiques et aultres curiositez, qu'il me tarde bien de voir. Tant
est qu'il y aura, je m'asseure, de quoy donner de l'exercice au R. P. Mo-
rin , pour qui je ne manqueray pas d'escrire au sieur Pietro délia Valle
par la première commodité concernant sa Grammaire égyptienne puis
qu'il le veult ainsin, bien qu'il y ayt, je m'asseure, beaucoup plus de
crédit que moy. J'oubliois de vous dire que l'on m'escript de Levant
que cez barbares qui firent courir tant de fortune à M' de Thou prez
de Nazareth '\ y rançonnèrent celuy qui s'estoit chargé de mon ar-
gent pour y faire toutes ces employtes, lequel hors quelques basto-
nades en fut quitte assez à bon marché Dieu mercy, mais qu'aprez le
despart de M' de Thou du païs, il fallut que pour expier l'arquebusade
tirée par son homme, le couvent de Saint-Salvadour en payast cent
piastres au Bascha de Napoulouse'. Vous verrez icy les dernières nou-
' Sous le mot retardation le Dictionnaire ' Aujourd'hui Nasra , dans la province de
de Littré cite seulement un écrivain du Galilée, à i3o kilomètres de Jérusalem.
XVI* siècle (Ambroise Paré) et deux écrivains ' Naplouse, ville de la Turquie d'Asie,
du xvni", Buiïon et Bailly. dans le pacbalik de Damas, h 60 kilomèU-es
11. •i
194 LETTRES DE PEIRESG [1629]
velles que nous avons eiies d'Algers. Je crois que vous aurez depuis
faict rendre chez M' Guittard les papiers qui luy estoient adressez pour
les luy faire tenir à Fontainebleau, où il s'estoit arresté.
Je n'eusse pas jugé que la lettre du Roy de Perse eust esté du det-
funct\ si vous ne me l'eussiez mandé, d'aultant qu'il sembloit qu'il
n'eust jamais escript au Roy^, si je ne me trompe, car je ne l'ay pas
reveiie depuis, ettoulefoys, l'an 1601, je pense que l'Ambassadeur de
Perse qui passa en France et en Angleterre j)orta des lettres du mesme
Prince au feu Roy, et me sembloit avoir ouy dire qu'il avoit escript
au Roy à son advenement à la couronne.
J'ay prins grand plaisir à ce peu que j'ay veu du Facundus du
P. Sirmond, et serois bien aise de sçavoir les noms des aultres au-
theurs qu'il a sur la presse, s'il est loisible, car je sçay bien qu'il n'est
peult estre pas aisé de l'apprendre tant il aprehende d'eslre prévenu
en ses desseins. Je suis marry de n'avoir veu le P. Dominique des
Carmes^, et son beau recueil d'inscriptions; il fauldra que le temps
nous en donne un jour la communication, s'il se peult resouldre de les
donner au public. On m'en envoyé quelques unes de Levant qui ne
sont que des colonnes miliaires de la VIA ANTONINIANA de Cara-
calla prez de Sayde^ et Barut^, dont je ne manqueray pas de vous faire
part en son temps. 11 me reste à vous remercier du soing qu'il vous a
pieu de prendre de me faire transcrire les funérailles de feu Madame"^.
11 est vray que j'en avois une relation , mais celle cy sera vraysembla-
blement différante de la mienne , puis que vous dictes que M"" de Lo-
menie l'avoit fraischement recouvrée, et quand elle seroit double il n'y
de Jërusaleni. C'est l'ancienne Sichem qui d'Aix, lei"niaii634(r«gi«treIV, fol. 66a).
de\int ensuite Neapolis. ' SurSaide ou Seide (l'ancienne Sidoti),
' Abbas I", mort, comme nous l'avons voir le tome I. p. ^i4a.
vu, en i6a8. ' Ba«ro«<ouBeî/ro«(A, ville de la Turquie
' Au roi Louis XIII. d'Asie, en Syrie, à 100 kilomètres de Damas.
•' Peiresc a écrit deux lettres an P. Do- " Marie de Bourbon, duchesse de Monl-
minique de Jésus , canne déchaussé : une pensier, puis , par son mariage avec Gas-
d'Aix, le» 1 août 1638 (registre III des Mi- ton, duchesse d'Orléans, morte le 4 juin
nutes de Carpentras, fol. 167); l'autre 1697.
[1629]
AUX FRERES DUPUY.
195
auroit pas f rand inconveniant. Je m'imagine que M«"*" le Prince', qui a
eu le soing de rendre tant d'Iionneurs à feu Madame la Princesse sa
mere'^ vouldra par mesme moyen que la cérémonie en soit escripte,
et qu'un cliascun la puisse voir. Et je seray bien aise de l'avoir aussv
en son temps, s'il s'en faict rien par escript comme je n'en double
poinct. Les advis de Madrid, de Milan et de Modena estoient bien
curieux, je vous en remercie de tout mon cœur, et vouldrois bien
avoir de quoy vous en rendre quelque revanche, yant admiré la
resolution de ce pauvre Duc de Modena, beaucoup plus que celle
de M"" de Ventadour, que nous croyions estre allé à l'oratoire', mais
à ce que je voids, puis que Madame sa femme* a affecté d'entrer
aux carmélites d'Avignon, qui ne recognoissenl pas les PP. de l'Ora-
toire, comme celles de France, il a voulu par mesme moyen choi-
sir ceux de l'oratoire d'Avignon, qui font aussy bande à part* de
tout le reste du Royaulme, et qui se sont rendus religieux formels,
soubs la primitive dénomination de Pères de la doctrine chrestienne,
instituée parle Beat* P. Bus"" dont on monstre le corps comme une mer-
veille pour estre si conservé comme il est sans avoir esté embaumé*.
Il me reste à vous remercier comme je faicts trez humblement des
bonnes nouvelles qu'il vous plaict me donner de l'arrivée de Monsieur
' Henri II do Bourbon , prince de Condë.
' GliarloUe-Calherine de la Tnimoille,
seconde femme de Henri I" de Bourbon ,
morle le 98 août lOay.
" Sur Henri de Levis, duc de Ventadour,
voir le tome I, p. 695. D'après l'article Levis
du Dictionnaire de Moréri , le duc de Venta-
dour devint (rchanoine de l'église de Paris».
' Liesse de Luxembourg, fille de Henri,
duc do Luxembourg, et de Madeleine de
Montmorency, dame de Thord.
' Litlré ne fait suivre ces mots d'aucune ci-
tation [kB(tnde) et il ne donne (à Port)qn'une
phrase de Bossuet où le mot secte remplace
le mol bande.
' Beat pour bienheureux.
' Gësar de Bus, né h Cavaillon le 3 fé-
vrier 1 56i , fonda la congrégation de la Doc-
trine chrétienne en 1 Sgi , et mourut à Avi-
gnon le i5 avril 1607. Voir une excellente
notice sur César de Bus dans le Dicùonnaire
histor. , biogr. et bibliogr. du département de
Vaucluse, par le docteur Barjavel (t. I,
p. 3o3-3o8).
' Le P. Théophile Haynaud, dans son
traité De incorrupt. cadaver., p. sA6-r)So,
signale l'état d'incomiplion dans lequel on
trouva en 1608 le cadavre de César de Bus.
et en conclut que celni-ci était saint.
a5.
196 LETTRES DE PEIRESC [1629|
le Grand, maistre des Requestes, dont je me conjouys de bon cœur
avec vous, et avec toute l'Académie, comme du recouvrement de l'un
de ses plus dignes supports, vous suppliant de m'entretenir en l'hon-
neur de ses bonnes grâces, comme son plus desvoiié serviteur. Il vous
debvoit bien porter des nouvelles du pauvre M' Samuel Petit. Je n'ay
encores eu aulcun moyen d'entreprendre aulcun travail ; c'est pour quoy
les lettres de M"' de Malerbe sont encores demeurées en arrière; aussy
bien n'avions pas maintenant de commodité de les vous faire tenir,
mais ce sera Dieu aydaut la première occupation que je prendray et
ce seront les premiers papiers que je manieray. Vous en pouvez asseurer
M' Granier, et que je suis son serviteur. Cette maladie nous est venue
Tort mal à propos; car j'eusse eu de bonnes pièces, de M' le Marquis
d'Oraison, de M" d'Espagnet\ et de M' le Premier Présidant, qui
s'excusent sur l'incommodité du temps présent. Sur quoy je finiray de-
meurant,
Monsieur,-
vostre trez iiumble et irez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Beaiigentier, ce 7 novembre 1629.
On me vient de mander de Marseille qu'un P. Observantin venu de
Rome asseuroit que M' de Thon s'en revenoit par icy, et qu'il y deb-
voit estre dans sept ou huict jours. Je serois marry des incommoditez
qu'il trouveroit sur les chemins du Rhosne, où tout est en piteux estât,
mais je serois merveilleusement aise de le pouvoir gouverner icy quel-
ques jours en plaine liberté, bien que destitué de l'entretien de mon
' C'était Marc- Antoine d'Espagnol, né à (t. I, p. 35 1), composa en son honneur une
Aix le 17 juin 1545 , mort en la même ville pièce de vers intitulée : Sur le trespas et le
le a septembre i6ai. Il fut conseiller au tombeau [dans la cathédrale de Saiut-Sau-
parlement de Provence, comme l'avait été vcur] de feu Monsieur Marc-Antoiiie d'Es-
son père. C'était un grand ami de Malherbe pagnet, sénateur très magnifique, conseiller
et de César de Notredame. Ce dernier, ou parlement, le phénix des amys et des
comme le rappelle l'auteur des Rues d'Aix hommes.
[16i29] AUX FRÈRES DUPUY. 197
cher cabinet', el le conseiHerois de passer droict à Sisteron et Gre-
noble, où il y a nioings de danger, et de prendre des besles de somme,
pour empoi'ter son colTre et celuy de M' Aubery, avec vostre caisse, telle
que nous la pourrions refaire. Si les livres de Levant arrivent, comme
je l'espère, je les luy consignerois volontiers. Je ne suis en peine que
de voir si les dicts livres respondront à l'opinion qu'en ont prinse ceux
qui me les ont procurez.
Je pense que cette despesche sera portée par un gentilhomme de
M' le General des Galères nommé M' de Bailiibault, qui doibt partir
demain de Toullon pour aller en cour où je l'adresseray à M' le
Beauclerc^
XL
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Nous n'eusmes pas le moyen de nous prevalloir de la commodité du
passage de M"" de Bailiibault en cour ainsin que nous pensions pour
vous faire tenir la despesche que je vous avois faicte sur cette espé-
rance, parce que inopinément le commerce nous fut interdict sur ce
poinct là, pour divers accidanis arrivez en divers lieux autour d'icy qui
donnoieiit des soubçons de la maladie, et (|ui pourtant n'ont esté la
plus part que terreurs paniques, et faulx ombrages, si ce n'est pour les
lieux du Gastellet' et de Tourves, qui ne sont l'un qu'à trois lieues
d'icy, et l'aultre à quatre, où il y a eu des accez ou de peste ou d'aultre
chose qui en approche fort. Mais nous avions faict mettre de si bonnes
barricades et grosses gardes aux advenues des dicls lieux, que ceux de
' Nous avons vu que Peiresc avait laissé ^ LeChaslcIlet.communeduiléparteineut
à Aix presque tous ses livres. <lo Var, arroiulissemeiit tle Toulon, caiitou
' Vol. 717, fol. 86. de Beiiussel. à 40 kilomètres de Toulon.
198 LETTRES DE PEIRESC [1629]
TouHon en sont demeurez assez bien édifiez pour s'en contenter et
rendre l'entrée de leur ville à ceux de ce lieu cy. Cependant cette
bonne commodité de vous escrire, ou plu^ tost de vous faire tenir les
lettres que nous vous avions escrittes dernièrement, nous est eschappée
à nostre grand regret. Et la datte de noz pauvres lettres s'est envieillie
icy bien mal à propos, veu le long temps que vous avez esté sans rece-
voir de noz nouvelles. Mais le temps où nous sommes traisne cet in-
convénient parmy plusieurs aultres qui sont bien plus grands, et dont le
récit ne vous seroit qu'à importunité; c'est pourquoy je ne vous y amu-
seray pas, pour vous faire sçavoir qu'aprez toutes cez rigueurs enfin
nous sommes venus à bout de deux choses que j'avois bien à coeur :
l'une, dé pouvoir mettre hors d'icy les coffres de M'' de Thou et de
M"" Aubery, pour les disposer à pouvoir prendre le chemin de Paris;
l'aultre, de retirer icy ma cassette de Levant. J'ay donc obtenu permis-
sion du bureau de la santé de Toullon d'y envoyer les dicts coffres
jusques prez de leur ville pour y faire quarantaine en une bastide du
dernier consul qui me l'a prestée pour cet elfect, et en mesme temps
je les y ay envoyez avec un homme, pour les ouvrir en présence des
Intendants, et pour aérier^ de nouveau tout le contenu aux dicts
coffres, tant qu'il plaira à cez Messieurs, et aussytost qu'ils auront li-
berté d'entrer dans la ville, je les feray charger pour Marseille, pour
de là prendre la routte de Lyon et de Paris. J'ay converty la corbeille
turquesque de M'' de Thou en un coffre assez long pour y loger son
espée d'acier de Damas tout de son long , et parce que le contenu de sa
corbeille n'eust pas bien contrepesé la demy charge de mullet qui es-
toit nécessaire, pour l'assortir avec le coffre du dict sieur Aubery, oultre
toutes les bardes et curiositez de mon dict sieur de Thou, dont vous
aurez le roolle cy joinct, j'y adjouslay d'aultres choses jusques à la con-
currance du poids qui pouvoit estre nécessaire, entr' aultres un petit
fagot de Rome pour le sieur Le Maire, une des boittes d'Antiquailles
du dict sieur Aubery, le m[anu]s[crit] du Gervasius^ de M' de Thou,
' Je ne trouve pas ailleurs la forme aérier, mais dans le langage provençal on emploie le
mot ayreiar. — ' Gervais de Tilbury.
[1G291 AUX FHKRES DUPUY. 199
vostre extraicl du concile de Trente, voz cahiers des poèmes de Bar-
laBus en cette hfdle édition', les volumes des Mémoires de Vinceiis
Blanc, pour M' Bergeron , qui occupeïit bien de la place, et où il trou-
vera bien à retrancher, s'il en venlt faire rien qui vaille, ailn que Mon-
sieur le présidant de Lusson ne nie reproche pas que je luy ay manqué
de parolle, puis qu'il vous avoit tesmoigné de le désirer, et finalemenl
mon grand volume des eclogues de l'Empereur Constantin Porphyro-
genete, que je me suis résolu de hazarder, pour ne vous l'aire tant
languir, en l'attente de meilleure saison et plus seures conmioditez, de
crainte que vous ne trouviez pai- aprez ((ue la chose ne le meritast
pas, de quoy je commançois d'avoir grande honte. Je ne l'ay pas
laict couldre, ains l'ay faict passer par des longs Glletz tendus d'une
ti'anchefile à aultre, pour chascun cahier, selon l'ordre que je l'avois
rangé dez la permiere foys que j'y mis le nez et que je le fis descouldre,
pour r'abiller les transpositions, qui y estoient manifestes, la vieille
rellieure ayant esté si mal endossée '\ que la plus part des cahiers avoient
esté aultres fois pourris par le doz, et les feuilles mesmes fendues, et
puis recousiies sans ordre, car il n'y avoit poinct eu de reclame, lors-
qu'il fust escript. Je crois bien avoir rencontré ou plusieurs lieux la vraye
suitte et des cahiers et des feuillets transposez, et y avoir suppléé les
reclames qu'il y falloit, mais il y en a d'aullres, où je pense m'estre
equivocqué, et toutefoys je n'eus pas le loisir depuis de le mieux par-
courir et examiner, pour ne pas y laisser du regret, principalement
aux eclogues tirées du Nicolaiis Damascenus que j'eusse bien voulu
pouvoir bien distinguer d'avec le reste, car le commancement y manque.
H fauldra que quelqu'un de cez Messieurs de delà, qui ont plus de
cognoisçance, de practique et de loisir que moy, s'en donne la peine,
' Ces cahieri devaient être ceux qui for-
iiièreiit l'édilioii rlztWirienne de 1 63 1 ( Leyde,
petit iu-i a) : Gasparis B<wl(ei Poemntum edilio
nova , priore cailigatior et altéra parte auc-
tior. A l'appui de l'éloge donnd par Peiresc
h ces frajrments de la belle édition de 1 63 1 ,
je citerai cette appréciation de M. A. Wil-
lems {Les Eltevier, p. 38) : «Ijc principal
mérite de ce recueil consiste dans m beiie
exécution typo{jraphi(|ue.x
' Peiresc emploie l'expression technique ,
car, dans la langue du relieur, «ndoster
c'est faire le dos du volume en prépa-
ration.
200 LETTRES DE PEIRESG [1629]
et j'ay pensé que personne n'en auroit mieux la commodité que
M' Grottius; c'est pourquoy je luy en escriray un mot par cette voye
cy, et l'en supplieray, me promettant que vous fortifierez mes prières
par les vostres, et l'y feray resouldre. Car je n'ay pas creu qu'il y eust
de l'apparence de divertir pour cela M' Rigault de ses exercices ordi-
naires et des beaux desseins qu'on met à présent sur le tapis, pour
l'Histoire du siège de la Rochelle, que je vouldrois bien voir un jour
de sa façon'. Encores moings M'' Saulmaise, pour ne le destourner
de son Pline, puis qu'on nous le faict espérer tost ou tard aprez son
Solin. Que si M' Grottius ne pouvoit vacquer à tout ce qu'il y pourroit
avoir affaire, conjurez-le pour le moings, je vous supplie, de me faire
le Nicolaus Damascenus, que je serois merveilleusement aise de voir
de sa main; ce ne peult pas estre un travail de longue haleine. Et je
m'asseure que vous trouverez prou d'aullres galants hommes, qui ne
seront pas marrys de s'occuper à ce qu'il y pourroit avoir à glaner dans
les eclogues tirées du Polybe, du Dion Cassius, de l'Appian, et aultres.
Et possible que M' Aultin sera bien aise de voir cez eclogues, de cez
deux ou troys petits moynes ou chronologistes Chrestiens, tant du lo-
hannes Antiochenus que du lohannes Malela , et de ce Georgius Syn-
cellus qui est celuy dont il cherchoit les commancements au dessus de
Pompée. Je serois merveilleusement fier, s'il s'y estoit trouvé de quoy
servir utilement le public. J'y eusse volontiers mis dans le mesme coffre
un exemplaire du dict Georgius Syncellus qui ne commance qu'à
Pompée avec le Theophanes en suitte, que j'avois recouvré à Nismes
du sieur Samuel Petit avec ce dessein, mais encores que je l'eusse mis
en la pille des libvres que je voulois qu'on m'apportast icy, noz gents
l'ont neântmoings laissé en arrière, à mon grand regret, encores que
difficilement y pouvoit-il avoir rien de plus qu'aux exemplaires de la
Bibliothèque du Roy qui sont en bon vellin bien ancien , car celuy cy
n'est qu'en papier, et je sçay que M"^ Aultin en a eu encores d'autres
exemplaires de feu M'' de Fontenay et d'ailleurs. Je pensois aussy vous
' Rigault n'a malheureusement pas donne l'histoire du mémorable siège de la Rochelle.
[1629] AUX FRÈRES DUPUY. 201
envoyer d'.iultres cliosettes dont je ne uie sçaurois maintenant ac-
quitter, aulciines estant demenrdes à Aix, et les aultres ne vailants pas
la peine de vous faire une caisse à part, de moindre poids que d'une
demy charge, en ce temps icy, car celle que je vous avois apprestée
fut dczassortie dans Aix, pour ne pouvoir lors envoyer la caisse entière
et ne pas dill'erer de l'envoyer jusques à un aultre voyage de noz mui-
lets et pour en distribuer les livres en divers coffres avec d'aultres
bardes et einmeublenients' que l'on emporloit en cette desroutte, avec
tel desordre, qu'il est demeuré prou de choses de ce que j'eusse le plus
affecté d'avoir, et en est venu d'aulcunes, que je n'avois nullement
pensé d'apporter, n'ayant peu estre presant moy mesmes à tout. De
sorte que vous n'aurez pas maintenant le registre du Hoy de Cypre ne
les Assises de Hierusalem et Cypre en François du Vatican , ne celles
en Italien de Venize, comme je pensois vous les envoyer, ne les rela-
tions du cardinal Bentivoglio, vray est que si elles sont imprimées aux
Pais bas connne vous disiez, vous ne vous en seriez guiercs servy. Il
y avoit aussy quelques libvres inq)rimez qui s'estoient trouvez dou-
bles entre les miens, aulcuns desquels eussent possible esté de vostre
goust, et par malheur, parce qu'on avoit cotté sur quelque enveloppe
que c'estoit livres doubles, celuy qui m'envoyoit mes balles creut que
cela m'estoit inutile, et ne se soussia pas de les faire charger, ne qui
pix est des aultres livres d'importance, qui estoient auprez de ceux là,
de sorte qu'ils rejetterent le tout dans mon estnde. Et je crois bien
que vous me tiendrez pour excusé de cez manquements, qu'il fauldr»
reparer quelque jour, si nous pouvons, et si Dieu nous permet de re-
tourner chez nous. Cependant, pour ne laisser M' Autin en peine de cet
exemplaire de Syncellus, en ayant trouvé icy, entre les papiers que
j'emportay par hazard, un petit mémoire des filtres, commencements et
finales paroles, j'ay creu le vous debvoir envoyer pour le dict sieur
Autin. qui recognoi.stra bien par là si c'est chose qui luy puisse .servir.
' On lit dans le Dictionnaire de Trévoux, au mot ameubteineni : "•Quelques-uns (lisent mal
emmeublemcnt. n La forme emmeubleiiient est doimëe par Cotgrave, Uudin. lia (^urm de Sointe~
Pulaye.
II. a6
203; LETTRES DE PËIRESC [1629]
Quant à ina cassette de Levant, nous n'y avons pas trouvé de si belles
choses que les factures faisoient paroistre, mais tousjours y a il de quoy
n'avoir pas de regret à la despance qui s'y est faicte. Le volume qu'on
s'estoit imaginé estre des conciles ne s'est trouvé contenir que i 5 ou
i6 Homélies de S' Grégoire de Nazianze dont vous aurez icy l'indice des
tiltres de chascune, pour pouvoir conférer sur l'imprimé et voir (si vous
voulez) s'il y en auroit quelqu'une non encores publiée, ce que je n'es-
père pas, me souvenant d'en avoir veu aulcunes dans mon exemplaire
qui est demeuré à Aix. Mais le m[anu]s[crit] est d'assez bonne marque
en vellin in fol" de cinq à 6oo ans d'antiquité et y a tout à la fin dix
ou douze feuillets d'un scholiaste anonyme qui est celuy mesmes qui a
faict les scliolies sur ces oraisons du mesme S' Grégoire de Nazianze in
Julianum Parabutem imprimées en Angleterre in 6° ce me semble', car il
les allègue en celles icy, et y avoit mis un filtre qui a fourny le subject
de l'équivoque de ceux qui s'estoient persuadez que ce fussent des èon-
ciles par l'homonymie^ des premiers mots,GTNAri2rH K' ESHrHCIC
que vous trouverez au bas du dict indice. Les aultres volumes sont
touts en cez langues orientales. Et des Arabes je ne vous puis rien dire
si ce n'est que je n'y ay pas recogneu d'apparance de si grande anti-
quité que l'on m'en avoit faict de feste; il fauldra attendre un inter-
prète. Des Syriaques il y a deux exemplaires du nouveau testament,
l'un in-lx° en papier de Damas d'environ 200 ans, qui est tout eom-
plect en deux langues è regione l'une Syriaque et l'aultre Arabique,
et toutefoys l'une et l'aultre escriptes en caractère Syriaque ordinaire,
sinon les premiers mots des livres et les noms propres plus importants,
et l'aultre in fol" en vellin de cinq à 600 ans qui est impeifect à la
fin, et en quelque aultre endroict, mais il a de plus les concordances
de chappittres des fi evangelistes, et des enlumincures et figures chres-
tiennes d'assez bonne marque et /est escript en caractère majuscule
Syriaque ancien tel qui se void aux commancements des livres et aux
' L'édition anglaise ost intitulée : S. Grc- lis. . . studio II Monlagu ( Etonee, 1610, in-4').
gorii Naziameni in Julianum invectivœ duœ, ' Le Diclionwiire de Littré ne cile aucun
grœce, cum scholiis grœcis nunc primum edi^- écrivain sous le mot homonymie.
[1629J AUX FUÈHES UUPUY. 203
noms propres ])lus importants dans l'aultre exemplaire. Un {jentilhomme
de ce pais icy curieux de cette longue' avoit désiré avec j)assion d'en
voir un exemplaire. Je pense qu'd y trouvera de quoy contenter sa cu-
riosité, et aprez si ils pouvoient servir à la grande bible de M' Le Jav,
il y aura moyen de les luy fournir pour la grammaire Samaritaine; ce
n'estoit ])oinct un volume formé, ne cousu ne rangé, ains des cahiers
espars en si grande coidusion et transposition que je n'esperois pas d'ab-
bord d'en rien tirer qui vallust, mais apprez y avoir un peu resvé
dessus, j'en tiray dix cahiers presque louts entiers chascun de dix feuil-
lets dont je Irouvay fort bien les suitles, qui semblent contenir un dic-
tionnaire, en cette langue Samaritaine, rangé sellon l'ordre de l'al-
phabet qui y est tout entier ou peu s'en fault, hors des deux premières
lettres, les(juelles contenoient deux aultres cahiers semblables, tout le
volume monstrant avoir esté de douze cahiers seulement, et semble
que chasque mot soit interprété eu deux difl'erantes langues, mais tout
en caractère Samaritain, ce qui me faict conjecturer que seront pos-
sible les mesmes trois langues de la Bible Samaritaine qui est en Hé-
breu, Samaritain et Syriaque ou possible vieil Arabe, à quoy je vous
déclare que je n'entends du tout rien ou bien peu s'en fault. Tant est
que la pièce pourra tousjours estre de quelque usage, nonobstant
l'imperfection du commancement du livre, et de quelque aultre feuillet
ailleurs. Le surplus consiste en sept ou huict aultres petits cahiers qui
n'ont guieres de suitle, et qui ne peuvent estre (jue fragments do la
grammaire de cette langue puis qu'on les a vendus pour cela, dont
je ne vous sçaurois rien garantir, en ayant trop peu de cognoisçance
pour en parler. Bien ozerois-je vous dire que tels qu'ils sont, je pense
que feu M' délia Scala en auroil sans doubte tiré de bonnes obser-
' Ce genlilhnmme provençal ëlait Fran- (l'une Ireiitaine de lettres qui lui furent
çois Galaup de Chastetiil , qui fut si célèbre écrites par Peiresc (du 8 août 1 609 au
souB le surnom de Solitaire du mont Liban. 9o août i635). Je publierai quelques-unes
Il naquit à Aix le 1 9 août 1 .588 e( mourut des réponses du savant orientaliste dans un
au monastère deMar-Klicha le i5 mai 166&. des prochains fascicules de la collection dw
On conserve à Carpenlras (registre III des Corretpondanls de Peirete.
minnt«s, du foi. &33 au fol. A 46) près
■«.
204 LETTRES DE PEIRESC [1629]
valions, fondements et consequances, puis qu'il s'estoit donné cette
torture de forger une espèce de grammaire en cette langue là, sur
la seule comparaison du Psaultier qu'il en avoit recouvré avec le texte
Hébreu, et pour l'achever, il desiroit avec grande passion de voir le
Pentateuque en la mesme langue, pour en faire la mesme compa-
raison. Si M'' Heinsius vouloit fournir ce que le dict sieur de la Scala
en avoit rédigé par escript, cela joinct à cez fragments icy, possible
que le P, Morin en tireroit quelque chose de plus solide. Vous advi-
serez si trouverez bon de luy en parler. Car pour moy je fourniray
fort librement tout ce que j'ay, et tout ce que je pourray avoir cy aprez,
croyant que les deux versions du Pentateuque serviront grandement à
cela, et à beaucoup d'aullres choses importantes à l'ancienne chrono-
logie, selon que feu M"' délia Scala se le promettoit. Cependant je n'ay
pas laissé de l'escrire desja en Levant, pour faire exacte recherche
d'une aultre grammaire mieux assortie, et d'un autre Lexicon, en
cette langue, ou des suppléments de ce qui nous en manque, si
faire se peult. Il fauldra voir ce qui en pourra reuscir d'une façon ou
d'aultre, et ayder le public de tout ce qui nous sera possible. Atten-
dant pour cet effect en grande impatiance l'aultre navire qui me
doibt apporter ce Pentateuque en trois langues. Je ne vous amuseray
pas à vous entretenir des médailles antiques venues dans cette cas-
sette, où il y a encores de bien jolies curiositez, celuy que j'y ay
employé ayant esté merveilleusement heureux à rencontrer, sans s'y
cognoistre, plusieurs pièces, et de libvres et de médailles, que je
luy avois tesmoigné désirer d'avoir de ce païs là. Il y a rencontré un
aultre de ma cognoisçance un peu plus intelligent que luy, lequel
luy a bien aydé, et lequel, y sesjournanl encores quelque temps, s'est
chargé de continuer encores plus exactement cez recherches à l'ad-
venir pour l'amour de moy, et ce sera luy que j'employeray, pour
voir de recouvrer les suppléments des defl'ectuositez de ce Lexicon
et de cette grammaire, tandis que nous attendrons ce que l'aultre
aura peu ramasser en ^Egypte et en Constantinople, par où il s'en
revient se rendre à Rome où il me mande de luy adresser de mes
[1629] AUX FHKRKS DUPUY. 205
lettres. VoilA tont ce que je vous en diray pour le présent, demeurant
tousjours,
Monsieur,
voslre irez humble et obligé serviteur,
DK Peiresc.
A Beaugenlier, ce 18 novembre 1639.
J'onbliois de vous dire que pendant mon sesjour icy, noz galères, qui
sont revenues de Messine, m'ont rapporté un exemplaire du libvre de
Georgius Gualtlierus des inscriptions de ce pais là', où il ne manque
n'en que l'espistre liminaire dont la deffectuosité ne m'est pas considé-
rable, mais le marchand qui l'a faict tenir à un aultre marchand de
Marseille luy mande que touts les exemplaires sont ainsin deffectueux,
et que c'est par ordre du sénat de ce pais là que l'epistre a esté sup-
primée. Ce qui me faict présumer qu'elle debvoit avoir esté adressée
à quelqu'un du pais, que la jalousie des aidtres n'a peu supporter, et
que celle qui estoit en rexenq)laire que je vous envoyay de M'" de Thou,
adressée au Grand Maistre de Malte, doibt avoir esté faicte depuis cez
delîances pour protliter l'occasion de faire cet honneur à un nouveau
patron. Toutefoys je m'en rapporte et pense qu'il n'y aura pas de
danger que Quentin transcrive l'epistre du voslre en papier de mesme
grandeur de l'édition que je feray insérer à sa place dans mon exem-
plaire, pour l'amour de l'autheur, et pour le bon gré que je luy sçay
d'avoir faict ce recueil pour ayder le public, avec tant de peine et de
soing quoy que mal recogneu^.
' Le livre est ainsi mentionné dans le sanœ , apud Pelnim Bream , tèûh, pelit
Manuel du libraire : Siciliœ ohiacentium in- in-S"). Le nom de lauleur ne tigure pas
sularum et Brutliorum anliquœ labulœ, cum dans nos recueils biographiques.
animadversionibus fieorgii (îualteri {Mes- ' Vol. 717, fol. 90.
206 LETTRES DE PEIRESC [1629]
XLI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
A PARIS.
Monsieur,
Je viens de recevoir un grand déplaisir, pour ne dire affront de ia
part de M'' de Thou , qui non contint d'estre passé si prez de nous sans
se laisser voir, a sesjourné quelques jours à Marseille sans me laisser
advertir de son arrivée, pour m'oster le moyen de l'aller voir là,
comme j'eusse faict, dont je suis si oultré et si mortifié, que je ne sçay
par oià commancer les plaintes que je vouldrois bien vous en faire, et
que j'aurois bien de la peine à retenir. Non que je me doibve présumer
de tant que de prétendre ' qu'un personnage de sa sorte se deubt donner
de l'incommodité pour un homme si chetif que moy, car je n'ay garde
de me mescognoistre jusqu'à ce poinct là. Mais puis qu'il s'y estoit aul-
cunement engagé de paroUe, c'estoit une espèce de contract plus obli-
gatoire, pour ung seigneur de sa condition, et de la proffession qu'il
faict, que s'il eust esté submissionné ^ à toutes les rigueurs de la
chambre rigoureuse que nous avions autrefoys en ce païs icy. Et si les
persones n'en valloient pas la peine, possible que le lieu et les choses
qui s'y trouvoient dez lors eussent peu fournir quelque supplément ad-
missible de noz deffaults. Car encores" qu'il semble bien désert et de peu
de considération, et possible moings encores, tout ce qu'il sçauroit
produire, ou qu'on y pourroit avoir apporté jusques à présent, si ne
crois je pas que M' de Thou ayt trouvé en tous ses voyages, jusques à
' Forme si rarement employée qu'on ne portes et Montaigne avaient dit aussi : pré-
retrouve se présumer de dans aucun des sumer de.
exemples du Dictionnaire de Littré. Deux ' 5ui»us«ion«« (pour «ouwi's) n"a été ad-
des contemporains de Peiresc cités dans le mis dans aucun de nos dictionnaires, mais
savant recueil, Corneille et Malherbe, ont on trouve submission dans Malherbe, Cor-
dit : présumer de. Au siècle précédent. Des- neille, Vaugelas , ce dernier cité parRichelet.
[1G-29| AUX FRÈRES DUPUY. 207
la mer Rou{i[e, des singularitez que je luy eusse peu faire voir, et peult
estre bien admirer icy. Et oserois je quasi faire une bonne gageure,
qu'il n'est pas si peu curieux, que si estant au mont de Sinay, il eust
apprins qu'il y eust moyen de voir de telles raretez à dix lieues pardelà,
il n'y eust voulu aller en persone à travers tous les dangers qu'il y cou-
roit bien plus grands que ceux de la maladie de Provence. Et pense bien
que feu Monsieur le Présidant son père, qui avoit tant prins de peine
pour aller grimper sur les Pyrénées', ne luy auroit pas facilement par-
donné l'obmission de cette recherche, pour en pouvoir parler comme
tesmoing occulaire, attendu la grande difiiculté qu'il y a bien souvent
de s'imaginer les choses telles qu'elles sont, et de les croire si admi-
rablement comme elles sont, sans les avoir veûes sur les lieux mesmes.
De quoy je n'eusse pas voulu m'eslre vanté à l'advance, pour les Iny
faire trouver plus belles quand il les verroit inopinément, en Testât
qu'on m'avoit apporté peu de jours auparavant un Tripos"^ d'Ap-
poUon de bronze antique, fraischement desterré, non gueres loing
d'icy^, et en Testât que je luy avois fait conserver et apprester une
' Jacques-Auguste de Thou a raconté son
voyage de l'annfîc tSSa aux Pyrénfe dans
le iivre II de ses Mémoires. Voir la traduc-
tion qui en a été donnée en tête de Vlli.ttoire
universelle ( Londres , 1 7.V1 , in-/i', p. 65-66 ).
* Il s'agit là du fameux tn'pied trouvé
auprès de Fi-éjus et au sujet duquel on peut
voir divers détails dans Gassendi (livre IV.
année i63o, p. 356-358). On trouvera plus
de détails encore dans la Disaerlatiûn sur un
trépied niiiiquepar M' de Peiresc insérée dans
le \' volume des Mémoires de littérature et
d'Itisttire, publiés, de 1726 h 1781, par
lo père Desinoicts. Voici les premièri^s lignes
de la dissertation : rrLo Tri|)os ou Tii-pié de
bronze antique déterré sur la cAle maritime
de Provence, en l'an i6a(), dans les ruines
et masures d'un vieil Temple, et Irtt après
apporté au sieur de Peiresc pemlant son sé-
jour de Boisgency, est assez bien conservé
pour faire connoltre (pi'il est de manière
grecque , vraisemblablement , et que l'ouvrier
qui l'a forgé et élabouré semble y avoir af-
fecté en la structure et aux proportions, or-
nements et enrichisseraens, certaines petites
particularitez qui en rendent la symmétrie
fort gentille, et fort convenable h l'usage
auquel telles pièces étoient communément
employées ou destinées, et ii la primitive
origine et introduction d'icelles dans les mys-
tères fatidiques . . . ^
' D'après A.-L. Millin (Biographie uni-
verselle, article Antelmi [Pierre]), ce fui cet
ai-clK'ologue, neveu du savant chanoine Jo-
seph .\ntelmi, (pii donna h IViresc le l)eau
trépied de bronze trouvé aux environs de
Fréjus, ville où l'oncle et le neveu avaient
formé une riche collection d'antiquités.
208 LETTRES DE PEIRESC [1629]
caverne dans laquelle on venoit de trouver inespérement des merveilles
de la nature si exquises, qu'en touts mes voyages il ne m'estoit poinct
ari'ivé de rien voir de semblable, et dont M'' de la Hoguette et M' Gas-
sendy eussent bien mieux faict leur prolïict, et tenu plus de compte,
que luy n'a daigné faire. Car il y avoit des pétrifications nompareilles
d'une infinité de différantes espèces de feuilles, trez bien recognoissa-
bles, que j'ay depuis esté constraint de faire tirer du lieu où elles
avoient esté ainsin transformées, pour ne les pas laisser à l'abandon,
ce qui leur a osté une grande partie de la grâce qu'il y eust trouvé.
Mais pourtant elles n'en ont pas tant perdu, qu'elles ne se fassent gran-
dement admirer de tous ceux qui les voyent, comme aussy d'aultres
sortes de pétrifications maritimes de grand nombre de coquillages tant
petits que grands et d'une monstrueuse grandeur, la plus part fort big-
gearres ' et fort incogneus, et que nostre mer Méditerranée ne produict
nullement, et plusieurs aultres, que l'on sçaict asseurement estre touts
semblables à aulcuns des plus précieux qui se trouvent au ionds des
Indes Orientales, là où se peschent les perles, et non ailleurs. D'où l'on
peult tirer de merveilleuses consequances et de bien curieuses notices
de plusieurs choses que les anciens n'ont peu cognoistre comme il falloit,
et particulièrement Pline et les aultres, quand ils ont voulu descrire
les pierres figurées en forme des cornes d'Ammon, et aultres de pareille
nature, bien que de fort différantes figures, pour raison de quoy nous
avons bien trouvé icy de quoy enchérir sur tout ce qu'ils en avoient
peu descouvrir. Les seuls arbrisseaux et plantes que produisent les lieux
plus incuits ^ des collines qui nous environnent seroient cappables de
donner de bien agréable divertissement à ceux qui ne vouldroient pas
mespriser de voir la gomme de mastic sur nostre lentisque, celle
du Styrax, trez odorante et suave, sur un arbrisseau qui faict la fleur
comme l'oranger, et la feuille comme le coignier ', dont la race n'est
Voir t. I, p. 21 5. mol inculle, aucun aui«ur qui ne soit posté-
" La forme iiicult n'est pas donnée dans le rieur à Peiresc ( Bourdaloue , Fcnelon , Saint-
Dictionnaire de Littré. Ce r.cueil ne nous Evremond, \'oitaire).
offre, du reste, parmi les exemples, sous le ' C'était autrefois le nom du cognassier.
[1629] AUX FRÈRKS DUPUY. 209
espendiie qu'icy, el à une lieiie aux onviroris tant seulement. Oullre
une infinité d'aultres siugularitez en matière de plantes, que nous
lournit ce petit terroir, et la colline d'Anis qui nous est limitrophe,
où les plus curieux arboristes ' trouvent plus de choses exquises qu'en
tout le reste de la Province, et possible du Royaulme. Que si cez choses
sont communément négligées, elles n'en vallent pourtant pas moings
parmy ceux qui les sçavent prixser, comme les pierres précieuses, et
semble qu'il nous doive estre loisible de nous en vanter maintenant,
plus que nous n'eussions faict, si on n'eust pas tenu si peu de compte
de nous et de noz hermitages, afin que cette petite jactance, avec un
peu de reproche, nous vange aulcunement de l'injure qu'on nous a
faicte, et que si une aultre foys l'envie prenoit à M' de Thou de n'en
passer pas loing (comme il nous en menasse, bien que possible en se
mocquant) , il voye qu'il y avoit de quoy attirer un curieux , et que toute
la peine n'eust pas esté perdue pour luy, et pour ceux de sa compagnie,
qui n'estoient possible pas si desgoustez qu'ils n'y eussent patiemment
sesjourné quelque peu. Et hors de tout cela encores avois je emporté
quant et moy sortant d'Aix, bien qu'en desordre, et comme d'une es-
pèce d'incendie et de uaulrage, sinon un Palladium, au moings quelque
petite layette, remplie d'autres petites curiositez et galanteries cappa-
bles de donner quelque heure d'agréable amusement à ceux qui n'ont
pas en horreur les merveilles de la nature, et les vénérables reliques
de l'antiquité. Quand mesmes nous n'aurions faict que visiter et exa-
miner ensemble les raretez de son coffie d'Egypte, que nous eussions
faict revenir de la puiificalion de Tollon , et ce que jeu avois retenu
par devers moy, il y eust bien eu de bonnes fieures de passe temps,
qui ne luy eusse pas esté, je m'asseure, si dezagreable. Mais ne pou-
Ori trouve coigner dans les auteurs du toutes les (^itious dmuiëes par La Fontaine
\n' siècle, notamment dans Olivier de lui-même, et que cV'tait le titre pris par Ves-
Serr'S. Le Dictionnaire de ï'womx indique pasicn itobin, <tarboriste du r-ii Louis XIIN.
les trois formes : coignassier, ou coifimssier. Il ajoute que cette forme ancienne rejetée
ou eognier. par l'usage est conservée encore parmi le
' Littré rappelle (\\x arboriste Ugure daus peuple.
u. »7
2tO LETTRES DE PEIRESC [1629]
varit exercer ma vengeance sur aultre chose, puis que je n'en tiens plus
que cela , je ci-ains qu'il fauldra que j'y passe ma fantaisie tout à faict, et
que je les garde plus que je n'eusse faict. Car si je les luy eusse laschées
en mesrne temps que je luy en aurois peu desduire mes conjectures et
resveries, que j'aurois peine de coucher par escript aussy librement
comme je les luy eusse dictes.
Sans cette mortification qui m'a esté si sensible, ma joye eust bien
esté plus grande, au bruict de la promotion des cardinaulx, où cer-
tainement j'ay esté grandement aise de voircomprinsMe™"Bagny',àqui
j'en escripts un mot de felicitation , et Ms"""'' de Lyon ^, à qui j'en escripts
pareillement, mais pour celuy cy j'en faicts l'adresse à M''Gassendy, qui
est familier chez luy ^. Vous rendrez, s'il vousplaict, celle de M8"'''""Bagny,
et y ferez, je vous supplie, les suppléments de mes deffectuositez, car
j'estois en assez mauvaise humeur pour rendre cez compliments bien
à mon gré, et avois le cœur si gros, que vous voyez comme je me suis
laissé transporter jusques à vanter mes coquilles*, ce qui ne m'est guieres
ordinaire, et que je vous supplie pardonner en moy, encores que je ne
l'eusse pas mérité, à la charge que ce sera sans consequance, et que.je
ne vous rompray pas dezhormais la teste de pareilles importunitez, si je
puis, commançant à recognoistre que j'ay possible abusé de vostre pa-
tiance. Mais j'espère pourtant que vous m'en excuserez, et implore, si
' Comme nous l'avions déjà remarqué vier 1 6.3o. Le nonce Bagni i-eçut la barretle
dans une note du tome I ( [). 6 1 a ) , Jean-Fran- le même jour et il dîna a\ec Louis XIII.
çois Bagni (on a toujours écrit en Italie ce ' Voir, sur les excellentes relations du
nom sans y, comme m'en avertit un bien cardinal de Lyon avec Gassendi, les Docu-
savant et bien aimable bibliophile de Rome , meiits inédits de 1877 déjà plusieurs fois
M. le marquis Gaeiano Ferrajoli), ne devint mentionnés (p. ai, a4).
pas cardinal en 1627, mais seulement en * Si Peiresc parle ici au ligure, je consla-
1629. L'erreur esta corriger dans une foule lerai que l'exprt'ssion dont il se sert n'est
de livres. pas donnée par nos dietiomiaii-es , où l'on
Alphonse-Louis du Plessis-Ilicheheu, trouve seulement bien vendre ses coquilles,
dont il a été et dont il sera encore si souvent faire valoir ses coquilles, etc. Mais peut-être
question en toute calte correspondance. Le Peiresc par coquilles entend-il tout simple-
frèredupremierministrereçutlabarretledela ment les pétrifications quïl regrette lanl de
main du roi dans la chapelle du Louvre le 7Jan- n'avoir pu faire admirer à F.-A. de Thou.
[1629] AUX KHKHES DUPUY. 211
jujîcz qiio l)o«oiri{{ soit, la secoural)le intercession de M' de la Ho{»uelte,
({ui vouidroil bien avoir veu, jfe rn'asscurc, ccz métamorphoses, car
l'aspect du lieu peult {grandement ayder à comprendre les voves que la
nature a leniies pour y parvenir, et qui se concevroicnt beaucoup plus
fliflicilcment, quand on ne verroit que les seuUes pétrifications arrachées
de leur assiette et fra|jmentées. Je n'en sçavois pas tant, lorsqu'il nous
fit l'Iioniiour de nous venir voir, comme nostre presant sesjour nous en a
laict dcscouvrir, car je l'y eusse ammené , ou faict conduire, si je n'eusse
peu marcher pour lors, bien asseuré qu'il n'y eust pas plaint son temps
ne sa peine, quelque presse qu'il eust de retourner en cour. Salluez le,
je vous supplie, de ma part quand vous le verrez, ou que vous luy
escrirez. Si je puis me donner la patiance de rédiger un peu de rela-
tion de cez pétrifications et coquillages, je la feray volontiers pour
l'amour de luy, et la vous adresseray, comme je faicts celle que vous
trouverez cy joincte de ce trepié' à la charge, s'il vous plaict, quelle
' Le père Desmolels, dans Y Avertissement
de la Dissertation de Peiresc, dit ceci : rrLa
trop vaste érudition de M. de Peiresc faisoit
qu'il ne finissoit aucun ouvrage, et qu'il
n'étoit jamais content de ce qu'il avoit écrit
sur les matières qui se préseiitoient; aussi
n'a-l-il jamais rien fait imprimer: mais l'es-
time que les sçavans faisoient de tout ce
qu'il écrivoit, en multiplioit les copies. C'est
ce qui est arrivé à la dissertation que je
publie auJDurd'Iiuy, dont je suis redevable
au R. P. Oudin, de la Conq)agnie de Jésus,
connu dans lo république des lettres par son
éloquence et son profond sçavoir; car il me
marque qu'il en a trouvé plusieurs copies
manuscrites dans la seule ville de Dijon.
Spon en avoit eu communication; il avoue
lui-même h la fin de son traité de Triimdibus
qu'il l'a presque tout tiré de la dissertation
de M. de Peiresc. Le sçnvant Père du Mou-
linet, chanoine régulier et bibliothéquaire
de Sainte-Geneviève, semble insinuer dans
la description du cabinet de celte abbaye,
où ce trépied est conservé, que l'original
de cette dissertation se trouve dans un vo-
lume manuscrit des ouvrages de M. de Pei-
resc , qui est à la bibliothèque du Roy. La ma-
ladie et la mort de M. Boivin, garde des
manuscrits de cette bibliothètjue, universel-
lement regretté de tous les sfavnns, k qui
il n'étoit pas moins cher |>our sa politesse qne
pour sa profonde érudition, m'ont empêché
de pouvoir éclaircir ce fait, etde conférer ma
copie avec l'original. J'aurois fait graver la
figure du trépied dont M. de Peiresc a fait la
description , si elle eût été nécessaire pour l'in-
telligence de la pièce. Ceux qui souhaiteront
l'avoir'devant leurs yeux en la iisant . peuvent
avoir recours h la planthe 53 du second tome
de \'Anti(piité expliquée, etc.. du R. P. de
Montfuiicon. ou à la dissertation de Spon de
Tripodibus, ou enfin à la description du
Cabinet deS"-Genevièvc par le R. P. du Mou-
linet , où se trouve l'empreinte de ce trépied, n
«7.
212 LETTRES DE PEIRESG [1629]
ne sorte poiiict de voz mains, et que vous ne la monstriez poinct qu'aux
aniys plus confidants, et qui peuvent mieux excuser mes sottises, et
vous m'obii|i[eriez encores plus de ne la monstrer qu'à M"^ de Thou
seulement, pour flatter ma petite vengeance, et de vous en servir seu-
lement, pour enquerre ' sur les chefs que vous jugeriez plus à pro-
pos Mess'' de Saulmaise, Rigault, Grottius, Gassendi et, en un besoing,
M'"Bignon. Mais pour le dessein vous en pourrez faire ce que bon vous
semblera, car il suffira pour fournir de la matière aux curieux qui en
vouldront discourir. Au reste je me fie tant de mon bon droict, et
me tiens si asseuré d'avoir mis M"" de Thou en son tort, que je me pro-
mets que vous serez de mon costé contre luy, et que vous m'ayderez à
luy faire de justes reproches qui peuvent escheoir, à cette précipitation
non forcée, ne si absolument nécessaire, comme on nous a voulu faire
accroire, et comme nous eussions creu volontiers en toute aultre oc-
casion que celle cy, quand il ne tiendroit qu'à cela pour faire plaisir
à un amy qui ne touchast pas d'affection et vénération si estroite
comme luy nous touchoit. Il en fera un jour la réparation, s'il luy
plaict, et voulust û ou non je ne laisray pas destre son serviteur
suddilo graliss" (comme on dict au paiis d'ofi il vient) et qui cède tous ses
propres interests à ceux de son patron, comme je luy cède les miens
de bon cœur, hors de cette liberté françoise de m'en plaindre, jusques .
à tant qu'il y ayt apporté quelque sorte de satisfaction, laquelle atten-
dant je finiray par mes supplications qu'il vous plaise pardonner mes
foiblesses et maladies d'esprit et de corps, et me tenir tousjours.
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce i5 décembre 1699.
Je ne sçaurois maintenant escrire à M"' du Fuy vostre frère comme
' Enquérie est l'ancien infinitif que nous disons enqHérir, comme le rappelle Litlré, qui
renvoie à l'historique de ce dernier mot.
[1630] AUX FRÈRES DUl'UY. 218
j'eusse désiré, me trouvant touldestraqué ', mais ce sera par le premier,
Cependant il trouvera icy mes trez iiumbies recommandations, et me
fera, s'il luy plaid, la faveur d'avoir soinj; de faire tenir le pacquet à
M"" Rubens promtement par (juelque voye bien asseurée, s'il est pos-
sible, d'amy, de crainte que par la poste la voicture'' n'en fust de trop
jjrand prix, qui diminuast la f^race des desseins du Tripos dont je luy
envoyé un duplicata, et ceux de l'anneau de Tecla^, et aultres ba^^a-
tellos (jui ne méritent pas d'estre payées si chèrement que la poste les
feroit payer, si ce n'est qu'il peut aller soubs l'envelope de cet amy
qu'il avoit au faulxbourjj S* Michel. Je luy reconmiande encores les
aultres lettres pour les amys, et particulièrement celles de Lorraine, et
le supplie et vous aussy d'excuser l'excez de mes importnnitez*.
XLII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
é
Monsieur,
Je vous avois cy devant accusé la réception de toutes voz despesches
jusques au. 2 octobre inclusivement et puis avois demeuré longtemps
sans en recevoir aulcunes, quand l'homme que M" d'Agut avoit envoyé
exprez à Lyon rompit la glace^, et m'en rapporta nue du 19 no-
vembre toute pucelle® sans estre passée au vinaigre, laquelle fut bien-
tost suyvie de cinq autres, du 9, 16, a3, 3o octobre et 6 novembre
qui vindrent quasi en mesme temps bien que par diverses voyes, les
unes du costé de Marseille, les aultres du costé de Sallon, et les deux
' LiUrén'acité.sousleinotrfeVcflyuer, que partie de Y Appendice , n° IV. une lettre de
deux écrivains postérieurs, M°" de Sévigne' Clu-isloplie Dupuy ù Peiresc t'crite de Rome
et Voltaire. le i" janvier i63o.
' G'est-h-dire le transport. ' Voir ci-dessus, lettre I, p. .3, note ».
' Voir ci-dessus , lettre XXXI. ' Le mot s'employait alors communé-
' Vol. 717, loi. 93. Voir à la seconde ment à la place du mot i lerye.
214 LETTRES DE PEIRESC [1630]
plus vieilles, et neantnioings les plus tardives, du costé d'Aix, où elles
m'estoient allé chercher à contre temps, lesquelles furent suyvies de
prez de deux aultres du Zi et 18 décembre, veniies pareillement l'une
par Marseille et l'aultre par Salion, avec lesquelles nous eusmes de si
beaux livres et si curieux papiers, et si bonne part des nouvelles du
monde, qu'il nous sembla, aprez une longue absence, estre tout d'un
coup retournez au milieu du Louvre, et de l'académie', bien qu'en
etfect nous en fussions si esloignez, et quasi confinez au milieu d'un dé-
sert. Ce qui estoit merveilleusement doulx en Testât que nous nous
trouvions, et d'une merveilleuse consolation, comme vous l'avez trez
bien preveu, et dont nous'avions bon besoing dans ce qui nous reste
des objects de la maladie, laquelle ne se peult encores desraciner de
nostre ville, bien qu'elle soit sur le déclin, ce semble, depuis quelques
jours, mais principalement dans le crevé cœur que nous avoit laissé
M"' de Thou, par son passage précipité, sans avoir voulu souffrir que
nous fussions advertis de son arrivée à Marseille, craintte que nous
ne l'allassions visiter jusques là, comme nous eussions faict sans
doubte, ce qui est bien loing de la mesure et de l'aulne à laquelle vous
le mesuriez par vos dictes lettres, quand vous nous donniez advis de
la routte qu'il vouloit prendre par icy, et que le mal y seroit bien grand
s'il l'empeschoit de nous venir voir jusques en nostre Hei'mitage, où
il eust possible trouvé quelque chose de plus que ce qu'il pensoit et
dont le regret qu'il en pourroit concevoir quelque jour, me vangera, s'il
plaict à Dieu, du tort et du mauvais traiclement qu'il nous a faict en
se desrobant de la sorte. Estimant qu'il en a desja eu quelques remors
de consciance, quelle mine qu'il tienne, à ce que je puis comprendre
d'une lettre qu'il escrivit de Lyon à Marseille au sieur de Gaslines, où
il advouoit d'avoir bien paty par les chemins de Marseille à Lyon, et
de n'avoir peu esviter un bien fascheux object^ des cabanes et mala-
deries des pestiferez en plusieurs heux, ce qu'il n'eust ])as trouvé,
' N'oublioQS pas que ce mot désigne toujours ie cabinet des frères Dupiiy. — ^ Dans le
sens d'aspect.
[1630] AUX FRÈRKS DUPUY. 215
s'il eust prins le destour tie quelques lieues qu'il y avoit de Marseille icy,
par un chemin Tort net, et fort esloigné des lieux infectez, qui le pou-
voit mener d'icy à Lyon par Sisterou, tousjours fort loing de tout
soubçon de maladie, mais nous n'en vallions pas la peine, et tousjours
faut il que je luy demeure hien redevable des recommandations qu'il
m'a faicl faire par le dict sieur de Gastines, et du soing (ju'il avoit eu
de me faire advertir par luy, qu'il avoit recogneu ù la poste de Lyon
un pacquet pour moy venant de vostre main, qui estoit, je m'asseure,
celuy du U décembre puis que luy escript du xi"". Cette satisfaction
est neantmoings bien petite eu esgard à la gravité du coup que nous
avions receu de sa part, dont il n'est pas encores (juille, et ne m'est pas
encor escliappé pour tout cela. El si vous vous joignez à moy, comme
je l'esperc, puis que vostre parolle y estoit engagée comme la sienne,
je le metlray à la raison lorsqu'il y pensera le moings, et luy feray ad-
voiier son tort voulust il ou non devant tous les juges qu'il sçauroit
choisir, s'il me laisse former ma juste plainte, dont j'ay grande peine
de me taisre, encores que j'aye desja bien descliargé mon coeur tant
en celle que je luy escrivis à la chaude cez jours passez qu'à celle que
je fis à M' du Puy, vostre frère, laquelle commaucera de me vanger de
luy, quoy qu'il puisse faire ou dire au contraire.
Or pour revenir à voz dcspesclics, il y a bien à déplorer le desordre
des postes, qui les a faict venir si tard et parloys assez mal adressées,
principalement ces deux de plus vieille datte qui m'allerent chercher
encor à Aix bien à contre temps. Vray est que je pense que cela avoit
esté artiticieusement affecté, à cause que celle du iC"™ octobre fut ou-
verte à l'entrée de la Province, et quelques lettres retenues, mais non
pas de ce qui estoit soubs vostre enveloppe, ains quelques aultres qui
y estoienl joinctes, dont j'ay bien faict du bruict, car j'en a vois eu le
vent; enfin la vostre fut jettée dans Aix, et rendue miraculeusement à
mon relieur' qui est demeuré chez nous en bonne santé jusques icy
grâces à Dieu , lequel avec prou peine trouva moyen de la faire ressortir
' Corberan, comme nous l'avons (idjù vu plus haut, lettre II!, p. 9.
216 LETTRES DE PEIRESG [1630]
et me la faire retomber en main, quoyque par la seconde rigueur du
vinaigre, ayant retenu seulement les opuscules du P. Sirmond ', crainte
que le second vinaigre ne l'achevast de gaster, car il avoit eu peine, en
la relavant, de le remettre en estât de porter une honneste relieure, à
laquelle il se voulut amuser pendant son loisir, mais il abandonna la
comédie des comédies^ dont je ne fus pas marry, car le vinaigre où
elle fut trempée un cahier aprez l'aultre n'empescha que je n'y aye prins
un entretien des plus plaisants que j'eusse eu de longtemps; certai-
nement l'autheur primitif de toutes cez conceptions avoit de si mal
tollerables jactances^ qu'il meritoit de trouver une chausseure à son
poinct aussy juste que celle la, et aussy bien convenable *.
Le livre de motu cordis et l'aultre qui y estoit joinct de cette pro-
digieuse grossesse furent bien du goust de M' Noel^ qui s'est retiré
en ce lieu cy à la sortie d'Aix, aprez une exacte quarantaine, lequel se
sent bien redevable de l'honneur de vostre souvenir, et vous supplie de
le tenir pour vostre serviteur et de tous les vostres. Pour moy je n'ay
pas encores peu lire cez libvres depuis leur arrivée, mais à ce peu que
j'en ay veu de l'Anglois*, je le trouve bien agréable, et plains grande-
ment le decez d'un cirurgien anatomiste d'Aix nommé Payen que la
maladie a frappé si souvent qu'enfin il luy enacousté la vie, car M' Gas-
' Opuscula dogmatica velerum quinque
scripforum, qui ante annos m. ce. clarueninl
(l'aris, Séb. Cramoisy, i63o, iii-8°).
* La Comédie des Comédies, traduitte de
l'italien en langue de l'orateur françois , par
L. S. D. P. [le sieur Du Pescliier], Paris,
1699, in-8°. Le nom de Du Peschier avait
été pris par Rend de Barry, qui , selon Sorei
{Bibliothèque française, 1667, p. ia6),
était un gentilhomme auvergnat. Celte pièc;'
eut beaucoup de succès; il s'en fit coup
sur coup quatre éditions. De nos jours,
elle a été réimprimée dans V Ancien théâtre
françain , t. IX. p. a6l {Bibliothèque ehévi-
rienne).
^ Cet auteur si malmené par Peiresc
est Balzac. La Comédie des Comédies, dont
on chercherait en vain l'original italien,
comme nous en avertit Quérard {Les super-
cheries littéraires dévoilées, t. I, p. 71 4),
est un centon des passages les plus am-
poulés de Balzac, dont on fait ressortir le
ridicule.
* Littré ne cite aucune autorité au sujet
de la locution figurée : trouver chaussure à
son point , ou à son pied.
' Le docteur déjh mentionné précédem-
ment.
° C'est-à-dire de William Harvey dont il
a été fait mention plus haut, lettre XXXIIL
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 217
sendy vous dira une curieuse observation (ju'il avoil faicte au coeur,
dont l'aullieur de ce livre eut eu grand besoing' et eust bien eu de
quoy s'exercer. Je n'a y [)as non plus considéré comme il fault les ca-
hiers du chancellier Baccon, qui méritent de l'attention, et de plus
grands renicrcirnents que je n'en sçaiirois faire à M'' de la lloguette* et
à vous aussy de la peine, vous suppliant de les luy faire de ma part à
la première veiie, et l'assurer que je suis tout à luy. Le Mercurius
Gallobelgicus nous apprend encores d^s particularitez d'Allemagne
que nous n'eussions pas sceiies sans luy, et au catalogue de la foire, ii
n'y sçauroit jamais si peu avoir, qu'il n'y faille donner un coup d'œil.
C'est pourquoy ce nous est tousjours de l'obligation qu'il vous ayt pieu
nous en faire part, et de cette action de Filcsac ', ou nous avons encores
veu des particularitez de sa fabrique lesquelles nous ignorions, comme
aussy des vers du sieur Grammont*, oii nous apprismes la promotion
de M' de Champigny* qui n'estoil pas encore venue jusques à nous plus
tost. Je luy escripts un mot de felicitation en suitte de l'honneur que
me faisoit aultrc foys ce bon homme de me tenir pour son serviteur*.
Mais je l'ay adressé à M' Gassendy à cause de la parenté de M' L'IIuil-
lier, et des offres qu'il m'avoit faict faire auprez de luy. Mais surtout
' Rappelons que l'ouvrage de W. Harvey
est intitula : E.vercilatio anatomica de inotu
cordis.
' Voir dans les Lettres méditei de Forliit
de la lloguettc (la Rochelle, 1888, grand
in-8°) divers passages relatifs aux manuscrits
du chancelier Bacon communiqués à Peiresc.
' Jean Filesac. docteur en Iht'ologie, le
9 avril i5iio, inoiu-ut à Paris, sa ville na-
tale, ie 37 mai i638. doyen de la faculté
de théologie. Il avait été professeur au col-
lège de la Marche, curé de Saint-Jean-en-
Grève et recteiu' de l'Universilé. Voir la liste
de ses ouvrages dans la Table des auteurs
( tome V de la lUbliothl^que historique de
France, p. 517).
* ie suppose qu'il s'agit lii de l'écrivain
provençal Scipion de Gramonl, sieur de
Saint-Germain , secrétaire de la Chambre du
roi, sur lequel on peut voir un article du
Morért de 1769, où est complété, surtout
au point de vue bibliographique, et surtout
à l'aide des Remarques de l'ahbé L.-J. le Clerc ,
l'article Gramont du Dictionnaire critique de
Bayle.
' Jean Bochart, seigneur de Champigny,
premier président au parlement de Paris.
* On a, dans le registre III des minutes
il Carpcntras(fol. 56), une lettre de Peiresc
h "M. de Champigny ii i'aris» du 90 janvier
i63o. C'est celle dont il est ici question.
Deux autres lettres (ibid., fol. 55) sont
datées d'Aix (a8 décembre t6i9 et a3 fé-
vrier 1 6 1 3).
»8
218 LETTRES DE PEIRESC [1630]
ay je prins un plaisir nornpareil à ce traicté de M"' de Rohaii , sur le
subject duquel je vous envoyé un certain advis d'un Espagnol qui pré-
suppose je ne sçay quoy de ce costé là. C'est le dict sieur Noël qui me
l'a baillé, et tel qu'il est à faulte de rien de meilleur il fauldra que
vous le preniez en gré. La lettre de M' Gevartius' qui estoit en la mesme
despesehe est un peu ternie du vinaigre réitéré, dont j'ay esté bien
marry pour l'amour de vous et de luy mesmes, tout ce qui vient de sa
part méritant d'eslre cherenlent conservé, mais j'ay creu que vous
l'aymeriez encores mieux recouvrer en Testât qu'elle est que par la
coppie que j'en ay retenue, ayant regretté la perte de tant de genls de
lettres dont il y a cotté le decez, et particulièrement du pauvre Hos-
weidus ^, qu'il n'eust préalablement donné au public cez bons autheurs,
et grands recueils des vies de Saincts qu'd promettoit^. Mais je crois
que cet Hugonius* est encores plus à plaindre, car il y avoit du plaisir
à lisre ce siège de Breda-' et aultres opuscules qui estoient sortys de
ses mains*. Je ne plaignois que de le voir attacbé à l'Espagne \ au lieu
que j'eusse désiré qu'il eust employé une si gentile plume pour la
■France. Je verray bien volontiers ce qu'on promet de luy la foire pro-
' Voir, sur J.-G. Gevaerls, le tome I. entra dans la compagnie de Jésus en i6o5,
p. i3. fut prof.'sscur d'humanités à Anvers, préfet
' Héribert Roswei<lc, iîc à Utrecht en des études à BriL\elles, devint l'aumônier
1669, entra dans la compagnie de Jésus du général Ambroise Spinolo et mourut de
en J589, professa la philosophie et la théo- la peste, le lo septembre 1629, dans le
logie à Douai et k Anvers, et mourut dans camp de l'armée espagnole, à Hhinberg.
cette dernière ville le 5 octobre 1629. Voir ' Obsidio Bredana armis Philippi JV :
la Bibliothèque de la Coinpaffnie de Jésus, Auspiciis Isabeltœ ductu Ambr. Spinolœ per-
I. III, in-fol., col. 36o-368. fecta (Anvers, imprimerie Piaiitin, 1629,
' On sait que le P. Rosweide, qui avait ~ in-fol.).
publié en 1607 : Fasti Sanctorum quorum * Voir la liste de ces autres opusciJes
mtœ in Belgicis bibliothccis manuscriptœ as- dans la Bibliothèque des écrivains de la Com-
servantur (1607, in-8°), fut, en quelque pngiiie de Jésus, t. II, col. 220-223.
sorte, le premier des Boilandistes , car ce ' Le P. H. Hugo avait suivi en Espagne
fut lui qui forma le plan des Acta sanctonim le duc d'Aschot, qui l'avait nommé son con-
te! (jue devaient le sm'vre Bollandus et ses fesseur. Attaché ensuite comme aumônier à
continuateurs. Spinola, il le suivit dans toutes ses expédi-
" Hei-man Hugo, né à Bruxelles en 1 588, lions militaires.
[1C30] AUX FRÈRES DUPUY. 219
chaîne De militia equestri anliqua et nova'. Encores faut-il regretter
le pauvre bonhomme Bertius^elsa géographie chrestienne, bien que
le tout soit comprins dans les desseings de M"" Holstenius qui s'en pourra
bien mieux acquitter, mais toiisjours son édition n'eust point esté inu-
tile, et eiist possible iaict haster celle de M' Holstenius, induisant se»
patrons à la luy faire mettre au jour plus test. La harangue de
M' de Léon ^ et la relation de M' des Hayes* m'ont esté bien agréables,
pour voir Testât des affaires courantes parmy cez sortes de gents dont
ils parlent, et l'edict des maisons régulières est bien notable de la main
d'où il vient; il fauldra voir ce règlement du conseil dont on faict
feste, et s'il pourra estre mieux observé que les précédants. J'ay esté
bien aise d'apprendre que M' Deodati se porte bien et soit prez de vous;
s'il y est encores à l'arrivée de la présente, vous m'obligerez de l'as-
seurer de mon humble service et de l'obligation que je luy ay d'un
exemplaire de sa dernière édition du concile^, qu'il a dict me voidoir
despartir. Mais j'ay esté tout transporté de joye à la nouvelle de l'arrivée
du sieur Samuel Petit de par delà, à cause delà grande peine où j'avois
esté de luy pendant les bruicts qui couroient de la maladie de Nismes,
où l'on m'avoit donné de grands ombrages qu'il ne luy fust mesadvenu,
ce qui m'avoit grandement r'engregé la douleur que me donnoient les
maux de noz quartiers. Je loiie Dieu de le voir eschappé, et luy sou-
haicte aultant de santé, do repos d'esprit et de contentement qu'à moy
mesmes. Ayant prins un singulier plaisir d'entendre le goust que vous
ont donné les eschantillons qu'il vous a mis en main de son Plante,
qu'il faut luy faire donner au public*, et moyenner de luy faire re-
' De militia equestri antiqua et nova ad ' Sur Cliarios Bi'ulart, prieur de Ijéon.
llegem Philippum IV libri quinque (Anvers, voir t. I, p. 4.
i63o, iii-fol.). On possi'dnit df'jà de cet ou- ' Sur le voyageur Des Hayes, twron de
vrago une ddilion qui avait i!té faite éga- Gormenin, voir t. I, p. Sag-SSo.
lemenl in-folio h Bruxelles en 1698. ' Il s'agit de l'iiistoire du Concile de
' Rap|)elons cjue Pierre Bertius ('(ait Trente par Paoio Sarpi.
mort le 3 octobre 16a 9, kgé de soixante- * Le Plante de Samuel Petit ne devait
quatre ans. jamais voir le jour.
■8.
220 LETTRES DE PEIRESC [1630]
mettre les plunietifs^ de feu Passerai^ qui estoient ez mains du feu li-
braire MoreP, car il en retirera sans doubte ce que d'aultres ne sçau-
roient deschiffrer, sçaichant comme il sçaict par coeur, s'il fault ainsin
dire, le fonds de cet autlieur. Je suis bien fasché que l'homme qu'il
m'envoyoit ne peult passer, car il m'eust oslc d'une grande peine où
j'ay esté jusques à présent, et mes lettres eussent peu arriver plus à
temps pour ce qui est de la cour, dont je crains bien l'esloignement de
Paris plustost qu'il ne faiildroit pour luy. Mais à tout hazard je ne
laisse pas de luy en envoyer quelques unes, bien que là où vous estes,
il ne m'appartienne pas de m'en mesler, veu la commodité que vous
avez dans l'académie, sans bouger do chez vous, de luy procurer toute
sorte d'entrée et défavorable accueil partout où il voudra s'introduire,
comme je m'asseure que vous aurez desja faict. J'escripts enlr'aultres à
Ms' le cardinal Bagny qui m'en demandoit des nouvelles, et le verra
fort volontiers*. H fauldrà que vous le luy meniez un jour si faict n'a
esté, et que luy fassiez trouver bon de le faire quand on l'en vouldroit
divertir. Car d luy importe plus qu'il ne pense de faire ce coup là, dont
il n'aura jamais de subject de s'en repentir. Ce que vous m'escrivez
de cette promotion et de l'applaudissement avec quoy elle a esté
receije en cour m'a esté fort agréable. On en escript aullant de Rome,
' G'esl-à-dire les brouillons, les notes.
On sait que le mot plumetif (aujourd'hui
plumitif) désignait le papier sur lequel on
écrivait les notes d'audience destinées à pré-
|)arer le jugement définitif.
' Empruntant une note au fascicule XIV
des Correspondanls de Peiresc (Samuel
Petit, p. 60) , je redirai : rr Jean Passerat, né
à Troyes en i534, mort à Paris en 1609,
est trop célèbre h la fois conmie poète ,
comme érudit , comme professeur, pour que
je ne me contente pas de saluer, en passant,
sa triple renommée. »
' Dans la lettre de S. Petit h Peiresc a
laquelle se rattache la note que je viens
de citer, lettre datée du 28 septembre
i63i, on lit ceci : «...avant lequel [re-
tour] je me seray entretenu, Dieu aydant,
avec M' Morel, qui est maintenant à Franc-
fort, touchant le Plaute de Passei-at».
Le More! nommé en cette phrase était
Charles Morel, imprimeur du roi, fils de
Claude, iiussi imprimeur du roi, et pelil-
lils de Frédéric, qui fut également impri-
meur du roi. Voir sur cette dynastie d'im-
primeurs le tome I, p. 117.
' Sur les relations de Samuel Petit avec
le cardinal Bagni , voir le fascicule XIV des
Correspondants de Peiresc, p. ao, ai, Sa,
36, etc.
L1630] AUX FREUES DUPUY. 2J1
et s'il peult vivre, j'estime que son mérite est pour le porter au su-
prême degré d'honneur, où sont portez les gents de son mérite et de la
condition où il est parvenu. Celle de M"" nostre Archevesque m'est bien
aussy venue à souhaict; je ne suis marry que de ce qu'il quille nostre
pauvre église, laquelle s'en seroit bien ressentie s'il y eust demeuré un
peu davantage. Mais ce qui diminiie bien nostre joye est de voir que la
maladie nous descrie, en sorte qu'il ne fault pas espérer qu'ils veuillent
passer en ce pais en prenant la routte de Home l'un et l'aultre où je
crois bien qu'ils ne tarderont pas d'aller et que cela nous ostera les
moyens de les voir en passant de pardeça, comme nous en eussions
l'aict sans double.
Pour le surplus de voz lettres, ce n'est pas là seulement qu'il se parle
des miracles du cardinal de Berule'; on luy a faict et rendu des vœux
à Aix, bien ([ue sans Tozer nommer ne divulguer, dont il se prépare des
verbaux d'importance, mais que la maladie présente, qui s'estoit jettée
dans l'oratoire, soit hors de la ville, comme elle n'est plus en cette
maison là.
Puis que l'édition des œuvres de feu M"" de Malherbe est si preste de
sortir au jour'^, j'estime qu'il sera bon de l'attendre, car aussy crois-je
bien qu'elle ne tardera pas d'estre debittée, et possible nous espar-
gnera elle de la peine de bailler des pièces recueillies de longue main,
que l'on aura possible eiies do pardelî» meilleures ou retouchées par l'au-
theur, et nous serons plus asseurez de ce que nous pourrons lournir
de nouveau s'il y a rien qui le vaille. Je suis bien aise que Wostreman'
' Pien-o delJérulledtaitmorlsiibitenienl, ' LucaR-Emiie Vorslermnii , lit' h Domine»
en disant In messe, le ao octobre 1639. (Pays-Bas) en iSgS, inscrit sur les registres
Plusieurs le regardèrent comme uu saint. des bourgeois d'Anvers le 98 août iGso.
' Les poésies de l'nmi de Peiresc, qui cultiva l'art de la gravure sous la direction
n'avaienl point été réunies de son vivant, pa- de Rubens et devint l'un des piincipaux iii-
rureiil pour In première fois en i63o,in-4°, terprètes do l'œuvre de l'illustre maître: la
sous ce titre : Les Œunres de messire Fran- Dewenle de croix, la Balaille des Amazone*,
çoit de Malherbe (Paris, Ch. Chn])pelain). Sutanne, etc., sont des œuvres de premier
Celte édition fut donn(^> par le cousin du onire. Il grava pour Rubens les deux c«-
poèle, poète lui-même, Fr. Arbaud, sieur mées h peu près découverts par Peiresc,
de Porchères. celui de la Sainte-ChapeUe et celui de Vienne.
222 LETTRES DE PEIRESG [1630]
se soit trouvé là pour tailier son poitraict ' et vouldrois bien que Gra-
moisy luy eust faict tailler celuy de feu M^ le garde des sceaux du
Vair^, ne doublant pas aussy qu'il n'en fasse d'aultres éditions, où il
seroit bien employé. Je serois bien aise de sçavoir ce que coustent de
telles plancbes, et crois que M' l'Evesque de Lisieux^, qui a l'original du
dernier portraict qui en fut faict de la main de Porbus'*, ne refuseroit
pas de le prester à si bonne occasion. Pour les images qu'il tient en
vente, vous m'avez faict plaisir singulier d'acbepter cez beaux portraicts
d'hommes illustres. Mais pour ce qui est des desseins de M' Rubens,
où il va tant d'argent, il n'y a poinct de mal d'avoir différé à un aultre
temps, qu'il fauldra faire le recueil bien entier et bien assorty, pour le
mettre en libvre. Je vouldrois qu'il luy eust prins fantaisie de graver
comme cela les tableaux du dict sieur Rubens de la Galerie de la Royne
mère. Les desseins primitifs que M"" de S' Ambroise^ a par devers luy
viendroient bien à propos à cela, et la Royne en feroit, je m'asseure,
la despence plus volontiers que l'on ne pourroit penser. En la dernière
Vorsterman habita quelque temps l'Angle-
terre et la France. De retour à Anvers
en i63i, il y mourut en 1667. Voir sur
ce grand artiste le Pierre-Paul Rubens de
M. Ruelens, 1877, p. 87-98.
' M. Ludovic Lalanne a publié dans le
tome I des Œuvres complètes de Malherbe,
à la suite de la Notice biographique, une
excellente ëtude sur les Portraits de Malherbe.
Ten détache ces lignes (p. cxxvii) : irC'est le
portrait fait pom- Peiresc [par Daniel Du-
monstier] et représentant Malherbe à l'âge
d'environ cinquante-trois ans, qui fut gravé
après sa mort, d'abord par Vorsterman pour
orner la première édition de ses œuvres
(i63o), puis par Briot. Ces deux gravures,
fort belles, ont servi de types h cette multi-
tude de porti-aits de toute grandeur pubUés
depuis le xvii" siècle, et qui, altérés succes-
sivement , ont fini par devenir complètement
méconnaissables. Le portrait qui accompagne
notre édition est une reproduction fidèle de
la gravin-e de Vorsterman.»
' Sur les portraits de Guillaume du Vair,
voir la Liste de portraits des François illustres
dans le tome IV du recueil Lelong-Fon-
telte, p. 978. Un des plus remarquables
portraits du grand ami de Peiresc est celui
de Finsonius (Louis Finson, de Bruges),
gravé par Gundier en 1794.
' Guillaume AHeaume , neveu et succes-
seur sur le siège de Lisieux de Guillaume
du Vair (i699-i634). Voir sur ce prélat le
tome I , p. 9 0 1 .
' Franz Porbus, dit le Jeune, naquit h
Anvers en 1670 et mourut à Paris en 1699.
Le Musée du Louvre possède , entre autres
belles toiles de ce peintre , le portrait dont il
est ici question.
' Sur Claude Maugis, abbé de Saint-
Ambroise de Bourges, voir le tome I,
p. 7.H9.
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 223
lettre que je leceus de M' Hubens, il tesraoignoit désirer de voir cez
petits suppléments des Anecdota de Procope dont le sieur Bosweld luy
avoit laict grande leste'. Si j'en eusse eu icy ce que j'en avois retenu
sur mon exemplaire, je luy en eusse envoyé coppie et [>ense que vous
ferez bien de la luy envoyer, pour luy en faire passer l'envie au cas
qu'il ne l'eust encore eiie. Il me laisse encores quelque espérance de
repasser en Italie, et de se laisser voir icy comme il m'a voit cy devant
promis^, et crois qu'il l'eusse bien plus asseurement faict que M' de ïliou ,
s'il eust passé à 3o lieues dicy. Mais je n'estois pas digue de ce con-
tentement, non plus que de celuy que j'eusse eu si M' de Tliou nous
eust bonoré de sa visite en ce lieu cy. J'ay apprins fort volontiers ce
qu'il vous plaict m'escrire de l'arrivée en bonne santé des sieurs Gobert
et le Jeune, dont j'avois bien esté en peine, et leur sçay bien bon gré
de tant do bonne volonté qu'ils vous ont tesmoigné d'avoir encores pour
moy. Le sieur Gobert lu'avoit comniancé des plans et desseins de cer-
taines fabriques^ antiques, enclavées dans nostre Palais d'Aix, où il
manqiioit eiicores la principale pièce qui estoit de l'elevatioa eu per-
spective de toute la fabrique d'une seule veiie, laquelle il me promit
de faire à sa première commodité sur les plumelifs qu'il en a retenus*.
Je vouldrois bien qu'il le fil, et s'il vous revient en rencontre ou que le
puissiez envoyer quérir, vous m'obligerez grandement de l'en semondre
et plus tost luy oiTrir quelque escu, afin que le reste du travail que
' Lettre déjà citée, du 9 avril 1639, d'ii près
le recueil d'Eiiiilo Cachet où le texte est
publié (p. aSa-aS/i) et où ia Iriidiii-tioii est
dounée (p. a35-:i38). Rubens aiinouce que
le secrétaire Boswel a promis de lui coiu-
nnuiiquer des fragments de l'histoire anec-
dotique de Procope, touchant les déhanches
de Théodorn , fragments omis dans l'i-dition
d'Alcmamii, (tpar modestie et par pudeur
sans doute , et que l'on a retrouvés depuis et
extraits d'un manuscrit du Vatican".
' Ou lit dans la lettre citée ù la note pré-
cédente (p. 987 du Recueil Cachet) : -rJe
n'ai point perdu l'espoir d'accomplir mon
pèlerinage en Italie ; mon désir ne fait même
que s'accroître d'he>w« ei» hfure, rt je vouii
a»3ure que si la fortune ne me le pecaiet
pas, je ne saurais mourir content. Vous pou-
vez être sur qu'en allant ou en revenant , mais
plutôt en allant, je viendrai vous présenter
mes civilités dans voir»' fortunée Provence,
et ce sera le plus grand bonheur qui puisse
m'arriver eu ce monde. »
' Fabni/ues , c'est-à-dire construclious.
' Plumctif signilie ici croquis, rapides
traits de plume.
22A LETTRES DE PEIRESC [1630]
j'ay de luy sur ce subject qui est grand ne soit pas deffectueux de cette
pièce, qui est de plus d'apparance que tout le reste. Ils doivent bien
louer Dieu d'estre sortis d'Aix, car la maladie se fourra dans la maison
d'ofi ils sortirent, dans huit ou dix jours aprez leur partement, et ils
auroient tant paty et estoient si mal habituez, qu'ils n'en fussent jamais
eschappez, les pauvres gents. En un besoing le dict sieur Lejeune pour-
roit contretirer le dessein dont je vous escrivis quelque temps y a, de
la cène représentée en forme de cigma en la basse marge d'un Nou-
veau Testament Grec m[anu]s[crit] de la bibliothèque du Roy. Si ce
n'est que le sieur Perdreau peinctre, à qui j'escrivis lors pour cet effect •,
et qui hante fort chez M' Aubery, l'aye faict luy mesmes, ou faict faire
par aultre de ses amys.
Mais j'ay bien de l'obligation au dict sieur Aubery de la double
coppie de son registre de Léon X , qui est une grande surcharge aprez
une infinité d'aultres obligations dont il m'a comblé en mille façons,
avec des livres, papiers et anticailles des plus curieuses sortes que je
pouvois avoir, de façon que je suis en toutes les peines du monde à
trouver quelque moyen de revanche, et si soubs main vous pouviez des-
couvrir quelque chose de son goust, soit libvres, ou tableaux ou aul-
tres, vous m'obligeriez infiniment d'y faire employer de l'argent, et le
luy faire donner de ma part; j'envoyeray r'affraischir les lettres de credict
tout exprez, vous suppliant de croire que vous ne sçauriez me rendre
de meilleurs offices, ne plus à mon gré que seroit celuy là, estant
descontenancé comme je suis de ne sçavoir comme entrer en quelque
partie d'acquittement de si grosses debtes. Que si vous descouvriez aussy
que de ce costé de deçà il y eust moyen de luy envoyer chose de son
goust, vous m'obligeriez bien de m'en advertir.
Au reste j'ay esté scandalizé d'apprendre qu'en l'édition des conciles
de France ^, on ay t supprimé et chastré des choses non ignorées regar-
' Dans le volume de l'Inguimbertine «à M' Perdreau, peintre, à Paris»,
qui renferme les minutes des Lettres de ^ Concilia antiqua Gallim , très in toinos
Peiresc aux frères Dupuy, on trouve ordine digesta. . . opéra et studio Sirmondi
{ fol. aoi) une lettre du ao novembre lôag (Paris, Séb. Cramoisy, lôag, 3 vol. in-fol.).
[1630] AUX FKERES DUPUY. 225
fiants la grandeur do noz Roys, et aurois bien doubtr- que cela fust fai-
sable dans les pièces rn[anu|s[crite]s dont les orijjinaulx se pouvoicnt
brusicr, mais en ce <|ui se Irouvoit ailleurs, je ne trouve pas qu'il soit
pardonnable, bien qu'aux rn[anu]s[crit]s niesnies, ce soit une espèce de
sacrilège (|ui lest ou tard se peult descouvrir et vérifier, attendu que
souvent on pense avoir des m[anu]s[crit]s uniques dont il se trouve
bien des co|)pies avec le temps. Le bon P. Morin est bien plus louable
de n'avoir rien desguisé de la vérité, et me tardera bien de voir son
Constantin', niais je ne pense pas qu'il y faille penser de cette anm^e
si ce n'est par la voye de la mer, et par le destroit de Gibraltare. Veu
mesmes qu'on asseure depuis peu que la maladie y a regrillé'- durant
la foire des Roys dernière, aussy bien qu'à Narbonhe, ce qui tiendra
le monde en detfiance toute l'année, et tant que l'on verra l'air de deçà
disposé à la contagion. Toutefoys j'ay escripl (pour trouver une voye
plus briefve) de faire venir un petit ballot de Genève que M' Godefroy
m'avoit retenu dez l'année dernière, avec cliarge de le faire emballer,
et sceller par dessus de la balle de plond) de la republique de Genève,
et d'y joindre un certificat du dict emballage et scellé, ensemble de son
partement pour venir par Lyon sans y estre desballé, et descendre
' Histoire de la délivrance de l'Eglise
chrétienne par l'empereur Constantin et de la
grandeur et souveraineté temporelle donnée à
l'Eglise romaine par les rois de France (Pa-
ris, Moreau, iG3o, iii-fol.). Dans V Essai
de bibliographie oralorienne, par le père
A. -M. -P. Ingold (Paris, 1889), on lit
(p.i i3)cellenoleemprunléeaiix nianuscrils
de Batterel : trLe Pape et les Romains furent
blessés de en litre et plus encore de la vi-
(f nette qui est à la tête, où Ion voit Gliarle-
niagne présentant une «trte de l'Italie au pa[x>
Léon III en lui disant : Ilalos parère jubebo ,
et la réponse de Léon h qui l'on ^ait dire :
Tu mihi quodewnque hoc regni. Ils ne pou-
vaient non plus dijTeier ee qu'il dit du hnp-
lême de (Innstantin qu'il met non ù Home et
dans Saint-Jean de Litrnn . mais a iNicomédie.
\jf cardinal-neveu Bar()erin lui en fit faire
des reproches. Le P. Morin eut beau pro-
tester de son di-vouemenl pour l'hoimeur du
Saint-Siège sur le(juel il prétendait avoir fait
des preuves suffisamment. Les Romains, qui
savent mieux que personne de quelle va-
leur sont les lielli s paroles, ne s<> payèi-eiil
|>oint de celle monnaie et i.e fiirent pas
contents ipie le P. Morin n'eût promis de
salisfai;e par des effets et des changements
i-éels h la première édition de son livre,
mais cette deuxième édition est encore à
Caire. 1
' L'expression regriller, pour redoubler,
sr renforcer, n'a . ce me semble , été re-
cueillie dans aucun de nos dictionnaires.
»9
tHFIIHIMt SlTieiiâl.>.
226 LETTRES DE PEIRESC [1630]
par la rivière du Rosne jusques à la mer, et puis aller demeurer aux
isles de Marseille entre les mains des intendants de la santé et purifi-
cateurs' de marchandises venants de lieux suspects, aultant de temps
qu'il leur plairra, et aprez nous les envoyerons quérir là. Si cette voye
peut reuscir, je vous prieray de faire venir ce que j'ay à Paris, soubs
les mesmes précautions et adresses, mais il faull attendre encores un
peu, pour voir comment cecy pourra succéder, car aulcuns m'en blas-
ment desja, comme estant fort dangereux que le tout ne se gaste et
qu'il ne s'en perde une partie. Mais encores faut il hazarder quelque
cliose en la nécessité. J'ay veu le roolle des livres de la foire qu'il vous
a pieu me retenir, que je trouve choixsis trez tous ^ de trez bonne main,
et où il n'y a rien à retrancher, n'ayant pas le Cremonin^, et pour les
aphorismes d'Hippocrate, l'édition d'Elzevir a droict de preferance sur
toutes les aullres que l'on sçauroit avoir*. Je ne plains que le temps
qu'il nous les fauldra attendre; cependant je verrois volontiers un exem-
plaire de cez deux feuilles in fol" des Additions de Keplerus aux Tables
Rudolphines, Car bien qu'elles se gastassent un peu, la perte n'en se-
roit pas comparable au plaisir de les voir s'il y a rien de notable
comme il y a apparance. Et si cette epistre de Keplerus in 1)° en vault
la peine ^, on l'y pourroit joindre. Je sçaurois volontiers par mesme
moyen oii va chercher les origines de la Généalogie d'Autriche, cet
' Sous le mol purificateur Lillré n'a cite générale), etc. Dans ce dernier recueil ou
qu'une phrase de Voltaire. Lie mot ne se trouve une ample liste d'auteurs à co:isulter
trouve, du reste,' ni dans le Dictionnaire de sur Créinoiiini. Je ne puis dire lequel des
Richelet, ni dans le Dictionnaire de Tri'voux. très nombreux ouvrages du philosophe Pei-
" Cette sorte de nuperiatif du mot tous resc avait désird. Quatre ans ])lus tard, les
n'a pas lita indiqviée par Litlré. Je ne le i-e- Elzevier devaient publier: Qesar Cremoiiinus
trouve pas dans les recueils de SL's devanciers. Centensis de Calido intiato, et semine, pru
G^sar Crénioiiiiii naquit à Ccnto , dans Arislolek adversus Galenum {Leyde , i634.
le ducht- de Modène,en i55o, professa la in-.3a).
philosophie à P'errare, puis à Padoue, et ' Aphorisini Hippocratis. Ex vecognilionc
mourut de la peste dans cette dernière ville A. Vorstii{he\Ae, 1628, in-24).
en i63i. Voir sur cet écrivain Bayle {Die- ^ Ad epistolam Jacohi Bartschii prœfixam
tionnaire critique), Ginguenu {Biographie Ephemeridi aimi i6ag , responsio de Compu-
universelle), J. ïissot {Nouvelle biographie tatioiw Ephemeridum {Sagan, 1629, in-/i°).
1()30J AUX FRÈRKS DIPUY. -227
Oclavius Strada ', et s'il a rien descouvert dt; nouveau, doiitM'Godelroy
et M'' du Cliesue seront desja esclaircis, si vous leur en parlez comme
je vous en supplie, et de leur en faire mes trez humbles recommanda-
tions. Je suis bien aise qu'avez aussy priiis le siège de Grolle, et quand
trouveriez ce petit itinéraire d'Elzevir Godefredi Hegenitii, etc. 18, qui
est au catalogue de Francfort, il n'y auroit poinct de mal*. Et le traicté
des Schismes ((jui estenroollé au mesmc cha|)itre d'Auspourg) in 8", et
le Petronius d'Aiit. Gonsal. de Salas, de Francfort Ix"^ avec ce volume
Rerum German. Septentrionalium Erpoldi Lindembrogi, ibid.^ fol" (si
ce n'est chose vieille refaicte seulement pour le premier feuillet, comme
font souvent cez libraires quand ils ne peuvent s'en deflaire) , et les II chro-
niques de Trilhemius ^ de Freherus^ si c'est auitre chose que ce que
nous avons. Monumenta Sepulchralia Brabantiœ de Swertius 8", cet
auitre Petronius tant de Loticchius* que de Brassianus et aultres, car
' Genealogia et séries Auslrice ducum, ar-
chiducum , rcffum cl iinperatorum a liudolplio I
ad Ferdiiimiduni (Frnncfort, 161 5).
' Golf. Heffeniti itincrarimn Frisio-Uottaii-
dicum, et Abr. Ortetii itinerarium Gallo-Bra-
banticum. In quibiis quw visu, quœ lectu
di/fiia (Leyde, i63o, iii-18).
' L'tyition de Salas a été Burlout a|>-
préci(« à cause du commentaire que l'on a
reproiluif dans l'éditiou du Sali/ncoit donni'e
par Uurinanit (Amsterdam, 17^48, 9 vol.
in-i").
* Ce recueil avait paru pour la première
fois en lôgô (Hand)ourg, in-fol.). Une nou-
velle édition l'ut donnée au comnicnernicnt du
XVIII* siècle : Scriplores rerum, rtc. , cum novo
auctario, J. Alb. Fabricii (Hambourg', 1706,
in-fol.). Erpold Lindebrog naquit à Itiénie
vers i54o, fut chanoine au chapitre luthé-
rien de Hambourg et mourut le 30 juin
i6i6.
' Les deux chroni(jues de Jean Tritlième,
abbé de Spanheiiu, sont la Chronique d'IIir-
saufje et la Chronique de Spanheim. Voir, sur
ces ouvrages et sur les autres ouvrages d
Trithènie, l'excellent article de Dannou dans
la Bioffraphie universelle.
" Marquard Freher a reproduit les deux
chroniques de Tritlième et sept autres ou-
vrages de ce polygrapho dans un recueil
intitulé Opéra hislorica (Francfort, 1601,
in-fol.).
' Le titre réel de l'ouvrage de Swcert est
celui-ci : Monumenta »epulcralia et iruerip-
tiones Ducalus Rrabanliœ (Anvers, 161 3,
in-8»).
' On lit dans \'Hi»toirt littéraire de la
France, par les Bénédictin? (t. I, p. ao'i):
frCe que l'on avoit déjà vu en it>i8, on le
vit encore en 1 699 : deux éditions de notre
auteur tout à la fois. Pit-rri' Liotichius prit
soin d'en pubher une h Francibrt chez Wolf-
gnng llofinan en un volume in-4' avec les
Conmientaires di' Joseph-Antoine Gonsale
de Solas (sic). L'autre a été faite chez Jean
Mercier, imprimeur à Genève [par Théodore
•9.
228 LETTRES DE PEIRESG [1630]
on m'a emporté tous ceux que j'avois, tout d'un coup. Et finalement
cette Philologia sacra Bartol. Mayeri Lipsiae 8°' à cause de cez vocables
/Egyptiens qu'il dict y avoir recueillis. Car je ne pense pas que ce gros
volume de Venise fondes Conclaves soit arrivé à Paris, ni ce Philopo-
nus gr. 1. sur la Genèse, de Vienne '^ nom plus que cette II partie Annal.
Bojorum Andreae Bruiner^ dont vous m'avez envoyé la première que je
vis volontiers, ne cez 8 libvres d'Astrologie de Gampanella* de qui il
semble qu'il ne tault rien négliger. Mais quand le Phil. Lansbergius^
de motu terife h° sortira"^, il le fauldra bien voir s'il est possible et si ce
ne vous est trop d'importunité, et ce Diarium Joannis Schmidii Norirn-
bergae 12"^ Car pour l'Optat de M"" d'Orléans qui est sur le dict cata-
logue, je crois bien que vous le nous eussiez envoyé sans attendre que
je le demandasse, s'il eust esté achevé d'imprimer, comme il ne l'est
pas, ainsin que je fay apprins par uae lettre que l'autheur m'a enfin
escripte aprez sept ou huict moys de silence, à laquelle j'ay creu devoir
faire la responce que vous pourrez voir, et puis la faire cachetler et
rendre soubs main comme bon vous semblera.
H me reste encor une prière à vous faire en matière de livres. C'est
(le Juges]. V Jean-Pierre Loticli , professeur de
médecine à l'université de Rintelu, mourut
en 1669. Voir les éloges donnés au Pétrone
de Lolichius par Guy Patin dans une lettre
à M. de Tournes, marchand libraire, du
1" avril 1667 (édition Reveillé -Parise,
t. I, p. 903). Conférez une lettre à Charles
Spon, du 7 février i648 {ibid., p. 875).
' Philolofftœ sacrœ pars I seu prodromus
Clialdaismi sncri ( Leipsick , 1699, in-S' ).
' Joannis Philoponi in cap. 1. Geneseos de
Mundi creatione libri seplem . . . hilerprele
Ballhazare Corderio , Anluerp. , etc. (Vienne,
i63o, in-4°). Voir sur Ralthazar Corder
(né h Anvers en 159a, mort à Rome en
l65o) la Bibliothèque des auteurs de la
Compagnie de Jésus , t. 1, in-fol. , col. 1875.
^ Voir sur le jésuite André Brunner, notre
tome I, p. 86. I^a première partie des Anna-
lium virtutis et fortmuB Boiorum avait pani
en 1626. La seconde partie parut en 1629.
' Astrologicorum libri VI (Lyon, 1699,
in-li').
' Philippe I.,ansberg, mathématicien et
astronome, naquit en 1061 dans la Zélande;
il mourut en novembre 1689.
° Peiresc veut parler de : Commentationes
in molum terrœ diurnum et annumn, et in ve-
rum adspectabilis coeli typum, 1629, traduit
du hollandais en latin par Martin Hortensius
(Middelbourg, iG8o, in-i°) et en français
par N. Goubard {ibid., i638, in-fol.).
' Le titre complet est : Diarium historicum
(Nuremberg, 1680). Peiresc attribue au vo-
lume le format in-i 9 ; d'autres lui attribuent
le format in-8°.
|16:50| AUX FIIÈHKS DUPUY. 229
cju'il vous plaise me faire achepter jusqucs àqiiallre exeinplaireit, si aul-
lanl s'en peuvent trouver, d'une petite Bible Hébraïque de Leydeu des
hoirs de liaphelengius', qui est in-i8 ou possible plus petite, et se
souloit vendre ù Lyon jusques à quattre francs pièce. Mais il y en avoit
des feuilles mal imprimées, dont l'ancre avoit esté mal empreinte. C'est
un de mes amys qui en a besoing, lequel je vouidrois bien servir à
son goust, s'il esloit possible, et il vouldroit esviter, s'il pouvoit, qu'il
n'y eust de cez feuilles ainsin mal marquées; sinon, encores les aymera-
t-il mieux ainsin que de n'en avoir poinct. Que si Elzevir les a réim-
primées, comme je le pense''', et que l'on tienne l'impression meil-
leure, il en fauldroit prendre un exemplaire, et les trois aultres, de
l'édition de Rapbelengius qui est de l'année 870 au compute des ra-
bins. Et s'il ne s'en trouvoit poinct de ladicte édition de Raphelengius,
il vaudroit mieux prendre les U exemplaires de la récente d'EIzevir.
Mais comme ils sont petits, et que c'est pour envoyer ailleurs, on au-
roit besoing de les recevoir par la poste si faire se peult, les envoyant
à diverses foys, soubs des bonnes enveloppes de petit cartoncin, pour
les defl'endre du vinaigre tant que faire se pourra, et surtout fauldra
les faire collationner exactement, qu'il n'y ayt pas de deffecluosité,
espérant que dezhorsmais les despesches iront et viendront plus ré-
gulièrement qu'elles n'ont faict l'année dernière, principalement si on
peult venir à bout, comme l'on est aprez, de la translation de la poste
ordinaire du costé de Sallon, où M"" le Premier Présidant retiendra les
miennes conjoinclement avec les siennes, et les remettra à M' d'Agut,
qui de sa grâce a commancé un petit commerce avec moy d'un laquay
qu'il m'envoye toutes les semaines jusques à Rians, à jour certain, au-
quel je luy envoyé un des miens, et promet de continuer, tant que
nous demeurerons ainsin séparez, au moyen de quoy nous n'aurons plus
' François Rnpheienjjius , né h Lnnnoy, ' Peiresc se trompait : les Elievier ne
près (le Lille, le -.(7 février lôSg, mourut h réimprimèrent pas la Bible hébraïque, car
Leyde le ao juillet 1597. Nul n'ignore que ce on n'en trouve pas mention dans le recueil
gendre et associé de Christophe Plnnlin fut de l'impeccable M. Alphonse Willems.
aussi habile imprimeurque savant orientaliste.
230 LETTRES DE PEIRESC [1630]
à appréhender les inconvénients passez , et fauldra louer Dieu de ce
qui est eschappé, et de ce que nous en sommes quittes à si bon marché,
en une telle occasion de temps de malheur, que voz principales lettres
sont enfin sorties quoy que tard des barrières oii l'on affectoit de les
retenir, et de ce qu'elles sont arrivées en assez bon estât pour s'en con-
tenter, non obstant la formalité du vinaigre, y ayant de l'apparance
que nous ne serons plus tant exposez à la discrétion des espies et des
envies qui ne pouvoient supporter la consolation que nous apportoient
en cet exil les lettres de noz amys, et surtout les vostres, sans les-
quelles nous ne sçaurions rien qui vaille des choses du monde, et en-
cores moings des livres, nom plus que si nous estions dans les sables
de Libye, de ce qu'au contraire bien que nous soyons comme au milieu
d'un désert, bien esioignez de tout commerce et communication, voz
lettres arrivants nous transportent en un moment jusques au milieu de
vostre académie, voire du cabinet du Louvre, qui n'est pas une petite
félicité pour ceux qui ayment mieux estre dans une grande tranquilité
d'esprit plus tost loing que prez de la Cour, et qui ont neantmoings
assez de curiosité pour en apprendre volontiers des nouvelles si cer-
taines comme sont celles qui viennent de vostre main. Le mal est que
nous ne sçaurions rendre aulcune revanche, tout estant envieilly et
trop desguisé avant qu'il parvienne jusques à nous. Mais ce nest pas
pour le retour aussy que vous distribuez voz bienfaicts à voz serviteurs,
et estes accoustumé à vous contenter de leur seule bonne volonté
(laquelle ne manquera jamais en nous) aultant que si les effects y es-
toient joincts, comme nous les y joindrions de bon cœur si nous le pou-
vions. Il suffira donc à l'advenir dadjouster sur noz enveloppes un
petit mot de recommandation à M"^ le conseiller d'Agut, et je prieray
M"^ Jacquet de les faire mettre soubs l'enveloppe de M' le premier pré-
sidant d'Oppede. Si ce n'est qu'il vous pleut (suyvant la prière que je
vous en avois desja faicte) d'y faire adjouster vous mesmes une enveloppe
au dict seigneur Premier Présidant, sans vous astreindre à luy escrire
pour tout cela, car il ne le trouvera pas mauvais. Que si vous pouviez
quelques foys faire mettre entre son enveloppe et la mienne quelque
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 2ii
petit mémoire des nouvelles qui se peuvent escrire communément et
que Quentin pourvoit aller transcrire tous les iundys (en un besoin^
M"" Gassendy le feroit volontiers pour vostre soulagement tant qu'il sera
de pardelà, car sans mentir j'appréhende fort la surcharge de noz im-
portunitez si fréquentes, principalement au cas [que Dieu ne veuille)
que le mal s'estendit et nous empeschat de rechef de vous pouvoir
faire tenir noz lettres, car il ne laisroit pas de continuer tousjours de
nous escrire sans regret), cela seroit bien de meilleure digestion', et
fauldroit cotter au doz du dict mémoire que c'est pour estre envoyé à
nioy, ce que IV^ d'Oppede feroit volontiers conjoinctement avec voz pac-
quets. Mais j'abuse bien de vostre patiance et de vostre desbonnairelé,
je vous en crie mercy et demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez oteyssant serviteur,
DE Feiresc.
A Boysgency, ce «7 janvier i63o.
Je n'ay pas veu dans toutes voz lettres que vous ayez cotté d'avoir
faict rendre les papiers que j'adressois à M' Guiltard, qui se plaignoit de
ne les avoir pas receus , et je crains bien qu'ils ne luy ayent faict faulte *.
XLIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
RJJB DBS P0ICTEVIN8 PRBZ SAINT ANDR^ DES ARTZ CHEZ M' DB THOD,
À PARIS.
Monsieur,
Je ne laisray pas eschapper cette commodité sans vous escripre, par
l'un des houunes de M' Aubery qui s'en revenant de Rome a prins la
' Liltré ne donne aucun exemple de celle les noms de (rois de nos plus grands et plus
locution (Igurëe.Eti revanche, il cite plusieurs pillore8<iues écrivains, le cardinal de Reti,
emplois de la môme locution en sens con- M"' de Sévignë et le duc de Saint-Simon,
traire, mctlonl sous les mois dure digesUon ' Vol. 717. fol. gS.
232 LETTRES DE PEIRESC [1630]
peine de nous venir voir icy, oiî il nous a apporté des lettres de Dom
du Puy du 1 de ce moys, et de M'Holstenius du i" décembre comme
il estoit sur son despari pour la Pologne où il s'en est allé porter le
bonnet au cardinal Santa Croce ', s'estant chargé de voir en passant
tontes les plus belles bibliothèques qu'il trouvera à son chemin, pour
en rendre compte au cardinal son maistre^, qui est une commission
bien à son goust à mon ad vis, cependant il aura moyen de voir l'em-
pereur^, comme il desiroit long temps y a, et rapportera sans double
de belles notices et singularitez de ce voyage nonobstant l'incommodité
de la saison qui ne luy nuira poinct Dieu aydant, estant robuste comme il
est''. Il m'escriptun secret, que je ne vous doibs pas taire à vous, pourl'in-
terest du public et pour le vostre particulier, avec prière de ne le poinct
révéler à contretemps, s'il vous plaict, à sçavoir qu'il a laissé en depos
à Dora du Puy vostre frère louis ses m[anu]s[crit]s avec charge expresse,
au cas que Dieu le voulut appeller à soy en ce voyage, de les faire
tenir aux amys qu'il a dans Paris, afin qu'ils puissent un jour estre mis
en lumière, ce qui regarde principalement vostre persone, qui ne
veillez continuellement qu'à procurer du bien pour le public, et la
postérité. C'est pourquoy il importoit que vous en fussiez adverty par
moy puis qu'il m'a faict l'honneur de m'en escrire, aussy bien que par
le dépositaire , qui me mande qu'il est si scrupuleux qu'encor que le
fagot luy ayt esté remis sans eslre cachette, avec prière de le visiter,
il est neantmoings résolu de n'y poinct toucher pour le luy rendre à
son retour, tout pulceau et tel qu'on le luy avoil remis. En quoy l'excez
de sa modestie et de son scrupule n'est pas excusable, ce me semble,
aussy me suis je résolu de luy escrire par la première commodité, en
termes couverts, et intelligibles pourtant, qu'il doibt en user avec plus
' Antoine de Sainle-Groix , frère de Silvio
de Sainte-Croix , archevêque d'Arles , fut gou-
verneur de Viterbe, accompagna en France,
en i5a5, le cardinal-légal Fr. Barberini,
alla comme nonce à Varsovie en 1637, de-
vint cardinal en 1699, puis archevêque de
Chieli et d'Urbin; il mounit le 9 5 novembre
i64i.
^ Fr. Barberini.
' Ferdinand III (1695-16/17).
' Savait-on que L. Holslenius eût un aussi
vigoureux tempérament?
[1630] AUX FRKRES DL'PUY. 288
de liberté, puis que c'est l'intention du maistrc, et puis pour louts bons
respects, il importe que vous sçaciiicz par le menu en quoy consistent
tous les dicts ni[anu]s[crit]s et que vous en ayez un rooUe que je le prie
de dresser pour le vous envoyer, ce qui ne peult jamais nuire ains plu»
tost servir de beaucoup, et cela n'empeschera pas que luy revenant
sain et sauve, comme je le souhaicte de tout mon cœur, et l'espère de la
bonté divine, on ne luy rende le tout bien facilement, pour luy mesmes
])ourvoir ci la publication de ce qui luy plairra. 11 se promet plus de
loisir dans les poésies d'Aleniagne qu'il n'y en pourra, je m'asseure,
trouver, et de ne pas oublier de nous escrire de cez pais la qui sera
vraisemblablement soubs vostrc adresse à Paris. Je m'imagine qu'il y
trouvera des merveilles. Il a trouvé dans un cabinet d'un gentilhomme
curieux dans Rome He fonds d'un vase de verre, ot sont représentées
deux images de mary et femme avec une petite figure entre deux d'un
christ qui les couronne l'un et l'aultre avec le mot CRISTVS, et à l'eii-
tour est escnpt LL CIFER VIVAS CUM TUIS FELICITER ZESES
SIRTCA '■', ce qui semble à peu prez estre du mesme siècle que mon
' Ce gentilhomme élail le clievalier Fran-
cesco Gualdi, de Uiinini, qui avait formé à
Rome une collection d'antiquitës de tout
genre, dans latjuelle llgiiraient notamment
divers monuments du moyen Age (voir Bat-
taglini dans Atti dell' Accad. Rom.di archeo-
logia , 1. 1 , p. 1 3 1 , 1 3a ). La lettre de Holste-
nius h Peiresc où est mentionné le vase en
question est datée du 5 décembre iCag
(voir Luc. Ilolstenii epistolœ nd diverses, 1817,
|). 176-177, avec deux notes du docte édi-
tem', une sur Gualdi [vulgo Gualdo, comme
dit Boissoiiade] et l'autre sur l'inscription
reproduite par Peiresc).
' M. le commandeur de Rossi a daigné
me fournir sur ce point les éclaircissements
suivants, dont je lui suis d'autant plus re-
connaissant (|uo j'ai ainsi la bonne fortune
de rapprocher du texte de celui qui fut un
des premiers archéologues de son temps le
précieux commentaire de celui qui est un
des premiers archéologues de notre temps :
crLe verre avait été trouvé par Bosio dans
les catacombes de la voie Salaria nova, et
donné par lui-même au chevalier Gualdi
{Roma sott., p. 609; n" m). Le dessin
publié par Bosio (ibid.) fut reproduit par
Aringhi {Roma suhterranea, lib. IV, édition
de Borne, i65i, t. Il, p. a65), par Bottari
{Roma sott., t. III,pl.GXCVIII)elpard'au
très. L'original existe encore aujounl'hui
dans la bibliothèque Vaticane; le P. Gar-
rucci {Vetri, a* édiL, pi. XXX, 3; Art.
Crist., pi. GXCVIII, 3) en a donné un bon
dessin. — Li lecture de Holslenius n'est pas
exacte quant h la série des noms et des pa-
roles de l'acclamation. I^ nom SIRTG.\ qui
a été rais par Holslenius à la queue de l'ar-
3o
tarusaui ■«tto«u«.
234 LETTRES DE PEIRESC [1630J
anneau de TECLA, dont il fauldra advertir Monsieur Rigault, et par
mesme moyen luy baiser trez huinhlenieut les mains de ma part, s'il
vous plaict, comme je vous en supplie, et de me tenir à jamais.
Monsieur,
vostre trez huniLle et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce a i janvier 1 63o.
Vous aurez sceu une nouvelle qui aura esté portée, je m'asseure,
par courrier exprez, du rapt commis par le chevalier de la Valette',
vendredy dernier^, en la persone de la fdle du feu présidant Aymar qui
avoit esté maistre des requestes^, petite fille de M'' de Solliers', qui fut
enlevée en présence de son grand père^ et de tous ses plus proches
parents et de toute la ville de Toullon , qui en est demeurée grandement
scandalisée et aflrontée*^. Ayant abusé cette pauvre fille'' soubs pre-
clamalion doit être au contraire placii en tête
de toute l'inscription. Elle est adressée aux
deux ëpoux SIRTGA, LUCIFER; à chacun
desquels on accli.mc : VIVAS GVM TVIS
FELICITER, ZESES. Les deux noms cor-
respondent aux deux têtes représentées dans
le dessin sur feuille d'or. Fabretti {Inscr.
doinest. , p. 691) a lu Sirica, jugeant que
le T dans les lettres de ce nom est un simple
I, dont la barre (apex) supérieure aurait été
trop allongée. Le P. (larrucci voudrait lire
Syrtica. Ce nom est très rare : Sirica, plus
usité, est par consécjuent plus probable. Il
faut cependant avouer que l'artiste a dessiné
très nettement la lettre T dans le nom in-
scrit sur la tête de l'épouse, n
' Louis de la Valette, (ils naturel du duc
d'Epernon, déjà mentionné en ce volume
(lettre I).
' C'était le 18 janvier. C'est donc bien
inexactement que l'événement (jui va être ra-
conté est placé nu mois d'octobre 1699 par
l'auteur des Remarques historiques el chrono-
logiques sur la baronnie de Chùteaurenard , Jo-
seph d'Aimar, sieur de Brès, fils d'un cousin
germain de l'héroïne du récit, remarques iné-
dites donllloux Aipheran possédait une copie
qu'il cite dans Les rues d'Aix (t. 1, p. 281;
t. II,p. 53i).
^ Honoré d'Aymar, sieur de Montsallier,
président au parlement d'Aix, mort en 1 61 S.
* H. d'Aymar avait épousé Eléonore de
Forbin Soliès, fille de Gaspard de Forbin,
sieur de Soliès (ailleurs Solliers), gouver-
neur de la ville de Toulon.
'" François d'Aymar, sieur de Sainte-Ca-
therine , président en la Chambie des comptes
et Cour des aides de Provence.
' Littré n'a pas indiqué ce sens du mol
affronter. Je ne le vois |)as indiqué davan-
tage dans nos anciens dictionnaires.
' Gabrielle d'Aymar, dame de Montsal-
lier, n'avait alors que treize ans, s'il faut en
croire .son ravisseur (note autographe con-
[1630 1 AUX FRKRES DUPIIY. 28S
texte d'aller faire chanter iiiic messe nouvelle, et d'estre la marraine et
luy pariaiu', et pour cet ell'ect l'ayant prinse souhs le Lras pour ïat-
c^mpagner tout au premier rang de la compagnie qui estoit grande et
lionnorable et comme il passoit sur le cay au long du port pour aller à
l'Église 01*1 se debvoit dire la messe, il traisna soudainement cette da-
moiselle dans le cahic^ de sa galère, qu'il avoit a|»post6^, et incontinani
mit la main à l'espée avec ses vallets, et cria liberté à buict forçats qui
y estoient dedans, avec lesquels il gaigna si promtcment son navire
prest il faire voiile, qu'il n'y eust aulcun moyen de le suyvrc, et enleva
cette pauvre innocente, la plus désolée du monde, qui se voulut pré-
cipiter dans la mer une infinité de foys*. Ce qu'on a le plus admiré en
servée à la bibliothèque d'Iiiguinibert, cf)l-
lection Peircsc, registre IjVIII, foi. y.ôH).
' Roux-Alpberaa {Les rues d'Aix, t. II,
p. 53o) parle ninsi do celte messe: rrlln ec-
clésiastique, qu'il [La Valette] avait gagné,
vint le prier d'être son parrain h l'occasion de
sa première messe qu'il devait célébrer, peu
(le jours après, dans l'église des Capucins.
Le chevalier accepte et témoigne le désir
que Mademoiselle de Moiitsallier soit la mar-
raine; la l'aniillc y consent, n
" Dans le xvii* siècle, le genre ni l'or-
thographe du mot caïque n'étaient déter-
minés. Si Peiresc écrit cahic, d'iMitres écri-
vaient caic, d'autres encore la cahique. Le
Dictionnaire de Trévoux donne ces (juatre
formes : caic , caîq, cafqiie et kaic.
' D'après Uoux-Alpberan {loc. cit.), La
Valette ir pousse brusquement la demoiselle
[dans le caïcj, s'y précipite lui-même, et
malgré les pleurs et les cris pitoyables de sa
victime il traverse le port et monte avec elle
sur son vaisseau, à la vue des parents et de
plusieurs milliers de s])ecljiteurs plus stupé-
faits encore qu'indignés d'une pareille aven-
ture. 1
' M"' d'Aymar ne tint pas longtemps ri-
gueur au coupable. Cepndant, dit Ronx-AI-
plieran , ira force de respects , de soumissions
et de témoignages de son amour, le cheva-
lier, qui prend dès lors le litre de marquis
de la Valette , adoucit peu à peu le cœur
de la belle Gabrielle de Montsallier, et la
fait consentir à lui accorder sa main. I^o
vaisseau qui les portait relâche h l'Ile de
Saint-Pierre, voisine des côtes deSardaigne.
où la bénédiction nuptiale leur fut donnée,
et bientôt après ils firent leur entrée a Ve-
nise avec la plus grande magnificence.»
Outre le récit de Roux-AIplierun, tin- en
grande pai-lie de Yllkioire de Provence ma-
nuscrile du président Jacques Gaufridi, on
peut voir, sur l'audacieux coup de raain
de La Valette, les Documentx relatifs à
l'eiUèrement de Mademoiselle d'Ayimu- que
j'ai publiés dans la Revue Sextienne du
i5 avril i884 (p. /ig-Si), documents
extraits du registre LVIIl de la collection
Peiresc de rbiguimbertine et qui sont an
nombre de quatre: i° arrêt du parlement
de Provence, séant h Salon, rendu contre le
chevalier de la Valette et ses complice», le
dernier jour de février i63o , sur le rapport
du couseillcr Honoré d'Agul, le grand ami
3o.
236 LETTRES DE PEIRESC [1630
cet acte, a esté qu'il avoit esté grandement honoré et familier dans la
maison de M' de Soulliers, où il n'avoit neantraoings jamais parlé deux
fois à cette fille, ce qui empesche de croire qu'il en eust peu devenir
amoureux, comme en effect elle n'est gueres belle'; il croid avoir faict
un grand butlin et se trompe, car elle n'a pas plus de aoo Ib. (libvres)
vaillant^, encores que le bruict fust de plus de 900 mille escus, de sorle
qu'il se trouvera bien loing de son compte, dans sa vaste ambition qui
englouttiroit des empires entiers^.
XLIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Pour ne pas laisser eschapper une si bonne commodité que celle cy,
bien que possible un peu longue, du voyage de M' Marchier, vers
M^" le Cardinal de Lyon, j'ay voulu vous faire ce mot pour vous as-
seurer tousjours du trez humble service que nous vous avons voiié à
si juste tiltre. Je ne vous diray pas des nouvelles de deçà, où il n'y a
rien de digne de vostre entretien, et que je ne face scrupule de vous
mander, pour n'augmenter les desplaisirs que vous avez eus, je m'as-
seure, de la désolation de nostre pauvre ville, qui commençoit un peu
à respirer quand le mal a recommancé d'y faire de nouveaux progrez,
au retour des convalescens, et qui pix est, nous craignons bien que ceux
de Marseille ne soient enfin affligez comme les autres, la terreur y
de Peiresc; 9° quelques lignes du ravisseur quels Roux-Alpheran attribue une incontes-
demandant à un jurisconsulte son avis sur table beauté à M"' d'Aymar.
l'afTaire; 3° consultation délivrée h Paris par ^ Peiresc a écrit 300 livres seulement,
ledit jurisconsulte, nommé Cornouailhe ; mais il a oublié d'ajouter le mot «iV/e, et il
à° observation du chevalier en réponse à s'agit évidemment ici de aoo,ooo livres
cette consultation. réelles opposées aux prétendus 900,000
' On voit que Peiresc n'est pas d'accord , écus.
sur ce point, avec les auteurs d'après les- ' Vol. 717, fol. 100.
[1630] AUX FRERES DUPUY. 287
estant incroyable depuis trois jours qu'il y a eu quelques suiltes d'uu
accidant fort suspect advenu depuis trois semaines. J'estois sur le poincl
de vous prier do bazarder mes livres à Lyon soubs l'adresse d'un mar-
chand qui se cbarjjeoit de les faire conduire par le Rosne , avec de grandes
precaultions. Mais il fauldra avoir encor un peu de paliance, et voir
si Dieu vouldra permettre que le mal de Marseille se puisse estouffer
en sa naisçance connne on le peult espérer mieux que de celuy d'Aix,
à cause qu'il y a plus de practique aux purifications des persones et
choses infectées. Je crois que vous aurez maintenant reccu le coffre de
M' de Thou et celuy de M' Aubery, et afforce lettres miennes, quoy que
bien envieillies par divers événements dignes de quelque compassion;
c'est pourquoy je (iniray par mes prières à Dieu, pour vostre conser-
vation et de tous les vostres, demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DB Peiresc.
A Boisgency, ce a a febvrier i63o'.
XLV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 20 mars oïl j'ay esté bien estonné de
ne poinct trouver de mention de je ne sçay combien de miennes lettres
([ue je vous ay cscriptes en responcede toutes les vostres, lesquelles par
la désignation qu'il vous plaict m'en faire semblent estre toutes venues
seurement, bien que la pluspart hors du temps ordinaire qu'elles pou-
voient cstre par les chemins, de sorte que si les miennes ne sont tout
à faict perdues, ce que j'ay peine de croire, elles ne vous pourront pas
' Vol. 717. loi. 101.
238 LETTRES DE PEIRESC [1630]
arriver meshuy, sans avoir perdu le plus grand avantage qu'elles pou-
voient avoir, si elles eussent peu parvenir aussy fraisches qu'elles deb-
voient entre voz mains. Que si elles s'estoient perdiies, la perte n'en
sera pas grande pour vous, au contraire elle vous sauvera bien de
l'ennuy et de l'inqjortunité , à lisre des discours qui n'cstoient que trop
prolixes, et possible trop importuns. Le regret que j'y debvrois avoir
seroit que cela ne vous eust fait prendre plus mauvaise opinion de moy
qu'il ne fauldroit, et comme je meriterois, si j'avois commis un si grand
manquement que de ne vous rendre mes debvoirs en temps et lieu, et
la correspondance qui appartient à tant de surabondante courtoisie dont
il vous plaict me combler à touts moments. Cependant l'homme dq
M"' Aubery m'a apporté une bien agréable nouvelle qu'il apprint à Lyon
du sieur Vidault, à sçavoir que le coffre de M"' de Thou estoit arrivé à
Paris, ce qui m'oste d'une grande peine où je debvois estre jusques à
ce que cela fust arrivé chez luy. Le mal est qu'il n'y aura pas trouvé
tout ce qu'il avoit recueilly en Levant, dont il m'est demeuré en main
plus de pièces qu'il ne falloit. Mais ce ne sera pas Dieu aydant en pure
perte. Au contraire je commence à songer de luy en faire la restitution
aiusin que de raison , mais j'y auray cependant prins quelque petit
usaige, et sa privation aura en quelque façon servy jusques à présent
de punition du tour qu'il nous avoit fait de ne pas passer par icy. Vous
y aurez trouvé vostre extraict du concile et le m[anu]s[crit] des Eclogues
de Polybe' et aultres avec quelque aultre chosette, où je vouldrois bien
que vous eussiez trouvé quelque pièce de vostre goust.
Pour responce à la vostre, je vous remercie bien humblement des
nouvelles du passage de M'' Holstenius par Vienne; il me tarde bien
d'apprendre qu'il soit de retour en bonne santé, ce qui ne sera pas
sans avoir fouillé bien avant, et rencontré de grandes singularitez dan;^^
cez bibliothèques plus célèbres où il faisoit estât de passer. J'ay veu ce
cahier qu'il vous a pieu ra'envoyer du prétendu fragment de Tertullian,
Ai-je besoin de dire que le mot éghgue est pris ici dans le sens primitif de pièces
choisies, Je mot étant venu d'sxA^eiv, choisir?
[1630J AUX FHliRES DUPUY. 839
que l'on ne m'a pas encore envoyé du coslé de Uome, et crois comme
vous qu'il n'y a gueres de rapport de cela avec ce qui est de cet au-
theur. Celuy qui l'a mis au jour n'a pas ce génie qu'iJ fauldroit avoir
pour manier de telles choses, mais il fault eucores sçavoir (juelque gré
de In bonne volonté. Tousjours la pièce, de qui qu'elle puisse estre, me-
riloil de n'cslre pas supprimée.
J'ay bien de l'obligation à M'" d'Aubray de se souvenir de son servi-
teur si inutile, et de s'eslre voulu charger de cez beaux cahiers, et de
cez rouileaux. Dezhormais je pense qu'il y aura plus de moyeu de l'aire
venir quelque chose, pourveu que le mal de Marseille ne fasse du pro-
grez ailleurs comme l'on s'en garde tant qu'on peult, car M' d'Agut a
faict venir de Lyon une balle de livres oiî il y a quelque fagot pour
moy, laquelle les intendants de la santé promettent de luy faire delli-
vnu- bien tost, et si cela l'euscit, les miennes pourront venir, et cepen-
dant gaigner le temps du chemin de Paris à Lyon, où je vous prie de les
adresser à vostre commodité, comme de coustume à M"^ Cardon qui n'a
poinct eu de mal chez luy, oià nous les envoyerons prendre possible plus
tost que nous ne pensions, ou au sieur Uené Gays marchand demeurant
en riie longe; il fauldroit faire apposer sur l'emballage les bulles ou
seaux de l'hostel de ville de Paris, et en un besoing du petit Chaslellet, et
avoir des certificats en bonne forme, scellez des raesmos seaux, pour l'as-
seurance du jour de l'emballage et chargement à Paris, et un billet des
fermiers pour empescher que rien ne s'ouvre à Lyon, dont on prendra
certificat au dict Lyon, afin qu'en bruslant icy les enveloppes de Paris aprcz
deùe recognoisçance des seaux, on puisse avoir quelque grâce et remise
des rigueurs des quarantaines et purifications. Il fauldroit payer là les
droicts à M'' Chariot, comme j'ay faict aultres foys, et retirer son billet'.
Et pour les lettres, j'espère aussy que dezhorsmais il n'y aura plus tant
de desordre aux conunodités ordinaires, et pour les extraordinaires,
elles se vont fort rendre freijuentcs, car nous avons à cette heure icy le
grand chemin de la cour à Home, pour touls ceux qui veullent toucher
' Go passojfo, depuis les mots : ou au sieur René Gays, est une addition margiunle.
240 LETTRES DE PEIRESC [1630]
à Tollon, et qui ne peuvent passer que dans cette petite vallée, et à la
porte de ce village. Cette despesche s'en ira par le sieur Aycard de
Toulion ', qui s'en va en cour et m'a faict advertir à ce matin qu'il deb-
voit passer par icy sur le disner. C'est un des honnesles hommes qu'il
y ay t en toute cette province , et grandement curieux , lequel sera bien
aise, je m'asseure, de vous aller voir s'il va jusques à Paris; sinon, il
vous y fera tenir mes lettres, soit de Lyon, ou de la cour; il a de bonnes
correspondances en Conslantinople, à Smyrne, et quasi par tout le
Levant, comme par toute l'Italie. Je m'asseure que M' de Thou prendra
plaisir de le voir et d'acquérir un tel serviteur, aussy bien que vous
aultres, Messieurs. Nous n'avons pas veu M' de Barclay^, encor que
l'homme de M"' Aubery dict qu'il s'estoit chargé de voz lettres. J'entends
qu'il est passé fort opportunément par le Piémont avec le Nonce Panci-
role '. J'auray un extrême regret de ne voir M^ le cardinal Bagny, s'il
passe par le Piémont comme il y a grande apparance dans cez conjonctures
présentes. Au reste je plains bien M' Bigault de n'estre sorty deffiniti-
vement de son affaire, mais encores y a-t-il de quoy le consoler d'avoir
cependant le possessoire. Je plains bien davantage le pauvre Aubery,
' Aycart fut iin des plus actifs corres-
pondants de Peiresc. On n'a pas moins de
9 20 lettres de ce dernier à son ami de Tou-
lon dans le premier j-egistre des minutes de
la bibliothèque de Garpentras. Le nom
d'Aycart figure souvent dans le petit recueil
des Lettres inédites de M. de Peiresc commu-
tàquées h M. Millin par M. Fauris de Saint-
Vincensj correspondant de l'Institut (Paris,
1 8 1 5 , in-S" do 56 pages , extrait du Magasin
encyclopédique de septembre 1 8o6), et aussi
dans un autre recueil complémentaire inti-
tulé : Lettres de M. Fauris de Saint-Vincens ,
correspondant de l'Institut, à M. A.-L. Mil-
lin . . . sur des lettres inédites de Peiresc ( Paris ,
1 8 1 5, in-8° de 2 1 1 pages , extrait du Magasin
encyclopédique de mai i8i5.) Voir notam-
ment, dans ce dernier recueil (p. 201), l'éloge
fait par Peiresc à Thomas d'Arcos, le 20 mai
1687, ffdu bon M. Aycard de Toulon», à
propos de la mort de leur ami commun, ar-
rivée le 1" mai 1687.
* L'abbé Guillaume Barclay, Gis du cé-
lèbre écrivain Jean Barclay. Le père et
le fils ont été souvent mentionnés dans le
tome L
' Jean-Jacques Panciroli, fils d'un tailleur
d'habits, selon le Naudœana, naquit à Rome
en janvier 1 687 et mourut dans cette ville le
3 septembre i65i. Il fut successivement
avocat en cour de Rome, majordome
du cardinal François Barberini, patriarche
de Constantinople, nonce en Espagne, mi-
nistre secrétaire d'État d'Innocent X. Ur-
bain VIII le créa cardinal le i3 juillet
i6/i3.
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 2/.1
puis qu'il a perdu tout k l'aict son afl'aire; il est si modeste qu'il n'a pas
voulu m'en faire meiil[ion dans] 'ses lettres comme vous pensiez.
Nous n'avons pas icy des nouvelles à vous dire en revanche des
vostres. Car il ne se parle que de la {/alere Pcrnone * que M' le Ge-
neral' a destinée au voyage d'Italie, laquelle s'appreste fort, mais de
huict jours elle ne sçauroit partir. Cependant M' l'Ambassadeur* aura tout
loisir de venir avec Madame sa femme, par terre, comme on dict, car il
n'a pas sceu passer plus oultre que Grenoble où il se trouva indisposé,
et fut constrainct de rebrousser chemin , et s'en aller rendre à Tarascon
où Madame* l'atlendoit avec tout son train. Il y a grande foulle de
genls à Tollon, jusques à des seigneurs Anglois, qui pensent pouvoir
passer en Italie avec cette galère, mais il en fauldroit plus de trois pour
lever tout. On doubte bien encores s'il ne trouvera pas bien de la dif-
ficulté d'estre receu en ce pais là, et possible luy sera ce grande grâce de
passer par la quarantaine. A Barcelone il n'y a que 1 6 galères assez mal
en ordre pour le voyage de l'Infante, et dix aullres qu'on y attendoit de
Cartagene , ([ui ne sont pas plus lestes , de sorte qu'on n'a pas grande peur
de ce costé là. Il n'y a que la maladie qui tient tout le monde en sus-
pens. Je viens d'apprendre qu'on se doubte que dans Cassis ° il n'y ayt
eu 2 ou 3 accez. Si cela est, le peu qui restoit de commerce esttoutàfaict
ruiné, pour longtemps. Dieu veuille avoir pitié de son pauvre peuple, et
nous tenir tous en sa sainte garde, et avec ce vœu je finis demeurant.
Monsieur,
voslre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgcncy, ce a g avril i63o.
' Dëcbirme du papier. '" Piiilippe de Bëlhnnc, comte de Selles,
' Ce nom élait-il emprunté à celui de dp Charost, etc., avait épouse en secondes
d'Épernon? noces (novembre t6o8) Marie d'Alègre.
' Le général des galères. veuve de Jean de Sabrcvois, baron de|Be-
' 11 s'agit là, non de notre ambassadeur tbomas, fille de Cbristophe d'Alègre, mar-
h Rome, lequel était alors Jean Galard de quis do Saint-Just, et d'Antoinette du Prat.
Béam, comte de Brassac, mais bien d'un ° Commune du dép' des Boucbes-du-
des frères de Sully. Voir, outre la note sui- Rhône, sur la M<^literranée,arr' de Marseille.
vante, la note i de la page a/IG. c'" de la Ciotat, h t a kil. de cette ville.
Il 3i
2/i2 LKTTRES DE PEIRESC [1630|
Mon frère est à Salon. S'il se rencontroit commoditë extraordinaire
pour m'envoyer les médailles de M*" Aubery, vous m'obligeriez parti-
culièrement. Je desirerois bien aussy par les premières commoditez.
soit ordinaires ou extraordinaires, quelques exemplaires de la petite
Bible Hébraïque sans poincts de Raphelengius que je vous avois cy de-
vant demandée avec tant d'instance pour quelques amys qui l'attendent
en grande impatiance. Je vous en avois demandé jusques à quatre exem-
plaires si tant s'en pouvoit avoir de bien complets et de bien nets. S'il ne
s'en trouve plus de celles de Raphelengius, et que Elzevir l'eust refaicte,
il se fauldra contenter de cez dernières, mais les premières seroient pos-
sible plus au goust de ceux qui les veullent. Elles sont en deux petits
volumes in ^U de l'an 870 du petit Compute des Juifs, qui est l'an
1610 si je ne me trompe, à Leyden '.
XLVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je viens d'apprendre avec un grand contentement que mon frère, qui
s'estoit trouvé porté pour affaires domestiques sur la frontière du Daul-
phiné, s'est laissé emporter jusques à la Cour, d'oii il aura moyen de
vous sallûer d'un peu plus prez que d'icy, et avec moings de danger de
voir perdre ou retenir ses lettres, comme nous sommes encores icy en
doubte si celles que nous vous avons envoyées seront tout à faict per-
dues (puis que vous ne nous en accusez poinct la réception) ou seulement
retenues, dont il se pourra informer par les chemins qu'avoit tenu un
homme qui s'en estoit chargé , dont nous n'avons poinct eu de nouvelles ,
ne l'un de noz parents, le sieur de Meaulx^ qui l'avoit envoyé exprez
' Voi. 717, fol. io3. Voir à VAppendice, ^ On ne trouve aucune lettre adressée à
seconde partie, n° V, une lettre de Jacques ce parent dans les registres des minutes con-
Dupuy à Peiresc du 20 mai i63o. serves à Carpentras.
I
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 243
pour lever un office de sa maison. En quoy il a receu un notable in-
terest, pour n'avoir eu ses permissions à temps pour payer le droicl
annuel, et Dieu sçaicl s'il n'aura pas bien de la peine à sauver son office
s'il esloit venu l'aulte de cet homme, ne sçaichant s'il est mort par les
chemins, ou s'il a prins aultre routte par desbauche avec les trouppes
qui alloieiit lors par pais, ou qu'est ce qu'il est devenu. Et le mal est
qu'il estoil saisy des resi^Mialions et provisions ori{^inelles du devancier,
et de quelques despesches nostres que j'avois creu luy pouvoir confier
plustost qu'à la poste, au temps où nous estions encor alors. Ce vous
seroit bien de l'importunité saulvée, si cez lettres estoient perdues tout
à faict, mais ce me seroit bien de la mortification à moy qui avois tasché
de correspondre au moings mal qu'il m'avoit esté possible à voz hon-
nestetez, et au moinjjs de vous tesmoigncr combien nous nous en reco-
gnoissons redevables. J'y avois mesmos adjousté des petits desseins et
mémoires tels que l'incommodité du lieu où nous sommes nous pouvoit
fournir, quelqu'un desquels se l'eut possible rencontré de vostre gousl.
En une chose certainement je puis avoir failly, dont je me promets
neaiitmoings que vous ne laisrez pas de m'excoser, c'est que je vous
deubsse avoir escript souvent par la voye de la poste plustost que par
des personnes particulières, mais ce n'a pas esté sans juste occasion,
comme vous le sçaurez quelque jour plus h plain. Cependant j)uis que
nonobstant de tels delTaults, sujets à si mauvaise interprétation, vous
n'avez pas laissé de nous tenir tousjours pour voz serviteurs, sans re-
vocquer en doubte ce qui estoit de nostre fidélité, comme nous le pou-
vons comprendre par voz dernières lettres qui sont du 20 mars, et par
aultres de noz amys qui l'ont ainsin apprins de vostre bouche, il fault
que vous ayez bien bonne opinion de nous, et meilleure que nous ne
méritons, et que nous ad vouions qu'il n'y a pas d'honnesteté compa-
rable à la vostre, ne d'obligation de serviteur pareille à la nostre en
vostre endroict. Aussy le tesmoignerons nous tant que nous vivrons,
en toutes les meilleures façons qu'il nous sera possible, mais je voul-
drois bien que ce fust principalement en vous bien servant. Que si par
malheur toutes noz principales despesches estoient absolument perdues,
81.
Uh LETTRES DE PEIRESC [1630]
dont j'attendray impatiemment d'estre esclairez par mon frère, il faddra
voir d'en refaire ce que nous pourrons, et à tout le moings vous envover
le duplicata que j'ay retenu des desseins, et de quelqu'un des cahiers
qui V estoient joincts. Pour les aultres, il n'y auroit pas tant à regretter,
et j'ose bien croire qu'il en pourra estre eschappé quelqu'une, quand ce
ne seroit que celle dont M"" Marchier s'estoit chargé.
Au surplus, nous n'avons pas à présent rien qui vaille la peine de
vous estre envoyé à nostre grand regret. J'eus dernièrement un pacquet
de Rome où je trouvay un exemplaire du Porphyre de M"^ Holstenius
qui est une bien digne pièce de ce personage'; il y avoit encores un
Kalendrier m[anu]s[crit] turquesque lequel j'avois aultre fois envoyé à
feu M'" Aleandro, que le cardinal Barberin a faict recouvrer des mains
d'un Maronite qui se l'estoit approprié, et me l'a faict renvoyer, mais
j'ay esté estonné d'apprendre par la mesme despesche qu'il ne s'est trouvé
persone dans Rome qui l'aye sceu deschiffrer, et me prie t'on d'en en-
voyer une version , que nous luy pourrons fournir possible quelque jour.
J'ay eu par mesme moyen le prétendu fragment de Tertullian, dont je
vous escrivis dernièrement, sur ce que m'en aviez envoyé, que mon
advis ne s'esloignoit pas du vostre. Je viens d'apprendre tout présente-
ment qu'il est arrivé à Cassis une barque de Rome chargée de 53 caisses
toutes remplies de statues et aultres marbres et antiquitez, et de quel-
ques excellents tableaux que le sieur Vignon^ y est allé achepter pour
Monsieur frère du Roy, ayant prins grand plaisir d'entendre que ce
prince n'aye pas encores perdu ce goust tout à faict comme l'on avoit
voulu dire, car cela pourra saulver quelques jours d'excellentes singu-
laritez du temps passé, qui seroient peries comme tantd'aultres à faulte
' Porphyrius de vita Pythagorœ ; ejusdem membre de l'Académie de peinture en 1 65 1.
sententiœ ad intelliffibilta ducentcs ; de nnlro On possède à Carpentras (registre VI des
uympharum. Luc. Holstenius lai. vertil, dis- minutes, fol. Ci3) quatre lettres de Pei-
sertatiotiem de vita et scriptis Porphyrii et ad resc à rrM. Vignon, peintre du roi à Pa-
vitatnPythagorœobservationesadjecil. {Romx, risi, écrites, une de Belgenlier le i6 jan-
typis Vaticanis, iG3o, in-8°.) vier iG3o, trois d'Aix le lo avril i633.
' Claude Vignon, né h Tours vers 1693, le 37 juin et le 18 juillet de la même
mom-ut à Paris le 10 mai 1670. H devint année.
[1630] AUX FRERES DUPUY. 245
de Grands qui en voulussent faire cas en ce Royaulme. Ceux de cette
barque disent que les yaleres de M"' l'Ambassadeur avoient esté rebuttées
à Gènes, et qu'elles n'estoient pas encor arrivées à Ligourne.
Messieurs des contes ont enfin quitté la ville de Toullon, et en par-
tirent en corps s.immedy dernier, pour se retirer à Brignole où ils ont
esté fort lavorablement receus. On attend en revanche M' de Guise dans
Tollon au premier jour. M"" le General des galères y est desja arrivé.
Voila toutes noz nouvelles, si ce n'est un bruict sans authcur, que les
Hollandois ont prins Fernambuc^ au Brésil, et qu'il descend de la ca-
valerie vers Nice, Nostre pauvre ville d'Aix est entrée en sa première
quarantaine de purification puis le 27"°* du moys passé. Marseille a eu
2800 personnes attaintes durant le moys de may, et dont il en est mort
i5oo; 3oo en sont hors de danger, et les autres sont encore la mercy
de Dieu. Le pix est que le mal a saisy jusques à 60 bastides de leur ter-
roir, encores que l'ordre soit beaucoup meilleur dehors que dedans la
ville. Dieu par sa miséricorde veuille se contenter de ce qu'il y a eu
jusques à présent, et sur ce vœu je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Boysgency, ce 3 juin 1 63o.
Mes trez humbles recommandations, s'il vous plaict, à M' du Puy
vostre frère, et à tous les bons seigneurs et amys de l'Académie.
M'' Fabrot vous sallûe trez humblement, et escrit un mot au sieur
Gramoisy pour son Tlieophile, dont nous n'avons jamais veu seulement
une espreuve depuis si longtemps. Vitray a un peu de tort de vous
avoir si mal tenu parole^
' Pernambouc, vulgairement Fernam- ' Vol. 717, fol. io5. Voira l'i4/)|p*nfiife,
bouc, chef-lieu de la province du même seconde partie, n°VI, une lettre de Diipuy
nom, est lin port sur l'Atlanticpie, à 1,900 ki- h Valavez, du <i 5 juillet i(î3o.
loniè(res nord-est de Rio-Janeiro.
■266 LETTRES DE PEIRESC [1630]
XLVII
\ MONSIEUR, MONSIEUR DU PUV,
À PARIS.
Monsieur,
Aprez avoir esté assez ioiigtemps sans avoir de voz lettres, j'ay eu quasi
tout d'un coup trois despesches du 2 avril , » o et 2 0 may, accompa-
gnées de plusieurs belles curiositez, mesmes de la relation de Fernam-
bouc, que les advis de Barcellonne desguisoient tant qu'ils pouvoient.
Les deux premières m'ont esté envoyées de Sallon tant par le filz de
M'' le conseiller Olivier que par M' d'Aubray, qui y est arrivé en bonne
santé et s'est réservé les roulleaux et cahiers, qu'il vous a pieu luy
mettre en main. Attendant si ma santé me pourroit permettre de monter
h cheval pour luy aller rendre mon debvoir et les recevoir de sa main ,
<:e que je n'ay encores peu mettre à exécution à mon grand regret tant
je vaulx peu. Cependant nous avons veu icy M' de Belhunes' qui, à
faulte d'autre logis en ce chetif lieu, où A estoit venu prendre son
premier giste, nous a faict l'honneur de s'arrester un soir dans nostre
petite maison , ce qui n'a pas esté sans parler de Rome et de M"' de Thou
dont il tient le mérite au plus hault degré de prix qu'il se puisse mettre
et non sans juste raison. Il avoit eu en partant de Rome un exem-
plaire de l'édition des Relations du cardinal de Bentivoglio dont vous
me parlez en vos lettres-, mais on le fit prier de ne le pas laisser voir,
et l'eut on bien voulu retirer, à cause de ce qui est eschappé à l'au-
theur en la relation du faict de M"" le Prince, concernant le mariage
' Philippe de Béthune, fils puiné de mée entre la France, le Pape et Venise.
François de Béthune, baron de Rosni, na- ^ Relazioni varie fatte in tempo délie nun-
quit en i56i et mourut en iCig. Voir ziature di Fiandra e di Francia (Anvers,
un résumé de ses négociations diploma- 1699, in-4°). Il y eut une nouvelle édition
liques dans une note du Recueil Avenel à Cologne en )63o, in-i°, une autre à Paris
(t. I, p. 85). La dernière de ces négocia- en i63i et une autre encore à Venise en
tinns (i6-j()) fut relative à la ligue for- i633.
AUX FRERES DUPUY.
247
[1030]
du l'eu Roy ', et de tout plain d'autres chosetles qu'il vouldroit bien
avoir charijjées, quand ce ne seroit que la mention si souvent réitérée
des interestz des deux Couronnes, où il nomme celle d'Espagne devant
celle de France, comme il eust deub. J'apprins que le subject de la
saisie des Pais bas estoit fondé sur le trop d'estime qu'on y faict des
establissements des Hollandois, de sorte que je voys qu'il sera pour
s'en trouver en peine et n'avoir contenté ny les uns ne les aultres
et luy fauldra faire possible quelque réparation fascheuse. Au reste le
livre des observations de M"" Rigault s'estant par hazard trouvé sur une
table, M' de Bethune print grand plaisir d'y lisre l'Epistre liminaire et
la préface, et gousta grandement l'espérance que je luy donnois de
voir un jour du mesme style l'histoire de la prise de la Rochelle. Il
avoit avec luy M' Marcscot^ et M'' Hardy', qui faict particulière pro-
fession de serviteur de M' de Thou, et un laquay du frère de IN^de Thou
qui ne se donna à cognoistre que lorsque tout estoit monté à cheval,
car je ne l'eusse pas laissé aller sans un billet.
Nous avions veu à l'advance le sieur Matheo Mileti, lecteur en langue
grecque à la Sapience de Rome, qui me dict que le bibliothécaire du
Vatican avoit esté changé , et qu'en sa place on avoit estably un P[ere] de
l'Oratoire nommé le P. Giustiniano, Grec de Chio, personnage de grande
considération, et que l'on tient pour cardinal des premiers', lequel on
dict estre fort affable ^. Mais cela debvoit eslre réservé à M"" Holstenius.
' Relazione dcHafuffa di Francia del prin-
cipe di Conde. Voir sur loule ceUe aiïairc
i' Histoire des princes de Coiidé, par M'' le duc
d'Aumale,t. Il, i864, p. 965-3a4. L'ëmi-
nenl liisloricn cilc plusieurs fois la relation de
Bentivoglio (notamment p. 280, oSa). En
cette dernière pajfe il sijjnaie ainsi renlhon-
siasme du narrateur pour la |)rincesse de
Gond»! : « Les rhroniqueurs du temps accor-
dent à la princesse des attraits si irrésisti-
bles, qu tous ceux qui approcliaienl d'elle
en restaient épris. Le cardinal Benlivoglio dé-
crit les charmes de celte blanche et gracieuse
figure avec une complaisance qui ferait soup»
ronnc:' ce prélat un peu mondain de n'avoir
pas échappé au |)éril commun. . . 1
' Voir sur Guillaume Marescot le tome I .
p. 8o4 , note 7.
^ Claude Hardy, déjà menlionué ea ce
présent volume (lettre III).
' Le P. Hoiac* Jusliniani ne devint ja-
mais cardinal.
' Fort affable! C'était une réputation
usurflée , si l'on en croit deux érudits qui ha-
bitèrent longtemps la ville de Rome et qui
furent non seulement t/moias, mais encore
2i8
LETTRES DE PEIRESC
[1630]
Et l'eust possible esté sans que cez gens tiennent qu'il iroit de l'hon-
neur de la nation d'y mettre un qui ne fust Italien , ce Grec estant ré-
puté pour Geneuois d'origine, et ayant un proche parent dans Rome
Grand Seigneur, qui porta 5o rail escus au Pape en son emprunt. Je
veux croire que si M"' Holstenius revient à Rome, il aura plus d'accez
que devant dans la Vaticane soubs ce Padre Giustiniano, Grec na-
turel, et qui ayme la langue grecque, et non seulement luy, mais tous
les autres qui seront bien méritants des lettres et particulièrement
ceux qui seront tant soit peu recommandez de la part du cardinal Bar-
berin de qui ce Giustiniano est fort particulièrement chery et porté
comme créature immédiate.
Je n'ay point eu de lettres de Rome par aulcun de la suitte de M' de
Bethune. J'estime qu'ilz n'avoient pas creu qu'il passast si prez de nous.
J'ay esté infiniment ayse d'apprendre l'arrivée du coffre de M' de Thou ,
et que vous ayez mis le m[anu]s[crit] grec en si bonnes mains que
celles de M"' Grottius. Estant marry qu'il n'y ayt des fragments de l'an-
tiquité plus importants, et plus utiles au public, mais si faudra t'il qu'il
y ayt quelque petite chosette qui ne soit pas ainsin ailleurs. J'ay une
grande obligation à M' d'Aubray de la peine et du soing qu'il a voulu
prendre de mes papiers et roulleaux, et mesmes des médailles de
victimes des peu libéraux procédés du bi-
bliothécaire du Vatican. Le premier de ces
érudits est Jacques Bouchard, qui, dans
une lettre du 7 mars i636, annonce à Pei-
resc qu'il n'y a pas eu moyen d'avoir les
renseignements demandés, car le P. Justi-
niani r fait justement de cette bibliothèque
comme le chien des jardiniers fait des chous
de son maîtreu (fascicule lit des Corres-
pondants de Peiresc , p. 6 7 ) ; le second est Ga-
briel Naudé, qui, dans une lettre du 26 mai
i636, complète ainsi les récriminations de
Bouchard : «Le père Justinian, qui en a la
garde [de la Vaticane] , est si difficile et extra-
vagant qu'il vaudroit mieux que la dicte Bi-
bliothèque fût tout à fait fermée. . . C'est un
homme dt poco sonno qui n'a presque rien
veu ni sceu, hors de ce qui est dans la Bible,
le Baronius et les Conciles, et qui faict le
bigot pour devenir cardinal...» Naudé ra-
conte ensuite avec la verve la plus malicieuse
une anecdote qui prouve combien le P. Jus-
tinian était peu digne par ses lumières des
importantes fonctions qui lui avaient été
confiées, l^eiresc, en lisant les plaintes et
les railleries presque simultanées de Bou-
chard et de Naudé, dut bien regretter les
éloges qu'il avait jadis donnés à l'affabihté
du prédécesseur de Holstenius.
[1630] AUX FRKHKS DUPUY. 249
M' d'Aubery dont j'avois eu du re{;rol, comme aussy à M' de Valhelle
d'avoir voulu faire venir mes livres avec ses liardes. S'ils arrivoientà Lyon
tandis que mon l'rere y sera, il l'en soulaj;eroit, car il s'en charfjeroit luy
inesmes. Et en un besoin^ l'erois conjoinctement apporter celles du dict
sieur de Valbelle, s'il estoit demeuré derrière. J'ay bien de l'obligation à
M"" de Thou de la protection qu'il a faicte audits'' de Valbelle, et à son re-
tour nous nous cfl'orcerons tous deux ensemble de trouver quelque moyen
de servir tous deux (sic^ si nous pouvons en revanche de tant de bieniaictz.
J'ay [Trand rejjret de ne m'estre trouvé à Sailon au premier abbord
de M' d'Aubray pour le servir comme je debvois. Mais à ce que m'en
ont mandé quelques uns de ceux de la Compagnie, elle est demeurée
fort satisfaicte de son proceddé, et fort disposée de demeurer avec luy
en toute sorte de bonne intelligence. Et je crois qu'elle le fera. J'ay eu
des petites incommoditez qui ne m'ont pas])ermis jusques à cette heure
de l'aller voir, comme je debvois, mais je ne suis pas encores hors
d'espérance d'y pouvoir aller faii'e un tour dans la fin du moys Dieu ay-
dant, et je n'oublieray pas vos recommandations. Je vous remercie trez
humblement des lionnestes offres qu'U vous plaict me faire pour le
sieur Aycard qui est encor à Lyon, et me mande qu'il pourroit bien
avant que s'en revenir aller faire un tour à Paris quasi exprez pour
avoir le bien de vous y aller saluer. Il fault que vous acheviez l'accom-
modement de M"" Rigault puisque ses parties se mettent à la raison,
afin que vous luy mettiez son esprit en repos de ce costé là.
Je plains grandement le pauvre M' Petit de Nismes qu'il n ayt eu un
amy qui vid son ouvrage entier avant que l'avanturer ', car un peu
d'advis pouvoit prévenir bonne partie de ces inconveniants qui s'y ren-
contrent. Je plains bien aussy M' Jacquet, et crains que ce changement
n'adjouste bien de l'incommodité à nostre commerce, maintenant que
nous pensions estre quittes des desordres de la maladie, laquelle a
quasi cessé dans Aix et dans Arles, mais faict bien du progrès dans
Marseille et Aubagne. L'accident de Cassis avoit esté esludé quelques
' Il s'agit Ih des Msce//rtHM (Paris, i63o , in-/i°).
II. 3*
iHrniatait iinoiAU.
250 LETTRES DE PEIRESC [1630 1
jours ou desguisé, mais enfin le mai a esclatté en sorte que tout le
monde en est sorty en grand desordre, ce qui a faict grand tort au com-
merce des Marseillois qui auront peine de trouver ung autre lieu si
opportun que celuy là. Si cet arrest du Conseil de Monsieur se peult
voir, il sera bon à garder. Je n'ay pas encores leu ces cahiers du Bu-
reau de rencontre, mais puisque vous y trouvez quelque utUité, je n'en
doubte nullement. J'attendray la petite bible hébraïque et ne serav pas
marry de la relieure parce que ce n est pas pour moy. Je ne regrette
si ce n'est que les parties ne sont pas communément rangées dans ces
volumes des Hollandois selon l'ordre des Juifs, comme j'eusse voulu
qu'elles fussent pour la commodité de cez gens là. Si mon relieur' estoit
hors de la ville d'Aix, je les aurois bientost faict remettre à l'ordre qu'ils
veulent, mais il n'en sçauroit encores sortir et s'y est maintenu en trez
bonne santé grâces à Dieu dans noslre maison, où il a de beau loisir
de faire bien de la besogne. Je vous supplie neantmoins de prendre les
autres deux exemplaires que vous avez laissez chez Drouard ; seulement
vouldrois-je, si cela estoit facile, sans gaster la relieure flamande, qu'il
vous pleust de les faire descouldre et remettre en l'ordre rabbinesque
qui sera cotté au billet cy inclus, et puis y remettre cette bonne cou-
verture de gros vellin qui est propre pour cez pays de Levant oii je les
veux envoyer, en revanche de la peine que aulcuns de ces gens là ont
prinse pour l'amour de moy.
Pour le catalogue de la foire, je suis toujours curieux de le voir, car
n'ayant pas le goust si délicat que beaucoup d'autres, j'y trouve tou-
jours quelques chardons supportables à la rudesse de mes lèvres. Sur
quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce 16 juin i63o.
On lira, dans un des volumes consacrés ce relieur, qui s'appelait Gorberan , comme
h la correspondance de Peiresc avec divers, nous l'avons déjh vu au comnieneement du
une airieuse lettre adressée de Belgentier à présent volume (leUre III).
[1630] AUX FRÈRES DUPUY. 251
Depuis vous avoir cscript d'Iiier au soir, jo viens d'appreiiHic^ le pas-
sage des a/» galères d'Hespagne qui portent riiilaute Doua Maria, les-
fpicUes abordèrent en veuc de Tolion sur les six heures du soir et
en sont parties à cette nuict, aprez que dez hier au soir elle sceut,
par une chalouppe envoyée jusques à la tour de i'embouscliure du
port, que les Uoynes n'estoient pas à ToHon, comme elles avoient
promis de s'y trouver.
Ce 17 juin.
La partie dont vous escrivoit le prieur de Roumoulles estoit pour
satisfaire aux livres que vous prenez la peine de (aire prendre pour
mon compte, ayant creu que les soupçons de la maladie de Marseille
et de Cassis pouvoient peull estre laisser du regret au crédit des Mar-
seillois qui vous souloient faire fournir de l'argent.
\A côlé de Ta^/resse.] J'oubliois de vous dire qu'il ne fauldra pas laisser
le Nicephore grec en fin papier tandis qu'il s'en trouvera, puisqu'il vous
plaict en prendre le soing'.
XLVIII
X MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PAnis.
Monsieur,
Je receus hier voz despesches du 10 et 1 6""" de ce moys, avec celles
c|ue vous y aviez joinctes de la part de mons' le Grant, et de M' Ber-
geron, et la petite bible, ensemble plusieurs pièces du temps très
curieuses et le rooUe de mes ballots, dont je vous remercie trez humble-
' Cette Jettre manque nu volume 717. communiquer rnutographe qui fait paiiie
J'en avais di^jh pris copi(? h Carpontras dans de sa riche et belle colleclioii. J'ai pu ainsi
le recueil des minutes des lettres aux frères nmdliorer ma copie et constater une fois de
Dupuy (Additiom aux manuscrits de Peiresc , plus que la transcription qui semblerait de-
registre V, fol. a 35), quand M. Paul Ar- voir ôtre la plus sûre ne remplace jamais
baud,d'Aix en Provence, a bien voulu m'en complètement le document original.
3i.
I
252
LETTRES DE PEIRESC
[1630]
ment, et de la continuation de voz bonnes grâces et de voz bons oflices.
Je plains infiniment le bon M' Rigault et en ay grande compassion S
mais au bout du compte je pense que sa bonne foy gaignera le dessus.
Car j'ay de la peine à me persuader que son adversaire se puisse donner
cette violance de ne point lascher plus de six exemplaires de son es-
cript, cognoissant son humeur^, que j'avois certainement appréhendée
de longue main , pour M'' Higault, qui aime tant la tranquillité d'esprit*.
C'a esté un grand tradiment* que celuy de cet imprimeur qui est in-
digne d'estre employé par les gents d'honneur. Je n'avois pas creu que
rOptat deubt faire un volume in fol., mais puis que cela est, il fault
qu'il y ayt joinct possible toutes les autres pièces du temps que feu
M' Pithou y avoit joinctes, avec de grandes notes*. L'autheur m'en avoit
faict voir quelque chose durant son sesjour de Marseille, où j'avois
trouvé, ce me sembloit, de bien bonnes observations. Mais l'ouvrage
estoit fort petit. Je crains qu'en le voulant grossir il ne luy réussisse
peut estre pas si bien. Toutefoys il faudra voir ce que ce sera. Cez
commissions pour la relation des facultez de personnes particulières
seront de bien dure digestion partout, et s'il en falloit venir à cela,
on inviteroit le monde à vivre et cacher ses moyens à la Turquesque.
Si l'on commençoit par les facultez de celuy mesmes qui les a expédiées,
et qu'on y fit distinction des temps, il y auroitpeult estre bien aultant
' Au sujet de l'étemelle querelle avec Ga-
briel de l'Aubespine , évêque d'Orléans.
" Humeur 1res batailleuse, comme on
peut le voir dans la notice sur le savant prélat
en tête du fascicule VII des Correspondants
de Pciresc, p. 7-8. J'ai cité là ce jugement
porté sur G. de l'Aubespine par le cardinal
Benlivoglio: "D'une nature très ardente, il
est homme à porlor tout à l'extrême.))
^ Rigault, si grand ami de la tranquiltilé,
eut encore une autre retentissante discus-
sion : ce fut avec le P. Vavasseur, au sujet
de la beauté du Christ, niée par lui, alfir-
mc'e par son adversaire.
* Le Dictionnaire de Trévoux donne,
d'après Borel, cette interprétation du mot
tradimenl : rt enseignement, tradition.)- Mais
Peiresc a évidemment employé le mot dans
le sens de trahison, comme l'avait employé
déjà R. Belleou dans des vers cités par La
Gurnade Sainle-Palaye {Dictionnaire , t. X,
p. 73).
' Le travail de Pithou sur Optât n'est |)as
mentionné dans les notices bibliographiques
sur l'érudit champenois, notamment dans
les Mémoires du P. ISiceron (t. V) et
dans la Vie de Piètre Pithou , par €rosley
(«756).
[1630] AUX FRÈRES DUPIY. 253
à diro qu'î^i aulcuii autre des subjects du Roy. La délibération du par-
lement i*ur robscrvaiice de l'Edict des suppressions ne sçauroit estre
trouvée mauvaise. Mais l'autre chef est bien hardy concernant le des-
domma{;ement des héritiers, et s'il s'en pouvoit avoir de minute, ce se-
roit bien une des bonnes pièces qui se pussent voir. Les dangers de la
peste de ce païs icy ont mis les pauvres officiers en telle allarme, qu'il
n'y en a gueres (jui n'aymast mieux se mettre à rançon que de courir
la fortune do tout perdre, et de voir ruiner leurs familles, dont le plus
clair consiste souvent au fonds des ollices.
Quant à l'ecclypse, il fauldra voir les observations de M' Gass[en]dy.
En ce fonds de vallée où nous sommes, elle nous fut imperceptible dans
le corps du soleil à cause des montagnes qui nous couvrent l'orizon,
mais après le poinct du soleil couché, il survint une obscurité fort ap-
parente en l'air et fort différante de celle du crépuscule qui se reclair-
cit ' par aprez avant la fin dud[it] crépuscule et fit un effect que je
n'avois jamais vou. Tant csl (ju'eilc deubt commancer plus tard qu'on
n'avoit dict; car M'' de Cliastueil et M'' Lombard avoient pareillement
affusté'^des instruments au fonds du parc, où le soleil disparoit le plus
tard, où ils ne recogneurent aulcune apparence d'ecclypse jusques aprez
sept heures, et bien prez du poinct du soleil couchant, lequel ils ne pou-
voient pas voir^. Au reste j'ay bien de l'obligation à M"' Auber[y] de son
registre de Léon X; il ne se peut lasser de m'obliger, et j'ay tousjours
moins de moyens de m'en revanchcr, tant je suis malheureux. Je voul-
' Littré n"a cilé seus le mot réelaircir
qu'une phrase du xii' siècle (romîtn de Couci)
et qu'une phrase du xvi* siècle (Olivier de
Serres).
' Autrefois ajuster avait le sens général
de disposer; et on trouve dans la première
édition du Dictionnaire de l'Académie : fof-
fusté , préiiaré.» Voir le mot affuster dans les
Dictionnaires de Trévoux, de La (îurne de
Sainte-Falaye.
^ Gassendi- (I: fV, p. 3/io-3/ii) parle ainsi
dos vaines tentatives faites iwir l'eiresc et ses
(lewr auxiliaires François de Galaiip (déjà
mentionné en la lettreXL) ell^/jmlwrd, pour
étudier l'éclipsé : (rFranciscus Gallaupius no-
bilis Aquensis, qui Hebraire docttis, si quia
alius, et peregrinationis orienlalis cu[miis-
simus, March(cvilln!um apud Peireskiumre-
ditunim, |)ricstolabntur. Is fuit, cui sinnil ac
Lombardo deniandavit prfecipunni cirram o\>
servandi eclipsimsolis. qiiiv die décima Junii
conligit. Id tamen frustra, quod montes occi-
(hii delicii'ntem s»lcin inlen:eperMit. observa-
taquc solum fuerit magna aëris obscuratio. »
254 LETTRES DE PEIRESC [1630]
drois bien que selon son sentiment mon frère vouspeust aller voir, mais
il luy est bien malaisé et quasi impossible. Il est vray que s'il me croid,
il envoyera mon neveu vous rendre ses debvoirs et les miens jicndant ce
mauvais temps. Mon frère m'escript qu'il a veu et payé la voilure de
mes ballots de livres chez mess'' de Sallicoffres \ et qu'il me les fera
apporter en venant; il me tardera fort de les avoir en ce désert, où ils
nous fourniront bien du divertissement, y ayant une si grande multipli-
cité de pièces, que j'en ay esté ravy en voyant vostre rooHe. Mais je n'y
ay pas apperceu, ce me semble, le livre dont vous me parliez derniè-
rement de M'" Petit ^ ne celuy dont m'escript M' Bergeron de ses Isles
Canaries ^. Mais j'ay esté bien aise d'y trouver le Nicephore nouveau ,
dont me faisiez feste par vos dernières*. Et toutes ces jolies pièces de
l'édition des Estiennes. Et particulièrement ces conciles du P. Sirmond*,
et ce Solin de M'' Saulmaise*^, encore que je me doubte bien que les
notes n'y soient pas encor achevées d'imprimer selon ce que vous
m'aviez escript quelque temps y a.
Nous verrons donc ce livre de la maison de Linden'' et ce nouvel
ouvrage de Snellius* et ce Pliil. Lansbergius, qui a voulu parler du
' On a dans les minutes de l'Inguimber-
dne (registre VI, fol. i58) une seule lettre
de Peiresc à M. de Sallicoffres , écrite d'Aix
le 9 mars 1629.
' H s'agit là du premier des ouvrages de
Samuel Petit , les Miscellanea qui parurent à
Paris en i63o, in-4°.
' Histoire de la première découverte et con-
quête des Canaries , faite dès l'an làoa , par
messire Jean de Béthencourt, chambellan du
roi Charles F/ (Paris, i63o,in-8°).
* Nicephorus Callistus. Eeclesiaslicœ his-
torite lihri XVIII , grœce nunc primum editi :
adjecta est lalina interpretatio Joan. Langi a
Frontone Ducœo cum Grœcis collata et reco-
gnita. (Paris, Gramoisy, i63o , 2 vol. in-foj.)
On lit dans le Manuel du libraire (t. IV,
col. 54) : tf L'article Fronton du Duc qui fait
partie des Mémoires du P. Niceron et qui est
du P. Oudin (t. XXXVIII, p. n8) contient
des détails curieux sur l'impression de cette
édition de Nicephorus Callistus , donnée par
Nie. Rigault et dédiée par lui au cardinal
de Richelieu.»
" Concilia antiqua Galliœ très in tomos or-
dine digesta, etc. Paris, 1629, 3 vol. in-fol.
" Pliniame exercitationes in Caii Julii So-
lini Polyhistora, etc. Paris, 1G29, 2 vol.
in-fol.
' Nous avons déjà rappelé que les Annales
généalogiques de la maison de Lynden, par
Christophe Burkens , parurent à Anvers en
1626.
' Doctrinœ triangulorum cationicce libri
quatuor (Leyde, 1627). Cet ouvrage pos-
thume (Snell était mort le 3 1 octobre 1626)
[1630]
AUX FRERES DUPUY.
355
inouvoinent de la terre', que je n'altendois pas si tost, mais je suis bien
obligé à M'" lli(i[aiilt de son beau JMiaedrus'^ à M' du Chesne de ses
Ducs de Bourgo{i[ne ', à M' Granier de son Mallierbe*, à M'' Lhuillier
de son dictionnaire *, à M' Hosier de ses généalogies*, et à vous autres,
messieurs, de cez belles pièces de M' de Tliou de Re accipitraria '', de
Barlaeus et autres. Gomme aussy au s' Vitray de son Testament de
Mahomet et de ses rudiments on Turquesque. Mais j'aymerois bien
mieux qu'il m'eut obligé avec le pauvre M"" Fabrot, de mettre son
Théophile soubs la presse comme il a promis depuis si long temps.
Pour ce qui est de M' Jaquet, je ne vous sçaurois exprimer combien
ce changement m'a esté sensible, et je ne voids pas d'apparence que
son affaire se puisse rhabiller, de sorte qu'il faudra faire au moins mal
que nous pourrons, et tant qu'il nous sera loisible de faire passer des
despesches soubs les enveloppes de M' le Beauclerc, ou de M"^ de Lo-
menie, nous nous détiendrons bien de cez nouveaux conomis, et une
fut complété et publii' par Martin Ilortcnsius
(de Delfl).
' Commenlaliones in moium teirœ diitrnum
et aimuum, etc. (Middelbourg, 1 63o , in-4°).
^ Fahularum /Esopiarum libri V. Nie. Ri-
ffaltius recennuil et notis illustiwit. Bfunct
indique (t. IV, col. 588) deux éditions : la
première de lÔQg (Paris, Drouart, pet.
in-ia), dédiée a M. J,-A. de Tliou; lu se-
conde de 1G17 (Paris, l\. Estit'une, in-4°).
Y eut-il une nouvelle édition en i63o?
' Histoire génêalofrique des ducs et comtes
de Bourgogne, c(c. (Paris, 1628, in-4°).
* Leê œuvres de M" François de Malherbe,
gentilhomme ordinaire de la chambre du lloij.
Paris, Charles Cliappelain, tG3(>, iu-'i". Le
véritable éditeur fut, non, ainsi qu'on Ta
cru, François d'Arbaud, sieur de Porchères,
mais Auger de Mauléon, sieur de Gra-
nier, comme il résulte de l'indication for-
melle que Peiresr nous fournit ici , et comme
du reste l'avait établi déjà M. Lud. Lalanne
{Notice bibliographique , déjà citée) en s'ap-
puyant sur une lettre de Diipuy à Peiresc,
du 18 mai 1629 , et sur une lettre de Pei-
lesc h Dupuy, du 18 août 1699, lettres pu-
bliées en ce présent volume.
' Un dictionnaire arabe que François
Luillicr avait procuré à Peiresc.
' Probablement des généalogies manu-
scrites de Picri-ed'Hozier. De tous les recueils
du célèbre juge d'armes de France, celui
qui, |)ar la dote de sa publication, se rap-
proche le plus de 1 63o est celui-ci : Les
noms, surnoms, armes et blasons des ekeea-
lier» et officier* de l'ordre du Saint-Esprit ,etc.,
recueillis par Pierre d'Iloiier, sieur de la
Garde, historiographe et- gètiulogUte de
France (Paris, Tavernici', j634, in-fol.).
' On connaît deux édilion* du poème du
président de ïhou : llieracosophton , sive de
re aeeipitraria libri 111 (Pari», Mamert i'a-
tisson, i584, in-'i°: Paris, mérne impri-
meur, 1587, iB-8°).
256 LETTRES DE PEIRESC [1630]
enveloppe que vous veuilliez faire à M"' nostre Premier Présidant sur
tout ce qu'il vous plairra m'envoyer nous mettra à couvert de tout autre
conterooHe du costé de deçà, sans qu'il vous faille charger de luy es-
crire. 11 suffira, si vous ne le trouvez mauvais, de faire mettre soubs
son enveloppe quelque petite demy feuille des nouvelles plus com-
munes, cottee sur le dos pour m'estre envoyée avec le pacquet y joinct,
car cette friandise fera souffrir patiemment l'adresse qu'il vous plairra
me faire de livres ou de quelque autre chose que ce puisse estre. Des
nouvelles de cez pais de deçà nous ne sçaurions pas maintenant vous
en escrire de considération qu'un peu de contention qu'il y a eu à
Toullon entre M' le General des galères et M' de S' Ganat, gouver-
neur de la ville \ pour les casaques ou hocquettons de trois ou quattre
gardes qui suyvoient d'ordinaire led[it] gouverneur et pour le salut des
soldatz du corps de garde de la porte de la ville, dont vous aurez sceu
les particularitez d'ailleurs, ne s'estant trouvé persone dans le païs qui
ait peu s'en entremettre et les consuls de la ville ayant tiré parolle de
surceance de part et d'autre, attendant si M' le Gouverneur de la pro-
vince viendra, comme on dict, pour y mettre la dernière main. Et s'il
tarde guieres, possible que M"" le premier présidant d'Oppede prendra
la peine d'y venir à cette heure que le parlement sera finy. Sur quoy
je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc^.
A Boysgency, ce a 7 juin i63o.
' Etait-ce Gaspard de Forbin, seigneur ' Vol. 717, fol. 106 bis. Cette lettre, qui
de Solliers et de Saint-Gannat , personnage avait été enlevée à la Bibliothè<:[ue natio-
qui avait été député par la noblesse de Pro- nale , a été rendue à cet établissement en
vence à l'assemblée des notables convoquée 1881.
à Rouen en 1617?
[1630J AUX FRÈRES DUPUY, 257
XLIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je receus hier au soir, par un courrier extraordinaire de M' du Lieu,
vostre despesclie du 16 do ce moys, mais je n'ay pas encor eu celle
que vous accusez du 9'°^ oui bien d'aultres précédantes du 2 juillet,
28 juin et 17 avril, toutes accoinpajjnées de trez belles curiositezà vostre
accoustumée, et ay pareillement receu tous les fagots dont M"" d'Au-
bray s'esloil chargé, et les balles de livres, qui arrivèrent bien peu de
jours aprez les dicts fagots et rouleaux, où j'ay trouvé tout le plus
agréable entretien que j'eusse peu désirer, et tout le plus grand sou-
lagement qu'il se pouvoit avoir en cette solitude champestre. Mais de-
puis lors nous avons eu icy tant de divertissements que je n'y ay pas
peu guiere mettre de temps, et à peine ay je peu parcourir les pièces
m[anu]s[crit]es, où j'ay prins un trez grand plaisir, et en ay faict
dresser le roolle qui sera cy joincl. Cez pauvres fagots coururent en-
cores grande fortune le jour de leur venue, car à deux lieues d'icy, celuy
qui les portoit se trouva enveloppé parniy des forçats de galère lors
qu'ils rompirent leur chaisne et tuèrent leurs gardes et conducteurs; ils
estoient i 28 en nombre, et firent belle peur à ce pauvre voiturier, qu'ils
voulurent rançonner, mais n'estant pas encores tous deschaisnez, et
voyant paroistre du monde, ils le laissèrent pour grimper les mon-
tagnes^ et se saulver comme ils le firent la plus pari. J'ay esté infini-
ment aise d'apprendre que M' Grotius ayt daigné prendre le soing du
INicolaus Damascenus, et M'Bignon de mon pacquet d'Angleterre, dont
je ne manqueray pas de les remercier par la première commodité, ne
pouvant pas maintenant satisfaire à ce debvoir, ne respondrc punc-
tuellement ù voz lettres, pour ne retarder M' de Marcheville^ qui est
' Le verbe grimper a ('le aussi eniployii nctivement par Régnier (Salire xvi) : ircoramc
une chèvre en grimpant un rocheri. — * Sur le comte de Marcheville, voir l. I, p. 196.
n. 33
uvftiaikit ii*Ti«««uu
258 LETTRES DE PEIRESC [1630J
pressé de passer oullre et m'a donné avec un peu de peine le temps
qu'il a fallu pour escrire à M"^ Holstenius par le susdict courrier et à
M' Gassendy, pour les inviter à faire quant et luy le voyage de Gon-
stantinople, oii il a grande envie de les mener. Et j'estime que l'occa-
sion est si belle pour leur curiosité qu'ils ne la debvront pas laisser
perdre, et qu'ils y proffiteront grandement pour le public, et saulve-
ront de bons livres, et aultres singularitez, s'ils veullent\
Nous avons veu comme vous le Décret imprimé de l'Eminenza, et je
m'apperceus à l'ouverture du livre de ce Mystagogus du père Gresso-
lius'S qu'il avoit possible donné l'envie à cez cardinaulx de prendre
beau tiltre, puisqu'il avoit trouvé de si belles authoritez des Saincts
Pères, pour son origine et application aux chefs de l'Eglise. Et ne sçay
si le livre n'auroit point esté faict exprez pour ce dessain, puis que le
mot d'Eminentissime^ y est représenté et affecté en différant caractère,
pour en marquer plus fort l'énergie.
' Ni Gasseadi , ni Holstenius n'accompa-
gnèrent à Constantinople , en i63i, l'am-
bassadeur du roi de France auprès de la
Sublime Porte. Voici ce cpi'on lit sur ce sujet
dans l'ouvrage de Bougerel (p. 91-92):
rr Henri de Gournay, comte de Marclieville,
venoit d'être nommé à l'ambassade de la
Porte. Conimeil airaoit les savants, il en voulut
mener plusieurs avec lui : il le fit proposer à
Descartes, aussi bien qu'à Gassenrli ; celui-ci
l'ut plus facile à gagner que l'autre. J.-J. Bou-
chard , Parisien , qui étoit pour lors h Rome ,
Holstenius , chanoine du Vatican , et plusieurs
autres savants d'Italie et de France , dévoient
être de la partie. L'on ne parloit de rien
moins que d'enlever à l'Orient tous ses ma-
nuscrits et toutes ses raretez. Gassendi étoit
si résolu à ce voyage , qu'il en écrivit à Ga-
lilée , à Golius , h Aubert Le Mire , à Reneri ,
à Erycius Puteanus, et à plusieurs autres
de ses amis d'Italie, d'Allemagne et des Pays-
15as, pour leur offrir ses services dans le
Levant. Leur départ fut fixé au mois de no-
vembre [t 63o]. Gassendi, qui pensoit sérieu-
sement à ce voyage , se mit de nouveau à la
lecture d'Homère, parce qu'il vouloit porter
avec lui Strabon qui a pris à tâche d'éclaircir
et de défendre ce poète; mais tout ce projet
s'en alla en fumée , car malgré toute l'envie
qu'il en avoit, il ne put en être, et je n'en
trouve nulle part la cause. Bouchard et
Holstenius ne purent être prêts pour le lems
du départ, quoique le comte de Marcheville
eût été obligé de le différer jusqu'au aojuil-
let i63i.ii
' Ludovxci Cresollii Armorici e societate
Jesu Mystagogus de sacrorum homiiium disci-
plina, etc. (Paris, Séb. Gramoisy, 1629,
in-fol.). Voir sur le P. Louis Crésol en ce
présent tome la page 58.
' Le Dictionnaire de Trévoux dit de ce
superlatif : cr Titre d'honneur qu'on donne
depuis quelque temps aux cardinaux. 1
C'est depuis i63o que cette qualification a])-
[1630 I
AUX FRERES DUPUV.
259
Nous verrons bien volontiers les pièces des m[anu]s[crit]s de l'IIinc-
marus '. Le mal est que nous n'avons rien à vous envoyer en revanche.
Il y aura pourtant icy quelques petites feuilles où je vouklrois bien que
vous poussiez trouver quelque chose non encore passée par voz mains^
Au reste M"^ de Marcheville désire bien d'estre agrégé à vostre Aca-
démie avant que de s'en aller en Constantinoplc, et m'a dict qu'il vous
iroit voir. H y a vingt ans que je le cognois et que j'ay veu en luy de
irez belles et recommandables parties^ de probité, de curiosité, et de
courtoisie ; vous aurez du contentement à le gouverner, et je partici-
peray à ses obligations. Estant bien marry d'estre constraint de clore
et demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, à la desrobée, ce q6 juillet i63o.
Si M'' du Lieu peult establir ses courriers par icy jusques à Geues, il
ne nous manqueroit pas de commodilez de renouer nostre commerce;
si non, il y aura bien de la peine, tant les postes sont rompues entre
Lyon et ce pais \
partient aux membres du Sacré Collège en
vertu d'un décret de la congrégation <les rites
approuvé par le pape Urbain VIII le lo juin.
Voir en ce qui regarde le tilre d'étninence ,
prématurément donné au cni-dinal de Ri-
cbelieu par l'auteur des Mémoires de Pontis
et par quelques autres écrivains, les obser-
vations du P. Griiïot [Ilinlorre du règne de
Louis XIII , t. 11 , p. t o/) ). b'minence et ^wi-
nenlissimc sont deux titres ci-éés le même
jour.
' Ilinomnr, arcbevétjuc de Reims, morth
Épernay le qi décembre 88a, a laissé des
ouvrages llu'ologi(]uos publiés par le P. Sir-
mond en ifii.") (a vol. in-fol.) et une chro-
nique de 86 1 à 88q dont la dernière édition
a été donnée par l'abbé E. Deliaisnes dans
les Annales de Saint-Bertin et de Saint- Waoil
publiées pour la Société de l'histoire de
France (1871).
' Sous le mot parties pour qualités, lÀUré
n'a cité que des écrivains postérieurs , Bos-
suet. Corneille, Fénelon, La Bruyèif, Mon-
tesquieu, Racine, Saint-Simon, etc.
' Vol. 717, fol. 107. Voir à V Appendice,
seconde partie. n° VII, une lettre de Jac-
ques Dupuy à Peiresc, du 3 septembre
i63o, et, n" VMI. une lettre du même au
même, du 20 du même mois.
33.
2 GO
LETTRES DE PEIRESC
[1630]
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS
Monsieur,
Nous avons eu le bien de gouverner icy M'' de Fontenay Bouchard
un jour ou deux ' avec un grandissime plaisir d'apprendre de si bonnes
nouvelles de l'Académie et de ce que nous y avons de plus cher. Nous
luy avons baillé afforce lettres pour Rome aux cardinaux Barberin et
Bentivoglio et aultres qu'il a désiré*, mesmes à M'' Holstenius, encores
qu'il y deubst avoir plus de crédit que nous, puisque vous l'avez ainsin
voulu. Il est encor à Tollon^ avec quelque incertitude si le train de
M' le cardinal Bagny est passé ou non, à faulte d'estre descendu
d'Avignon oi!i il l'avoit manqué* jusques à Arles, où on luy avoit dict
' Le 1 4 et le 1 5 novembre , comme nous
l'apprend le très curieux volume intituM :
Les confessioiis de Jean-Jacques Bouchard,
Parisien, suivies de son voyage de Paris à
Rome en i63o, publiées pour la première fois
sur le manuscrit de /'««(««r (Paris, Isidore
Liseux, i88i, in -8°). Bouchard raconte
d'une façon bien inléressaîite (p. i26-i3a)
son voyage en Provence et sa visite à -rBeau-
gencier, village enfermé entre deux monta-
gnes, qui a environ 2 5o feus». Je ne citerai
que les premières lignes de l'enthousiaste
éloge qu'il fait de l'hospitalité de Peiresc et
de Peiresc lui-même: (t Monsieur de Peiresc
retint le soir et le lendemain i.5 tout du long
du jour ùpéalrjs [c'est le nom de guerre du
narrateur] choz luy, avec toute la bonne chère
et toutes les faveurs que l'on sçauroit sou-
haiter. Aussi est-ce un homme qui n'a pas son
pareil en l'Europe pour la courtoisie et huma-
nité, comme aussi pour la sagesse, science,
curiosité de toutes les belles choses . . . n
^ Bouchard dit (p. ia8) que rrpartant
de Paris, il avoit pris de M" du Puy et Ri-
gault lettres de recommandation adressantes
à Monsieur de Peiresc, )i et que ce dernier
rr bailla à Ùpét/lrjs diverses lettres pour
Home, entre autres aux cardinaux Barberin
et Bentivoglio . . . v.
' Sur Bouchard h Toulon avant et après
le séjour à Belgentier, voir les pages ia5-
126, j3aet 199-198 du volume que nous
venons de citer. Le voyageur quitta Toulon
le 3 décembre.
' On lit (p. 109 du Voyage de Paris à
Rotne) : rùpéalrjs ayant apprins que la
famille du cardinal Bagny estoit passée quel-
ques jours auparavant, et qu'elle pourroit
eslre alors h Mai-seille, il ne séjourna pas
plus de deux heures en Avignon, voulant
rattraper cette compagnie pour passer avec
elle plus commodément et seurement en
Italie. 'i
[1630] AUX FRERES DUPUY. 261
qu'il estoit allé changer de barque pour passer en Italie, d'où l'on es-
cript de si grands progrez que la pcsle y faict dans Venize, dans Flo-
rence et dans toute la Toscane jusques à 9 milles de Rome et à 2 lieues
de Gènes, que je ne luy conseillois poinct de continuer son voyage de
cette année et luy offris cette petite maison cy ', au cas qu'il y voulust
sesjourner et passer l'hyver, mais il tesmoignoit d'aymer mieux se re-
tirer en Languedoc s'il ne se prevaloit du passage de cette barque en
Italie, où il a grande envie d'aller, encores qu'il eust volontiers, comme
je crois, passé le temps à voiries m[anu]s[crit]s grecs platoniques dont
vous avez veu le catalogue, lesquels j'avois apprestez icy pour M' Hol-
stenius-*. Je trouvay sa conversation grandement doulce* et me serois
tenu bien heureux qu'il eust voulu s'entretenir céans, en attendant si
le progrez de la maladie en Italie se pourra arrester, car je le plain-
drois fort s'il s'y trouvoit dans les rigueurs et inhumanitez que le mal
faict encore aux pays chaulds, sur les gentz mesmes du pais, et à plus
forte raison sur les estrangers. Mais je recogneus bien que les mou-
vements de la ville d'Aix luy donnoient de l'appréhension ' et qu'il ne
seroit pas demeuré en repos d'esprit dans ce pais. Nous espérons pour-
tant que tout s'appaisera Dieu aydant, les gents d'honneur de la ville
s'estant enfin rendus les maistres, par l'establissement d'un corps de
garde jour et nuict, où se trouvent les plus qualifiez chascun à son
tour, ce qui fut coinmancé tandis que ces jeunes fouis estoienl allez
faire du desgast à la Barben ^, d'où revenant ils trouvèrent les places
' Bouchard a très bien ddcrit (p. i3o)
celte prétendue pctile maison (non ])as somp-
tueuse, dit-il, mais commode) et les \»a\\\
jardins qui Tentouraient.
' Entre autres raretet , Peiresc montra à
son liôte (p. Jag) des momies, le Irdpied
antique de Frëjus et irquanlitti de commen-
taires grecs manuscrits sur Platon, (pi'il
vouloit envoyer h Holsteiniusn.
^ Le contentement fut réciproque, car
Bouchard loue beaucoup (p. t3i) len dis-
cours lilircs et (rays de Peirosc, qui, comme
tant d'honnêtes et grands érudits, aimait à
mettre dans sa causerie beaucoup d'abandon
et beaucoup d'enjouement.
' Bouchard a donne (p. 116-119) '^
visu d'abondants de'tai's sur les mouvements
de la ville d'Aix. Quand il y arriva, t toute
la ville estoit en armes, le peuple s'estant
sousievé pour un nouveau establissement
(l'eslus que le Roy voulnit faire en celte pro-
vince...».
' La Barben, commun" du ddparlemenl
des Bouches - du - Bbôue , ari-ondissement
262 LETTRES DE PEIRESC [1630]
prinses, et peu s'en fallut qu'ils ne trouvassent visage de boys' et qu'on
ne les laissast dehors tout à faict. Depuis ce temps là, il ne s'est plus
faict de violance contre persone, et desjà le Parlement a commancé de
faire quelque arrest contre cez assemblées et voyes de faict, et pour la
seureté de la ville, mesmes pour faire sortir tous les vagabons et gents
qui n'y avoient pas des affaires notoires qui y estoient accourus de
toute la province comme à un saccage de ville, qui s'en alloit peu à
peu tout au pillage, si Dieu n'y eust mis la main^, car le peuple tant
de la ville qu'estranger commençoit à gouster les doulceurs de la vie
oisive aux [dejspans' d'autruy, et n'y avoit persone qui eust des moyens
qui ne passast incontinant pour esleu. Vous aurez sceu ce qui s'estoil
passé contre divers particuliers, et spécialement contre un de noz voisins,
dont le logis fut pillé en plain jour, et deux aultres maisons joignantes
entamées, entr'autres la nostre par un costé, où Dieu mercy ils ne trou-
vèrent pas grande chose à prendre*. Mais quelques uns de noz amys ac-
coururent assez à temps pour empescher un plus grand mal, et en vin-
ci' Aix, canton de Salon, à g kilomètres de
cette ville. Gaspard de Forbin, seigneur de
la Barben, premier consul d'Aix en i63o,
vit saccager, comme nous le rappelle Roux-
Alpheran [Les rues d'Aix, t. II, p. 5o),
pson château de la Barben et mettre le feu
à la forêt qui l'environne par une troupe
armée, composée d'environ deux raille
hommes, accourus, en grande partie, de
Pelissane, de Rognes, de Saint-Cannat, etc. ,
qui partit d'Aix dans cette intention , tam-
bour battant, mèche allumée, ayant h sa
tête le seigneur de Ghâteauneufn.
' Littré n'a cité aucun écrivain au sujet
de cette expression figurée, soit au mot bois,
soit au mol visage.
' Bouchard n'a-t-il pas trop rembruni le
tableau en présentant comme généralement
accompli ce qui, d'après Peircsc, ne fut que
partiellement exécuté? Voici quelques-unes
des exagérations du voyageur en Provence
(p. 11 4) : pLe Premier Président et quel-
ques conseillers du Parlement avoient esté
contraints de sauver leur vie par la fuite,
leurs maisons ayant esté pillées, bruslées
et abbattues tant aux champs q'uà la ville,
pour un simple soupçon qu'on avoit qu'ils
favorisoient le parti des eslus ... «
' Déchirure du papier.
' Bouchard raconte (p. 117) que Peii-esc
avait été obligé de quitter Aix rrà cause des
soupçons que Ton avoit qu'il ne favorisast les
eslus : jusques là que le peuple luy avoit
abbatu une maison dans Aix , qui estoit at-
tacliée à celle où il demeure, soubs prétexte
qu'il l'avoit louée à un partisan des eslus;
et leur furie avoit passé jusques à un ca-
binet où le s' de Peiresc tenoit quelques li-
vres, qui, ayant esté prins, luy furent par
après reportés à Beaugencier. . . ".
[1630] AUX FRERES DUPUY. 263
drent heureusement à bout par une spéciale providance divine, car il
n'y manqua pas des gents qui nous vouloient rendre bien couipabics,
pour avoir logé aultres foys M' d'Aubray chez nous^ Maintenant
qu'on asseure de grands cliangements à la Cour, et surtout en la per-
sone de M' le Surintendant qui s'estoit si opiniastrement heurté à cez
esleus, sans vouloir escouter et considérer les grands inconveniants
que cela trainoit\ nous espérons que le Roy aura considération de ses
peuples, et qu'il deschargera cette province de toutes cez nouvelles an-
garies^ et par mesme moyen nous rendra le repos et la tranquillité,
où nous avions vescu jusques à presant, au moyen de laquelle nous
pourrons Dieu aydant reprendre nostre petit commerce avec vous. Mais
si cela n'eust esté, il le nous falloit rompre tout à faict. Car cez peu-
ples estoient entrez en une telle jalousie et dclliancc que toute sorte de
commerce du costé de la cour ou de Paris leur estoit suspect, et prins
en si mauvaise part, que la moindre chose du monde estoit cappable
de fournir des prétextes pour faire entreprendre sur les biens et sur la
vie des plus gents de bien et des plus innoccns. Si nostre pauvre jai*-
dinier nouvellement venu se fust aussy bien rencontré à la couchée
comme à la disnée en passant par Aix, on luy eusse sans double faict
affront \ mais n'ayant faict que boire en passant au faulx bourg, et
' Citons encore ici ce (|nc IJonclianl
(p. 11 5) dit (le l'eii-esc : iTle({iiel esloil sus-
pect pour avoir traita chez lui le s' d'Au-
bray, maistre des rc([ueslos, qui avoil porté
la commission des csliis, et qui fut contraint
de se sauver par dessus les toits des maisons.
G'estoit l'ancien ami de M' de Peiresc, ayant
fait le voyajje d'Italie ensemble."
' Bouchard rappelle (p. 1 1 5) que irrimagc
du marquis d'Elliulr., ainsi que celle du car-
dinal de Uichelieu, travoit esté bruslée pu-
bliquement en la place». Ce fut sur la place
des Prêcheui-8 qu'on brûla le mannequin re-
présentant le surintendant des iinances.
' Le mot dont se sert ici Peiresc est ainsi
explique dans le Dtctio*nairc (le Richelet:
«Dans les couuneutateurs de la règle de
S. Benoit, on lit le mot angarie, pour si-
gnifier une cliarjje, un travail pénible.» La
Gurne de Sainte-Palaye {Dictioimaire hislo-
tique de l'ancien langage françois) traduit
le mot par corvée, impôt, vexation. Voir le
Glossaire de Un Gange, au mot Angaria et
aussi le Dictionnaire de Golgrave. Le verbe
angarier a été employé par Uabelais.
' Bouchard , qui sendde alVeclionuer Phy-
perbole, substitue, en ce qui le concerne,
un danger de mort à un danger d'afront.
Voici ce (ju'il raconte de son entrée dans
Aix (p. ti5):<rùp^7>^, en cette reocoutre.
264 LETTRES DE PEIRESC [1630]
seulement demandé le chemin de ce lieu cy, on ne creut pas le pou-
voir r'attaindre, comme on l'eut faict volontiers, pensant luy pouvoir
oster ses lettres, et y apprendre des nouvelles, ou de quoy fournir des
prétextes de nous nuire. Et de faict je vous allois supplier de cesser tout
à faict de nous escrire, comme je m'estois abstenu depuis quelque temps
de m'acquitter de mon debvoir en vostre endroict, pour ne laisser de
ce costé là aulcun fondement des prétextes qu'on y cherchoit, et pour
diminuer la jalousie de ceux qui ne trouvoient pas "bon que d'autres
qu'eulx eussent des advis de la cour. Mais j'espère que les afl'aires pren-
dront dezhorsmais une aultre face, et qu'il y aura plus de liberté. Dieu
aydant, que nous n'en avions eu. Cependant je vous supplie d'aller le
plus réservé que vous pourrez en ce qu'il vous plairra nous escrire,
et de recommander à M' du Lieu de suyvre les adresses que nous luy
avons données, des marchands de Marseille, jusques à ce que les choses
soient en meilleur estât. C'est pourquoy il ne fauldra guieres grossir
les pacquets. J'ay esté bien aise de cette commodité du voyage de
M"" de Baillibault en cour, qui est de noz bons amys S pour vous pouvoir
escrire, ce que je n'eusse peu faire par une aultre voye, mais je suis
marry de n'en avoir eu l'advis plus tost, pour pouvoir escrire à touts
noz bons seigneurs et amys de par delà, espérant de ne tarder plus
guieres d'y satisfaire , et possible d'envoyer liomme exprez au moings
jusques à Lyon; seulement vous supplieray je de les vouloir asseurer de
ma dévotion en leur endroict, que je conserveray tousjours inviolable,
et de les conjurer de ne pas imputer à deffault de bonne volonté le
retardement de mes debvoirs en leur endroict, qui n'a esté qu'à bonnes
fins, et pour nous conserver plus de moyen de les servir trez touts en
meilleure saison que celle oiî nous avons esté depuis quelque temps.
couroit danger de sa vie, s'il eusl dit à la gronde réputation quilavoit en cette ville. ..»
poste qu'il estoit venu à Aix pour parler h ' Son nom ne figure pas dans la liste des
M'dePeire8e,corame véritablement il venoit correspondants de Peiresc telle que j'ai pu
pour cela ; ce qu'il n'eust pas manqué de dire l'établir d'après les copies d'Aix . les minutes
et monstrer les lettres qu'il avoit de Paris de Carpentras, les autographes de Monlpe!-
pourluy, s'imaginant qu'elles lui serviroient lier, Paris. Rome. etc.
de passeport , veu sa qualité de conseiller et la
[1630] AUX FHÈRES DL'PUV. 265
J'ay receu le catalogue de la foire, où j'ay bien trouvé de la matière
pour noz curieux, priiicipalcinenl à ce qu'il y a de Keplerus tant de la
présente et prochaine année, que des tables de plus longtemps. En-
semble ce qu'il y a de Mullerus de Anno Judajorum' et de Meursius de
Pythagorico denario'^ et encores de ce Ludovicus Remmelinus de Num"
Sapientis^, les Epistres de s' Boniface* et aultres meilleures pièces que
nous pourrons voir (|uelque jour, si Dieu plaict, si la commodité s'en
presentoit opportune. Cependant si cette histoire corrallorum, de Jo.
Lud. Ganzius Francfort 8*, se trouvoit, je serois bien aise de la voir
et encores plus si nous pouvions vous rendre quelques bons services
en recognoisçance de tant d'obligations que nous vous avons, dont nous
ne sçaurions seulement vous remercier comme il fault, sur quov atten-
dant de vous pouvoir amplement escrire au premier jour sur toutes voz
lettres et de voz bons amys, je finiray priant Dieu qu'il vous tienne en
sa sainte garde, et nous fasse la grâce de vous pouvoir tesmoigner que
je suis.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A B[oysgency] , ce i8 noveoibre j63o.
' Nicolai Mûllerii Judœoruin annus , elc.
Groninguc, i63o, in-fol. Nie. Mùller, né à
Brùggfi le 95 décembre i564, mourut à
Groningue le i" septembre t63o. Il exerça
la médecine h Amsterdam, ii Harlingen, h
Groningue, et fut directeur de la Compa-
gnie hollandaise des Indes.
' Joaii. Meursii Pythagoricux , seii de «u-
merorum usque ad denarium quulilale uc no-
minibtts secundum Pythagoricos (Leyde,
i63o, m-li°).
' Lud. Remmelini kpiO{iàs à 2o^6«, hoc
est ; conlemplatio numeri sapietilis admi-
randa el iiigeima, trinuno systemale Dei es-
sentiam adumbrmts (Leipzig, i03o,in-4°).
Remmclin était an médecin qui naquit
à Ulm en 1.585 et qui mourut après
i633.
* Epistolœ S. Bonifaci Martyris, primi
Moguntim Archiepiscopi , Germanorum Apo-
sloli , pluriumque Punùjicum , Heguin , el
aliorum , nunc primum e Cœsareœ Majestatit
Vienneitsi Bibliotheea luee noiùque donaUt
per Nicolaum Serariuin , Societalis Jetu pm-
bylentm, elc. (Mayence, lÔQg, in-4'). La
première édition est de 1 6o5 (même ville et
même format). Voir sur d'autres éditions
de ce recueil le Manuel du libraire ( t. I ,
col. 1099), la Bibliothèque des éerivaitu de
la Compagnie de Jésus (t. III, col. 76a).
' VHisloria Corallorum du médecin
J.-L. Gans fut réimprimée en 1669 (in-ia).
3'i
Hrk)«ikic «(Tio^jia.
266 LETTRES DE PETRESC [1631]
Mon frère vous avoit escript par M' ie Baron de Meslay\ mais il
craint que ses lettres ne soient demeurées quelque part puis que ceux
de Lyon n'accusent pas la réception des leurs. Nous vous supplions trez
humblement de vouUoir salliier de nostre part M"' de Thou , M' de Mes-
lay et M"" du Puy vostre l'rere, ensemble MM""' Rigault, Grotius auxquels
j'escriray par le prochain , M"' Gassendy et tous cez Mess" de l'Académie^.
LI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Nous avons esté exposez depuis quelque temps à des jalousies si
estranges, que nous avons esté constrainctsde nous abstenir d'escrire d»
costé de la cour, et de prier noz amys de ne nous pas escrire aussy, pour
esviter les occasions d'encourir les reproches, et la punition dont nous es-
tions menassez à touts moments qui n'estoit poinct moindre que de faire
piller, brusler et raser noz maisons, et dans la ville et aux champs^, et
spécialement d'affecter le saccage et incendie de mes pauvres libvres et
papiers, comme ce qu'ils sçavoient bien m'estre fort à coeur. Il ne falloit
poinct lors d'aultre crime plus grave pour estre condamné à ce traic-
tement, que d'avoir des habitudes en cour, et d'en recevoir ou révéler
aultres nouvelles que celles que l'on vouloit semer, selon les interests
de ceux qui donnoient le bransle à tous ces mouvements. Et 11 y avoit
des espies de tous costez, pour observer noz actions et de tous ceux qui
abordoient à nous. Encores ne pouvions nous esviter mille impostures
' Jacques- Angusle de Thon , baron de ' Vol. 7 1 7, fol. 111.
Meslay, frère de François-Auguste de Thou , ' On voit par celle phrase , comme i)ai'
fut président de la cbambro des enquêtes du bien d'autres, que les excès signalés par
|)arlement de Paris, ambassadeur en Hol- Bouchard furent bien plus des paroles que
lande, etc. Voir sur ce pei-sonnage, d'abord des faits. On menaça beaucoup, on exécuta
connu sous le nom d'abbé de Bonneval , les peu. Quatre maisons seulement furent sac-
Leltresde Jean Chapelain (t. I et II, /Mwsim). cagées et pillées le 97 octobre i63o.
|1631] AUX FRÈRES DUPUY. 267
et inventions à toutes lieures de ceux qui taschoient de nous tirer à ia
haine publique, qui nous faisoient imaginairement courir en poste ta n-
tost d'un coslé de la province, lantost d'un auitre, pour aller porter ou
prendre des advis, et Iraicter avec les personnes les plus descriéos et
les plus suspectes, et bien souvent ils se persuadoient tellement cez ca-
lomnies qu'ils avoient mesmes de la peine d'en croire les certifications'
de leurs espions encores qu'ils fussent tesmoings occulaires de nosti-e
sesjour en cet hermitage. Et sans les particulières obligations imporlantefi
que nous avoient plusieurs de ceux qui n'avoient peu esviter de se
ranger parmy les plus mauvais, je ne pense pas que nous eussions ja-
mais esvité le malheur. C'est pourquoy noz bons seigneurs etamys ont
bien de quoy nous tenir pour excusez du manquement de nostre cor-
respondance et de noz debvoirs. Nous espérons que dezhorsmais il nous
sera plus loisible de respirer et de nous en acquitter, le morule com-
menceant à se dessiller les ieulx et à recognoistre la vérité des motifs
et considérations d'interests particuliers, qui ontfaict embrasser et em-
prunter cez prétextes publiques, pour vanger des différants et querelles
privées, et discréditer ceux qui estoient dans les affaires, et esloigner
de la veiie de leurs actions touts ceux qui pouvoient avoir de la créance
en cour, dont les remèdes ne peuvent eslre que d'une trez grande riiine
à ce pauvre pais, et sur tout à cette ville dezolée, où les sonnettes ne
font plus de bruicts grâces à Dieu ^, et semblent avoir perdu ou di-
minué grandement leur empire. Mais on ne pourra estre en repos d'es-
prit que l'on ne voye quels expédiants prendra M«' le Prince*, à qui
' Littré n'a cité sous ce mot que des ëcri- lionnaire provençal-Jratiçai* de Frédéric Mis-
vains antérieurs au xvit* siècle, Oresme, Irai , où est mentionnée /a toi/rroufo rf« (iw-
l'Voissart, Calvin, Aniyot. , caveu et où l'on rappelle que les conjurés
* Un passage du récit de Bouchard avaient pris pour signe de ralliement un
(p. it4) explique ainsi cette phrase: grelot suspendu h une courroie. Voir en-
"... si détestables et si horribles h la popu- core, sur la révolte des Caseaveoux {sic),
lace [il s'agitdes é/tu] qu'elle avoit formé an Les rues d'Aix, passim, notamment t. I,
parti contre, nommé le cascaveau, h cause p. k<ô, a5A, ^59, et surtout 1. 11, p. ^8-5a.
d'une sonnette qu'ils porloienl nu bras pour ' Sur le prince de Condé à Aix , voir
signe, laquelle s'appelle cascaveau en pro- VHisloire de cette ville pai- Pitton, p. 389
vençal. « Conférez l'article Cascavau du Die- et suiv.
31.
268 LETTRES DE PEIRESC [1631]
touts les ordres ont envoyé de grandes dépulations, sans qu'il ayt encores
rien voulu respondre, attendant d'en conférer avec M^ le Gouverneur
qui l'est allé trouver en Avignon. Cependant la terreur du pauvre monde
est si grande que la ville d'Aix est despourvoiie de tout ce qu'il y avoit
de plus apparant ou peu s'en fault. Ils avoient fort pressé Mons?'' le
Gouverneur de s'y en aller passer, mais il s'en est excusé, attendant
d'y accompagner M^' le Prince , qui est arrivé en Avignon 7 ou 8 jours
y a '. Si tost que nous aurons i-ecouvré un peu plus de seureté de com-
merce, nous ne manquerons pas de satisfaire à nostre debvoir envers
vous et envers tous noz bons seigneurs et amys de par de là, au mieux
qu'il nous sera possible, vous suppliant et conjurant trez instamment
de nous vouloir excuser, et ayder à obtenir d'eux par mesme moyen
que noz légitimes excuses puissent estre admises, et particulièrement
de M' de Thou, de Messieurs Rigault, Grottius et aultres de l'Académie
dont je regrette bien M'" Le Jay et le R. P. Morin , pour le Pentateuque
que nous n'avons encores peu envoyer, mais j'espère que nous ne tarde-
rons pas de pouvoir le faire Dieu aydant, et Dieu sçayt si nous n'aurons
pas à y adjouster un aultre exemplaire fort entier qui doibt eslre sur
la mer à cez heures, dont on me faict grande feste.
Cependant j'ay receu de Rome un pacquet de M^"^ le Cardinal dans
lequel s'en est trouvé un de M"^ Suarez pour M' Rigault, à qui je vous
supplie trez humblement de le vouloir bailler, et luy faire part dune
inscription cy joincte que le dict sieur Suarez m'a envoyé de la part
dudict seigneur Cardinal , qui mérite bien d'estre examinée et deschiffrée
de la main de cez Mess" de l'Académie, et spécialement du dict sieur
Rigault, et de Mess" Grottius et Saulmaise, s'ils daignent en prendre
la peine.
Au reste je suis si malheureux que cette commodité qui estoit trez
bonne et assurée du voyage de M' de Piensin, nostre parent, a été si
inopinée et si soudaine, pour la presse qu'on luy donne de son affaire,
lorsqu'il y pensoit le moings, qu'à peine me donne il le loisir de vous
' Ln prince de Condé était arrivé h Avignon le t 3 février.
[1631] AUX FIIKRES DUPUY. 269
faire ce peu de lignes pour passer plus oultre et aller prendre la poste,
là où il pourra, de ce que j'aurois à vous escrire et entretenir bien plus
d'un jour entier. Espérant de le pouvoir faire bien tost Dieu aydant,
et de pouvoir accuser en particulier toutes ces lettres et despesclies
dont il vous a pieu nous honnorer, et dont nous avons tiré toute la prin-
cipale consolation que nous pouvions avoir icy.
Cependant je vous envoyé une recharge de la lettre de crédit de
Marseille, au cas que le Marchand de par delà ne vous ayt envoyé offrir
de continuer ses fournitures comme il en avoit esté prié. Et ne doibs
pas obmettre de vous dire que nous avons esté quelques semaines dans
l'interdiction du commerce en ce lieu cy soubs des gardes de noz voi-
sins à cause de la mort soudaine d'un paisan en un moulin à papier de
ce territoire, à une domy lieiie d'icy, dont on avoit prins l'allarme;
mais Dieu mercy il n'y a poinct eu de suitte, nom plus que de vraye
marque de maladie contagieuse. Par arrest de la cour le restablisse-
ment de nostre commerce nous fut donné pour dimanche dernier aprez
les quarantaines et précautions accoustumées. Ces troubles nous avoient
faict retarder l'exécution d'un traicté de mariage de mon neveu ' avec
unedamoiselle du comté Venaissin, fdle defeu M'deRousset^, que nous
tascherons de faire accomplir Dieu aydant en fort peu de jours, main-
tenant que la liberté publique semble estre sur le poinct d'estre reriiise.
Aprez quoy il ne tardera pas de faire un petit voyage en cour, où il luy
' Claude de Fabri, déjà souvent men-
tionne'. Citons sur lui une plirase de Bou-
chard ([ui , bon jujje en la matière , refuse
tout esprit au neveu de Peiresc : rr Arrive h
Tolon [Bouchard], il fut treuver ce juge
Chabert pour qui il avoit des lettres; duquel
il récent toutes les courtoisies imaginables,
l'ayant mesme fait souper et coucher chez
lui : où coucha aussi a\ec Ùpéalijt le neveu
de M. de Peiresc, fds de M. de Valavez,
nomme le baron de Riants, jeune homme
fort simple et (jui n'a point de plus belle qua-
lité que celle de gentilhomme. i La faible in-
telligence du bai-on de Rians explique et at-
ténue jusqu'à un certain [Kiint les torts qu'il
eut soit à l'égard de son oncle, soit h Téganl
de Gassendi.
' C'était Marguerite des AIrics, tille de
Jacques des Alrics , seigneur de Roussel , et
d'Isabeau de Simiane. Voir Gassendi, I. IV,
p. 966; Pithou-Curt, Histoire de la noblesxe
du comté Venaisxin. t. i, p. 49; le docteur
Jules de Bourrousse de Laiïore, Généidogiea
des maisons de Fabri et d'Ayrenx ( Bonleaux .
i884,in-8% p. 38).
270 LETTRES DE PEIRESC [1631]
fault aller, et le sieur Pr[ieur] de Roumoules ' l'accompagnera et mettra
ordre de par de là à tout ce qui sera nécessaire, ce voyage ayant esté
accroché^ par force durant cez mouvements, comme tous aultres des-
seins. Vous asseurant que j'ay prins un extrême contentement de voir
le rare choix des livres qu'il vous a pieu me retenir, dont je me trouve
icy la Ph[ilosoph]ia Magnetica Nie. Gabaei, folio , Ferrariae , ne sçaichant
poinct si vous ne me l'avez pas envoyé dez l'aultre foys, sans le cotter
en vostre bordereau, ou si le dict Pr[ieur] de Roumoules ne l'auroit pas
prins à Lyon, en passant, car il n'est pas à cette heure icy, pour le luy
demander. Voz dernières despesches sont du 6 janvier, 3 1 et i o dé-
cembre, 7 et 1-2 novembre, lo, i8, aS, 99 octobre qui sont aultant
de gaiges inestimables de vostre surabondante honnesteté, et aultant
de reproches et accusations trez justes de noz manquements et infir-
mitez que je vous supplie neantmoings vouloir pardonner comme je
l'espère, estant de toute mon affection,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A B[oysgency], ce 18 febvrier i63i.
Vous aurez icy une coppie de la charte que M"^ de Betune m'a envoyée ,
et que je crois certainement ne vous estre pas eschappée ne à M"" Go-
defroy, bien que je n'aye pas icy de quoy le vérifier sur son cérémo-
nial. Le sieur Vincens Blanc m'a promis enfin de me venir voir icy; je
tascheray de le disposer à aller voir M' Bergeron *, Dieu aydant, bien
tost, et l'adresseray chez vous afin qu'il ne s'en revienne si brusque-
' Denis Gnilleroin, dëjfe souvent men- ' Sur Pierre Berg-eron, voir t. I, Appen-
tionnë. rfi'ce, p. 77a. Ajoutons aux renseigneraents
' Accrocher est pris ici dans le sens de donnés Ih l'indication de divers passages
retarder, sens employé par Saint-Simon des Historiettes de Tallemant des Réaux re-
dans cette phrase des Mémoires: rrLes bâ- latifs à ce géographe (t. IV, p. 217, 5o5,
tards ne songèrent plus qu'à embarrasser et 5o6 ; t. VI , p. 5oi-5o6).
accrocher l'affaire. 1
[1631] AUX FHKRES DUPUY. 271
ment que la dernière foys, vous suppliant de vouloir agréer que je saliie
le dict sieur Bergeron et tous cez aultres Messieurs qui daignent se
souvenir de moy.
Possible seroit il bon d'examiner si au temps de cette charte de l'an
i/io8 et du 90 mars le cardinal de Bar' n'avoit poinct quelque qualité
de légat de la part du pape Benoist^ ou des Cardinaulx qui avoient
convocqué le concile de Pise, où il se trouva par aprez (car il se
mesla fort de l'extirpation du schisme), et si ce n'esloit poinct pour
cela qu'il avoit peu prendre la préséance sur les Roys de Sicile et de
Navarre, car pour estre oncle de la femme du Uoy de Sicile, je ne
pense pas que le dict Roy la luy eust cédée, n'estant pas lors encores
duc de Bar, comme il fust aprez, auquel cas je n'eusse pas trouvé es-
trange que l'espérance de la succession avec son aage et son caractère
luy eusse faicl bailler cette defferaiice'.
LU
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUY,
ADVOCAT EN L\ COUR DE PARLEMENT
À PARIS.
Monsieur,
Nous avons receu trois despesches de vostre part du i8 uiai-s, 8 et
98 avril, dont la seconde nous a faict ressentir bien vivement la nou-
velle de la perte inestimable et irréparable que vous avez faicte en la
j)ersonne de feu Madame vostre rnere*, dont la vie eust esté si neces-
' Lauis, frère du comte et duc de Bar
Edouard IH, fut son successeur et cAla, en
1 /i 1 9 , le duché a son petit-neveu René d'An-
jou, qui le réunit h la Lorraine. Il futévécpie
de CliAlons-sur-Marne ()/it3-i43o) et de
Verdun (i4ao-i43o). Il mourut, le aS juin
de celtedcrnièreannée, h Varcnnes. Voir Y Art
de vérifier les dates, t. XIIF, 1818, p. 443.
' Benoit XHI (Pierre de Lune), le dernier
pape d'Avijrnon , élu le a3 septembre 1 .394 ,
déposé par le concile de Piâe le aC juillet
' Vol. 717,101. ii;j.
* C'était (Claude Sanguin, vou vu de Claude
Uupuy depuis le t" décembre t594.
J72 LETTRES DE PEIRESC [1631]
saire pour la continuation de la jouyssance du repos d'esprit oi!i vous
estiez, et de la descharge que cela vous donnoit des seings et de la
fatigue des affaires domestiques. Je prie à Dieu que celte perte vous
soit recompancée par le recouvrement de quelque aultre qui puisse
suppléer au moings en quelque façon ce qu'elle faisoit chez vous, et vous
soulager au moings des affaires plus importantes. Pour le restant, je
crois bien que vous estes gents de tant de resolution principalement
aux occurances de cette nature, que vous n'avez pas de besoing de si
foibles consolations que pourroient estre celles de mon frère et de mon
neveu ou de nioy ; c'est pourquoy je me contenteray de me condouloir
avec vous par debvoir, tant en leur nom qu'au mien propre, et de vous
remercier comme je faicts trez humblement de la faveur spéciale qu'il
vous a pieu nous faire, de nous en donner advis en la qualité de voz
serviteurs intéressez à vos desplaisirs comme à vos contentements, en
quoy vous nous avez infiniment honoré, et obligé tout ensemble. Je ne
regrette que de ne nous rendre dignes de ce bonheur, et de n'avoir de
quoy correspondre comme il faudroit à tant de bienfaicts et de mar-
ques de bonne volonté, et porterons tousjours avec un extrême regret
quand nostre malheur ou nostre foiblesse ne pourront souffrir que nous
nous acquittions de nostre debvoir en vostre eiidroict, comme il nous
est arrivé depuis si longtemps, par des traverses que nous avons suc-
cessivement rencontrées, quand il a esté question de vous tesmoigner
nostre dévotion. Et pour vous parler des dernières et plus récentes, et
que vous trouverez déplorables, comme nous pensions estre sortis des
tyrannies et desordres populaires par les approches de Ms' le Prince,
et avoir quelque liberté, il s'est trouvé que le remède estoit bien cui-
sant, et que les ombraiges n'estoient pas moindres, ne moings dange-
reux, au moings tant que Ms'' le Prince estoit dans le païs, et il n'en
estoit pas guieres esloigné que je me trouvay surprins d'un accidant de
paralysie de tout le costé droict; laquelle n'estoit pas formelle, mais
j'en avois eu la langue liée, la jambe incappable de me porter, et la
main droicte si incappable d'escrire que vous n'eussiez pas recogneu,
ne sceu lire mon escritture, et m'estoit quasi impossible d'escrire sans
[1631] AUX FHERES DUPUY. 273
faire des transpositions de lettres. Mais grâces à Dieu , cez perclusions '
ne furent pas de durée, encores que j'en aye eu diverses secousses; les
plus rudes furent la veille de Pasques et le jour de S' Marc. Il n'y eust
que la main et l'escritture dont je n'ay recouvré la pleine fonction que
depuis cette semaine. Ayant esté depuis Pasques entre les mains des
médecins, assez heureusement, puis que les ompcschenients et obstruc-
tions^ ont cessé apparemment, jnsques un lintoin^ d'une oreille, <|ui
seul esloit resté plus longuement que le reste, dont je suis dellivré de-
puis 5 ou 6 jours aprez l'usage où je me suis mis de la plitisane' de
sarscpareille^ que je bois le plus doulcement que je puis, bien que
trezamere, m'imaginant pour ma consolation qu'elle a un peu du goust
de la bière que j'aymois tant aultres foys.
Nous avions eu icy trois ou cpiatre jours durant M«' le cardinal de
Bagny avec M''Naudé^ ce qui n'ostoit pas sans parler souvent de vous
aultres. Messieurs, dont il ne se pouvoit assez loiier, etcomme je l'allay
voir embarquer à Toullon, M?"" le Prince y survint le jour d'aprez, à
la suitte de quoy il nous fallut songer au mariage de mon neveu qui
fut achevé le 5 avril ''. Je commençois à me persuader d'avoir plus de
santé que je n'en avois eu de quelque temps, lorsque M"" de la Poterie*
' Litlré ne cite sous ce mot aucun auteur
du xvn* siècle. Pour le xv' siècle, il men-
tionne les Mémoires de Commynes, et, pour
le xvi*, les Mémoires de Carloix.
' Sous le mot obstruction, on ne trouve
dans le Dictionnaire de IJttrd qu'une seule
citation tirée d'Aiiibroisc Paré.
' Tintouin, qui est dans Cotgrave, a été
employé par Basseliu, par A. Vavé, par
Sully, par Pellisson, etc. Montaigne s'est
sern du verbe litttouiner. Le très exact Gas-
sendi mentionne (p. 36;») cet accident:
rrsubiit quoque aurem tinnitus. ..n
* Littré cite cette phrase de Henri Es-
liennc {Préeellence du langaf^efrançois) : f Pti-
sane, qu'on appelle communément tisane.»
' Peiresc écrit le mot conformément ii
l'étymologie espagnole, zarzaparrilla , de
tarza, ronce, et Parrillo , nom du méilccin
qui le premier a employé cette plante. Mon-
taigne s'est servi de la forme salsepcrille.
" Voir, sur le séjour h Bcigentier du cai--
dinal Bngni et de son jeune et déjà si savant
bibliothécaire, le livre IV de l'ouvrage deGas-
sendi , p. 359-860 . le fascicule Xlli des Cor-
respondants de Peiresc , Gabriel Naudé, p. a-3.
■ Cette date n'avait pas été donnée par
le consciencieux auteur des Généalogies des
maisons de Fabri cl d'Ayrenx , M. de LalTore ,
le<juel se contente d'indiipier l'année i63i.
' Charles Le Roy de la Poterie , collègue
de d'Aubray. On possède dans le registre I
dis minutes de la corresfwndance de Pei-
resc, h riiigui m berline, six lettres adressées
35
274 LETTRES DE PEIRESC [1631]
nous fit ce bien de nous venir voir icy, mais le lendemain, qui estoit le
Grand vendredy\ je commençois à sentir les menaces de l'accidant
qui s'en ensuyvit le jour d'aprez tandis que j'estois dans la chartreuse
de Montrieu, à une petite lieue d'icy^. De sorte que mon frère et mon
neveu furent constraints de quitter plus tost qu'ils n'eussent faict l'oc-
cupation de leurs uopces, pour venir à moy, et si j'en estois quitte pour
ce que j'ay eu, j'en aurois bien bon marché, car je n'y ay pas ressenty
de douleur, grâces à Dieu, et l'usaige de la raison y a tousjours esté en-
tier, bien que la parole ne peusse pas exprimer tout ce que j'eusse voulu.
Dans ce temps de mon plus grand empeschement on m'apporta une
lettre de M' de Thou si honneste et si obligeante, qu'elle sembla me dé-
lier la langue pour m'en ioiier et tesmoigner le gré que je luy en deb-
vois, et receus en mesme temps une coppie de certaine chanson, faicte
pour Monsieur frère du Roy en ce carneval, comme on dict, que les
gents de M' le Prince avoient laissé à Aix, dont ayant fait faire lecture
de quelques coupplets au hazard, j'en trouvay de si jolys et de si déli-
cats, sur le subject des amours de la Rose et du Lys, que la gentillesse
de cez conceptions acheva de me desgourdir l'esprit, et m'anima en cer-
taine façon qu'il ne me sembloit quasi plus avoir de membres perclus^,
hors de la dilliculté d'escrire correctement, à quoy le remède n'est venu
à M. de la Poterie et mêlées aux lettres
adressées à d'Aubray (fol. iay, 4a8, iag,
43o). La première lettre à La Poterie est du
i3 février i63i; la dernière est du 3o mai
de la même année. Toutes ont été écrites de
Belgentier.
' C'est-à-dire le vendredi saint. On sait
qu'à la même époque le jeudi saint était
appelé le jeudi absolu. Voir les Lettres de
Jean Chapelain (t. I, p. i5o, lettre du
1 2 avril 1687).
' Département du Var, arrondissement de
Brignoles, canton de la Roquebrussanne, com-
mune de Méouiies, à 4 kilomètres du village
de ce nom. La chartreuse de Montrieux était
située dans la forêt qui lui avait donné son
nom et sur les bords du Gapeau , la petite ri-
vière qui arrosait les jardins de Belgentier.
' Gassendi qui , remarquons-le encore une
fois, semble avoir eu sous les yeux les lettres
de Peiresc aux frères Dupuy, raconte ainsi
l'incident (p. 363) : trCum subinde nescio
quis hymnus in Lilii Rosaeque amores scite
caneretur, ita captus est suavitate cantus,
et strophes cujusdam lepore, ut, queraad-
modum Grœsi fdius, prorumpere volens in
aliqua verba, ac in ea speciatim : Quam pul-
chrum est hoc! prorsus in ilia proruperit,
eoque momento libertés fuerit niembris om-
nibus restituta.»
[1631] AUX FRÈRES DUPUY. 275
qu'avec Ui temps et les purgatioris et aultres precaultions, qui me pro-
voquèrent les emorroides', et des sueurs fort opportunes; tant est que
cet eflect du jdaisir d'ouyr lire des choses agréables me sembla notable
et me fit désirer de sçavoir le nom de l'autheur de cez vers, et s'il est
mis en musique et sur les instruments, je verrois trez volontiers le tout,
pour le donner à ma nièce nouvelle qui en a envie''. C'est pourquoy je
vous supplie d'en faire faire la recherche et d'y adjouster un exemplaire
de la dernière édition qui se sera faicte des airs plus nouveaux; le tillre
de la clianson est Une matinée champeslre, ce me semble, car je ne l'av
pas maintenant à la main : premier vers : jeune déesse au teint vermeil.
Or pour respondre maintenant à voz lettres comme il faudroit, je me
suis tellement laissé emporter à celles des aultres que j'ay peur que le
temps ne me manque pour la vostre, par où je debvrois avoir com-
mancé. Je vous supplie donc de pardonner encores ce retardement de
responce durant le temps que les médecins me tenoient assiégé, aprez
quoy je me suis trouvé en grands arreraiges de toutscoslez. Je tascheray
à l'advenir de mieux faire si je puis, mais Dieu sçait si je pourray sa-
tisfaire à ce que je debvrois et crains bien qu'il ne faille que les aultres
aniys vous facent procuration pour recevoir en vostre persone les res-
ponces et compliments que je leur debvrois à eulx en leur particulier
afin de me descharger tant soit peu dans l'augmentation de ma foiblesse.
Les curiositez que vous avez joiiictes à voz lettres nous ont servy d'une
pasture bien friande, dans nostre désert, et si le ballot de M' de Val-
belle peult arriver, il y aura bien d'aultre matière; mais la maladie de
Lyon a faict de rechef rompre le commerce des marchandises, et y
aura de la peine de le faire recevoir; à la bonne heure l'aurez vous
baillé à M' de Valbelle' qui a son beau père tout puissant en Avignon*,
où il le fera, je m' asseure , passer parmy ses bardes par quelque traict
' Peiresc adopte, pour rortliogrnphe du Meyrargues (par héritage des Alagonia).
mot, une forme du xv* siècle (csinoroide). La conseiller au parlement d'Aix depuis i6a4.
lettre h est mise, au siècle suivant, en tête * Léon de Valbelle avait épousé eu iCi8
du mol par Ambroise Paré. Silvie de Galean des Issarls (d'une famille
' M"" de Kians. d'Avignon) : Silvie était (ille de François et
" C'était Léon de Valbelle, seigneur de de Lucrèce Mistral de Montdi-agon.
35.
276 LETTRES DE PEIRESC [1631]
de soupplessc. Le fagot de M' Léger n'est pas venu non plus, dont j'ay
bien plus de regret, d'aultantque ce pauvre gentilhomme tomba malade
à Lyon jusques à l'extrémité, et croit on qu'il s'en sera possible retourné
chez luy, ce que j'aymerois mieux que s'il estoit encores en cette ville
infectée, principalement si Dieu veult qu'il ayt remporté à Paris vostre
fagot, car s'il l'avoit laissé à Lyon il faudra languir longtemps en l'at-
tente, les Marseillois ne souffrant plus que leurs voituriers aillent plus
avant qu'à Vienne, à la charge de ne rien prendre qui vienne de Lyon.
Toutefoys les rigueurs ne sont pas si extrêmes qu'elles estoient les an-
nées dernières. J'ay regretté principalement pour le livre de Keplerus
qui admonestoit à l'advance les curieux d'observer l'ecclypse de Venus
et de Mei'cure soubs le soleil, que j'eusse bien volontiers recouvré par
quelque voye plus courte que cez roulliers, craignant d'en perdre
l'occasion, ou que M'' Gassendy ne vous en eust cotté le jour et l'heure,
mais il nous falloit encores cette moi'tification. Et je pense qu'il arrivera
encor à temps, car nous vismes hier Venus toute ronde et qui par con-
sequant doibt estre passée par dessus le soleil, pour passer par des-
soubs dans quelques moys.
J'ay à vous supplier d'une chose dont il me souvient maintenant et
que j'ay oublié plusieurs foys, c'est que je vous avois adressé longtemps
y a quelques papiers concernant le traicté de paix et les affaires d'Alger ',
qui estoient adressez à M"' Guiltard qui est depuis decedé à Lyon. Je
vouldrois bien sçavoir si vous les luy aviez rendus ou non, car il ne
m'en avoit jamais accusé la réception, et si vous les aviez encores je
vouldrois bien que vous fissiez rendre tout le pacquet par voye d'amy
qui aye soing d'en retirer un mot de descharge, non à la vefve du dict
Guiltard car cela courroit fortune de se perdre, mais au sieur Sanson
Napolon qui est maintenant en cour, et qui en a possible faulte.
Excusez moy de l'importunité que je vous ay donnée pour si peu de
chose.
Quant au reslablissement des courriers ordinaires de Provence, s'il
' Voir sur ce traité de paix (19 septembre 1628), l'Histoire d'Alger sous la domination
turque, par H.-D. de Grammont (Paris, 1887, gr. in-8°, p. i65).
[1631] AUX FRÈRES DUPUY. 277
falloit que le pais y contiibuast la moindre chose du monde, je ne pense
pas que M'^du Lieu ne aultrequelqu'onque en peust venir à bout main-
tenant avec les l'oulles de la {jendarnierie et impositions si extraordi-
naires, et cela est traversé non seulement par les Grands qui veullenl
estre seuls advertys, mais aussi par les marchands de Marseille, qui ne
veuUent pas que les advis aillent si viste, si ce n'est à ceux qui ont de
quoy envoyer des courriers exprez. Que si cela se peult faire aux des-
pens du Roy, à la bonne heure; sinon il n'y fault pas songer, car s'il
pensoit enchérir le port des lettres et se desdaumager là dessus, il se
trouvcroit court, attendu que peu de geiits ou persone vouidroient se
servir plus d'une foys d'une voye trop chère, et aymeroient mieux at-
tendre aultres commoditez, de façon que je n'espère pas de voir cela
restably, mesmes à cette heure que la voye du Piémont sera ouverte. Si
j'y pouvois servir, j'y contribuerois volontiers tout mon crédit, mais il
y a maintenant trop dempeschements et trop peu d'employ pour y
trouver son compte.
.le suis bien marry d'avoir esté trop lent à envoyer mes Pentateuques
Samaritains, mais j'ay peur que le bon P. Morin n'ayt esté trop promt
A le mettre soubs la presse, car cez ouvraiges me semblent de ceux qu'il
ne fault nullement précipiter. Si le P. Berlin m'eut laissé l'exemplaire
du sieur Pietro délia Valle, comme il en avoit charge, le sesjour que
faisoit M' le Nonce à Carpentras ' m'eut donné moyen d'en conférer
ce que je desirois avec le mien, et de luy renvoyer l'un et l'autre à
Carpentras par honune exprez. Mais à ne vous rien desguiser, comme
je vois qu'il ne ni'avoit pas voulu her celuy là, je ne creus pas destre
obligé de luy her le mien. Cependant noz furies populaires ne tardèrent
pas de survenir, et nous donnèrent d'aultres choses à penser, et puis
je n'eusse pas creu qu'on fut allé si visle, en chose si peregrine'-' et de
' C'était Alexandre Bichi, qui fut presque des Correspondants de Peirese : Le cardiital
en môme temps nomme nonce en France et Iliclii, évêque de Carpentras (i885, p. ix).
évêque de Carpentras. Il vint passer un mois ^ C'est-ii-dire étrangère, exotique, dep«*-
dans sa ville épiscopale (novembre i63o) //-n/irt. Nos récents dictionnaires, qui donnent
avantdeserendreàParis.VoirlefasciculeVIII les mots péréffrinateur, pérégrinalion , péri'
278 LETTRES DE PEIRESC [1631]
si grande consequaïice comme j'estime celle là. M'' Gassendy m'avoit
mandé une foys que cez Messieurs le Jay, ou Vitray, ne pretendoient
prendre que des diverses leçons, pour les marquer aux notes sur le
texte Hébraïque. Je luy mandois que j'estimois qu'il falloit imprimer à
part le texte des Samaritains tout entier, non seulement l'Hébraïque,
mais avec ses aultres deux versions, et sembloit qu'ils y eussent
depuis pensé, et qu'ils s'y fussent résolus; toutefoys on me dict que le
P. Morin ne veult faire que le texte Syriaque, qu'd appelle Samaritain,
sur l'exemplaire du sieur Pietro délia Valle, auquel cas je me doubte
que l'entreprinse ne reuscira guieres bien, et pense que l'Arabique est
sans comparaison beaucoup plus essentiel et important, pour l'antiquité
qu'ils en prétendent et quand ce ne seroit que pour faciliter l'intelligence
que recherchoit par là feu M"' Scaliger de ces grandes chroniques sa-
maritaines escriptes en cette langue, lesquelles il me dict un jour qu'il
ne croyoit pas pouvoir deschiffrer en perfection, sans avoir ce Penta-
teuque en diverses langues dont il avoit eu dez lors quelque vent, et
m'avoit fort prié de le luy faire recouvrer, ainsin que je m'en estois mis
en soing, mais l'exemplaire fut noyé dans le navire Sainct Victor coulé à
fonds. En effect, quoique cez grandes bibles ne semblent se faire à autre
dessein que pour avoir toutes les diverses conceptions et interpréta-
tions que peuvent fournir diverses versions, je ne vois pas pourquoy
on veuille avoir les unes et négliger les autres, principalement celles cy,
qui se trouvent accompagnées de tant de circonstances notables et de
tant de diversitez considérables et utiles. Ils en feront ce qu'il leur
plairra, et s'ils ne font l'édition complette, quelqu'un se mettra possible
un jour en peine de l'entreprendre. Pour moy, je vous ay appresté une
cassette, où j'ay mis les trois Pentateuques que j'ay, lesquels en com-
prennent des fragments de deux aultres, dont l'un n'estoit qu'à deux
colonnes, à scavoir l'Hébraïque et l'Arabique e regione, comme plus
g-n'ner, /jérég'nmié, ne donnent pas le mot pé- qu'en fauconnerie, où l'on appelle faucon
régrine. Mais on lit dans le Dictionnaire de pcrégrin un faucon de passage. « Pérégrin
Trévotix: "Pérégrin, vieux mol qui signifioil n'est pas dans le Glossaire de La Curne de
autrefois étranger, pèlerin. On ne le dit plus Sainte-Palaye.
i
[1631] AUX FRERKS DUPUY. 279
digne que la Syriaque laquelle n'est qu'au troisiesme rang en celuy que
j'ay à trois langues. J'y ay mis encores mon Lexicon aux niesmes trois
langues, et certains fragments de prières et aultres oscritures, aulcunes
Hébraïques avec la version Arabique, et d'autres en un quattriesme
dialecte meslé semblables à des lettres missives que je vous envoyé
aussy dans la mesme cassette escrites à feu M' Scaliger, par le grand
prebstrc des Samaritains, et par leur Synagogue d'OËgypte l'an 1690,
oi!i il y a de jolies responces sur les demandes que leur avoit faict
M' de la Scala, lequel n'avoit jamais receu les dictes lettres, et en eusse
bien faict son proflTit; je les recouvray par grand hazard, et pense que
le bon P. Morin y trouvera de quoy faire quelques bonnes observations,
qui luy eussent bien servy s'il n'eust tant hasté le libvre dont vous
m'avez envoyé le tiltre. J'y ay encores adjousté les deux textes des
Evangiles en Syriaque dont l'un a la version Arabique e regione d'une
partie de S' Mathieu seulement, de sorte qu'à mon grand regret ces
Messieurs n'y trouveront pas le secours qu'ils pouvoient attendre; fina-
lement il y a trois volumes de liturgies des cophti, où il y a tout plein
de fragments des Evangiles, des Epistres des Apostres, des Psaulmes et
aultres choses qui se chantent en leurs églises et y en a un qui a la ver-
sion Arabique e regione. Le P. Morin m'avoit prié de demander au sieur
Pietro dclla Valle ce qu'il avoit en cette langue, mais il s'en excusa; c'est
pourquoy je n'ay pas voulu manquer de luy envoyer les miens. L'occa-
sion de cette cassette me fera mettre encores quelque chose pour le bon
M' du Chesne, et je bailleray le tout j\ M"" de la Poterie qui m'a promis
le faire aller avec ses bardes plus précieuses et en avoir grand soing,
la maladie de Lyon m'^yant constraiut de prendre cette voye, pour ne
bazarder cez pièces là témérairement. Que s'il ne debvoit partir bien
tost, nous chercherions aultre voye pour diminuer l'impatience de cez
Messieurs, et au pix aller ce sera par mon neveu qui prépare son voyage,
pour lequel je luy ay expédié ma procuration ad resignandnm de mon
office , afin qu'il ne revienne poinct sans les provisions. Et l'absance de la
Cour ne l'empeschera pas d'aller à Paris, quand ce ne seroit que pour
avoir le bien et l'honneur de vous voir, et vous remercier de vive voix
280 LETTRES DE PEIRESC [1631]
de noz obligations et des nouvelles offres que vous daignez luy faire à
luy niesmes par voz dernières lettres.
J'ay receu une dent, que l'on a voulu vendre pour estre de ce pré-
tendu géant d'Affrique, mais je tiens que ce soit une dent de balaine
plutost que d'un homme; un mien amy a esté sur les lieux du tombeau •
et n'y trouva que la pouldre des os^. Les Mores tenus pour grande-
ment doctes en ce pais là disent que par leurs livres il se justifie que
ce géant avoit nom MENOIEL min el Moutideri, qu'il vesquut 600 ans
et mourut il y a liooo ans empoisonné par sa femme, qu'il avoit dix
enfants masles et sept femelles. Je tiens qu'ils veullent dire Hercule,
lequel j'ay veu represanté en quelques médailles Arabiques, tantost
avec les deux serpents comme un enfant, tantost avec sa clave^, lantost
avec sa peau de lion. Et ay veu quelqu'un de leurs livres qui dict qu'il
avoit conquis sur le géant Antée l'Afrique, mais il le nomme Carmil, et
puis avoit esté au destroict ouvrir le passage à la mer Occeane , de sorte
que cez traditions qui semblent si fabuleuses et estranges ne sont pas
encores sans quelque fondement et rapport aux origines des histoires
Grecques, qui ont esté embarrassées de tant de fables et supposi-
tions. On me faict espérer une relation fort exacte du lieu qui n'est qu'à
une mousquetade de la mer, de l'occasion de la descouverte par le ra-
' Ce mien ami étail Thomas d'Arcos , au
sujet duquel je renverrai à un prochaiu fas-
cicule des Correspondants de Peiresc. Voir,
en atiendanl, sur d'Arcos, ainsi que sur le
prfîtendu géant d'Afrique, les publications
déjà citées de Fauris de Saint- Vincens : Let-
tres de Thomas d'Arcos à Aycanl et à Pei-
resc el Lettres de Peiresc à Thomas d'Arcos,
Je compléterai cette correspondance d'abord
dans le fascicule que je viens d'annoncer,
pour ce qui regarde d'Arcos , ensuite , pour
ce qui regarde Peiresc lui-même, dans un
des volumes qui suivront les trois volumes
consacres à la correspondance avec les frères
Dupuy.
* Voici ce que d'Arcos écrivait à Aycai-d.
le 95 avril i63o : rJe vous baise les mains
et à M. de Peiresc, duquel je suis fort ser-
viteur; dites-luy que j'ay recouvré deux
dents de ce grand Géant duquel je vous ay
escript, et pèsent chacune plus de trois li-
vres el demie. Le reste de ses ossements
sont tous tombés en poudre. «
' G'esl-à-dire massue. Le mot cJave n'a
pas été recueilli dans les Dictionnaires de
Richelet et de Trévoux. On le trouve
dans le Glossaire de La Curne de Sainte-
Palaye , d'après un texte de l'an 1 346. C'est
une addition des éditeurs, ALM. Favre et
Pajot.
[1631] AUX FUÈRES DUPUY. 281
vage d'un torrent qui vint ouvrir la terre par le beau milieu de la place
où estoit traversé ce corps. Ce mien amy y fit travailler dix hommes tout
un jour, mais il n'avoit pas achevé d'en dresser la relation, quand partoit
la barque par laquelle il m'en a envoyé l'advis. Il fauldrà encor avoir
cette patiance. Il me faict mcsmes espérer coppie du passaige de ce libvre
où est faicte mention de ce géant, en leur langue Arabique avec la ver-
sion en Provençal , et croid que cette dent ayt esté supposée en cette
occasion pour la mieux vendre, et de i'aict elle est si pesante, qu'elle
semble pétrifiée, comme d'aultres dents de monstres marins, bien que
différantes, dont j'en ay veu une ce me semble à M"' Aubery. Si les aul-
tres os estoient pétrifiez, je croirois que ce fust esté corps de quelque
monstre marin tout à faict plus tost que d'un géant, et le voisinage de
la mer y serviroit bien.
Au reste je ne suis pas marry que M'' Saulmaise travaille à la re-
cherche de cez anciens rilus ecclesi;e, mais je n'ay pas moings de re-
gret que vous qu'il ne se laisse emporter'. 11 est vray que tousjours
pourra t'on bien distinguer le bon du suspect, et y aura tousjours
grandement à apprendre. J'ay mis pour luy dans vostre cassette un
Suétone m[anu]s[crit] qui semble fort moderne, mais j'ay apprins
que feu M' Casaubon^ avoit faict de grandes instances pour le voir,
à cause des passages grecs, et croid on qu'il ne l'eusl .pas veu; à tout
hazard, il y pourroit avoir quelque mot à son goust, dont je serois
bien aise. Pour sortir de la responce de vostre première lettre, il
fault que je vous remercie encores trez humblement des bons offices
qu'il vous plaict nous offrir envers M' de la Marguerie, nostre pre-
mier présidant', dont je vous suis infiniment redevable; il m'a en-
voyé faire de trez obligeantes recommandations, ce qui m'a donné
' Dupuy et Peiresc craignaient qu'au voir le recueil dëjà cite de P.-Jos. de Haitze
sujet des anciens rites de l'Église, le zèle du sur les premiers président du parlement
calviniste ne lût |)lus grand, dans Sau- d'Aix (avec un portrait d'Élie Laisné de la
maise, que l'imparlialitd de l'érudit. Marguerie par Cundier). L* registre I des
* Isaac CasauboQ a déjà été mentionné minutes de la correspondance de Peiresc à
(t. I, p. a 95). Garpntras renferme treize lettres adressées
' Sur ce successeur du baron d'Oppède, h Laisné de la Marguerie (fol. 73-77), la
11. 36
UiVIlBttM BATt*liUa.
I
282 LETTRES DE PEIRESC [1631]
la hardiesse de luy escrire; vous suppléerez à mes deffaulls et ferez
œuvre méritoire.
Le restant de voz lettres estant principalement sur la communication
des choses du temps, vous m'excuserez si je n'y respons plus punctuel-
lement et si je me contente de vous en remercier comme je faicts trez
humblement, bien marry de ne vous pouvoir rendre d'eschange, car il
n'y a que la présentation de l'edict de criie de conseillers en nostre
Parlement sur lequel aujourd'huy matin la Cour a résolu, à ce qu'on
me vient de dire, de s'en excuser sans respondre et M' d'Aubray voul-
droit un refus par escript, et s'en est quant et quant allé à S'-Maximin ,
pour presser Messieurs des Comptes d'un semblable edict, oii je ne pense
pas qu'il advance davantage. Il avoit en main les lettres patentes du
restablissement du Parlement et des Comptes à Aix, mais il ne s'en àes-
saisit poinct, et sans le dire veult bien que l'on croye qu'il ne tient
qu'à la vérification de cez edicts qu'il ne les dellivre [et que] les trouppes
de gendarmerie ne sortent d'Aix et du païs, mais cela ne seroit pas
suffisant pour faire franchir le sault, tant les esprits sont mal ployants
et indignez. Dieu aura pitié de cette pauvre province désolée quand il
luy plairra. Et je finiray cette importune lettre par mes réitérées pro-
testations que je ne puis estre que,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur
et de tous les vostres ,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce a 3 may fort tard, i63i.
Nous avons eu icy ce soir à souper M*" le chevalier de Boissise ', avec
première écrite de wBeaugencier le a 3 may Provence, en Cour. Au folio 76 du regisli-e I
t63i 1, la dernière écrite d'Aix irle 8 may est une copie d'une lettre du premier président
i635». Voici la suscription de la première adresséeàPeirescdeParislea3févrieri634.
lettre : Monsieur L'Aisne sieur de la Mar- ' Quelque fils sans doute de Jean de
guérie, Conseiller du Hoy en ses Conseils d' Estât Thumery, sieur de Boissise, sur lequel on
et premier président en sa Cour du parlement de peut voir t. I, p. 378.
[1631) AUX FHÈRES DUPUY. 283
le commandeur de Fourbin ', qui ont voulu apprez soupper passer oultre
à Tollon. Ils n'avoient appririsà Brignole aulcunes nouvelles de la Cour,
bien que le secrétaire de M' de la Potterie y fust fraischement airivé.
On nous a voulu dire d'ailleurs que Mess" de Gourtenay sont bien main-
tenant sur les rangs. Je vous envoyé à faulte d'une chose plus difjne de
vous l'cxt^mplaire ((ue m'a envoyé M^^ le cardinal Barberin de rinscri[>
tion de Ptolemœus, fils du Pliiladelphe, que M'Holstenius avoit descou-
vert dans la Vaticane, et qu'un aultrc luy a desrobée par jalousie '^ et
d'aullant qu'il ne m'en avoit peu envoyer un exemplaire, me doubtant
que M' vostre frère n'en ayt peu avoir aussy. J'ay mieux aymé vous en-
voyer le mien que de vous laisser en peine de l'attendre, si ne l'avez
encores peu voir et faire voir à Mess" les curieux, et particulièrement
à Mess" Rigault, GroUius, Saulmaise, et je pense que M'Bignon le verra
trez volontiers, et vous m'obligerez bien de luy faire mes recommanda-
tions par inesme moyen ^.
Lni
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je suis interrompu encores cette foys lorsque je pensois vous escrire,
par l'arrivée céans de trois gentilshommes Florentins, venus sur un na-
vire du Grand Duc à Tollon où ils ont faict un peu de quarantaine.
Ils partirent de Ligourne deux jours aprez que M' de Guise y estoit
arrivé, et desjà il estoit allé voir son Altesse à Florence, qui le vint
rencontrer à my chemin, et luy avoit préparé une réception fort ho-
norable. L'un d'eux a nom Galilei, et le sieur Galileo-Galilei n'a pas de
maison dont il face plus d' estât que de la sienne. 11 m'en a desja dict
' Sur le commandeur de Forbia, voir scription dans le recueil de BoissonadefLuca
t. I, j). aC;!. llolslenii Epistolœ ad dkersos).
' Il n'est fait nulle mention de cette in- ' Vol. 717, fol. 11 5.
36.
28ii LETTRES DE PEIRESC [1631]
des iiouvelles que vous ne serez pas marry d'apprendre nomplus que
M' Deodati. C'est qu'enfin on luy a donné permission à Home d'im-
primer son livre du flux et reflux de la mer soubs certaines dé-
clarations et protestations mises en teste du libvre par l'autheur qui
l'a composé en forme de dialogue, où il introduit des personnes qui
parlent pro et contra du mouvement de la terre sans en rien dé-
terminer. Car c'est sur cela qu'il fonde tout son flux et reflux. Il y en
avoit desja un tiers d'imprimé à Florance, il y a plus d'un moys, et
le libraire asseure qu'il aura achevé dans la Toussains'. On m'en
promet des premiers exemplaires dont je ne manqueray pas de vous
faire ])art.
Je vous remercie trez humblement des petits discours imprimez que
M*" Aubery m'a envoyez de vostre part, comme de ceux qui sont venus
soubs voz enveloppes , niesmes de cez gazettes ou demi feuilles de nou-
velles estrangeres^, que je trouve de trez bonne et commode invention,
et crois qu'on en fera des recueils comme du Mercure. Je serois bien
aise d'en lecevoir deux exemplaires de chasque sorte, à mesure qu'ils
s'imprimeront, pour en retenir un tandis que l'autre eschappe des
mains et qu'on ne le sçauroit retenir.
Je crains d'avoir oublié par mes dernières de vous accuser la récep-
tion et vous remercier comme je faicts maintenant des libvres d'Airs
qu'il vous pleut m'envoyer quelque temps y a, dont noz petits grim-
' Le livre ainsi annonce ne parât pas en
novembre i63i, mais seulement l'annde
suivante. En voici le titre : Dialogo sopra i
duo sistemi del mondo , etc. ( Florence ,
G. B. Landini, 1682, in-4°).
^ On sait que le premier numéro de la
Gazette de Théophraste Renaudot parut le
3o mai i63i. M. Eugène Hatin (Histoire de
la presse en France, t. I, iSSg) a e'numéré
(p. 78) les nouvelles étrangères contenues
dans la premièreGazelte et venues de Gonstan-
tinople,de Rome, d'Espagne, de Portugal,
d'Allemagne , de Venise , d'Amsterdam , d'An-
vers, etc.; il a reproduit (p. 7/4) les articles
consacrés aux nouvelles de Constantinople
(du a avril) et à celles d'Anvers (du 9 4 mai).
H n'y a point de nouvelles de France dans
les cinq premiers numéros, ce qui explique
pourquoi Peiresc ne mentionne que les ar-
ticles l'elatifs aux choses étrangères. C'est
seulement dans la sixième gazette que sont
données des nouvelles de Paris et de Saint-
Germain.
[1631] AUX FRÈRES DUPUY. 285
melins ' de musiciens ne se sçavent pas servir pour y trouver aulcune
friandise. S'il y en a d'aultre sorte, vous m'oblijjcrez de m'en envoyer
à la commodité. Cependant je vous envoyé les vers de la chanson de la
Rose qu'on attribue à Monsieur pour ses amours de la Princesse Marie'',
puis que n'en avez ouy parler. On y a faict icy deux ou trois airs à
boulle veue', mais ce seroit vous faire trop de tort que de les vous
envoyer de par delà. C'est pourquoy je m'en absliendray, attendant si
M"" du Monstier ou quelque aultre amateur de la musique'* vous sçau-
roit fournir le vray air primitif de cette chanson.
Cependant, au lieu de meilleure matière, je vous envoie coppie d'un
des registres de Seneque de la traduction de Malerbe*, qui n'a pas
nuy à ma consolation en nostre petite solitude, principalement dans la
contemplation des révolutions présentes. Vous recevrez par mesme
moyen coppie d'une charte originelle en parchemin, avec le desseing
de la bulle qui y est encores pendante, qu'un amy a inesperement
trouvé en une isle de l'Archipelago* prez de Rhodes, dont j'escrips à
' Lillré ne cite sous ce mol, diminutif de
grimaud, que celle phrase d'un auteur du
xvi' siècle, Etienne Tabourot, le prétendu
seigneiu" des Accords [Bigarrures) : tril n'y
aura pas jusqu'aux petits grimelins. . . n
' Louise-Marie de Gonzague, fille de
Charles de Gonzague, duc de Nevers, puis
de Manloue, et de Catherine de Lorraine,
devint (novembre i645) reine de Pologne
et mourut à Varsovie le i o mai 1 66a. Savait-
on que la chanson allégorique avait été al-
Iribuée au frère de Louis XII l? Voir, sur les
amours de Gaston d'Orléans avec la future
reine de Pologne (1639), les principaux mé-
moires du temps , qui ont été assez bien ré-
sumés dans l'article consacré {Nouvelle bio-
graphie générale) h Marie de Gonzague par
Camille Lebrun.
' Nous avons déjà trouvé dans le tome I
l'expression à boulle-vue avec le sens de pré-
cipitamment.
" Les biographes de Daniel du Monstier,
et, parmi eux, Taliemant des Réoux lui-
même, ont oublié de nous dire que le célèbre
peintre était aussi un zélé musicien.
' Les Epislres de Seneque, traduites par
M" François de Malherbe, gentilhomme or-
dinaire de la chambre du Hoy, [)arurent pour
In première fois à Paris, chez Antoine de
Sommavillc, 1687. L'achevé d'imprimer est
du 7 septembre de celle année. Voir sur
celle édition, qui élail resiée inconnue h
tous les bibliographes, la Notice bibliogra-
phique mise par M. Lud. Lnlanne d.ins lo
tome I des Œuvres complètes de Malherbe
(p. xcvi).
' De l'italien arcipelago, corruption du
grec moderne alyioTtéXayos, c'est-à-dire mer
Kgée. Lillré, auquel j'emprunte celle expli-
cation, ajoute que du temps de Mt-nage,
quelques-uns disaient archipelague , ce (|u'il
condamnait.
•286 LETTRES DE PEIRESC [1631]
M' du Chesne, à qui je vous supplie d'eu faire part, et à M' Besly, pour
ayder à la généalogie de Poictiers, car c'est du prince Rairaond Rupin
qui estoit de cette maison là, et que les autheurs ne noranioient que
Rupin ; s'il vouloit voir l'original, je luy en pourrois faire passer l'envie?
car je l'ay par devers moy ^ et crois que vous ne verrez pas mal vo-
lontiers en quels termes il parle aux cardinaux de Rome, ayant admiré
la dernière clause [Actum est ecclesiarum in omnibus saluo jure] ce
qui me faict doubter qu'il n'y eusse quelque plus particulière submis-
sion à l'église de cette principaulté, ou quelque spéciale protection des
églises d'icelle entreprinse par l'Eglise Romaine. Et ne sçay si les images
de s' Pierre et s' Paul qui sont au revers de la bulle n'auroient poinct
quelque relation à cela, aussy bien qu'à la chaire S' Pierre en An-
tioche aussy bien qu'à Rome. Tant est que cela m'a semblé extraordi-
naire, et bien digne sinon de vostre curiosité, au moings de celle de
M'' Besly, aussy bien que de M'' du Chesne, et possible du P. Sirmond,
à qui vous la pourriez monstrer si le trouvez à propos, et par raesme
moyen il vous pourra faire voir une empreinte que je luy envoyé d'un
seau que j'ay recouvré en mesme temps de i'Archipelago , avec l'in-
scription + COPAnC TIAAKOC NIOUJNOC KAeHrOYMeNOY
que j'estime pouvoir avoir esté de ce JNiphon Patriarche de Constan-
tinople environ i3ii, qui renoncea au Patriarcat^ et possible au
monde pour aller vivre monachalcment^ en cez isles, avec quel-
ques prebstres de son humeur. Mais que direz vous des extrava-
gances de mon entretien au lieu de satisfaire punctuellement à mes
debvoirs en vostre endroict et de vous demander pardon de ce
que je m'en acquitte si mal? C'est le trop de confiance que j'ay en
vostre bonté, qui m'en faict abuser de la sorte, et espérer que pour
' Nulle mention de cette charte n'est i3i 3 et fut déposé dans un concile tenu en
faite par Besly dans sa correspondance pu- i3i5 {Arl de vérifier les dates, chronologie
bliée par M. Briquet [Archives historiques histoiHque des patriarches de l'Eglise d'Orient ,
du Poitou , t. IX , 1 88o). t. IV, 1 8 1 8 , p. 1 1 5 ).
* INiphon , métropolitain de Gyzique , ^ Sous le mot moiiacalement Litlré n'a cité
monta sur le siège de Constantinople l'an que le Dictionnaire d'Oudin.
[163ir AUX FRÈRES DUPUY. 'i87
quelque faulte que je puisse cojnmettre, vous ne me tiendrez pas
inoiiigs tousjours.
Monsieur, pour
vostrc trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce i3 septembre i63i.
Mon frère est arrivé des champs tout à poinct, et M' le Pr[ieur] de
Roumoules aussy pour vous remercier comme ils font Irez humblement
de l'honneur de vostre souvenir.
Je vous supplie de faire noz humbles saluts à M' du Puy, vostre frère ,
et à M"' do Thou, et toute l'Académie sans oublier le bon M' Petit'.
LIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Aprez une longue opiniastreté de mes indispositions et incommo-
ditez, qui me contraignirent dernièrement de me laisser porter en
chaise d'icy à Tollon pour avoir le bien d'y salliier M.^ le Mareschal
de Vitry ^, sans que pour cela je peusse eslre quitte de la suppression
d'urine dont j'eus une fort rude secousse, et dont j'estois travaillé quasi
incessamment, et lors mesmes que le dict seigneur Mareschal me faisoil
l'honneur d'agréer que je fusse avec luy, je me résolus de boire des
eaux d'une fontaine chaude qui est en l'isle des Embiers à deux lieues
de Tollon que le prince Doria ^ a mis en réputation en en envoyant quérir
' Vol. 717, fol. 119. de Provence en i63i et mourut h Naud}
' Nicolasdel'Hospital, marquis, pui»(jan- (Seine-et-Marne), le a8 septembre i64â.
vieri6'i3)(luc de Vitry, nnquilen i58t, fut ' Aiidrë Doria, prince de MeKi. Voir le
capitainedesgardcsdc Louis XIH, devint ma- rëcit absolument conforme de Gc-issendi.
réchnl de France en avril 1617, gouverneur liv. IV, p. 871.
288 LETTRES DE PEIRESC [1631]
de Gènes fort souvent et ne passant jamais par là avec ses galères sans
se destourner pour en aller prendre , dont l'essay me réussit tant à sou-
haict que dans raoings de i5 jours, j'en ay ressenty de bons effects et
un si grand bénéfice et soulagement, que de longtemps je ne m'estois
trouvé avec tant de repos, ne en estât de pouvoir espérer comme je
faicts maintenant d'avoir moyen de renoiier quelque peu de commerce
et de correspondance avec mes bons seigneurs et amys. Ayant voulu
commancer par M"' de Thou, et par Monsieur du Puy vostre frère et
vous, Monsieur, attendant de satisfaire aux aultres peu à peu avec
l'ayde de Dieu, et de ne plus demeurer en de si longs arrairages comme
par le passé, ne par consequant dans les regrets que je ressentois de ne
me pouvoir acquitter de mes debvoirs, à quoy servira de beaucoup le
restablissement des ordinaires de ce païs à Lyon (qui a esté résolu, et
ne sçauroit guières tarder d'estre exécuté) et la cessation des ombrages
et jalousies que le commerce des lettres de la cour donnoit à quelques
uns qui cherchoientdes prétextes de nuyre à aultruy, car lors certaine-
ment, il y avoit trop de danger d'en ressentir du desplaisir, dans quelque
bonne foy que ce fust qu'on eust peu se contenir, et bien qu'ils n'eus-
sent peu trouver à mordre sur la qualité des advis, parce que la seulle
correspondance passoit pour un grand crime auprez de ceux qui n'en
vouloieut poinct qu'à leur mode.
Venant donc à voz lettres, bien que mon frère m'ayt asseuré de vous
avoir faict quelques despesches d'Aix en responce d'icelles (en quoy
certainement il avoit fort diminué mes regrets de n'y avoir peu satis-
faire en son temps), je ne laisray pas de vous accuser la réception des
dernières qui sont du 2 1 octobre, i, 10 et 18 novembre et 5 dé-
cembre, oultrc le pacquet dont M' Petit s'estoit chargé 011 il n'y avoit
poinct de lettres vostres, mais tout plein de petits livrets curieux aussy
bien qu'avec touts les aultres, et quelques lettres de divers amys dont je
vous suis bien redevable et vous remercie trez humblement, ensemble
des livres qu'il vous a pieu faire mettre dans les coffres de M"" le Pre-
mier Présidant S bien marry de l'importunité que ce luy pourra estre.
' Laisné de la Marguerie.
[1631] AUX FRÈRES DLPUY. 289
Nous rattendroiis en bonne dévotion et crains bien que la rigueur de la
saison ne le retarde jusques au renouveau. Si cependant il se presen-
toit quelque commodité de nous envoyer un aultre exemplaire tant de
ce livre de Muys • contre le pauvre P. Morin in 8°* que de celuy du dict
sieur P. Morin in U" contre lequel agit le dict Muys', vous me fcre
plaisir, car je ne lay plus et seray bien aise de les voir ensemble. Nous
n'avons pas encor eu d'Italie le livre du Galilée, et j'entends que la ville
de Florence n'a pas encores recouvré la liberté du commerce, ce qui
nous retardera encores plus ce contentement. On ne m'a envoyé de
Rome que le livre du P. Scheiner in 6° intitulé Pantographice* lequel
je vous envoyé à Caultc d'aultre chose. M' Naudé m'escript d'en avoir
veu faire la preuve chez le Gampanella^. J'eusse bien mieux aymé qu'ils
m'eussent envoyé un autre livre du mesme autheur in fol" de Macnlis
in sole*^, mais il le fauldra attendre avec le temps. Le cardinal Barberiii
m'a envoyé des plantes du Rosier de la Chine dont les fleurs changent,
ce dict-on, de couleur troys foys par jour, estant tout rouges le matin,
et bien incarnates le soir, et neantmoings bien blanches sur le midy, ce
que je trouve plus estrange que si ce changement se faisoit du rouge
brun à l'incarnat et de l'incarnat au blanc; il en lauldra voir la preuve
' Siraéon Marotte de Muis , savant hëbraï-
sant, naquit à OrMansen 1587, fut chanoine
et archidiacre de Soissons , professeur d'M-
breu au Collège royal (161 4) et mourut en
16A/1.
" Assertio veritatis hebraicœ adversus Jo-
Imnnis Morini excrcitiitioiies in utruinque Sa-
inaritanorum Penlateuchum (Paris, i63i).
' ExerciUUionum ccclesiasùcarum libri duo
de patnaichaïuin cl primatum origine , primin
orbis terrarum ecclesiasticis divisionibus alque
anliijua et primigcnia censurarum in clericos
uatura et praxi (Paris, iGaG, in-4°).
' Christopbori Scheiner e societate Jesu Ger-
mano-Suevi , Pantographice , seuarsdelineandi
res qmislibel, etc. [ Voir le reste du titre dans
la Rililioilièque des écrivains de la compagnie de
II.
Jêswi, t. III , col. 6o^i.] (Rome , 1 63 1 , in-4*.)
' Nous n'avons pas la lettre ici mentionnëe.
La première des letli-es de Natidt! k Peiresc
recueillies dans le fascicule XHI de la col-
lection des Correspondants de ce dernier
est du 1" février i6."î'i.
' Peiresc abrège ici en deux mots le titre
démesurément long que voici : Rota urtina
sive sol ex admirando facularum et macularum
suantm phœnomeno varius, necnou circa cen-
truw suum et axetn Jixum ab oeeatu in ortum
annua, circaque alium axem mobilein ab ortu
in occasum conversione quasi menstrua , super
jtolos proprios , libris quatuor mobUis otteiuttt
a ChHsiophoro Scheiner Germano-Sueeo , e
societate Jesu ,elc. CRracciano , i63o. in-fol.);
l'impression avait été commencée en 1696.
37
I
290
LETTRES DE PEIRESC
[1631]
en son temps, et un laurier Américain, avec ung libvre des espreuves
en taille doulce et figures chrestiennes des cemetieres soubsterrains re-
cueillis par feu Bozius \ qui est fort curieux et dont il dict n'avoir esté
imprimé que dix coppies, attendant que l'ouvrage entier puisse estre mis
en lumière. Je luy avois envoyé une fort belle plante du Jassemin jaulne
des Indes, et quelques livres et desseins de son goust. 11 m'cscript que
le Jassemin jaulne est arrivé tout à temps pour estre portraict en taille
doulce dans un libvre latin que faict un P. Jesuitte'^ de la culture des
plus rares plantes, qui est soubs la presse, et bien advancé'. Au reste je
ne seray pas marry que M"' Grottius trouve son contentement en Hol-
lande, mais je seray bien fasché que nous le perdions, et encores plus
de M'' Saulmaise, vous asseurant que vous m'avez faict un singulier
plaisir de luy avoir baillé cez eclogues m[anu]s[crite]s et eusse esté bien
fasché que me les eussiez renvoyées. Car je faisois estât de vous renvoyer
les cayers que M' Grottius en avoit tirez, pour, si vous et luy ne le trou-
viez pas mauvais, les faire donner au public. Le retardement du retour
de M"^ de la Poterie différé de moys à aultre est cause de cet inconveniant
comme de beaucoup d'aultres et mesmes de ce que mes Pentateuques
ne sont à Paris, et un pacquet vostre lequel je regrette grandement,
que M' vostre frère m'avoit adressé de Rome longtemps y a, estant
fasché que les livres de l'Atheismus triumphatus du Campanella* que
vous eussiez eu receus se soit si misérablement envieilly en ce païs.
La contagion ou recheutte de Lyon, et l'interruption du commerce des
' Voir sur Antonio Bosio , mort en 1 69 g ,
et sur sa Roma soUerranea, qui parut en 1 6 3 2 ,
in-fol. , complétée par le P. Severani, ime
lettre de Gabriel Naudé à Peiresc, du 1" fé-
vrier 1682, dans le fascicule XIII des Cor-
respondants de Peiresc (p. 12).
^ Jean-Baptiste Ferrari, né à Sienne,
entra dans la compagnie de Jésus en 1609 ,
occupa pendant vingt-huit ans la chaire
d'hébreu au Collège Romain , et mourut à
Sienne en i65o.
^ De Florum cultura libri IV (Rome,
1 633 , in-i" ). Une nouvelle édition fut donnée
par Bern Rotlendorf sous ce titre : Joh. Bap-
tistœ Ferrarii Senensis , S.-J. , Flora , seu de
florum cultura ftiri /F (Amsterdam, 1 664,
in-i-y
' Th. Campancllœ atheismus triumphatua
(Rome, i63i, in-fol.). Sur ce livre, comme
sur toutes les circonstances de la vie littéraire
et politique de l'éloquent dominicain , voir le
grand ouvrage de M. Luigi Amabile : Fra
Totnaso Campanella, etc. (Naples, 1882-
1887, 6 vol. in-S").
[1631] AUX FRÈKES DUPUY. 291
marchandises de ce costé là s' estant de rechef interrompu, ce qui m'em-
peschoit de hazarder ma cassette par auttre voye, et puys l'espérance
que j'avois eiie du voyage de mon neveu m'a tenu le bec en l'eau '
jusques à ce qu'il a esté constraint de le différer jusques aprez la ré-
ception. Ce qui m'avoit faict resouldre en mesme temps de faire partir
M' le Prieur de Roumoules qui l'avoit attendu plus de deux moys, et de
malheur, comme il estoit prest à monter à cheval, il tomba malade
d'une maladie qui avoit faict grande peur aux médecins, et qui s'est ré-
solue enfin en une apostume interne qui s'est inesperement crevée,
reprenant ses forces peu à peu pour partir au premier beau temps avec
l'ayde de Dieu. Cependant si je trouvois de commodité de bonne malle
pour vous envoyer vostre petit fagot, je l'employerois volontiers pour
ne vous tant laisser languir. Et si le porteur de la présente despesche
s'en vouloit charger, je l'en feray semondre avec grande instance pour
me descharger d'un depost qui a tant perdu de temps en ce pais. Sinon,
il ne le fauldra pas oster de la place qu'il tient dans ma cassette si long-
temps y a avec cez vieux Pentateuques et aultres m[anu]s[crit]s orien-
taulx d'oii j'en attendoys une coupple dont on m'a faict grande feste,et
crains bien qu'on ne les eust chargez sur le navire S' Jean qui s'est
eschoiié versTrapano^ mais qui a esté relevé et n'y a que lamouilleure
de la mer eu toutes les marchandises, auquel cas mes pauvres livres
seront possible en aussy mauvais estât que les m[anu]s[crit]s cophtes
de Monsieur de Thou. Il me tarde bien d'en estre esclaircy, et voul-
droys que ce fusse la Bible Arabique où estoit l'Apocalypse que Ton me
faisoit attendre bien impatiemment pour pouvoir rendre ce bon office
à M" le Jay. Que s'ils estoient arrivez à temps avant le partement du
sieur Prieur de Roumoules, je les joindray à la cassette, et vouldrois
bien estre en peine d'en faire faire une plus grande pour envoyer chose
qui fusse bien duysable à cez Messieurs, lesquels vous pouvez asseurer
que le dict sieur Prieur de Roumoules se mettra en chemin si tost que
le temps et la foiblesse oii il est encores le pourra permettre, me tardant
' Sous celte expression figurée. Litlrë cite seulement un vers de la satire vi de Régnier.
— ' Ville de Sicile, ù 80 kilomèti-es de Païenne.
37-
292 LETTRES DE PEIRESC [1631]
qu'ii soit là pour pourvoir à toutes cez petites affaires et chicanes dont
on nous rompt la teste, et donner satisfaction à un cliascun. Il faict
estât de proflitter les beaux jours de janvier que nous avons accoustumé
d'avoir quasi annuellement, et les pluyes que nous avons quasi inces-
samment depuys tout ce moys de décembre luy font espérer tant plus
tost le retour de la sérénité. Il me tarde encores plus qu'à luy de le voir
en chemin et que touts cez Messieurs ayent veu s'ils pourroient rien tirer
qui vaille de mes pauvres libvres, bien fasché de tant de retardements
impreveus.
J'ay principalement du regret pour le R. P. Morin qu'il ayt ainsin
précipité l'édition de son Pentaleuque, et craignois bien (ce que vous
me mandez estre adveneu) que cette précipitation n'extorquast de luy
des choses qu'il auroit retenues ou modifiées, s'il se fusse donné un
peu plus de patiance. Car (entre vous et moy) un homme fort sçavant
en cez origines trouvoit fort à redire à aulcunes de ses assertions à mon
Irez grand regret, ce que j'eusse voulu rachepter s'il m'eust esté pos-
sible, et s'il n'eust laissé pubher si tost ses exercitations, j'avois disposé
l'homme à luy en faire donner soubs main les advertissements et mo-
tifs, mais cela le rebutta, et depuis je ne l'ay peu ramener à cet office.
Nous n'avons poinct veu ce manifeste dont on parle dans les res-
ponces à Cleonville(?)' et aultres, et pense qu'il n'en soit venu dans le
païs qu'un exemplaire à Ms' le MareschaP qui m'avoit dict qu'il me le
monstreroit, mais je n'avois garde de l'en faire souvenir. Nous atten-
drons en bonne dévotion le Prince de Balsac *, et ce Ministre d'estat de
Sillon ^
Mais si l'on a apporté de la foyre la seconde édition in fol" du Chro-
nicon Alexandrinum, je l'aymerois beaucoup mieux pour mes curiositez
' Mol surchargé. iisage de la politique moderne. Par le sieur
Le maréchal de Vilry, le nouveau gou- de Silhon. (Paris, Toussaint du Bray, i63i,
verneur de Provence. in-4°. ) C'est la première partie de l'ouvrage.
' Le Prince parut à la fin de l'année i 63 1 La seconde parut en 1 643 , et la troisième en
à Paris, chez Touss. du Bray, Pierre Ro- i66i. La première partie fut réimprimée
colel et Cl. Sonius, in-/i°. par lesElzevier en i639,en i6'ii,en i648.
' Le Ministre d' Estai, avec le véritable
[1631] AUX FRÈRES DUPUY. 293
prédominantes et vouldrois bien apprendre si la dernière édition de la
Notilia ou Gallia Christiana du sieur Robert est si notablement aug-
mentée comme l'on m'a voulu dire ', car je ne plaindrois pas de la faire
venir.
J'eus dernièrement une heureuse rencontre de livres venus d'Italie,
où je trouvay un exemplaire du Nobiliario d'Hespagne, et quelques
aultres livres que je n'avois pas encores veus, bien que plusieurs lus-
sent desja bien envieillis, entr'aultres deux petits in-/»", l'un Francisci
Alvarez Riberae^ de Successione Regni Porlugalliae pro Philippo 11 res-
ponsum cum additionibus Garoli Tapiae , Matriti 1621 ; et l'aultre du
mesme autlieur et édition de la précédante année, pro Infanta Elisabeth
<le Successione Ducatus Brilanniœ. Je croys bien que vous aurez l'un et
l'aultre, mais si par hazard ils vous estoient eschappez, je les vous
pourray facilement envoyer, car ils ne sont pas trop gros pour un pac-
quet par la poste.
Je ne sçay si je ne vous ay poinct mandé que j'eus la curiosité de
voir cet éléphant que vous avez veu là quelques années y a, lequel
on ramenoit d'Italie. 11 vint passer par icy où il fut troys jours' durant
lesquels je le consideray bien à mon aise, et avec grand plaisir, ne
l'ayant pas laissé eschapper de mes mains ou despaïser que je ne l'aye
faict peser, contre quelques six vingt boullets de canon. Il me cognois-
soit desja quasi comme son gouverneur*, et je me laissay porter jusques
à ce pohict de curiosité ou (pour mieux dire) de follie, que de luy
' Sur Claudfi Robert, voir l. I, p. aaa.
Le volume in -fol. de 1696 ne put être
amélioré par l'auteur irpropler morbo-
sam sciiectiiteiii'^, comme nous l'apprend
la préface de ses successeurs (p. m). Ce
fut l'arcliidiacro de Chnlon-sur-SaAiie lui-
même qui pressa souvent par ses lettres les
frères jumeaux Scévole et Louis de Sainte-
Marthe de compléter et de refondre son
essai.
' François-Alvarez de Ribera, né à Mel-
tellino, fut président de la chambre royale à
Naples , chanoine à Salamanque (1 689), etc.
' Voir, sur le séjour h Belgentier de cet
éléphant, Gassendi, liv. IV, p. 365. l>e bio-
graphe rap|)elle que Peiresc s'était dtjji oc-
cupé de cet animal dans sa correspondance
avec les frères Dopuy, quatre années aupa-
ravant.
* Prœeunle aiiimali.i gribernatore, dit
(p. 365) Gassendi, qui multiplie les détails
(p. 366 et 367) sur l'éléphant.
294 LETTRES DE PEIRESC [1631]
mettre ma main dans la bouche et de luy nianyer et empoigner une de
ses dents maxillaires, pour en mieux recognoistre la forme, et ne les
ayant pas assez bien peu voir sans les toucher, à cause qu'en ouvrant
la gueulle il les entrecouvroit avec sa langue. Or ce fut pour vérifier,
comme je fis, qu'elles estoient entièrement semblables de figure, bien
que de moindre grandeur, avec la dent du prétendu géant de la coste
de Thunis ou d'Utica, et par consequant qu'il ne falloit pas trouver
estrange ce qu'on avoit escript au premier advis que les os ou la car-
casse de ce prétendu géant avoit dix canes de long, et que le crâne de
la teste sembloit un tonneau, puis qu'il s'est tant veu d'elephans dans
l'antiquité auxquels on donne une longueur fort approchante de cette
mesure. Et le grand voisinage de l'ancienne Carthage doibt faire trouver
moins estrange qu'on eust ensevely un éléphant dont est question, et
qu'on luy eusse mesme basty une espèce de tombeau, puis qu'on y en
hourrissoit un si grand nombre, et qu'on y faisoit si grand cas d'aul-
cuns d'iceulx qui estoient plus sages ou plus adroicts que les aultres.
J'en attendois une plus particulière relation , mais la tartane qui la por-
toit donna dans le sable en Sicile le mesme jour que le navire de S' Jean ,
et je ne sçay si les papiers seront saulvez; cependant, par ce que j'ay
veu dans voz lettres que vous en estiez encores en attente , je n'ay pas
voulu diflerer davantage de vous donner cet advis, et mesme de vous
envoyer le portraict de la dent venue d'Afrique, tandis que nous atten-
drons l'arrivée de cette relation, ou qu'on en ayt renvoyé une seconde
coppie au cas que la première ne se soit peu saulver. Ce qui me faict
revocquer en doubte, que plusieurs ossements d'elephans qui se trou-
vent enterrez en divers lieux ne passent souvent pour ossements de
géants.
Au surplus j'ay escript à M' l'Archevesque de Thoulouse, et vous
supplie d§ luy faire tenir sa lettre, et s'il est encor à Paris, en faire s'il
vous plaict demander la responce à sa commodité. Je pensois pouvoir
respondre encores au R. P. Sirmond, mais le temps m'a n)anqué pour
cette foys, à mon grand regret. Ce sera pour la première occasion que
je m'en acquitteray Dieu aydant envers luy et envers M' Rigault; ce-
[1632] AUX FRERES DUPUY. 295
perulanl, si vous le voyez, je vous supplie de leur en faire mes excuses
et (le me tenir tousjonrs, et, s'il vous plaict eiicores, Monsieur du Fuy
vostre Irere,
Monsieur, pour
voslre trez humble et trcz obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Boysffency, ce aO (lecetiitre i63i.
Vous aurez une coupple d'exemplaires de l'entrée de M^ le Ma-
reschal à Aix', pour en envoyer un à M'' de Lomenie, s'il vous
plaict 'K
LV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay eu bon besoing que vous ayez eu aultant de bonne volonté de
me pardonner, comme il y avoit en moy d'impuissance de corresp«ndre
à mes debvoirs en vostre endroict, pendant une fiebvre continue de
quarante deux jours, suyvie d'une quotidienne de quinze ou vingts jours
et d'une infinité d'aultres incommoditez que trainent et laissent ordi-
nairement de telles hostesses que celle là, principalement quand elles
sont accompagnées des accidents que j'ay euz de gangraine aux hemor-
roides et d'une inflammation si grande à un bras, que les médecins
croyoient qu'il le fallusl ouvrir, avec une enflure de tout le milieu du
' On cniiiinit deux relations île celle en- Arcs de Triomphe dresses par elle, à l'hon-
Ivée: La garde du lijs, h l'entrée du maréchal ncur du Mareschal de Vilry reçu en qualité
de Vitry datu la ville d'Ai.T, avec l'expliea- de Gouverneur de Provence, et déchiffré par
lion des cmhlhmes cl des écrilcau.r apposés au.r l'e-rplication des Emblèmes, Devises et ChiJ-
Arcs de Triomphe, par G. M. [Gnillaumc fres y apposés, par J. F. [Jean Ferrand,
Masset, jt^suite], Aix, Roize, i63i, in-4*. jésuite]. Aix, David, t639, in-4*.
— Le bonheur de la ville d' Aix représenté aux ' Vol. 717, fol. i ai.
296 LETTRES DE PEIRESC [1632]
corps depuis le dessus du petit ventre, jusques à demy cuisse ^ de quoy
je ne me suis peu tirer que par une grâce bien speciaHe de Dieu, qui
m'a voulu laisser encores quelque espérance de vous servir, à laquelle
je vouldrois bien qu'il luy plaise adjouster des moyens de m'en acquitter
selon mes souhaits et mon debvoir, ne pouvant vous représenter com-
bien je me sens vostre oblige de la compassion que vous avez eiie de
mon mal , et de la favorable correspondance que vous m'avez tousjours
continuée en la personne de mon frère, dont le souvenir me sera tous-
jours devant les yeux.
Je receus pendant ma maladie quelques lettres dont s'estoit chargé
Monsieur Gaffarel, entre lesquelles il y en avoit des vostres et de celles
de M"" Gassendi, et des sieurs DuvaP et Ozier'. Je n'y en trouvay pas
de Monsieur Deodati ne de Monsieur de la Motte*, comme vous me
mandiez qu'il y en debvoit avoir. Il est vray que je n'euz pas le bien
de voir le dict sieur Gaffarel qui estoit demeuré à Aix malade, et quand
je le pensay envoyer visiter là, il se trouva qu'il estoit party assez pré-
cipitamment, sans que j'aye esté bien asseuré depuis s'il a continué son
voyage d'Italie, ou s'il s'en est retourné à Paris comme aulcuns m'ont
voulu dire, sur ce qu'un gentilhomme de sa compagnie s'estoit jette
dans l'Oratoire.
Vous nous avez faict si bonne part des nouvelles du monde , et des plus
curieuses pièces du temps, que ce n'a pas esté un petit allégement à
mon mal, dont les inquiétudes ont bien souvent trouvé grands secours
à un si agréable entretien ; aussy mon obligation en est tant plus grande,
que l'effect et le bénéfice que j'en ay tiré m'ont esté sensibles, et que
moins nous le pouvions avoir mérité, mon frère non plus que moy,
n'ayant rien à vous pouvoir communiquer en revanche qui fusse digne
' Voir la même description dans Gas- i'Inguimbertine, registre VL fol. 45o)
sendi, p. 871 et 872. une lettre écrite de Belgentier en septembre
^ Sur Guillaume Duval, professeur au 1689.
Collège royal à Paris, voir le tome I, ^ Sur Pierre d'Hozier, voir t. I, p. 661,
p. 661. C'est à ce personnage (M. du goi.
Val, à Paris) qu'est adressée (Minutes de * La Mothe-le-Vayer.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 297
de vous, ne qui peust entrer en comparaison de ce qui nous venoit
journellement de vostre main. Mais vous avez voulu faire aultant de
fonds de ce peu que nostre bonne volonté et la stérilité du païs pouvoient
fournir, comme si c'eussent esté de meilleurs et plus dignes efFects de
noz debvoirs, dont je vous remercie trez humblement et vous supplie
trez instamment de vouloir encores vous contenter à l'advenir, jusques
à ce que nous puissions mieux faire ce que nous souhaitterions. Quentin
m'escript que la besongne luy manque; s'il y a moyen de l'employer,
ce sera double charité, tant en son endroict pour l'advantage qui luy
en peut revenir, comme au nostre, pour les rares curiositez que vous
avez moyen de nous communiquer, soit de chez vous, ou de la biblio-
thèque du Roy. En un besoing Monsieur du Chesne trouveroit bien
tousjours quelque pièce à me faire transcripre, de celles qui peuvent
concerner les choses de cez contrées de pardeça.
Il s'est desterré durant ma maladie, en cette province, sur la coste
de la mer, un monument célèbre de l'Antiquité, qui me fut in-
continant apporté en ce lieu, lequel je m'asseure que Monsieur Saul-
maise eust esté bien ayse de veoir. Ce sont deux couppes ou
gobeletz d'argent qui s'eniboittent l'ung dans l'aultre pour vraysem-
blablement les tenir tous deux ensemble en beuvant, de la façon que
le dict sieur appelle, si je ne me trompe, crvvSvoK Ils sont enrichiz,
aux lèvres supérieures (mais seulement par dedans et non par de-
hors), de petits filaments ou moulures et d'une petite enceinte dorée,
dont la veiie faict bien plus facilement comprendre ce que les anciens
poètes ont voulu dire quand ils ont escript, magnos crateras slatuunt,
et vina coronant, que tous les scholiastes et interprètes ne le sçau-
roient esclaircir.
Ce sont de cez godets que les anciens appeloient litterata pocula, ou
bien ypafxfiaxjxàxffOTj'/pja, se lisants treize lettres grecques en celuy qui
est extérieur, lesquelles semblent composer un non» propre, bien que
' Voir le récit de la découverte , la description des coupes et l'analyse des recherches de
Peiresc à ce sujet, dans Gassendi, p. 378^376.
11. 38
Mttivcait 1AT101AU.
3f8 LETTRES DE PEIRESC [1632]
aulcunement barbarizé^ et qui tient possible un peu du Gaulois, aussy
bien que du Grec. Lequel nombre de lettres se rapporte à la juste me-
sure de treize cyathes ^ que peut contenir celluy des dicts godets qui est
intérieur et si petit qu'il s'emboitte dans l'aultre, dont la contenance est
plus grande au double (si on le remplit jusques au dernier bord), à
sçavoir de vingt six cyathes, mais si on y veut laisser le vin couronné,
ou bien ne le laisser monter que jusques à la couronne exclusivement,
et laisser paroistre dehors du breuvage les petits filaments qui le bor-
dent et l'enrichissent par le dedans, il ne contient pas davantage du
demy congius (stc)^ qui est de vingt quatre cyathes, de façon que le
nombre des treize lettres ne se pouvant rapporter à la mesure du godet
sur lequel elles sont gravées, par le dehors qui estoit le plus exposé à la
veue, au contraire se rapportants à la juste mesure et contenance de
l'aultre moindre godet qui s'emboitte dans celluy là, je me suis ima-
giné, soubs le bon plaisir de Monsieur Saulmaise, que ce pouvoient
estre de cez doubles godets dans lesquelz assemblez avoient droict de
boire, privativement* aux aultres, ceux qui s'estoient renduz signalez
à la guerre par leurs prouesses pardessus les aultres, n'ayant jamais
peu comprendre qu'il soit facile ne possible de boire en un mesme
temps dans deux verres assemblez, principalement s'ils ont leur orifice
de forme ronde et pour peu qu'ils ayent de grandeur ou capacité,
laquelle ne pouvoit pas estre petite ne d'aultre figure que ronde,
en ces couppes dont parle Hérodote^, dans l'observation de Monsieur
' Liltré s'est contenté de dire: «Barba-
riter, néologisme, parler d'une façon bar-
bare.» Il n"a cité sous ce mot aucun écrivain.
Dans le Dictionnaire de Trévoux on avait
constaté que le mot n'est point usité.
' Voir dans le Dictionnaire des antiquités
grecques et romaineg (fascicule xi. Hachette,
1887, p. 1675-1677) l'article Cyatkwt , par
M. Edm. Pottier.
' Voir dans le même Dictionnaire (fasci-
cule X, 1886, p. \kkk-\Uhï>) l'article Con-
gius, par le même archéologue.
' Littré n'a cité sous ce mot qu'un écri-
vain du xvi' siècle, Loysel, et qu'un écri-
vain du \vm', Montesquieu. Le xvn* siècle
sera désormais représenté dans la série des
exemples par Peiresc.
* Livre IV, chap. lxv. Le grand histo-
rien parle ainsi des Scythes (traduction
A.-F. Miot, t. il, p. 44): ffQaant à la partie
osseuse de la tête , non pas de tous ceux qu'ils
ont tués , mais seulement de leurs plus grands
ennemis, ils la préparent ainsi. Ils la scient
d'abord au-dessous des sourcils, et nettoient
[1632] AUX FKÈRES DUPUY. 299
Saulmaise, lesquelles estoieiil coinposeez des crânes de la teste des en-
iiomys tuez. Or iioz Gaulois iinitoieiil en cela ceux dont parle le dicl
Hérodote, puis qu'ils avoient soiiig de conserver les testes des ennemys
tuez, ou de les faire enchâsser en or ou argent pour leur servir de
couj)])es à boire comme faisoient les aultres. Ce qui présuppose qu'ils
pouvoient bien avoir encores la mesme coustume d'en assembler deux à
la fois quand ils en avoient acquis ce privilège, c'est à dire de les mettre
l'une dans l'autre, quand ils y vouloient boire, pour ne se charger de
double quantité de breuvage, de sorte qu'il ne seroit pas inconvcniant
qu'il se lusse introduict quelque chose de semblable ou d'approchant à
cette coustume en l'usage des couppes d'argent, aussy bien que de celles
qui estoient composées actuellement de crânes et de testes humaines.
Et je ne sçay s'il ne se pourroit point soustenir à bon droict que ces
couj)pes icy, qui s'emboiltent l'une dans l'aultre, fussent de ceste sorte
qu'Homère appelle <piâXrf àfx<p/06TOs, pour estre l'une environnée, em-
brassée ou mise à l'entour de l'aultre. Ce qui semble plus sortable à
l'etymologie que toutes les interprétations des autheurs modernes, et
que celles mesmes que rapporte l'Athénée , pour faire entendre un vaie
à deux ances, ou qui se tournoit à double sens.
Au reste, ce qu'il y a d'estrange en la manière de ces couppes icy, est
que par le dehors elles sont toutes lizes et unyes, sans comparaison
comme le crâne de la teste d'un homme, n'y paraissant aultre ouvrage
que l'escripture du nom [déchirure] OTENIKOIMEAOT marquée par
des seuls poinctz et non par des rayes. Ce qui ayda à me faire songer à la
mesure de la contenance d'icelles, d'aultant que les plus anciens poids
qui se trouvent ont leurs marques ou inscriptions formées par des sim-
ples poinctz. Et me souvenant de ce que Martial et aultres poètes ont
escript des godetz oh estoient inscripts les noms de CAESAR, de
CAIUS, de IULIUS , de PROCULUS, et aultres où le nombre des lettres
ensuite avec soin la cavité du cràue. Si le pos-
sesseur est pauvre, il se conteate d'étendre eu
dehors du ce crAne uue peuu de bœuf et s'en
sert couiiiie d'uue coupe. Si au contraire il
est riche, après avoir garni de mèiue le crAne
extérieureuieat en peau de bœuf, il le dore
en dedans, et en fait usage ^elcnteut pour
boire. . . «
38.
300 LETTRES DE PEIRESC [1632J
estoit indice du nombre et de la mesure des cyathes de la contenance
d'iceux comme NAEVIA ,
NAEVIA sex Gyathis, septem IVSTINA bibatur,
je songeay que les treize lettres du nom OTENIKOIMEAOT pou-
voient marquer la inezure de treize cyathes, ce qui me réussit grande-
ment juste, par l'examen et comparaison tant d'un Congius Romain que
j'ay tiré sur l'antique du cardinal Farnese, et de plusieurs vases anti-
ques, que j'ay aussy, du Sextarius, de l'Hemina ou Cotyle, et du Cya-
thus, que d'une pille antique que m'apporta feu Monsieur Aleandro
lors du passage du légat, oi!i sont assemblez tous les poids antiques
formez comme des petits vases ou escuellons qui s'emboittent l'un dans
l'aultre, et qui donnent non seulement les vrays poidz depuis le Du-
pondium jusques à l'once (marquez des vrayes marques ou notes an-
tiques des poidz Romains 1 1 . 1 . S . | ^ • ',' • , ,•,•), mais aussy les justes
mesures de l'eau ou du vin qui repondent à la demy-Hemine, l'Ace-
tabulum, le Gyathus, le Mystrum, la Concha, la Cheme et le Cochlear
ou la LigulaS ce qui peult fournir de la matière de beaux discours
sur ce subject, pour esclaircir les plus grandes difticultez qui y soient
escheiies.
Tant est que tout ce peu de façon qu'il y a en ces couppes d'argent
est par le dedans, comme si on avoit affecté de ne laisser par dehors
auicune aspérité de cizellure, laquelle peusse offenser la lèvre infé-
rieure de la bouche en beuvant, les façons et moulleures du bord in-
terne ne pouvant offenser la lèvre supérieure, attendu qu'en beuvant
elle se tient ouverte et esloignée du bord de la couppe, pour laisser
passer entre deux et humer le breuvage. Ces couppes furent trou-
vées en terre l'une dans l'aultre et furent mal Iraictées des paysans
qui les desterrerent. Mais ce qui y est resté en son entier est si bien
Voir sur presque tous ces mots ie Die- cet ouvrage en coui-s de publication, le Dic-
tionnaire d'antiquités de MM. Daremberg et tionnaire général de biographie et d'histoire . . .
Sagiio, et, pour ce cpii concerne les mots des antiquités et institutions grecques, ro-
des lettres L et M non encore abordées dans maines, etc. ,parCh. Dezobry et Th. Bachelet.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 301
poly, que l'oiivrafre de nos orplievres d'aiijonrd'hriy n'a rien de sem-
blable , tellement que ce n'est pas sans cause qu'Isydore ' a remarqué
que les anciens n'afll'ectoient pas moins le {jrand lustre de l'ouvrage en
leurs vases plus précieux, que l'excellence de la cizellure ou de la main
qui les elabouroit et la bonté du métail. Si tost que j'auray la commo-
dité d'un peintre, je les feray desseigner, afin que vous puissiez mieux
comprendre ce que c'est, et que le puissiez faire voir à Monsieur Saul-
maize, à Monsieur Rigault et à cez autres Messieurs, s'ils en ont la cu-
riosité, dont je serois bien ayse d'apprendre les advis (comme le vostre)
si vous trouviez bon de me le faire sçavoir, et qu'il ne vous fusse pas
incommode, vous suppliant d'excuser ma liberté à vous escripre des
songes et resveries d'un fiebvreux, et de me commander avec l'autho-
rité que vous ont acquis tant de bienfaictz sur celuy qui sera à jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peirbsc.
A Beaugentier, ce 18 juing i63a'.
LVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis celle que je vous escripvis la semaine passée, je me suis faict
apporter icy huict ou dix vases antiques de bronze que j'avois à Aix
dans mon cabinet et trois ou quatre autres modernes, mais contrefaictz
sur des antiques les plus célèbres et plus curieux qui fussent à Rome de
mon temps, comme estoit le congius du cardinal Farnese', tous les-
' Isidore de Séville , i'auleur des Origines.
' Vol. 717, fol. 195.
' Soit Alexandre Farnèse , né à Rome le
7 octobre if)9o, évêtjue de Parme , puis m--
chevêque d'Avignon, patriarche de Jéru-
salem , etc. , cardinal en 1 53^j , mort le 9 mars
1889 ; soit Ranuce Famèse, né le 11 avril
i53o, arclievêque de Naples, de Ravenne.
9^% LETTRES DE PEIRESC [1632]
quels vases sont faictz sur les mesures justes des anciens, tant du dict
Congius et du Ghœnix, du double Sextarius, de l'Heinina ou Colyle, du
Quartarius ou Semicotyliuui, de l'Acetabuluni et du Cyathus, que de
certaines aultres mezures qui se trouvent faictes et représentées en forme
d'Escuellons^ assortis en telle sorte qu'ils s'entresuyvent les uns les aul-
tres depuis le Quartarius, l'Acetabuluni, le Cyathus, le Mystrum, la
Goncha, la Cyane et jusques au Cociilear ou Lygula, et aultres plus
menues subdivisions dont je pris grand plaisir de faire l'examen et
comparaison avec mes couppes d'argent antiques nouvellement des-
terrées , dont la contenance et capacité s'est tousjours trouvée conforme à
ce que je vous disois des treize cyathes respondanta au nombre des treize
lettres dont est composé le nom propre OTEiMKOIMEAOT, pour la
couppe intérieure, et du double pour celle qui luy sert d'estuy, res-
trainte neantmoins au demy Ghœnix, ou au tiers du Gongius (sic), lors-
qu'on ne la veult pas remplir plus avant que jusques au premier cercle
de sa couronne ou de son bord.
J'eusse bien souhaicté d'en faire l'espreuve eu présence de M' Saul-
maize, et de ces aultres messieurs qui peuvent avoir de telles curiositez,
quand ce n'eust esté que pour leur faire voir le rapport et proportion
qu'il y a entre toutes ces mezures des unes aux aultres, si exactes,
qu'on ne se l'imagineroit quasi pas que cela fust possible , enlr'aultres de
celle du Mystrum, qui respond au quint du Quartarius, et ne contient
pas moins de six cuilliers. En quoy il est conforme à ce que dict Fan-
nius-, qui luy donne le triple de la Cyane, laquelle il faict de deux
cuilliers, mais il fault qu'il y ayt faulte au texte , quand il dict
At Mystrum Cyatbi (jiuiFta est, ac tei'tk Mystri
Quara[qiie] vocaiit Gyanem , capit haec cochlearia bina ,
patriarche de Gonstantinopie . cardinal en cueils lexicoçraphiques. Dansle langajje pro-
i545, mort à Parme le q8 octobre i5C5. vençal une petite écueile s appelle escudelelo.
' Ce diminutif du mot éc«e//e ne se trouve ^ Fanniide Ponderibus et Menmris liber,
ni dans le Dicft'onnaire de Richelet, ni dans le cum comineutai-io J. Cœsaris (Haguenau,
Dictionnaire de Trévoux , ni dans nos autres re- j 5 a 8 , in-8' i.
[16X2] AUX FRÈRES DUPUY. 809
esfurit rertain que le Cyathus ne contient ne pîus ne moins de dix cuil-
licrs, et f[ue le Mystrum compart'! au Cyatlins n'est que comme de six
à dix, qui est bien loing de la proportion du quart. C'est pourquoy ce
Mystrum ne peut estre le quart que d'un vase de la contenance de
xxnu cuilliers, de laquelle contenance j'en ay un antique de la fomae
de la Sitnla que les anciens peignoient pendante à la main de la déesse
Isis, dans laquelle s'emboitent comme dans ung estuy toutes les aul-
Ires moindres mezures.
Ce qui m'avoit une fois faict conjecturer que le nom d'Abacus ne luy
seroit peut estre pas incompatible, puisqu'il est prins aulcunes fois
pour le nom d'un vase', d'aultant que ceiuy cy faict la fonction de la
table oo repositorinm sur quoy se tenoient les vases ou gobelets des-
tinez à la boisson, puis qu'il contient tous ces pelitz godelz et escuel-
lons proportionnelz aux mezures anciennes.
J'avois mesmes une l'ois pensé que les noms d'incytega ou èyyvdn>cv
ne luy seroient pas moins convenables par les mesmes raisons que Dac-
lyliotbeca se prend |)0ur une boitte où se tiennent les anneaux, puis que
les escuellons des mezures sont emboillez en ce vase cy, auqael cas je
iisrois dans le Fannius :
Al Mystrum Incylegœ quarta est.
au lieu de Cyathi, si l'on n'aymoit nnVux lisre Situla;,ou bien:
At Mysti-uin quarta est Alwici.
Sur quoy je serois merveilleusement ayse d'avoir l'advis du dict
sieur Saulmaise s'il est encores de pardelà, car ce passage est la pierre
d'achoppement qui" a mis en bredouille^ tous les autheurs modernes qui
se sontmeslez d'escripre des mezures, ne pouvant compatir à certaines
opinions qui portent les choses si loing de toute vraysemblance , non plus
que je ne sçaurois approuver l'advis de Monsieur délia Scala en ce
' Voir, dans le Dictionnaire des antiquités grecquei et ivmaines, l'article Abaeut, par
M. Edm. Saglio (fascicule i, «878 , p. i-4). — ' Non» avons déjà trouvé cette eiprestion
dans le tome I, p. 978.
soi LETTRES DE PEIRESC [1632]
qu'ii veut que l'Incitega de Festus soit une nappe ou serviette, puis que
ie mesme Festus la qualifie machine.
Et sur ce propos je voudrois bien apprendre les sentimentz de M"" Saul-
niaize sur la niezure que le dict Fannius appelle Cyane, que j'estime-
rois avoir peu emprunter ce nom de la qualité de la matière, dont
pouvoit avoir esté composé ce vase plus ordinairement que d'autres,
attendu la magniflcence que les anciens affectoient bien souvent en la
représentation de leurs poidz et mezures, dont il se trouve quantité
qui sont faicts de pierres précieuses et enrichis de marques et figui'es
d'or et d'argent, lors mesmes qu'ilz ne sont que de cuivre, de sorte
qu'il ne seroit pas incompatible que d'un morceau de pierre Cyane on
eusse fabriqué un escuellon de la mezure ou contenance de deux cuil-
liers, ou de quelque morceau d'aultre pierre de couleur bleiiastre ou
verdastre, si le vert y est compatible, me souvenant d'avoir veu plu-
sieurs fois (et crois d'en avoir dans quelque coing de mon estude à
Aix) des cuilliers d'yvoire, antiques, teintes en verdastre. J'ay bien icy
entre ceux qu'on m'a apporté maintenant un petit escuellon de la con-
tenance de la double Cyane ou de quatre cuilliers, faict d'une presme
d'esmeraude' la plus belle en couleur et la plus fine que j'aye jamais
veu, et me souviens d'avoir veu des cuilliers antiques de la mesme sorte
de pierre; j'oubliois de vous dire que cette petite Situla antique et qui
ne contient pas davantage de xxiiij cuilliers , remplie jusques à son bord ,
contient encore les six cuilliers de plus lorsque ses ances sont abbattiies ,
pour parfaire la mesure du Quartarius ou Semicotylium. Et s'il falloil
en demeurer à ceste contenance là , plus tost qu'à celle de xxiiii cuilliers ,
je ne ferois pas grande difficulté d'appliquer au Quartarius les noms
de Situla, d'Abacus et d'incitega, auquel cas je vouldrois lisre, dans le
Fannius, Quinta au lieu de Quarta, mais j'estime bien que M"' Saul-
maize aura possible observé quelque mention de vase de la contenance
de xxun cuilliers, qui est le quint de la contenance du Sextarius, et
' Voir, à propos de la même expression employée par Pierre -Antoine de Rascas, sieur
de Bagarris, une note du fascicule XII des Correspondants de Peiresc , 1887, p. ig.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 305
possible aura-t-il observé encores quelques vases de la contenance de
neuf cyatlies, qui est le dodrans du dicl Sextarius. Ce que je vouldrois
bien apprendre de luy ayant vcu plusieurs vases antiques de cette me-
zure ou contenance.
Mais j'ay peur que vous ne vousmocquiez en fin de nioy, voyant ma
liberté à vous entretenir de cez bagatelles et inutilles occupations d'une
vie champestre et oysive, dont je vous prie de me vouloir excuser, et
l'imputer au désir que j'aurois de vOus fournir de meilleur entretien si
le lieu où nous sommes en pouvoit produire, pour entrer en quelque
revanche de tant de belles choses que nous apprenons en toutes voz
despesches. Sur quoy je finiray en vous remerciant comme je faicts trez
liumbloinent des bonnes lunettes qu'il vous a pieu m'envoyer, et vous
suppliant d'excuser l'obmission de ce compliment que j'avois oublié de
vous faire dernièrement, et de m'entretenir aux bonnes grâces non
seulement de Monsieur du Puy vostre cher frère, mais aussy de
M"" de Thou et de toute l'académie sans vous oublier, comme celuy à
(|ui je suis et seray à jamais inviolablement,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur
DE Peiresc.
A Boysgency, ce 97 juing i63a '.
Lvn
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis celle que je vous escripvis la sepmaine passée il est arrivé
un grand malheur en nos costes, où l'une des galleres du Pape sur la-
Vol. 717, fol. 1 98.
II.
39
■■VftIVBIlt «4TI«^«1
I
306 LETTRES DE PEIRESC [1632]
quelle eetoit le Nonce de S[a] S[ainteté] s'eschoiia contre un escueil aux
isles d'Yeres, où le Nonce courut fortune de sa vie^ et se noya comme
l'on croit plus de six vingts personnes, partie forçatz, partie soldatz et
les autres passagers. Si j'en puis apprendre le destail, je vous en feray
envoler une relation exacte. Cependant je vous envoyé deux ou trois
lettres qui m'ont esté escriptes sur ce subject, tant par M"^ le commandeur
de Forbin qui y accourut au secours avec une des galleres du Roy, que
du viguier d'Yeres et du sieur Aycard de TouUon qui est homme bien
curieux. Je pensois y avoir perdu quelques curiositez que m'apportoit
de Rome un mien amy, mais je pense qu'il s'en sera recouvré la plus
part et que le meilleur se sera sauvé comme de celles de M'' de Thou
malgré les ondes de la mer.
J'oubliay dernièrement de vous supplier de m'envoyer un Colu-
mella de la meilleure édition que vous le pourrez trouver ^, le mien s' es-
tant trouvé gasté quand je l'ay voulu envoyer quérir.
Je vous entretenois dernièrement de certaines curiositez, ou plustost
badineries, concernant les mezures des anciens, et vous avois prié d'eu
vouloir tirer un mot d'advis de M' de Saulmaize, s'il estoit encore de
pardelà, auquel cas je vouldrois bien qu'il songeast un peu sur une
nouvelle pensée, qui m'est venue touchant ce mesme subject : si le mot
de Pila que l'uzage a retenu pour signiffier l'assortiment des poidz de
mark ne pourroit point avoir servy anciennement pour signifier le vase
dans quoy s'emboittoient les autres poidz et mezures faictz en forme de
godetz, comme les poidz de mark, puisqu'un ancien grammairien disoit:
Ludum laudo Pilae , plus laudo pocula Pilae ,
car il n'y auroit pas grand inconveniant que le mesme mot de Pilae eust
esté approprié à un vase propre à mezurer ou à pezer, aussy bien qu'à
un mortier, puis que les anciens se delectoient tant à diversiffier les
Ce nonce était Alexandre Bichi , évêque cicule VIII des Correspondants de Peiresc).
de Carpentras. Je m'accuse de n'avoir rien " Voir, sur les principales e'dilions de Co-
dit de son naufrage dans V Avertissement himelle, l'article Scn/)Jores m ru«(ic« du Ma-
mis en tête des Lettres de ce cardinal (fas- nueldu libraire (t. V, col. a 45).
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 307
figures de toutes sortes de vases, el que selon les divers siècles, il sera-
bloit qu'ils affectassent de changer les dénominations, comme l'usage ap-
proprioit à des figures particulières des noms qui souloient estre plus
généraux, voire qui souloient signilfier des choses grandement diffé-
rentes, ainsy qu'il se peut voir parla comparaison des vieux glossaires,
où il se trouve bien des changements et quelquefois de la confusion
selon que la diversité des pais, des nations et des siècles, destournoit à
aultre sens que le plus ancien la signification de plusieurs motz, ainsy
qu'il arrive encores aujourdhuy aux langages vulgaires, ce qui meri-
teroit l'exactesse d'un examen de Monsieur Saulmaize ou aultre de tel
calibre' pour revoir et assembler tous ces glossaires anciens et les
ranger à peu prez selon leur ancienneté plus ou moins grande et pour
y corriger ce qui s'y peut trouver qui soit manifestement faultif. Ce qu'il
pourroit mieux faire que tout aultre , ayant eu la patiance de voir comme
il a faict toutes ces sortes de livres là, tant ceux qui ont esté imprimez
que plusieurs manuscripts qu'il allègue, et qui meriteroient bien de
voir le jour, y ayant une infinité de choses dont la mémoire est perdue
en toute aultre sorte de livres qu'en ceux là, principalement des der-
niers siècles de l'Empire romain, et y en ayant aussy plusieurs qui se
trouveroient faulx, si on les examinoit selon les règles et usaiges d'un
siècle ou d'un pais, qui n'auront pourtant rien d'incompatible, si on les
considère soubs un aultre siècle et parmy d'aultres peuples, estant tous-
jours nécessaire quoy que ce soit qu'il y eusse des noms appropriez à ces
assemblages de poidz et de mezures dez la meilleure antiquité, puis
qu'il s'en trouve des reliques qui ressentent les meilleurs siècles, et
puis qu'ils ne manquoient poinct d'invention et de facilité pour expri-
mer toutes sortes de conceptions et d'usage ou proprietez de tout ce
qu'ils employoient pour leur service, principalement les Grecz qui trou-
voient quasi plus de commodité que les Latins à faire leur 1.xevo6^xv ,
kyyodvKrj, Èyyvdvxrj , XaXxoâ);x7;, lloTvpoQviiV là où les Latins avoient
' Lillrd a retrouvé celle expression figurée daus deux auleun du xvi* siècle, Vincenl
Carloix cl Froumenleau.
3».
SOS LETTRES DE PEIRESG [1632
prou peine de diversiffier leur Vasarium par le Galiclarium et la Pila,
estantz contrainctz d'aller emprunter des Grecs leur Incitega. Mais je
m'imagine que l'exactesse de M' Saulmaize n'aura pas laissé eschapper
d'aultres termes possible plus propres et plus convenables que tout
cela, s'il a agréable de le dire, comme je m'asseure qu'il fera pour
l'amour de vous, si vous l'en priez, ce que je vous supplie de vouloir
faire, et excuser en cela ma fascheuse curiosité et importunité, sur quoy
je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce 4 juillet 1682.
Je vous supplie trez humblement de faire tenir seurement le petit
pacquet adressé à M'' le Grand ; plustost vous pourrez envoyer quérir
Quentin qui prendra le soing de l'aller rendre et d'en retirer un mot de
responce s'il peut, pour le vous rapporter afin de le mettre dans vostre
diÈSpesche quand il vous plairra de nous en faire.
Au reste le courrier ordinaire qu'on a restably en ce pais arrive or-
dinairement le vendredy au soir à Aix, partant de Lyon aprez que l'or-
dinaire de Paris du vendredy précèdent y est arrivé, tellement que si
les advis imprimez se pouvoient recouvrer à temps pour estre envoyez
par l'ordinaire qui part de Paris le vendredy, ils arrivez'oient touts plus
fraiz d'une sepmaine. Mais il ne fauldroit pas que cela vous causast plus
d'incommodité'.
^' Vol. 717. fol. i3o.
[1632]
AUX FRERES DUPUY.
309
r,viii
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Ce mot ne sera que pour vous advertir qu'entre les choses sauvées
du naufrage de la gallere du Pape il s'est trouvé un petit fagot de li-
vres addressé à vous de la part de M' Naudé , qui estoit parmy les liardes
de M' Menestrier ' qui me l'a envoyé ici fort opportunément, car il cou-
roit grande fortune d'estre bien tost pourry pour peu qu'il y eust de-
meuré davantage dans sa mouilleure. H avoit esté si proprement enipac-
queté qu'encores que les enveloppes eussent esté la pluspart descliiréez
par les crochets avec quoy on tiroit ces hardes de la mer, il estoit
pourtant resté quelques fragnientz de l'escripture de M' Naudé, où pa-
roissoit le nom de M' du Puy ; je le fis incontinant ouvrir par mon rei-
lieur avec deux aultres de M"" Suarez'^ qui avoient leur addressé en
Avignon , et les fis rejctter dans l'eau fraische pour leur oster la puanteur
qui les avoit desja gaignez, et une grande quantité de petits vermis-
seaux blancs comme ceux du fourmage^ qui y fourmilloient presque
' Claude Menestrier fut un savant et zëlé
antiquaire. Il naquit, non à Dijon, conirae
la plupart des biojjraphes l'ont rëpdte' d'a])rès
Papillon , mais , comme Ta dtabli Weiss dans
la Biographie Michaud, à Vauconcourt
(Haute-Saône). Il fut chanoine du chajiitre
de Sainte-Madeleine de Besançon et bihlio-
the'caire du cardinal Fr. liarberini. Il mourut
b Rome en iGSg. Ce fut un des correspon-
dants de l'eiresc. Je publierai , dans un des
volumes qui suivront celui-ci , les lettres que
Peiresc lui adressa et dont les orijfinaux
sont conservés à la Bibliothèque do l'École
de médecine de Montpellier. Je publierai
aussi (en appendice) un certain nombre
des lettres écrites à Peiresc par Menestrier.
' Le futur évêque de Vaison déjà plu-
sieurs fois mentionné.
' La forme /ourmog'c se retrouve dans le
Théâtre d'agriculture d'Olivier de Serres,
dans les Joyeux devis do Bonaventure des
Periei-s. Voir le Lexique de la langue de ce
dernier auteur publié par MM. Félix Frank
et Adol|)be Chennevière ( Paris, 1 888 , in-8*,
p. ç)o). On trouvera dans ce Lexique plu-
sieurs autres expressions employées par
Peiresc et relevées dans mes notes, |>ar
exemple les mots : acertainer, antiquaille,
cacer, perjumer, etpie, quant et quant, ramen'
leroir, etc.
310 LETTRES DE PEIRESC [1632]
partout, principalement entre ceux du dict sieur Suarez, dont je ne me
serois pas doubté pour des livres en blanc, si je ne l'eusse veu. Le sieur
Menestrier avoit faict scrupule de les ouvrir pour ne se dispenser de
couper les fisselles et les cachets, et pensoit qu'ils se peussent seicher
tous entiers. Mais ceste vermine les eusse tous gastez et la pourriture
eusse achevé de gaster ce qui seroit eschappé de leur dent et s'il en
fust eschappé quelque feuille ou cahier desbordz, ilsseroient demeurez
si maculez que je ne pense pas qu'ils eussent peu estre d'aulcun usaige.
C'est pourquoy j'estime que vous ne trouverez pas mauvaise la liberté
que j'ay prise de' le faire ouvrir, pour le pouvoir conserver et mettre
en Testât que vous le trouverez. Il y a bon nombre d'exemplaires d'un
petit traicté de M"^ Naudé an magnum homini a venenis periculum \ tous
coltez de sa main et addressez la plus part à vos amis de pardelà. H y a
un volume in 4® assez gros addressé à M' de la Motte ^ intitulé Apologia
pro christiana religione qua a Philippo Guadagnolo Arabica linguae profes-
sore respondetur ad objectiones Ah Med fdij Zin Alabedin Persœ Aspha-
bensis contentas in libro inscripto Politor speculi^. 11 y a quelques aultres
livretz addressez à divers amys et quatre petitz traictez sans aulcune
addressé, l'un de origine Hebrœorum Pétri Philomusi*, l'auUre de la
riconciliazione di Henrico quarto ^ le troisiesme intitulé Polygraphia
Roncilionensium, Papirii Serangelij, et le dernier Ristrelto délia Pro-
vincia di Romagna di Francesco Pera da Imola, lequel je ne vous en-
voyerai point pour ceste fois pour le faire transcripre. Et s'ils peuvent
' QutBstio ialrophilologiea : an magnum
homini a venenis periculum (Rome, 1682,
in-8°). L'opuscule fut réimprimé à Genève
(i65o).
' François de la Mothe-le-Vayer.
' Philippe Guadagnolo , né à Magliano ,
dans les Abruzzes, en iSgô, fut prêtre,
professa à la Sapience à Rome et mourut le
27 mars i656. Un Espagnol avait écrit:
Verum Spéculum. Un Persan répondit par :
Politor Speculi. Le pape chargea Guadagnolo
de répondre par son Apologia , qui fut réim-
primée en latin et en arabe. V Apologia parai
à Rome en i63i.
' Pétri Philomusi de origine Hebrœorum
eorumque regiminc (Venise, i588, in-4°).
' Relazione délia Riconciliazione , Assolu-
zione et Benedizione di Henrico IV, fatla da
Clémente VIII , alli iy di septembre i5g5,
descriila da Gio Paolo Mucante, Maestro
délie Cerimonie di Papa (Viterbe, 1697,
in-i").
[1632] AUX FRKRES DUPUY. 311
estre bieu secs à temps, je vous feray un pacquet soubz l'enveloppe de
M' de Lomenie où j'en mettray une partie et le reste se mettra les
sepmaines suyvantes si le commerce de Lyon se peut maintenir. Car
on nous a fait courir icy de lascheux bruicts des volleries qui s'y sont
commises depuis peu. Le pauvre M'' Meneslrier n'a pas encores peu re-
couvrer sa malle, dont il est en grande peine à cause des curiositez qu'il
avoit dedans '. Ce qui m'en faict bien estre en peine moy mesmes pour
l'amour de luy et parce que toutes les lettres de mes amys y sont en-
cores dedans avec quelques petits fagotz de livres que l'on m'envoyoit.
Les marins ont enfin sauvé le canon de la gallere cschouée, ce qui a
faict rellever le corps de la dicte gallere d'environ une coudée, et faict
espérer de la pouvoir encores achever de relever. Il me tarde bien de
le voir pour l'inlerest de tant de pauvres gents qui y perdoient leurs
besongnes. On y pesclia dezlecommancemenldeux caisses du dict sieur
Menestrier que j'ay céans, avec lesquelles il m'envoya un petit vase d'al-
bastre antique de la plus belle structure et invention que j'aye jamais
veu en aulcun vase, monstrant d'avoir esté faict pour tenir quelque li-
queur bien 'preiieuse et destinée à l'onction, et possible au sacre de
quelque grand prince. Mais la mouillure de l'eau de la mer luy a rongé
tout le lustre qu'il avoit et toute la dorure fort espoisse qui estoit aux
principaux ornements et vestementz d'une figure qui luy sert d'ance et
d'un feston qui lui sert de couronnement, à ce que m'en escript le dict
sieur Menestrier, et qui pix est l'a rendu si fragile qu'il s'est cassé en
deux ou trois endroictz à mon grand regret. Mais cela n'a pas em-
' Weiss (article ddjî» cité sur Menestrier)
dit: et Gomme il retournait à Borne eu iGlîa,
rap|iortant un grand nombre de monuments
et de tableaux précieux, le vaisseau qu'il
montait fut assailli h quelque distance de
Marseille d'une tempête très violente; le pa-
tron déclara (jue, pour sauver le i)Atiment
d'un naufrage presque inévitable, il fallait
jeter à la mer tous les objets appartenant
•ux passagers. Menestrier ne put sauver de
toutes ses richesses qu'un petit tableau
représentant la Sainte Vierge, et, à son ar-
rivée h Rome, il envoya ce tableau à Be-
sançon, pour y Hre placé dans une église."
Weiss ajoute en note que ce tableau,
objet d'une dévotion particulière des habi-
tants de Besançon , fut transporté , lors de la
suppression des maisons religieuses, dans
une des chapelles de l'église cathédrale de
Saint-Jean.
I
312 LETTRES DE PEIRESG [1632]
pesché que je n'en aye faict bouscher les trous incontinant, pour en
examiner la mezure, qui s'est trouvée justement esgalle à cette mezure
dont je vous mandois dernièrement que je voudrois bien rencontrer le
vray nom particulier, avec l'assistance et grande littérature de M' Saul-
maize. Car il n'est pas de la contenance du Quartarius entier, ains seu-
lement de deux Cyathes et deux Cyanes, ou de quatre fois le Mystrum,
ou bien vingt quatre cuilliers comme la Situla de ma pille antique. Je
tascheray d'en faire faire un dessein si tost que je pourray avoir un
peintre à ma disposition pour vous faire voir la gentilesse de la concep-
tion du sculpteur, qui a voulu faire un vase de la forme d'un œuf, tel
possible que celuy de Leda soustenu par une rondache portée par trois
astragales, ayant à costé un bouton ou modillon qui sert de table ou
de baze à une petite figure de la Victoire aislée, laquelle de sa main
gaulche tient une palme et porte sa main droite en hault, pour avec
icelle et avec sa teste souslenir un plus grand bouclier qui sert d'en-
taiblement à tout l'ouvraige, et de lèvres au vase, lequel bouclier est
percé au mitan pour servir d'orifice, et faire que la liqueur qui en dis-
tilloit semblast sortir du centre d'un bouclier de guerre, et celle petite
figure de la Victoire faict la fonction de l'ance du vase, lequel est en-
ceinct ou couronné par le mittan de son ventre d'un diadesrae enrichy
de deux filletz de pierreries, les unes de forme ronde qui sont par
dessus, et les aultres de forme allongée et aiguisée comme des bulbes
ou oignons renversez, qui pouvoient estre de ceux que les anciens ap-
pelloient Elenchus , si je ne me trompe , car quand Pline descripl les perles
de cesle forme allongée, semblables à un vase d'albaslre, il ne dict pas
qu'il fusse deffendu de les suspendre par le gros bout, aultremenl il eust
esté plus tosl faict de les nommer et descripre de la figure d'une poire
ou d'une larme, ou d'une goutte, comme celles qu'ils appelloient sla-
lagmium aureum, qui servoient aux ornements des femmes comme
celles icy. Or comme il ne seroit pas inconveniant que les anciens eus-
sent faict des vases d'albaslre en forme de bulbe ou de poire renversée
comme il me semble d'en avoir veu quelques uns en un temps que je
ne songeois pas d'en faire des remarques qui seroient maintenant ve-
rl632] AUX FRÈRES DUPUY. 313
nues à propos pour sauver l'authorit/î de Pline, il ne seroit pas incon-
veniant aussy qu'ils eussent nffect<5 de suspendre les pierreries de ceste
lonne par le jjros boust ])lus lost que par l'aultre, pour faire allusion
à l'oliinologie du nom d'Eionclius, qui se prend quelques lois pour un
Indice, dont la forme est plus compatible à cez sortes de pierreries
tournées en ce sens que si elles estoient renversées en forme de poire,
et de faict j'ay souvent veu des figures antiques de femmes et filles pa-
rées de gros pendantz d'oreille de ceste forme, tantost uniques et tantost
triples et (juelquefois de carcans ou tours de col tout entiers de pierre-
ries de ceste forme enfillées et suspendues par le gros bout, sur quoy
j'altendray si M"^ Sauhnaize nous voudra dire son advis et s'il vous
plaii-roit nous commander en chose où nous eussions moyen de vous
tesmoigner le trez humble service et obéissance que vous a voiié.
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boy8gency, ce xi juillet i63a.
Depuis avoir escript, M"" Menestrier est revenu de ToUon ayant
abbandonné sa malle à la raercy des ondes, disant que les marins n'y
peuvent plus travailler pour l'infection des corps mortz qui y sont de-
meurez non seulement aux environs, mais encore dans le corps mesme
de la gallere. Et de faict le Nonce est party de Tollon depuis hier avec
tout son train prenant le chemin d'Avignon, et la gallere eschappée se
prépare à partir dans quatre jours pour s'en retourner à Home ou à
Givita Vecchia, de sorte que toutes mes lettres sont perdues excepté
deux qui se trouvèrent dans la pochette de M' Menestrier. Et se sont
perdus par mesmes moyens divers petitz fagotz de livres et de curiositez
que l'on m'envoyoit de Rome. Mais je n'en sçaurois encores perdre en-
tièrement l'espérance.
On me vient encore de mander d'Aix que les ordinaires de I>yon ont
esté volez en chemin, ce qui me fera différer jusqu'à la sepmaine pro-
chaine de vous envoyer les principaux livres de vostre fagot, m'imaginant
II. 1^0
mrBivitit stnOKtts.
ât4 LETTRES DE PEIRESG [1632]
que dans ce temps l'orage devra estre passé plus avant et avoir laissé
libre le pais et le chemin de la poste. Je vous supplie de faire tenir par
voye la plus asseurée que vous pourrez les lettres que j'escripts tant à
M" le Jeune que vous avez veu par fois chez vous, qu'à M'' Engobert qui
souloit se tenir à Fontainebleau dans la maison du Roy, à qui je de-
mande un petit dessein d'architecture qu'il m'avoit promis, dont je
vous supplie de luy payer la façon selon sa bonne discrétion, et de ne
m' envoyer le dessein qu'il vous remettra que dans quelque livre oii il
puisse estre tout à plat sans luy faire plusieurs plys'.
LIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 5^ de juillet depuis deux ou trois jours
et viens de recepvoir inesperement à ceste heure celle du treizième avec
la lettre de M"" Rigault et celles de M' Aubery dont je vous remercie
tiez humblement, ne pouvant vous exprimer combien je me sens rede-
vable à voz honnestetez et mortifiié de ce que vous ne voulez pas souf-
frir que je vous eu rende les foibles tesmoignages de recognoissance
que je pourrois au moins de bouche, puis que j'ay si peu de moyen de
m'en acquitter par effect, mais puis que vous le voulez ainsy il fault que
je me conforme à voz intentions, attendant si Dieu me voudroit faire la
grâce de trouver un jour quelque moyen de vous dignement servir, à
quoy je ne m'espargneray pas. J'ay bien regretté la maladie de M' Saul-
maize lors du premier advis , mais puisqu'il s'est recogneu que ce n'est
pas la colique nefretique , il semble qu'il s'en doibve grandement resjouir
et tous ses amis et serviteurs , qui ont bien plus de subject de regretter avec
le public qu'un si grand personnage nous soit enlevé de la sorte et que
' Vol. 717, fol. i3a.
[1G32] AUX FRKRES DUPUY. 315
parmi une si fjrande profusion de finances il ne se soit pas peu espargnei'
un fonds de mille escus pour son entretien. Je luy suis {rrandemcnl
obli{{(5 de la bonne volonté qu'il luy plaict me tesmoifjner et attendray
en bonne dévotion tout ce qu'il daignera nous mander aprez son ar-
rivée en Hollande lorsqu'il en aura la commodité. Je n'eusse pas trouvé
estrange la retraitte de M"^ Grotius s'il eust esté si mal payé de ses ap-
pointements comme j'apprehendois, mais puis qu'il n'estoiten arrérages
que de la dernière année, je ne pense pas qu'il fust liors d'espérance
de la recouvrer, ne qu'il deusse chercher d'aultre retraitte puis que
celle de sa patrie luy a manqué, ne pouvant vous dissimuler que j'ay
esté fort scandalizé d'apprendre par voz lettres qu'il y ave esté si indi-
gnement traitlé et persécuté. Je me resjouis infiniment de voir que
M'' Rigault se soit embarqué si avant en l'édition de son TertuUian, et
puis que le ballot de livres n'est poinct encore party et qu'il me mande
de n'y vouloir poinct repeter les observations qu'il avoit cy devant bail-
lées séparément, je vous supplie de m'envoyer un exemplaire de ses
dictes observations sur TertuUian in 8° par la première commodité que
vous en aurez. J'ay esté infiniment ayse aussy d'apprendre que M' du ,
Chesne se soit enfin résolu de donner tous les historiens françois et que
M'' Bignon luy baille si courtoisement ses observations sur Grégoire de
Tours. Je serois bien fasché de luy avoir rien reiïuzé qui fust en mon
pouvoir, mais j'ay bien peur de ne pouvoir pas contribuer chose qui vaille
à sa curiosité, principalement s'il ne s'attache aux historiens latins, mon-
sieur l'Abbé m'ayant retenu tout ce qu'il y avoit de meilleur parmy les
m[anu]s[crit]s que je luy avois communiquez en ceste matière, car si bien
il m'en a rendu quelques uns, j'ay trouvé, quand j'ay pensé les revoir,
qu'il en avoit arraché les cahiers et feuilletzprincipaulx et pi us notables '.et
pense que quand il verra faire cette édition , il se résoudra plus facilement
de mettre à rançon la restitution de ce qu'il a du tiers et du quart pour
l'amour du public, car il verra bien que M"" du Chesne se pourra passer
' Le manuscrit latin 4ç)i a de la Biblio- Voir L. Delisle, ht Cahiwl des manuscrits de
thèque nationale est un des nianiiscrils de la Bibliothèque nationale, I. I. p. aSA. Sur
Peiresc qui furent mutiles par Charles LabW. Cliarles Labbd, voir I. I, p. ià8.
io.
316 LETTRES DE PEIRESC [1632]
de beaucoup de choses qu'il pensoit ne pouvoir sortir que de ses mains.
Je ne pensoispas que M^du Chesne peusse eslre pressé du livre d'Arles,
puis que vous en aviez un exemplaire dont je m'asseure bien qu'il se
peut servir quand il voudra, en attendant celluy que je luy gardois,
mais puis qu'ainsy est je luy envoieray le sien, Dieu aydant, la sep-
maine prochaine pour laisser place à ceste fois à la continuation de
l'envoy de vostre fagot de Rome. Pour l'édition des œuvres de Galien
du sieur Tarin •, je contribueray de bon cœur s'il s'en veut servir
un assez gros volume que j'ay m[anu]s[crit] en langue hébraïque con-
tenant un grand nombre d'opuscules de cet autheur traduicts du grec,
entre lesquels il y a plus d'une quinzaine qui n'ont point esté imprimez
en aulcune langue que je sache. J'ay bien de l'obligation à M"" de Cordes
du supplément qu'il luy a pieu me procurer de ce passage de l'histoire
des papes, mais le public luy en a bien davantage s'il a eu le seing,
comme je me l'imagine , d'empescher que ces parolles ne soient poinct
passées dans l'édition de ce vieux m[anu]s[crit], attendu le ])rejudice
qu'elles ponvoient faire aux droicts du Roy et que cest autheur tranche
trop crûment la décision d'une question qui estoit en controverse de
fort longue main et où il ne manquoit pas de tiltres au contraire des
prétentions de ce prince, mais je suis plus redevable que je ne sçaurois
représenter à M"" le président de Meslay pour la faveur qu'il a tesmoi-
gnée me vouloir prouver et voudrois bien le servir en revanche en
chose de son goust.
Je n'avois pas ouy parler de l'édition romaine des lettres italiennes
du cardinal Bentivoglio '^; il fauldra attendre que le temps nous en donne
la disposition et l'usage. J'ay veu la lettre que vous escript M' Ghifflet,
' Jean Tarin , né à Beaufort-en-Vallée lien. L'édilion des oeuvres complètes de ce
(septembre 1690), fut recteur à l'Université médecin et d'Hippocrate allait être donnée
de Paris en lôaS et i6a6, devint, en par René Chartier (Paris, 1689 et années
1629, professeur d'éloquence grecque et suivantes, in-fol.).
latine au Collège de France et mourut en ' Raccolta di leltere del car. Bentivoglio
janvier 1666. Tarin ne réalisa pas le projet (i63t, \n-l>°).
qu'il avait eu de publier les œuvi-.^s de Ga-
[1632] AUX FRERES DUPUY. 317
la(|uclle jo vous renvoio. H m'escript en mesnies t(M'mes et je seray bien
ais(! (le le servir en ce que je pourray, mais à vous dire la vérité, j'avoie
espéré de pouvoir faire imprimer ce qu'il me demande', avec le livre
des Tournois de nostro roi Hené que le sieur Tavernier avoit enlre-
prins'^ Il est vray que si le dict sieur Tavernier ne se resoult d'y faire
d'aullres diligences, il vaudra bien mieux que je baille à M''Clii(ïlet ce
<|ae j'ay ([ue de le laisser ainsy [)erir. ■
11 me reste à vous remercier du soinj^ que vous avez pris de mes liv^e^
dont j'ay veu le roolle, où je n'ay {jarde de rien trouver à redire d'aul-
tant que je ne sçaurois faire de meilleur choix que le vostre, et que je
n'en puis pas avoir la cognoissance que vous avez, n'y en ayant aulcun
de ceux que je ne vous demandois pas lequel je ne vous eusse demandé,
si j'en eusse eu cormoissance , plus instamment que tous ceux que je vous
ay demandez. J'ay envoyé à ce matin à M' de Gastines la lettre de change
([uc vous aviez laissée suramier, que je vous renvoyerai raiïraischicDieu
aydant par le premier ordinaire. Vous m'avez obligé de m'envoyer des
exemplaires redoublez d'aulcuns de ces livres plus curieux, et eusse
bien désiré qu'en eussiez faict de mesme de l'opusculus de Lansbergius
de terrae motu et que n'eussiez pas oublié une coupple d'exemplaires
qneje vous demandois Samuelis Petiti raiscellaiieorum in-/i°deran i63o
comme vous me les mettez en roolle de ces églogues seulement'. Je ne
trouve point trop cher le Pelrus de Natalibus* à dix livres pour un
homme (|ui en a affaire, non plus que le Democares' à 8 livres et le
' Encore un projet que Peiresc tievnit ' Pietro de Natali, hagiographe du xv*
abandonner! siôcle, nd a Venise, publia dans In ville de Vi-
■' Ce livre n élé iuxueusemenl publié ccnce: CataloffusSanclorumelgestorumennnn
(Paris, 1626-1637, librairieF.-Uidol,gran(l ex diversis voluminibm eollechu (i&93,tn-
in-fol.) : Les tournois dit roi René, d'aprh fol.). Le Manuel du libraire signale une édi-
te manuscrits et les dessins originaux de la lionde Venise(i5o6)elunedeLyon(i5o8).
bibliothèque royale. MM. Cbanipollion-Fi- Tune et l'aiilre in-folio,
geac soignèrent le tente et les notes; ' Antoine de Moucby, dit Dt'mocliarès .
M. L.-J.-J. Dubois se cbargea des dessins naquit à Ressons-sur-Matz (Oise) en 1494,
et planches coloriées. futdocteur de Sorbonne, chanoine de Noyon ,
■' Eclogw chronologicœ ( Paris , 1 63 1 . inquisiteur de la foi , et mourut h Paris en
in-4°). 1874, doyen de la faculté de tliéologie. Le
818 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Martyrologium Pétri Galesini ' à 7 livres. C'est pourquoy je vous prie
de les faire prendre pour les faire mettre dans mon ballot quand on
l'envoyera et d'y faire joindre s'il vous plaict une couple d'exemplaires
de ce Jean de Bourdenave des Cours ecclésiastiques in-^^de l'an 1626^,
que je pense estre ce que l'on me demandoit, sans oublier le Martyro-
logium Monaslicum en blanc de la meilleure édition qui se trouvera
avec l'Aristote grec-latin in-fol° rellié en bazane verte ^. Et les oeuvres
de Malherbe m-h° semblablement relliées en bazane verte*, ensemble
praxis medicinse nova ratio Johannis Heurnii, Raphelengius, 1609 en
blanc et, s'il se trouvoit, un Ferrandus diaconus Carthaginensis de Rome
qui a faictunbreviariumcanonuni et des epistres^; mais pour les œuvres
de s' Tomas®, advertiray ce mien amy qui les desiroit pour en suivre
ses ordres.
Excusez moy ce pendant, je vous supplie. Monsieur, de tant d'impor-
Moréri rappelle «qu'il composa divers ou-
vrages, dont le plus considérable est celuy
de saciificio missœn. Voir la liste de ses
autres ouvrages dans
çoise de Du Verdier
Mouclty).
' Pierre Galesini,
la Bibliothèque fran-
(au mot Antoine de
de Milan, protono-
taire apostolique, donna une nouvelle édi-
tion du Marlyroloffe romain, avec des notes
(Milan, 1677), édition dédiée au pape Gré-
goire XIII.
^ Estât des cours ecclésiastiques, ou de
l'autorité et juridiction des grands vicaires et
des ojîciaux et juges de l'Eglise. Les bio-
graphes et bibliographes ne citent de cet ou-
vrage qu'une édition de i655. Jean de Bor-
denave fut chanoine de Lescar, grand vicaire
d'Auch.
' Opéra omnia , grœce et latine, veterum
ac recentiorutn interpretum studio emendatis-
sima. . . Huic editioni accessit brevis ac perpe-
tuus in omnes Arislotelis libroscommentaritts. ..
authore . Guill. Du Val (Paris, i62 9,in-fol.).
C'est la reproduction de l'édition de 1619.
' Nous avons déjà vu que les Œuvres
de messii-e François de Malherbe parurent
in-lt° en i63o et reparurent dans le même
format en i63i.
' Fulgentius Ferrandus, diacre de l'église
de Carthage, mourut vers le milieu du
vi' siècle. Ce fut un disciple de saint Ful-
gence. Ses œuvres complètes parurent par
les soins du P. Pierre-François Chifflel (Di-
jon, 1649, in-i°). Le breviarimn dont parle
Pcirescavaitété publié par Pierre Pithou [Ful-
gentii Ferrandi Carthaginiensis ecclesim Dia-
coni Breviatio Canonum , et Crisconii Brevia-
rimn CaMonwH ( Paris , 1.598, in-8°).
' Voir dans le Manuel du libraire ((. V,
col. Sai), rénumération des principales édi-
tions des Œuvres complètes de saint Thomas
d' Aquin antérieures à 1 6 3 2 , éditions qui sont
celles de Rome (1570-1671, 18 vol. in-fol.),
de Venise (1593-1694, 18 vol. in-fol.),
d'Anvers (161 4, 19 vol. in-fol.).
[1632] AUX FRKRES DUPUY. 319
lunité. Je feray chercher à Rome le Mombritius' et le Lippomannus*
pour vous (lescharger d'aullant et denieureray à jamais.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce a 5 juillet i63a.
Si vous avez appris que le sieur Ilenricus Spelmannus d'An{j[[leterre] ,
qui a faict le glossaire de l'Archaiologie , soit encore vivant ou non , je vous
prie de m'en escripre ce que vous en sçaurez^. M"" Vignon en sçaura
sans double des nouvelles.
Vous me dictes que Quentin est dans la nécessité. Si cela estoit et
qu'il se peusse resouldre de vivre sans desbauche, je luy donneray
lousjours de quoy vivre avec moy, s'il veut venir de pardeça, mainte-
nant que je ne me puis pas passer avec un seul homme qui escripve
soubs moy, depuis la l'oiblesse (jui m'est demeurée au bras droict aprez
la grande enflure et inflammation que j'y eus durant ma dernière ma-
ladie, et s'il se resolvoit à venir, faictes qu'il vous dise à quelle condition
il pretendroit le faire ''.
' Bonino Moiibriziu naquit îi Milan en
i4a4 et mourut vers i/iSa. Son plus cdlèbre
ouvrage est : Sanctuariiim sive vilœ Sancto-
riun (a vol. iii-fol.). Voir le Manuel du li-
braire, t. m, col. i8i8.
* Aloisio Lipponiaiii, nd vers iSooh Ve-
nise, évoque (le Modène, de Vérone, de Ber-
game, nonce en Allemagne, en Pologne, en
Portugal, mourut le i5 aoûl iSSg. Il est
auleui- de plusieurs ouvrages parmi les«]ueis
on remarque : Sanctorum priscorum viue
(Romeel Venise, i55i-i56o, 8 vol. in-4").
Voir sur cette édition et les é<litions suivantes ,
notamment celle de Venise, i58i, en 6 vol.
in-fol. , le Manuel du libraire, 1. 111 , col. i oq3.
' Henri Spelnian, comme nous l'avonsdéjà
vu , ne monnU que le a 4 octobre 1 6ft i .
' Vol. 717, fol. 134.
320 LETTRES DE PEIRESC [1632]
LX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur
Je viens de recepvoir fort opportunément vostre despesche du ig""
de ce mois assez à temps pour vous pouvoir faire responce par cet or-
dinaire, vous remerciant trez humblement du soing que vous avez eu
de mes lettres et du Columela et des nouvelles dont il vous a pieu nous
faire part, dont nous sommes plus affamez et affriandez que jamais, h
cause des bruicts qu'on faict courir tous les jours sur cez mouveuients
de Monsieur que l'on faisoil desja embarrassé parmy les dames d'Avi-
gnon tandis qu'il estoit encores en Rouergue, mais j'ay esté grandement
affligé d'apprendre la grande maladie du pauvre M"" Saulmaize, priant
Dieu qu'il le veuille bien guérir et préserver de ce danger et donner
loisir à noz ministres de le retenir dans le Royaulme et de le reco-
gnoistre comme il mérite ^
Monsieur l'Abbé a grand tort de ne faire imprimer sa collection des
glossaires puis qu'elle est tant advancée, et les imprimeurs ont encores .
plus de tort s'ils font difficulté sur la grosseur de l'ouvrage , attendu qu'il
n'y a guieres de livres d'un plus gênerai débit que ceux là par tous les
endroicts de l'Europe. Je pense qu'ils ne craignent si ce n'est que cela
soit contrefaict à Genève ou en Allemagne, pour eslre de trop grand
usaige partout. Mais leur édition ne laisroit pas pourtant d'estre bien
tost enlevée, et si ceux de Paris sont si delicatz de ne le pas vouloir en-
treprendre, il vaudroitbien mieux que M'' l'Abbé se resolust de le laisser
faire à ceux de Genève qui sçauront bien y trouver leur compte mieux^
que ceux de Paris. Je faicts responce au bon homme Jacques de Bié^
' Voir-sur les démarches faites plus lard • On conserve cette réponse, datée du
pour retenir Saumaise en France ]e fasci- 3i juillet iCSa. dans le registre II des mi- ^
cule des Correspondants de Peiresc qui est nutes de la bibliothèque de Carpentras,
consacré à cet érudit, n" V, 1882, p. 62. fol. 359 v°.
[1632] AUX FUÈIIKS DUPUY. 321
sur l'édition des portraicls au naturel de iioz Rois de France et ne
tiendra qu'à luy qu'il n'aye tout ce que j'en ay rccueilly, ne pensant
pas que d'aultres luy en puissent fournir d'assortiment comparable
au mien; mais il fauldroit qu'on prist la peine de les venir desseijjner
devant moy, aultreniont il seroit lorl malaisé do rien faire qui vaille, à
cause des advis que je puis donner au peintre pour sup|)léer aux man-
quements qui se trouvent souvent en telles pièces et pour ne rien faire
sans fondement de bonne authorité et qui ne soit bien conforme aux
divers usaiges selon la diversité des siècles, car je ne voudrois poinct,
s'il estoit possible, que des choses si fidelles et légitimes comme sont
toutes celles que j'ay mises ensemble fussent meslées indifféremment
avec celles que le dit de Bié a dcsja gravées, qui ne sont forgées que
depuis hier bien qu'elles ayent leur relalion à d'aultres siècles plus an-
ciens, et voudrois en toute façon une édition séparée de toute la suitte
des portraicts de noz Roys, selon que je les ay trouvez en lieux irrépro-
chables avec quelques unes des principalles médailles de leur temps, sauf
par aprez , s'ils en veullent tirer quelques pièces pour les mesler parmy
les leurs, de le faire, si bon leur semble, pourveu que j'aye une édition
à part oh il n'y ayt rien de supposé et qui ne soit examiné et advoiié
pour légitime. Vous le pourrez envoyer quérir et luy rendre ma lettre
chez vous alin que vous voyez si j'ay raivson ou si j'ay tort, pour me
conformer à ce que vous trouverez bon en cela comme en toute aullre
chose/Monsieur Mencstrier est encores céans' et n'attend plus rien de
sa malle que ce peu qu'il a recouvré selon la discrétion de deux des
voUeurs qui luy ont rendu ce que bon leur a semblé et rien plus.
N'ayant poinct esté possible de rien tirer des aultres qui avoient par-
ticipé au butin, bien que Monsieur le General des galleres en aye faict
mettre deux des principaux à la chesne, mais on n'a point eu d'acquest
à tout cela, elle pix est (jue lorsqu'ils firent leurs partages, pour se pré-
parer un prétexte d'ignorance concernant ce qui m'appartenoit <\ moy,
ayant trouvé quantité de lettres qui m'estoient adressées et qui accom-
' Gassendi parle ainsi (liv. IV, p. Sjlt) du sëjourà Belffenlier de Ménestricr: irUsusque
est jucundissima per aliquet hebdomadas consueludine Menelrii... »
11. il
uirii^ittit lurtoiALt.
322 LETTRES DE PEIRESC [1632]
pagnoieiit des boittes remplies de curiositez et des fagots de portraictures
et desseins de choses antiques, il y avoit mesmes des livres que in'en-
voyoient tant le cardinal Barberin que le cardinal Bagni, dont les ca-
chets firent un peu de peur à cez canailles, de sorte qu'ils se résolu-
rent de les jetter toutes dans la mer et m'ont privé par ce moven de la
consolation que j'eusse eue à voir les lettres de mes amis, mais de ce
qui est eschappé des mains de cez voleurs il y a encores quelques pièces
assez curieuses pour m'empescher de regretter la peine qu'il y a eue
pour en poursuivre le recouvrement, mon frère avant laict deux voyages
h ToHon pour ce subject. Le dict sieur Meneslrier faict estât de partir
le plus tost qu'il pourra pour aller passer chez luy, et de là jusques à
Paris, mais il craint bien de trouver des empeschements sur son chemin
avec ces trouppes en mouvementz qui fournissent de si beaux prétextes
aux larrons des bois, ce qui luy faict avoir un peu déplus patience de par
deçà pour donner loisir aux trouppes de Monsieur de se rendre auprez
de sa personne et par conséquent s'esloigner des grands chemins, par
où il présuppose de passer avec ce qu'il a peu sauver de .ses bardes.
Nous n'avons point de nouvelles de pardeçà sinon des bruicts que des
mariniers ont apportez à Tollon les uns du costé de Barcelonne, où ils
disent avoir eu quelque révolte ou émotion populaire pour laquelle
l'Infant et Cardinal se retira bien viste, les aultrcs du costé d'Italie, où
ils disent avoir appris que le cardinal Ludovisio ' estoit mort à Bou-
longne, qui seroit un beau coup de pied"^ au cardinal Barberin et à son
frère ^, car la seule charge de Vice Ghancellier vault quarante mil escus
de rente, ce qui augmenteroit bien les moyens du cardinal Barberin
pour donner des appointements aux gentsde lettres qui sont autour de
luy plus dignes de leur mérite qu'il n'avoit encores peu faire. Vous en
sçaurez des asseurances plus tost que nous. On a verifïié au Parlement
Louis Ludovisio, de Bolog'ne, neveu du dernes. C'est par ironie que Peiresc appelle
pape Grég-oire XV, archevêque de Bologne, coup de pied ce qui devait élre si avantageux
avait été nommé cardinal eni6gi. aux deux frères Barberi ni.
■ Cette expression figurée ne se retrouve ^ Le cardinal Antonio,
pas dans nos dictionnaires anciens ou mo-
[lG3i] AUX FRÈHES DUPUY. 323
les lettres patentes du pouvoir de M' de S' Chaumoiit' pour la char{{c
de Lieutenant gênerai en ceste province, dont la publication a esté
l'aicte fort solennellement par touttesles villes et sièges principaux du
ressort du Parlement, avec l'assistance des consuls des lieux vestus de
leurs chappcrons, ce qui n'est pas tant ordinaire en ce pais icy comme
ailleui-s. On a saisy et emprisonné à Aix l'un de ceux qui avoit esté aul-
trefois complice des sonnettes^ pour avoir tenu quelques discours inso-
lents sur les bruicts des approches de Monsieur en Langiledoc. 11 envoya
faire des compliments au Vice Légat d'Avignon par un des siens qui
disoit l'avoir laissé en Uouergue, ce qui consola fort tous ces Messieurs
d'Avignon , car ils pensoienl le voir desja à leurs portes et en avoient belle
peur, mais il les fit asseurer (pi'il les protegeroit fort soigneusement.
Monsieur le Maresclial de Victry s'est rendu à Tarascon pour cslre plus
prez de la frontière du lUiosne. Messieui-s d'Arles receurent une lettre
de Monsieur de Montmorency pour les advertir que Monseigneur venoit
en Languedoc et qu'ils missent bon ordre à la seureté de leur ville,
ce qui seroit grandement pour demantir les faux bruicts qu'on faisoil
courir comme si M'' de Montmorancy et tout le Languedoc s'estoient
desja desclaiez pour Monsieur, mais c'estoit des bourdes que l'on faict
communément débiter au change d'Avignon, sur quoy je finis priant
Dieu qu'il vous donne une bonne paix et qu'il vous tienne tous en sa
saincte garde, demeurant.
Monsieur,
vostre irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Pëiresc.
A Boysgency, ce dernier juillet i639.
J'envoye présentement l'exemplaire des Archevesques d'Arles pour
M'' du (ïliesne\ et à cause de la grosseur d'icelluy j'ay sursis pour cet
' Au XVII* siècle on (fcrivoit indistinc-
tement Saint -Chamoiid, Saint - Chamoni ,
Saint- Chaumont. 11 s'agit ici de Mcicliior
Mille, marquis de Soint-Cliamond, déjà
mentionne', tome I, Appendice, p. 87'!.
' r.'esl-à-dii-e des easeareou.r . dont il a Mi'
question plus bout.
' Pontijlcium Arelalense , sire hisloi-in Pri-
32/1 LETTRES DE PEIRESC [1632]
ordinaire de vous envoyer quelques exemplaires qui restent du petit
traicté de M'' INaudé', lesquels j'envoyeray par le prochain ordinaire.
Ils sont tous en blanc sans aulcune addresse pareille à celles des précé-
dent? exemplaires que vous avez receuz par les derniers ordinaires.
S'il se trouve là un exemplaire du livre in k° Adolplii Occonis numis-
matum a Ponipeio magno ad Heraclium Augustœ Vindelicorum 1601^,
je vous prie d'en faire mettre un exemplaire dans la balle, et quand bien
il seroit un peu frippé, il n'y auroit pas trop grand danger de le prendre
pour un curieux qui me le demande avec grande instance, lequel me
demande encore le Fulvius Ursinus de familiis Romanis in fol" de Rome
l'an 1577', et s'il s'en trouvoit quelques exemplaires à Paris quoy que
frippé, je serois bien ayse que vous l'eussiez prins pourveu que le prix
n'en soit point trop excessif et que me le voulussiez envoier par ce bal-
lot de M' Aubery, mais il fauldroit donner la charge d'en faire faire l'em-
ballage " à quelqu'un qui prinsse le soing de bien envelopper les livres
dans des maculatures et de les bien ranger dans la caisse afin qu'ils
ne se gastent. Car ceux qui vindrent dans la dernière caisse de M"" Au-
bery furent fort gastez à faulte que l'emballeur n'avoit pas bien remply
les vuides et avoit trop espargné les enveloppes et maculatures^.
malum Arelalensis Ecckxiœ ; auclore Petro 1601 , in-i°). Voir Gassendi , iiv. I, p. i5,
Saxio doclore iheologo canonico Arelateiisi a l'année 1600.^1
(Aix, Roize, 1639, in--'i°). Une pelile notice ' Vamiliœ iwnaïus qu<e reperiunlur in an-
surP. Saxi a paru, cetteannée (1888), dans liquis munismattbus ab urbe condila ad lem-
la Retuc de Marseille et de Provence. para divi Aiigusti, ex bibliotlieca Fiiki Ur-
' Le petit traité mentionné plus haut : sini, etc. (Rome, 1687, in-fol.). Voir ce
An magnum homini a vcnenis perictilam. que dit de ce travail , tant admiré de Joseph
* Je reproduis sur ce numismate une note Scaliger, M. Pierre de Nolhac ( La bibliothèque
du fascicule XI des Correapoiidaitts dePeiresc de Fulvio Ursini, Paris, 1887, grand in-S",
{Jean Tristan, sieur de Saint-Amant , p. 1 3 ) : p. i 3 ).
ttAdolphe Occo, né à Aug-sbourg en i5a4, * Littré ne cite aucun écrivain sous le mot
mort en 1 6oi , est l'auteur des Imperatorum emballage. Dans le Dictionnaire de Trévou.T ,
Romanorum numismata (Anvers, 1679, on cite, sous le même mot, une phrase des
in-4°). Peiresc s'était lié avec Occo au mo- Nouveaux mémoires sur la Chine da P.Louis
ment où ce médecin allait donner la seconde Le Comte,
édition de son grand ouvrage (Augsbourg, ^ Vol. 717, fol. i38.
[1632J
AUX FRKRKS DUPUY.
325
LXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PABLEMENT DE PARIS,
RÏIE DES POICTEVINS PHEZ SAI^T ANDR^ DES ARTZ, CHEZ H' DE TIIOC.
À PARIS.
Monsieur,
Je ne double point que le mérite et la vertu singulière de Monsieur
Menestrier ne soit notoire h vostre académie, mais je crois bien qu'elle
le sera beaucoup davanla|je maintenant qu'il s'y va faire cognoistre de
plus prez. Il m'a faict la laveur de vivre privement icy (|uant et nous
en cet hermitage durant trois sepmaines ou un mois, qui ne m'ont pas
dur('^ un dcmy jour, tant j'ay pris de plaisir aux relations qu'il m'a
faictes de ce qu'il a observe') de plus digne de remarque en son sesjour
à Rome qui est d'assez longues années pour y avoir veu quasi tout ce
qu'on sçauroit désirer d'y voir. Il est au reste d'un naturel si bontif, si
communicable et si obligeant qu'il se faict aymer par force de tous
ceux qui l'approchent et a ses curiositez jusques à un si hault poinct
qu'il ne s'en voit guieres de comparables à la sienne, ce qui me faict
juger qu'il trouvera dans vostre académie beaucoup de gcnls cjui en
feront l'eslimc qu'il fault et qui seront bien ayses de luy despartir leur
amitié, et principalement ceux de vostre maison auxquels je ne me
mettray pas en peine de le recommander de peur de faire tort aux uns
et aux qultres, mais je ne laisray pas pourtant de prendre grande part
à toutes les obligations que vous acquerrez sur luy, faisant la profession
que je faicts d'estre son serviteur comme je suis de toute mon affection,
Monsieur,
vostre trez liumble et trez obéissant serviteur,
DK Peirksc.
A Boys{jeiicy, se 4 nonst iC3a '.
Vol. 717, fol. i38.
n& LETTRES DE PEIRESC [1632]
un
À MONSIEUR, MONSIEIR DU PL Y,
À PARIS.
Monsieur,
A ce coup nous avons receu le pacquet de l'ordinaire si tard que
nous craignions qu'il n'eusse esté arresté par les chemins, mais en-
cores aurons nous le moyen de vous accuser la réception de vostre
despesche du 96'' du passé avec les advis et aullres pièces curieuses
dont je vous remercie trez humblement, ayant esté bien ayse d'ap-
prendre que les livres sauvés de naufrage ayent commancé de tomber
entre voz mains sains et sauves, vous envoyjant a]vec cesle despesche
tout ce qui m'en estoit demeuré avec un peu de griffonnement des
couppes d'argent antiques dont je vous avois cy devant parlé, bien
niarry que le peintre ne fusse plus capable de représenter sur le papier
ce qui est de leur vraye forme. Si M"" Fredeau me tient paroUe, il ne tar-
dera pas de nous venir voir et lors je vous en envoyeray un meilleur
dessein, Dieu aydant, ensemble du vase d'albastre. J'ay esté grandement
fasché d'entendre le mauvais estât de la santé de M"^ Saulmaize, espé-
rant que la jeunesse et le bon secours qui ne luy manque point le tire-
lont de ce mal quand bien il seroit plus grand, avec l'ayde de Dieu, le-
quel je prie fort instamment pour sa guerison et pour son salut. Je
defereray à M' Rigault tout ce qu'il luy plairra, niais je le prierois vo-
lontiers de m'apprendre quel estoit le nom des pendants d'oreille et
aultres pierreries qui se voient souvent aux ornements des figures an-
tiques, lesquels semblent véritablement une poire, mais elle est tournée
à rebours et suspendue par le gros bout, la pointe estant pendante en
bas; car si le nom d'Elenchus luy est incompatible comme veut M' Ri-
gault, il fallait qu'il y en eust ung aultre qui ne fusse pas moins en
usage que celluy d'Elenchus, estant véritable que la description qu'en
faict Pline est fort convenable à la figure d'une poire, mais il ne dict
pas qu'il fusse deffendu de les porter suspendues par le gros bout et de
[163>] AUX FRKRES DUPUY. 327
laisser pendre la pointe en bas, en laquelle posture ou situation semble
luy convenir beaucoup plus proprement l'Etymolo^pe qui signifie un
Index, mais je n'ay pourtant garde de le disputer contre cez Messieurs
(pii uie condampnent m'advouant indigne de leur deslier leurs
courroies. J'ay esté tout surpris de la nouvelle que vous me doimez
du voyage de M' Gassendy en ce pais icy', où il me tardera grande-
ment d'avoir le bien de le voir et de l'embrasser, vous remerciant du
soing que vous avez eu de mes lettres à cez peintres* et de l'advis du
parlement de la balle de M' Aubery qui présuppose la coste nette et
qui a faict resouldre M' le Prieur de Houmoulles de se mettre en
chemin tandis que sa santé et la liberté du commerce le luy peuvent
permettre. 11 se chargera de la caisse à l'acheminement et retar-
dement de la([uelle il y a tant de fatalité jusqnes i\ cette lienre. Nous
avons esté en grande ailarme des menaces (pi'on nous faict du passage
de Monsieur en cette province, mais grâces à Dieu Monsieur le Ma-
reschal de Victry a mis si bon ordi-e i\ toutes les advenues j)lus dan-
gereuses, qu'il semble que l'orage soit pour aller fondre d'un auUre
costé.
Nous avons bien sceu (jue M' de la Isayette vous a escripl sur ce
subject et croyons bien que cez nouvelles voileront en voz quartiers,
mais vous ne nous excuseriez pas pourtant si nous avions manqué de
vous faire part de tout ce que nous en avons peu apprendre, car en-
cores que vous les recepviez tard elles méritent pourtant d'estre leiies
et d'estre creues. Vous aurez par mesme moyen une petite relation de
Constantinople un peu dill'erante de la vostre et bien mal escriptc,
mais il n'y avoit pas de temps pour la faire mettre en meilleur carac-
tère, mais vous excuserez la simplicilé de celluy <pii l'a escriptc. J'at-
tends icy dans deux ou trois jours M' Lambert el luy escripts à ce soir,
ce qui ne sera pas sans luy faire les coniplimcnls de conjouissancc de
' Nous lisons dans la Vie de Pierre mois d'orlobre \p chemin do Provence. . . -^
Gassendi, par iJougerel (p. iii):ffGa8- ' Les [jcintres Goberl et Lt'jeuue dont il
sendi, depuis son retour de Hollande, n'é- a déjà été question plusieurs l'ois,
loil point sorti de Paris; mais il prit au
328 ■ LETTRES DE PEIRESC [1632]
sa venue de la part de M"' de Thou, attendant de les luy faire icy de
vive voix en' voyant les singularitez qu'il dict m'avoir apportées de ce
pais d'Egypte, entre lesquelles je suis Lien desja asseuré qu'il n'a pas
rencontré rien de comparable à un livre que j'ay recouvré ceste sep-
mainc du coslédu Levant qui a esté trouvé enfagotté avec une momie. Il
est du vray Papyrus antique et est tout escript en figures ou caractères
hyeroglifiques de la mesme forme que ceux qui se voyent gravez sur
les obélisques de Rome, tellement qu'il se peut affirmer sans regret
que [c'est] un livre pour le moins de deux mille ans, n'y ayant guieres
moins de temps que ces caractères ne sont plus en usaige, et possible
est il plus ancien d'aultres deux mille ans par delà. Mais je suis bien
fascbé de n'avoir point encores receu le Nouveau Testament Arabe que
l'on m'avoit faict espérer; pourveu que nous le recevions tost ou tard,
tousjours en fauldra il sçavoir bon gré à ceux qui s'en entremettent,
ausquels je n'avois pas manqué de recommander la diligence sur
toutes choses pour l'amour de cez Messieurs qui travaillent à la grande
bible. Sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce 8 aoust 1682.
Je vous supplie d'aggreer que je puisse asseurer icy Monsieur
de Thou de la continuation de ma fidélité et de ma dévotion à son
Vol. 717, fol. 189.
[1632]
AUX FRERES DUPUY.
329
LXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je viens de recepvoir vostre despesche du a* de ce mois assez à temps
pour vous respondre par cest ordinaire, et pour me conjouir avec vous
de la bonne nouvelle qu'il vous a pieu me donner de Testât asseuré de
la santé de M' Saulmaize, dont je craignois infiniment la maladie et le
danger auquel il estoit reduict, espérant que puisqu'il a escliappé d'une
si grande violence de mal, Dieu l'aura voulu préserver pour son plus
grand bien et pour celluy du public, et pour le contentement de ses
amis et serviteurs du nombre desquels je me tiens grandement honoré
qu'il m'ayt voulu advoiier. Je suis bien ayse que M' de la Mothe ave
receu son livre assez bien conditionné* pour en demeurer contant,
mais il eust esté encore mieux si j'eusse lors faict esprouver d'en réi-
térer à diverses fois la laveure, par le moyen de quoy mon rellieur a
enfin osté et faict perdre toute la puanteur qu'avoit longtemps gardée
un livre que m'avoit apporté le sieur Menestrier dans le mesme coffre
où estoit vostre fagot, ce qui luy pourra servir d'advis, au cas qu'il
voulusse faire rellier proprement le dict livre, J'ay veu les nouvelles
qu'il vous a pieu escripre à mon frère , dont je vous remercie par un
niillion de fois comme aussy de ce discours de bello raoscovitico que je
seray trez ayse de voir, comme chose dont nous ne pouvions guieres
avoir ouy parler, en revanche de quoy je ne vous sçaurois pas faire de
bien digne relation des mouvements qui se sont commancez en Lan-
guedoc au delà de nostre frontière du Rhosne. Je vous euvoyay par le
dernier ordinaire ce qui s'estoit passé à Beauquaire jusques au 6" de ce
mois entre la ville et le chasteau * et sur le sesjour que Monsieur avoif
' L'opuscule de Gabriel Naudé nieDlioniié château de Beaucnire , s'ëtait déclaré du
plus haut. parti de Monsieur et avait entrepris de s'em-
' Le baron de Peraut, gouverneur du parer de la ville qui tenait pour le roi.
II. lit
330 LETTRES DE PEIRESC [1632]
faict aux environs; vous verrez maintenant la suitte jusqucs au dixiesrae,
à quoy je ne puis rien adjouster si ce n'est qu'on a faict advancer quel-
ques trouppes tant du régiment de la Tour que de Vaillac non seule-
ment de ce costé là, et pour en mettre en garnison dans le chasteau
des Baulx^ (qui eusse servy d'une retraicte bien forte à ceux du party
contraire s'ils eussent peu le surprendre comme il eust esté difficile de
l'enipescher, sans le grand service que Monsieur le Maresclial de Vitry
a rendu au Roy de ce costé là^), mais aussy pour aller au fort de
Brescou^ à ce qu'on présuppose, en ayant veu embarquer bon nombre
sur des tartanes qui ont pris ceste routte et qui sont parties des isles
de Marseille jusques où on les avoit faict conduire par des galleres.
J'ay veu un honneste homme qui disoit avoir appris en Avignon que
ceux de Nismes s'estoient déclarés pour le Roy et avoient chassé leur
evesque comme suspect du contraire party* avec quelques aultres de
ses amis et que le mesme jour qu'ils feirent ceste action ils avoient receu
une despesche du Roy de Suéde pour les exhorter de demeurer dans la
fidélité et dans l'obéissance au Roy, dont il parle, ce disoit on, en termes
de si grand respect et de si grands éloges d'honneur qu'il ne se peult
rien voir d'esgal. Deux matelots de Sixfours* et par conséquent vas-
' Les Baux, commune des BoucUes-du-
Rhône, arrondissement d'Arles, canton de
Saint-Këmy. Sur le château des Baux et sur
les seigneurs de la terre de ce nom, voir
l'important travail de M. le docteur L. Bar-
thélémy : Inventaire chronologique et analy-
tique de la maison de BaK.c( Marseille, i88a,
grand in-8° de xxx-68o pages).
^ Voici comment le P. Grifiet {Histoire
du règne de Louis XIII, t. II, p. 287) ra-
conte , d'après les Mémoires du duc d'Orléans ,
ce que fit le mardchal de Vitry : ir Lorsqu'on
se disposoit à commencer l'attaque [de la
ville de Beaucaire] , on apperçut des troupes
qui passoient le Rhône ; c'étoit le corps de
4oo hommes que le maréchal de Vilri en-
voyoit au secours des habitants de Beau-
caire... Quelques jours après le maréchal
de Vitri arriva lui-même à Beaucaire avec
de nouvelles troupes. Il fit armer cinq grosses
barques jiour empêcher les ennemis d'abor-
der par le Rhône, et il assiégea le château
dans les formes ... 1
" S'agit-il là de la place de guerre actuel-
lement appelée Vllot de Brescou , dans la com-
mune d'Agde, à l'embouchure de l'Hérault?
* Claude de Saint-Bonnet de Toiras, qui
allait mourir quelques mois plus tard (3 1 dé-
cembre 1682 ).
^ Commune du département du Var, ar-
rondissement de Toulon, canton d'Ollioules,
à 5 kilomètres de cette ville, à 8 kilomètres
de Toulon.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 331
saux du comte de Morot ' en qualité d'abbé de S' Victor lez Marseille,
qui estoicnt allés en Laiijjiicdoc pour achepter du bled, s'en retour-
noient sans rien faire à cause de cez nouveaux troubles, mais ils ren-
contrèrent le comte de Moret, leur seigneur spirituel et temporel qui
battoit la campagne auprès d'Adgue*, lequel leur fit laisser leur bource,
quelque cognoissance qu'ils prétendissent debvoir estre entre eulx, sauf
de recouvrer leur remboursement des fermiers de son abbaye quand
ils pourroient. Mon frère est à Aix d'où il vous pourra faire part de plus
fraiscbes nouvelles s'il y en a. Quant à l'affaire dont Vernier vous a
escript et au sieur Cramoisy, je pense que je trouveray le mémoire
qu'il vous a pieu m'en envoier aultresfois, seulement vous puis je dire
pour ceste heure que sur un petit conterolle que tient mon homme de
mes lettres, il a trouvé que le U décembre 1628 je vous fis addresser
par la poste d'Aix un pacquet pour ce dict Vernier, dans lequel estoit
la responce d'un de son païs nommé Fontaine, et la commission que je
donnois au dict Vernier pour m'achepter quelques livres, dont il m'avoit
envoie le roolle taxé ; or ce fut par ceste despescbc là que je vous sup-
pliay de luy faire tenir ce pacquet par quelque libraire de voz amys qui
prinsse le soing non seulement de faire rendre les lettres, mais aussy
de luy faire payer la somme qu'il me demandoit lors pour l'achapt des
dicts livres de laquelle il ne me souvient pas bien precizement à cette
heure, mais elle estoit d'environ quinze ou seize escus sy je ne me
trompe, et me souviens fort bien que vous me respondistes que le sieur
Cramoisy s'estoit volontiers chargé de cette commission pour l'amour
de vous et depuis en m'envoyant un bordereau de l'argent que vous
aviez daigné employer pour moy, il me semble qu'il y avoit un article
concernant la partie que Cramoisy avoit faict payer pour moy à Nancy,
de quoy il se debvroit trover quelque chose sur les livres de ce temps
là, Toutesfois je m'en rapporteray lousjours à tout ce qui sera de la vé-
rité, et si par hazard il vous estoit demeuré quelque liasse de mes lettres
de ce temps là , possible y en trouveriez vous davantage de lumière , pour
' Voir sur Antoine de Bourbon, comte de Moret, le tome I , p. 289. — ' Sic pour \^.
332 LETTRES DE PEIRESC [1632]
vous remettre en mémoire ce qui se passa lors en ceste affaire; sinon
en m'en allant à Aix, comme je ne puis plus guieres tarder, je pense
que je retrouveray les liasses de voz lettres de ce temps là, qui vous
osteront de toute sorte de doubte. Cependant je vous supplie trez hum-
blement de m' excuser des importunitez que vous recevez non seulement
de ma part, mais aussy de plusieurs autres qui à ma considération vous
importunent à toutes heures, bien marry de ne vous pouvoir à ce coup
icy fournir aulcun meilleur entretien, ce qui me fera finir en priant
Dieu qu'il vous tienne en sa sainte garde et qu'il vous préserve trez
tous de cez grandes maladies, qui ont affligé ceste année tant de monde,
et des troubles, dont nous avons couru de si grosses fortunes de sentir
les premiers esclats, demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc,
A Boysgency, ce i5 aoust 1682 '.
LXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Les lettres de l'ordinaire de la sepmaine passée n'estant arrivées à
Aix qu'un jour et demy plus tard que de coustume à cause de certain
destour que le courrier fut contraint de prendre, ce dict on, cela fit que
je ne les peuz pas avoir à temps pour vous respondre par le dernier
ordinaire de mardy, par qui vous aurez, je m'asseure, receu un petit
mémoire de Tollon que je vous fis adresser, concernant la prise du
brigantin^ de Monsieur de Montmorancy et l'évasion de la plus part
de ceux qui estoient dessus, dont en a depuis esté arresté en divers
' Vol. 717, fol. lia. — ■ La forme hrigandin est dans Froissarl et la forme briguaiiUii
dans Amyot.
[tG32] AUX FRKRES DUPUY. 333
lieux jusques à cinq ou six, mais l'inlendant principal, qui estoit saisy
(les loltros et des pislolles, se sauva par de {;rands contours jusque»
à Bri{jnolle, oi^i il prit la poste, et au lieu de tirer en Lan{;uedoc où il
s'imagina bien qu'il auroit de la peine de passer par terre, il prit le
chemin de Nice, avec une telle diligence, qu'il y pouvoit eslre arrivé
devant qu'on eusse l'advis de sa routte pour le suyvre de ce costé là
comme on avoit faict de tous les aultres. Vous aurez sceu depuis la prise
du vicomte de l'Estrange dans le fort de Tournon, joignant Privas',
dont vous aurez neantmoins une petite relation cy jointe pour servir
au cas que vous n'eussiez pas sceu toutes les parlicularilez qui y sont
deduictes^. Je receus par aprez vos despeschcs tant du 9* que du 1 3" de
ce mois, accompagnées à vostre accoustumée de tout plein de curiositez
et d'une lettre du P. Sirmond, dont je vous remercie trez humblement,
ayant pris plaisir à voir les nouvelles dont il vous plaict me faire part,
et principalement celle de ceste belle et digne action de M"' Bignon
(dont nous attendrons la relation que vous nous faites espérer avec
grande impatience) et celle de la convalescence de M'' Saulmaize, dont
j'avois esté en extrême appréhension, croyant bien qu'il se tirera de
ceste petite ficbvre lente qui luy est demeurée, aussy facilement que je
fis de la mienne, puisque mes forces n'estoient pas comparables aux
' Michel LeYassoT {Histoire de Louis XIII ,
t. IV, p. i5o) p.irle ainsi du vicomte de Lcs-
Iraiige : irLe inaresclial de la Force allendoit
au Pont de Saint Esprit l'arrivée de toutes les
troupes qui lui étoient destinées. . . Il envoie
dans le Vivarez une partie de celles qui sont
auprès de lui, sous la conduite de La Roque
Massabaut, et ordonne à cet oUicicr de dis-
siper un n'giinent que le vicomte de Létrange
ramassoit. La Roque et ses subalternes,
ayttnt tenu conseil, et considéré l'état où
étoit le vicomte , résolurent de l'attaquer dans
un retranchement où lui et ses gens préten-
doient se défendre bravement. On se battit
de part et d'autre avec beaucoup de courage
et d'opiniAtrcté. Mais enfin I^trange fui
contraint à se rendre prisonnier de guerre.
Le voilà incontinent entre les mains de l'in-
tendant Machault, qui commence l'instruc-
tion d'un procès criminel. Elbeuf réclame
inutilement le vicomte de la part du duc d'Or-
léans. Il offre une rançon . . . Machault, qui a
les ordres de Richelieu, condamne Léirange
à la mort. Il fut décapité nu Pont de Saint-
Esprit ... 1 Voir sur le vicomte de I^strange
une note du Recveil Avenel (i. IV, p. .353).
' Le catalogue de la Bibliothè([ue na-
tionale ne contient l'indication d'aucune
pièce relative à Taffaire du vicomte île Les-
Irange.
334 LETTRES DE PEIRESG [1632]
siennes. Je vous suis trop obligé de la souvenance qu'il vous plaict avoir
de moy et de mes lettres et du soing que vous dictes vouloir prendre
de celles que je vous avois escriptes concernant les mesures antiques,
à quoy je n'adjousteray aultre chose pour le présent, si ce n'est que je
recouvray la sepmaine passée un petit escuelion de pierre fine, de celle
que les anciens appelloient Prasius et les modernes Presme d'Emeraude,
qui est fort haulte en couleur, lequel est de la juste mezure de la
cyane de ma pile antique, à sçavoir de la contenance de deux cuilliers
ne plus ne moins. Et en mesme temps en ay eu un aultre de Roche
d'Améthyste fort fine et fort belle en couleur, de la juste mezure du
double de l'aultre, laquelle mezure j'ay depuis recogneiie estre
marquée par une raye faicte exprez dans l'escuellon de ma pille an-
tique, qui peze le quadrans, lequel jusques à la dicte raye ne contient
que les quatre cuilliers ou la double cyane, mais en le remplissant
jusques à atteindre au hault de ses lèvres, il contient une cuillier de
plus qui fait la concha ou le demy cyathe. J'avois longtemps y a un
petit vase de bronze fort antique et fort conservé, faict en forme de la
teste d'un enfant, avec je ne sçay quel chapiteau par dessus, qui sert
de goulet au vase , et qui me faisoit juger qu'on eusse voulu représenter
la teste d'un Arpocrates. J'en ay depuis peu de jours recouvré ung aultre,
qui ne contient que la juste moitié du précèdent, et qui est faict en
forme d'une petite demye idole sur sa base, qui ressemble fort exacte-
ment au visage d'Antinous, le favorit d'Adrian, avec la mesme chevelure
qui se voit dans ses médailles, et des boucles de là et de çà, pour le
porter pendu, par une ance ou par une chaisnette, comme une situla
ou ung petit seau.
J'ay mesme un petit vase de terre antique tout noir à la mode,
comme je pense, de ceux de Thericles, sur lequel est peinte une teste
de je ne sçay quelle déesse, et je ne sçay s'il n'y avoit point eu quel-
que affectation de faire cez vases de la mezure d'un cyathe tout en-
tier soubs l'image d'une figure, d'une teste de deité comme les égyp-
tiens faisoient leur Dieu Canopus en forme d'un vase sans jambes ne
bras, et qu'ils eussent affecté aussy de faire un vase de la contenance
[1632] AUX FRÈRES DUPLY. 335
d'un demy cyathe soubs l'image d'un demy Dieu ou d'un Héros, tel
que ces peuples dateurs quallifioient et representoieut, dans leurs
temples cl dans leurs monnoyes, ce favorit d'Adrian, sur quoy je m'i-
magine que M"" Saulmaize aura encores à nous dire quelque galanterie
d'importance ', comme je seray bien ayse que vous luy fassiez sçavoir
sur le siibject des belles observations qu'il a faictes en ses exercita-
tions sur le Solin, concernant les Tables citrines des anciens, et les
citronniers, que j'ay recouvré cette année une espèce de citronnier
veniie des Indes (et comme l'on m'asseure de la Gocliincliine) ((ui
faict la feuille fort pareille aux autres citronniers, et seulement un
peu plus pointue, mais il faict la fleur double comme une petite
rose d'une odeur très excellente, et le fruict semblable à un citron, de
mesme couleur, et d'un goust fort approchant, mais plus suave et
comme musqué. Il est vray que sa graine ou semance n'est point dans
le mitan du corps du fruict comme aux aultres citrons ordinaires, ains
tout à la pointe d'icelluy, et quasi tout à faict séparée du fruict, à ce
que l'on m'a dict. Car je ne l'ay pas encores veu fructiffier, mais on
adjouste que sa racine a le bois tout damasquiné ou jaspé de si belles et
diflerentes veynes ou nerveures et de si vives couleurs qu'il n'y a point
de jaspe oriental plus agréablement madré, ce qu'il me tardera bien
de pouvoir veriflier. Mais ce pendant je vous puis bien asseurer que
tout le tronc de ma plante qui est au dessoubs des brandies portant
feuilles est ondoyé en son escorce horisontalement avec des ondes de
relief qui semblent serpenter tout à l'cntour du tronc les unes sur les
aultres et environner tout le dict tronc jusques dans la terre d'une façon
fort extraordinaire. Et ceste escorce s'est rougic depuis quelques mois
en çà quasi comme du corail, qui est chose si rare et si diflerente de
tous nos citronniers desquels je pense avoir ccans comme une ving-
taine d'espèces dilférentcs comme j'ay bien une douzaine de difle-
rentes espèces d'orangers, mais il n'y a rien d'approchant à ceste
plante là, ce qui me faict croire que ce doibt cslre un troisiesme
' Nous avons U-ouvd (t. I, p. 484) le mol galanterie employé dans le sens de présent.
Nous le trouvons ici employé dans le sens de communicalioii agréable, curieuse.
336 LETTRES DE PEIRESC [1632]
genre d'orangerie ou de citronnerie qui nous estoitsi incongneu jusques
à présent, qu'il ne fauldroit pas trouver estrange que ce fust celluy
d'oii se tiroient les tables citrines, aussy bien que cet aultre arbre du
Mont Atlas, qui avoitla feuille comme le Geniefvre ou le Cyprez, lequel
pouvoit bien fournir des tables madrées comme ce bois odorant qu'on
apporte des Indes dont. on faict des chappeletz assez beaux, mais je n'es-
timerois pas que ce peust estre celluy qui faisoit ces tables citrines si pre-
tieuses et dont on comparoit les nerveures à celles des coquilles de tor-
tues, lesquelles ne sembloient pas avoir de si vives couleurs de leur
naturel qu'elles ne se peussent rendre plus belles par le moyen de la
teinture et plus capables d'imiter la beauté du vray bois citrin , ce qui
méritera bien un peu de disquisition particulière de Monsieur Saul-
maise, lorsque sa santé luy en pourra permettre le divertissement et
l'entretien. Seulement ne veux je pas oublier de luy dire encores sur
le propos des orangers que nous avions de longue main une espèce
d'orangers, que l'on nomme pommes d'Adam, dont l'arbre est beaucoup
plus petit que les aultres de son naturel et n'a point d'espine, mais le
fruict est prodigieusement gros et quelquefois comparable à la grosseur
de la teste d'un jeune homme et de figure fort ronde, qui a l'escorce
espoisse quelques fois de deux doigts et d'une consistance quasi aussy
pleine d'eau que les pommes et trez agréable à manger, bien qu'il y
reste lant soit peu d'amertume; mais j'en ay receu un arbre ceste année
du costé de Rome de pareille nature et dont le fruict est en ovalle,
comme les citrons, et l'escorce encores meilleure, car il n'y reste aul-
cune sorte d'amertume. Et neantnioins la couleur de l'escorce exté-
rieure est tout à faict orangée et le jus de mesrae couleur et saveur
que les meilleures oranges, comme au contraire nous avons des citron-
niers qui font le fruict si parfaitement rond, qu'on les appelle balotins ',
' On trouve dans le Dictionnaire de Tré- des orangers communs, et dentelées tout à
voux cette définition , donnée d'après La l'entour, et par ses fruits ou ses oranges qui
Quintinie : trBalotin, espèce d'oranger, qui ressemblent presque à des citrons, c'est-à-dire
diffère des orangers ordinaires par ses feuilles (ju'elles sont grosses et longues. t>
qui sont plus grandes , plus larges que celles
[1632] AUX PRIERES DUPUY. 337
de sorte que les genres ou espèces d'orangers ou de citronniers ne se
peuvent pas distinguer par la seule rondeur ou longueur du fruict. Il y a
raesmes des oranges faictes eu forme de poire, comme plusieurs sortes
de citronniers. Mais j'abuse bien de vostre patience en vous entretenant
de ces badineries, dont je vous supplie trez humblement de me vou-
loir excuser. Et si je vous dis encore de plus, qu'il ne fault pas aller
en Perse pour trouver des orangers qui soient chargés de fruicts toute
l'année, car tous les nostres en ont tousjours ou peu ou prou, tant des
vieux que des nouveaux. Et lors qu'ils sont en fleur, l'odeur en est au
double plus grande et capable de se faire sentir de beaucoup plus loing
le soir et le matin, voire toute la uuict, que durant le jour, comme
la plus part des aultres fleurs odoriférantes, et particulièrement des
Jossemins d'Espagne, et des Josseoiins jaulnes des Indes et des Hya-
cinthes Tubéreuses. Mais il ne se trouve pas bien véritable que les oran-
gers soient beaucoup plus grandz ai'bres que les citronniers, d'aultant
que les citronniers montent beaucoup plus hault que les orangers, lors-
qu'ils sont plantez en mesme temps et de mesme aage, et ce qui les
faict sembler plus petits n'est que leur délicatesse, car craignant beau-
coup plus le froid que les orangers, ils meurent souvent jusques à fleur
de terre, lorsque les orangers ne perdent que les sommitez de leurs
branches, de sorte qu'il leur fault peu aprez recomniancer à former leur
arbre par divers rejettons qui par ce moyen font leurs branches plus
déliées à comparaison des troncs des orangers, dont ils ont bien tost
neantmoins ratteint la haulteur; mais quand ils sont plantez en lieux
advantageux où ils se peuvent bien deflendre du froid, ilz s'elevent le
double plus haut que les orangers, et quand ils se trouvent meslez dans
une spaliere' parmy des orangers, on a souvent la peine de leur couper
la teste, si on les veut entretenir dans la mesme haulteur des orangers,
ce que M' Saulmaize navoit pas creu, et s'il n'a veu ce qui se trouve
escript dans une relation du voyage de Scouten Hollandois^ (que le
' Nous avons déjà relevé (t. I, p. 65i) voir l'article d'Eyriès dans \aBioffraphie uni-
cette forme toute provençale. vemetle. Le géographe ncaddmicien donne
^ Sur Gautier Schouten, né. à Harlem, de grands éloges au Voyage aux Inde* oe-
II. &3
338
LETTRES DE PEIRESC
[1^32]
sieur T^vernier fit imprimer à Paris quand j'y estois^) conceraanl les
orangers et citronniers que cez Hollandois trouvèrent en la coste occi-
dentalle d'Afrique, au long de quelques ruisseaux où ils sembloient eslre
nez originellement et tous sauvages, sans apparence d'aulcune culture
humaine, ni d'aulcune fréquentation d'hommes, il sera possible bien
ayse d'en voir le passage et trouvera tant plus probable ce que les an-
ciens ont escript des pommes hesperides, puis que leur lieu natal estoit
si proche des colonnes d'Hercule et des isles fortunées.
Quant à M' Gassendy, j'auray de la peine de croire qu'il puisse
quitter Paris, que je ne sache qu'il en soit esloigné, d'aultant que
nous en sçaurions estre esloignez d'icy, tant j'estime fort les charmes
de l'Académie et la douceur de conversation de tant de galandz
hommes, avec la commodité de voir toute sorte de bons livres qu'on
sçauroit désirer, dont je faicts tant de cas que pour quelque intherest
que j'y peusse prétendre en mon iparticulier je n'ozerois meshuy
souhaitter qu'il vinsse perdre du temps de pardeçà, pour ressentir
les incommoditez d'un poisson hors de son élément'^. Je suis infiniment
ayse que vous n'avez point ouy parler du decedz de M' Spelmannus, ce
«qui me faict espérer que le bruict que j'en avois ouy sera faulx, comme
je le souhaitte. J'ay bien de l'obligation à Monsieur le Président de Mesiy
du souvenir et du soing qu'il a voulu avoir de ce vieux registre de
la chambre des comptes dans lequel je ne pense pas vous avoir escript
que j'eusse veu les statuts de l'ordre de l'escu d'or de la maison de
Bourbon', mais il m'cstoit demeuré une mesmoire confuse d'y avoir veu
tout plein de desseins concernant les devises du dict ordre et aultres
cidentales: «La relation de Schoulen, dit-il,
est une des plus curieuses que l'on puisse
lire; elle conlient despartieularilës précieuses
sur les pays que l'auteur a vus ... Le juge-
ment et la bonne foi du voyageur éclatent
dans ses re'cits et ses descriptions . . . i>
' Voir, sur les éditions du premier tiers
duxvii' siècle (1617, 1618, 1619, etc.), le
Manuel du libraire (t. V, col. aa i-aaa). Cf. ,
pour des éditions du même recueil au
xvHi'siècle , le même Manuel , t. IV, col. 1 1 70.
' Ce vif et spirituel éloge du Cabinet,
qui dit tout «n tjuelques lignes, méritera
d'être rappelé chaque fms que l'on s'occu-
pera des frères Dupuy.
' Cet ordre de chevalerie awiit été insti-
tué en janvier i-Syo par Ij«ms II, duc de
Boiirbon.
[1632]
AUX FRERES DUPUY.
339
appartenances d'iccUiiy qui nie l'aisoient juger qu'il y eusse quelque pièce
dans laquelle fusse faicte mention d'iceliuy. Car nous le vismes avec tant
de précipitation, et nous avoit on faict espérer de le nous faire revoir
une aultre fois avec tant de commodité que je n'en retins lors aulcune
mémoire. C'est pourquoy je m'en rapporteray volontiers à ce que vous
en peut avoir dict Monsieur du Cliesne qui a beaucoup meilleure mé-
moire que moy. Et si ainsy est il suffira de faire prendre coppie seule-
ment de deux ou trois de ces actes qui y sont de la maison de Bourbon
concernant le comté de Clermont, pour en apprendre les dattes et en
pouvoir faire le rapport et relation qu'elles peuvent avoir avec les des-
seins du dict ordre, desquels dicts desseins je voudrois bien e» pouvoir
faire coppier deux ou trois des principaulx avec les couleurs plus appro-
chantes que faire ce pourra de la vieille enlumineure de ce livre, dont
je payerois fort volontiers les fraiz et encore plus volontiers si M' Rabel *
en vouloit prendre la peine, comme il feroit possible de bon cœur, s'il
en estoit prié de ma part, soit par Quentin ou quelqu'un de voz gentz.
Je serois bien ayse d'avoir le bien de voir icy M"^ Barclay '\ mais je le
serois au centuple si M'' de Thou pouvoit faire ce que vous escripvez à
mon frère, sur quoy je finiray pour ce coup mes importunitez, atten-
dant si les lettres du prochain ordinaire pourroient parvenir assez à
' Daniel Ralwl, que l'on crort (lis du
peintre et graveur Joau Rabel ( Mariette , A be-
ccdario), fut lui aussi [leinlre et graveur et,
de plus, ingénieur du roi en Brie et Cham-
pagne; il mourut après i63o. Malherbe lui
adressa un sonnet intitulé:/! Babel, peintre,
sur un livre de Jleurs. Voir, à propos de ce
sonnet, une notice de M.Lud. Lalanne, dans
son édition des Œuvres complètes de Mal-
herbe (t. I, p. a 57), sur le livre de fleurs
manuscrit qui a été le sujet de In pièce de
Malherbe, livre conservé au cabinet des es-
tampes de la Bibliothèque nationale sous ce
titre : Fleurs peintes par liabel en i6ai (cent
planches, in-fol.). M. Lalanne s'était déjîi
occupé de Rabel et de sod beau recueil dans
la Correspondance littéraire du 1 o septembre
1860, p. A89. Aux renseignements donnés
par M. Lalanne j'ajouterai que l'abbé de
Marollcs, parlant des dessins de Daniel
Rabel {Mémoires, t. IFl, p. 395), dit qu'ifil
excelloit en ces choses-là ». Voir encore l'éloge
de ce peintre dans le même tome (p. 199),
et aussi dans le tome I (p. 64). Le registre I
des Minutes de Carpentras renferme plusieurs
lettres écrites par Peirese à Babel (d'Aix, ie
•i 1 mars , le U avril, le 1 s juin et le 1 8 juillet
i633,foL5/i3, 548et55i).
* Sur l'abbé Guillaume Barclay, voir
t. I,p. 87.
&3.
340 LETTRES DE PEIRESG [1632]
temps entre mes mains pour vous faire responce, sinon j'envoyeray
tousjours celle cy à l'advance par le premier ordinaire qui partira
d'Aix et demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
De Boysgency, ce 97 aoust 1682.
Les treize galleres d'Espagne estoient encore aux isles de Marseille
il n'y a que deux ou trois jours, y ayant esté détenues par les vents con-
traires qui ont régné toute la sepmaine'.
LXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je viens de recepvoir vos despesches du 16^ d'aoust encores à temps
pour vous remercier comme je faicts trez humblement des bonnes nou-
velles que vous me confirmez de la veniie de M"^ de Thou, que j'atten-
dray avec grande impatience et grande dévotion à l'eminence de ses
mérites , ayant esté infiniment ayse d'apprendre par mesme moyen que
M' Saulmaise reprenne ses forces, et qu'il en ayt desja eu assez pour
prendre l'air des champs, où il se remettra sans doubte bien plus tost
qu'à la ville. Je vous remercie encores des favorables exortations que '
vous avez faictes au sieur Bié, que je verray trez volontiers et pense
qu'il pourra fort bien faire tout ce qu'il fault pour cette entreprise, et
possible pour quelque aultre qui ne seroit pas moins curieuse, s'il avoit
le courage de s'y appliquer. Mais s'il vient il sera bien à propos qu'il
.apporte quant et luy tout ce qu'il aura peu ramasser en ceste matière
' Vol. 717, fol. 144.
AUX FRERES DUPUY.
341
[1632]
et particulièrement une pièce ou deux que le père Sirmond luy a faict
avoir, aGn que je voyc s'il y auroit rien qui me fusse eschappé ou qui
fusse préférable à ce que je pourrois avoir du niesme Prince, pour luy
donner ran{j dans ce recueil tel qu'il y pourroit escheoir/'vous avez
fort bien faict de faire prendre la partie de la lettre de crédit, pour
payer comptant voz marchanda libraires, et serois bien ayse que le
livre des familles d'Ursinus pousse venir avec les aultres; quand bien il
seroit un peu frippé, il ne laisroit pas de servir à celluy qui me le de-
mande. Je suis bien ayse que le Breviarium Canonum de Ferrandus
diaconus se puisse trouver dans le recueil des aultres collections de
canons, croyant que vous entendez celle d'Antonius Augustinus' que
je n'ay pas maintenant icy pour le veriffier, et pensois que ce feusse une
nouvelle édition faicte à Rome, des opuscules de cest autheur, conjoin-
tement avec son Bréviaire des Canons qui doibt manquer en cest exem-
plaire que vous avez trouvé à Paris, Ce neantmoins puis qu'il est de si
vieille édition, j'aymeray tousjours mieux avoir les epistres qui y sont
que la valleur de cinq ou six quarts d'escu qu'on vous en demande.
Mais pour l'Alcoran il faudra attendre qu'il s'en puisse trouver à prix
toUerable, estant pour un amy à qui je voudrois bien en pouvoir faire
passer l'envie, car pour moy je m'en passeray fort facilement de l'hu-
meur dont je suis à présent, et dans ces infirmitez qui me laissent si
peu de temps, pour de meilleures et plus agréables estudes que ne
pourroient estre celles là. Sur quoy je finiray par mes actions de grâces
des nouvelles dont il vous plaist nous faire si bonne part et de la con-
tinuation de tant de bons oHices que vous accumulez journellement sur
nous, estant de tout mon cœur, et à Monsieur vostre frère et à vous,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
De Boysgency, le ag aoust lôSa.
' Antoine Aufriistin nm{uit h Sarngossc en
i5i6, devint archevêque de Torragone en
1674 et mourut en i586. Voir, sur les ou-
vrages de ce jurisconsulte et notamment sur
la collection dont parle Peiresc, l'article An-
ijustinusdn Manuel du libraire ( U I , col. 567).
342 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Je vous envoyé une petite lettre d'un père chartreux de noz voysins
que je vous prie de faire tenir à M' Scarron*.
LXVt
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je receuz vostre despesche du 20* trop tard d'un jour pour y pou-
voir respondre par nostre dernier ordinaire et me trouve maintenant
si embarassé à desmesnager pour me pouvoir trouver à Aix à la venue
de ma niepce de Rians que je ne sçaurois escripre à cez Messieurs de
par de là par cest ordinaire/ïlt particulièrement au sieur de Bié, de /
qui j'attendray de voir les feuilles et espreuves ou desseins que vous
avez faict mettre dans la balle de mon frère. Ce pendant j'ay prins
plaisir de voir le dessein qu'il a faict graver de l'effigie du Roy Jean , et
la préface de son livre ^, et vous prie de me mander de qui en est le
style, ayant quelque regret de ce que le bon homme de Bié a changé
d'advis, ce que je n'impute pas à deffault de bonne volonté de son
costé, ains à quelqu'un de ceux auxquels il en peut avoir demandé
conseil, qui n'ont pas esté portez de si bonne volonté en mon endroict,
comme vous aultres, Messieurs, et ceux qui se trouvèrent en vostre
Accademie, lorsqu'il vous avoit tesmoigné la première resolution de s'en
venir, dans laquelle il eusse possible trouvé plus d'avantage qu'il ne pen-
soit pour sa santé principalement. Car s'il se fust mis lors en chemin ,
il pouvoit arriver encores à temps pour aller aux bains de Digne où il
ne va guieres de Paralitiques qui n'y laissent leurs crosses, et qui n'y
recouvrent la fonction de leurs membres engourdis^, et s'il a trouvé de
' Sur le conseiller au parlement de Paris Les vrais portraits des rois de France, etc.
Paul Scarron , voir 1. 1 , p. 8ag. — Vol. 717, ' Cet éloge des eaux de Digne aurait pu
fol. i48. servir d'épigraphe à l'intéressant petit vo-
^ On a déjà vu que ce livre est intitulé : lume intitulé : Étude historiqve sur les bains
[1632] AUX FfiÈaES DUPUY. 343
railef;eHîcnt au changemont de l'air des PaLslws pourcelluy de Paris,
il eusl IroiiVié al tiré sans double (beaucoup plus de beiieiice de l'air de
ce pais icy que de celluy de Paris ])our sa paralysie, quand mesiue il
n'auroil pas voulu prendre l'usaige des bains, mais on voit quasi ordi-
oairement que ceux qui sont malheureux l'uyent toutes ieurs Jbonnes
fortunes. Il me demande des desseins ou des empreintes que je ne luy
reffuserois pas si je pensois qu'il en peusse tirer ce qu'il fault, mais je
vous puis asseurer que tout ce qu'il en pourroit faire sans mes instruc-
tions seroit fort peu de chose au prix de ce ([u'il feroit aj)roz mes ad-
vertissements sur ce subject, lesquels seroient trop longs à mettre par
escript et trop difficilles à exprimer. Je l'ayderay pourtant de ce que je
pourray juger luy estre plus nécessaire s'il me ifaict voir toutes ses es-
t /preuves^'attendray impatiemment l'advis de M' Bigauit suf lies Elenahi ,
et me resjouis infiniment qu'il ne teste plus à M'Sauhuaise que Jaifoi-
blesse de laquelle j'estime qu'il se tirera bientost avec l'ayde de Dieu.
vous remerciant trez humblement de la peine qu'il vous n pieu prendre
pour les livres que vous m'avez envoyez, l>ien marry de ne pouvoir
fournir l'Ursinus de faniiliis à ce bon homme qui me l'a^foit demandé
avec tant de passion, à qui j'eusse donné le mieii de :bon cœ^r, sans
tout plein d'apostilles que j'ay faictes aultrofois de ma oEnain, en at-
tendant d'en recouvrer un aultre plus à loisir.
Pour des nouvelles de deçà , je ne vous scaurois rien mander à ce coup
du costé du Languedoc, espérant que mon frère y suppléera s'il en a
rien appris qui en vaille la peine. Seulement vous diray je que sur un
commandement arrivé devant hier au soir à Tollon de la part du Roy
les galleres furent mises en estât de pouvoir s'en retourner à Marseille
dez hier au grand regret et desplaisir de la pluspart des capitaines et
encores plus grand des habitantz de Tollon, par ce que cez galleres en-
noblissent fort ce port quand elles y sont. On faict le procez à un parti-
culier habitant tle Solliers ' nommé Valerent j)our avoir donné un guide
thermaux de Digne, par M. Jules Ariioux, ' Aiijourd'liui Solliès-Pont, cher-liea de
inspecleurd'Acadt'miehDroguignan (Digne, canton de rarrondisseiiieiit de Toulon, à
1 88 C , in-i 6). 1 5 kilomètres de cette ville , sur le Gapeau.
344 LETTRES DE PEIRESC [1632]
à l'un des gentz qui s'estoient sauvez de ce Brigantin de M"" de Mont-
morancy. L'on mit en prison deux jours y a l'un des chefs des sonnettes,
sur l'advis qu'on eut qu'il estoit venu en une grange à deux ou trois
lieues d'Aix dans laquelle on l'envoya prendre, lequel pourra bien payer
pour les aultres qui firent tant les fols cez années dernières, sur quoy
je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
De Boysgency, ce 3 septembre i632.
J'oubliois de vous dire que Quentin m'a escript sur la proposition
que vous luy avez faicle de ma part. Et s'il vous vient voir, vous luy
pourrez dire que mon intention n'a jamais esté de le tirer d'avec son
maistre puis qu'il en a un dont il a subject de se contenter; que ce
n'estoit que sur ce que vous m'aviez mandé qu'il sembloit qu'il sentisse
quelque nécessité, que je luy avois faict offrir de le reprendre à mon
service s'il estoit en ceste volonté de quitter Paris, comme ne pouvant
pas souffrir patiemment qu'il y demeurast avec nécessité ou incommo-
dité. Mais puis qu'il a bon maistre, je ne trouverois nullement bon qu'il
le quistast et luy conseille de s'y tenir avec la patience requise'.
LXVII
À MOIVSIEUR, MONSIEUR DUPUY,
À PARIS.
Monsieur,
Enfin l'on m'a arraché du sesjour des champs pour revenir à la ville
où je n'ay peu me rendre que depuis vendredy dernier. J'allay descendre
chez Mons"" le Premier Président, où je receuz un si bon accueil et de
' Vol. 717, fol. lig.
11632] AUX FUGUES DUPUY. 345
Madame la Première Présidente que je ju{jeois bien qu'il ne se pou-
voit imputer qu'à vostre favorable intercession et aux bons oflices que
vous avez daigne me rendre auprcz de l'un et de l'autre, dont je vous
remercie par un million de fois et dont je vous seray à jamais rede-
vable. J'ay depuis eu l'honneur de le voir chez luy, où il me demanda
incontinant si vous ne m'aviez point envoyé l'action de M' Bignon au
dernier lict de justice que tint le Roy'. Je luy dis que vous ne m'aviez
envoyé que celle de M' le Garde des Sceaux '^ laquelle je luy ay baillée
avec celle du Hoy de Suéde, n'estimant pas qu'il soit facile de vaincre
l'excez de la modestie de M' Bignon jusques à la pouvoir tirer de ses
mains, si ce n'est que la compagnie aye voulu qu'elle fusse couchée
sur le registre, auquel cas je croy bien que vous ia pourrez facillement
recouvrer pour contenter la curiosité de Mons' le Premier Président
dont je seray bien aise de me pouvoir prévaloir. Il me dict qu'il pensoit
que M'' de Pontcarré auroitbien ce crédit sur M"' Bignon, ce que je desi-
rerois grandement pour ma consolation particulière. Il a faict aujour-
d'huy une œuvre de grande supererogation ^ ayant daigné prendre la
peine de me venir voir céans, dont j'ay esté bien honteux et bien surpris
d'aultant que ce n'est [)as la coutume de par deçà que les premiers
presidentz visitent les simples conseilliers. C'est pourquoy, m'ayant dict
qu'il le vouloit faire, je l'avois supplié le plus instamment que j'avois
peu de s'en abstenir, tant pour éviter que d'autres ne le voulussent tirer
à conséquence que pour me descharger d'envie et de jalousie, mais il
n'y a pas eu de moyen d'arresler le cours de son honnesteté.
J'ay recou par le dernier ordinaire les cahiers de l'histoire de Guines*
' Sur l'avocat général Jéi-ôme Bignon,
voir l. 1, Appendice, p. 769.
^ Michel (le Mariliac, qui allait être dis-
gracié, moins do deux mois plus lard, le
1 a novembre , c'cst-h-dire le lendemain de
la fameux journée (les dupes.
' On trouve la forme .tiiperérogation dans
Calvin, dans Montaigne. Littré ajoute h
ces deux exemples l'observation suivante :
<r Balzac, disait, comme au xn' siècle, su-
pererogation. «Ce sont bien, à vrai dire,
rfdes œuvres de .supererogation.'»
' Chef-lieu de canton du Fas-de-Calais ,
arrondissement de Boulogne, à 3i kilomè-
tres de cette ville. La Bibliothèque historique
de la France mentionne un petit recueil im-
primé (Le Traité, extrait par Eslienne Prt-
vosl, touehanl.. . les comté» et villes de Calai*
346 LETTRES DE PEIRESG [1632]
avec voz bons advis accoustumez et receu, estant à iMarseilie, vostre
despesche précédente du 3o d'aoust avec les advis de la prise de Maes-
trich' et de la réduction de Trêves"^ avec ces belles harangues dont
je vous remercie trez humblement et de tant de bonnes curiositez dont
il vous plaist de me faire part. Je fus grandement aise d'apprendre
l'arrivée de M'' d'Aubray de par delà en si bonne disposition et en si
bonne posture, parmy les affaires courans, dont je loue Dieu et le prie de
tout mon cœur de le vouloir faire prospérer tousjours de bien en mieux.
J'ay inespereriient rencontre ung exemplaire du livre des families
de Fulvius Ursinus, de sorte que si n'en avez trouvé à vendre depuis
vos dernières despesches, il ne nous en sera pas de besoing de vous en
mettre en peine.
Je vous envoie des vers qu'on a imprimez icy faulte de meilleure
matière pour avoir de quoy grossir tant soit peu le pacquet dont je fais
l'adresse à M' de Lomenie, parce qu'ils sont plus honnorables à cez
messieurs là plus ils sont gros. Mais nous n'avons pas de besoing que
vous nous mesuriez à leur aulne, car on nous les faict payer icy à cinq
sols l'once, comme si ce n'estoient que des lettres missives. C'est pour-
quoy quand vous aurez des petits livres capables de grossir un peu trop
le pacquet, il fauldroit essayer de les mettre en un pacquet à part et
faire cotter par dessus que ce ne sont que des livres et faire essayer à
la poste si l'on se voudroit contenter de la taxe proportionnée à la
el de Guisnes , Chartres, i658, m- 8°), et
un ouvrage manuscrit de Lambert d'Ardres
[Lmnherii Ardensis opéra , xuper Gkisnensium
hisloriam, etc.).
' On lit dans YArl de vérifier les dates
{Chronologie historique de la Hollande, t. XIV,
1819, p. 47^): (T Frédéric-Henri de Nassau,
poursuivant ses conquêtes, vint mettre le
siège, en 1689 , devant Maëstricht, dont les
Espagnols avaient considérablement aug-
menté les fortifications, depuis qu'en 1619
ils avaient repris cette place. Tout concou-
rut à rendre ce siège mémorable. Les braves
de diverses nations se rendirent au camp du
Stathouder, pour se former aux armes. Les
Espagnols envoyèrent de leur côté trois ar-
mées au secours des assiégés. Mais la valeur
et l'habileté de Frédéric-Henri triomphèrent
lie la résistance qu'on lui opposa ; et Maës-
tricht lui ouvrit ses portes, le 32 août, après
deux mois et douze jours de siège, n
' Le maréchal d'Estrées obligea la ville de
Trêves, le -jo août, a se rendre par capitula-
tion, et h congédier la garnison espagnole
(Art de vérifier les dates, Chronologie historié
des atvhevêques de Trêves, t. XV, p. 3 18).
[1632] AUX FRERES DUPUY. 847
mode d'Italie, où c'est que si bien une simple lettre d'une feuille en-
tière doiht par exemple cinq sols pour le port, on ne faict pourtant pas
payer plus de cinq sols de l'once du pacquet de lettres. Et les faj^ots
de livres, boittes, rouleaux de tableaux et aultres cboses de plus gros
volume que les lettres, ne payent pas plus pour une livre pezanl que
pour une once de lettres, mais on les met à part sans les mesler avec
les lettres, pour ne les faire marcher que lorsque les malles des cour-
riers sont moins remplies. Je voudrois bien qu'on eust estably ce règle-
ment là.
.le ne vous escripts poinct des nouvelles, m'en remettant à ce que
mon frère vous mande, qui est tout ce que nous en avions peu apprendre
ce jourd'huy. On vient pourtant de me dire que la Rovne est partye
d'Avignon pour suyvre le Hoy que l'on veult estre desja advancé au delà
de Montpellier, que l'on raze le château de Beaucaire et que Bagnolz
doibt estre démantelée Madame la mareschalle de Victry s'en revient du
coslé d'Apt et de S'" Anne'\ et je demeure grandement mortiffié que le
Roy passe si viste et que je sois frustré de l'espérance que j'avois conceue
de revoir Monsieur de Thou, qui estoit la plus forte considération qui
m'avoit faict quitter les champs pour m'en approcher de plus prez,
mais je voys bien qu'il ne m'y fault pas attendre de ce coup cy et j'ay
trop peu de force et de vigueur pour pouvoir courir aprez comme
j'eusse faict trez volontiers.
J'ay desja receu les livres que vous avez faict mettre avec la vaisselle
d'argent, qui sont tous arrivez fort bien conditionnez excepté ce petit
volume de la nouvelle édition des poèmes de Gaspar Barleus* qui s'est,
trouvé non seulement mouillé, mais quasy pourry, bien qu'il l'eusse en-
fermé dans la cassette de la vaisselle et que par conséquent il deusse
estre mieux conservé que tous les aultres.
* 11 s'agit là de la cliapelle souterraine de
Sainte-Anne, laquelle a été classa parmi les
monuments historiques.
^ Gasparis Barim Poematum edilùt nwa ,
priore castigatior et altéra parte auctior
(Leyde, Elzevier, «63i, petit in-ia).
' Voir, sur Beaucaire et Bagnols . diverse
lettres du cardinal de Richelieu au mar(^chal
de la Force, du mois de septembre iCSa
( Recueil Avettel, t. IV, j). 3.53-3Gi) et une
lettre du i o du même mois au marchai de
Schomberg(p. 358).
348 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Eii passant par Aubagne, M' l'Evesque de Marseille me fit voir
un recueil qu'il a de tous ces petitz volumes de Repub[liquesj d'El-
zevir, oiî jetrouvay quatre volumes des livres Anseatiques ^ et plusieurs
aultres que je n'ay point euz. Il faudra à vostre commodité que vous
fassiez transcrire par Quantin le roolle de tout l'assortiment qui s'en
peut avoir, affin que je puisse demander ceux qui me manqueront.
Cependant je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ao" septembre i63a.
Je suis encore si embarassé des visites de la ville actives et passives
que j'ay eu prou de peine de desrober le temps pour vous escrire et
faudra la nécessité que je remette au prochain ordinaire ce que j'ay à
respondre à cez aultres Messieurs. Si Monsieur Gassendy est encores là ,
comme je le croy, vous luy pourrez dire que M"' le Prieur de la Val-
lette, me venant voir aujourd'huy, m'a voulu asseurer qu'il estoit arrivé
à Digne, ce que je n'ay pas voulu croire, estimant qu'il y avoit de l'équi-
voque en la nouvelle qu'on luy en avoit donnée^.
' De Rébus publicis Haiiseaticis J. Aug.
Werdenhagcn, Leyde, J. Marie, t6.3i,
k vol. in-2 4. M. A. Willems a bien voulu
me faire observer que Peiresc nomme impro-
prement, comme bien d'autres après lui.
Républiques des Elzevier, un recueil auquel
ces imprimeurs ont donné non la totalité,
mais la plupart des pièces connues sous le
nom de Petites républiques.
' Vol. 717, fol. 1 08.
[1632]
AUX FRERES DUPLY.
349
LXVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du i3* par le dernier ordinaire et vous
rends trez hunibies grâces des bons advis dont il vous plaist me faire
part et du seing que vous daignez prendre des livres que je vous avois
demandez, lesquels j'espère de recepvoiraujourd'iiuy ou demain, car on
m'escript de Lyon que les balotz avoient esté consignez à des mulletiers
de Marseille dez le 18" de ce mois. Je suis bien ayse que l'entretien que
vous ont fourny mes dernières lettres ne vous aye pas esté dezagreable
et me tardera bien d'entendre que M' Sauimaise soit en estât de les voir
et de dire son advis sur les propositions y contenues, oij j'aurois bien à
adjouster de bonnes choses que j'ay descouvertes depuis mon arrivée
en ccste ville, à la première entrée que je fis dans mon estude, concer-
nant les mesures antiques et des moindres subdivisions qui s'en trou-
vent au dessoubs de la cuillier, en quoy ma pille antique esfoit deffec-
tueuse, car j'y ay trouvé une pièce que je n'avois jamais bien congnue,
laquelle m'a fourny toutes les dictes subdivisions depuis la Cyane ou
double cuillier, jusques A une vingt quatriesme portion de la simple
cuillier, comprenant des mezures de la cuillier entière, de sa moiclié, et
de son quart, pour respondre aux proportions du sextans, de l'once,
de la demye once, du siciliens et du scrupule ou vingt quatriesme partie
de l'once. Avec quoy se peut suppléer bien exactement tout ce qu'il y
avoit d'imperfection ou de deffectuosité en l'assortiment de ma pile, et
y ay mesme trouvé grand nombre d'aultres pièces séparées, propor-
tionnées à celles là, qui m'ont fourny les mesmes assortimentz. Et
de plus, une pièce qui manquoil en celluy là , et qui respond à la hui-
tiesme portion de la cuillier, et par conséquent à la dragme ou huitiesme
portion de l'once, qui n'estoit, comme je pense, en usage qu'entre les
Grecs, puis qu'elle se trouve obmise dans l'assortiment des mesures
350 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Romaines. H n'y aura point de danger d'en faire voir le dénombrement
au dict sieur Saulmaize conjoinctement avec celluy des aultres pièces
de ma pille mentionnées en mes premières lettres sur ceste matière, s'il
ne les a pas encores veiies, car possible ne sera il pas marry d'en con-
sidérer la suitte tout d'un coup. Et si je pouvois rencontrer un peu de
relasche, maintenant que je suis plus prez de mes livres, j'en dresserois
volontiers une petite relation plus exacte et un peu mieux arraisonnée
ou authorisée de ce qui s'en trouve dans les anciens de plus exprez ou
plus convenable. Je vous asseure que depuis mon arrivée j'ay esté
surchargé de tant de compliments actifs ou passifs tant de la ville que
de la maison où nous avons maintenant -les plus proches parents de
ma niepce de Rians, que je n'ay encores sceu trouver une heure en-
tière pour estre dans mon estude, dont je reçois plus de mortification
que quand j'en estois esloigné de dix ou douze lieues. J'avois envie
aussy d'escripre à cez Messieurs et particulièrement à M' Rigault con-
cernant ces Elenques, mais à peine auray je assez de temps pour vous
respondre à voz dernières , à mon trez grand regret.
En escripvant ceste lettre, lesballotz sont arrivez fort bien condition-
nez; c'est pourquoy je vous en doibs de nouveaux remerciements trez
humbles et trez affectueux et seray bien ayse d'avoir ce codex canonum
vêtus Ecclesite Moguntinae, s'il se peult rencontrer. Quant au volume de
la maison de Rourbon\ il fault que je vous demande pardon de l'équi-
voque que j'y avois faicte, et que je demeure obligé à M' du Chesne
de ce qu'il luy a pieu m'en fournir sur le crédit de sa mémoire, dont
il a esté mieux secondé que moy. Pour M'" Gassendy, ses amis m'avoient
voulu faire accroire en arrivant icy qu'il estoit à Digne, et le conseiller
Gaultier^ avoit dict qu'il avoit receu à Riez une lettre de sa part par
homme exprez, mais je jugeai bien incontinant qu'il avoit pris Marte
pour Regnard^ et croiray tousjours qu'il reculera son partement de
' Le volume mentionné plus haut, h ' Littré cite, au sujet de cette expression
propos (le l'ordre de l'Écu d'or. figurée , le Menteur de Corneille et les Fa-
' Le neveu du prieur de la Valette déjà céties de Voltaire,
mentionné plus haut.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 351
Paris plustost que de l'anticiper. On me vient de montrer une lettre de
Montpellier du 2/1" portant que les liostages y estoient desja arrivez de
la part de Monsieur pour la seureté du voyage que M' de Bullion alloit
l'aire vers luy, pour l'amener au Roy '. On m'a voulu asseurer depuis que
Monsieur de Bullion s'y estoit acheminé, et que le Roy avoit accordé
à Monsieur de pouvoir comprendre Messieurs d'Elbeul et de Bellegarde
à la grâce que Sa Majesté luy a octroyée, et que pour M' de Montmo-
rency, bien que le Roy ne l'y aye point voulu comprendre, il avoit neant-
moins fait espérer qu'il ne le refuseroit pas à M' le Cardinal de Richelieu
(jui en debvoit faire instance à Sa Majesté pour l'amour de Monsieur
aprez son retour à la Cour^, et finalement que Monsieur le marquis
de Brezé estoit Mareschal de France ^ et gouverneur du hault Languedoc
depuis Thoulouse jusques à Narbonne, Monsieur le comte de Schom-
berg du bas Languedoc depuis Narbonne jusques à Beaucaire* et Mon-
sieur de Ventadour^ du Vivarez et du reste jusques à Lyon, la grâce
de Monsieur de Montmorancy ne regardant que la vie et les biens, mais je
n'ay point veu encore d'asseurancede toutes cez nouvelles. On nous dict
que noz estatz seront mandez au 1 5" à Tarascon où Messieurs de Léon
et de la Poterie comme commissaires feront l'ouverture et les proposi-
' Voir dans le Recueil Avenel (t. IV,
p. 365) le fraffment d'une lettre écrife h Ri-
chelieu, le 99 septembre, par Bullion, qui
était alors à Béziers en mission auprès du
duc d'Orldans. Voir [ibid., p. Sya-SSo) un
important document du a 3 septembre iG3a:
Copie de l'accommodement de Monsieur avec
le Roy, fait à Béliers par M. de Bullion et
(p. 38i-383) uu Mémoire particulier pour
M. de Bullion sur r accommodement deMonsieur.
* Richelieu fit, au contraire, tout ce qu'il
put pour itexciler la colère du roi contre le
duc de Montmorency » , ainsi que s'exprime
le judicieux éditeur Aa Lettres, instruction»
diplomatiques etpapiers d'l'Jtat(i. IV, p. 355).
Le mémoire publié Ih (p. 355-35()) est un
véritable acte d'accusation où le cardinal,
comme ie remarque M. Avenel , insiste sur
le mal et omet complètement le bien.
^ Le bruit de In nomination avait précédé
de (quelques semaines In nomination même.
Le martjuis ne fut élevé à la dignité de ma-
réchal que le 28 octobre.
' M. Avenel rappelle (t. IV, p. 366) qoe
Schomberg, successeur du duc de Montmo-
rency dans le gouvernement du l^nguetloc,
jouit peu de temps de In dépouille du déca-
pité de Toulouse, car il fut frappé d'apo-
plexie, 5 Bordeaux, quelques semaines pins
tard (17 novembre).
' Charles de Levis, marquis d'Annonay.
puis duc de Ventadour, pair de Fiance par
la cession de son frère aîné ( voir l, l,p. 595).
mourut le 19 mai 1669.
352 LETTRES DE PEIRESC [1632]
tions de ia part du Roy, et que ceux du Languedoc se tiendront à Nar-
bonne pour ne pas tant retarder le passage du Roy. Nous avons icy le
père General des Jacopins^ qui avoit envoyé une ordonnance de sus-
pension du Prieur du couvent Royal de S' Maximin et l'avoit faicte si-
gniffier sans prendre l'annexe du Parlement contre les ordres de ia
province, mais il en a esté interjette appel comme d'abbus qui a esté
renvoyé aprez l'ouverture du Parlement. Et cependant la chambre des
vacations a faict deffences au Prieur de s'abstenir de la fonction de sa
charge; on est maintenant aprez à chercher des expedientz pour ac-
commoder ceste affaire, oii vous aurez en son temps toutes ces proced-
dures, et je demeureray.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 27 septembre 1689'.
LXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Plus je m'advance dans le sesjour de la ville, tant plus se multiplient
les occupations et divertissements inesvitables, par des rencontres ino-
pinées et par des occasions d'employ dont je me serois bien passé, et
dont tous aultres se seroient, je m'asseure, mieux acquittez que moy,
et ce qui m'en t'eusse demeuré de bon eust esté la jouissance d'une
tranquillité d'esprit qu'on ne sçauroit trouver dans la ville, et le moyen
' C'était, comme on le voit dans la lettre pour gouverner tout l'ordre en qualité
suivante, Nicolas Ridolfi, né vers 1576 à de vicaire général; il fut élu général en
Florence; il entra dans l'ordre de Saint- 1699. Voir sur ses visites en Italie et en
Dominique vers iSga, fut nommé maître France l'article Ridolji du Dictionnaire de
du sacré palais par Grégoire XV en 1632, Moréri.
et Urbain VRI le choisit, à la fin de 1628, ' Vol. 717, fol. iSa.
|163'2] AUX FRERKS DUPUY. 353
de fournir plus de correspondance à mes amis, dont je me vois esloi-
{jner la commodité d'une sepmaine à auUre, non sans un extrême des-
plaisir ; j'y ay trouvé neantmoins un advantage que je nesçaurois assez
priser, (]ui est d'avoir ouy l'action de Monsieur nostre Premier Prési-
dent à l'ouverture du Parlement, où il ravit tout le monde avec une
éloquence, une majesté et une eflicace ' qui luy a conquis irrévocable-
ment les coeurs, non seulement de toute l'assistance, mais de toute la
ville et de toute la Provence, où les relations en ont esté receiies jusques
aux lieux les plus esloignez, avec des applaudissementz et bénédictions
qu'on ne sçaaroit exprimer. Car on ne pense point avoir acijuis rien de
moins qu'un second Monsieur du Vair et vous puis asseurer que si bien
il y avoit de la différence de sa façon de parler à celle de Monsieur le
garde des sceaux du Vair, c'estoit neantmoins avec tant de grâce et avec
des discours et conceptions si nobles, si sérieuses et si bien appropriées
au subject qu'il luy falloit traicter, qu'il ne se pouvoit rien voir ny ouyr
de mieux, et si feu M'' du Vair eusse peu estre des auditeurs, je suis
tout asseuré qu'il auroit redoublé au centuple toute la bonne opinion
que je sçay qu'il avoit conceûe d'un si digne personnage et qu'il en
auroit adoré le mérite aussy bien que la probité qui a desja paru en
iuy sur diverses occurrences bien importantes. Je ne plains que de le
voir confiné en un si chetif pais que le nostre et si mal secondé comme
il est pour estre nostre pauvre compagiiie quasi toute cbangée et réduite
à une ou deux barbes blanches tant seulement. J'espère bien que
l'exemple de sa bonne vie pourra beaucoup ayder à former celle de
plusieurs des jeunes, d'aultant qu'ilz en pourront retenir sur le modelle
de la sienne, mais il y faudra bien du temps et de la patience, et les
défectuosité/ de l'humeur de nostre nation ne nous y peuvent pas laisser
prendre toute la part qui y seroit à désirer. Je n'ay pas encores ozé me
donner la hardiesse de luy demander coppie de sa harangue, et y feray
bien grand scrupule, jusques îi ce que j'aye peu rencontrer quelque
' Voir sur le mot efficace, employé' alors pour efficacité, une note des Letiret de Jean
Chapelain [i. I, p. \ih).
II. 65
354 LETTRES DE PEIRESC [1632]
bonne occasion de le servir qui me puisse faire prendre plus confidem-
ment la liberté qu'il m'a daigné offrir chez luy, mais si vous la luy
vouliez demander je m'asseure qu'il ne voudroitpas vous en avoir es-
conduit, quelque répugnance que sa modestie y peusse former, et y
trouverez sans doubte bien de quoy loiier et admirer en la tissure d'un
si bel ouvrage enricliy de si belles recherches et oii l'artifice est telle-
ment desguisé et dans une si grande naifveté et douceur qu'il ne semble
pas qu'il se peusse tenir de discours plus familièrement quoy qu'il
soit le plus sérieux, le mieux elabouré et le plus énergique ou plus
fort en suasion' qui se puisse voir pour son subject, dont je ne doubte
point que pour le moins vous ne le veuilliez féliciter.
Le père Nicolas Ridolfi, General des Jacobins, à qui l'on donna
place dans le tambourg'\ en demeura grandement satisfaict, et si bien
ediffié comme tout le reste de la compagnie qu'il ne se pouvoit lasser
de le magniffier^, et de dire qu'aprez avoir ouy ceste action, les plus
belles prédications avoient perdu la plus part de leur advantage., et de
faict il n'y eut jamais de moyen de le faire prescher bien qu'il en eust
auparavant laissé quelque sorte d'espérance. Il est party ce jourd'huy
nonobstant la pluye, pour s'en aller travailler à la reformation du cou-
vent de S'^ Maximin , fort satisfaict des arretz que nostre compagnie luy
a fourniz pour en faciliter l'exécution, aprez estre demeurée récipro-
quement fort satisfaicte de luy, car ayant luy apprins qu'au préjudice
des ordres et coustumes de ceste province (oii toute sorte de lettres et
provisions tant ecclésiastiques comme royalles se présentent à la cour
* Sous te mot suasion, Littrd, après avoir
cité IN . Oresme pour le xiv" siècle et Montaigne
pour le xvi% ne cite, pour le xvii% que Cor-
neille {Mélite).
' Nos anciens dictionnaires , qui mention-
nent le tambour trque l'on voit aux églises n,
n'ont pas mentionné le tambour des palais de
justice.
^ Vieux mot, dit le Dictionnaire de Tré-
votuc, (rqui signifioit exalter, élever la gran-
deur. Vaugelas regrettoit fort la perte d'un
si beau mot, d'autant plus que nous n'en
avons point d'autre qui ait la même force et
la même signification. C'est pour cela qu'il
souhaitoit qu'on s'en servît toujours dans les
grands ouvrages. L'Académie l'admet... n
J'ajoute que l'Académie l'admet encore dans
la dernière éditiondeson Dicd'oHHaiVe (i 878).
Voii' sur ce mot les Lettres de Jean Chape-
lain, t. II, p. 3o6.
[1632]
AUX FRERES DUPUY.
355
pour en avoir riinncxc ou parealis de quelque part qu'elles viennent
hors de nostre province) et au préjudice de quelques privilèges parti-
culiers on avoit fait signifïior au prieur de S' Maximin certaine ordon-
nance; de suspension do la part du chapitre de la congrégation relorinée
de 8' Louis par luy confirmée et auctorisée sans en prendre la permis-
sion de la cour, il révoqua incontinant toute la procédure et en donna
un acte par escript signé de luy et scellé de son seau portant revocation
de la dicte suspension, et mandement au Prieur d'aller continuer sa
charge en attendant son arrivée sur les lieux , de quoy je vous envoyeray
une coppie par le prochain ordinaire, Dieu aydant, ensemble des ar-
rêts intervenu/ sur ce suhject et sur une aultre contention entre les
Minimes, qui seront possible de vostre goust et de M"" vostre frère. Geste
négociation m'a obligé de le voir quelquefois et de le gouverner avec un
grand plaisir, car il ne se voit guieres de pei-sonnes de sa profession
dont la conversation soit si douice et si polie; aussy tient on que le
Pape ayant recongneu son mérite l'a mis au nombre de ceux qu'il tient
in scrinio pectoHs pour cardinaulx^ Vous n'aurez pas de moy pour ce
coup d'aultres nouvelles que cela, car pour celles de la cour vous les
avez quasi aussy tost que nous et beaucoup plus certaines; seulement
vous envoieray je un petit extraict tiré partie d'une lettre de M' de la
Fayette, et partie d'une de M' de Thou qui nous avoit laissé quelque
espérance de le revoir; mais si le Roy est party de Montpellier depuis
samedy comme l'on dict ^, j'ay grand peur que le temps qu'il pouvoit
avoir destiné à ceste courvée ne luy soit desja eschappé, et le mal est
qu'il me parloit si incertainement de sa routte en cas qu'il vint de par
deçà, monstrant désire irrésolu s'il viendi-oit par Arles ou par Avi-
gnon, qu'il nous a osté le moyen d'aller au devant de luy comme nous
' Non seulement Nicolas Ridolfi ne devint
pas cardinal , mais encore il fut disgracié en
iG/ii et ne fut rdtabli dans le gdn(5ralnt
qu'on 16/19. Il mourut le t5 mai de cette
môme année, plus qu'octogénaire.
' Louis Xlll n'avait pas quitté Montpel-
lier au moment où Peiresc s'exprimait ainsi,
car Richelieu, la veille, écrivait au marquis
de Sourdis (t. IV, p. 887): <rSo Majesté par-
tira dans peu de jours jiour aller à Toioseel
h Bordeaux.» Le roi était déjh à Béziers
le 8 octobre ; il en partit le 1 â et arriva le
aa à Toulouse.
i5.
356 LETTRES DE PEIRESC [1632]
eussions tasché de faire, non seulement mon frère de Valiavez, mais moy
encores, si j'eusse peu.
Il me reste de vous accuser la réception par le dernier ordinaire de
vostre despesche du 20'' du passé, et de vous remercier comme je faictz
trez affectueusement des nouvelles de la prise de Limbourg', de la bonne
santé de M' de Saulmaize, et de l'amendement de celle du bon Monsieur
Haultin, dont je me conjouis de tout mon coeur tant envers luy et en-
vers M' Rigault qu'envers vous et toute l'Académie, car certainement
c'est un trez digne personnage et dont la vertu meriteroit d'estre mieux
recongneûe. Je tascheray de faire effort, Dieu aydant, ceste sepmaine,
pour me desbarasser de ce qui me reste de complimentz et affaires du
Pallais plus pressantes, afin de prendre un jour, s'il est possible, pour
moy, ou plustost pour mes amis, envers lesquels je me trouve en ar-
reirage à mon trez grand regret. Cependant je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 4 octobre 1682.
J'oubliois de vous dire que non seulement M' le Premier Président,
mais Madame la Première Présidente m'ont voulu festoier plusieurs
fois dans leur maison, où ils m'ont fait si bonne chère, et avec de si
obligeantes caresses et tesmoignages d'honneur et d'affection , que j'en
suis tout confus de honte, ne le pouvant attribuer à aultre chose qu'<^
l'honneur que vous nous daignez faire de nous advoiier pour voz servi-
teurs mon frère et moy. C'est pourquoy je ne vous en doibs pas de
moindres remerciements qu'à eulx, auxquels je voudrois bien pouvoir
joindre des effectz de mon humble service, conformes à mon debvoir
et à mes voeux ^.
' Linibourg, ancienne capitale du duché de ce nom, à 97 kilomètres de Liège. —
' Vol. 717, fol. i54.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 357
LXX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Enfin Monsieur de Tliou a pris la peine de venir voir ses serviteurs
et s'est laissé gouverner et servir céans trois ou quatre jours, durant
lesquels il a passé quelques séances dans ma petite estude, avec tesmoi-
gna{;e de plus de satisfaction <|ue ne pouvoit mériter un si chetif en-
tretien et une si mauvoise chcre que la nostre. Il arriva mercrcdy au
soir, fort mal traitté de la pluye, dont je fus bien mortiffié, et en partit
hier aprez disner pour aller coucher à Ourgon', où mon frère lalla ac-
compagner, faisant dessein de le suyvre jusques à Vaulcluze ^ et jusques
à Orange, oii je serois allé aussy volontiers que luy si j'eusse eu assez de
forces pour cela. Il s'altendoit de recevoir des lettres de chez vous par
nostre dernier ordinaire. Mais en deffaultdes siennes, il printfort i\ gré
le supplément de celles que vous aviez daigné nous escripre, ce qui
augmente d'aultant plus l'obligation que nous vous en debvons avoir. H
fut bien ayse d'apprendre l'entière guerison de M"^ Saulmaise aussy bien
que moy, mais ce ne fut pas sans niortilTication quand nous vismes qu'il
estoit si prest à partir pour abbandonner ce Royaulme au grand op-
probre de ceux qui avoient droict de le retenir.
Je loiie Dieu de la reconvalescence ' de M' Haultin et luy souhaitte
toute la meilleure santé que peut mériter une si grande vertu que la
sienne. J'ay receu la lettre du sieur de Bié avec les portraicts de Charles
cinquiesrae et de Charles septiesme, dont je le remercie bien fort, marry
de ne luy pouvoir respondi-e encores de cest ordinaire et me trouvant
bien empesché du choix de ce qui luy pourroit estre duysable pour son
livre qu'il dict vouloir achever entre cy et le printemps, auquel temps
' C'est Orgon que nous avons dé]k trouve avait élé un des innombrables visiteurs de la
plus haut (lettre XXXII ). fontaine de Vaucluse?
' Savait-on (jue François-Auguste de Thou ^ Nos diclionnaii-es ne donnent pas ce mot.
358 LETTRES DE PEIUESG [1632]
il parle de nous venir voir ^vec M'' Duval, où ils seront les trez bien
j venuz quand il leur plairra,' Au reste M' le Prieur de Roumoules se ré-
solut enfin de partir ce jour d'hier trois ou quatre heures aprez le des-
part de M"^ de Thou. Il s'est chargé de la caisse des Pentateuques Sama-
ritains et aultres livres ni[anu]s[crit]s dont vous aviez ouy parler cy
devant, lesquels je fis desballer pour en faire voir quelques uns à Mon-
sieur de Thou qui avoit tesmoigné le désirer. Mais ils en ont esté beau-
coup mieux empacquettez celte seconde fois. 11 y avoit pour M"^ de Saul-
maise ce petit registre du Roy de Cypre et un Suétone ni[anu]s[crit]
de lettre bien moderne, mais duquel feu M"^ de Gasaubon avoit aultrefois
tesmoigné de faire grand cas. C'est pourquoy je m'imaginois que M"" de
Saulmaise y trouveroit possible à glaner quelque chose de bon comme
il avoit faict aultrefois à un aultrc m[anu]s(crit] du mesme autheur de
la bibliothèque de M' de Roissi' qui esloit passé par les mains du
mesme Gasaubon presque inutilement. Si M'' de Saulmaise est party, il
fauidra les luy envoyer en Hollande. H y aura pour M"" du Ghesne un
assez vieil formulaire m[anu]s[crit] de la chancellerie de Rome où il
trouvera quelque chose de ses cardinaulx de France et aultres choses qui
seront possible encores plus de son goust. Et si M'' du Puy vostre frère
se donnoit la patience de le parcourir, peut estre y reucontreroit-il en-
cores quelque chosette de son goust. Il y a encores un gros cahier
couvert de parchemin que l'on m'a preste d'Avignon , où sont les der-
' Henri de Mesmes, seigneur de Roissi et
de Malassise , ne' le 3o janvier 1 53 1 , niounit
le i" août iSgô. M. L. Delisle, traçant dans
Le Cabinet des manuscrits (t. I, p. 397-407)
riiistoire de la bibliothèque n qui était restée
dans la famille de Mesmes pendant près de
deux cents ans», dit (p. SgS) : trC'est h
Henri de Mesmes que revient la meilleure
part dans la fondation de la bibliothèque qui
nous occupe. La Croix du Maine, Denys
Lambin et Jean Passerat ont vanté la ri-
chesse de sa collection de manuscrits et le
noble usage qu'il en faisait. Il était heureux
quand il pouvait prévenir les désirs d'un sa-
vant. Ainsi il envoyait h Joseph Scaliger les
volumes dont ce grand critique pouvait avoir
besoin , et il ne lui laissait pas même la peine
d'en demander communication, n L'Inguim-
bcrtine possède (registre LXXIX) une des-
cription des objets antiques et des manu-
scrits remarqués par Peiresc dans le cabinet
de M. de Roissi, en 1612. Ce dernier (Jean-
Jacques) e'tait le fils de Henri de Mesmes; il
fut conseiller au parlement, maître des re-
quêtes, conseiller d'État; il mourut le 3o oc-
tobre i64a.
[1632] AUX FRERES DUPUY. 359
nieres confinnalions des traités d'entre ceux de la relligion P. R. et les
subjocts du comté Venayssin, ou les ministres du Pape. Il lauldra exa-
miner s'il s'y trouvera rien ;\ adjoustor dans les recueilz de M'de Lome-
nie. Par le prociiain ordinaire, Dieu aydant, je vous envoieray le rooHe
de tout le contenu de la dicte caisse, où vous aurez aussy pour vostre
curiosité les staluls de la Valteline que l'on m'a envoyez d'Italie, sur nn
vieil mémoire que j'y avois envoyé fort longtemps y a, à vostre sugges-
tion ^ Je suis un peu las maintenant, c'est pourquoy vous m'excuserez si
je ne vous escrips pas de nouvelles pourceste lois m'en remettant à mon
frère. Monsieur de Thou avoit faict dessein de vous escripre fort am-
plement, mais il fut diverty à aultres occupations inopinées et me chargea
de vous faire tenir le mémoire cy joint que luy avoit donné M' de la
Fayette et de le vous recommander de sa part. S'il eust difleré de partir
jusques à ce jourd'huy aprez disner, il eusse peu voir à ce matin une
trez belle playdoyerie pour le procureur gênerai du Roy par M"" l'ad-
vocat du Perier ^ qui a faict des merveilles, où je m'asseure qu'il auroit
prins grand plaisii'. Mais nostrc pauvre Provence ne meritoit pas tant
d'honneur et d'avantage qu'il y eust eu pour elle.
Nous avons eu icy un Gesuitte allemand nommé le P. Balthazard
Kyrner', de ceux qui furent chassez de Wûrtzbourg lors de la prise
qu'en fit le Roy de Suéde*. Il dict avoir veu dans la bibliothèque de
l'Electeur de Mayence un ra[anu]s[crit] arabe concernant la manière
d'interpréter et déchiffrer les lettres hieroglyfiques des obélisques
d'/Egipte, dont il dict avoir extraict de Irez bonnes choses, à la vi>r-
' Le registre LIV do la collection Pei-
i%8C, dans la bibliothèque de Carpentrus
(in-fol. de 6(}5 feuillels), est rempli de do-
cuinents rclotiPs aux affaires des Suisses et
notamment h la Valteline. L'analyse de ces
docnnioiils occupe les pag-es 3a^-33'j <lu
torae U du Catalogue publié parC.-G.-A. Lam-
bert.
* Cet avocat était Scipion <ln Périer, aé h
Aix, en i588, mort en juillet 1067. C'était
le fils de François du Périer, l'ami de Mal-
herbe.
' Dans Kyrner nous devons reconnaître
Baltbazar Kilzner, qui enseigna longtemps
la philosophie b Wûrtzbourg et mourut le
3 juin iC'io. Voir Hibliollièque îles écrivains
(le la Compagnie de Jésus , t, 11 , col. .'16G.
' Ce fut en i63i que GusInve^Adolphe
s'empara de la ville de Wnrtzbonrg.
360 LETTRES DE PEIRESC [1632]
sion desquelles il travaille, ce que j'estimerois bien si cela nous pouvoit
donner lumière de choses si incogneues ^ J'oubliois de vous dire que
dans la caisse des manuscriptz j'ay mis le gros volume des opuscules de
Gallien que j'avois en Hébreu, afin que celluy qui en faict l'édition
grecque ^ voye s'il en pourroit tirer quelque chose des pièces dont le
texte Grec est perdu ou la version latine; sur quoy je finis en me re-
commandant de tout mon coeur en l'honneur de voz bonnes grâces et
de toute l'Académie, que nous avons salluée et adorée, en la personne
de Monsieur de Thou, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 1 1 octobre i63q '.
LXXI
A MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du i 2"= et me sens infiniment redevable
à vostre honnesteté pour le bon accueil qu'il vous a pieu faire à M' Me-
nestrier, dont je prends une bonne partie sur mon compte, bien que je
ne doubte point que vous ne l'eussiez faict tout aussy volontiers à la
seule considération de ses mei'ites, luy estant acquis comme je suis de
longue main et intéressé en tous ses advantages; si jamais j'avois des
moyens de vous servir en revanche, je le ferois du meilleur de mon
coeur, pour l'amour de luy aussy tost que pour quelque aultre oc-
casion que ce puisse estre. Nous attendrons en bonne dévotion la venue
' Le P. Kitzner ne publia point la version qui préparait l'édition grecque de Galien
h laquelle il travaillait au moment oià Peiresc était Jean Tarin,
fil sa connaissance. ^ Vol. 717, foi. 1 56.
' Nous avons vu plus haut que le savant
I
[1632] AUX FRF:RES DUPUY. 361
de iM' Gassendy et par conséquent les livres dont il luy a pieu se charger
chez vous, mais particulièrement ceste version du livre de S' Augustin
de opère monachoruni ' si tant est que vous en ayez peu avoir un
exemplaire. Le P. Morin ne pourra plus guieres tarder de voir tous
mes livres Samaritains, que le sieur Prieur de Roumoules vous doibt
remettre en main à son arrivée de par delà, avec tout plain d'aultres
pièces, dont je vous pensois envoyer l'inventaire par cest ordinaire,
mais s'estant confondu par mesgarde dans mes papiers, il faudra at-
tendre l'ordinaire prochain; aussy bien ay je esté si embarassé ceste
sepmaine par la réception de mon nepveu de Rians en ma charge',
que je n'ay pas eu le moyen d'escripre comme je doibtz tant au dict
l\. P. Morin qu'à M' le Jay ; cependant si la chose presse tant, toiisjours
leur pourrez vous bailler tous les livres qu'il leur plaira de voir et les
asseurer par advance de mon affection toute entière et de mon humble
service, estant bien marry de n'avoir encores peu recevoir du Levant
les Epistres de S' Paul et l'Apocalipse en arabe qu'on m'a faict espérer
plus d'un an y a, mais je viens de recevoir des lettres du 8* septembre
de celluy qui m'a faict recouvrer la plus part de mes livres Samaritains,
qui enfin est retourné sur les lieux et qui ne cessera qu'il n'en tire pied
ou aisle, et ne crois pas qu'il ne revienne sans mapporter quelque bon
livre m[anu]s[cril] tant des Grecs que des langues orientales. Et sur
ceste bonne espérance je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 95 octobre i632\
' il s'agit là (lu livre ([iii porte le tnii-
k'sinie de i633 et est intitulé : i'. Au-
gustin et de l'ouvrage des moines, ensemble
quelques pièces de S. Thomas et de S. Boiia-
venture sur le même .sujet , traduit par Cornus ,
cvéque de Belley (Rouen, in-8°).
' On s.iit que l'eiresc, a l'occasion du
mariage de sua neveu, lui avait fait dona-
tion de la charge de conseiller au 'parlement
d'Aix. sous la réserve d^n jouir encore pen-
dant trois ans.
' Vol. 717, fol. i58.
A6
362 IJ-ITTRES DE PEIRESC [1632]
LXXII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'avois espéré de faire une grande despesche par cest ordinaire et de
me prévaloir pour cest effect de la commodité de trois ou quatre fe-
riatz pour pouvoir escriprc au R, P. Morin, à M' le Jay, à M' Victray, à
M' du Chesne et à M"" Saulmaize sur le subject des livres que je vous
ay addressez pour eulx et encore à d'aultres, mais l'exercice trop grand
que j'avois esté contraint de faire pour les compliments nécessaires à la
réception de mon nepveu , me firent (sic) descendre quelques pierres des
reins qui m'ont bien travaillé de la colique rénale depuis 4 ou 5 jours.
Enfin je me suis accouché à ce matin d'une pierre de la grosseur d'un
demy pignon ^ et si Dieu vouloit que celle la feust seulle, je serois
bien heureux. C'a esté assez à temps pour pouvoir aller faire un tour à
l'Eglise, un si bon jour que celluy cy, mais au retour j'ay eu des me-
naces qui ne m'ont pas laissé en estât de pouvoir travailler d'aujour-
d'huy à mon grand regret, de sorte qu'il faudra différer de nécessité
au prochain ordinaire l'acquittement de cez petitz debvoirs. Cependant
je vous accuseray la réception de vostre despesche du 1 8 octobre avec
ces deux pièces que j'ay grandement estimées, dont l'une estoit veniie
jusques à nous par grand hazard, mais tronquée de plusieurs articles
bien importants comme vous pourrez voir par la coppie que je vous
envoyé, où vous trouverez de plus qu'en la vostre une datte et l'expres-
sion de certaines signatures qui n'y sont pas inutiles. Vous aurez par
mesme moyen quelques petits extraictz que j'ay faict tirer du Parle-
ment, qui ne seront possible pas esloignez de la curiosité et des re-
cherches tant de M' vostre frère que de M' de Lomenie, si tant est que
les précédentes ne leur ayent pas desagréé.
C'est-à-dire du fruit du pin, fruit contenu dans ce que l'on appelle pomme de pin.
[Ifi32] AUX FRÈRES DUPUY. 363
Nous n'avons rien icy de nouveau pour le présent, si ce n'est que
M' le Mareschal ' est maintenant k Tarascon, ayant achevé la commis-
sion (In Languedoc pour certains Ediclz addressez à la Cour des aydes
et Chambre des comptes à Montpellier; on l'attend icy dans deux ou
trois jours, pour aller faire son entrée à Marseille en qualité de Gou-
verneur, et puis tenir les Estatz, sur quoy je finiray demeurant selon
mes plus anciens voeux,
Monsieur,
vostre irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce i" novembre lôSa.
Je vous supplie de faire rendre en main propre le pacquet de M' le
Procureur du Soûl pour ce qu'il nous importe et celluy de M' Hobin '.
Lxxm
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
k PARIS.
Monsieur,
Nous eustnes avant hier vostre despesche avec la relation de
Tresfes', que j'ay esté bien ayse de voir avec cez aultres galanteries
dont je vous remercie trez humblement et sur tout de la bonne part
qu'il vous a pieu nous faire des nouvelles de M' de Thon et de sa fa-
vorable réception, tant auprez de M' le Prince* que de Messieurs du
Parlement de Dijon qui sont bien plus capables de luy rendre ce qui
luy appartient que noz rudes esprits de Provence, où je le regretlerois
' Le maréchal de Vilry. ' Sur le s»^jour k Dijon de Henri de
' Vol. 717, fol. 169. Bourbon, prince deCondé, pendant la tes-
' La relalion de la capitulation de la ville sion des Ktals, voir {'Histoire des prineeê de
de Trêves (du ao août i63a), capitulation Condé par M. ledned'Aumale, t. III, p. «55
déjà mentionnée un peu plus haut. q6o.
&6.
364 LETTRES DE PEIRESG [1632]
bien aultant pour l'amour de luy comme nous aurions de subjecl de
nous tenir bien heureux s'il se vouloit daigner d'y venir faire quelque
residance, n'estimant pas que ce qu'il vous en peult avoir mandé
puisse provenir d'aulcun subject qu'il aye eu de le désirer, aprez avoir
recogneu les vices et infirmitez de la nation, ains plus tost de l'eniinente
bonté de son naturel et de sa surabondante courtoisie et honnesteté,
qui nous veult obliger par ce tesmoignage au delà de tout ce que nous
pouvions espérer.
Nostre homme de Rome n'est point encores arrivé et n'avons point
encores d'advis qu'il en soit party, ouy bien qu'il faisoit estât de partir
au commancement d'octobre, mais je crains qu'il ne veuille attendre la
commodité du retour des tartanes de Martigue ', lesquelles vont porter
à Rome du vin de la saison présente, et lesquelles par conséquent ne
peuvent partir de ce pais pour entreprendre ce voyage là, que les vins
ne soient en estât d'estre transportez, mais je crois bien que pour le
plus tard il pourroit maintenant partir de Rome, et faire son passage
dans peu de jours avec les favorables Levantz qui régnent ; si tost
qu'il sera arrivé, je feray prendre le Laertius in fol"^ pour l'envoyer à
M' Gassendy selon vostre ordre, lequel m'escriptde Lyon son arrivée là
du 27 du passé, et qu'il pensoit estre bien tost à Digne. J'ay prins plaisir
de voir ce qu'il vous plaist me mander de M''Saulmaise et du Tertullian
de M' Rigault comme aussy de la bonne volonté de M"^ Duval et du sieur
Bié, ausquelz je suis bien empesché de donner la satisfaction de si
loing, mais je vous suis grandement redevable des faveurs qu'il vous a
pieu de faire à M"^ Menestrier qui tesmoigne vous avoir des infinies obli-
gations et d'estre grandement honteux de la peine que vous voulustes
prendre de le mener à S' Denis dans vostre carosse et avec tant de ca-
resses. Je crois que le sieur Prieur de Rou moules debvra estre arrivé
' Les Martigues, chef-lieti de canton de dogmatibiis et apophtltegmatis eominqui in phi-
l'arrondissement d'Aix, à ho kilomètres de losophia claruerunl libri X , Th. Aldobrandino
cette ville. interprète, cum annot. ejusdem. Voir le Manuel
' Ce Diogène de Laërte in-fol. était l'édi- du libraire, (. II, col. 719.
tien de Rome (A. Zanetli, lôgi) : De vitis.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 365
longtemps y a avec ma caisse délivres, sur lesquels le P.Morin.M'le Jay
et le sieur Victray auront eu de quoy se desabuser, s'ilz en avoientconceu
de trop bonne espérance. Je leur ay enfin escript ce jourd'huy inespe-
rement aprez estre allé reconduire hors de la ville la mère el la lanle
de ma niepce de Rians qui s'estoient donné la peine de la nous amener
icy et de luy tenir bonne compagnie durant ses couches d'une fille ', pour
laquelle vous nous faictes des félicitations plus obligeantes que nous ne
vallons. J'eusse bien désiré d'escripre à M' Aubery etd'aulfres, mais le
despart de ces dames nous a tenus embarassés tous ces jours icy et la
plus part du jourd'huy, tellement que je ne pensois pas pouvoir seule-
ment escripre au dict père Morin, de qui vous pourrez voir la lettre si
vous le trouvez à propos aussy bien que celles des sieurs le Jay et Vic-
tray, les ayant faict laisser exprez à cachet volant pour n'user de redites,
afin que vous y puissiez voir tout ce que j eusse deub vous escripre
concernant les Penlaleuques et aultres libvres Samaritains que je con-
fieray bien de bon coeur à cez Messieurs; mais pour les deux Syriaques,
s'ils doibvont passer par les mains du sieur Gabriel Sionita, je n'ay pas
de subject de m'y fier si librement à cause qu'il m'a retenu avec une
asseurancc Tort estrange et inespérée pour ne dire impudence un petit
livre m[anu]s[crit] en l'une de ces langues orientales, que feu M"" le
garde des sceaux du Vair m'avoit donné en mesme temps qu'il luy
avoit esté présenté par un Cordelier de ma cognoissance fraischement
revenu de Levant, lequel livre j'avois depuis remis ez mains du dict
Gabriel Sionita en présence mesme de M'dn Vair, alfin qu'il l'examinast
avec son compagnon, et quand M' du Vair fut mort, il eut le courage
de me dire que Monsieur du Vair le luy avoit donné à luy, ce que son
compagnon n'auroit pas jamais faict comme luy, car il estoit de trop
bonne foy et de trop bonne conscience; c'est pourquoy mes livres Sy-
riaques se pourront bailler à M' le Jay, afin que s'il les veut faire voir
' Marguerite des Alrics donna deux fdies Gabrielle, à Scipion du Périer, conseiller au
nu baron de Rians : l'une, Suzanne, fut parlement de Provence, fîls de François du
niariëe à François- Paul de Valbelle, sei- Périer et petit-fils de l'illustre jurisconsulte
gneurdeMtîrarguesetdeCndarache; fautre, Scipion du Pi'rier.
366
LETTRES DE PEIRESC
[1G3Î
au dict Gabriel , qu'il en retire les asseurances recjuises. Vous verrez
aussy dans la lettre de Victray ce que je luy mande concernant le
Théophile de M' Fabrot \ lequel désire bien de retirer son exemplaire
puis que ses gentz n'ont daigné le mettre soubs la presse comme ils
avoient promis ; cependant à quelque chose malheur a esté bon dans
ce retardement, car je luy fis avoir des m[anu]s[crit]s Grecs où il a
trouvé de si bonnes choses pour cela, qu'il sera bien ayse d'y toucher
en passant, si vous nous faictes renvoyer la coppie comme je vous en
supplie, bien marry de ne pouvoir escripre seulement au Prieur de
Roumoules comme il falloit que je fisse, tant l'heure est desja tarde.
J'avois faict apprester encores pour vous quelques arretz, mais on ne les
a pas peu faire signer, si ce n'est un concernant Madame de Crequy
lequel sera cy joint en attendant si je pourrois recouvrer les aultres
precedentz et ces deux transactions dattées au veu d'icelluy. La nou-
velle de l'exécution du Duc de Montmorancy a mis une estrange terreur
au monde de pardeça^. Le siour de Luzarches, qui passa hier matin
à Marseille pour s'en aller à Rome, disoit l'avoir veu exécuter dans la
basse cour de l'hostel de ville de Thoulouse^. Il porte à M' de Brassac,
Ambassadeur*, le congé du Roy qu'il avoit demandé pour le mois de
mars prochain. Et [annonce] que le Roy avoit déclaré pour son succes-
seur en Ambassade le sieur de NoiiaiHes*. Enfin les bruictz avant cou-
' Voir dans la Notice sur la vie de G.-A . Fa-
brot, par Ch. Giraud, la lettre dont il est ici
question et qui porte la date du 8 novembre
1 6.39 (p. Qo3). Cette lettre, publi(?e d'après
les copies de la bibliothèque Mdjanes, est
précédée d'une lettre de Vitré à Peiresc, du
9 2 juillet i63o, également publiée d'après
les manuscrits d'Aix.
' Montmorency avait été décapité le sa-
medi 3o octobre.
' Les récits de Texécation sont innom-
brables. Deux des plus détaillés sont ceux
qui sont indiqués dans le Catalogue de- la
Bibliothèque nationale {Histoire de France,
1. 1, art. 9907 et 9908). Ce dernier récit n'a
pas eu moins de sept éditions.
* Jean de Galard de Béarn, comte de
Brassac, né en 1679 en Saintongc, mourut
à Paris le i4 mars i645. Voir une biogra-
phie détaillée de ce diplomate dans les Do-
cuments historiques sur la maison de Galard,
publiés par M. Jules Nouiens (t. IV, in-h',
Paris, 1876, p. ii27-ti43).
^ François de Noailles, comte d'Ayen, né
en i58/i, mort en i645, fut ambassadeui-
du roi de France auprès du pape Urbain VIII
(avril 1 634 -juillet i636). Conférez une
lettre de Jean Chapelain (t. I , p. 90) où l'on
(1632] AUX FRERES DUPUY. 367
reurs de la marescliaussoe de M' le Marquis de Brezé se sont verilliez
lost ou tard aussy bi(!n que ceux du gouveriieiiieut de Lan};uedoc pour
M' de Sdiouiberg, à (|uoy l'on adjouste le {jouverneBient de la citadelle
de Montpellier et la lieutenance jjeuerale pour son filz, Monsieur de
Ventadour ayant eu le Lyniosin, mais vous debvrez sçavoir le tout beau-
coup plus tost et plus certainement que nous et je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteui-,
DE Peiresc.
A Aix, ce 8 novembre i63iï, '.
LXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du premier de ce mois conjointement
avec celle de M"" Aubery du 5' acconjpaijjnée dune aultre du Prieur de
Roumoules où j'ay esté bien ayse d'apprendre son arrivée en bonne
santé et qu'enfin les m[anu]s[critjs vous avoient esté remis, espérant
que ce ne sera point si tard qu'il n'y aye encore quelque moyen de
s'en servir si on veult. Nous n'avions point encore veu de par deçà
l'arrest du président Le Gogneux ^ dont nous debvions estre un peu plus
curieux qu'ailleurs à cause de celuy qui a esté donné à Toulouze par
Messieurs les Maistres des Hequestes au nombre de sept contre le Pré-
voit, comme dam celle-ci , que le futur pro-
tecteur (le Gampanella et de Galilée était
déjà désigné, dès la lin de l'année 1689,
pour les fonctions d'ambassadeur auprès du
Saint-Siège.
' Vol. 717, fol. 160.
' G'est-à-dire l'ari-êt contre Jacques Le
Goigneux, président à la chambre des
compte» et chancelier de Gaston d'Orléans .
arrêt par lequel les biens de ce complice du
piince révoltii furent déclarés confisqués et
réunis au domaine du i-oi. Voir rA(*tori««e
de Talleniant des Réaux intitulée Le prési-
dent Le Cognetu- el >,onJil: (L IV. p. i-aa).
368 LETTRES DE PEIRESC [1632]
sident Carriolis de ce parlement en datte du 99* du passé', dont nous
n'avions point encores veu la coppie. La séance des Estatz de Beziers
estoit fort notable pour le rang du Parlement, et Monsieur nostre Pre-
mier Président print grand plaisir de voir l'une et l'autre pièce, comme
aussy le roolle des livies de la foire, entre lesquels la responce de
Schiquardus à M' Gassendy sur son Mercurius in sole - nous tiendra en
grande impatience, jusques à ce que nous ayons veu ce que c'est. J'ay
bien de l'obligation à M' de Valois et rechercheray tout moyen de me
revancher de tant de bonne volonté qu'il monstre avoir pour moy, la-
quelle je ne dois imputer qu'à l'excedz de courtoisie avec quoy vous
aultres Messieurs luy pourriez avoir parlé de moy, plus tost selon ce
que vous souhaittiez que je fusse que selon ce que je pourrois
estre de ma vie, de quoy par conséquent je vous ay la principalle
obligation. Et serois bien ayse d'entendre que son Ammian Marcelin
fusse en estât de voir le jour', mais pour la dédicace des eglogues de
Constantin Porphyrogenete je suis bien dadvis que vous luy en fas-
siez faire l'addresse à quelqu'un qui aye moien de luy faire toucher
quelque chose des bienfaictz du Roy. Pour moy je luy suis trop rede-
vable de sa bonne volonté. Monsieur Gassendy m'escript de Lyon du
9* de ce mois qu'il avoit esté voir à Bourg en Bresse le sieur de Me-
zeriac* lequel il avoit trouvé bien avant sur le Plutarque^ et qu'il avoit
son ApoHodore tout prest à mettre soubz la presse'', qu'il avoit chez luy
' Voir, sur le président de Coriolis et sur
sa condamnation, t. I, p. 986, noie 1.
' Le titre complet de l'ouvrage de Gas-
sendi est celui-ci : Mercurius in Sole visus ,
et Venus invisa, Parisiis, an. i63i pro voto
et admonitione Joannis Kepleri (Paris, in-i°,
1639). L'ouvrage est adressé h Guillaume
Schickard, dont la réponse est intitulée:
Pars responsi ad epistolas Pétri Gassendi de
Mercurio sub sole viso et aliis novitatibus ura-
nicis (Tubingue , 1 689 , in-4°).
' VAmrnien Marcellin de Valois ne de-
vait parailre que cinq ans après la mort
de cet érudit (Paris, i684, in-fol.).
' Voir sur Claude-Gaspard Bachel, sieur
de Méziriac ou Meyseria , le tome I , Appen-
dice, p. 84 1.
' Ce Plutarque , déjà si avancé m 1682,
ne parut jamais. On sait qu'une partie du tra-
vail du docte helléniste (les remarques sur
Numa, sur Thésée, etc.) a été publiée dans
le Plutarque de Dacier ( Paris , 1791, in-i").
' V ApoHodore de Bachet ne devait pas
voir le jour. Tanneguy Lefèvre donna de cet
auteur, quelques années plus tard, une
bomie édition (Satmiur, »6Ôi, in-8°).
[1632] AUX FREUES DUPUY. 369
un petit Geofjraphe Grec non encor vou intitulé Afjathemere ' dont il
faict oiïrc à M' llolstenius. Il nous f-jict espérer d'cstre à Digne dans
la fin de ceste sepmaine. Au reste nous avons advis que le sieur d'Arène
que nous attendons du costé de Rome est abbordé à S' Troppez *. Nous
luy avons envoyé nos chevaux au devant et noz inulictz et l'attendons
icy dans un jour ou deux avec les caisses qu'il nous apporte de Ronie^.
Si en ouvrant vostre fagot pour en tirer le Laertius, nous y trouvons
quelque chose qui mérite d'aller par l'ordinaire, vous le recepvrez un
peu plus tost que ])ar les voictures de Lyon.
Monsieur le Mareschal de Victry et Madame la Marescliale sa femme \
qui sont arrivés aujourdhuy du costé d'Arles, ne m'ont pas laissé
le loisir que je pensois avoir à ce soir de vous entretenir, mais si fault-
il que je vous die encores sur le subject de vostre Gazetan^ qu'il vous
a un peu desguisé la vérité quand il vous a voulu faire accroire que sa
Gazette n'estoit preste le vendredy plus tost que le sabmedy, car nostre
dernier ordinaire apporta à Monsieur nostre Premier Président la re-
lation de tout le mois d'octobre avec la Gazette et Nouvelles du ven-
dredy 5" novembre. Que si il persistoità ceste sorte là de retardement,
' L'opuscule du g^uograplie Agathéinère
fut publii;, une quarantaine d'années plus
tard, d'après un manuscrit qui appartenait
ht J.-J. GbilTlet : Agathemeri compendiarim
geographiœ expositionum libri duo , cura et
intcrpr. Sam. Tennulii (Amsterdam, 1671,
in-S").
* Clief-lieu de canton du département du
Var, arrondissement de Draguignan , h 5 ki-
lomètres de cette ville.
' D'Arène, ^\m fut un des hôtes de Pei-
resc, n'est point au nombre de ses corres-
pondants. Je ne trouve aucun renseignement
sur ce personnage. M. le mar(|uis de Bois-
gelin, par moi consulte', se demande s'il ne
s'agirait pas là de Paul-Ëmile Arène, fds
d'Antoine et de Catherine de Valbelle. Ce
Paul-Emile fut docteur es droits, avocat au
parlement de Provence, conseiller du Roi,
son avocat et procureur en la sénéchaussée,
premier consul de Marseille, etc.
' Nicolas de l'Hôpital avait épousé, en
1617, Lucrèce-Marie Boubier, veuvede Louis
de la Tréraouille, marquis de Noirniouslier,
fille de Vincent Bouhier, seigneur de Beau-
marchais , trésorier de l'Épargne , et de Marie
Hotman. La maréchale de Vitri mourut le
19 février 1 660, à l'âge de soixante-six ans.
' Littré, qui n'indique pas la forme ga-
zetaH , cite sous la foi'me gatelier |)lu9iear8
écrivainsdu xvni* siècle ( Bay le . Voltaire .etc.)
et deux écrivains seulement du xvii' (Boi-
leau, Hicbelet). On ne trouve^«:rtaH ni dans
le Dictionnaire de Trévoux ni dans nos au-
tres dictionnaires. Le gazetan n'est autre que
Th. Uenaudot déjà mentionné plus haut.
47
IRr*iai«l> KATIO^iLI
370 LETTRES DE PEIRESC [t632J
il vaudroit mieux faire changer nostre ordinaire du mardy, qu'il part
d'icy, au vendredy afin que voz lettres du mardy puissent arriver icv le
mardy ensuyvant, sans faire aulcun sesjour comme elles font dans Lyon
durant i ou 5 jours, sur quoy attendant si vous pourrez tirer aultrc
raison depardelà,je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce i5 novembre 1682.
J'oubliois de vous dire que j'ay receu de Gonstantinoble le livre en
hébreu dont on m'avoit accusé l'expédition, et avons trouvé que ce
n'estoit qu'un Pentateuque des Juifs en forme de Tetraple, contenant
le texte hébraïque assemblé par colonnes avec la paraphrase caldaïque
de Onkelos' et la version en langue persienne faicte par Rabi Jacob
Tanos■^ ensemble la version arabique de Rabi Saadia Gueou^ mise en
teste de la page et l'explication du texte hébraïque par Rabi Salomon
Jarki mise au fondz* de la page, le tout iniprimé l'an 33o6 (sic) en la
maison de Eliezer de Soncin qui estoit en Gonstantinoble bien que
' La paraphrase , ou , pour mieux dire,
la traduction presque mot à mot d'hébreu
en chaldéen du Pentateuque, attribuée à
Onkelos, est la plus répandue de toutes.
C'était, d'après la tradition, un de ces étran-
gers vivant parmi les Juifs sous le nom de
prosélytes, mais on ue sait rien de précis
sur son compte. Voir Wolff, Bibliotheca he-
hrœa, II, iiig. Le Tetraple décrit par
Peiresc existe à la Bibliothèque nationale
à Paris, en la réserve. (Note fournie, ainsi
que les trois notes suivantes, par M. Jules
Dukas. )
' Wolff (tWrf., I, io52) l'appelle Rahbi
Jacob , fils de Joseph Taros ; mais il ne con-
naît aucune particularité le concernant; il
l'apporte seulement que, selon Huet, sa tra-
duction en langue persane est aussi (îdèle
que possible.
' Rabbi Saadia , fds de Joseph (îaûn , c'est-
à-dire l'un des grands docteurs juifs de l'ordre
appelé les Gaônim ou Gueônim, naquit à
Fayoum , en Kgypte, en 899, , et mourut en
962. Il fut en quelque sorte le père de la
grammaire hébraïque. Wolff (n" lySS)
donne la liste raisonnée de ses nombreux
ouvrages tant imprimés que manuscrits
épars dans diverses grandes collections.
' Salomon, filsd'Isaac, dit Rachi, naquit
dans la ville de Trayes, où il mourut an
commencement du xii' siècle. Voir dans
l'Histoire littéraire de la France ( 1. 1\ , p. 1 33 )
la mention du rrcélèbre Salomon Jarchi, fils
du rabbin Isaacn.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 371
ceste ville n'y soil pas nommée. Je crois bien que la bibliothèque de
M'' de Sancy ' n'est pas sans ceste pièce là, mais si on en a affaire je ne
laisray pas de la bailler.
On avoit imprimé à Amsterdam une carte de la Terre Sainte en
(juatre i'euilles de taille douce escriptes toutes en lettres Hébraïques,
dont on promettoil un Index ou aultres notes relatifves à certains nom-
bres cottez en chascun des lieux de la dicte carthe. C'estoit environ
l'an 1621 qu'elle fut imprimée. Je voudrois bien avoir cest Index ou
cez nottes pour accompagner ma carthe et avoir un second exemplaire
tant de la mesme cartiic que de son Index pour en faire part à un de
mes amis. Et quajil ce Solom (sic) de Mursius (sic) sera en vante, je
le verray encores bien volontiers"^.
Cependant, à faulte d'aultre chose, je vous envoie deux petits arrests
de nostre parlement, dont l'un, passé du consentement des parties, n'est
pas bien dans les formes ordinaires de la prononciation par inadver-
tance des gens du Roy qui furent surprins en le signant*.
LXXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUV.
À PARIS.
Monsieur,
Nous avons receu par le dernier ordinaire vostre despesche du ven-
dredy 1 2'" de ce mois, avec la relation d octobre et la Gazelle du pré-
cèdent vendredy 5*^ que Monsieur le Premier Président avoit receu par
l'ordinaire de la précédente semaine, ce que je vous marque exprez
pour vous faire voir que vostre Gazelan en peut distribuer quanri il
veut quelques coppies un jour devant la distribution generalle, mais
si rien ne l'arreste que la commodité des ordinaires de Bruxelles, je
' Achille de Harlay, sieur de Sancy. Nous avons d^jà rencontré dans le tome I
' Solon , sive de cjus vita , legibiis , dictis le nom de Meursius (Jean de Meurs).
atque scriptis (Copenhague, iG3a, iu-4°). ^ Vol. 717.(01. itii.
47.
372 LETTRES DE PEIRESG [1632]
me double bien que cest enipeschenient ne sera pas de longue durée,
si les personnes dont est question passent la mer comme je le tiens
quasi pour indubitable. Les relations qu'il vous a pieu nous envoyer
concernant le jugement et exécution de M' de Montmorancy nous ont
appris une infinité de choses que ne nous avoient pas sceu dire plu-
sieurs personnes qui lors estoient à Thoulouze; c'est pourquoy nous
vous en avons bien de l'obligation comme aussy de tant d'aultres par-
ticularitez et curieuses pièces, dont il vous a pieu nous faire si
bonne part. M'' d'Agut nous a faict voir une belle inscription sur
la prinse de Maestric ; nous croyons bien qu'un si digne siège ne man-
quera pas d'estre descript de bonne main, soit que M"^ Heinsius eu
prenne la peine ou quelque aultre de ces grandz hommes qui habitent
maintenant dans ces païs septentrionaux. Et si vous en apprenez des
nouvelles à l'avance, ce nous sera tousjours bien du plaisir qu'il
vous plaise de les nous faire entendre à vostre commodité. Je suis
bien ayse que la caisse de m[anu]s[crit]s aye peu fournir quelque
entretien agréable sinon à Monsieur vostre frère et à vous, au moins
à quelques aultres de voz amis, ayant esté bien marry de n'avoir
peu fournir chose plus digne de vostre curiosité, et que mes infir-
mitez et foiblesses m'ayent faict tant différer de satisfaire à voz com-
mandenientz, mais si faudra-t-il s'en acquitter quelque jour tost
ou tard.
L'homme que nous attendions de Rome ' est en fin arrivé sain et
sauve avec tout ce qu'il apportoit, et par conséquent le fagot du vé-
nérable P. dom du Puy, vostre frère, qui en avoit faict l'addresse direc-
tement à moy seul, pour me donner plus d'occasion de l'ouvrir, comme
j'ay faict, pour satisfaire principalement à voz ordres et pour en tirer
vostre Diogenes Laertius que j'ay desja envoyé à Digne pour y attendre
M"" Gassendy, s'il n'y estoit desja arrivé à l'advance, et crois que tout
le reste du dict fagot pourra librement aller par la poste en une ou
deux fois tout au plus. J'ay receu dans le mesme coffre trois petitz pac-
' Gel homme était le sieur d'Arène, mentionné dans la lettre précédente.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 373
»|uetz du sieur Suarez addressez tant au P. Sirinond et au sieur du
Chesne qu'au sieur Crarnoisy, lesquels je n'ay peu envoyer sansescripre
comme j'ay peu audict P. Sirmond et au dict sieur du Chesne; je dis
comme j'ay peu car je ne me trouve {juieres bien depuis deux jours.
J'ay receu par cette voye un petit fagot de M' Naudé pour M' Moreau,
qui n'estoit point cachette, et qui estoit pareillement addressé à moy,
ce qui me l'a faict ouvrir pour me prévaloir de l'occasion de M' le
Prieur de Moustiers ', l'un des agentz généraux du clergé, qui est party
ce jourdhuy pour retourner à la fonction de sa charge, et qui de sa
grâce s'en est chargé fort volontiers, et a faict mettre dans sa malle un
pacquet assez grosset contenant cinq ou six volumes in-i" ou in-H" que
j'avois tirez du fagot apparlenanlau dict sieurMoreau, dont je vous ay
faict l'adresse à vous à ceste fin que l'on s'en chargeas! plus volontiers,
croyant bien que M"" Moreau ne le' trouvera pas mauvais et qu'il sera
bien ayse d'avoir cez petitz livres là à l'advance, en attendant que nous
luy puissions envoyer le reste qui ne consiste qu'au Perceforet, divisé
en cinq ou six parties et rellié eu deux gros tomes trop pesans pour
une malle ^, et que nous ne saurions envoier que par la commodité de
quelque balle ou de quelque coffre que je feray chercher. Je n'ay rien
eu de plus curieux dans le coffre que j'ay receu que le petit volume in h"
des epistres du cardinal Bentivoglio, avec un autre de mesme forme'
et du mesme autheur sur les guerres du Païs bas*. J'y ay Irouvé ce
gros volume in fol" du P. Scheiner, qu'il a intitulé Hosa ursina, con-
' S'agit -il là du prieur de Moustiers-
Sainle-Marie, i-hef-li(!u de canton du dépar-
tement des Basses -Alpes, arrondissement
de Digne, h /18 kilomètres de cette ville?
' La 1res ekffante, délicieuse, mellijlue
et très plaisante hystoire du très noble et victo-
rieux et excellentissime roy Perceforest , roy
de la Grande-Bretaigne ( Paris , 1 5 1 8 , G tomes
en 3 vol.; petit in-fol. gotb. en six parties).
Voir la dcscriplion de cette ddition dans le
Manuel du libraire (t. IV, col. iSC-ûSy).
Brunet signale une autre édition de Paris
(i53i-i539), qui comprend paiement
6 tomes en 3 vol. pet. in-fol. golli.
' C'est-à-dire /orwfl/. Je ne ti-ouve jioinl
dans nos dictionnaires l'indication de l'em-
ploi de/orme pour/onna/.
* Délia ffuerra di Fiandra \dal lôôg al
iGoy] (Cologne, in-4°, i63q). Première
partie, qui fut rdimprimëe en iG34 avec
augmentation de deux livres, le IX' et le X*.
La seconde partie parut en 1 636 et la troi-
sième en 1 689.
376 LETTRES DE PEIRESC [1632]
cernant les macules solaires ' qu'il faict commancer et finir par des
lueurs ou corps lumineux plus eclatantz que le corps du soleil, dont
j'avois apperceu et escript quelque chose à M"" Gassendy quelque temps
y a, mais j'en faisois des inductions bien différentes aux siennes, que je
n'ay pas eu loisir d'examiner à ma mode comme je desirerois. Mais je
suis tellement assassiné, non seulement des affaires du Pallais et des
complimentz, mais encore des aflaires de mes amis qui me forcent de
m'entremettre de leurs accommodementz, que j'ay de la peine de pou-
voir desrober en toute une sepmaine une heure ou deux pour vous
escripre à vous et à quelque aultre sur les occurrences plus pressantes.
C'est pourquoy j'ay bon besoing d'estre excusé envers ceux que je suis
constrainct de laisser en arrière dont je regrette bien sur tous M' Rigault,
mais je ne sçaurois m'acquiller de ce qu'il luy fault escripre sans revoir
quelque livre que je ne pourrois seulement trouver dans mon estude
qu'il ne m'en couste pour le moins une couple d'heures, pour la con-
fusion qui s'y trouve depuis le transport de mes livres qu'il fallut faire
deux ou trois fois de lieu à aultre, durant les desordres et mutineries
de ce peuple cy; c'est pourquoy vous m'obligerez beaucoup de le dis-
poser à admettre mes légitimes excuses comme je vous en supplie,
oultre que je désire y joindre quelques desseins tirez de l'antique pour
faire mieux comprendre mes conceptions, et recognoistre si je me suis
esloigné de ce qu'ont voulu dire les anciens, quand ils ont parlé des
Elenques^ et ce qu'ils en ont praticqué. J'ay eu une grande mortifica-
tion de ne point recepvoir de lettres de la part de M"' Holstenius par
une commodité si opportune, mais j'ay receu tout plain de desseins tirez
d'aprez l'antique assez curieux, entr'aultres d'un bas relief, dont m'avoit
aultresfois parlé le sieur Aleandre, où est représenté un homme dans
son lict faisant son testament, et un aultre tiré de la graveure d'un
' Nous avoiistrouvé plus haiU(leUre LIV) signifie d'une manière générale (rparure
mention du livre intitulé /{osa u/swa siue «0/ précieuse 1, et particulièrement tr pendant
ex admirando facularum et macularum sua- d'oreille 1, comme on le voit par ce vers de
omeno varius, etc. Juvénal :
" Peiresc traduit ici le mot elenckus , qui Auribus extensis mognos commisit eienchos.
[1C32]
AUX FRERES DUPUY.
375
bassin (le verre antique oii est représentée une espèce de nopces et une
grande balance pour y peser la dot de la mariée, si les premières con-
jectures ne me trompent, sur quoy il fauldra resver un peu plus à
loisir. Cependant j'ay advis de l'arrivée d'un exemplaire du livre du
Galilée' auprez de Tolloii sur une barque de Ligourne qui doibl
achever sa quarantaine au 97" de ce mois. Et si tost que je l'auray re-
ceu, je le vous envoyeray par la poste, en attendant d'aultres exem-
plaires par deux ou trois aultres voyes, où je pourray trouver de quoy
m'en fournir. Nostre homme qui est venu de Rome m'a asseuré qu'il
ne s'y en trouvoit point, et le cardinal Barberin, qui avoit eu quelque
vent de la recherche que j'en faisois faire, m'escript du 26" septembre
qu'il n'en avoit encores peu avoir et qu'il m'en feroit envoyer dez qu'il
en auroit. Ce que j'impute à quelque alfectation de ne point laisser
paroistre ce livre dans Rome, plus tost qu'à la delTiance de la maladie
de la Toscane qui y sert de prétexte. Au reste un de mes amis, qui
s'emploie journellement pour moy en la recherche de ces m[anu]s[crit]s
ez langues orientales '\ me faict si grande instance pour avoir quel-
qu'une des versions de l'Alcoran, soit en Latin ou en Italien', dont il se
veult servir en certain livre qu'il a composé pour la deffense de la foy
chrestienne contre le Mahometisme, lequel il ne veult pas laisser sortir
de ses mains, sans avoir parcouru cette version comme il en a examiné
curieusement le texte Arabe, que je suis contraint de vous supplier de
m'en faire avoir un en toute façon , s'il est possible d'en avoir pour de
l'argent. Au deffault de quoy il faudroit chercher s'il s'en trouveroit
un à emprunter entre les mains de quehju'un, qui lùm fusse pas plus
jaloux qu'il ne luy voulusse laisser laire le voyage d'oultrc mer d'où
l'on ne laisra pas de nous le renvoyer le plus asseurement que l'on
' Dialogo sopra t iltio sislemi del mondo
ptolemaico e copernicano (Florence, t(")3a,
in-4°).
' C'est Thomas d'Arcos dont il a él6
quoslioii plus haut (lettre LU).
' Voir, dans le Manuel du libraire, l'ar-
ticle consacré à Mahomet (t. III, col. i3o6-
1 3 1 o ). Je n'y prendrai que ces deux in-
dications: rrAlcorano. . . Irad. dall' arnbo
in Kngua ital. (Venetia, And. Arrivabene.
15A7, pet. in- 6°). Cette traduction ne
peut pas être exacte, ayant été faite sur In
mauvaise version latine de Robertus Rele-
nensis. «
376 LETTRES DE PEIRESC [1632]
pourra. Car on neii aura que faire aprez cette coUation. A faulte d'aultre
il fauldra recourir à la courtoisie de M"" Aubery qui en avoit un, le-
quel il ne fera pas difficulté de le donnera mon advis, s'il ne l'a donné
à quelque aultre; mais avant que de luy en parler, je voudrois bien
qu'on eusse tenté d'en trouver un à vendre, s'il estoit possible, pour
nous descharger de toutes ces obligations du retour d'un pais si loing-
tain; celluy qui en a affaire est homme de mérite extraordinaire qui
a esté aultresfois secrétaire du cardinal de Joyeuse, et depuis esclave
des Turcs, 8 ou lo ans, d'où il a eu mille peines à s'en pouvoir faire
mettre à rançon. Et enfin c'a esté à condition d'y sesjourner libre comme
il faict encores durant quelque temps, pendant lequel il travaille à un
ouvrage qui sera grandement bien receu lequel il me promet par la
première barque, contenant une relation fort exacte de la plus part
tant de l'Egypte que de tout le reste de l' Affrique , où il a faict des ob-
servations nobles et dignes d'un homme de cour et d'Estat aultant que
d'un curieux, ayant observé des diversitez de relligion et de poUices
parmy ces barbares fort peu congneûes à ce que l'on dict. Il me de-
mande encores deux globes , un céleste et un terrestre, sinon des plus
grosses formes, au moins de la seconde grandeur, à la charge qu'ils
soient des recentz , tant pour les observations des Estoilles de l'antartique
que pour les terres nouvellement descouvertes, vous suppliant vous y
vouloir employer. Et je moyenneray que M"' de Gastines remplace in-
continant le fondz que vous y aurez faict employer; mais surtout il
faudra prendre garde que cela soit emballé le plus proprement que
faire se pourra, à celle fin qu'il ne se gaste par un si long chemin. Il
me demande encores le livre de Léon d' Affrique de la meilleure édi-
tion, c'est à dire que s'il y a moyen d'avoir celle d'Elzevir qui est la
plus portative et la dernière, elle sera la meilleure '.Et pour cet edect
' loaimis Leonis A/ricani Africœ descrip- pondants de Peiresc , Lettres médites de Tho-
tio IX lib. absoluta (Leyde, i63a, a tomes mas d'Arcos (sous presse), une importante
en 1 vol. in-ai). Voir A. Willeras (Les El- note de M. H.-D. de Gramraont, président
zevier, p. 98, art. 871). Voir encore et de In Société historique algérienne,
surtout dans le XV' fascicule des Carres-
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 377
il fauldroit me l'eiivoyer par la poste tout rellié, et cotter sur le pac-
quet ({uc ce n'est qu'un livre à cette fin qu'on y aye esjjard à la taxe de
|)ardeça. Que s'il ne s'en trouve de reliiez, il le fauldra faire ployer el
battre, mais je vous supplie que ce soit le plus tost que vous pourrez,
pai'ce qu'il pourroit arriver encores à temps pour aller sur une barque
qui s'appreste à faire ce voya{;e d'oultremer sur laquelle il y a des gentz
de sa cognoissance. J'avois oublié de vous dire lors de l'arrivée des
livres que nous avons receus de vostre part en dernier lieu qu'il se
trouva une imperfection d'une feuille cottée par lettre V dans les
exemplaires du i" volume Miscelaneorum de M"" Petit lorsqu'on le pen-
soit rellier pour luy faire passer les monts. Et ceste feuille pourra venir
avec ledict livre de Léon d'Affrique. J'ay honte de tant d'importunité
que vous recevez de nous, dont je vous demande pardon, vous sup-
pliant de ne vous lasser pas pour cela de nous continuer vos bienfaicts
et de me tenir tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce Qa novembre i63a.
Si M"" le Prieur de Rounioules est encore là, je vous prie de luy
faire bailler le pacquet du P. Sirmond, pour l'aller rendre luy mesmes,
alin de retirer de luy ce que je luy demande s'il peult'.
LXXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous escripvis par le dernier ordinaire si précipitamment que je
n'euz pas moyen de reprendre à la main la lettre qu'il vous pleut
' Vol. 717, fol. j66.
&8
IVrlIMXIIK MATIOatU.
378 LETTRES DE PEIRESC [163-2 1
m'escrijjre du 12'= avant que clorre ma despesche, qui fut la cause que
j'oubliay de vous remercier comme je faicts trez humblement de l'offre
qu'il vous a pieu me faire de ce traitté de fra Paolo touchant l'inqui-
sition, qui méritera bien d'estre transcript par Quentin puis que vous
ne l'avez point désagréable, quelque édition qui s'en puisse ensuivre,
mais je verrois encores plus volontiers ceste vie de Fra Paolo par le
Fulgentio dont on vous a faict fesle, pour laquelle il fault faire agir toute
sorte de puissances qui se pourront esmouvoir. Cependant il n'v aura
point de danger de voir cest abrégé de deux feuilles que je vous sup-
plie de faire transcripre par le mesme Quentin; si j'estois là, ce gentil-
homme anglois ne m'auroit jamais eschappé, car il est raalaysé qu'il
ne soit curieux de quelque aultre chose soit en matière d'escriplures
ou d'aultres gentilesses dont on peut faire offre en telles occasions , et
aurois attaqué l'Ambassadeur mesme d'Angleterre sy j'eusse veu qu'il
eusse eu du crédit sur luy, n'estant pas malaysé de faire agir un Am-
bassadeur par l'entremise de quelqu'un de Messieurs les Ministres ou
Secrétaires d'estat. Je vous faicts ce supplément cy aux despeclies ordi-
naires par une commodité extraordinaire de l'un des courriers de Gènes
à Lyon qui passe maintenant, tandis que M"' le Mareschal luy faict at-
tendre une lettre; c'est pourquoy je ne m'amuseray pas à vous faire de
bien longs discours, de peur de perdre l'occasion d'envoyer une lettre
pour M"' Aubery qui fut oubliée l'aultre jour par mesgarde; depuis
lequel temps il fut ordonné sur la requeste du sieur de Paule, qu'il
seroit receu en la charge de président du sieur Carriolis en donnant
préalablement caution par devers le greffe de la cour de paier le prix
de l'office ou telle autre somme qui seroit adjugée au resignalaire, en
vuidant l'instance d'opposition pour laquelle les parties sont renvoyées
au Roy, ce qui ne fut pas sans grande difficulté ; on a depuis travaillé
à la desmolition de la maison dudict présidant Carriolis. Et le sieur de
Paule, ayant satisfaict à l'arrest de la cour et faict recepvoir sa caultion ,
sera receu comme je pense dez demain et installé en la fonction de la
dicte charge. Depuis quelques joui-s il est advenu qu'un certain esprit
comme l'on croit a faict de fort grandes extravagances au lieu de Por-
[1632] AUX FUKIIES DUPUY. 379
riercs qui est à trois lieues do ceste ville , à la suitte de la mort d'une
femme, dont l'un des enfaiis se trouve suivy et persécuté par ce pré-
tendu esprit, ensemble le vicaire du lieu qui estoit son beau frère. Je
vous envoie la coppie de deux lettres cscriptes sur ce subject où sont
contenues les dernières nouvelles que l'on en a eiies, mais j'espère de
vous en envoyer une relation plus exacte avec tous les tenantz et
abboutissantz qui se pourront avoir, atendant la veniie de M' nostre ar-
chevesque qui est en visite, lequel en fera dresser des verbaulx en dette
forme. C'estoit en ce lieu là que feu Messire Louis Gaufridi disoit
avoir apprins la maffie d'un sien oncle qui en avoit esté vicaire. Sur
quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix en haste, ce jeudy 37* novembre 1683.
LXXVII
A MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 19"= de ce mois, oii j'ay trouvé bon
nombre de pièces des plus curieuses que j'eusse peu souhaitter, dont je
vous renvoyé l'arrest que vous redemandiez, ne pouvant vous rendre
que de bien foibles remerciementz de tant de belles singularitez, at-
tendant si nous pourrions estre un jour assez heureux pour vous en
rendre !quelque revanche. Il a faict de si grandes pluyes en cez quar-
tiers de deçà, que je ne trouve pas estrange que l'ordinaire aye man-
qué au jour qu'il debvoit à Lyon, pour faire passer oultre les lettres
de ce pais par l'ordinaire de Paris, attendu mesmes qu'on nous en
avoit desja menacé et qu'on avoit faict anticiper d'un jour le despart
accoustumé, ce qui n'a pas esté depuis continué. Au contraire Monsieur
4».
380 LETTRES DE PEIRESC [1632]
le Mareschal a faict retarder le partement des deux derniers jusques
au niardy aprez disner bien tard, ce qui me faict appréhender que cela
n'aye reculé l'arrivée de toutes nos despesches subséquentes en voz
quartiers d'un ordinaire à l'aultre. Je veux dire du mercredy au saniedy.
Et possible d'une huictaine entière. Si j'eusse peu voir Monsieur le
Mareschal avant son partement, je luy en eusse dict un mot, mais il
anticipa son despart pour aller coucher dez hier à niy chemin de Mar-
seille oi!i il aura aujourd'huy faict son entrée avec un temps fort favo-
rable. Madame la Mareschalle le suyvit dez hier et debvoit aujourd'huy
prévenir son arrivée à Marseille de quelques heures pour voir passer
la pompe de la cavalcade. Et aprez s'aller rendre en l'Eglise maieure '
où il s'en debvoit aller descendre. Monsieur de Paule fut hier receu et
installé en l'office de Président- aux charges et conditions portées par
l'arrest du 2 3" de ce mois à l'exécution duquel il a baillé caution par
devers le grefle de payer le prix de l'office et tout ce qui seroit adjugé
en vuidant l'opposition du sieur de Courbieres. Ensuitte de quoy il a
pris séance dans la grande chambre au rang des Presidentz à mor-
tier. L'on a continué la démolition de la maison du Président Carriolis,
mais cela va un peu lentement, pour l'interest de ceux qui veullent
conserver les attraictz en vertu du don qu'ilz en ont obtenu du Roy.
Nos Estatz sont mandez au 2^ de ce mois, à BrignoUe , où tous les ordres
ont esté convoquez. Nous n'avons pas d'aultres nouvelles en cepaïs,
pour le présent. L'advis de la sortie de Monsieur n'a pas touché bien
avant les espritz de pardeça, qui ne peuvent meshuy respirer que
l'obéissance toute entière, quelque commisération qu'on aye eiie du
' C'est-à-dire la Major, la calhddrale. Voir sfiment des Wim. C'en fut assez pour que
Monographies marseillaises ; la Major, calhé- se.-i ennemis ameutassent la populace contre
(Irak de Marseille, par C. Bousquet, 1857, lui en i63o. La maison de Paule fut sac-
in-S". cagée et pillée le 97 octobre. . . Il en fut dé-
' Roux-Alpheran dit dans Les rues d'Aix dommage deux ans plus tard par le don
(t. I, p. 46) : ir Louis de Paule, reçu pro- que lui fit le roi de la charge de président,
cureur ge'néral au parlement d'Aix en 1611, qui venait d'être confisquée sur Laurent de
puis conseiller en la même cour en i6ii, Goriolis.»
était soupçonné d'être favorable à l'établis-
[1632] AUX FRERES DUPUY. 381
rigoureux traictement quoy que Irez juste du feu duc de Monlmorancy,
et ne fault {)as (ju'on aye de l'appréhension qu'un diascun ne demeure
dans le debvoir en ce pais. Je suis neanlmoins yraridemeiil fasclié de
voir esloigner l'occasion de bien radjuster tout ce mal entendu, tant
avec Monsieur qu'avec la Royne mère que je pensois voir revenir bien
tost, lassée du mauvais traictement des Espagnolz avec lesquelz il fau-
dra en fin rompre ouvertement. Si cette relation du P. Arnoux' se
peut voir, elle méritera bien d'estre recueillie '\ mais je desirerois gran-
dement qu'il vous pleust d'envoyer quérir Quentin pour escripre ces
pièces, au lieu de vous en donner tant de peine. Je ne sçay s'il y vou-
dra faire mention de ce qui fust bruslé, que je trouve grandement
important et capable d'excuser l'exclusion de toute sorte de grâces dont
la providence divine ne l'a pas voulu laisser jouir bien meritoirement
supposé que cela soit vray comme je pense qu'il se peult croire. Au
reste M' Gassendy arriva à Digne le 2 3' de ce mois, et m'a escript
du 9 5" pour m'accuser la réception de vostre Diogencs Laertius; nous
pensions avoir le bien de le voir dez à ceste heure, mais puis qu'il s'est
desja mis aprez son travail, je ne pense pas que nous le puissions avoir
avant Pasques, tant je le vois regretteux^ des deux mois de temps que
luy a cousté son voyage. Nous n'avons pas encore veu icy M. Meues-
trier, mais je crois bien qu'il ne soit guieres loing d'icy, car par le
dernier ordinaire j'ay receu un pacquet que je crois avoir esté par
luy mis ù la poste de Lyon, bien qu'il n'y eusse aulcune lettre pour
moy, ains seulement deux ou trois lettres pour M' Gassendy, parce
qu'avec icelles il y avoit une coppie escripte à la main de la harengue
' Le père Jean Arnoux , né à Riom , entra
dans la Compagnie ilc Jésus en i Scja , devint
confesseur de Louis XllI en 1 6 1 7, et mourut
h Toulouse en i636.
' La relation resta sans doute inédile, car
il n'en est fait nulle mention dans l'article
Arnoux de la Bibliothèque des écrivaim de la
Compagnie de Jésus.
' liep-etleux, (jui n'est ni dans le Dic-
tionnaire de Ricbelet , ni dons le Dictionnaire
de Trévoux, a été employé par Gassendi,
dans une lettre ii Luillier, «lu 19 sep-
tembre i63/i. Voir Imprestions de voyage,
de Pierre Gassendi dan.'! ta Provence alpestre
(Digne, 1887, iii-8°, p. 3i). Peiresc et son
ami ont emprunté le mot au provençal re-
ffretous.
382 LETTRES DE PEIRESC [1632]
de M' le Prince aux Estatz de Bourgongne ' que je pense estre celle
qu'on vous mandoit m'avoir envoyée par luy. J'ay veu la version que
le P. Morin a faicte des Epistres des Samaritains à feu M' délia Scala
et y ay trouvé quelque différence d'une aultre version qui en avoit
esté faicte à Beaugentier, mais ce n'est pas en chose de bien grande
importance et qui ne soit aussy bonne à prendre d'une façon que
d'aultre, le remerciant bien humblement de la communication de la
sienne, et par mesme moyen vous, Monsieur, qui avez daigné prendre
la peine de la transcripre, dont je vous suis bien redevable, ne luy
ayant pas envoyé la mienne non plus que nos petites observations sur
tous ces livres orientaulx, estimant que ce luy eust esté chose trop
inutile, en ayant une si grande cognoissance comme H en a, et que c'eust
esté quasi luy faire tort et se rendre coulpable d'une espèce de crime
que de présumer que tout cela luy peusse servir de rien. Je pense que
vous aurez depuis recouvré la despesche de l'ordinaire demeurée en
arrière, où vous aurez trouvé de mes lettres tant pour luy et pour M"' le
Jay que pour le sieur Victrai. Ce m'eust esté une grande mortiffication
qu'il m'eusse encore prévenu par ses lettres à ce coup icy comme une
aultre fois. On m'escript du Levant qu'on m'a recouvré encore un aultre
Pentateuque fort entier qui est escript en caractère Arabique, mais
que tous les filtres et commancements des chapitres sont neantmoins
en caractères Samaritains. Ce qui me faict espérer que ce pourroit
estre le texte ou la version Arabique des Samaritains. Auquel cas il
pourroit fournir de quoy suppléer les deffectuositez de la version Ara-
bique de mes Tritaples que j'a vois tant d'envie de voir en sa perfection,
et m'escript-on qu'on le debvoit embarquer sur un navire qu'on tient
à Marseille estre en chemin et debvoir arriver dans fort peu de jours
ou de sepmaines, si le vent du Nord qui a gagné le dessus depuis
3 ou /i jours ne l'arreste quelque part. L'importance est que l'on me
mande d'avoir joint audict Pentateucque Arabique des Samaritains
' Harangue faite par Monseigneur le Prince à l'ouverture des Etats généraux de la Bour-
gogne, assemblés à Dijon, le qualriesme jour de novembre mil six cent trente deux (Paris,
i. Martin, 1682, in-8°;.
[1G32] AUX FRÈRES DUPUY. 383
uiig aultrc volume d'un pou moindre grosseur tout meslé d'escriptures
tantost Samaritaines et tantosl Arabiques, lequel il me tardera bien
de voir pour tascher de cognoistre si ce ne seroit point le livre de
Josué des Samaritains semblable à celluy de M"' délia Scala, que j'ay
appris eslre plus Arabique que Samaritain, car encores que l'on me
mande qu'il est imperfect tant au commancement qu'à la fin, les frag-
menlz ne laisroient pas d'en estre grandement bons, comme en cez
matières là il ne fault rien négliger, se pouvant tirer beaucoup de fruict
des moindres petites choses. Je ne manqueray point de vous tenir ad-
verty de ce qui vous en reviendra, si tost que j'auray l'un et l'aultrc
volume en mon pouvoir. Dieu aydant; cependant il fault que je vous
die que l'on me faict feste de ce pais la de quelque aultre livre qui vau-
droil bien la peine de le faire venir, pour lequel on me demande di-
verses petites galanteries dont je pense pouvoir fournir une bonne
partie de deçà sans en emprunter de plus loing, mais on me demande
une bible imprimée en Arabique, en quoy je me trouve bien empesché,
ne leur pouvant envoyer si ce n'est le Penlateuque et le Nouveau Tes-
tament imprimez en Arabique par Erpenius ' in-Zi" ez années 162a
et 1616. C'est pourquoy je vous prieray de m'en recouvrer ung aultre
exemplaire pour moy tant de l'un que de l'aultre pour les remplacer
dans mon estude, car j'envoyeray les miens par la première barque,
ensemble l'histoire du Patriarche Joseph tirée de l'Arabe de l'Alcoran,
imprimée par le mesme Erpenius l'an 1617 in-A°^. Et s'il se pouvoit
recouvrer de par delà quelque aultre pièce de la Bible en Arabique,
s'il en a esté imprimé par le dict Erpenius ou aultre, je vous prie de
' Sur l'orientaliste Tbomas van Erpen ,
voir t. I, |). 63. Lft Manuel du libraire, qui
indique plusieurs des ouvrages de ce philo-
logue, ne mentionne pas ses éditions du
Pentatenque et du Nouveau Testament. Mi-
chel Nicolas (article Erpen de la Nouvelle
biographie générale) n'a pas signalé, h côté
de l'ancienne traduction arabe du Penta-
teu^uc donnée par le savant orientaliste, la
traduction du Nouveau Testament publiée
d'après un manuscrit de la bibliolhè(|ue ôc
l/îyde [Novum D. N. J. C. Teslamentmn,
arfliicc , I^yde , 1606, in-i").
' Historia Joscphi Patriarchte ex Alco-
rano, cmn Inplici versione latina et .tchoHLi
Th. Erpenii , cujus prmHittittir alphabetum
arnbicvm ((>eyde, 1617, in-4*).
38/i LETTRES DE PEIRESC [1632]
m'ayder à les leur faire avoir. Et s'il s'en trouve des exemplaires doubles,
j'en retiendrois volontiers un pour moy. Il me semble avoir veu quel-
que pièce de la bible imprimée en Espagne ou à Gènes en langue
Arabique, mais en caractère Hébraïque et je me doubte que ce soit ce
que l'on demande plus lost que toute aultre chose, car ils ne veulent
pas l'édition de Conslantinople du Pentateuque en U langues dont je
vous parlois dernièrement. Si cez éditions Arabiques, soit ou de Gènes
ou d'Espagne ou de Venise, se pouvoient trouver à Paris à prix toUe-
rabîe, je les achepterois volontiers pour leur faire passer la mer en une
si bonne occasion, et quand bien les livres seroient frippez il nimpor-
teroit de guieres pourveu qu'ils se peussent rellier, quand mesmes ils
auroient servy à l'édition que faict faire M'' le Jay, pourveu que les
fueilles se peussent rassembler, à faulte d'aultre exemplaire on pourroit
se servir de ceux là. Et je les ferois payer volontiers selon que vous le
trouveriez raisonnable. En unbesoing, puis que la version Arabique de
l'édition présente de M'' le Jay se faict en volume à part et séparé du
reste de la grande bible, s'il jugeoit d'en pouvoir séparer un exem-
plaire des cahiers qui se trouvent desja tirez , au cas qu'il y en ave quel-
que exemplaire de supernumeraire^ en ceste langue là comme je m'en
doubte, sans que pour cela il soit besoing de dezassortir un exem-
plaire de toute l'édition de sa grande bible, cela pourroit bien arracher
de cez Levantins, ou pour le moins de ce bonhomme qui nous peut
fournir de si belles curiositez, quelque pièce qui valeust la peine d'y
employer ce volume que je ne laisrois pas de faire payer à peu prez
selon son prix bien qu'il ne fusse pas accomply. Je pourrois bien leur
envoyer encore le nouveau testament in-fol° de l'édition de Rome, mais
je crois qu'il est fort commun parmi eulx; bien pourrois je leur en-
voyer les pseaulmes de David de l'édition de M'' de Brèves in-i°^ si
' So\is]e mol supemuméraire , on lit dans in-4°). C'est ainsi que l'on cite ordinaire-
le Dictionnaire de Trévoux : «Surnuméraire ment l'ouvTage, mais ce titre a élé arrangé,
est plus en usage, n et voici le titre réel d'après un exemplaire
* Psalmi, arahice et latine, a Gabr. Sio- que j'ai eu sous les yeux : Liber psalmorum
nita et Victoria Scialac, mnronitis (Rome, ex Davidis, régis et prophelœ , ex arabica idio-
J^/)o^r.Sat)rt)i'«îw[Savary de Brèves], i6i4, mate in latinum translatus, etc.
[1G32] AUX FRÈRES DUPUY. 38r)
j'en trouve un exemplaire double. En fin il fault que ce soit vous qui
m'aidiez à contenter ces bonnes gentz, mais si vous recognoissiez tant soit
peu de répugnance ou de difficulté en l'esprit de M' le Jay ou du sieur
Victrai, pour la communication de ce qu'ils ont imprimé de l'Arabe, ne
leur en laides point d'aullre instance, je vous supplie, car jesçay comme
ion est jaloux de ces choses là , et qu'on appréhende bien souvent que des
éditions imperfectes ne soient contrefaictes ailleurs, dont je ne voudrois
pas qu'ils eussent occasion d'entrer en ombrage contre moy et par consé-
quent contre vous. Il me reste à vous dire que je plaindrois infiniment le
bon M"" du Val s'il en venoit faulte, et prie à Dieu du plus profond de mon
cœur de le vouloir préserver de la griefve maladie dont vous me parlez,
luy souhaittant aussy longue et heureuse vie que je sçaurois faire à moy
mesmc, pour le bon zèle qu'il a au bien public et pour la bonne affection
qu'il luy plaist me porter. Je suis lousjours plus empesché au choix que*
me demande le bonhomme le sieur de Bié. Que s'il feust venu, et qu'il
n'eusse voulu qu'une simple suitte des portraicts des Roys, il eusse peu
trouver dans la salle de nostre Palais la plus part de ceux qu'il eusse peu
désirer à commancer par Pépin et Gharlemagne, depuis lequel temps
inclusivementm'estantlors trouvé icy je les avois faict portraire sur des
originaulx légitimes jusques au feu Roy, mais pour ceux de la première
race, je n'y estois pas arrivé à temps, "et les avoit on desja faict tous à plai-
sir, de sorte qu'on ne voulut pas en refaire la besongne et fallut qu'elle
demeurasse comme elle estoit, tellement que s'il m'envoye un roolle
de ce que luy manque il s'en pourroitcoppier quelqu'un là dessus; mais
s'il mecroyoit, il vaudroit bien mieux entreprendre l'ouvrage comme il
fault et îm])rimer fout ce qui y peut estre nécessaire pour représenter
tous cez grandz princes en toutes les meilleures façons en quoy leurs por-
traicts se sont conservez jusques à ceste heure avec la fidélité requise. Et
sur ce je finiray en vous suppliant de m'cxcuser et de me commander, I
Monsieur, comme
voslre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a8' novembre 1689,
nrtlBBMt «ATlORALt.
386 LETTRES DE PEIRESC [1632 1
M'' de Léon, qui a esté ceste sepmaine en ceste ville d'où il partit hier
pour aller à Marseille et de là aux Estatz, bailla, ces jours passez, à un
Président de ce Parlement la proposition par luy faicte de la part du
Roy aux Princes de l'Empire convoquez en la diette de Ratisbonne,
dont je vous envoyé la coppie cy jointe; si j'eusse peu parier à luy de-
puis, je luy en eusse demandé la datte et la responce, mais je crois
bien que nous le reverrons aprez les Estatz, car il a charge de parler
à nostre compagnie de certains Edictz. M"" le Premier Président se pro-
met bien que M' de Thou ne vous reffusera passa harengue aux Estatz
de Bourgongne. Je luy ay dict que «'il ne tenoit qu'à cela que nous
poussions obtenir de luy son ouverture de Parlement que j'oserois me
promettre que nous l'aurions, ce qui ne m'a pas jette si loing comme
je craignois, tellement qu'il y seroit aulcunement engagé si nous luy
faisions voir celle de M' de Thou. Je vous envoiay, la sepmaine passée,
le plus gros volume de nostre fagot de Rome ; à ce coup cy je vous en-
voyé le restant; mon frère m'a dict ce matin, en allant à Marseille, que
s'il peut desrober une heure de temps pour vous escripre par cet ordi-
naire, il vous fera un peu de relation de l'entrée de M"" le Mareschal à
MarseHle.
Du a 9 novembre.
Depuis avoir escript, ayant receu l'exemplaire que j'attendois du
livre du GaUlei, j'ay veu qu'il vaudroit mieux le vous envoyer présen-
tement et retarder à la sepmaine prochaine ce qui me restoit de vostre
fagot de Rome, et ce pendant j'y passeray le temps entre cy et le pro-
chain ordinaire, ce que je n'avois pas peu faire depuis l'arrivée de vostre
fagot; s'il y a de ma faulte, vous me la pardonnerez, je m'asseure,
comme je vous supplie de pardonner tant de temps qui s'est perdu en
l'attente de ce libvre durant la peste de Florence et de Ligourne,
croyant bien que désormais nous en aurons d'aultres exemplaires tant
que nous voudrons. Ce pendant vous accepterez en celluy cy la bonne
volonté de vostre serviteur, qui est bien marry que l'on l'ayt envoyé
si mal rellié, mais il ne s'en est pas trouvé de meilleur à Ligourne d'où
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 387
il est venu, et il semble encores avoir assez de marge pour souffrir une
seconde relieure plus propre, au cas que vous jugiez que le livre la
mérite comme je pretendz faire faire du mien'.
LXXVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vous avez bien deviné que je payerois volontiers le port du livre de
Skikardus sur le Mercurius in sole de M"" Gassendi qui m'a donné un en-
tretien bien agréable durant quelques heures; je l'envoyé demain à
M"' Gassendy pour luy en faice anticiper la veiie en cas qu'il n'en eusse
pas si tost receu de la part de l'autlieur, et aprez qu'il me l'aura ren-
voyé, je luy feray passer les monts. Dieu aydant. C'est pourquoy je
vous supplie trez humblement de m'en vouloir procurer, s'il est possible,
quelque aultre exemplaire pour moy, et s'il s'en pouvoit avoir deux ou
trois, je les payerois volontiers pour en accommoder mes amis. J'avois
desja conceu une grande opinion de ce Skikardus, sur la relation que
m'en avoit faicte M' Holstenius ^ et sur une généalogie que j'avois veiie
de luy^; mais à ceste heure je l'estime et chéris au centuple et voudrois
bien pouvoir contribuer quelque chose à ses vertueuses curiositez et
recouvrer tout ce qui se pourroit trouver de luy faict ou à faire*. Vous
' Vol. 717, fol. 168.
' Voir, dans le Recueil de Boissonadc, la
lettre ëcrite par Holstenius h Peiresc le 9 1 juin
i63o, p. 187.
' Celle p'néaloçie est celle dont Holste-
nius parle ainsi (p. 187): <rScliickardum,
professorem Tubiii{jensem , . . cujus lihrum
de Jure rejjni apud Holirasos, et Genealo-
giam Reffum Persiœ te vidisse non dubito.»
Cette gt'ndalogie, inlituk'e : Tarich, hoc est
séries rrgvm Persiw (Tubingue, iGuiS.
in-i"), est la traduclion, avec un ample
commentaire, d'un ancien manuscrit arabe,
en forme de rouleau (d'une longueur de
(piinze mèlres), qui appartenait à la biblio-
thèque (!e Wolfenbiittel. Nous avons trouvé,
dans une des premières lelli"es de ce volume
(11° VH), mention (lu Tarich de Perse,
' La liste des on\Tages déjà publies par
Schickhard était asseï longue. De 161 4 h
49-
r
388 LETTRES DE PEIRKSC [163^]
aurez veu par mes précédentes que pensant mieux faire, j'avois envoy(''
le Laertius à M"' Gassendi, mais je iuy escripray demain de me le ren-
voyer pour le vous faire tenir. Je vous remercie trez liumblement des
bons offices que vous avez daigné rendre à M"' Fabrot pour l'édition de
son Théophile qui sera bientost expédié de par deçà si une fois nous
le tenons, et je crois bien qu'il ne fera pas de difliculté de le laisser
imprimer à Paris plus tost qu'ailleurs, s'il peut avoir asseurance qu'il
soit effectuellement mis soubs la presse, sans aultre delay/ie plains bien
le pauvre bonhomme du Val et la faulte qu'il fera à M' de Bié, pour
qui je vous escripvis dernièrement ce que je pou vois faire, la plus part
de ce qui peut le plus servir à ce dessein estant en des pièces où il
auroit grande peine de rien comprendre qui vaille hors de ma présence.
Je suis bien marry que M"^ Holstenius ayt esté si longuement destourné
de mieux faire, par un divertissement si e^nuieux et si ingrat que celluy
de la correction de ces carthes, mais nous n'y aurions guieres de regret
si cela pouvoit avoir mis en goust le Pape et le cardinal Barberin de
contribuer et faire travailler à l'édition de ce qu'il a de la Géographie.
Je félicite de bon coeur M' Bignon en vostre personne aussy bien qu'en
la sienne de la continuation de ses belles actions, comme M"" de Thou
de l'applaudissement et bon succez des siennes, vous remerciant trez
humblement de tant de curieuses pièces dont il vous plaist nous faire
part, en revanche de quoy je ne vous sçaurois envoyer que des baga-
telles à mon grand regret. Nos Estatz furent commancez sabmedy matin
à Brignolle, oii AP de Léon harangua et fit des merveilles, ayant ravy
toute la compagnie de son éloquence à ce qu'on m'a dict, mais la de-
mande qu'il y fict en fin de douze cens cinquante mil escus estourdit tel-
lement les assistants, qu'on ne fut jamais si surpris. Il est aujourd'huy
passé un courrier qui s'en alloit vers Iuy de la part du Roy sans qu'on aye
encores peu sçavoir le subject particulier de ce voyage. Je voudrois bien
pour un de mes amis recouvrer un assortiment de tous ces petitz volumes
1682, on n'en compte pas moins d'une i'arlicle déjà cite de Labouderie (fii"o^mp/i(V
vingtaine dont on trouvera l'indication dans universelle).
m
[1632] AUX FRÈRKS DUPUY. 389
des Républiques imprimez par Elzevir et relliés le plus proprement que
l'on pomroit en veau; je vous supplie de les faire prendre et me les en-
voyer par la première commodité qui se présentera. Je faisois estât de
vous cnvoier par cet ordinaire ce qui me restoit du fajjot de M' vostre
t'rere Dom du Puy, mais je ne sçay si j'auray loisir d'y joindre ce que je
[pensois], ayant esté grandement destourné tout ce soir par des com-
pagnies inesvitables ; je desirois mesmes de vous supplier comme je
faictz de vous faire chercher quelque m[anu]s[crit] du livre de Medi-
camcntis de Marcellus V. I., ex magislro officiorum Theodosi senioris'.
au commanceraent duquel livre il a inséré un dénombrement des
poidz et mezures antiques, tant en Grec qu'en Latin ^ où j'ay trouvé de
quoy satisfaire à la plus part de ce que je demandois à M' Saulmaise,
mais comme il y a quelque équivoque aux nombres en quelques endroitz,
je voudrois bien pouvoir avoir la collation de quelque m[anu]s[crit] sur
ce subject, dont il ne faudroit pas transcrire plus de deux pages en tout,
et je vous en aurois une fort particulière obligation. J'en escripray si
je puis à M"" Saulmaise par le prochain ordinaire. Ce pendant je vous
donne le bon soir et demeure tousjours.
Monsieur,
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Ail, ce 6* novembre i63a \
' Voii-, dans le Manuel du libraire (t. III,
col. iSgi-iSgS), lo titre complet donniiau
livre par l'diliteurde 1 536 , J. Cornaro (BAle ,
in-fol. ). Voici les premiers mots do ce titre :
Marcelli viri illuslris de medicainentis em-
pirtcis , physicis ac rationalibus liber . . . n
Sur Marcellus Empiricus, voir V Histoire lit-
téraire de la France 1, par les Bénédictins , t. II ,
p. 48-53.
' Les auteurs de VUitloire littéraire disent
(p. Si) : irll eut soin de mettre k la tête de
son recueil les différents poids et mesures ,
avec les caractères qui servent h les exprimer
selon l'usage de la Grèce et des anciens mé-
decins. On les y retrouve encore en latin,
comme il témoigne les y avoir mis. . . ■>
' Vol. 717, fol 173.
390 LETTRES DE PEIRESC [1632]
LXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS ,
RDE DES POICTEVINS DEBRIÈBE SAINT ANDRÉ DES ARTZ , CHEZ M' DE THOL ,
À PARIS.
Monsieur,
Ce mot ne sera point pour vous faire de plus grand entretien que
pour vous dire à tout hazard, au cas que le sieur Biolés, fermier du car-
dinal de la Vallette en l'abbaye S' Victor, fasse plus de diligence que le
prochain ordinaire, que nous venons de voir une lettre de Gènes du
3° de ce mois portant qu'il y estoit passé un courier de Millan avec
nouvelles d'une grande bataille du Roy de Suéde contre le Valstein '
et Papenhein où le dict Papenhein avoit esté tué^, et puis on adjous-
toit que le dict Roy de Suéde et le dict Valstein y avoient esté pa-
reillement tuez^ et que le prince Vladislas avoit esté esleu Roy de
Pologne dez le 8* de novembre*, mais que en mesme temps il estoit
entré dans la Pologne avec une armée de soixante et dix mil hommes
cosacques qui avoient mis ce royaulme en grande bredouille ^. Si tout
cela est ou non, je m'en rapporte à ce que vous nous en manderez par
le prochain ordinaire. Ce pendant j'ay esté bien ayse de trouver le
présent porteur en bonne disposition de vous porter le Perceforet
de M' Moreau, à qui je vous supplie de le faire tenir de la part de
' Bataille de Lutzen (i6 novembre ' On sait que Waldslein fut, deux ans plus
i63q). lard, assassiné à Egra.
' Le général Papenheim , qui était arrivé ' Vladislas VU fut élu roi de Pologne le
de Hall avec des troupes fraîches, fut tué en i3 novembre 1682, et fut couronné le
combattant contre le duc Bernard de Saxe- 18 février suivant.
Weimar, qui avait pris le commandement des ' G'est-à-flire en grand désordre. Ce sens
troupes suédoises après la mort de Gustave- du mot bredouille n'a i)as été indiqué dans
Adolphe. le Dictionnaire de Littré.
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 391
M"' Naudé avec mes trez liuiiibles recommandations et me vouloir tous-
jours tenir,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 9 décembre i633 '.
Depuis avoir escript, j'ay apprins que M"" le Premier Président avoit
eu lettre de M' de Sabian du l^i" de ce mois, qui ne dict rien de cette
bataille, ce qui me faict croire que ce soit une invention des Espajjnolz;
mais j'ay apprins par mesmc moyen une nouvelle bien importante,
que le Roy a acquis en propriété la ville de Pijjnerol, par un traicté
particulier avec M*" de Savoye, qui rend le Roy plus intéressé que de-
vant en la paix d'Italie, et sa protection beaucoup plus considérable
delà les montz, ce qui fera crever de rage l'ambition espagnole.
Sy le présent porteur avoil besoing de recourir à vostre courtoisie,
je me prometz que vous ne serez pas marry de l'obliger; et à son re-
tour, si vous aviez quelques livres à envoyer, il les fera commodément
apporter.
LXXX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vous m'excuserez si je ne vous entretiens ce coup cy à cause de la
presse que me donne M"" Menestrier, qui ne se laisse voir qu'à la des-
robée, et lequel je ne puis laisser passer sans escripre à son maistre''
et aultres de ses patrons, et sans leur envoyer quelque galanterie, dont
' Vol. 717, fol. lyi. — 'Le cardinal Fr. Barberini.
392 LETTRES DE PEIRESC [1632]
la recherche m'a tenu grandement occupé, durant tout ce peu de temps
que le dict sieur Menestrier s'est voulu laisser gouverner icy. Cepen-
dant je vous ay bien deub accuser la réception de vostre despesche du
3*^ de ce mois avec celles tant du P. Morin que du sieur de Bié et aul-
tres, comme sont Messieurs de Roissy de Mesmes, d'Aubery et Gault\
à tous lesquelz je ne sçaurois respondre pour ce coup cy, et feray beau-
coup si je puis desrober assez de temps pour faire un mot au dict sieur
Gault, seulement pour luy accuser la réception de plus de cent belles
graveures antiques, dont il m'a voulu donner la communication avec
une trez rare confiance et courtoisie. S'il se pouvoit introduire de tel
commerce entre les curieux, on ne seroit pas forcé de faire beaucoup
de voyages dont on se sçauroit passer, quand il est question de sa-
tisfaire à sa curiosité. Je vous rendz raille trez humbles grâces de ce
dont il vous a pieu me faire part, bien marry de ne vous pouvoir rendre
aulcune revanche à ceste fois, et d'estre contrainct de finir en vous bai-
sant trez humblement les mains et demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce i3 décembre 1682 '.
LXXXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je n'ay pas voulu laisser eschapper la commodité qui s'est inespere-
ment présentée par ce courrier extraordinaire qui est fort de mes amis
' Nous avons déjà rencontré, soit dans quefois à ce confrère en curiosité, notam-
ce volume, soit dans le volume précédent, ment le a 3 décembre i635 , le 98 janvier
tous les personnages qui viennent d'être et le 8 avril i636. Voir le registre IV des
énumérés, à l'exception du dernier, qui pa- Minutes de l'Inguimbertine , fol. 71 5, 719,
raît avoir été un amateur distingué, un 731.
fervent collectionneur. Peiresc écrivit quel- ' Vol. 717, fol. 177.
n
AUX FRKRES DUPUY.
393
[1632]
de vous accuser la réception de vostre despesche du x" arrivée seulement
à ce soir bien tard par les dinicuitez des desbordornentz des rivières
et ruisseaux, qui n'ont pas niesmcs laissé venir l'ordinaire de Home qui
de])voit eslre passé trois jours y a. J'ay receu par mesnie moyen les
deux volumes de l'Alrica de Léon, qui sont venuz tout à point pour
passer en Affrique ' par le premier bon vent. Je n'ay pas encore peu
lire vos despesches auxquelles je tascheray de satisfaire par le prochain
ordinaire de mal^dy; cependant je vous remercie irez humblement des
belles particularitez dont il vous a pieu me faire part, sur ceste fjrande
bataille qu'il vaudroit bien mieux n'avoir pas gaignée que de l'avoir payée
si chèrement par la perle d'un si grand cappitaine^ et qui avoit de si
bonnes intentions pour la France, aux interetz de laquelle Dieu ne
l'avoit preste que pour aultant de temps comme il a voulu nous le
laisser, estant nécessaire de le croire ainsy pour nostre consolation, et
que sa divine providence pourvoira de quelque autre façon à ce qui res-
toit encores à faire par lu y pour le bien de la France. Vous me ferez grand
plaisir, si vous pouvez avoir bon marché des globes de M"" d'Auxerre', de
me les retenir, puis qu'il vous plaist d'en vouloir prendre le soing,
comme aussy do son Alcoran, encores qu'il deusse couster quelque chose
de plus que le prix ordinaire. Que si vous pouviez avoir le dict Alcoran
et qu'il se rencontras! commodité de me l'envoier, vous m'obligeriez
bien de le faire sans attendre la veneiie des dicts globes. Et s'il se ren-
controit entre voz mains lorsque le sieur Dupuy présent porteur s'en
reviendra en poste, comme il espère de faire bien tost, il sera bien ayse
de s'en charger pour l'amour de moy, voire d'aultre chose de plus grand
volume, et possible de tous cez petitz volumes des Republiques d'EIzevir.
s'ils se trouvoient tout prez et proprement empacquetez pour les mettre
dans une malle de poste. Je receuz hier de la part de M' Gassendy le
fagot de livres en blanc, dont vous l'aviez chargé, où je trouvay tout
' NoHs avons vu plus haut que cet ou-
vrage était (Icstind i» Tliomas d'Arcos.
' Cet hommage à Gustave-Adolphe n'est-
il pas bien éloquent dans sa simplicité?
' Gilles de Souvré, évêqiie d'Auxerre de-
puis le 25 septembre i6a6, était mort le
17 septembre i63i.
5o
zn
LETTRES DE PEIRESG
[1632]
plain de belles pièces d'Eizevir que je n'a vois pas encores veiies, avec
ceste harangue du Roy de Pologne, dont je vous remercie pareillement
de tout mon coeur. Il m'envoya par mesme moyeu un petit livret du
P. Théophile Jésuite S imprimé à Lyon par Gardon, où il veult prouver
que S' Auibroise esloit né en nostre ville d'Arles *, en quoy il faict grand
honneur à nostre païs^. J'avois escript à M' de Thou, sur la lettre que
M*" Menestrier m'apporta l'aultre jour de sa part, oi!i il tesmoigne dé-
sirer de sçavoir ce qui s'est passé en nos Estatz, et d'aultant que je n'en
sçais pas tant comme je m'asseure que mon frère vous en a mandé,
possible ne trouveroit il pas mauvais qu'il vous pleust de luy envoyer
la lettre de mon frère, mais je vous prie d'en faire retenir une coppie
par Quentin ensemble de celle qui concerne l'entrée de M' de Victry à
Marseille, et vous me les pourrez faire tenir parla première commodité.
Au reste vostre Gazetan ne vous veut pas confesser la vérité , quand il
vous veut faire accroire que sa gazette ne se tire que la nuict du ven-
dredy au sabmedy, ce que je crois bien estre véritable pour le grand
nombre qui se doibt distribuer à tout venant, mais asseurement il s'en
tire quelque petit nombre d'exemplaires dez le vendredy assez à temps
pour les envoyer par l'ordinaire qui vient du costé de deçà, car celle
du 3" de ce mois de décembre, que nous n'avons receue qu'à ce soir
sabmedy 18" du mesme mois soubs vostre enveloppe du x*, fut receue
à Brignolle par l'ordinaire de la sepmaine passée, où mon frère la
vit, comme vous verrez par la lettre qu'il m'en escript, en mesme
' Il s'agit là fie Théophile Raynaud, né
en 1 583 à Sospello, qui entra dans la Com-
pagnie Je Jésus à dL\-ueuf ans, professa
successivement à Avignon , à Lyon , à Rome ,
et mourut dans la seconde de ces villes le
3i octobre i663. Mention a été déjà faite
de l'original et fécond écrivain à l'Appendice
du tome I, p. 77/1.
' Theophili Raynaudi Societalis Jesu , A m-
brosius, succus cœlestis, ubi Galliarum ex-
pressus, seu lucubratio de nalali solo Sancti
Ambivsii m Gallis (Lyon, Jacq. Cardon,
i632, in-ia). Cette dissertation a été re-
produite sous un titre différent dans la col-
lection des Œuvres complèles de Tb. Ray-
naud (t. VIII, in-fol., p. i07-i34) : De
Sancli Ambrosii nalali solo disserlalio ex qua
dijtidicatur an orlufueril Lugdunensis.
^ Le père de saint Ambroise , étant préfet
des Gaules , résidait tantôt à Arles , tantôt à
Lyon , tantôt enfin à Trêves , niais plus sou-
vent dans cette dernière ville , ce. qui a fait
croire que là vint au monde le futur évêque
de Milan.
[1632] AUX FRfîRES DUPUY. 395
temps que celle que je luy avois envoyée de la précédente sep-
maine, et y a des {jens de Marseille qui en reçoivent quasi tontes tes
sepmaines 8 jours plus lost que nous i<;y, mais nous ne sommes pas si
recommandez au prosne S et toutefois quand ils desireroient de nous
qu'elles ne fussent point publiées plus tost qu'ils ne veullent, nous «çau-
rions bien observer nostre promesse aussy religieusement que les aul-
tres, auxquels ils s'en confient par préférence. Sur quoy me remettant
à la despesche de mardy et vous recommandant le sieur du Pny pré-
sent porteur, l'un des commis audianciers du Greffe de nostre Parle-
ment, au-cas qu'il eusse debesoingde vostre bonne assistance , je finirây,
demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce i8 décembre i639.
M' Gassendi a envoie en ceste ville au sieur Gaultier, Prieur de la
Valette, un livre in li" de Philippus Lansbergius que je n'avois pas en-
core veu, intitulé Progymnasmatum Astronomie restitulcC de molu solis
1619 Middelburgi^ dont je payerois volontiers deux ou trois exem-
plaires, s'il s'en trouvoit, et pour le moins voudrois je bien en avoir un
pour moy, s'il estoit possible, comme aussy d'un livre deSkikardusdejure
Hebrœorum^ dont me parle le mesme sieur Gassendi; au reste j'ay esté
ravi d'une demande qu'il m'a faicte pour le sieur de Mescriac qui se
tient à Bourg en Bresse, afin que je luy fasse tenir mon exemplaire de
l'Eusebe de Scaliger in fol° do Comelin * qu'il n'a peu trouver ailleurs
' Littré, sous le mot prône, n'a cité, au
siijet de cette locution, qwe Voltaire et Bé-
ranger.
' WeJBS (Biographie universelle) indique
deux ouvrages de Ph. Lansberg qui portent
h peu près le même titre : Progymnaxmata
astrommiœ restilutœ (Middeibourg, 1619,
ini-4°; ibid., 1699); Progymnasmatum <m-
ironomiœ restituœ; lib. I: De motu solis (Mid-
deibourg. 1698, in- W
^ Jus regium Hebrironim e tenebris rab-
binicis erutnm (Strasbourg. lÔsS, in-4').
' Thésaurus lemporum : Eusehii Pamphili
(Miarew Palaslime Episeopi Chronicomm ca-
5o.
396 LETTRES DE PEIRESC [1632]
à prester non plus qu'à achepter; or par disgrâce mon pauvre Eusebe
est leHemenl gastc d'importunes apostilles que j'ay mises à la marge
pour mon usaige en divers endroictz que je serois honteux que cela
parust devant des gentz de celte sorte là. C'est pourquoy si la biblio-
thèque de M' d'Auxerre n'est point sans ce livre là, et m'en pouvoit
lournir un exemplaire pour me redimer de l'exhibition du mien, au
mauvais estât qu'il est, je le payerois volontiers le double plus qu'il ne
peut valloir, auquel cas je vous prierois de le faire tenir de ma part
au dict sieur de Meseriac à Bourg en Bresse oii il est', croyant bien
qu'il se trouvera à Paris des marchantz qui auront des habitudes
à Bourg en Bresse et assez de commerce pour y pouvoir faire tenir ce
livre là seurement. Excusez moy de ceste importunité^.
LXXXII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
A PARIS.
Monsieur,
Je vous escripvis hier par l'un des commis du Greffe de nostre Par-
lement qui a nom du Puy et qui est fort de mes amis, lequel partit
en poste aprez disner, et debvra arriver sans doubte plus tost que cet
ordinaire. Je vous respondis sur les principaux chefs, au moins sur
les plus pressans de vostre lettre du x. J'ay depuis receu à ce soir le
Diogene Laertius que M' Gassendy m'a renvoyé de Digne. S'il fust venu
à temps, le dict sieur du Puy eust esté trez ayse de le vous porter. Ce
sera par la première commodité d'aray que vous l'aurez, Dieu aydant.
J'ay enfin escript ceste aprez disnée à M"' de Saulmaize, et vous envoyé
ma lettre à cachet volant où. vous pourrez voir si bon vous semble à
iionum omnimoda; historiée libri duo . . . opéra Peii'esc à Bachet de Méziriac, les nombreux
et studio Josephi hiMi Scaligeri, etc. ( Leyde , détails donne's par Gassendi (p. 891).
i6o6,in-fol.). ' Vol. 717, fol. 178.
' Voir, sur tous les services rendus par
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 397
quoy je reduicts mes demandes', vous suppliant d'intercéder pour moy
en son endroict si ne le trouvez pas mauvais, car s'il fault attendre
qu'il fasse un traitté ex professo, je crains qu'il no tire plus long traict"^
que je ne voudrois, et possible luy l'ourniray je, s'il me communique ce
qu'il a tiré des vieux m[anu]s[crit]8 dont il est question, quelque cho-
selte de plus que ce qui peut estre dans ses livres. Cet Itinerarium
Benjamini de version nouvelle' ne pourra estre que irez bon. Mon-
sieur de Léon m'a dict avoir tout plain de bons livres m[anu]s[crit]s. 1!
fut hier plus de deux heures dans ma petite estude, et me parla d'une
chronique de Cypre qui meritoit bien d'estre veiie par personnes in-
telli{;entes et d'un psaultier en six langues bien ancien, qui ne debvoit
pas avoir esté caché à M' le Jay ne au P. Morin, à qui je ne sçaurois
escripre d'aujourd'huy non plus qu'à tous cez aultres Messieurs qui me
pardonneront, s'il leur plaist, pour ce coup. Si Burlamaqui* entreprend
de vous faire avoir cez extraictz d'Angleterre, il en viendra à bout in-
dubitablement. Je vous remercie trez humblement des belles pièces qu'il
vous a pieu me communiquer et particulièrement de ceste relation du
Roy de Suéde que je ne sçaurois assez plaindre. Vous n'aurez pour à
ceste heure en revanche que les deux Arrelz que vous me demandiez
concernant le président Carriolis, dont la maison s'en va par terre^; la
' Cette lettre, datfe du ao décembre
1 6 3 a , ncRis a ëté conserv(5e dans le registre V I
des Minutes de l'Inguinibertine (fol. 35).
J'ai l'intention de la publier, avec la plupart
des autres lettres de Pciresc à Saumaise,
dans un des volumes qui suivront celui-ci.
* Litlré et nos autres iexicofjrnphes n'ont
pas recueilli cette expression (lourde.
' C'est rilin(!raire de Benjamin de Tu-
dèle : Itinerarium D. Denjaminis cmn versione
et notis Conutaïuini L'Empereur ab Oppyck
(Leyde, KIzevier, iG33, in-8°). Voir le Ma-
tmeldu libraire (t. I , col. Tjlti); les Eltevier
de M. Alph. Willeins (p. (j4); la Notice /lis-
torique de Carmoly mr Benjamin de Tu-
dèle, suivie de l'examen géoffraphique de set
voyages, par J. Lelewel (Bruxelles, i85a,
in-S").
' Est-ce au même personnage que Pei-
resc adressa, de Paris, le a 9 septembre
1616, une lettre rjui figure dans le registre V
des Minutes de l'Iuguimbertine (fol. 339)?
' En même temps que les commissaires
chargés de faire le procès du président l'a-
vaient condamné k mort(39octobret63s),
ils avaient ordonné que ses biens seraient
confisqués au prolit du roi et c[iie sa maison
serait rasée. Cette maison était située dans In
petite rue Saint-Jean {Lex rues d'Aix, pnr
Roux-AIplieran , t." 1, p. a Ai).
38rg LETTRES DE PEIRESC [1632]
desmolition eiî avoit esté interrompue durant quelques jours à cause
des grandes pluyes, mais on a recommancé. Et sur ce je finis demeu-
rant,
Monsieur,
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ao' décembre 1682.
Si VOUS ne communiquez pas la lettre que j'escrips à M'' Saulmaise,
je pense qu'il ne sera que bon K
LXXXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vosti'e despesche du 17 de ce mois nous a appris une infinité dé
belles curiositez qui ont bien augmenté les anciennes obligations que
nous vous avions, dont je vous remercie trez humblement de tout mon-
coeur, et mesmes du soing que vous avez daigné prendre des livres
que vous avez joints à ceux de M'' l'Huillier, lesquels j'attends Dieu
aydant la sepmaine prochaine, par les mains mesmes de M' de Rossy
de Lyon qui doibt faire un voyage icy bas pour la prochaine feste des
Roys. M"" Gassendy m'a renvoyé le Laertius par ce qu'asseurement il
en trouva un à vendre à Lyon, dont il se pourveut, de sorte que vous
né debvez pas avoir de regret de ce costé là; je le vous envoyeray par
le despart des députez de nos Estatz qui ont leur rendez vous icy aprez
les festes. Et par mesme voye je tascheray de vous envoyer quelques
pistolles pour l'achapt de ce que vous jugerez nécessaire, et pour es-
viter les changes. J'ay de l'obligation à M"' Victray de l'offre de ses
' Vol. 717, fol. 181. •
[1632] AUX FRÈRES DUPUY. 399
Evangiles en Arabe <jue j'accepterois bien plus volontiers si c'eust esté
du reste delà bible, comme il me sembloit avoir ouy dire que l'Arabe
y esloit séparé en volume à part des aultres langues, mais il fault dire
que j'avois mal entendu, et possible que celluy qui me l'avoit mandé
l'avoit ainsy jugé en voyant travailler les Evangiles. Pour l'édition de
Gennes, je crois bien que ce n'est pas de la Bible toute entière, mais,
si je ne me trompe, le Possevin dict en avoir veu quelque volume'.
Celluy pour qui je demandois ceste bible entend fort bien la langue
Arabique, mais ce n'est pas homme ([ui puisse aller sesjourner en Gon-
staiitiuople chez M'' l'Ambassadeur'^; celluy pour (|ui je voulois l'Alcoran
est un aultre bien différend de celluy là, qui n'est pas non plus en estât
de faire le voyage et séjour de Gonstantinople, dont je suis bien marry
pour l'amour de M"" Yictray et de son filz. Un gentilhomme de ceste
ville que j'avois introduit chez M"' l'Ambassadeur a eu tant d'envie d'ap-
prendre la langue Arabique qu'il s'en est allé exprez au mont Liban*,
d'où il nous a escript de pardcça du lieu de Hedin*, où il dict avoir
rencontré le sieur Evesque Amira fort célèbre pour la grammaire qu'il
a imprimée^, lequel s'est charitablement offert de luy montrer ladicte
langue Arabique; il nous mande aussy que le peuple de ce lieu là
parle plus correctement le Syriaque qu'en aulcun aultre lieu du Levant.
Je seray bien ayse que par le moyen du dict sieur Victray vous ayez
ce Pentateuque Arabe d'Erpenius que j'attendray en bonne dévotion
pour luy faire passer la mer, conjoinctement avec les Evangiles que
vous m'envoyez dans le ballot de M' l'Huillier. Je viens d'apprendre
' Ant. Poisevini Mantumi Socieiatis Jtxv
Appiiratus sacer ad Scriptores veteris et novi
Testmneitti, etc. (Venise, 1606, 3 vol. in*
fol.).
' Nous avons vu que cet ambassadeur
était le comte de Marcheville.
' Fr. Gaiiiup de CImsteuil. Voir plus
haut (lettre XL).
' Cette localité est appelée Iledcm par
Galaup de Gliastcuil dans une lettre du
6 octobre i633, imprimée dans le livre
d'Augcri : Le Piwençal solitaire au Mmit
Liban , on la Vie de M' François de Galaup ,
sieur de (Ihaetiteil, etc. (Aix, i658, in-ia,
p. 97). On trouvera plusieurs lettres du
même |)crsonn.i(re , datées du mdnie lieu,
dans un prochain fascicule des Correspon-
dants de Peiresc.
' Grammntica Syriaca , sive Chaldaica , jwr
George»-Mich. Amira (Rome, lôgG, in-4°).
400 LETTRES DE PEIRESG [1632]
l'arrivée à bon port d'un navire qui m'apporte ce Pentateuque Sama-
ritain en lettre Arabique dont je vous parlois dernièrement, et que je
le pourray avoir pour le plus tard la sepmaine prochaine. Je voudrois
bien qu'il vint à temps pour me pouvoir prévaloir du voyage de voz
députez en court. Pour les globes, si vous rencontriez fortune ' de ceux
de M' d'Auxerre ou autre pareille qualité avec quelque bon advantage
au prix, je n'y plaindrois pas l'argent, mais s'il les fault achepter au
prix courant tout entier, il vaudra mieulx en prendre des médiocres, à
cause que le transport sera de fort grande constance de Paris icy. Pour
les petits volumes des Respubliques d'Elzevir, ce n'est que pour un de
mes amys et non pas pour moy; c'est pourquoy je ne m'estois pas
soussié d'une rellieure si exacte; toutefois je laisse le tout à vostre dis-
crétion, n'estimant pas que i o ou 1 2 quartz d'escus de plus ou de moins
puissent estre considérables pour avoir cez choses là plus propres et
plus commodes, mais surtout je vous supplie de me les faire avoir le
plus tost qu'il vous sera possible et les mieux assortis sans espargner
d'en charger ceux de nos amis qui vous iront demander quelque chose
pour moy. Les bonnes festes où nous sommes ont empesché M' Gas-
sendy de nous envoyer des lettres à temps pour cet ordinaire à cause
de la cessation du Palais durant icelles ; je n'ay pas mesmes peu luy faire
tenir le dernier pacquet que j'ay eu pour luy par cest ordinaire. J'en-
voye à M'' de Thou un pacquet de Hierusalem avec le verbal et articles
de noz Eslatz et la harangue de Monseigneur le Mareschal de Victry,
lequel m'ayant envoyé la Gazette qu'il venoit de recepvoir par l'ordi-
naire plus fraische de 8 jours que la nostre, je me suis dispensé de la
retenir pour avoir moyen de la vous envoyer comme je faicts présen-
tement, afin que vous la puissiez faire voir à vostre Gazetan pour le
convaincre de la supercherie dont il use en nostre endroict puis qu'il
est si asseuré à vous nier la vérité. J'auray bien de l'obligation à M"^ Ri-
gault s'il prend la peine de m'envoyer quelque bonne collation de ce
petit feuillet du Marcellus de medicamentis comme aussy à M' Saul-
' Je ne crois pas que cette locution ail été recueillie par nos divers lexicographes.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 401
maize s'il vous fournit ce qu'il peut sur la matière de ponderibus et
mensuris, sur laquelle, depuis la lettre que je luy escripvis la sepmaine
passée, j'ay descouvert encore d'excellentes choses que je voudrois
bien avoir peu adjouster à ma lettre, mais le départ de M' de Léon
m'a laict perdre aujourd'liuy toute la matinée. Et on ne m'a guieres
laissé de repos tout le reste du jour. C'est pourquoy je suis contraint
de clorre attendu l'heure tarde, de crainte que mon paquet ne demeure,
estant toujours.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 37 décembre i63a.
Vous oubliastes dernièrement de nous envoier la Gazette et relation
du mois de novembre et vous prie de nous envoier les dictes relations
aoubles aussy bien que la Gazette'.
LXXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
RDE DBS POICTRVINS PREZ SlINT ANDRÉ DES ARTZ , CHEZ M' DE THOO ,
À PARIS.
(Avec un libvre.)
Ce mot à la haste sera pour accompagner le livre du Diogenes Laer-
Hus grec et latin de l'édition de Rome, dont W Billon '^ a voulu se
charger de sa grâce pour l'amour de vous. Les merveilles qu'il a ren-
contrées dans ces Anagrammes vous ont faict cognoistre de longue main
jusques à quel point d'excellence il a reporté cette sorte d'ouvrages'.
' Vol. 717, fol. 18a.
* Sur le poète avocat Thomas de Biilon ,
voir le tome I, p. Itoh.
' J'ai rappelë, dans une note de la page
ci-dessus indiquée, les 5oo anagrammes
offertes en i6aa , à Louis XIII , par Th. de
Biilon , et d'autres anagrammes composées
pour Peii-esc.
5t
4l0ï LETTRES DE PEIRESC [1633]
Et s'il avoit le bien d'estre cogneu familièrement de vous, il vousferoit
bien tost paroistre par sa modestie et par la douceur de sa conversation
l'estime que mérite sa vertu et le soing qu'il prend de servir ses amis.
Et je m'asseure qu'il trouvera chez vous le bon accueil que vous y
faictes aux gens de lettres et que vous serez bien ayse de le recevoir
au nombre de ceux que vous y obligez, à quoy j'ay deu joindre mes
supplications à celles qu'il vous en fera et à Monsieur vostre frère, es-
tant son ancien serviteur comme je suis de toute mon affection,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 4' janvier i633'.
LXXXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 26° avec le petit volume de la
rellieure du Gascon et le petit pacquet à part, dans lequel j'ay
en fin trouvé la Gazette de mesme datte que voz lettres que j'ay im-
putée à un reraordz de conscience de vostre Gazettan, qui n'a pas
voulu durant les bonnes festes persister dans le tort qu'il nous avoit
faict auparavant; pourveu qu'il continue dans ceste bonne disposition,
tout le passé sera fort aysé à pardonner, et l'apparence qu'il y a en la
vérité et ingénuité de la relation y contenue sur le subject de la ba-
taille de Lutzen mérite de leur en sçavoir le meilleur gré que faire se
peut en une occasion de telle importance. Au reste la rellieure du
Gascon m'a faict desrober du temps que j'avois destiné à aultre chose ,
pour l'employer à lire ce petit volume de Cunaeus, que je n'avois pas
' Vol. 717, fol. i85.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 403
encore ieu ', car l'aultre exemplaire que j'avois receu par M' Ga^eiidi
n'avoit pas encor esté rellié. Et comme la commodité de la reijieure
et de la lecture avoit commancé de m'y affriander, le plaisir que j'ay
eu de voir les belles observations de cest aulheur ne me l'a pas iasché
de la main que je ne l'aye achevé de lisre; je serois bien ayse d'ap-
prendre de vous s'il est encores vivant, de quel aage et en quel employ,
car j'estime que cest homme mérite bien qu'on en face cas*. Quant
aux aultres volumes des respubliques d'Elzevir, quand il y en manque-
roit quelqu'un, ne laissez pas de m'envoyer le recueil que vous en
pourrez l'aire, principalement si vous pouvez avoir ceux des Estalz qui
subsistent aujourd'liuy, sauf de remplacer les aultres par aprez quand
on les pourra avoir. Et certes ceste rellieure du Gascon mérite un peu
plus de despense que le commun, principalement pour les livres qui
sont les plus notables, et qui méritent le mieux d'estre leus de bout à
aultre. Quant aux {jlobes, la chose ne presse pas tant que s'il y a moyen
en attendant un peu d'avoir ceux de M'' d'Auxerre à prix honneste, l'ad-
vantage et la commodité de l'occasion ne vaillent la peine de se faire
attendre, aussy bien que pour l'Alcoran que j'ay destiné en mesme
endroict. Et cependant noz députez auront loisir d'arriver de par de là
et de porter un peu danno ? di costo. J'ay esté bien ayse que M' Mpreau
aye receu tous ses livres, mais je n'ay pas encores peu voir le cata-
logue des historiens françois de M' du Ghesne '. Ce sera Dieu aydant
pour le prochain ordinaire. Car nous avons esté embarassez tous ces
jours cy à la disputte d'une Régence de nostre université qui estoit vac-
cante depuis quelque temps, laquelle nous sommes aprez de faire
bailler par preferance à M"" Fabrot qui la mérite bien mieux que ne
' Pétri Ctuim de Uepublicn Uebrœorum
libri III. Ediiio itonssimii (I^eyde, l']lze-
vier, 1679 , in-a4). L'édition précédente est
de l'année 1617.
' Pierre Ciuieeus (Van dei' Kun), né è
t'iessingue en i586, mourut h Leyde
en 1 638. il fut nommé en 1 6 1 a professeur
de lau{{ue latine à l'université de cette der-
nière ville. Voir, sur cet érudil , les Lettre*
de Jean Ckapetain, I. II, p. io5. Chapelain
l'appelle Omée.
' Bibliothèque de» mitewri qui ont écrit
i'hif taire et la topographie de la FraHC€.{ Paris ,
i6!i7. in-8°); seconde édition augmentée.
5i.
nu
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
sçauroient faire tous ses compétiteurs '. Je ne vous sçaurois point donner
de nouvelles en revanche des vostres, car nous n'avons rien icy main-
tenant si ce n'est que Madame la Mareschale de Victry est dans une
grande appréhension pour la personne de M"^ le Marquis de Nar-
moustier son fllz^ travaillé depuis une douzaine de jours d'une fiebvre
ardente fort dangereuse, à quoy M"" le Mareschal comjiatit grandement
et non sans grande raison. Monsieur de la Fayette en est plus mort que
vif. Je luy ay faict voz recommandations en absence de mon frère qui
est à Rians, où je luy ay envoie vostre lettre. M' de la Fayette m'a dict
qu'il avoit receu de M' vostre frère une lettre sur quelque affaire qu'il
avoit à me recommander de vostre part, dont vous pouvez bien croyre
que j'en auray tout le soing qu'il fault selon mes principaulx debvoirs.
estant comme je suis de tout mon cœur à l'un et à l'aullre,
Monsieur,
vostre Irez humble et obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix , ce 3 janvier i633.
J'oubliois de vous dire qu'on attend de jour à aultre une gallere de
Gènes, laquelle apporte un Ambassadeur extraordinaire de ceste Ke-
' Ch. Giraud {Notice sur la vie de C.-A.
Fahrot, p. 53-56) dit : ffM. de Saint-Marc,
conseiller au parlement et professeur à l'école
de droit, laissait vaquer, par sa mort, une
chaire de droit canon. Fabrot désira l'obtenir
en échange de la sienne qui était moins ré-
tribuée. La chose paraissait juste ; on vou-
lut pourtant lui faire subir un concours , ce
qui parut d'autant plus dur qu'il n'y avait
point de règle à cet égard et que Fabrot
avait la qualité d'émén7e(i633). Fabrot se
résigna à concourir, mais il se plaignit avec
une vive énergie de l'injure capricieuse que
l'on faisait à son mérite et à ses vingt-cinq
ans de professorat.!) Le biographe ajoute
qu'un homme d'une telle valeur devait
écarter tous les concurrents, et qu'en effet
il fut nommé curatorum Academiœ consensu
conspirante, ainsi qu'il le témoigne au bas
de sa thèse.
' Peiresc, comme plusieurs de ses con-
temporains, écrit Nannoustier pour ÎVoiV-
moustier. La maréchale de Vitri (Lucrèce-
Marie Bouhier) avait épousé en premières
noces Louis de la Trémoïlle, marqin's de
Noirmoustier, baron de Ghâteauneuf et de
Sambiançai, mort le 4 septembre i6i3. Elle
en avait eu deux fils, dont l'aîné, celui dont
il est ici question, Louis de la Trémoïlle,
deuxième du nom, duc de Noirmoustier,
était né le 2 5 décembre 1612 et mourut
le 19 octobre 1666.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 405
])ii])li(|iie di Casa Cciilurioiii', qui s'en va vers le Roy, pour remercier
Sa Majesté de son entremise à raccoininodeiiicnt de M' de Savoye.
On faict le procès au vicaire de Porrieres^ pardevant Monseigneur
rArclievesque sur certains ombrages que l'on a euz de quelque suppo-
sition de sa part. Il dict pourtant qu'il aura deux centz tesmoins d'un
mouvement de la lampe de l'Eglise fort extraordinaire. On sçaura bien
tost ce qui est du fonds de ceste affaire. Des marcbands venuz de Pied-
mont disent qu'à Pignerol on avoit faict faire serment aux soldats
d'obéir au lloy, et de ne point recognoistre M' de Toyras; si cela est, il
y a bien à craindre que ses affaires n'aillent guieres bien et que son
reffus d'aller à la cour ne luy serve d'accusation pour le rendre coul-
pable de quelque intelligence suspecte. Que s'il n'estoit véritablement
coulpable, il seroit bien à plaindre'.
Vous ne Mie dictes rien de ceste carthe imprimée à Amsterdam en
Hébreu et en taille douce laquelle je vous supplie de me faire
avoir le plus tost que vous pourrez. Car celluy à qui je l'ay promise
me faict espérer une revanche bien importante de l'extraictde certaines
tables astronomiques composées 3oo ans y a, par un fort docte Kabiii
lors habitant à Tarascon*; sur la supputation on a veriffié le calcul des
deux dernières eclypses si juste qu'il n'y a pas eu un quart d'heure de
différence, à ce que l'on m'a voulu asseurer.
Monsieur le Premier Président m'a dict qu'il avoit receu une lettre
de M' vostre frère, dont il se tient fort honoré; je luy faicls part quel-
' Augustin Centufione. C'est le même
diplomate qui figure <laus ce passage d'une
lettre de Liomie à Mnzarin , écrite de Home
en i64q [Recueil Avenel, t. Vil, p. «98):
itlje s' Centurion est arrivé h Rome, pour
résider de la part de la République de Gênes ,
et pour proposer au pape de faire une ligue
pour la di'fcnse de l'itaiic. . . 1
' Commune du déparlement du Var, ar-
rondissement de Brignoles , canton de Saint-
Maximin.
^ Voir une lollre de Richelieu à Toiras.
du milieu de décembre i639 {Recueil
Avenel, t. IV, p. /u4). Ne pas m'gliger
une note du judicieux éditeur (p. /ii5) et
deux autres notes bien importantes (p. /i&6-
/.47).
' Voir, sur ce rabbin (Rabbi Emmanuel)
et sur les tables astronomiques dont il est
ici question, le fascicule I\ des Correspon-
daiits de Peiresc : Salomon Atuhi, rabbin de
Carpentras , fascicule que j'ai publié avec la
précieuse collaboration de M. Jules Duka<i
(Paris, 1885, p. 1 et suiv.).
i06 LETTRES DE PEIRESG [1633]
quesfois des vostres auxquelles il prend fort grand plaisir, et bien sou-
vent n'est pas moins curieux de voir les nouvelles des livres que
celles du monde. Je viens d'envoyer sçavoir des nouvelles de la santé
de M"" le Marquis de Narmoustier, laquelle est grâces à Dieu en fort bon
estât au prix de ce qu'elle avoit esté ; on en a maintenant fort bonne
espérance. Ce jeune seigneur se faisoit tant aymer à un chascun que
vous ne sçauriez croire combien le desplaisir de son mal estoit uni-
versel. Il a achevé son li* assez paisiblement. Dieu le veuille bien
assister.
L'on a faict voir icy un livre de la patrie de S' Ambroise que j'ay en-
voyé quérir à Lyon , oîi c'est qu'un bon P. Théophile Jésuite faict bien
de l'honneur à nostre ville d'Arles de luy faire produire un si grand
personage que celluy la •. On m'a monstre le tiltre d'un livre de Pon-
tificia Jurisdictione in-à" de Paris, chez Estienne Richer, sans aulcun
nom d'autheur, dont la matière semble bien estre des plus curieuses
du temps; on sçaura bien un jour à peu prez qui est cest autheur qui
ne s'est pas voulu nommer^. Sur quoy je vous souhaitte la bonne année
avec la plus heureuse suitte d'aultant d'aultres qui peut estre sou-
haittée à des gentz de tant de mérite comme vous estes dans vostre
maison.
Je viens d'envoyer sçavoir des nouvelles de la santé de M"" le Mar-
quis de Narmoustier, qui se porte beaucoup mieux qu'hier ayant sué
toute la nuict et faict une grande crise en achevant son quattorziesme
de sorte qu'il en pourra eschapper, Dieu aydant.
Ce mardy, 4" janvier au matin '.
' Le P. Th. Raynaud et son livre ont été ravant un livre sur le même sujet avait été
mentionnés un peu plus haut ( lettre LXXXI ). publié par Roussel (Michel ) : Historta ponti-
^ Cet auteur n'est pas indiqué dans les Jiciœ jurisdictionis ex anliquo , medio et novo
Anonymes latins du Dichon/iaire d'Ant.-Alex. tuu (Paris, J. Richer, lôaS, iu-4°).
Barbier. Rappelons que peu d'années aupa- ' Vol. 717, fol. 189.
[1633]
AUX FRKRES DUPUY.
407
LXXXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
La desbauche de mes genlz tout le jour d'hier et un peu de fluxion
que j'avois sur les yeux ne me permirent pas de pouvoir employer
leur main non plus que la mienne à la despesche que je vous pensois
faire, dont je vous supplie de me vouloir excuser et l'aire admettre mon
excuse à cez aullres Messieurs. Je vous accuseray neanlmoms la récep-
tion tant de vostre despesche du dernier de l'an passé, veniie par l'or-
dinaire, que du petit fagot de livres dont le sieur Prieur de Roumoules
avoit accoinpajjné la boitte, qui sont venuz fort bien conditionnez,
ensemble un petit pacquet de M'' l'Huyllier qui y avoit esté joint à
Lyon ; mais parce qu'il n'y avoit point de lettre ny de roolle du contenu ,
je ri'ay pas sceu bien recongnoistre tout ce qui y pouvoit estre appar-
tenant à M'' Gassendy, car par une lettre que m'escripvit ledict sieur
l'Huillier quelque temps y a, il ne me faisoit mention que de deux
exemplaires du livre de Flud\ et un exemplaire de l'Epistre de Ski-
kardus-, que j'ay trouvé, sous une simple enveloppe non cachetée ad-
dressée à moy. Et par disgrâce je a'ay sceu retrouver la lettre que vous
m'aviez escripte sur le subject desdicts livres que j'ay envoiée si je ne
me trompe à mon frère. Mais j'ay envoie à M"" Gassendy, avec son Ski-
kardus et son exemplaire du Flud, un roolle des livres contenuz
' Robert Fhidd, irKÏdecin anglais, né à
Mil{jate (comtdde Kent) en iSyi, mourut
h Londres le 8 septeinl)re j6.']7. Voir sur ce
philusoplie, dont le nom figure dans tous
les recueils biogra|)hi((ues , la Vie de Pierre
Gaimendi, par Bougerel (p. Sâ-Sy, 79-81,
115-1 16). On sait ((ue Gassendi écrivit
contre sa philosopliio : hijoercitatio in Fludda-
nam philosophimn (Paris, 1690, in-ia).
Le livre de Fludd mentionne par Peiresc
serait-il Clavis philosophiœ et alchymiœ Flud-
darue qui parut <H Francfort en i633 et où
Fludd réi>on(lit aux critiques de Gassendi
et du P. Mersenne?
' Nous avons dëjh vu que cette ëpttre,
écrite ou sujet du Mercurius in sole visu»
de Gassendi, avait paru à Tubingiie en
1G3-1.
/i08 LETTRES DE PEIRESC [1033]
audict ballot, affin qu'il y choisisse ce qu'il y recognoislra estre
à luy, que je ne manqueray point de luy faire tenir incontinant.
Cependant je vous remercie trez humblement, non seulement des
livres qu'il vous a pieu me faire achepter, mais aussy du soing que
vous avez pris de me renvoyer ce registre de la chancellerie Romaine,
avec ce cahier des traittez du Venaissin , qui n'avoient point tant de haste
de revenir, s'ils eussent peu servir à quelque aultre, comme aussy du
Théophile de M"' Fabrot , qui vous en est bien obligé de son chef quant et
moy, et qui va mettre la main au supplément dont je vous avois parié,
afin de ne perdre plus de temps en l'édition, s'il est possible. On luy
a donné icy la seconde Régence Royalle de nostre université avec de
grandz éloges de tous Messieurs du bureau qui y avoient voix delibe-
rative, et particulièrement de M'' nostre Premier Président qui prit
grand plaisir de voir que ce pauvre chetif païs icy ne feusse pas tout à
faict despourveu de gens de lettres, et capables de comparoistre en
bon lieu, car certainement M" Fabrot fit des merveilles et un aultre
nommé Saurin du lieu de Digne \ bien qu'inférieur de beaucoup à
M"^ Fabrot, ne laissa pas de donner trez bonne satisfaction à toute la
compagnie, et de faict il fut subrogé en la place que souloit tenir
M"' Fabrot. Je ne trouvay avec voslre despesche dernière que les Estatz
du Languedoc, les lettres de mon frère, celle du filz de M' le Prince
et les aultres advis qu'il vous pleut m'escripre, dont je vous rends mille
trez humbles grâces. Je n'y trouvay, dis-je, si ce n'est que la relation
du mois de décembre de vostre Gazetan, sans la gazette courant que
d'aultres neantmoinz ont receiJe par le mesme courrier, entre aultres
M' le Mareschal, M"" le Premier Président et encore ung aultre de ma
cognoissance auquel troisiesme seulement je pourrois trouver à redire ,
car pour les deux premiers ils sont hors du pair, et ne seroit pas rai-
' C'était Antoine Saurin , mort en 1 668 ; du parlement de Provence , ou Extraits d'une
il fut le père et le grand-père de deux juris- correspondance inédile échangée , pendant ta
consultes renommés : Joseph-Ignace Saurin . peste de ijùo, entre François Decormis et
premierprésidentdu sénat de Nice ; et Pierre Pierre Saurin, par Charles de Rihbe (Aix,
Saurin, avocat au parlement d'Aix. Voir, 1863, in-8°, p. ai et suiv.).
sur ces divers personnages, L'ancien barreau
[1033] AUX FRIiRES DUPUYi 409
sonnal)le que je prétendisse le mesme privilège qu'eulx en cela, aynianl
beaucoup mieux n'avoir la gazette que plus vieille de 8 ou i5 jours,
quand besoing seroit, plus tost (|ue si cela debvoit fournir prétention
à ce vénérable gazetan de se Ifiirc communiquer des pièces auparavant
qu'elles puissent mériter d'estre publiées, principalement de chez vous,
où toutes choses de ccste nature doibvent estre tenues quasi comme
sacrées, estant beaucoup plus à propos que certains advis se sçachent
dn peu tard que de les publier trop lost comme il est arrivé de ce faict
de Porrieres, où il se trouve quelque imposture meslce que l'on est
aprez de chastier et dont le chastiment eust esté meillieur à dire, s'il
y escheoit, que ce qu'ilz on ont voulu divulguer. On m'a donné quelque
espérance d'un Aicoran de l'édition latine d'Allemagne, dont j'es|)ere
d'estre bien tost esclaircy et qu'il ne sera pas de besoing d'incommoder
M'' Aubery du sien. C'est pourquoy je vous supplie de ne me le point
envoyer sans nouvel ordre, si ce n'est que l'ayez desja faict, auquel
cas nous trouverons quelque moyen de le vous renvoyer comme je
vous renvoyay, ces jours passez, le Diogenes Laerlius par le sieur
Billon. Quant h l'Eusebo de Scaliger, c'est M' Gassendy qui m'en a
faict l'instance pour le sieur de Meziriac, mais puis que la pièce est de-
venue si rare, il fauldra faire comme l'on pourra. J'en ay aultresfois
donné trois ou quatre exemplaires à de mes amis qui sont tous mortz.
11 fauldra que j'escripve pour voir s'il s'en pourra recouvrer quelqu'un,
car il est vray que quand je vois quelque homme de lettres qui n'est
pas du commun et qui travaille pour ayder le public sur quelque ma-
tière qui le mérite, je ne sçaurois éviter de luy prester de bon cœur
mes livres imprimez, puis que je n'y espargne pas les m[anu]s[crit[s
qui sont un peu plus difliciles à recouvrer que les imprimez. Je vous
remercie encore trez humblement du soing que vous avez eu non seu-
lement de faire tenir ma lettre h M' Saulmaise, mais de vous rendre
intercesseur pour sa responce; je n'avois pas creu que sa curiosité
peusse descendre jusques à cez Penlateuques Samaritains et aultres
livres en langues orientales dont vous me dictes luy avoir envoyé le
catalogue. J'ay enfin receu ce nouveau Pentateuque Samaritain, dont
laraiHKus iiTtosiit.
AlO LETTRES DE PEIRESC [1633]
l'esciipture est la plus part en caractère Arabique, excepté les com-
maiicements des chapitres et principauk versetz qui sont en caractère
Samaritain, dont le langage ne semble que pur Hébraïque en beau-
coup de lieux, mais il y a beaucoup de diverses leçons au texte pour
ce peu que nous en avons veu, et plusieurs choses qui ne sont point
dans le texte Hébraïque des Juifs, de sorte qu'il pourroit bien mériter
la peine de le conférer comme les aultres, parce qu'il est fort entier
et complet et ne semble point estre trop moderne, bien qu'il ne soit
escript qu'en papier de Damas. L'aultre volume est imperfect au com-
mancement, à la fin et en deux ou trois endroicts du mitan. Et, à ce que
nous en avons peu comprendre, il est divisé en deux parties qui con-
tiennent divers discours ou traictez tant de dévotion et de quelque
traditifve, non seulement des usaiges des Samaritains, mais aussy de
(|uelque chose d'externe, car nous y avons rencontré une généalogie
de Mahomet, dont je veux conférer la suitte à ce qu'en ont escript les
aultres, ayant pour cet elfect envoyé requérir à Beaugentier le Tarich
de Skikardus, qui y estoit demeuré depuis que vous me l'envoyastes,
de sorte que je suis descheu pour ce coup cy de l'espérance que j'avois
conceùe de quelques fragments des livres de Josué des Samaritains,
mais puis que iVI'" Saulmaise se trouve sur les lieux et que la grande
bible de M' le Jay est tant advancée, il faudroit bien tenter de faire
venir de Hollande l'exemplaire qu'avoit feu M'' de la Scala des dicts
livres de Josué continuez, ce disoit-il, jusques au temps d'Adrian, pour
en joindre ce qu'il seroit trouvé à propos par forme d'Ap])endice à
l'édition de la dicte bible. J'ay eu par cest ordinaire dernier une lettre de
M'' le Jay en responce de celle que vous luy aviez faict rendre de ma
part, estant bien marry de ne luy pouvoir escripre pour le présent,
espérant que je ne tarderay pas, non plus que de respondre par mesme
moyen au bon P. Morin (car pour le sieur Vitray, il ne m'a point faict
de responce). Vous pourrez cependant asseurer M' le Jay, si vous le
voyez, que je tascheray de le servir selon qu'il désire, et jusques oïli
se pourra estendre mon petit crédit. Je scray bien ayse que vous re-
couvriez bien tost M'' de Thou. Et le serois beaucoup davantage si je
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. Alt
pouvois rencontrer queltjuc (li|i[ne moyen de le bien servir, ayant un
peu (le refjret que mes lettres soient arriv<îes trop tard pour luy estre
envoyées avant son départ du pais de Bour|;ongne ; mais l'inconvénient
n'en sera pas bien fjrand. S'il se trouve là quelques exemplaires de la
Republique Hebrœorum Gunei, vous me ferez plaisir de m'en envoyer
deux ou trois, pour en faire part h quelqu'un de mes amis. Nous
n'avons pas icy maintenant d'aultres nouvelles, si ce n'est que M' le
Marquis de Narmouslier est hors de fiebvre, ce qui a redonné la vie
au bon M' de la Fayette et, au contraire, M"" nostre Archevesque' est
party à ce matin en dilijjence pour Avignon sur l'advis qu'il a eu de
la mort soudayne de M'' le président de Bouttereux, son oncle, le(|uel
il attendoit icy pour faire les Roys, où il seroit possible venu laisser
les os, sans que M"' le Duc de Villars l'arresta en Avignon, et luy fit
si bonne chère qu'il s'en mist au lict, dont il n'est point relevé. Et
dict on qu'il n'avoit pas encor sceu la mort de M' le président S' Aubin
que l'on luy avoit cachée avec grand artifice, sur quoy je finis de-
meurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 10 janvier i633.
J'ay faict chercher parmy tous les peintres de cette ville le sieur de
Pesch, à qui M"" de Bié escripvoit, sans en avoir peu apprendre nou-
velles quelconques, si ce n'est qu'il y avoit eu en ceste ville un M"^ du
Pesche qui se mesloit de peindre lequel est maintenant à Grenoble où
je luy feray tenir la lettre du dict sieur de Bié, si je puis avoir des nou-
velles asseurées que ce soit celluy là, de quoy je doubte, parce qu'on
dict qu'il y a bien trois ans qu'il est hors d'icy. Et tascberay aussy de
voir de sa besongne, s'il en 9 laissé en ceste ville. Et au cas que je re-
' Louis de Brelel, nomme en i63o, sacré le 11 janvier i63a, si^ea jusqu'au a6 mars
i6/i5. Voir Gallia Christiana, t. I, col. 337-338. En celle dernière colonne, on Irouve nn
court el vif éloge de Peiresc.
412 LETTRES DE PEIRESC [1G33]
congnoisse qu'il puisse faire ce qu'il fault, je seray bien ayse de rem-
ployer à ce que désire M"' de Bié, à qui je vous supplie de le faire sçavoir,
avec mes excuses du retardement de ma responce qui ne provient pas
d'aulcun deffault de bonne volonté, car je seray tousjours trez ayse
l_de le servir quand je le pourray/J'ay recouvré certaines relations tant
de nostre cour que de celle de l'Empereur d'environ 60 ou 80 ans
par un Michel Suriano, ambassadeur de Venise', et quelques aultres
que je vous envoieray demain Dieu aydant par la commodité de AP de
Thorenc, pour voir si vous y trouveriez rien qui valusse la peine d'estre
veu, ne les ayant peu voyr moy mesme à cause d'un peu de fluxion
que j'ay eiie sur les yeux et d'une infinité d'embaras dont j'ay esté
accablé cez deux ou trois jours icy ^.
LXXXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
A PABIS.
Monsieur,
Je vous escripvis hier par nostre ordinaire en responce de voz der-
nières et m'engageay de parolle de vous envoler deux cayers de rela-
tions d'Ambassadeurs de Venize, pour lesquelles accompagner je vous
faicts maintenant ceste lettre que vous recevrez de la main de M' de Tho-
renc qui s'en va en poste à la cour député de noz Estatz, par qui je vous
envoyay l'année passée, de Boysgency, un aultrcbien plus gros pacquet
venu de Rome de la part de M' vostre frère dom Xtofle [sic) du Puy. C'est
un fort brave gentilhomme et qui n'a guieres de semblables dans ceste
Province, Et comme il nous faict l'honneur de nous aymer plus que nous
ne vallons, en nous faisant sçavoir le dessein de son voyage, il nous fit
' Voir, dans les Relations des ambassa- taires sur le royaume de France, par Michel
deurs vénitiens, sur les affaires de France, Suriano, ambassadeur en i56i.
au xri' siècle, receuillies et liwdiiites par ' Vol. 717, fol. 189.
M. N. Toinmaseo (t. I, i838), les Commen-
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. " 413
semondre de le charger de quelque ciiose pour vous; en suilte de quoy
je laisois estât de vous envoyer le nouveau Penlaleuque Samaritain,
ensemble l'aultrc volume que j'avois receu conjointement avec celluy là,
mais un bon P. Chartreux que nous avons en ccsle ville [lour Prieur de
la nouvelle Chartreuse qu'on y a commancé d'establir, nommé le
P. Denis de Sailly, qui a grande cognoissance de cez langues orien-
talles, ayant tesmoigné désirer de voir un peu ce Pentateuque, je n'ay
pas lionnestement peu l'en esconduire, estimant que le P. Morin ne
trouvera pas mauvais ce retardement qui ne sera pas pour beaucoup
de jours à mon advis. Cependant, pour ne laisser aller à vuide ]Vl''deTho-
renc, à faulte de chose plus digne, j'ay créa vous debvoir envoyer les
susdictcs relations vénitiennes, ])our, en cas que vous en ayez de sem-
blables dans la bibliothèque de M'' de Thou, essayer s'il y auroil moyen
de faire suppléer ce qui manque à la (in de celle de l'an 1670 du cla-
l'issime Jean Correro^ que j'eusse pris plaisir de voir entière, à cause
des discours familiers qu'il y rapporte de la Royne Catherine de Medicis,
mais les aultres deux du clarissime Michel Soriano, tant de la cour de
France, au cornmancement du règne du roy Charles IX*", que de celle
de Ferdinand Roy des Romains en l'année 1567 méritent bien, ce
semble, de n'estre pas négligées, et si parhazard elles ne vous estoient
passées par les mains, je crois bien que vous ne serez pas niarry d'y
jetter un coup d'œil, principalement à celle de la France, oii il y a cer-
taines petites particularitez que je n'ay pas rencontrées ailleurs, et si
bien il y a quelques l'aultes du coppiste, elles ne sont pas didiciles à
corriger, et puis que Quentin est tant allamé de besongne, je seray bien
ayse que vous les luy fassiez transcripre pour mon compte, afin que
j'en puisse retenir une coppie en renvoyant les originaulx à celluy qui
me les a voulu prester, n'ayant pas maintenant icy de coppiste guieres
propre ù ceste besongne. Et ayant creu que vous ne seriez peut eslre
pas marry de voir ces pièces, si vous ne les aviez desja, et possible que
' Voir, dans le tome II du Recueil publié par Toramasco et cite en une note de la lellrc
précé<lpnte, In rcltilion de Jean (lorrero, anilMssadeur en France en lôCg.tôyo. etc.
àlà LETTRES DE PEIRESC [1633]
M"" de Lomenie les voudroit pareillement faire transcripre et que quand
mesmes elles seroient inutiles et à vous et à luy, que vous excuseriez
tousjours la libert<^ que j'ay prinse de les vous envoyer pour fournir de
la hesongne au pauvre Quentin à faulte d'aultre meilleure. Je viens de
recepvoir de la part de M' Gassendy une lettre pour M"" Lhuillier qui
estoit arrivée trop tard pour la commodité de l'ordinaire, laquelle il
pourra recepvoir plus tost par ceste voye cy que s'il falloit attendre
l'ordinaire de la sepmaine prochaine. La santé de M' le Marquis de
Narmoustier va tousjours de bien en mieux grâces à Dieu et par con-
séquent les contentementz de M"" de la Fayette et de Madame de la
Fayette, laquelle a pris la peine de nous venir voir aujourd'huy céans,
ce qui n'a pas esté sans parler de vous et de voz honnestetez si célèbres
par tout le royaulnie. On me met en grande espérance de quelques li-
vres m[anu]s[crit]s tous puceaux \ oti vous croyez bien que vostre bonne
part vous sera réservée, mais je n'ose pas m'en vanter que je ne les
tienne, vous suppliant de me continuer l'honneur de voz bonnes grâces
comme.
Monsieur, à
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 11 janvier i633.
Je VOUS prie de m'envoyer un exemplaire de ce petit livre de M' Gro-
tius de la Religion chrestienne qu'il traduisit pour l'amour de M' Bignon
du Flamand qu'il avoit addressé à ses enfans^. Ensemble ceste petite
' Inédits. Rappelons que nous avons déjà
trouvé (t. I, p. 717) le moi pucelage , et
que les deux mots ne choquaient alors per-
sonne.
* De vcrilate religtonis Christianœ liber.
Le texte flamand avait paru en 1622 (in-/r).
Voir, sur les éditions et traductions de ce
traité, le Manuel du libraire ( t. II , col. 1 768 ).
L'auteur de l'article Grotius dans la Nou-
velle biographie générale, M. Ernest Gré-
goire, n'est pas d'accord avec Peiresc en ce
qui regarde les destinataires de l'opuscule,
qui, selon lui, aurait été adressé iranx mate-
lots hollandais pour les instruire de la ma-
nière dont ils pourraient convertir au chris-
tianisme les peuples qu'ils rencontreraient
pendant leurs voyages».
[1G33] AUX FRÈRES DUPUY. 415
Gonfessio theologica exliaite de s^ Aufjuslin d'EIzevir'. Ayant trouvé
M' de Tliorenc de bonne volonté, je l'ay cliarjjé non seulement des ca-
hiers des relations vénitiennes, mais aussy d'une vinjjlaine de pistolles
que je vous prie de remettre dans la bourse que vous avez destinée
aux fournitures journalières qu'il vous faull faire pour l'amour de moy,
en attendant que je vous puisse envoyer quelque chose de plus sans
passer par les mains de cez marchandz, les {globes n'ayant pas encor tant
de iiaste qu'on ne puisse attendre quelque temps pour voir s'il se trou-
veroit quelque bon advantaye tel que celluy qu'on faisoit espérer en
attendant l'Inventaire de M' d'Auxerre^.
LXXXVIII
A MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
A PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du G*^ de ce mois par nostre dernier or-
dinaire, ensemble le petit volume de la relieure du relieur de Cra-
moisy, que j'ay trouvé assez proprement faict pour le pouvoir manier
commodément et pour s'en contenter, et si je l'eusse veu assez à temps,
je ne l'eusse guieres moins estimé que celluy du Gascon, la tranche
madrée ou jaspée ayant quelque advantage sur la simple tranche rouge
à mon gré, et si le Gascon pouvoit sans s'inconnnoder changer la
tranche rouge en une tranche jaspée, je l'aymerois beaucoup mieux,
mais si cela debvoit de beaucoup enchérir la marchandise il vaudroit
mieux le laisser. Je pense pourtant que ce soit chose assez ordinaire
de par de là pour le présent, car aultrefois c'estoit chose fort rare et
diflicile à taire faire. Pour l'Eusebe, puis qu'il se trouve entre les mains
de Camusat', c'est la vérité qu'il est bien cher A /i5 livres en blanc,
' Aucun ouvrage poitanl ce titre ou même
un titre npprocliant n'est mentionne dans le
Recueil de M. A. Willems.
' Vol. 717, fol. 191.
' Jean Canuisat , (jui allait être nomme,
l'année suivante, imprimeur-libraire de
416 LETTRES DE PEIRESC [1633]
mais encore aymerois-je mieux avoir perdu 65** que l'exemplaire que
j'ay apostille de ma main, que l'on me vouloit faire envoyer à cent lieues
dicy, et je prendz si grand plaisir d'avoir la communication quand
j'en ay affaire de quelques livres de mes amis, qu'il me semble d'estre
obligé de les mezurer à mon aulne et à les traicter comme je prends
plaisir d'estre traitté. C'est pour quoy, s'il ne se peut mieux faire, il
faudra se rançonnera la moins mauvaise condition que faire se pourra;
seulement voudrois je avoir tant soit peu de loisir pour avoir response
d un lieu oii j'ay escript, où j'en avois donné un exemplaire à un de
mes amis qui est decedé, lequel je pense recouvrer, s'il est encor
en nature', aussy facilement comme je l'avois donné; mais de peur
de perdre le certain pour l'incertain, il faudroit, s'il vous plaist,
vous saisir de cest exemplaire dez à présent dé peur de ne le plus
trouver quand nous en aurions à faire, à la charge de le pouvoir
rendre dans le temps et terme d'un mois, ou tel aultre que vous y es-
tablirez en perdant plustost quelque teston pour la peine du desdit,
si Camusat ne veut passer ce pacte là gratuitement. Je ne trouve point
estrange que le sieur Vitray soit si mauvois garend de sa parolle, pour
ce Pentateuque d'Erpenius, et pour ceste histoire de Joseph, puis qu'il
a si mal observé colle qu'il a voit donnée pour l'édition de M" Fabrot,
tellement que je pense qu'il sera fort à propos de ne se point attendre
à cela, s'il s'en peut recouvrer d'ailleurs. Quant à vostre Gazetan, nous
avons eu avec vostre despesche celles qu'il n'a daltées que du premier
de janvier bien qu'il en fusse venu des exemplaires en ceste ville dez
la sepmaine passée, par l'ordinaire party de Paris le jour précèdent
dernier de décembre, et par le présent ordinaire M"^ le Mareschal en a
receu une dattée du sabmedy 8° de ce mois, bien que l'ordinaire soit
party du jour précèdent qui n'estoit que le septiesme, oii il m'a faict
voir la retractation de la fausse nouvelle de la mort de Valestein, de
sorte que si meshuy vostre Gazetan persiste à nier l'édition anticipée
l'Académie fi'anraise (avril i634). Voir ' S'il existe encore. La locution être en
l'éloge que lui donne Pellisson ( Histoire de nature n'a pas été indiquée dans le Diction-
r Académie française, édition Livet, t. L p. 1 8). naire de Litlré.
I
[1633] AUX FRERES DUPUY. 417
de ses {jazeltes auparavant le despart du courrier de Lyon, je ne pense
pas qu'il puisse maintenir créance parmy les gens d'honneur quelque
changement qu'il aye alTeclé en la postériorité de la datte d'icelles,
de laquelle il luy sera permis de payer envers le commun si bon luy
semble, mais pour ceux qui ont des yeux, qu'il cherche s'il veut d'aul-
Ires excuses. Pour la personne que vous me recommandez, vous pouvez
bien vous asseurer que non seulement je luy feray sçavoir ce qu'il
vous a pieu m'en escripre, mais qu'il ne tiendra point à moy que je ne
la serve en tout ce qu'il me pourra estre loysible, vous estant obligé et
à M' vostre frère comme aux meilleurs amis que j'ayc au monde, mais
ce personnage estoit neantmoins entré en quelque ombrage contre moy,
s'estant imaginé que sa partie eusse de grandes habitudes avec mon frère
de Valavez et avec moy mesmes, en quoy il avoit eu de fort mauvais
advis, car au contraire ils estoient demeurez dans quelque degoust de
ce que ayant moy rapporté un procez de son frère aisné en l'an 62 5 '
ilz n'en avoient pas obtenu tout ce qu'ilz s'estoient promis par l'arrest,
duquel neantmoins M' le procureur gênerai Fiobet, qui y avoit le
mesme intercst que luy, n'avoit pas laissé de se tenir pour content et
d'advouer que nous luy avions faict bonne justice, dont neantmoins
cez aultres Messieurs n'avoient cessé de se plaindre toutes les fois
que l'occasion s'en estoit présentée jusques à maintenant, de quoy
j'ay creu vous debvoir adverlir confidemment vous estant ce que je
vous suis, parce que celluy pour qui vous m'escrivez s'estoit laissé
entendre de me vouloir récuser, à quoy je luy fis dire que trez vo-
lontiers je luy prcsterois le collet, pour faciliter le succez du juge-
ment de sa récusation à son contentement, afin de luy ester toute
sorte d'ombrage et de regret, et si sa récusation ne pouvoit recevoir
assez de fondement, je verrois de m'absenter pour guérir tout à faict
son esprit. Je suis encor attendant de voir la resolution qu'il en aura
prinse, mais bien plus impatiemment quelque digne moyen de vous
servir en meilleure occasion, en recognoissance de tant de bons offices
' Peiresc, comme on le faisait souvent autrefois, supprime le chiffre mille et écrit 696
pour i6a5.
II. 53
418 LETTRES DE PEIRESC [1633]
dont vous ne cessez de me combler à toutes heures, dont je vous re-
mercie de tout mon cœur et surtout de la bonne nouvelle du retour de
M' de Tliou , à qui je vous supplie d'agréer que je fasse la bien venue
par ce mot d'exploict en vostre personne, de peur de luy fournir aulcun
subject d'interruption de ses complimentz et meilleures occupations,
sçachant bien qu'il vous a faict une assez ample procuration pour cela
et pour beaucoup davantage; la bonne odeur qu'il a laissée en Bour-
gongne de la sincérité de ses intentions et de la grandeur de son génie
a esté escripte en ces quartiers icy de beaucoup de divers endroictz,
au grand contentement tant de M' le Mareschal et de M'' le Premier
Président, que de tous les bons serviteurs qu'd s'est acquis icy, avec un
grand applaudissement universel sur la voix publique qui s'en est es-
pandûe qui a esté généralement suyvie de vœux communs, à ce qu'il
plaise à Dieu de bénir et faire prospérer ses actions et louables desseins,
de quoy je n'ay pas voulu manquer de me conjouyr comme je faictz de
toute mon affection avec vous. Monsieur, et avec tous ceux qui i'ayment
d'aUvSsy bon coeur comme vous, estant bien marry de n'avoir pas de
quoy respondre à la bonne relation qu'il a voulu vous faire de nous,
et qu'il n'aye peu rien trouver céans qui fusse bien digne de luy si ce
n'est qu'il n'aye pas voulu desdaigner la bonne volonté de ses servi-
teurs à l'exemple de la bonté divine, puis que nous n'avions point de
meilleure monnoye à débiter en son endroict, pour l'acquittement de
tant de debtes contractées de si longue main et à tant de justes tiltres,
mais. s'il luy plaisoit de nous faire cognoistre qu'il y eusse veu quelque
chose de son goust, ce me seroit une consolation nompareille d'en
avoir notice pour luy envoier, comme je ferois de tout mon coeur, tout
ce que je pourrois apprendre qu'il luy feust duisable, à quoy vous
pourriez bien vous rendre mon entremetteur, si vous vouliez, pour
extorquer de luy soubz main ' la déclaration de ses intentions. C'est de
' Liltré ne cite, au sujet de cette exprès- les Considérations politiques sur les coups
sion figurée, que des ouvrages postérieurs d'État, de Gabriel Naudé (1689), et le
h la présente lettre. Ceux de ces ouvrages Soliman de Mairet , lequel est aussi de
dont les dates s'en rapprochent le plus sont 1689.
[1633] AUX FRERES DUPUY. 419
quoy je vous supplie le plus instamment que je puis ensemble M' voslre
frère, d'aussy bon coeur que je vous requiers à tous deux la continua-
tion de voz bonnes {jraces. J'avois oubli»; de vous dire cy devant que
si dans ces inventaires, ou par aultres occurrences, vous rencontriez à
achepter cette compilation des canons de l'édition de Mayence de
l'an Sa 5 fol° soubs le tiltre de Corpus Canonum S vous me feriez plaisir
de me la faire achepter, ensemble l'édition de Paris de l'an 609 in 8"
soubs le tiltre de Codex Canonum, Vêtus, Ecclesiœ Romanae", où sont
le Ferrandus et le Cresconius. Je vous ay envoyé vingt pistolles par le
sieur de Thorenc, qui partit en poste jeudy passé, pour avoir de quoy
prendre cez petits livres qu'il vous pourroit faire de besoing, et vous
prie de faire prendre encores cez Epistres du mesme Ferrandus de
l'édition de Home, encore qu'elles soient un peu chères, parce que nous
avons icy un honneste homme qui faict quelque chose de gentil à
l'honneur de ce s' personnage, lequel il fault ayder. 11 me souvient
d'avoir veu sur les catalogues des foires de Francfort depuis quelques
années un livre d'Hervartius' soubz le tiltre, comme je pense, Thea-
trum hieroglyphicum, in fol*"', dans lequel debvoient entrer grand
nombre de ligures en taille douce qu'on disoit estre d'assez grand prix,
dont je ne sceuz avoir pour lors aulcun exemplaire, et quelque année
aprez j'eus un exemplaire d'un livre qui portoit le mesme tiltre, mais
il n'y avoit aulcun discours et n'estoit qu'un recueil de planches en
' Canones Aposloloruin ; veterum eonci-
Uorum constitutiones ; décréta Ponlxficum anti-
quiora, etc., impreuum Mogunùw in œdibus
Johan. Schœffer, anno 11 .d. xxv , même
apriii, in-rol. C'est la première édition d'une
collection qui devait être cent fois réim-
primée.
* L'auteur du Manuel du libraire ne men-
tionne pas cette édition et se contente d'in-
diquer les trois éditions parisieimes de 1 5C 1 ,
1618 ou i6ao, et 16G1.
' Jean-Georges Herwart de Holiemiiourg ,
conseiller et chancelier du duc de Bavière,
naquit à Augsbourg; vers i55o et mourat
dans cette ville, non vers i6ù5, comme
on lit dans la Biographie universelle, mais
le i5 janvier lôaa. Voir une notice très
exacte et ti-ès détaillée sur Herwart dans b
Bibliotheca Augustana de Veith (t. X, p. 1 34-
157).
' Thésaurus Hieroglyphicorum e Museo
Joannis Georgii lierre art ab Hohenbut^
(Vienne, in-fol., sans indication de lieu ni
d'année). QueKjues bibliographes attribuent
la date de 1610 à ce recueil de q6 planches
qu'aucun texte n'accompagne,
53.
420 LETTRES DE PEIRESC [1633]
taille douce assemblées par un bout pour un livre en forme bislongue
en nombre de 2 5 ou 3 o feuilles ouvertes seulement, dans lesquelles
sont représentez tous les obélisques de Rome avec la table Bembina du
Pignorius' et plusieurs aultres figures hieroglipbiques gravées en des
planches de cuivre collées de divers nombres chascune à part comme
relatifz à quelque discours, que l'autheur avoit faict et préparé sur
chascune des dictes figures. Or je voudrois bien sçavoir si cez discours
ont esté imprimez ou non , et s'il s'en est veu aulcun exemplaire ou non
dans Paris; j'ay bien eu un livre in 6° du même autheur où il y a di-
verses questions de cronologie et aultres examinées à sa mode, mais
pour ces hieroglipbiques il n'y en a qu'un seul sur la table Bembine
que j'ay trouvé si extravagant que j'en euz grande pitié, et si les aultres
debvoient estre de mesme, je n'aurois guieres d'envie de les voir. Je
vous supplie de m'excuser de ceste peine et l'imputer à la continuation
de voz offres qui tenteroient la pudicilé de la plus modeste et réservée
crealure du monde, et qui me rendent si importun en vostre endroict,
pour ne dire impudent et indiscrel, dont je vous demande pardon
Irez humblement et non sans beaucoup de honle de faire si mal ce
qu'il faudroit pour le mériter. Depuis avoir escript, l'homme que vous
m'aviez recommandé m'est venu voir et m'a apporté à ce soir deux
lettres clauses que j'ay trouvées estre l'une de M' i'Archevesque de
Thoulouze et l'aultre de M' le Prieur de Roumoules : je n'ay pas
manqué de luy dire incontinant la recommandation que vous m'aviez
faicte en sa faveur, et combien elle esloil puissante pour moy. Il m'a
respondu qu'il avoit une lettre vostre addressée à moy, laquelle il avoit
faict scrupule de me rendre, parce qu'on la luy avoit envoyée ouverte,
et qu'il avoit trouvé qu'elle n'estoit faicte que pour luy, tant il est mo-
deste ; je luy ay faict en propre personne les mesmes offres dont je
vous ay parlé cy dessus, pour m'abstenir du jugement de son procès, ce
qu'il n'a pas tesmoigné désirer; le temps nous fera voir à quoy il
vouldra insister, et je lascheray pour l'amour de vous de contribuer
' Sur l'antiquaire Pignoria , voir t. I , p. 3-i.
I
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 421
tout ce que je pourray pour le contenter, en la meilleure façon qu'il
me sera possible et loisible, demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 16 janvier i633 '.
LXXXI\
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUV,
À PARIS.
Monsieur,
Je receuz par le dernier ordinaire vostre despesche du 16'' janvier
avec une lettre de M"" de Thou, à qui je ne manqueray pas de respondre
par ceste mesme voye : et vouldrois bien avoir aultant de moyen de le
servir que j'en ay de bonne volonté et d'obligation, ensemble M' du Puy
vostre frère et vous, qui ne vous lassez jamais non plus les uns que les
aultres de nous combler de toutes sortes de faveurs, tant en la per-
sonne de nos amis qu'eu la nostre propre, dont nous sommes destinez
à vous demeurer entièrement redevables tout le temps de nostre vie,
puis que nous ne sçaurions nous acquitter de la moindre portion
de noz debvoirs que nous ne nous trouvions incontinant engagez en
d'aultres nouvelles debtes qui ont tousjours de l'advantage sur les an-
ciennes, à mezure que nous nous trouvons tousjours plus reculez des
occasions de revanche. Mais puis que nostre impuissance ne vous est
pas moins cogniie que nostre esloignement, nous nous asseurons que
vous ne vous contenterez pas moins volontiers à l'advenir de nostre
bonne volonté que vous avez faict par cy devant, en attendant si nous
serions jamais assez heureux pour y pouvoir joindre quelques elfectz
de nostre fidèle service aussy bien que noz voeux et que noz trez
humbles remerciementz de tous vos bienfaictz et charitables oHices.
J'ay esté bien ayse d'apprendre les nouvelles qu'il vous a pieu me
' Vol. 717, fol. 19a.
422 LETTRES DE PEIRESC [1633]
donner en la personne de M' Cunœus. La jalousie des prérogatives de
la patrie peut fournir quelque sorte d'excuse tant à M"" Heinsius qu'à
luy des premiers mouvementz auxquels ilz se sont laissez emporter
contre M' de Saulmaize, tandis qu'il estoit encore si loing d'eulx; mais
à ce peu qui se peut recognoistre dans leurs escriptz de l'ingénuité de
leur naturel, j'estime que la présence d'un tel personnage les aura in-
continant vaincus et qu'ilz seront, je m'asseure, du nombre de ceux
qui auront receu et qui recevront à plus grand honneur, que sa nou-
velle demeure en leur pais luy acquiert le droict comme d'une seconde
patrie de ce grant homme et de sa prodigieuse littérature, et qu'ilz
s'estimeront tant plus obligez à le servir et à contribuer tout ce qui
pourra dépendre d'eulx à ses plus louables estudes et exercices ^ Je
me doubtois bien que la nouvelle de l'extrémité oi!i s'estoit trouvé re-
duictM'' le Marquis de Narmoustier seroit capable de vous toucher bien
avant, tant pour son mérite particulier que pour les intherestz de M" de
la Fayette qui y estoient meslez. C'est pourquoy je me rendis curieux
de vous tenir adverty de ce peu de bonne espérance qu'on avoit au sou-
lagement de son mal. Il y a longtemps qu'il a congédié tous ses méde-
cins et qu'il est tout à faict quitte des restes de l'empiresme de la
fiebvre^. Il est pourtant contraint de tenir encores le lict une bonne
partie du jour pour soulager sa foiblesse, mais le temps s'estant fort ad-
doucy il commance à prendre courage de se tenir quelques heures
du jour et je crois bien qu'il ne tardera pas de faire quelque petite sortie
pour prendre un peu d'air soit de la ville ou des champs. Mon frère
luy a faict voir et à M"" de la Fayette le soing que vous aviez pris
de m'en escripre voz sentimeiitz, dont ilz se recognoissent tous deux
bien redevables à vostre courtoisie. Il me reste à vous dire que la no-
tice que j'avois eiie de pontificia jurisdictione, je l'avois prinse dans un
' Peiresc avait jugé Heinsius avec trop resc, Appendice, lettre III, p. loi-iia).
de bienveillance, comme on le voit par ^ Littré, qui ne donne pas la forme «»-
les plaintes de Saumaise dans une lettre ptresme, ne cite, sous le mot empyreume,
à Jacques Dupuy du 29 janvier i634 que deux phrases d'un écrivain du ivi' siècle ,
(fascicule V des Correspondants de Pet- Ambroise Paré.
[1633] AUX FRÈHRS DUPUY. 423
carton où estoit imprimé le liitre du dict livre en placart conjointement
avec celluy (jue vous m'avez envoyé de M'' du Refuge' in U°, de sorte
qu'ils doibvent avoir esté allichcz conjointeinent par les carrefours de
Paris. L'on m'a faict feste aussy d'une certaine vie de Dom Jean de Cas-
tille que je n'ay poinct encore veiie, et que l'on prétend estre du style
de M'' le Cardinal durant son sesjour d'Avignon, mais j'auray bien de
la peine à me le persuader; au surplus j'ay desjà recouvré un exem-
plaire de l'Alcoran in-fol° de l'édition Tigurine de l'an i55o ou de la
version de Robertus Retenensis, faicte à l'instance de Petrus Venera-
bilis abbé de Cluny'\ do sorte que comme je vous mandois la sepmaine
passée, il ne sera pas nécessaire de m'envoyer celluy de iVP Aubery,
car pour mon assortiment de raoy j'auray bien loisir d'attendre celuy
de l'Inventaire de M' d'Auxerre ou quelque aultre s'il s'en présente à
prix tollerable, car j'avois gardé assez longtemps celluy de M"" Aubery,
pour y passer ma fantaisie; je voudrois bien en pouvoir dire aultant
pour le regard de l'Eusebe de Scaliger, dont je n'ay pas encores eu la
responce du lieu où je l'ay redemandé et dont j'espère de vous pou-
voir donner bien tost plus de resolution qu'à présent. Je vous remercie
bien buniblement du soing que vous voulez reprendre de ceste carte
Hébraïque en taille douce, aussy bien que de la rellieure de ces petitz
volumes des Republiques d'Elzevir. Je voudrois bien cependant voir
un peu d'inventaire de tout l'assortiment qui se peut trouver de cez
petits volumes, pour recognoistre et pouvoir demander ceux qui me
seront escbnppez tant de bons autheurs classiques anciens que de
cez petites Republiques et de cez petitz volumes de prière et dé-
votion. Je desirerois encor une aultre faveur de vostre grâce, pour
apprendre si Petrus Scriverius' a jamais faict imprimer les livres de
' Euslaclie du Refuge, conseiller d'État,
mort en 1698.
' Machumetis ejuxque suecessorum vilte,
doclrina, ac ipse Alcoran, t/iur D. Peints,
ahbas Clun. , ex arabica lingua m lat. Irans-
ferri curavit. . . Hwc oinnia in unmn rolumeii
redacta sunt oper» el studio Th. Bibliandri
(seconde ëdilion, sans lieu d'impression
[Tiguti], i55o, iii-fol.).
' Scriverius (Pierre Schryver), né à Har-
lem le 13 janvier 157O, mourut le 3o avril
i66o.
424 LETTRES DE PEIRESG [1633]
Re agraria qu'il promettoit à la suitte de Marcus Junius Nipsus, l'un
d'iceulx non encores imprimé que je sachet II en faict mention en son
édition du Vegece et de quelques aultres autheurs de Re militari,
chez Raphelengius de l'an 1 607 in 4°, où il a adjousté tout ce qu'il a voit
de Frontinus tant de Aquaeductibus, de Re agraria, de Limitibus, de
Coloniis comme des Stratagesmes militaires^, sur lesquelles pièces il ren-
voyé fort souvent à des nottes -que je n'ay poinct trouvées dans ce vo-
lume, lîien que j'en aye deux exemplaires, n'y ayant que les commen-
taires de Godescalcus Stevechius, sur le Vegece et sur les Stratagesmes
de Frontin , et des nottes de Franciscus Modius' tant sur l'un que sur
l'aultre, mais il n'y a rien sur les aultres pièces du Frontin, quoy qu'il
y aye à la marge d'icelles tout plain de petitz renvoys aux nottes,
lesquelles n'estoient possible pas encores lors achevées d'imprimer,
quand mes deux exemplaires furent acheptez (car je crois bien que
■ Scriverius n'aura pas manqué de les faire imprimer tost ou tard, et
qu'elles ne vous seront pas eschappées comme à moy). C'est pourquoy
je vous supplie de le faire voir et veriffier dans vostre bibliothèque, et
de me faire, s'il est possible, recouvrer ces nottes, ou plustost un troi-
siesme exemplaire si elles ne se peuvent avoir à part. Et s'il a esté faict
quelque aultre édition postérieure des pièces de ce Frontin et de cez
aultres autheurs de Limitibus agrorum, je les recouvrerois fort volon-
tiers, n'ayant que celle de Turnebus* et de Galandius^ à Paris in 6° de
' Scriverius ne (it jamais imprimer les
livres agronomiques dont s'occupe ici Pei-
resc.
' FI. Vegelii aliorumqite aliquot vetqrum
de re militari libri ; accedimt Frontini Strata-
gematibus ejusd. auctoiis alia opuscula ; omnia
emendatius, quœdam nuiic priinum édita a
Petro Scriverio, cum commcntar. God. Ste-
wechii et Fr. Modii. Ex officina Plantiniaiia
Rapheletigii. (Leyde, 1607, in-4°.)
' François Modius, né à Oudenborg
(près de Bruges) en i536, mourut cba-
noine à Aire (en Artois) l'an iBgy. Ses tra-
vaux sur les tacticiens Végèce, Frontin,
Élien et Modeste avaient paru , réunis en un
volume in-8', en i58o, à Cologni^.
* Adrien Turnèbe, né aux Andelys (Eure)
en 1 5 1 Q , mourut à Paris le 1 a janvier 1 565.
Voir sur ce philologue le Mhnoire historique
et littéraire sur le Collège royal de France,
par l'abbé Goujet, t. I, p. àtij-liBlt.
^ Pierre Galland, né en i5io à Aire (en
Artois), mourut à Paris le 3o août 1569.
Voir la notice de l'abbé Goujet {Mém. hist.
et litt. sur le Collège royal de France, t. I,
p. /)38-/i47).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. /i25
i'an 1 556 tirée d'un m[anu]s[cnt] de S' Berlin ', où j'ay aultresfois prins
beaucou]) do plaisir d'en examiner certains passages qui donnoient
bien de la lumière à mes petites curiositez. Quant à vostre Gazetan,
c'est un grand mocqueur, s'il prétend insister à vouloir nous faire ac-
croire que les Gazettes plus récentes que celles qu'il nous livre le
samody puissent venir par le courrier du mardy, attendu qu'il n'y a
point de courrier qui puisse arriver icy à partir de Paris le mardy, aux
heures que partent les ordinaires de Lyon , qui se puisse rendre icy
le vendredy au soir ou le sabmedy du grand matin, auquel temps les
nostros sont arrivez depuis quelques scpmaines avec les Gazettes de la
huictaine précédente, et particulièrement la dernière du 15"" de jan-
vier, oi!r nous apprismes dez le vendredy au soir la Royaulté de la febve
du marquis de Gordes^ et l'honneur qu'il eut de boire une fois cou-
vert avant le Roy, qui n'est pas une petite prérogative pour la pro-
vince', dont l'honneur se plaist beaucoup plus à manger du pain bis
chez soy, et à boire de l'eau en liberté, que s'il falloit servir à boire
du nectar h la table des Roys. Vostre homme auroit plus tost faict de
s'excuser sur quelques deft'enses, si on luy en a faict aulcunes, ou sur ce
que telz plaisirs sont volontaires et ne se font qu'à ceux que l'on veult
gratiffier et non à aultres. Nous n'avons rien icy de nouveau que ce que
vous verrez au papier cy joinct des nouvelles d'Allemagne venues du
costé de Gènes; le duc de Lenox*, qui esloit allé à Marseille et à la
S** Baulme, est de retour icy depuis ce soir en poste; nous sçaurons
' L'nliW Gniijel dit à ce sujot (p. hfilt):
irCe fiit Itii [Gnlland] qui, le jwemier, mit
an jour les Scriptores de agrorum Umilibus
et de consliliitiouibiis , qu'il avoit trouvés en
Flandre; il ne les publia qu'après les avoir
revus, conjointement avec Adrien Turnèbe;
cette édition est in-4°. Nicolas Rigault, <pii
en a donné une autre depuis plus parfaite
et plus complète, ne fait honneur de la pre-
mière ([u'à Tumèbe seul, en quoi il s'est
i-ompé. n
' Sur (iuillaume de Simiane, marquis de
Gordes, \oir I. 1, p. hh(y.
^ On sait que Gordes est aujourd'hui un
chef- lieu de canton du dé])artenient de
Vaucluse. arrondissement d'Api, à 4a iàlo-
mètres d'Avignon.
' James Sluart, duc île Lenoï et de Rich-
mond, né le i6 avril i6ia, mourut le
'Ao mars iG55. Voir les Mjmoirfi? de Bas-
sompierre, t. III. p. -i-ji.
Si
426 LETTRES DE PEIRESC [1633]
demain s'il voudra reprendre la routte d'Angleterre ou celle d'Italie;
sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a4 janvier i633.
J'ay recouvré une relation de l'exécution de M"" de Montmorency qui
est assez particulière. C'est pourquoy j'ay creu à tout hazard de vous
en debvoir envoyer aultant, ensemble les provisions de M"" de Paule '
et quelques arrestz où vous pourriez rencontrer à l'adventure de cez
curiositez ecclésiastiques dont vous faictes des recueils^.
XG
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Ce n'a esté que par les lettres tant de M' du Puy que de Dom Chris-
tophe du Puy, voz chers frères, aussy bien que par les vostres que
j'ay eu les premières et principalles cognoissances de la sureminente
vertu et littérature de M"" Holstenius, et que je me suis desvoué à son
service. Je pense aussy que ce n'ayt esté que de vostre part que j'ay eu
les premiers advis de cez beaux recueilz qu'il avoit faicls des anciens
Géographes Grecz, dont je vous envoyay le catalogue qu'il m'en avoit
communiqué avec plusieurs trez belles et doctes lettres , qu'il m'escripvit
lors sur ce subject, en la plus part desquelles il me tesmoignoit l'extrême
passion oii il estoit de recouvrer le texte Grec de l'ANAPLVS DIONYSII
BYZANTII sur son Bosphore Thracien', dont il n'avoit que la seulle
' Le président de Paule, mentionne i)lus ' Vol. 717, fol. 198.
haut comme successem' du président de Go- ' Le titre de l'opuscule du poète géo-
rioHs. graphe Deiiys de Byzance est : .ivàirXous
[1633] AUX FRKRES DUPUY. ftil
préface et les fra{jiiien(z de la version du reste de son texte que Petrus
Gillius' a fourrez ])eslo et inesie dans le discours qu'il a faict sur ce
sul)ject^ et crois que vous vous souviendrez d'y avoir veu les instances
réitérées qu'il m'a souvent faictes pour la recherche de l'exemplaire de
cet aulheur qui avoit appartenu au dict Gilliiis\ et que nous avons veu
estrc passé avec la bibliothèque du cardinal d'Armagnac au pouvoir
de M' l'Evesque de Rhodez\ qui nous a tenu eri^grande irrésolution
jusques à ])resent pour ce regard, ne nous ayant jamais advoué ne
desadvoiié de lavoir et nous ayant seulement promis que s'il le trou-
voit il nous en feroit paît fort volontiers; enfin un bon prebstre de ce
pais là m'est venu dire qu'il avoit sceu de bon lieu que M' l'Evesque
de Rhodez avoit trouvé un vieux livre m[anu]s[crit] dont il me vou-
loit escripre, que j'estime ne pouvoir estre aullre que celluy là, puis
que je ne luy avois point fait d'instance pour aultre que pour cel-
luy là. Toutesfois cela ne conclud rien pour encores, puis que nous
n'avons point de ses lettres longtemps y a, lesquelles je n'ay pas at-
tendues comme vous pouvez penser pour luy raffraiscliir mes instances
et tascher de prévenir l'eflet de la communication qu'il nous a faict es-
pérer de ceste pièce sans laquelle il semble que M. Holstenius se puisse
malaisément laisser persuader de mettre au jour le recueil de ses Geo-
graphes que je voudrois pouvoir facilliter et accélérer comme je tiens
W
Hoffnàpov. On croyait ne posséder de cet
opuscule qu'un fragment copi<î par Isaac
Vossius dans In bibliothèque de Florence cl
qui a ét(? plusieurs fois publié, notamment
par Du Gange, Hudson, Fabricius et, en
dernier lieu, par A. F.-Didot {Geographi
minores, t. H). Mais la Bibliothèque natio-
nale a acquis on i864 un uiauuscrit qui
contient le texte que Peiresc désirait si ar-
demment communiquer li Holstenius. Ce
(nxle a été publié pour la première fois par
M. Wescher: Dionysii By nantit de Boxphori
nnvigatione (juœ supersitnt (Paris, 1874,
grand in-8° de xxxv et i54 [«ges).
' Voir sur Pierre Gilles, t. I, p. 187.
' De Bosphoro Thracio Ubri III [t Sût,
in-S").
' Voir, dans le Becueil de Boissonadc . les
|)ages 36, â(), 1 14, 160, tgg, 671.
* Bernardin de Corneillan , neveu et coad-
jut'.'ur de l'évéque François de Corneillan ,
siégea de iGi/i à t636. Voir Gallia Chris-
tiana, t. V, col. a3i. On conserve, dans le
registre V des Minutes de l'fnguimberline ,
quolqiK's lettres échangées, au sujet du ma-
nuscrit de Denys de Byzance, entre Peiresc
et le prélat, du 9 octobre i63i au a8 dé-
cembi-e i(>34 (fol. 57a-â7â).
54.
Û28 LETTRES DE PEIRESC [1633]
que vous feriez trez volontiers de vostre coslé, si vous pensiez en avoir les
moyens avant. Or en voyant ces jours cy le catalogue de la Bibliothèque
du Roy pour y cognoistre ce grand nombre qu'il y a de petitz opuscules
sur la matière de ponderibus et mensuris (que je pourrois bien esclaircir
avec la comparaison de mes antiquailles s'il m'estoit loisible d'en avoir
la communication), j'y ay rencontré par hazard deux exemplaires de
ce Bosphore de Denys Bizantin , l'un soubs le nombre 8 , et l'aultre soubs
le nombre 1 35 , que j'ay creu ne debvoir estre que la seulle préface de
cet autheur dont M' Holstenius faict article en son inventaire, ayant
de la peine de m'imaginer que si la pièce esloit entière elle eusse
peu eschapper à la diligence de ses recherciies lorsqu'il fouilloit dans
la Bibliothèque du Roy, où je crois bien qu'il n'y avoit rien de caché
pour luy. Toutesfois parce que peu de chose pourroit avoir produict
cet inconvénient au cas que cez deux volumes eussent esté prestez à
M' Saulmaize ou à quelque aultre lorsque M"" Holstenius faisoit ses
visites, j'ay creu vous en debvoir donner advis pour ne rien négliger en
ce qui regarde le contentement et advantage d'une personne que vous
honorez tant, sachant qu'avec vostre prudence vous trouverez le moyen
de luy procurer son contentement sans faire aulcun préjudice aux inthe-
restz que pourroient y prétendre soit M' Rigault ou M' de Saulmaize ou
aultre de voz amis qui aggréeront tousjours, comme je m'asseure, que
ceste pièce ne deifadle pas au recueil de M"^ Holstenius auquel ils en ont
contribué d'aultres, qui ne sont possible pas guières moins importantes.
Vous pouvez avec vostre discrétion accoustumée vous aller promener
un jour dans la bibliothèque , et sans faire semblant de rien vous eu
esclaircir, et faire porter le volume chez vous, si besoing est. Ayant
quelque peine à me persuader que si ce n'estoit que la simple préface,
le catalogue n'en eusse esté conceu en aultres termes, puis qu'il est
faict de la main de personnes qui y regardoient de sy prez en tant
d'aultres articles de bien moindre conséquence que ceux là. Que si
quelqu'un de cez Messieurs avoit dessein sur cet autheur, ce seroit
grand dommage qu'il deust empescher celluy de M"" Holstenius qui est
beaucoup plus vaste et qui comprend tajit d'aultres bonnes pièces, les-
[1633] AUX FUKllR.S DUPUY. 429
quelles eussent possible couru i'orturic de périr sans le seing qu'il prend
de les restaurer et publier. L'exemplaire de M' l'Evesque de Riiudez
que j'attendz d'beure à aullre' me pourra bien fournir un assez bon
sup|)lement sy nous l'avons, et pourroit bien servir aussy de couver-
ture et dhonneste prétexte pour la consolation de ceux qui pouvoient
prétendre intberest à ne point laisser communiquer ceux de la Biblio-
thèque du Koy, au cas que vous trouvassiez à propos, pro raajori bono,
d'avoir recours pour ceste fois sans conséquence à un pieux larrecin
d'une coppie de l'un de cez deux exemplaires collationnée sur l'aultre,
transcripte à la desrobée chez quelqu'un de voz amis ou des miens,
que nous envoyerons au bon M' Holstenius comme venu de Roerjjues
en attendant celle qui est encores cachée en ce pais là, auquel cas
M' le Prieur de Roumoules fournira tout ce que besoing sera soit pour
le logement du coppiste, ou pour ses vaccations, vous advoiiant (jue
je serois merveilleusement fier s'il advenoit que M'' Holstenius receust
cette pièce là de ma main, de quelque part qu'elle puisse sortir, puis
qu'il m'a si souvent escript qu'il en avoit une ferme espérance, bien
que sans aultre fondement que du bonheur que jaurois eu de luy faire
recouvrer certaines aultres choses, dont il avoit esté en trez grande
peine, et je voudrois bien qu'il eusse dict vray de ce costé là comme
du reste. Vous y ferez tout ce que vous jugerez le plus à |)ropos et que
j'approuveray tousjours trez volontiere, et au cas que mes conjectures
n'ayent pas esté du tout vaines, comme je le voudrois bien, il ne se-
roit peut estre pas inutile d'examiner un peu ce qui est sous le nombre
363 coltéen cez termes Geograpliica quiedam de Byzantio, Roma, llep-
talopho, Daphne, iNilo, et plus bas de Cyllene Arcadiœ monte, et au
nombre suyvant 366 Inscriptio in monte olivarum, car j'estime que
M' Holstenius trouveroit sans doubte quelque chose à prodilter à tout
cela, s'il ne l'a desja veu; je crains fort (jue vous ne blasmiez ma trop
grande curiosité en cette occasion d'aller fouiller trop avant non seul-
' Cet exemplaire tant attendu n'arriva jamais, el il faut le considérer comme déCuitivement
perdu.
**» LETTRES DE PEIRESC [1633]
lement parmy cez vieux bouquins , mais encores jusques dans les pensées
de cez Messieurs que j'honore et respecte infiniment et que je ne vou-
drois point dezobliger pour rien du monde; mais puis que je ne faictz
rien en cela pour le pauvre M' Holstenius qu'iiz ne voulussent que j'en
fisse aultant pour eulx en cas semblable, je pense qu'iiz ne laisroient
pas de me le pardonner de bon cœur tost ou tard , puis que le public
y a tant d'intherest joint à celluy de M'' Holstenius, tandis qu'iiz ne sont
pas en estât de faire imprimer plus tost ceste pièce que luy; mais soit
que mes conjectures puissent valioir ou non , je vous supplie bien trez
humblement que ceste mienne lettre ne demeure pas en nature, quand
elle vous aura servy pour la verifTication de ceste recherche, et désire
bien qu'il vous plaise de la faire brusler incontinant que vous vous en
serez esclaircy \ de peur qu'elle ne me fusse un jour reprochée par
quelqu'un qui ne sceusse pas ce qui est de ma sincérité et jugement et
que le bonus dolus n'a pas mise auprez de moy sans une aussy grande
nécessité que celle qui se rencontroit en ce faict icy, dont je vous suis
desja si ennuyeux, espérant neantmoins que vous ne laisrez pas de
me pardonner la faulte qu'il y pourroit avoir de ma part, comme je
vous en supplie trez instamment et de croire qu'en ce faisant je n ay
pas creu de vous pouvoir rendre moins de service à vous aultres, Mes-
sieurs, qu'à vostre bon amy et qu'il n'y a rien de loysible que je ne
fisse pour me signaler tousjours dadvantage,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur.
Ce dernier janvier 1 633 \
' Nouvelle «preuve de l'inutilité des re- ■ Peiresc n'a pas voulu signer en toutes
comraandations de ce genre. Du reste, qui lettres un document qui lui semblait un peu
doncauraitle courage de reprocher à Dupuy compromettant, et il s'est contenté d'une
de n'avoir pas détruit une lettre que l'on initiale empruntée à l'alphabet grec,
peut certainement regarder comme une des ' Vol. 717. fol. 197.
plus intéressantes de tout le recueil"?
[1633]
AUX FRKRES DUPUY.
/i31
XCI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Nous avons receu par vostre dernière despesche du 21'= tout plaiii
de belles et curieuses pièces à vostre accoustumée, dont je vous ren-
voyé la lettre latine qui a esté trouvée trez belle et judicieuse, dont je
vous remercie trez humblement comme aussy de ce petit madrigal qui
est bien gentil; j'ay pris grand plaisir de voir ce placard de M'Besly ',
ne doublant point qu'il ne nous enseigne de trez belles choses non seu-
lement sur la matière de l'Histoire de Guyenne et de Thoulouze, mais
sur tout le reste encores, et particulièrement voudrois bien sçavoir s'il
a trouvé de nouvelles preuves plus concluantes que celles qu'il avoit
du temps que nous estions encores à Paris, sur le subject de la descen-
dance masculine du roy Hugues Capet par la lignée royalle, à quoy
il s'estoit rencontré dez lors je ne sçay quelle difficulté plus fascheuse
qu'il n'eust esté à désirer^. S'il y a moyen d'avoir quelque aultre
exemplaire de ce placard, j'en recouvrerois volontiers pour en faire
passer de là les montz s'il est loysible. J'avois bien jugé sur l'inventaire
des Historiens de France de W du Ghesne n'aguieres imprimé in fol"'
' Le placard dans Iwjuel était aiinoncëo
VHittoire des comtes de Poictou et des ducs de
Guyenne, la(iiielle ne devait paraître que
quatorze aus plus tani (Paris, 16/17, iû-fol.).
' Besiy, dans sa correspondance publit'e
eu 1880 (tome IX des Archives lUstoHqiies du
Poitou), revient souvent sur celte «piestion.
Voir notamment pajjes 9, 17, 317-893,
359, 304. Dès le a5 février 1616, Besly
écrivait à Dupuy : ^ Je luy ay aussi fait voir
luie chose inouye h ce siècle, et neantmoins
très véritable, que Hugues Capet estoit issu
delà race de Ckarlemagne. ..» Le 8 mars
1 633 , il répondait aux ([uestions de Pciresc .
lesquelles lui avaient été communiquées par
leur ami commun, P. Dupuy. Le i4 jan-
vier i643, il écrivait à MM. de Sainte-
Marthe : itQuanl à mon origine de Hugues
Capet, je n'ay encores rais la dernière main
à ce que j'y pense nécessaire. 1 Dans 17n/ro-
ductioH aux Lettres de Jean Besly, l'éditeur,
M. .\. Briquet, dit (p. xxvi) : "C'est le
premier qui ait prouvé que Hugues Ca|)et
descendait de Charlemagne.i
' C'était, comme \e placard dont il vient
d'être question , une sorte de prospectut qui
452 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qu'il falloit que les m[anu]s[crit]s de M' Pctau ' luy eussent esté mis
en main, y en ayant recogneu quelques uns que j'avois aultresfois veuz
dans sa bibliothèque, dont je fus merveilleusement consolé, et vou-
drois bien qu'il prinst envie à M' L'Abbé^ de descharger sa conscience
en ceste occasion, et de mettre entre les mains du bon M' du Chesne
ce qu'il retient de ceste matière à tant d'honnestes gens, à ceste fin
que le public n'en fusse pas frustré. Je vous remercie trez humblement
du soing que vous avez eu de ceste Carthe Rabinique et de ces exem-
plaires de Cunaeus; si dans l'inventaire de M' d'Auxerre ou ailleurs,
vous rencontriez la bibliothèque de Gesnerus^ de la plus ample édition
à prix tollerable\ vous m'obligeriez bien de la faire achepter pour mon
compte. Mon frère a faict voz complimentz tant à M' de la Fayette
qu'à M"" le Marquis de Narmoustier lequel s'en va à grandz pas à sa
primitifve santé. Dieu aydant. Madame la Mareschalle sa mère l'ayant
voué à s' François de Paule et l'ayant obligé quelque temps à porter
la couleur de Minime pour le recouvrement inespéré de sa guerison.
Nous n'avons icy du tout rien de nouveau; c'est pourquoy je finis de-
meurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aiï , ce dernier janvier 1 633 .
M"^ le Mareschal nous fit voir la Gazette du 22^ tosl aprez l'arrivée
du dernier ordinaire, où nous apprinsmes l'arrest de Dijon contre Mes-
sieurs d'Elbeuf et Puylaurens ^, de sorte que ce ne fut pas sans morti-
précédait de plusieurs années le grand et ^ Sur Conrad Gesner, voir t. I, p. 438.
célèbre recueil intitulé : Historiée Francorum * Voir, suria Bibliotheca universalis et sm
scriptores coœtanei (Paris, Séb. Cramoisy, les suppléments qui furent donnés à ce ca-
1636-1669, 5 '"l. in-fol.). talogue , l'ample et curieux articledu Manuel
' Sur le bibliophile Paul Petau , voir t. 1, du libraire (t. II, col. i565-i567).
p. a6i. ' Le duc d'Elbeuf, Puylaurens, Du Cou-
^ Sur l'érudit Charles Labbé, voir t. I, dray-Montpensier, Goûtas, furent con-
p. i48. damnés à mort par le parlement de Dijon
I
116331
AUX FRERES DUPUY.
433
fication que nous eusrnes par aprez en vostre pacquel celle du iB*"
seulement, que je trouvay triple. H suflTit de deux exemplaires, ef
si ce gazetan j)ersiste en sa rudesse, je pense qu'on s'en pourra passer
tout à faict et vaudra quasi mieux se contenter de voir la Iraisclie par
le moyen de ceux qui la reçoivent que de l'avoir si vieille, et huict
jours aprez l'avoir veue publiquement. Voire cela pourroit l'aire envie
aux imprimeurs de la contrefaire en attendant la veniie de l'ordi-
naire suyvant. On nous a dict icy qu'on avoit envoyé commission
pour saisir le Mareschal d'Estrée et lui faire son procez ' sur les
plaintes de l'f'îlecteur de Trêves, qui seroient bien secondées de divers
aullres endroicts, s'il estoit permis à Bezançon'^ de se rendre instiga-
teur contre iuy ^.
XCII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'av receu vostre despescbe du a 8*^^ accompagnée tousjours de tout
plein de belles curiositez dont nous vous sommes tousjours plus rede-
coinme criminels de lèse-niajeslé et conlu-
niaces : ils eurent la tête tranchée en efligie
à Dijon. Voir les Mémoires de Nicolas Gou-
lus , gentilhomme ordinaire de la chambre du
duc d'Orléam , t. I, 1879, p. a 10.
' Voici comment Michel le Vassor ra-
conte l'affaire ( Histoire de Louis XI U , t. IV,
p. a -il) : frLe maréchal d'Etrées, intime
ami de celui-ci (Ghâteauneuf) , prend l'épou-
vante h Trêves, où il commaudoit les troupes
du Roi. I.e courrier qui apportoit la nouvelle
de la disgrâce de Cbùteauneuf ayant rendu
quelques dépêches de la Cour à La Saludic
et à Bussi-Lamet , officiers subalternes du
Maréchal , il craignit que ce ue fut un ordre
de s'assurer de sa personne. Elrées sort au
plus tût de Trêves, et se retire hors des
terres de la domination du Roi. Peu de
temps après, il reconnoit sa terreur panique,
envoie un de ses gentilhorames demander
pai-don au roi et au cardinal, et confesse in-
génument la raison de soi fuite précipitée. On
le rassura , et il reçut ordre de s"<'n retourner
à Trêve*.»
' I>e mai-éclial d'Estrées et Charles de
Besançon ont été mentionnés ensemble dans
la lettre III de ce tome (p. 8).
' Vo'. 717, fol. 199.
65
OiVBlKXU* lATIAIftll.
434 LETTRES DE PEIRESC [1633]
vables, et de la bonne volonté et inclination que vous tesmoignez à fa-
voriser et obliger noz amis aussi bien que nous, comme vous le montrez
à la personne de M'' de Tliorenc et de M' Billon. J'ay esté grandement
ayse d'entendre que vous ayez recouvré les actes du procez de M' de
Montmorancy ^ et que vous ayez aggréé que Quentin s'occupe à m'en faire
une coppie, mais encore plus de la communication qu'il vous plaist
me faire espérer de ceste aultre pièce de Fra Paolo sur l'inquisition
qui est une matière encore plus friande^, et si vous pouvez recouvrer
celle de Fra Fulgentio^, elle en vaudra bien la peine et la despence.
J'avois aultresfois recouvré ce livre in i" intitulé Thesauro politico,
mais je ne m'estois pas avisé d'y chercher les relations vénitiennes que
je vous envoyay dernièrement, lesquelles se pourront collationner dessus
l'édition, et quant à celle qui est imparfaicte, je ne laisray pas de la
faire transcripre si vous le trouvez bon, quand ce ne seroit que pour
ce petit dialogue que j'y ay trouvé de la feiie Royne Catherine de
Medicis. Je vous remercie trez humblement du soing que vous avez
pris de stipuUer avec Camusat la reserve de son Eusebe de Scaliger,
et de retirer de ses mains le Pentateuque et le Joseph d'Erpenius
comme aussy sa Grammaire Giarumia, laquelle j'ay aussy bien que les
aullres, mais je seray pourtant bien ayse d'en avoir un exemplaire,
double pour luy faire passer la mer avec les aultres, ne trouvant rien
d'estrange à la taxe de leur prix, quoy que vous fasse dire au con-
traire vostre modestie, d'aultant que quand on a si grand besoing de
ces pièces là le double du prix n'est point trop grande cherté : vous
remerciant aussy des livres qu'il vous a pieu desja m'envoyer par le
' La Bibliothèque historique de France in^ pièce : Discorso di F. P. V. [fra Paolo Vene-
(lique ( article SSyaS) le/jrocè* criminel fait ziano] al Doge di Venezia, sopra la maleria
à Henry de Montmorency, duc et pair de deW Inquisizione.
France, l'an i63-3, in-fol., conservé enire ■" Fra Fulgentio, disciple el ami de Sarpi,
les manuscrits de M. Dupuy, n° 878, entre est surtout ciiièbre pour avoir été le bio-
ceux de M. de Brienne, n° i95,elc. graphe de l'éloquent historien : Vila del
' On conserve, dans le registre XV de la Padre Paolo, deW ordine de' serui (Leyde,
collection des manuscrits de Peiresc ( Biblio- 16/16, in-ia).
thèque de Garpentras), une copie de cette
[1633] AUX FRERES DUPUY. 435
sieur Valhelle, et vous suppliant de me faire envoyer le plus tost.que
vous pourrez ces Arabes et aullres que vous avez recouvrez depuis
peu, ni'estant estonné que le commentaire d'Hervarlius sur son re-
cueil d'obélisques n'ayt point esté apporté à Paris, puis qu'il estoit sur
le Catalogne de la l'oire, et si cez libraires vont ou escripvent ù Franc-
fort, il fauldroit bien s'en enquérir sur les lieux. S'il se trouvoit à
vendre quelque exemplaire des œuvres de Golzius^bien assorty, je
serois bien ayse d'apprendre pour quel prix on s'en pouri'oit rediuier
pour un amy qui m'en a prié. Il me semble que depuis que l'on a
réimprimé en Flandres les volumes plus rares, la cherté en estoit beau-
coup diminuée. Cependant si l'on trouvoit là la dactyliotheca de Gor-
Iccus in 6"^ et un certain petit supplément qu'il avoit faict des mé-
dailles des familles Romaines, je vous prie de me faire aciiepter lun
et l'aultre le plus tost que vous en pourrez avoir la commodité, en-
semble les discours de Sebastiano Ërisso in U" sur les médailles, encores
qu'il fusse frippé,pourveu qu'il ne soit point trop {jasté ne imparfaict,
j'en pourrois accommoder un amy qui en a grande envie; sinon il le
faudra faire venir d'Itallie, Vous me pardonnerez bien si je vous dictz
(jue vous avez eu un peu de tort de rnonslrer à M"' de Tliou ce que je
vous escripvis pour le sonder, aliin de tascher de descouvrir soubz main
qu'est ce qu'il pouvoit avoir lencontré de son goust dans ma petite
estude, car ce m'eust esté une merveilleuse consolation de luy pouvoir
envoyer quelque chose cappable de toucher son goust, mais il est si
modeste qu'il ne fault pas trouver estrange qu'en luy en parlant ou-
vertement conmie vous avez faict, il se soit tenu dans la mesme hou-
' Hubert Goltzius, né le 3o octobre i SaC
k Venloo (dnché de Gueldre), mourut à
Bruges \o <ih mars i n83. Voir sur les Œu-
vres de cet antiquaire l'article de Millin ( liio-
graphie nnivenelle). Goafém l'article Goltt
(Huher) (lu Manuel du libraire, le Nicolas
Hockox lie M. Ch. Huelcns (An\ei-s, i883,
.p. 19-99); enfin une note du fascicule XI
des Correspondant» de Peiresc (Jean Tris-
tan, sieur de Saint- Atamit , 1886, p. i3).
* Dactyliotheca, xeu annulorum mgiUa-
nitmqne ffrro, (ère, argenlo alque aura
promptuarium , etc. (Nuremberg, 1600;
Ueift, 1601). Abraliain Gorlnus (de Goorle)
naquit à Anvers en i56<) cl mourut à Delft
en 1609. Voir le fascicule \II des Corres-
pondants de Peiresc (Pierre-Antoine de Ras-
cas, sieur de Bag-arris , 1887, p. 58).
/i36 LETTRES DE PEIRESG [1633]
nesteté du reffus qu'il avoit pratiquée estant sur les lieux de par deçà.
Si nous l'y pouvions tenir une aultre fois, nous tascherions d'y faire de
plus grandz effortz pour tascher d'entrer en quelque revanche de tant
de bienfaictz qu'il ne cesse de pratiquer journellement sur nous et sur
tous les nostres. Quant aux Chatz, s'il y a rien qui vaille à la première
ventrée de celle qui a faict tous les aultres qui se trouve plaine, vous
pouvez penser si nous aurons soing de les luy reserver et faire conduire
le plus tost que nous pourrons'. Je luy envoyay par le dernier ordi-
naire une coppie de la harengue de M"' de Léon à noz derniers Estatz
transcripte sur un exemplaire grandement incorrect à mon grand re-
gret; de quoy estant tombé par hazard en discours avec M"' le Premier
Président, il m'offrit de m'envoyer une coppie que l'autheur luy en avoit
donnée en partant, ce que je ne reffuzay point, et auray soing de la
retirer pour en faire faire un extraict moins incorrect que je tascheray
de vous envoyer par le prochain ordinaire. Au reste la cause de la
chancellerie de Thoulouse commença d'estre audiancée^ j^^^y passé,
que l'advocat du sieur Maran ^ tint toute la séance, oii M"" nostre Ar-
chevesque' voulut assister; elle sera continuée pour le moins encore
deux séances à mon advis, car M' du Perier, advocat de M' Giron ^, qui
' On trouvera dans quelques-unes des
lettres suivantes divers curieux détails sur les
chats dont il est ici question , et qui , venus
de l'Asie Mineure , avaient été acclimatés par
Peiresc. Gassendi parle ainsi (p. igS) des
chats angora que nous devons à son héros :
irEx Oriente quippe obtinuil cinereos, rufos,
variegatosque, elegantia sppctabiii; qnos
propogalos etiam Parisios, et alio ad amicos
raisit.!)
* Le verbe audiancer n'a pas été recueilli
dans le Dictionnaire de Trévoux et dans nos
autres lexiques.
^ Ce Maran, grand archidiacre et doc-
teur-régent en l'université de Toulouse,
était le fils du célèbre jurisconsulte Guil-
laume Maran, mort en 1621, dont il a
été question dans le tome I (p. 92).
* Louis de Bretel.
' Innocent de Giron, professeur et chan-
celier de l'université de Toulouse, avait été
un des meilleurs disciples de Guillaume de
Maran. Il mourut vers i65o, laissant divers
ouvrages di; droit mentionnés dans la Bio-
graphie toulousaine. Ce fut un des corres-
pondants de Peiresc. Voir, dans le registre VI
des Minutes de l'Inguimbertine, une série
de lettres <rk M' de Cyron, chancelier de
l'église et université de Toulouse » , écrites du
19 mars i633 au ao juin 1687 (fol. 4o6-
iog), et, dans le vol. cjôia du fonds fran-
çais (Bibl. nat.), plusieurs lettres de Giron
à Peiresc, écrites de i633 à 1637 (fol, i34-
ii3).
1
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. ^37
se plaist à bien dire ', ne vouldra pas nous quitter à moins d'une séance
entière en un si beau subject, et M' l'Advocat gênerai de Baye, nou-
vellement receu en sa charge, qui la doibt playder pour sa première
cause, n'en vouldra pas faire meilleur marché. Le dict sieur Ciron
s'est un peu plus apprivoisé que devant, et m'entretint une aprezdisnée
d'une plus grande curiosité qu'il dict avoir aux livres m[anu]s[crit]8
que je n'eusse pas imaginée. Il me parla entr'aultres d'une Chronique
manuscripte qu'il dict avoir transcripte de sa main sur l'original, dont
le nom me semble un peu bigearre, car il l'appelle Chronicon Hori-
conis'^ et dict qu'il commance depuis le temps des Gotz, mais il ne me
sceut point dire si c'estoit le nom de l'autheur ou du monastère où
avoit esté escripte cette hystoire. Il faudroit voir que cez Messieurs
qui vous ont parlé de luy le luy demandassent pour M' du Chesne,
car je n'ay osé m'en dispenser. M' le Premier Président nous a aujour-
dhuy faict un grand festin à toute la grande chambre du parlement
fort somptueux avec une musique d'importance, et nous a tenu tout le
jour h un caresme prenant fort modeste et fort innocent qui m'a osté
le moyen de nous entretenir plus ù plain pour ce coup. C'est pourquoy
vous m'excuserez s'il vous plaist, Monsieur, si je ne satisfaiclz mieux à
mon debvoir. Il ne sçauroit assez admirer la beauté de noz jours d'hyver
et voudroit bien sçavoir si l'hyver a esté aussy serain à Paris, ceste
année, comme icy. On me donne de bonnes espérances du costé de
Levant pour raison des m[anu]s[critjs ausquels je faictz l'amour depuis
tant de temps; j'en ay eu des lettres assez fraisches, et crois bien que
nous ne tarderons pas d'estre esclaircis de quelque chose de plus que
devant, mais je voudrois bien avoir les livres Arabes que vous m'avez
' Peircsc cnniclérise très bien ainsi la
brillante faconde du eél(>bre avocat.
* Gesta Francorum; ab ipsius gentis ori-
gine adohitum uxque Clodovei I. Régis ; auctore
Roricone quodam monaclw. Tel est le litre »ou8
lequel la chronique fut impriinde pour la
première fois dans le Recueil d'André Du-
chesne (t. 1, p. 779) ; elle a été réimprimée
dans le Recueil de Dont Bou(]UPt (t. III,
p. 1). Voir sur Roricon l'Histoire littéraire
de la France, l. VII, p. i86. L'édition de
Ducliesne fut faite sur la copie d'un ancien
manuscrit de l'abbaye de Moissac, copie
fournie par Innocent de Ciron. On trouvera
d'autre» renseignements sur le manuscrit ea
question dans la lettre suivante.
su LETTRES DE PEIRESC [1633]
acheptez; si non il fauidra qu'en attendant ceux là les miens fassent
le voyage d'oultre mer, sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peihesc.
A Aix, ce 6 febvrier i633'.
XCIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je vous remercie trez humblement de la continuation de voz seings
à nous faire part de tant de belles curiositez et de bons advis, et par-
ticulièrement de l'inclination que vous recongnoissez tousjours en la
personne de M'' de Thon à nous continuer l'honneur de ses bonnes
grâces desquelles nous tenons tant de bienfaictz mon frère et moy. Je
ne desirerois pas qu'il feist un second voyage en Bourgongne de long
sesjour, si ce n'est selon ses vœux , mais s'il y doibt aller, je voudrois
qu'il y fasl desjà, pourveu que ce ne feusse que pour peu de temps, à
celle fin qu'il eusse moyen d'en estre bien tost desgagé. Il nous feroit
grand tort s'il s'incommodoit tant soit peu pour nous escripre, n'estant
nullement raisonnable qu'il interrompe rien de ses meilleures occupa-
tions pour cela. Monsieur le Mareschal de Victry m'envoya demander
si je n'avois point receu de ses lettres. Je luy dis que non, mais que
vous m'aviez escript qu'il estoit pour lors fort embarassé en visites
actives et passives. J'ay esté bien ayse que M"" Godeffroy aye prins
plaisir à la relation d'Allemagne de Suriano qui avoit acquis une
grande réputation parmy les gentz d'Estat de la Republique de \enise.
Et quand nous n'aurions tiré aultre proffict des cahiers m[anu]s[crit]s
' Vol. 717, fol. 200.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY; /439
que je vous ay envoya que d'y apprendre le nom de l'autheur de ceste
relation, j'estime qu'il valloit la peine de recueillir les dicts cahiers,
pour le moins c'est mon humeur de moy, qui n'ay pas le goust si délicat
con)me d'aultres ny restraint à des oeuvres si parlaictes comme ilz les
veullent. C'est une des choses que je trouvois à redire en l'édition des
pièces de ce Thesauro politico que les noms des autheurs y manquent
la plus part, et si on les pouvoit restaurer tous, je pense cjue le travail
n'en seroit pas inutile, et qu'il ne seroit pas difiicile à M'' Godefl'roy de
le faire, s'il le vouloil entreprendre, avec le recours des registres de la
bibliothèque de M' de Thou , et de tant d'aultres curieux qui sont dans
Paris. Je ne sçay si M' de Lomenie ne s'est point encore mis jusques
en ceste curiosité là. Feu M' Joan. Vincenzo Pinelli en avoit i 2 quaisses
toutes entières dans sa bibliothèque, lorsqu'il mourut à Padoiie ^ mais
les sénateurs du conseil d'Estat les envoyèrent saizir aprez son decedz
et les feirent mettre dans les archives de leur Republique; je n'ay de
ce Thesauro politico que le premier volume de l'an 61 o in 4°, recueilly
par Gomen Ventura, et une seconde partie recueillie par Philippe Ho-
norius, de l'an Gi 1 à Francfort; s'il s'en est imprimé quelque chose de
plus, vous m'obligeriez de m'en procurer des exemplaires selon la com-
modité que vous en rencontrerez, car il me semble de vray que j'en
ay veu si souvent des articles dans les catalogues de ta foire, qu'il est
malaysé qu'il n'y aye quelque chose de plus.
Au reste vous m'avez faict esprouver la foiblesse de ma mémoire en
me ramentevant l'édition que M' Higaull a faicte si accomplie des Au-
theurs de Limitibus agrorum, laquelle je receus véritablement tandis
qu'elle estoit fort récente, mais comme je ne la garday que fort peu
d'heures pour luy faire passer les montz, je l'avois si mal visitée que j'en
avois entièrement perdu la souvenance, dont je fus si honteux en lisant
vostre lettre, que je ne sçays eucores où me cacher, ne pouvant bon-
nement vous en escripre sans recommancer de rougir, mais ce sont
des effectz de fragilité humaine qu'il fauldra reparer par vostre boU'
' Nous avons vu (t. I, p. 5o) qxie Jeon-Viiicenl Pinolli mourut en 1601.
uo
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
advis, et pour cet effect je vous supplie de m'envoyer un exemplaire
de l'édition de M' Rigault bien exactement collationné et du plus grand
et meilleur papier qu'il s'en pourra recouvrer, en payant le double et
le triple si besoing est du prix ordinaire, mais s'il se présente commo-
dité d'amy je vous supplie de me l'envoyer le plus tost que vous pourrez,
car il me tarde infiniment de le lire, espérant de m'en pouvoir bien
prévaloir en mes curiositez. Il fauldra bien avoir ce livre pour la Sor-
bonne contre la Spongia, non que je me voulusse condamner non plus
que vous d'en faire la lecture bout à bout, mais pour en voir les prin-
cipaulx chappittres. On me demande d'Italie tous les petitz traittez du
sieur Gaffarel ', tant des Talismans* que de son Cribrum Cabalistarum^;
c'est pourquoy vous m'obligerez bien de me les faire tenir le plus tost
qu'il sera possible. J'ay esté fort ayse de sçavoir par vous ce qui se
trouve d'apocrife en la relation de M' de Montmorency et le seray par
conséquent bien davantage si nous voyons le procès tout entier que
vous nous faictes espérer, et me tardera bien que vous y ayez em-
ployé le pauvre Quentin. Au reste vous m'avez faict un singulier plaisir
de me faire envoyer ce griffonnement du portraict du roy Hugues
Capet et de me dire que l'original de la chartre esloit passée par les
mains de M"^ Galland*, mais pour assouvir ma curiosité il n'y a pas
de moyen de la satisfaire pour ce regard sans me faire voir non
seulement la copie de la chartre qu'il vous plaist me faire espérer,
mais aussy une empreinte du seau original sur laquelle seuHe je puis
' Jacques Gaffarel naquit à Mane (canton
de f'orcalquier) en 1601 et mourut à Si-
gonce (même canton)en 1681. VoivYAver-
tissement de Quatre lettres inédites de Jacques
Gaffarel {Digne, 1886, in-8°, p. 3 et 4).
■ Curiositet inouyes sur la sculpture talis-
manique des Persans, etc. (Paris, 1629,
in-8°).
' Sive de Cabalajudicium. Voir la liste de
la plupart des petits traités de Gaffarel dans
ie recueil d'Ailacci, Apes urbanœ (Rome,
1 633 , p. 1 89-1 4 1) , dans le recueil de P. Co-
lomiès {Gallia Orientalis , i665,p. aô'i).
* Auguste Galland, procureur général
du domaine de Navarre et conseiller d'Étal,
naquit à Tours vers 1670 et fut enterré le
1 7 juin 1 6 4 1 dans le cimetière de Charentou.
Voir la longue liste de ses travaux (en grande
partie inédits) dans la Bibliothèque historique
de la France, à la Table des auteurs (t. V,
p. 599). Conférez les articles du Dictionnaire
de Moréri, de la Biographie universelle
(Weiss), de la France pmteslante (seconde
édition, t. VI, 1888, p. 802-810).
[1633] AUX FRERES DUPUY. Aàl
fonder mes conjectures soit pour approuver ceste image comme fidel-
lement représentée, soit pour l'improuver comme supposée quelques
siècles aprez la datte de la chartre comme il est advenu en plusieurs
monastères où l'on n'a pas creu mal faire en forgeant de pareilles sup-
positions. La forme du caractère, la manière des liabilletnentz et de
l'ouvraige et la figure mesme du seau pourront beaucoup servir pour
appuyer ou destruire la fidélité et légitime antiquité de ce portraict.
C'est pourquoy je vous supplie et conjure le plus instamment que
je puis de voulloir faire effort pour trouver le lieu d'où M' Ga-
land avoit tiré ceste pièce et d'en advertir le Prieur de Roumouies
qui prendra la peine d'y aller faire un voyage exprez pour l'amour
de moy, si ce n'est pas loing de Paris ou de son chemin de Bor-
deaux, auquel cas il sçaura bien faire tirer proprement ceste em-
preinte sans en rien intéresser l'original \ et seroit raesmes à propos
de faire portraire deux ou trois motz de l'escripture de la chartre pour
juger par là aussy bien que par le style de la convenance d'icelle avec
sa datte ; aultrement je ne m'asseurerois pas facilement sur ce portraict,
tant je suis relligicux en ces matières là, ayant aultresfois rencontré
quelques cliartres du mesme prince fort légitimes qui n'estoient scellées
qu'avec un petit cachet d'une graveure antique, dont j'ay diverses em-
preintes, n'y ayant jamais rencontré le portrait du prince qui estoit
le seul et unique de sa race qui me manquoit, par où vous pourrez
comprendre combien ceste recherche et verifiication me peut estre à
coeur, car sans mentir je fcrois bien un voyage de qo lieues loing pour
l'aller voir tant je suis fol et passionné en cez badineries là, et ne me
restoit aultre ressource pour restaurer son portraict que de sa statue
qui reste encore sur la porte Nostre Dame et sur celle de l'Eglise de
Rheims, que l'on me disoit estre encores un peu plus ancienne que celle
de l'Eglise INostre Dame de Paris, ce que je n'avois pas encores bien
examiné et dont je ne me soucierois guieres si ce seau se trouvoit legi-
' Sous le mot intéresser, pris dan» le sen» de compromettre, être nuisible, le Dictionnaire
de Littré ne cite que des écrivains postérieurs à Peiresc , tels que Saint-Evremond , Hamilton ,
Montesquieu.
II. 56
I
4â2 LETTRES DE PEIRESC [1633]
time comme il pourroit eslre, ce qui deppendra de ia communication
et relation que nous en pourrons avoir quelque jour par vostre moyen,
comme je l'espère. Vostre M"' Gyron m'est venu revoir aujourd'huy et
aprez m'avoirfaict quelques petites protestations et instances de vouloir
juger en son affaire s'est mis de nouveau sur le discours de ses m[anu]-
s[crit]s, m'ayant dict qu'il avoit un vieil exemplaire des registres de
Clément 1111"= à la fin duquel il y a une petite chronique du mesme
temps qui meriteroit bien de tomber ez mains de M"" du Chesne et que
je ne voudrois pas avoir négligée si elle pouvoit eslre à ma disposition
à cause des affaires qui y doibvent eslre traictées de la négociation et
expéditions de nostre roy Charles I" comte de Provence, frère de
S' Louys, lors de la conqueste du Royaulme de INaples et de Sicile. Il m'a
t'aict festes encores de certains vieux Registres en parchemin contenant
des procès verbaulx des Inquisiteurs de la foy sur les abjurations des Albi-
geois qui se reconcilioient avec l'Eglise et informations contre les obstinez,
où il se pourroit bien trouver de bonnes choses pour en suppléer les def-
faultz des escripvains du temps ; il a derechef mis sur le lapis le livre dont
il m'avoil parlé l'aultrc fois, sur quoy l'ayant faicl expliquer un peu plus
précisément il m'a dict que c'est un volume in U" escript en parchemin
d'assez vieille escriplure appartenant à un de ses amis, homme d'Eglise,
filz d'un conseiller au presidial de Thoulouse, pourveu de quelque di-
gnité de l'église de Tarbe, nommé le sieur de S' Blancard' et que dans
ce volume il y a en premier lieu une vie de Charleraagne soubz le nom
d'Eginardus beaucoup plus ample que celle qui est im|)rimcc, ce dict
il, à la suitte de laquelle il y a une aultre pièce dont le tiitre est Gesta
Francorum Koriconis, et que, aprez cela, il y a une suitte des Roys Gotz,
'.C'était Jean de Saint -Blancat, h la dis-je, sur ce personnage les LeKrM de Bal-'
fois poète, historien, théologien, etc., qui zac {Mélanges historiques <h 1873, p. Byi-
mourut de la peste à Toulouse, sa ville na- 679), les Lettres de Chapelain (t. I, p. a66,
taie, en i65a. Voii- sui- ce personnage, 790), les Lettre.? (oM/o!Mrtwes( Auch, 1876,
oublié dans la Biographie universelle, dans la p. 1 1-1 3 ). La forme réelle du nom est Saint-
Nouvelle biographie générale, et même dans Blancat, comme on le voit par la signature
la Biographie toulousaine, et à peine men- du poète historien,
tionné dans le Dictionnaire de Moréri, voir.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 443
estant à la fin un certain aultre fra{jment qu'il ne m'a sceu designer
plus particulièrement, si ce n'est qu'il y estoit parlé de quelque guerre
du costé deNismes dont je m'en rapporte à iuy. H dict qu'il transcripvit
de sa main ceste suitte des Roys Gotz et ces Gestes Francorum Rori-
conis, mais il ne m'en a sceu cotter aulcune particularité, de sorte
qu'en tout cela je ne voys pas tous ces fondements qu'il seroit à désirer,
mais j'ay neantmoins appris et bien souvent esprouvé qu'en ces matières
là il ne fault rien négliger et que les équivoques que peuvent prendre
ceux qui ne se plaisent pas en toute sorte d'estudes n'empeschent
pas qu'en voyant les livres originaulx qui sont passez par leurs mains,
il ne s'y rencontre bien souvent de trez rares et curieuses pièces. Vous
vous servirez de l'advis selon que vous le jugerez à propos avec M' du
Ghesne et je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce th febvrier i633.
Monsieur le Premier Président s'est envoyé excuser à ce matin de
l'audiance pour indisposition qui l'avoit faict allicter hier aprez le disner,
mais Dieu niercy il s'est levé ceste aprez disnée, et s'est trouvé que ce
n'estoit que rume'.
' Vol. 717, fol. Q03.
S6.
444
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
XGIV
\ MONSIEUR, MONSIEUR DE LOMENIE,
CONSEILLER DU KOY EN SES CONSEILS D'ESTAT
ET SECRETAIRE DE SES COMMANDEMENS,
À PARIS'.
Monsieur,
L'on a faict tant de bruict à Marseille à l'arrivée des ordres du
Roy pour faire apprester deux galleres qui doibvent porter en Italie
M' ie Mareschal de Grequy ^ et l'on y travaille avec tant de diligence
depuis trois jours que l'on a commancé de croire qu'il voulusse bien
tost faire le voyage. On attend d'heure à aultre l'arrivée de deux gal-
leres de Gènes à Marseille oii elles viennent porter l'Ambassadeur de
ceste Republique là ^ qui se debvoit embarquer le i 2'' de ce mois pour
venir trouver le Roy, le jour précèdent ayant esté publié dans la ville
de Gènes le restablissement du commerce de Provence en conséquence
de la publication faicte quelques jours auparavant du restablissement
du commerce du Millanois et du Montferrat, de sorte que l'on croit
que cela fera cesser la formalité des quarantaines, qui a voit tant in-
commodé le monde depuis quelques années en çà ; ilz ont eu vraysem-
blableraent quelque appréhension que Messieurs de Marseille, par
forme de revanche des rudesses qu'on leur faisoit à Gènes, n'en vou-
lussent aultant faire à leur Ambassadeur, ce qui ne seroit pourtant pas
arrivé par le bon ordre qu'on y avoit mis à tout le moins pour la per-
sonne de l'Ambassadeur et de tout son train que l'on avoit résolu de
' Ayant annoncé (Avertissement, t. I,
p. 11) que l'on trouvera dans ce recueil la
reproduction complète des trois volumes
716, 717 et 718 de la Collection Dupuy,
je n'hésite pas à donner ici , à son rang chro-
nologique, une lettre de Peiresc à Loniénie,
de même que je donnerai d'autres lettres
qui , communiquées par les destinataires aux
frères Dupuy, furent gardées par eux et
restent mêlées aux lettres qui leur sont ])er-
sonnellement adressées.
' Sui" le maréchal Charles de Gréquy,
voir t. I, p. 35.
' Nous avons vu plus haut que c'était
Augustin Centurione.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 445
traicter le plus favorablement que faire se pourroit, mais pour les
{{enlz de galleres, je crois bien qu'ils n'eussent pas eu l'entrée libre
sans quarantaine de quelques jours; il n'aura pas esté besoin d'uzer de
cette sorte de représailles. On escript de Home du îîq janvier que le
cardinal Barberin estoit sur le point de bailler sa démission de la lé-
gation d'Avignon en faveur du cardinal dom Antoine Barberin son
frère, et Messieurs d'Avignon croyent que la cbose soit desja faicle,
dont le prochain ordinaire apportera l'esclaircissement. J'envoye à
M'' du Puy un règlement assez notable pour ceste province faict au con-
seil privé du roy François II par le cliancellier de l'Hospital et soubzcript
par feu M"" de Lomenie vostre père ' du temps qu'il exerçoit tout seul
la charge de secrétaire du conseil qui est maintenant divisée en 8 ou
1 0 offices. Je pense que vous en debvriez avoir l'original par devers
vous, et si cela n'estoit, je croys bien que vous en aurez eu la coppie
longtemps y a; c'est pourquoy je n'ay pas creu de vous en debvoir faire
l'addresse; que si par hazard ceste pièce vous estoit eschappée parmy
les desordres des guerres civiles, je ne doubte point que vous ne la
voyez trez volontiers, et que vous ne luy trouviez bonne place dans voz
recueilz, mais je croys non seulement qu'elle y est desja, ains qu'elle
y est accompagnée des aultres qui y sont alléguées en la narrative sur
la mesme matière, bien que pour aultres personnes et pour aultres
provinces, auquel cas je vous aurois une bien grande obligation, s'il
vous plaisoit m'en faire bailler aultant comme je vous en supplie et de
me tenir tousjours.
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peirksc.
A Aix, ce ai febvier 1 633 '.
' Martial de Lomdnie, seigneur de VersaiHes, tué comme calviniste le jour de In SainX-
Bartlii^lemy (a4 aoiit lôya). — ' Vol. 717, fol. ao5.
M6 LETTRES DE PEIRESC [1633]
XCV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du i o*^ avec la charte du roy Hugues
Capet et plusieurs aultres pièces curieuses dont je vous suis bien re-
devable et dont je vous remercie trez humblement, ayant pris grand
plaisir de voir cette charte, non sans quelque sorte d'admiration qu'elle
me fusse eschappée, car il y a plus de 26 ans que le bon homme feu
M"^ le Febvre' print la peine de me mener au monastère de S* Maur
des Fossez, oià il me feit monstrer toutes les vieilles chartes de leurs ar-
chives; d'où je tiray les premières empreintes que j'aye jamais eiies des
vieux seaux du roy Charles le Chauve et de plusieurs auitres; il falloit
que ceste charte y eust esté lors produicte en quelque procès, et possible
desja portée à M"" Galand^; tant est que je desirerois bien d'avoir une
empreinte de ce sceau s'il estoit possible, soit que la charte ayt esté
remise dans les archives de ce monastère ou qu'elle soit demeurée ez
mains du dict sieur Galand à qui j'en escripray en ce cas pour l'en sup-
plier ou pour l'en remercier s'il prevenoit ma demande, et M' le Prieur
de Roumoules fera fort bien tout ce qui sera nécessaire pour en tirer
l'empreinte, en sorte que j'en puisse demeurer satisfaict: que s'il estoit
besoing de quelque plus grand crédit, je croys bien que M' de Lomenie
ne reffuseroit pas d'y faire interposer son authorité pour l'amour de vous et
pour l'amour de moy comme je vous en supplie, vous remerciant ce pen-
dant par un million de fois de la communication de ceste belle charte, et
' S'agit-il là du philologue Nicolas Le qui fut maître d'bôtel de Louis XIII et am-
Fèvre ou Le Febvre, né h Paiis le 2 juin bassadeur en Angleterre, mort en i6i5 ?
i544, mort le 3 novembre 1612? Les Nous avons déjà trouvé mention , en ce pré-
95 ans dont parle Peiresc mettraient la sent volume (p. i5),du frère aîné de ce
visite en 1608. Ou bien Peiresc eut-il dernier, Guy Le Febvre de la Boderie.
pour compagnon de voyage à Saint-Maur- ' Le généalogiste Galland, déjà men-
les-Fossés Antoine Le Febvre de la Boderie, tionné plus haut (Lettre LXXXIX).
[1633]
AUX FRERES DUPUY,
ihl
des bonnes nouvelles que vous me donnez de la part de M'Besly, sur les
preuves de la Généalogie et vraye tige de ce Prince', comme aussy du
second exemplaire qu'il vous a plou m'envoyer du placard et des tiltres de
tant de beaux ouvraiges de si bonne et exacte main que celle du dict sieur
Besly, bien ayse aussy que M'' du Chesne n'aye point employé dans son
dernier catbalogue des Historiens de France aulcun des m[anu]s[cnt]s
de feu M"" Petau, ce qui me faict espérer qu'il y trouvera sans double
quelque chose à adjouster plus qu'il ne s'est imagin*!;. Il fauldra bien que
j'aye encore quelque exemplaire de son dict Catbalogue in fol°, car
aprez en avoir l'aict passer deux de là les niontz, à des gentz qui con-
tribueront possible quelque eschantillon h son recueil , je m'en estois
réservé un pour moy, qui m'a esté enlevé ce jourdbuy pour le porter
au sieur de S' Blancard à Thoulouse et pour tascber de s'en prévaloir
en son endroict pour luy arracher des mains ce volume dont je vous
escripvois dernièrement sur le récit que m'en avoit faict vostre Monsieur
de Cyron, lequel gaigna son procez de haulte lutte en pleine audience
jeudy dernier, comme vous verrez par l'extraict que je vous envoyé de
son arrest, où il auroit bien trouvé plus de difficulté si la partie eusse
faict faire la réquisition du bénéfice contentieux en qualité de gradué
nommé, comme il le pouvoit faire s'il s'en fust advisé. Le dict sieur de
Cyron, venant faire les complimenlz aprez son arrest, me fit de belles
oOres de ses m[anu]s[crit]s que je n'acceptai pas avec la liberté que
je l'eusse possible faict de quelque aultre que luy ou en aultre temps,
mais je luy dicts bien que je stipulerois volontiers ceste faveur pour
M"^ du Chesne et pour le public. Il se laissa entendre qu'il estoit bien
avant dans la délectation des plantes, sur quoyje ne me sceus tenir de
luy dire qu'il estoit donc bien exposé à la mercy de ceux qui en avoient
des rares, que nous n'estions pas véritablement de ceux qui en avoient
le plus, mais que nous avions bien quelques unes des plus curieuses à
son service; mais que cela soit dict, je vous prie, entre vous et moy en
attendant ce que le temps pourra produire pour ce regard. Il est allé
C'est-à-dire de Hugacs Capel.
448 LETTRES DE PEIRESC [1633]
faire un petit voyage de dévotion par la Province, à ce qu'il m'en avoit
dict avant son départ : je crois bien que nous le reverrons avant son
retour chez luy. Je ne sçay si je ne vous aurois point supplié de me faire
avoir un aultre exemplaire de l'histoire de la maison de Guines de
M"' du Ghesne\ car M'' Menestrier repassant par icy voulut em-
porter à Rome celluy que M' du Chesne m'avoit donné , dont le car-
dinal Barberin me faict de grandz remerciementz par ses dernières
lettres du 29" janvier et me demande mesmes l'histoire de Montmo-
rancy du mesme autheur^ dont je vous supplie de me faire envoyer
pareillement un aultre exemplaire, car je luy envoyeray le mien par
la première commodité de passage d'amy, croyant bien qu'il n'en man-
quera pas si M"" de Grequy faict son voyage d'Italie si tost comme l'on
veut dire, deux galleres ayant eu commandement exprez de se tenir
prestes pour son embarquement, à quoy l'on travaille depuis trois
jours en grande diligence. Je ne sçay si je n'ay point oublié de vous
demander aussy pour un de mes amys d'Italie qui en a bonne envie de
toutes ces sortes de petitz livretz qui ont esté imprimez en langue bas
bretonne et en basque, s'il s'en trouve quelque eschantillon, auquel
cas je les vouldrois doubles pour en retenir pour moy, je dis des bas-
ques^, car pour les bas bretons j'en ay deux ou trois pièces; j'ay mesmes
quelques pièces du païs de Wales en Angleterre dont je voudrois bien
avoir quelque exemplaire double pour le mesme subject, s'il s'en ren-
controit, à quoy je vous supplie trez humblement de vouloir faire
prendre garde aux occasions. J'attendray bien impatiemment des nou-
velles de Dionysius Bysantius m[anu]s[crit], ayant peine de me per-
suader que les deux exemplaires de la bibliothèque du Roy, estantz
' Histoire généalogique des makons de fol., seconde édition). La première ëdition
Guines, d'Ardres, de Gand et de Coucy, et de est de i6ai , également in-folio.
quelques autres familles illustres qui y ont esté ^ Voir l'indication de quelques livrets en
alliées, etc. (Paris, i63i, in-foL). langue basque publiés à Bayonne en 1616,
'' Histoire gméalogique de la maison de a Bordeaux en 1617 et en 1627, dans la
Montmorency et de Laval, justifiée par Bibliographie basque mise par Francisque
chartes, tiltres , arrêts et autres bonnes et Michel à la fin de son livre sur /e Pays Wyue
certaines preuves, etc. (Paris, 1699, in- (Paris, 1 887, in-8', p. 487-488).
[1633] AUX FR^.RES DUPUY. 449
enrôliez comme ilz sont, ne coulienneiit que la préface de l'œuvre, de
laquelleseiiIleM''Holsteniiisdisoitavoir le texte grec. On me donne plu»
d'espérance qnc jamais de la recouvrer encores du costé de Rliod<!z;
de sorte que nous sommes pour le voir venir de divers endroiclz en
un mesme temps, qui ne sera pas une petite consolation aprez l'avoir
longtemps attendu, ne pouvant m'imaginer que le pauvre M' Holstenius
se soit laissé porter aux propos que l'on vous en a voulu dire, croyant que
c'est une charité qu'on luy a voulu prester'; il ne seroit pas inconveniant
qu'il se fusse trouvé quelque chose à redire, sur ce que la France n'avoit
pas bien sceu se prevalloir de l'estude et du travail d'un si digne per-
sonnage lorsqu'il s'y estoit présenté, ce qu'estant mal pris par les gentz
' C'était Doin Ghrisloptie Dupuy qui avait
ëcrit de Rome, le i5 janvier iG33, h son
frère Pierre, que L. Holsteiiius avait Icnu de
vilains propos contre la nation française.
Voici, du reste, un fragment de sa lettre qui
m'a t'té communique par M, le marquis de
Glapiere, l'aimable et cdlèbro collectionneur
de Marseille : rrLa bonne fortune advenue à
M' Holstenius d'avoir esté pourvu d'une cha-
noinie de Cambray l'approchera bien de la
France, mais je crois qu'elle ne luy changera
pas l'humeur, estant devenu si passionément
partisan de la maison d'Autriche , qu'il se
montre non seulement aliéné de noslre na-
tion, mais tout h fait ennemi, ce qu'il té-
moigne tous les jours par ses discours, se
laissant échapper des paroles indiscrètes.
Pourroit estre que l'interest particulier le
transporte de la sorte, et que se voyant
privé de la jouissance de quelques bénéfices
qu'il a en Allemagne, il on attribue la cause
aux grands changements qui y sont depuis
longtemps fomentés, ainsi qu'il dit, par les
François peu affectionnés à la Religion Ca-
tholique. 11 en est quelquefois venu h tels
termes et avec des François et avec des fta-
liens, qu'il a entendu des paroles qui ne luy
pouvoient guières plaire. Un de ces joars es-
tant en conversation il luy eschappa de
parler mal des Vénitiens et sur ces diffé-
rents qui sont maintenant entre eox et le
Pape, pour les confins du Ferrarois, de
dire qu'ils estoient de très mauvais chrcs-
tiens, et ennemis de l'Eglise, ce qui fut bien
relevé par un Florentin qui le rencontra lors
domestique ici de l'ambassadeur de la Répu-
blique, qui le fit taire honteusement et luy
donna par le nez del Beno. . . Enfin il est si
malade de cette passion ou, pour mieux
dire , il est si affectionné à la Religion Ca-
tholique, que si la paix ne se fait en Alle-
magne, et que la maison d'Autriche ne soit
absolue, et qu'il ne jouisse de ses bénéfices,
il n'y a pas moyen de le guérir, et d'empes-
cher qu'il ne devienne un autre Scioppins.
Je seray bien aise qu'on ne sache point que
tous ces advis viennent de moy, que je vous
ay voulu faire savoir, afin que vous dissiez
informé de tout, et que vous sceussiez qu'il
est devenu fort bon catholique , de quoy je
loue Dieu que je prie de luy donner persé-
vérance, aussi bien qu'à VVouveren, son
compatriote , qui pendant son séjour en cette
\ille fit pareille démonstration. i
laVUlilMt «ATIVRtM.
450 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qui cherchent quelque fois à tondre pourroit avoir donné matière à
ceste mauvaise charité; si je sçavois d'où vient ce bruict, la qualité
des personnes ayderoit peut estre bien à juger de la probabilité d'icelluy.
Quant aux livres d'Italie, celluy de Marinus Guetaldus me fut envoyé
tandis que j'estois à Boysgency, dont je n'ay guieres bien faict mon
profiict. Pour ces Tabulas regiœ Hilarii Alto belli, j'aymerois bien mieux
les prendre à Paris puis qu'il y en a que d'avoir la peine d'en escripre
en Italie, tandis que je ne sçay si ce livre la peut valloir. Pour la Roc-
cella del Braccioliiii ', je ne pense pas qu'il soit de si grand prix qu'il
ne le vaille mieux faire venir de Paris que d'Italie. Quant à vostre Ga-
setan, il semble que ses assertions soient susceptibles de la doctrine
d'equivocations ^ quelque serment qu'il y puisse adjouster, car je ne
faictz point de difficulté de croire ce qu'il jure, qu'il ne distribue point
de Gazettes le vendredy c'est à dire dans Paris, mais cela n'empesche
pas qu'il ue les fasse distribuer s'il veult ou qu'il ne les envoyé possible
luy mesme au dehors, comme je le tiens; mais quoy qu'il en puisse
estre, puis que vous trouvez bon de m'envoyer séparément la Gazette,
il ne serviroit de rien de le faire le mardy ; il faudroit, s'il vous plaist,
l'envoyer à la poste le sabmedy de grand matin ou le vendredy au soir si
faire ce pouvoit, parce que il passe assez souvent des courriers extraor-
dinaires de Paris à Lyon qui vont plus viste que les ordinaires et qui
ne laissent pas d'arriver à Lyon dans le mardy, qui seroit assez à temps
pour les faire prendre par nostre ordinaire de Provence qui ne part de
Lyon que le raecredy à midy pour estre icy le sabmedy matin, mais" en
ce cas il faudroit addresser vostre pacquet à M'' du Lieu, à celle fin
que les poslHlons ne facent pas difficulté de s'en chai'ger, et pos-
sible par ce moyen la les nostres viendroient aussy viste que celles
' La Roccela espuguala, poèine héroïque veni mesntionné dans les Lettres de Jean
en vingt chants (Rome, i63a, in-ia). Chapelain (t. I, p. ii3, aay, 355-358,
Francesco Braccioiini naquit à Piatoie le i65, 486, 63i).
90 novembre t566, fut secrétaire da cai-- ^ Sous ee mot le IWeiiowiaïre de Littré ne
dinalAnt.Barberini, et mourut dans sa ville cite qu'un écriv«in du xiv' siècle, Nieolas
natale le 3i août i645. Braccioiini est sou- Orcsme.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. ' /i51
de M"" le Maresclial et des auUree qui en ont quclquesfois liuict jours
plus tost que nous, comme par ie dernier ordinaire plusieurs ont
eu la [jazette du douze de ce mois, là où nous n'avons eu soubz vostre
enveloppe que celle du 5. J'ay receu le petit fagot de livres que
vous aviez faict bailler à M' le sacristain Valbelle oh estoient les trois
exemplaires du Cunœus^ dont je vous remercie trez humblement
comme des aultres, et principalement de cez preparatifz du P. la Faille''
h la quadrature du cercle, où je passay une aprez disnée bien douce-
ment^, l'ayant remis à M'' le Prieur de la Valette pour l'examiner et
pour l'envoyer par aprez à M"' Gassendy afin de vous faire part de leur
advis en temps et lieu.
Je plains grandement M'' de Thou avec l'indisposition de son rhume,
et luy »y bien de l'obligation du soing qu'il a daigné prendre d'en-
dosser vostre lettre avec de si honnestes et obligeantes parollès dont
je me trouve tousjours plus redevable en son endroict, ne pouvant vous
dissimuller que j'ay esté fort ayse de la bonne nouvelle que vous m'avez
donnée de son retour en Bourgongne, duquel je ne double point qu'il
ne revienne grand profiicl à ce païs là , à tous les bons subjectz du Rov,
et possible y aura il quelque advantage aussy en mon particulier avec la
bonne volonté qu'il a de me faire et procurer du bien. Je luy envoyé
un extraict de lettres pattentes du roy François II que je luy avois
alléguées, oii il trouvera de bien notables reglementz du style et pru-
dente direction du chancelier de l'Hospital , signé par le père de M' de
Lomenie du temps qu'il estoit, comme je pense, seul secrétaire du
conseil privé du Roy; si le registre de ce temps la se trouvoil entre ses
mains ou ailleurs, j'apprendrois bien volontiers lez noms des presentz
qui assistèrent au conseil du Roy lorsque les differentz du Parlement
et du Gouverneur furent terminez par ce beau i-eglement. Et au def-
' Pétri Çwuri de republica Hebrœorum
libri III (i63a, in-ai). Ouvrage déjà plu-
sieurs fois mentionné.
' Le père Jean-Charlea Délia Faille na-
quit à Anvers en 1597, professa les mathé-
matiques avec une grande rëpntatioo h
Louvaiii et h Madrid , et mourut à Barcelone
le & novembre 16S&.
' Theoremnta de centra ffrm<itatis parlium
àraili et ellipsis (Anvers, i639 , in-à°).
S?-
452 LETTRES DE PEIRESG [1633]
fault de cela, s'il se pouvoit trouver dans voz mémoires ou dans ceux
de M"' de Lomenie quelque instruction d'où l'on pusse comprendre
de quelles personnes à peu prez estoit lors composé le conseil du Roy,
ou pour le moins quelz grands estoient lors à la cour de Sa Majesté,
je serois infiniment ayse de l'apprendre par vostre favorable assistance ,
et en ceste attente je demeureray tousjours,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ai febvrier i633'. ■
XCVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je receuz hier par nostre ordinaire voz despesches du 1 8^ de ce mois
et en mesme temps le petit pacquet que vous aviez mis à la poste
le mardy précèdent pour la gazette du douziesme, mais M"' le Ma-
reschal a eu par le mesme ordinaire la Gazette du 1 9" et me l'envoya
auparavant que j'eusse eu mes pacquetz, de sorte qu'il n'y a plus de
plaisir de recepvoir la dicte gazette huict jours aprez l'avoir veiie
aux aultres. Il faudra voir si en la faisant mettre à la poste dez le
sabmedy de grand matin, ou dez le vendredy au soir, si faire se peult,
elle ne pourroit point arriver à Lyon avant le despart de nostre or-
dinaire qui n'est que le mercredy à 1 0 heures ou midy. Je vous ay
une obligation trez pai'ticuliere du soing et de la perquisition du Dyo-
nisius Bysantius m[anu]s[crit] dont les termes du Catalogue m'avoient
mis en goust de sorte qu'il ne sembloit pas que ce livre nous deust
eschapper des mains comme il a faict, dont je n'ay pas ressenty peu
de mortification, je vous en asseure, et cela me fera redoubler mes
' Vol. 717, fol. ao6.
[1633]
AUX FRERES DUPUY.
453
instances et mes effortz pour voir si du costé de Rhodez je pourrois
estre moins malheureux. J'ay esté grandement scandalizé de ce qu'on
vous escript de l'humeur de M' Holstenius, qui a certainement grand
tort s'il ne vous sçait le gré qu'il doibt de toute sa fortune. Je croy que je
vous ay aultresfois envoyé une trez belle lettre qu'il rn'escrivit à son
retour de Pologne ' où il me faisoit une trez belle description de l'hon-
nesteté de l'Empereur et du Roy de Hongrie son filz, ensemble de la
favorable réception et longue audience que l'un et l'aultre luy donnèrent,
tant en allant qu'en revenant de Pologne^, avec de grandes protestations
de vouloir faire pour luy, qui furent à mon advis de bien puissants
charmes pour le gaigner, dans l'admiration d'une familiarité si obli-
geante parmy cez grandeurs et solitudes ou gravitez EspagnoUes si dif-
férentes des foulles que l'on voit communément autour de la personne
de nos Roys, qui ne se captivent guieresà de telles audiences et compli-
menta, principalement à des gentz de la condition et profession que
faisoit ce personnage lors de son sesjour en France, qui n'estoit pas dans
l'employ des aflaires ne accompagné de lettres de nostre S' Père trez
obligeantes comme estoient celles dont on l'avoit chargé en ce voyage
de Pologne ^ Pour moy je tiens l'humeur de cet homme là plus candide
que l'on ne croyroit sur les discours dont est question, mais je le tiens
neantmoins si bontif et si facile, pour ne dire si foible, qu'il est tort
aysé de l'emporter plus loing qu'il ne vouldroit aux moindres ombrages,
dont sa nation est grandement susceptible, et crois bien que le zèle
de la Relligion catholique et l'interest ou préjudice qu'il recepvoit aux
progrez du Roy de Suéde le peuvent avoir faict eschapper contre le
party et contre les fauteurs d'icelluy, et par conséquent contre la na-
tion, si on luy a faict accroire qu'elle en fusse coulpable, c'est à dire
' Celte lettre, datée de Rome le ai juin
i63o, est ia 98™' du Becueil de Boissonade
(p. 18J-19Q).
' Peiresca rnisonde parier d'une lotigveau-
dience; Holstenius dit (p. 1 86) du roi de Hon-
grie : rrDuas ferme intégras horas me de pu-
blicis privatisque rébus loquentem audivit. 1
' Holstenius (p. 18S) avait ainsi parle
de ses lettres à Peiresc : jtA Sorcnissimis
Principibus literas commendatitias facile ob-
tinui ad Ceesarem et Poloniae Regem . ut hisce
parariis facilius me insinuarem. "
«
45/1 LJÎTTRES DE PEIRESC [1633]
contre ceux qui y portoient ieurs armes ou leur conseil , mais je ne me
persuaderay jamais (que je n'en voye des preuves plus évidentes) qu'il
aye jamais pensé d'oublier de si immenses obligations que celles qu'il
vous a, auxquelles ne peuvent pas estre comparables de bien loing les
foibles services que je luy ay renduz ; mais je ne sçaurois non plus croire
qu'il ne m'en saiche encore trez bon gré : et quand il ne le feroit pas , ce ne
seroit pas le premier qui se seroit dispensé des termes d'une amitié réci-
proque, et n'empescheroit pas pour cela que je ne fusse tout prest de les
pratiquer de rechef envers toute sorte de gentz de mérite; je suis gran-
dement tenté de luy en escripre un mot, mais je ne l'ose faire sans
vostre pareatis\ bien que si je le faictz, je ne me dispenseray nullement
des loix de la discrétion qui semblent y debvoir estre observées, et en
sorte qu'il ne puisse juger en façon quelconque de quel costé procedde
et soit passé l'advis jusques à moy; cependant j'ay pris grand plaisir de
voir tout le restant de la lettre où il est inséré '\ et me doubte que le
missel Sclavon y mentionné, dont vous estes possible aussy en peyne
que celluy qui vous escript, ne soit pas esgaré plus loing que de la
maison de céans, auquel cas vous n'aurez pas perdu tout à faict vostre
peine de m'envoyer ceste lettre, pour me donner une si gentille occasion
de me descharger du bien d'aultruy, lequel je n'eusse pas tant gardé à
la moindre doubte que j'eusse eue de n'en estre pas le vray maistre.
Mais je le trouvay dans le coffre de livres que m'apporta M"' d'Arène
lié d'un peu de fisselle avec une petite feuille pour en deffendre le
tiltre sans neantmoins qu'il y parusse aulcune addresse particulière, et
d'aultant que je n'avois point d'inventaire des livres contenuz au dict
coffre., je n'avois pas, ce semble, deub croire qu'il y eu&se rien qui ne
feusse à moy, si ce n'est les deux fagotz dont l'un estoit addresse à
M' Moreau, et pour l'aultre si bien l'adresse en estoit à moy, je voyois
bien par l'escripture de Dom du Puy que c' estoit pour les vous faire
tenir, comme j'ay faict tant de l'un que de l'aultre; sur quoy neant-
' Peiresc se sert, en plaisantant, d'un terme de chancellerie au sujet duquel le Dic-
tùmnaire de Littré ne cite qu'une phi-ase de Voltaire. — * La lettre de dom Christophe
Dupuy.
[1633] AUX FRÈRES DUPUï. 465
moins H fault que je vous die par pareiitese que M' Moreau ne m'en
a jamais accusé la réception, non plu» que de la lettre que je luy avois
e9cri])te pour accompagner ce qui luy apparlenoit, et que s'il ne nous
a reiiiercié vous non plus que moy, il se poult imputer h la vaccation
qui n'est pas oWi^ée de dire grand niercy de tout ce qu'on luy donne.
Je ne suis pou,r tant pas moins son sei'viteur, et voudrois qu'il se pre-
sentast quelque occasion potif luy en donner des preuves dignes de sa
vertu et de son mérite, tout ce que je viens de vous en dire n'estant
qu'entre vous et moy, et pour me donner carrière, car je serais bien
marry ([ue vous' me feissiez une querelle la'dessuaavec un personnage
de tel mérite et que j'honore tant, et à qui j'ayivr ay ment des obliga-
tions bien singulières. M' Naudé ni'avoit envoyé un inventaire plus de
5 ou 6 mois auparavant la réception du colïro, et si longtemps que le
dict inventaire s'esloit esgaro pacmy mes papiers et estoit demeurà à
Boysgency, les livres estant! venus dcipuis- ma retraitte en ceste viHe.
Or je croys bien que M'' Naudé ne m'avoit pas achepté ce ntessei,
comme il ne mei reste aulcune souvenance do l'avoir veu mentionné
en son roolle, mais M' d'Arène m'apporta tout plein d'à ultres livres
de la part de plusieurs de mes aniys, et entr'aultres de la part du car-
dinal Barberin il m'apporta un aultre assez gros fagot de livres quasi
tous imprimez pour la congrégation de Propaganda fide ou du mandat
d'icelle en cez langues estrangeres, ce qui me feit juger que le messel
Sclavon feusse des dépendances de l'assortiment des aultres. Mais comme
si j'ay failly, c'est innocemment, je croy bien que le pardon que vous
m'en octroyerez ne sera pas plus controversé que celluy que l'on ac-
corde aux innocentz; je suis bien marry que les sieurs Ileinsius et (Jn-
nœeus se soyént si mal comportez envers M' Saulmaise, mais s'il est
loisible (comme on le révoque en doubte en ce siècle) de loiier Dieu
de quelque mal pour un plus grand bien, je ne suis pas tant marry
que M' Saulmaise ayt subject de s'en retourner en Franeei CependOTit
à quelque chose malllenr aura lousjours esté bon, en ce qu'il aura peu
voir tous les bons ni[anu]s[crit]s de ce pais là, durant l'année cou-
rante, et possible que pour le ramener en France, il go trouverort en-
456 LETTRES DE PEIRESC [1633]
core quelque occasion de luy procurer quelque honnesle appointement
auprez du Roy, pour le faire revenir avec un peu plus d'honneur. Je
plains bien le bon M''Grotius, et ne pense pas qu'il ne feusse mieux en
France que là où il est', quelque difficulté qu'il y aye trouvée pour
jouir de sa pension. Vous m'avez obligé de me retenir ces deux volumes
de l'Affaire d'Aurelius ^, mais j'ay si mauvaise mémoire que je n'ay peu
me ressouvenir d'avoir veu la lettre du P. Sirmond que vous dictes
m'avoir envoyée aultresfois sur sa detfense touchant le passage du con-
cile d'Orenge ', mais je chercheray ce que vous m'aviez envoyé tou-
chant son édition des concilez, pour voir si elle est parmy cela. Je vous
remercie aussy du souvenir que vous avez de cez petites Republiques
et de cez livres que vous avez remis ez mains du Prieur de Roumoules,
comme aussy de la recherche de ceste Bibliothecque de Gesner dont le
prix ne me semble pas si excessif à 1 5 livres veu sa rareté. Puis que
les livres de M'' d'Auxerre ont trouvé maistre, il faudra chercher
aultre party, mais cela ne presse pas encores pour les globes, tandis que
j'attends certaine responce aprez laquelle nous reprendrons les derniers
errements. Ce pendant je demeureray,
Monsieur,
voslre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ay febvrier i633.
Je vous ay bien de l'obligation du grand soing qu'il vous plaist me
' Grolius avait quitté la Hollande le
17 mars lôSa, et il s'était réfugié à Ham-
bourg, oîi il passa près de deux années bien
tristes, car il était séparé de ses livres et
aussi de sa femme , dont l'affection dévouée
lui avait été et devait lui être encore une si
douce consolation.
' Tout le monde sait que l'affaire d'Au-
relius n'est autre que l'affaire de Jean du
Vergier de Hauranne , abbé de Saint-Cyran.
Ijes deux volumes sont intitulés : Vindicùe
censurée facultatis theologiœ Parisietisis , etc.
(Paris, 1682, in-4°).
^ Antinrheticus. De canone Arausicaiio.
Adversus Pétri Aurelii Thcologi responsionem ,
qua ejus epistolam injinnare conalus est
(Paris, Séb. Cramoisy, i633, in-8*). Voir
toute l'histoire bibliographique de la que-
relle dans le Recueil des PP. de Backer et
Sommervogel, t. HI, col. 8o5. Conférez le
Port-Royal de Sainte-Beuve, t. I, 1857.
p. 3 16-317.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 457
prouiclli'e concernant la transcription de cez petits opuscules de Pon-
deribus et mensuris; vous [)ourrcz voir ce que j'en escriptz à M"" Ki-
gaull, et nie lerez plaisir siiijjulior, si par hazard il insistoit d'en vou-
loir transcripre luy mesme quelque pièce, de vous employer pour l'en
dissuader, n'estant pas en cela que je désire qu'il m'obli{i[e et n'estant
nullement raisonnable de luy laisser prophaner son temps pour si peu
de chose, laquelle neantnioins est si pénible et importune. Si M' Valloys
avoil assez de loysir et de bonne volonté d'en entreprendre quelqu'un
des plus anciens et des plus briefz, je ne le reffuserois pas de la sorte,
et m'asseure que vous n'y espargneriez pas voz suasions, comme je vous
en supplie. Mais puis([ue dans la bibliotlietpie il n'y a aulcun m[anu]-
s[critj du Marcellus, du(juel je me prometz plus de secours que de tout
le reste, s'il y avoit moyen d'en descouvrir quelque aultre exemplaire
en quelque part dans ces païs bas ou ailleurs, ce me seroit une obliga-
tion beaucoup plus etroitte et plus sensible, principalement s'il y avoit
moyen de me procurer coppie de cez deux petites pages, de la matier*
des poidz et des mesiu-es, qui sont en teste de ses livres de Medica-
mentis, et tousjours vous aurois je beaucoup d'obligation de pouvoir
apprendre pai' vostre moyen s'il ne s'en trouve quelque exemplaire
(piclque part que ce soit, car si vous n'y aviez des addresses. je pense
qu'il y auroit bien moyen d'en trouver quelqu'une sullizante pour nous
faire avoir la communication de ce peu de lignes qui nous /om< ' tant
de besoing.
Le livre que vous m'aviez envoie du pais des Hurons in 8°'^ a passé
les montz, tellement qu il fauldra que je tasche den avoir un aultre par
vostre moyen, s'il vous plaist, et un certain livre dont on me faict leste
d'un enfant qui parle sans langue. On m'a pareillement faict feste d'une
Histoire de l'Abbaye S' Victor lez Paris en deux volumes', et d'une
nouvelle Chronique de Flandres en plus d'un volume aussy qu'il fauldra
' Par un lapsus Peiresc a écrit ont. S. Victor lis-Paris, succession des abbés , pri-
' Dictionnaire de la langue Imivmu, par vilèges et singularités d'ieelle, par Jean de
le P. Gabriel Safjart (Paris, i63j. in-8°). Thoulouse, religieux de celte pbbaye (Pari»,
' Abrégé de la fondation de l'abbaye de i63o, in-fol.).
458 LETTRES DE PEIRESC [1633]
bien avoir en son temps. Cette édition du Pétrone dont parle Dom du Puv,
avec des Notes de feu M"' vostre père, merileroit bien d'estre veue et le
libvrc dont le P. Mercene escript à M"' Gassendi, faict contre le Galilée
en latin à Pise ' où je l'ay envoyé demander-.
XGVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 26" avec la response de du Moulin
à Balsac^ et ce petit mémoire ou liste des trouppes françoises du bu-
reau des addresses du iB" febvrier que j'ay prins plaisir de voir et en-
cores plus le mémoire qui est en teste portant que moyennant deux
pistoHes par an ilz se chargeront de faire tenir les gazettes et relations
chaque sepmaine, ce que j'accepterois bien volontiers s'ils se vouloient
charger de me les addresser au mesme temps qu'ilz les adressent à
M"" le Mareschal et payerois icy le port des pacquetz à proportion du
reste que je reçois icy par chaque ordinaire. Ce qui vous deschargeroit
du soing de les envoyer prendre et de les envoyer à la poste à heures
extraordinaires et peut cstre indeubes pour les faire arriver à Lyon au
temps qu'il fault pour venir de là icy par nostre ordinaire qui ne part
de Lyon que le mercredy sur les 1 o à onze heures, qui est quatre ou
cinq heures aprez le despart de vostre ordinaire du vendredy, dans le-
' DuUuitioncs in dialogiim Galilœi I.yncei de Padoue.) — On trouvera plus loin qucl-
in Gymnasio Pisano mathemalici supraordi- ques renseignements sur le professeur
narii, auctore Claudio Bcngardo in eadem Claude Berigard (noies de la lettre CXXXV).
Acàdemia philosophiain projitente. Florentiœ , ' Vol. 717, fol. 909. ,
ex iyp. Pétri Nesli suh slgiio solis siDCXXxn. ^ Réponse à la lettre de M. Balzac (1 633 ,
i^c livre a été imprimé à Florence, mais, in-S"). Sur Je ministre Pierre du Moulin,
comme l'écrit feivcic, fait à Pise, où Be- voir t. I, p. 216. Conférez les Lettres de
rigard était professeur. (Communication de Jean Chapelain,!. I, p. 5, ta, i3. etc.
M. Antonio Favaro, professeur à l'université
[1G33] AUX FRKHES DUl'UY. 459
quel temps il passe aflorce courriers extraordinaires sur le chemin de
Paris à Lyon, ])ar lesquels ccz gentz là trouvent assez de moyen de
laiic tenir leurs despesclies soubs les enveloppes de M'' du Lieu qui
tient particulière correspondance avec leur bureau , comme Ton m'a dict .
tellement qu'il suffiroit que celluy d'entr'eulx qui se charjjeroit de ceste
commission mit les feuilles de la Gazette soubz une enveloppe addressée
à moy, jointe aux aultres depesclies qu'ils envoyent à M"" du Lieu soubs
l'addresse d'icelluy, lequel ne feroit que les joindre au fajjot que l'ordi-
naire i)orte de Lyon en ceste ville, et je me contenterois d'en avoir un
exemplaire de ceste façon là; mais parce que cez feuilles se perdent la
plus part du temps entre les mains des amis qui prennent plaisir d'en
avoir la communication, il fauldroit m'en reserver là un exemplaire de
chaque feuille au net, et en faire liasse pour me les faire tenir par
après quand il y a commodité de fagot d'aultres livres ausquels cela
pourroit estre joint. Et quand il se presenteroit quelque occasion pres-
sante de nous escripre hors du temps du despart de l'ordinaire, il n'y
auroitpas de danger de tenir la mesme voye, et en un besoing envoyer
une petite lettre à cez gentz là , pour la joindre à leur gazette, de quoy
nous nous serions bien prevaluz cez jours passez, si vous nous eussiez
peu donner advis des changementz qu'on dict estre advenuz à la cour
le samedy 96" du mois passé ', dont la nouvelle fut apportée en ceste
ville des jeudy au soir par un courrier extraordinaire qui disoit n'eslre
party que de lundy dernier, mais par ce qu'il n'apporta des lettres qu'à
une seulle personne ou deux et qu'elles n'estoient pas trop bien cir-
constanciées, on ne croyoit guieres les aultres parlicularitez qu'il y ad-
joustoit de bouche, et le pix est que l'ordinaire qui arriva deux jours
aprez n'en apporta du tout rien. J'ay prins grand plaisir de voir la dé-
claration de cez relligieux du 19* febvrier et ay apprins que l'année
passée il en avoit esté faicte une quasi pareille, où estoit intervenu Je
gênerai des Jacobins, laquelle meriteroit bien d'estre jointe à celle cy.
' Destitution et arrestalion du gtirde des sceaux Charles de l'Aubespine, marquis de
(iliAtooiuieuf. Ce fut le 9.5 février, à sept heures du soir, que Châteauneuffut arrêté. Voir Reeneil
Aveiiel, t. IV, p. 4a8.
58.
460 LETTRES DE PEIRES.C [1633]
Mais j'en ay bien pris davantage à la lecture de la lettre de M' de
Saulmaise, oii j'ay trouvé de trez belles clioses à apprendre, et qui
augmentent bien mon de§ir de voir la coppie de ccz m[anu]s[crit]s de
la bibliothèque du Roy que M'' Rigault me faict espérer, afin de voir
s'il y aura moyen de concilier toutes ces contraiietez ou diversitez qui
se trouvent en ceste matière dans les anciens autheurs. Il allègue un
vieil autheur imprimé avec le Nicandre ou un certain fragment qu'il dict
estre derrière le dict Nicandre qui ne s'est point trouvé en deux éditions
que j'ay de cet autbeur, l'une Gi-ecque et Latine in lx° de Paris de
l'an 1557', i'aultre qui n'est que Grecque seulement avec un petit
scoliaste Grec qui est en petit h° de datte un peu plus vieille-, dans le-
quel scoliaste j'ay trouvé quelque chose des mesures en quelque en-
droict, mais je ne pense pas que ce soit ce que M"" Saulmaise allègue;
c'est pourquoy, s'il y avoit moyen de trouver cette édition à Paris, sinon
à achepter, au moins à emprunter, vous me feriez un singulier plaisir
de m'en procurer l'acquisition ou communication, afin que j'eusse plus
de moyen en voyant cet autheur de juger du temps qu'il a vescu, pour
pouvoir mieux resouldre les difficultez de M"" de Saulmaise, à qui j'ose
me promettre de pouvoir donner quelque petite satisfaction qui ne
sera peut estre pas des plus communes. Je vous envoieray sa lettre avec
la responce que je luy feray, mais je crains bien qu'il ne me faille at-
tendre les prochains feriatz de Pasques, attendu le peu de relasche <[ue
nous avons maintenant au Pallaix , dans lequel temps je pourray escripre
un mot à M" Galand si vous et M' Bely le trouvez à propos, car je
tiendray fort relligieusement sub sigillo ce queM"" Galland^ trouvera bon
de m'en communiquer, et ne m'en vanteray nullement, vous asseurant
que je suis grandement punctuel en telles occasions et grandement
jaloux d'observer tout ce que mes amis peuvent désirer de moy eu
' Theriaca et Alexipharmaca , gr. et ht. resc et qui ne contient que du grec.
inteift: Jo. Goirœo, cum ejusdem annot. '' Le mot Galland, écrit en cette ligne
Paris, Guiii. More! , 1657. avec deux /, est écrit avec uu seut / dans ta
^ Ce devait être l'édition de Cologne, ligne précédente.
i53o, qui est du format indiqué par Pei-
[1633] AUX FRKRES DUPUY. 461
tout ce qui se trouve à ma disposition comme peut estre cela. J'atlen-
dois la commodité des prochains feriatz pour pouvoir un peu fouiller
dans mes papiers et y chercher certaine chartre que me demande
M' Bely, dont je suis asseuré d'avoir la coppie bien que je ne i'aye pas
sceu trouver cez jours passez lorsque le dict sieur Bely me la fit de-
mander, à qui je ne manqueray pas d'escrire aussy, ensemble à
M' du Chesne; que sy ce pendant le dict sieur de Bely se donne la
peine de m'escripre de ce que vous me mandez, je luy en seray encore»
plus obligé, et luy pourray par mesme moyen faire une plus exacte
responce aux aultres clioscs qu'il vouidra de moy; cependant je seray
bien ayse que vous envoyez ù M' de Saulmaize mon registre du Boy de
Cypre. Il me demande des livres Gophtes, que je tascheray de retirer
des mains d'un bien honneste homme qui en a bien faict son profTict
depuis le temps que je luy prestay les trois volumes que j'ay, mais il
faudroit avoir ceux du cavalier Pictro délia Valle, et particulièrement
le Lexicon qu'il a tout entier, lequel il a remis entre les mains d'un
bon Gordelier qui n'en sçaura pas faire son proflict comme feroit
M' Saulmaize et aultres. Nous attendrons en bonne dévotion la venue
de tous cez petits volumes des Republiques et cez deux de vostre Au-
relius que vous avez joint aux Arabes, et qu'il vous plaise me mander
quel party on voudia faire des œuvres de Goltzius à ce mien amy qui
désire les avoir, pour qui je vous en avois escript cez jours passez,
bien marry des fréquentes iinportunitez que nous vous donnons à toutes
heures; n'ayant rien maintenant à vous envoyer en revanche et me
trouvant entre les mains la commission du conseil souverain estably
par le Roy à Ciiatnbery tandis que la Savoye estoit entre les mains de
Sa Majesté, ensemble des articles particuliers et des lettres des Am-
bassadeurs de Sa Majesté, en vertu de quoy ceste compagnie se retira,
n'ayant pas eu assez de temps pour les faire transcripre à mon homme
comme c'eust esté de mon desseing, j'ay creu (ju'il valloit mieux vous
envoyer les minuties que j'en avois, sur lesquelles vous pourrez prendre,
ou bien M" de Lomenie, tout ce qui vous pourroit estre eschappé.
On nous avoit voulu dire icy qu'il s'estoit formé trois advis dans le
A62 LETTRES DE PEIRESC [1G33]
Parlement aux chambres assemblées en délibérant sur la déclaration
du Roy pour la restriction du terme de cinq ans à purger la contumace
et que Messieurs les gentz du Roy mesmes avoient apporté quelque mo-
diffîcation à leurs conclusions sur ce subject, mais vous en debvez bien
avoir de meilleurs avis et plus asseurez que nous. Il s'est aujourdhuy
faict un baptesme bien célèbre en ceste ville d'une fille du comte de
Bourbon ' tenue par Madame la Mareschale de Victry, dont vous aurez
une petite relation cy jointe, avec quoy je finiray par les souhaiclz de
vous pouvoir obéir et servir comme le doibt de tout son coeur,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 7 mars i633.
M' Saulmaize prend ses principaux fondementz sur ce qu'il a vu
d'Affricanus de Mensuris qui est celluy que j'avois jugé des princi-
paulx et que j'avois prié M' Rigault de me faire transcripre tout le pre-
mier, tellement que vous m'obligerez beaucoup si vous me l'envoyez si
tost qu'il sera transcript, principalement si je le pouvois avoir avant
que les feriatz de Pasques nous eschappent afin de m'en pouvoir pre-
valloir en escripvant à M' Saulmaise ce que j'avois envie de luy escripre
sur ceste matière; que s'il ne peult venir si tost, je vous supplie de
m'escripre pour le moins de quel temps M' Rigault pense qu'ayt vescu
et escript le dict Affricanus, comme aussy en quel temps peut avoir
vescu et escript à peu prez cet aultre autheur anonyme de men-
suris que M'' Saulmaise dict avoir esté imprimé derrière le Nicandre,
pour voir si cela me pourroit ayder aux inductions que je voudrois
faire des passages que M"^ Saulmaise m'a alléguez tant de l'un que de
l'aultre.
' Ce comte de Bourbon (levait être Claude mourut sans laisser de postérité, mais Ten-
de Bourbon, comte de Busset, né en 1689, faut dont il est ici question mourut peut-
mort en i645, qui avait épousé Louise de être en bas âge.
la Fayette. Les généalogistes disent qu'il
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 463
Je n'oublieray point le chat pour M' de Bellievre' si tost que la saison
pourra le permettre '^
xcvni
À MOISSIEUR, MONSIEUR DU PUV,
À PARIS.
Monsieur,
Vostre despesche du i n'est point veniie plus tost ne par aultre voye
que par celle du 4""', par nostre ordinaire qui part de Lyon le mer-
credy à dix heures. J'ay esté infiniment aise d'y apprendre tant de belles
particularité/ sur cette occurence, que nous n'avions pas sceiies la plus
part, ne avec tant de certitude, dont je vous rends mille Irez humbles
grâces', marry de ne vous pouvoir rien mander en revanche, n'y ayant
rien icy, pour le présent, que le passage du Genturionne* Ambassa-
deur de Gènes, qui se mil en liltiere à Marseille au sortir de la ga-
lère, sans attendre les compliments de M"' le Mareschal de Victry. Les
pages de M"" de Brassac^ avec le reste de son train s'y est desbarqué
depuis deux jours, et l'un de ses pages, filz de M' de Mouslier", qui
m'est venu voir à ce soir, m'a dict que Madame de Brassac' estoit desja
à Florence en liltiere , lorsqu'ils estoient encores à Givita Vecchia. Ou
nous dict icy que le Roy a desja revocqué l'édict des V ans des con-
tumaces, et que Monseigneur le Garde des seaux d'Autry^ parle de
' Un fils du président Nicolas de Bel-
lièvi'e, président mentionnti dans le tome I,
p. 656.
' Vol. 717, fol. 211.
' L'occurence ëtail rarrestalion du mar-
quis do Cliâteauneuf.
' Augustin Genturionne, dëjh plus haut
mnntionni?.
' Jean Galard de Bëarn, comte de Bras-
sac, ambassadeur à l{ume.
* S'agil-il là d'un (ils du fameux peintre
Daniel du Moustier?
' Le comte de Brassac avait t'pousë, le
16 avril 160 a, Catherine de Sainte-Maure,
fille (te François de Sainte-Maure, baron de
Monlauzier.
' Pierre S^^ier, le successeur de Cbâ-
teauneuf, dtait, comme Jean Seguier, son
père, seigneur d'Autrj, et fut longfeni|»s
connu sous ce dernier nom. Il avait épousa
kU LETTRES DE PEIRESC [1633]
revocquer l'augment du seau. Ce seroit un bien digne commauce-
ment. Au reste j'ay receu le Ferrandus ^ dont je vous remercie trez
humblement, ensemble le Lanzbergius, au lieu duquel j'eusse bien
voulu avoir les canons de Mayance, ou sur l'édition de Mayance,
pour avoir ce qu'il y a du dict Ferrandus sur le subject que je vous
en avois touché. J'ay veu le petit bordereau des livres de Drouard et
Camusat que vous avez retirez, où il n'y a rien à dire que de
louer vostre bon mesnage et vous supplier d'excuser mes importu-
nitez trop fréquentes. Quant aux livres de Gorlœus et de l'Erizzo^
il vault mieux les laisser que de les prendre à un prix si desraisonable,
et fauldra attendre quelque occasion moings dezadvantageuse. Mais
pour ce Golzius, je vouldrois bien sçavoir le nombre des volumes, et
s'ils sont aussy bien complets de la nouvelle édition, comme de la
vieille, à cause de ce volume des Empereurs qui y manque souvent en
taille de boys, et à cause du petit volume de Tibère, et du supplément
de la Grœcia, qui n'est pas avec la vieille édition, si on ne l'y joinct
séparément et à part'. Sur quoy j'attendray, s'il vous plaict, vostre
responce pour choisir par aprez celuy qui sera plus agréable à ce mien
amy. Car pour les figures, la vieille édition vault mieux, mais il y a de
bonnes additions en la nouvelle, qui ne peuvent estre en la vieille. Jay
honte de la peine que vous donnent si souvent mes importunes com-
missions des livres, oii je vous supplie de ne pas oublier cez petites
pièces en langue Bas bretonne et Basque. Je félicite M' du Chesne de
une cousine de Peiresc , Madeleine de Fabri,
née le aa novembre 1697, ''^'^ '^^ •'^^" ^^
Fabri, Irésorier général de l'extraordinaire
des guerres, seigneur de Ronieville, de
Champauzé, etc. On a plusieurs lettres de
Peiresc à son parent Pierre Seguier : une
autographe, h la Bibliothèque nationale
(fonds français, vol. 17873, fol. 99), les
autres à l'état de minutes à Carpentras (re-
gistre I de la Correspondance).
' Fulgentius Ferrandus. Voir plus haut
(lettre LIX).
' Sébastien Erizzo, né à Venise le 19 juin
i5a5, mourut le 5 mars i585. Voir la liste
de ses ouvrages dans l'article de Ginguené
[Biographie universelle). Conférez le Manuel
du libraire (t. il, col. 1067). Je suppose que
le livre d'Erizzo demandé par Peiresc était
le Discorso sopra le medaglie degli antichi
(Venise, i5o9, in-4°) dont la 4' édition,
fortaugmentée,estde 1671 (Venise, in-4°).
' Voir l'article déjà «té sur Golu {Hu-
ber) , du Manuel du libraire (t. II , col. 1 653 ).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 465
la rencontre de ce beau refjistrc de Loys le jeune qui méritera bien
d'estre examiné par M' du Puv, voslre frère'. Il v debvroit bien avoir
quelque notable pièce pour les pairrics. M' d'Aubray doibl avoir tiré
de beaux extraicts de sa rechercbe pour les registres du conseil, qui
meriteroient bien de n'estre pas tenus en lieu d'où il ne se peusse tirer
quelque coppie pour les conserver mieux que l'on n'a faict les origi-
naulx des registres, puis qu'il s'en est tant perdu. Car aultres foys j'ay
chercbé un Arrest célèbre du conseil pour M"" de Janson, qui ne se
peut jamais trouver non plus que ceux de François H bien qu'il fusse
beaucoup moings ancien. Je pensois que M"^ de Lomenie deubst avoir
celuy de François 11. J'attends vostre responce avant que m'oscr dis-
])enser d'escripre à M"' Holstenius ; il y a plus d'un an que je n'ay poinct
eu de ses lettres*. Il m'a envoyé faire des excuses, et M' de Fontenay
Bouchard m'escript qu'ils ont tous deux faict une grande reclierchc
au Vatican pour l'amonr de moy des Autlieurs m[anu]s[crit]s de pon-
deribus et mensuris^ et qu'ils en ont attaqué d'aulcuns de leur main
dont nous debvons bientost voir quelque chose. Je vouidrois bien
qu'ils y eussent trouvé le Marcellus et le Fannius.
M' le Mareschal m'a dict que c'est iV^ du Lieu qui luy envoyé main-
tenant si l'eglement la gazette anticipée de huict jours. Si vous acceptez
le marché dont je vous escripvis l'aultre jour, je croys que nous les
aurons de mesme datte sans vous en donner le seing, et qui plus est
que soubs l'enveloppe de cez intendants du Bureau d'adresse, on pour-
roit faire parfoys passer plus viste que de coustume quelque petite
' I.e registre de f.ouis le Jeune Iroiivë
par cel érudit est celui d'après lequel la
correspondance de ce roi a ëlé publiée dans
le tome IV des Scriplores de Uuciiesne et le
lonic XVI du Recueil des Historiens de France.
(Coninuuiicalion de M. I^Aipold Delisle.)
■ Peiresc se trouipail queli|uc peu, car il
y avait cinq mois ii peine qu'il avait reçu
(Je Holstenius la lettre du 'i octobre iG3a
(cilëe plus haut), où le docte humaniste lui
rendait compte de son voyage en Allemagne
et en Pologne.
' Voir cette lettre, du t8 février i633.
dans le fascicule III des CoirespondanU de
Peiresc (i 88t , p. <)-i f ). J.-J. Boucbord dit
(p. Il) : (tNous avons coiniuencé, M. Hol-
stenius et moy, à chercher dans le Vatican
tout ce qui traite de ponderUm* et tnen-
suris. . .n
39
larititutt ■«rio^tii.
leO LETTRES DE PEIRESC [1633J
lettre loi-sque les occasions s'en presenteroient comme celle du i" mars
dernier si elle eust esté mise dez le ^6" febvrier à la poste. Il est un
peu tard, ce qui me constraint de finir par mes protestations ordinaires
des voeux que je faicts journellement pour vostre service, comme
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur.
DE Peiresc.
A Aix, ce ih mare i633 '.
XCIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DE THOU,
À PARIS.
Monsieur,
Les bonnes intentions que vous avez si souvent tesmoignées envers
le public, et au soulagement des subjects du Roy, et les particulières
inclinations que vous avez faict paroistre pour les advantages de ceste
pauvre et désolée Province, et pour le restablissement du commerce
qui s'y ruine si fort journellement, m'a faict espérer que vous y con-
tribueriez volontiers vostre favorable intercession en tout ce que vous
la jugeriez propre auprez de voz amys, et vostre protection particu-
lière, et m'a faict prendre par mesme moyen la hardiesse de vous en
requérir comme je faicts trez humblement, et de vous recommander
aultantque jele puis la personne de Monsieur de Bourgongne, premier
consul de la ville de Marseille-, au voyage qu'il s'en va faire en cour pour
' Vol. 717, foi. 2 13.
' Je n'aurais rien à dire sur M. d<i Bour-
gogne, si je ne retrouvais son nom, pré-
réAé, par suite d'une faute d'impression, du
mot M on noignmr [pour Monsieur), dans une
lettre écrite de Marseille ]>ar Balthazar de
Viask Peiresc, le 27 août 1627 (fascicule VI
des Correspondants de Peiresc, 1 883 , p. 1 7).
Un peu plus loin (p. 20) dans une lettre du
3i décembre 1.637, sont ntenlionnées M"" et
M"' de Bourgogne cpii, ainsi que M"" de
Vias, avaient fait une visite à la fameuse
baronne t!e Beausoleil. Le registre VI des
minutes de l'Inguimbertine à Car|)enlras
renferme deux lettres de Peiresc à sa pa-
rente M"' de Bourgogne; l'une, du 3o oc-
tobre 1626 (fol. 571); l'autre^, du r>3 juin
162.5 (fol. 761).
11633] AUX FRÈRKS DUPUY. 467
cesubject, à qui nous avons riionueur d'apparlenir de si prez, que nous
ne debvoiis pas avoir moins de pari (jue luy à toutes les faveurs et
bieni'aicls qu'il pourra recevoir de vostre main. Le bruict de l'abolition
que Monseijjucur le Cardinal de Lyon a obtenue pour cette ville là
faict espérer la grâce toute entière, non seulement pour Lyon, mais
pour touts les peuples voisins qui y peuvent participer, et principalle-
ment pour ceux de nostre coste, qui y ont leurs plus inqjortantes coi-
respondances. Les choses de la marine nous sont si à coeur, que je ne
dou])le nullement que vous ne vous employiez volontiers en cette oc-
curancc comme je vous en supplie et conjure Irez humblement, et de
me vouloir continuer l'iionneur de voz bonnes grâces comme.
Monsieur, à
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 30 mars i633 '.
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY.
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du xi' de ce mois, et soubs une autre
enveloppe les gazettes du 5' et sej)arement le pacquet de M*" L'Iiuillier
.sans estre soubz vostre enveloppe, le tout venu par le dernier ordinaire
party de Lyon seulement le i G , par où j'ay recogneu qu'il n'a de guieres
servy que vous ayez mis à la poste les Gazettes en enveloppes séparées
lorsque vous les avez peu recouvrer, puis qu'elles n'arrivent pas assez à
temps à Lyon pour partir le 8"°' comme avoienl faicl celles de M"" le Ma-
reschal que nous vismes dez le sabmedy .\n* de ce mois, ne doubtanl
point qu'il n'aye receu sabmedy dernier la gazette du xu* que nous ne
Vol. 717, loi. Jiâ.
09.
468 LETTRES DE PEIRESC [1633]
recevrons si ce n'est samedy prochain, et si bien nous ne l'avons en-
core veiie icy c'est parce que M"" le Mareschal est allé faire son entrée
à Arles où ses despesches luy ont esté portées. J'estime que le Gazelier
veult que la distribution qu'il faict de ses Gazettes liors de Paris soient
expédiées et ses despesches parties avant que rien mettre en vente dans
la ville ; c'est pourquoy il fauldra enfin passer par ses mains , et les
tenirde luy seul, conformément au party des deux pistolles, pour les-
quelles il a promis d'en envoyer à tous ceux qui en vouldroient hors
la ville de Paris, dont je souflViray fort patiemment les conditions,
pourveu que je puisse les recevoir dans la huictainc comme les aultres
qu'il tient pour recommandez, et en ce cas il ne sera pas de besoing
d'en prendre plus d'un exemplaire puis qu'il promet d'en reimpri-
mer des assortimentz tous entiers, ainsy que l'on a faict en Alle-
magne des recueilz du Mercurius Gallobelgicus, à ce que j'ay peu
recognoistre dans la grande fueille ((ue vous m'avez envoyée, où j'ay
trouvé de plaisantes criées et proclamations de choses perdues capables
de se faire entendre de bien plus loing que celles qui se font par
les carrefours et aux prosnes, mais je les estimerois bien d'avan-
tage si on pouvoit introduire la mode par ce moyen là de recouvrer
un livre rare quand on' en a euvie et qui ne s'en trouve pas chez
les libraires communément et quand quelqu'un se vouldroit deflaire
de quelques livres bien curieux, pour advertir qu'ilz sont en vente les
pereonnes esloignées qui en peuvent avoir plus affaire que ceux qui en
sont presentz comme l'on a pratiqué aulcunes fois pour les bibliothèques
ou boutiques entières; je pense qu'on y viendra en Cm, mais je vou-
drois bien que ceste invention eust esté introduire lorsque mon ca-
binet fut volé, car cela m'en eusse possible faict descouvrir quelque
pièce, ayant esté si malheureux que de n'en pouvoir jamais apprendre
d'aultres nouvelles que des fortes conjectures et preuves du vol contre
une personne morte auparavant qu'on se fust apperceu du vol. Que si
ce Gazetier faisoit tant le renchery, il faudra voir de passer par les
mains de M"" du Lieu, qui en distribue, je m'asseure, tant qu'il veut.
J'avois faict empacquelter le raessel Sclavon et le vous pensois envoyer
[1633] AUX FRÈUES DUPUY. 469
par les députez de Marseille qui partirent hier, mais je receuz vostre
lettre tout à temps le jour précèdent pour le retirer, puis que vous avez
le vostre, à la place de (juoy je vous renvoyay l'exemplaire du Théo-
phile de M' Fabrot aux fins qu'il puisse cstre imprimé par le sieur Cra-
moisy s'il en a la volonté, comme il vous avoit dict, ou par tel aultre
que vous jugerez à propos; mais je serois bien d'advis de ne s'emba-
rasser pas facilement avec M' Vitray, puis qu'il est si empesché à sa
bible ; il ne m'a jamais faict responce à celle que je luy escripvis en
vous envoyant les m[anu]s[crit|s Samaritains, je pense que c'est pour
ne sçavoir comme s'excuser non seulement de sa négligence pour l'édi-
tion de ce Théophile, mais pour n'avoir pas seulement eu le courage
de tirer une espreuve de la première feuille, dont la despence d'un
escu ou deux pouvoit faire la raison, et dont je n'eusse pas manqué
de le faire indampniser; mais s'il y avoit de la dilliculté à l'édition de ce
livre, je vous prie de me le r'envoyer, car j'ose me promettre que
M"' Godefroy prendra volontiers ce soing pour l'amour de moy de le
faire imprimer à Genève le plus correctement que faire se pourra. J'y
ay adjousté deux exemplaires d'un petit livre in li° de M'' Naudé ', dont
il m'avoit faict addresser une demye douzaine à vous faire tenir, ayant
réservé les aultres quatre pour ne faire ce pacquet là trop gros, atten-
dant de les vous envoyer par aultre voye, comme vous en aurez un ou
deux par celle cy qui sera un peu plus prompte, le sieur Bourgongne,
deputlé de Marseille, qui s'est chargé de ce pacquet là, ne pouvant pas
se rendre à Paris plus tost que 1 5 ou ao jours. Je seray bien aysc (Yayy-
prendre que la faveur de M'' le Cardinal de Lyon aye faict obtenir à
M'' Moreau la profession Royalle en médecine qu'il poursuivoit et qui
est si bien deube à sa vertu et à ses mérites que j'honore infiniment-.
' Sans doute In De sttidio libérait Syn-
tagiiia qui parut (mi Tniiné! t().'53. Nous
n'avons aucune, lettre de Nuudt! à Peii-esc
annonçant l'envoi des plaquettes ici men-
tionnées. La première en date des lettri^s de
Naudé h l'eiresc que j'ai pu Irouver est ilu
i" l'dvricr i639 ; la seconde en date est du
i() juin tr)33 (/.es ('orre.ipoiidaHUi de Pei-
tvsc, fascicule XIII, 1887, p. 5 et in).
' On lit dans l'article Moreau (René) du
Diclionmiire de Maine-et-Loire , i^av M. C. Port
(t. Il, p. 7^4!»): "Le succè-; '!■■ <ou «Miselirij,»-
Zi70 LETTRES DE PEIRESG [1633]
el ne voudrois pas que ce que je vous avois touché dernièrement en
passant sur le subject de ses pacquetz de livres fusse prins par forme
de plainte, car je suis assez bien asseuré de sa bonne volonté en mon
endroict, sans qu'il soit besoing d'en avoir aultres tesmoignages que
ceux que j'en avois cy devant receuz de sa courtoisie, ce peu que j'avois
faict pour luy ne méritant pas de luy faire quitter de plus pressantes
alfaires pour en escripre des remerciementz à une personne qui luy est
si desvouée comme je suis, et le seul bon gré que vous avez tesmoigné
de m'en sçavoir estant plus que suffizant de surpayer trez dignement
tout le soing que j'en pouvois avoir prins, qui est bien peu de chose eu
esgard à ce que je vous doibs et à ce que je vouldrois faire pour vous,
en meilleures occurences. Quant à M"^ Holstenius, quoyque vostre mo-
destie puisse avoir extorqué de vostre plume, c'est bien à M"^ vostre
frère et à vous qu'il a toute la principalle obligation de sa fortune, et
de tout ce que je puis y avoir contribué, qui n'a esté que par voz
ordres et commandementz, car je n'ay jamais eu le bien de le voir et
n'en ay eu les premières cognoissances que par voz lettres, vous asseu-
rant que j'auray bien de la peine à me contenir de luy dire mes sen-
timentz tost ou tard, sur ceste affaire là, bien que je le difl'ere pour le
présent pour ne pas contrevenir à voz ordres, dont je ne voudrois pas
m'estre dispensé; mais puis que j'ay apprins par M"" de Fontenay-Bou-
chard qu'ils ont commancé à travailler conjointement dans la biblio-
thèque Vaticane à la recherche et transcription de quelques vieux au-
tlieurs m[anu]s[crit]s de ponderibus et mensuris pour l'amour de moy,
je crois bien qu'ilz ne pourront guieres tarder de me les envoyer, et
que le dict sieur Holstenius ne pourra pas se desdire de m'escripre sur
ce subject là et sur plusieurs aultres où je pourray bien prendre l'oc-
casion de parler à luy en quelque façon qui luy puisse faire comprendre
le plus honnestement que je pourray ce qui peut eschoir en ceste oc-
ment à la Faculté, non moins que ses nom- fesseur royal au collège de Cambrai. Moreau
breuses publications , la désignent au choix y prononce son discours inaugurai le jeudi
du grand aumônier de France, Alphonse de ai avril 1633."
Richelieu, qui le fait nommer a Paris pro-
[1633]
AUX FRKRES DUPUY.
/i71
currence, quand j'en debvrois prendre la matière et l'occasion sur In
lonpneur de son silence de plus d'un an joint au desgousl qu'il a tes-
moi(jné avoir de noslre nation. Cependant je clierclieray la lettre f(u'il
m'avoit escriple de son voya^je de Pologne, ne pouvant comprendre
comment j'ay i'aicl ce manquement de ne la vous avoir point envoyée
aussy tost que je l'euz receiie, ainsy que j'avois accoustumé de le prat-
tiquer, car c'est une des plus jolies pièces que j'aye de sa main. H fault
que cela se soit rencontré durant le temps de mes maladies plus im-
portunes ou lorsque mon t'rere vous escripvoit parfoys au lieu de moy,
et que cela luy soit eschappé de la mémoire par mesgarde, car je suis
trop content quand je vous puis envoyer (juelque chose de vostre goust
pour manquer à mon essient, vous estant obligé comme je suis, et
ayant si peu de moyen de m'acquitter de mon debvoir. Je ne manque-
ray point de vous envoyer une coppie de la lettre de M' de Besly, la-
quelle mérite certainement d'eslre conservée, et si ce ne pouvoit estre
par cet ordinaire, car mon homme a bien perdu du temps qu'il y eusse
peu employer, ce sera Dieu aydant pour le prochain, et je vous ren-
voyeray par mesme moyen la lettre de M''Grotius; vous asseurant que
vous ne me pouviez faire guieres de plaisir plus agréable qu'en la com-
munication de ceste pièce, honorant et affectionnant comme je faictz
ce personnage qui ne sçauroit estre assez prisé, me conjouissanlde tout
mon cœur avec vous des bons oflices qu'il a receuz de vous et de ses
aullres amys en la conservation de sa pension nonobstant son absence,
car je desirerois bien qu'il se peusse resouldre à revenir en France, et
que MM. les ministres l'y voulussent obliger et le rappeler non seule-
ment hiy, mais aussy M' de S«ulmaivse. Le livre du Soldat Suédois' avoit
esté veu par quelques uns en ce pais, mais il n'estoit pas veim en mes
mains; c'est pourquoy je le verray bien volontiers, et altendray lanl
plus inq)atiemnîent le fagot dont s'est chargé le Prieur de Rounwules,
mais je ne sçay comment j'ay manqué de vous prier de me retenir le
' Le soldai suédois, ou hisloire vcriiable Gel ouvraffe, qui a t'ié réimpriiw' en iMA,
de ce qui s'est passé depuis la venue du roi de en 1 6Aa , fui publié sous le Toil«> de l'ano-
Suède jusqu'à sa mort (Genève , 1 633 , in-8*). nyme par Frrklëric Spoiiliein».
A72 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Gesnerus à i5 livres puis que vous l'aviez rencontré, n'estiuiant pas
qu'il puisse eslre trop cher, puis qu'il est de plusieurs volumes. Je
ni'estonne que vous n'ayez point ouy parler de ceste Histoire de l'Ab-
baye de S' Victor, car Dom Polycarpe de la Rivière, visiteur des Char-
treux en ceste province', qui travaille aux Evesques de France-, m'a
dict en avoir receu le volume in folio à sa Chartreuse de Bompas^; il
est à Marseille pour la fondation d'une nouvelle Chartreuse et doibt
passer par icy au premier jour, où je ne manqueray pas de luy de-
mander les addresses qui se peuvent prendre pour ce livre; mais je
seray bien ayse d'avoir cependant celluy que vous dictes de l'Abbaye
de Ferrieres, puis qu'il se trouve*, ensemble celluy de S' Denys, si ce
n'est que ce fusse la première édition in 6° des mémoires du moyne
Doublet que j'ay euz dez ce temps là ^ ou qu'il n'y aye pas de notable
augment* dans l'édition que vous dictes; mais quelque garouflerie'
Allemande qu'il y aye en l'édition du Pétrone, je ne serois pas moins
bien ayse de la recouvrer, si vous ne l'avez pas dezagreable, et vou-
' Voir, sur Dom Polycarpe de la Rivière,
le Dictionnaire historique , géographique et bi-
bliographique du département de Vaucluse , par
le docteur Barjavel, t. Il, p. 342-34/i. Con-
férez une note rectificative et complémen-
taire publiée dans le fascicule Vlil des Cor-
respondants de Peiresc, p. xxvni-xxix. Indé-
pendamment des leltres du cardinal Biclii à
Peiresc ont été publiées, dans ce fascicule,
diverses lettres au même savant relatives
au Gomtat Venaissin et à la principauté
d'Orange, et, parmi ces lettres, il en est
deux (7 mars et 18 septembre i63i) de
Dom Polycarpe de la Rivière.
^ Voir, sur l'ouvrage préparé par Dom
Polycarpe, la Bibliothèque historique de la
France, t. 1, p. 5/io, art. 782G.
' La cliartreuse de Bompas était située
dans la commune de Gaumont, canton de
Cavaillon, arrondissement d'Avignon, h
1 i kilomètres de cette vil'e. Voir le Diction-
naire du docteur Barjavel(t. I, p. aSg-aCi).
le Dictionnaire de M. Jules Gourtet (édition
de 1877, p. i4o-i4i).
* Histoire de l'abbaye de Ferrieres, par
Guillaume Morin, grand jirieur de cette ab-
baye (Paris , 1 6 1 3 , in-i a ). L'auteur abrégea
ce travail dans son Histoire du Gâtinois ( Paris ,
i63o, in-/i% p. 737-78^).
' Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en
France, contenant les antiquités d'icelle , etc. .
par Jacques Doublet, religieux IjénéJictin
de cette abbaye (Paris, Buon, lôaS, a vol.
in-4°). Je ne vois jias d'autre ouM-age à in-
diquer.
" Littré ne cite sous le mot augment que
(les écrivains antérieurs au xvii' siècle.
' Je ne trouve nulle part le mot gaivu-
ferie. Est-il formé de gorou, synonyme de
guilledou , mot qui comporte une idée de dé-
bauche? Voir, h ces mots, le Dictionnaire de
Trévou,r.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 473
drois bien avoir le Martyrologe de Massaeus \ si vous le rencontrez.
Vous m'avez bien resjouy de la nouvelle de ce copiste Grec que M' Ri-
gault a commancé d'employer pour moy, dont je vous ay bien de
l'obligation aussy bien qu'à luy; il me tardera bien de voir quelques
pièces de sa main et le volume de limitibus agrorum que vous m'avez
daigné procurer avec tant de soing et d'obligeantes courtoisies. Mon
frère est à Boysgency où je voudrois bien estre en sa place ; je luy ay
faict voz recommandations et à M'' de la Fayette qui est demeuré icy
prez de M"' de Narmoustier, lequel prend des bains, Monsieur le Ma-
reschal l'ayant voulu laisser icy pour cet effect tandis qu'il s'en alla faire
son entrée à Arles jeudy dernier, où Madame la Mareschalle s'est trouvée
pour passer oultre de là jusques au lieu des Maries S où ilz sont allez
visiter les s*" reliques des osseraentz de deux des Maries que l'on croit
y reposer^. Vendredy dernier un prestre fut exécuté à mort, pour de
grandes meschancetez, M'nostre Archevesque l'ayant fort paisiblement
desgradé au préalable, aprez neantmoins avoir veu tout le procez, que
la cour luy envoya chez luy, pour l'instruction duquel son grand vicaire
avoit prins la peine de venir au pallais assister les commissaires de la
cour qui y travailloient. Je feray extraire l'arrest et les délibérations
faictes sur ce subject aprez quelques conférences par lesquelles on estoit
demeuré d'accord de renvoyer à M' l'Archevesque tous les prebstres
prevenuz de crimes non privilégiez. C'est tout ce que je vous puis
mander en revanche des nouvelles dont il vous plaist me faire part qui
sont bien d'aultre importance que les nostres. On nous avoit dict icy le
passage de M"" Servient* par Lyon quasi au raesme temps que la nou-
' Je n'ose songer h Molanus (Jean Molan)
et h l'édition du Martyrologium d'Usuard
donnt'e par ce savant (Louvain, i568).
' Saintes-Mariés, chef-lieu de canton de
l'arrondissement d'Arles , h 87 kilomètres de
cette ville.
' Voir l'ouvrage de l'abln! Paillon : Mo-
numents inédits sur l'apostolat de sainte
Marie-Madeleine en Provence , et sur les autres
apôtres de cette contrée, saint Latare, saint
Maximin, sainte Marthe, etc. (Paris, i858 ,
9 vol. grand in-8*).
' Voir, sur \hc\ Servion, t. I, p. 81 4.
Ajoutons que l'on possède ( Minutes de l'In-
guimbertine, registre VI, fol. 170-179)
deux lettres de Peiresc ii cet homme d'Etat
(appelé là Servient), des to et ti avril
i633.
«0
I
47i LETTRES DE PEIRESC [1633]
velle arriva de la cheute de M' de Chateauneuf, et plusieurs sestoient
imapinez qu'il eusse esté mandé pour luy donner les seaux, mais la
chance seroit bien tournée, si ce qu'on vous en a dict se trouvoit véri-
table. J'oubliay dernièrement de vous accuser la réception delà relation
imprimée du Mareschal de Marillac' dont je vous crie raercy et àM'Le-
pelletier, à qui je tascheray d'escripre par cet ordinaire, bien marry de
m'estre si mal acquitté de mon debvoir en son endroict, estant de tout
mon cœur,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Au, ce ai mare i633.
Monsieur de Thou nous oblige trop par l'honneur de son souvenir.
Dieu nous fasse la grâce de trouver quelque digne moyen de luy en
rendre noz justes recongnoissances et fidèles services.
Je vous supplie de vouloir despartir vostre intercession favorable à
M'' le Prieur de Roumoules en faveur du jeune frère de M"" Armand de
Marseille que l'on a malheureusement assassiné au bourg la Royne ^,
dont la cause est pendante au Chastelet pardevant M"^ le Lieutenant
criminel à qui M' l'Huillier, qui est son parent, parlera volontiers, je
m'asseure, si vous l'en priez, et pourra faire une recommandation assez
puissante pour faire chastier ce forfaict, et M"^ Autin y pourra beau-
coup aussy, au cas qu'il soit du jugement, si vous daignez l'en supplier,
et M' Rigault aussy, comme je vous en conjure de tout mon cœur.
Il s'est trouvé icy un exemplaire du Nicandre de Paris in û** de l'an 67
' Le Catalogue de la Bibliolhètjue natio-
nale indique les deux pièces que voici (9869
et 3870) : Récit véritable de tout ce qui s'est
passé à la mort de Monseigneur le maréchal
deMarillac ; avec les regrets qu'il a eus d'avoir
^mué le roi (lo mai), s. 1., i63a, in-8°.
— Relation véritable de ce qui s'est passé au
jugement du pmcès du tnareschal de Marillae,
prononciatimi et exécution de l'arrêt contre
lui donné par les commissaires de la chambre
établie à Rueil, et de ses dernières paroles et
actions, devant et sur le point de sa mort
(s. 1. n. d. , in-i°).
* Bourg-la-Reine , commune du départe-
ment de la Seine, canton de Sceaux , à 1 kilo-
mètre de cette ville , à 7 kilomètres de Paris.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 475
à la ÛM duquel le petit feuillet de ponderibus et menauris ne defailloil
pas comme à mou exemplaire, dont j'ay esté bienayse, mais parce qu'il
n'est pas à aïoy, si vous en rencontrez là un aultre bien parfaict, je ne
l'achepteray pas moins volontiers pour en assortir mon exemplaire.
Un médecin de mes amis m'a faict engager de paroUe de m'employer
pour luy faire avoir un livre chimi(|ue que vous trouverez cotté en un
billet cy joint. Si c'est cbose qui se trouve, je seray grandement ayse de
luy en pouvoir faire passer la fantaisie '.
CI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PAJRIS.
Monsieur,
Avec vostre despescho du 1 7", j'ay receu de si belles curiositez que
je suis tout honteux de voir que je l'aye si mal mérité, et que j'aye si
peu de moyen de m'en rendre à l'advenir plus digne que par le passé,
mais puis que vous congnoissez mon impuissance, vous la sçaurez bien
excuser comme je vous en supplie trez humblement, sur l'asseurance
que je n'espargneray rien de tout ce peu qui sera de ma puissance.
Gez pièces du partage de la succession de Montmorancy sont trez re-
marquables-'; si je ne les vous puis renvoyer par cet ordinaire, ce sera
par le prochain Dieu aydant. Cependant je vous en remercie trez
affectueusement comme aussy de celle du Président le Cogneux, de
cette epistre d'Amulon ', et de ceste belle ode de Godeau * qui mérite
' Vol. 717, fol. a 16.
' Voir divei-ses pièces relatives à la suc-
cession du duc de Montmorency indiquas
dans le Catalogue de la BibliolUèque natio-
nale {Histoire de France, t. I, p. 5i)o).
' Àmuion, plus souvent appelé Amolon,
disciple et successeur (860) de l'archevêque
de Lyon , Agobard , mourut Ie3i mars 85 a.
Voir sur cet écrivain VHittoire littéraire de la
Frcuice, t. V, p. iO'')-i il. La lettre envoyée
k Puiresc ovait été publiée par Micolas Ca-
uiusat ebez Jean Camusat (Pans, i633.
in-8°). Les liénédictins ont analysé(p. 106)
cet important document et en ont indiqué
{ibid.) les diverses réimpi'essious.
* M. René kerviler dit dans sou exoeliente
60.
I
476 LETTRES DE PEIRESC [1633]
certainement d'estie louée comme vous dictes; je sçaurois bien volon-
tiers son aage, son pays et sa profession'; mais ce sont ces cayers que
vous m'avez faict extraire de la bibliothecque du Roy qui sont bien
capables de me donner de l'exercice, et à d'aultres plus habilles que
je ne puis estre ; j'y ay trouvé quelques petites lacunes ou motz laissez
en blanc et voudrois bien sçavoir si c'est à faulte que le copiste ne les
aye pas sceu lisre ou bien que les mesmes lacunes soient dans l'ori-
ginal qu'il a prins à transcripre, dont j'eusse bien voulu sçavoir l'anti-
quité de l'escripture, si c'est en bon parchemin ancien ou en simple
papier plus récent, de quoy j'avois prié M' Rigault de me vouloir ad-
vertir, mais je faictz grand scrupule de le divertir pour si peu de
chose des occupations beaucoup meilleures que luy donne son Tertu-
lian, et si vous envoyez quérir le copiste avec le volume qu'il a en
main, vous me pourrez bien esclaircir facilement de ce point là.
Quant à ce petit fragment qui est derrière le scholiaste de Nicandre,
j'y trouve des choses capables de me le faire juger bien ancien, si la
lecture est bien constante ^ selon l'édition , pour le moins ce qui est en
sa première partie, car pour la dernière, je me suis desja apperceu
qu'elle est quasi toute extraicte de ce que j'ay trouvé soubz le nom
d'Oribasius en voz cahiers, et vouldrois bien sçavoir s'il ne s'en trouve
point de m[anu]s[crit] soit dans la bibliothèque du Roy ou ailleurs,
auquel cas je serois infiniment ayse de le faire conférer sur l'édition
ëtude sur Atiloine Godeau, évêque de Grasse
et de Vence, l'un des fondateurs de l'Académie
française (Paris, 1879, in-8°, p. 9) : rrOn
peut lire en tête du Parnasse royal, recueil
publié en i635 par Boisrobert, pour réunir
une partie des pièces de vers composées à
l'occasion des prises de la Ilochelle , de Suse
et de Pignerol (le Privilège est du 28 avril
i633 ), une ode pompeuse du futur évêque
en l'honneur du roi et des ministres, n M. Ker-
viler cite (p. 10) deux strophes de celte ode
trop admirée de Peiresc, strophes cassez
bonnes, perdues dans ces quatre cents vers, n
' Antoine Godeau, né h Dreux le ai sep-
tembre 1 6o5 , était alors un jeune homme de
vingt-huit ans. Il n'avait pas trente et un ans
quand il fiit nommé évêque deGraâse(2 1 juin
i636). On n'a qu'une lettre de Peiresc à
Godeau, écrite d'Aix le 28 octobre i636
(Minutes de l'Inguimbertine, registre III,
fol. 5 10).
' Sous le mol constant pris dans le sens
de certain , bien établi, le Dictionnaire de Lit-
tré ne cite que des écrivains postérieurs, Des-
carti's , Corneille , Bossuet.
fi
[1633] AUX FRÈRKS DUPUY. /i77
et transcripre en un besoiiif; tout de nouveau, s'il y a aulcune dilFe-
rence tant soit peu considérable. Je vous renvoyé ce pendant la coppie
que vous m'en aviez faict faire (puis qu'on m'a preste l'édition) à celle
fin que sur les mar^jes de ceste coppie vous puissiez faire cotter la dif-
férence de lecture qui se trouvera aux m[aiiu]s[crit]8 s'il y en a, et
parliculierenient pour les paroles soubz lesquelles j'ay tracé une pe-
tite raye, surtout pour celles que j'ay tracées encore d'une suitte de
petitz poiutz, à quoy M' Valioys ou M' Samuel Petit s'employerout
volontiers pour l'amour de moy, si vous leur faictes envoyer le m[a-
nu]s[cril] chez eulx. J'ay trouvé dans ces cahiers Grecs aulcunes pièces
de celles qui sont inq)riniées derrière le Gallien, et mesraes tout ce
que le P. Petau a faict imprimer soubz le nom d'Epiphane '; sur tout
j'ay prins grand plaisir à ce qui est soubz le nom d'Oribasius à cause
que nous sçavons bien à peu prez le temps qu'il vivoit*, car par la
certitude de ceux dont le temps nous est cogneu il fault tascher de
recongnoistre le temps qu'ont vescu les plus anciens et ceux qui sont
anonymes, par la différence ou par l'analogie des proportions des
choses qu'ils traictent. Sur tout pour cet Aphricaims, il mérite d'estre
examiné bien curieusement pour veoir si ce peut estre véritable-
ment celluy qui vivoit soubz les Roys de Syrie, et si par succession
de temps on ne pourroit point y avoir fourré des choses qui n'estoient
peut estre pas bien de son siècle. Tant est que l'Anonyme qui est
derrière le Nicandre n'estoit pas trop esloigné du sien, j'entendz l'au-
theur de la première partie du premier chapitre, que je tiens avoir
escript plus de cent ans avant l'enqjire, ri'ayant pas encores eu le loysir
d'examiner le contenu au second chapitre, car pour le dernier, il est
quasi pris mot à mot du susdict Oribasius, excepté les dernières lignes
qui seroient bien remarquables, si nous estions aydez de quelque bon
' Les Œuvre» complètes d'Epiphane pa- autres à Sardes. Voir l'édition donnée de ses
Furent par les soins du P. Denis Petau à Œuvres, avec traduction et commentaire,
Paris, en deux volumes in-fol. (iGaa). par MM. Bussemaker etDaremberg (Paris.
' Oribaseestui) médecin grec du IV' siècle, i85i-i854, a vol. in-S").
né, selon les uns, à Pergarae, selon les
478 LETTRES DE PEIRESC [1633]
m[anu]s[crit] sans lequel il ne s'y peut pas faire guieres de fondement
qui vaille, et excepté aussy le denarium d'Oribasius qui se trouve
obmis au dict prétendu Anonyme, et qui pourroit estre un supplé-
ment adjousté par le dict Oribasius, au cas que l'Anonyme soit plus
ancien que luy. Cependant j'y ay trouvé certaine petite différence cap-
pable d'ayder l'un par i'aultre en des petites choses qui eussent esté
subjectes à tout plain de difficulté; c'est pourquoy je ne plaindrois pas
la despence de la transcription de toutes les pièces de ceste matière,
quand bien il y eschapperoit quelque chose de double, puis qu'elles
sont si brefves et si succintes, afin d'en pouvoir faire moy mêmes la
collation des unes aux aultres, au deffault des originaulx, ne pouvant
vous dissimuUer que s'il s'en trouve quelque exemplaire d'escripture
bien ancienne en parchemin, je prendrois à grande faveur s'il estoit
loysible d'en avoir la veuë quelque jour et de le pouvoir coUationner
sur la coppie qu'on m'en aura transcripte, car il y a des caractères et
notes ou monogvames qu'un simple coppiste ne sçauroit assez fidèle-
ment imiter, s'il n'estoit aussy bon peintre que bon escrivain. Mais
c'est à quoy il ne nous fault pas penser que l'on n'aye achevé de nous
transcripre ce que M. Rigault trouvera bon de nous communiquer,
et de peur de le faire cabrer par une trop indiscrette demande , estant
obligé, comme il est, de ne pas laisser esloigner de Paris les livres
de la Bibliothèque du Roy ; de quoy nous pourrions aussy noUs passer
bien plus facilement, si M. de Valloys se pouvoit donner la peine de
conférer avec un peu de soin quelqu'une des pièces principalles sur
les originaux et sur les derniers exemplaires qu'il y en a eu dans la
bibliothèque. Si M. Petit faisoit assez de sesjour par delà, il le feroit
peut estre avec plus de patience pour l'amour de moy; mais je crains
fort que les affaires pour lesquelles il a esté député ne l'obligent
à suivre la cour hors de Paris, et à s'en retourner plus tost qu'il
ne fauldroit pour cela. Je luy en escriptz neantmoins un mot à
tout hazard, et d'aultant que je luy avois faict feste aultrefois des
fragmenta qui sont dans mon volume d'Eclogues tant du Johannes
Antiochenus que de Malela et aultres chronologistes dont il avoit
[1633] AUX FRÈHES DUPUY. 479
tesmoigrié désirer d'avoir la veiie, je vous supplie trez liuiubleuieat
de faire trouver bon à M. de Valloys que vou» retiriez de ses unaixis
mon in[anu]s[crit] pour le remettre, s'il vous plaist, a>i dict sieur Petit,
afin que, durant le sesjour qu'il fera de par delà, il puisse ])rendre
le temps d'y chercher et veriflier ce qu'il desii-oit, u'estimant pas
qu'il puisse faire faulte au dict sieur Valoys, puisqu'il m'a escript
qu'il avoit achev<'; de le transcripre. Que si ce petit livre en langue
des Cophtes, que M. de Thou avoit apporté du Gayre, sur l'instance
que je luy en avois faicte, est à Paris, et que vous n'ayez pas d'oc-
casion de faire difliculté de le laisser voir au dict sieur Petit, je vous
supplie trez humblement de le luy prester pour l'amour de moy durant
son sesjour de par delà, et de le retirer, s'il vous plaist, pour cet
etfect des mains de celluy à qui vous le pourriez avoir cy devant
preste et à qui vous le ])ourrez bien tost rendre, n'estimant pas
que M' Petit le vous garde long temps. L'on me donne quelque es-
pérance d'un dictionnaire tout complet en ceste langue dont on avoit
quasi accordé la transcription, et marcimndoit'on la préférence du
recouvrement de l'original pour laisser la coppie, mais je leur ay
mandé qu'ils ne s'amusent pas à cela et que je me sçauray bien con-
tenter de la coppie, s'ils ne peuvent emporter d'abbord l'original, parce
qu'en ces matières là on ne sçauroit trop craindre la perte du temps,
et par conséquent des occasions qui ne se recouvrent pas quand on
veut. Je ne vous recommande point le dict sieur Petit, parce que je
sçay bien en quelle estime vous tenez sa vertu et son mérite, et ne
doubte pas qu'il ne vous trouve trez disposé à luy rendre toute sorte
de bons offices et de protection ou de secours en ses estudes et eu ses
alYaires si vous le pouvez par vous ou par voz amys, vous asseurant
que j'auray grande part aux obligations et aux nouvelles faveurs qu'il
recevra de vostre main, participant comme je suis tenu de faire à tous
ses intherestz. Si M'' de Thou l'a veu, je ne doubte point qu'il ne luy aye
pareillement faict trez bon accueil aussy bien que vous, dont je m'at-
tendz de ne luy en estre pasm oins redevable qu'à vous. Je regrelteroys
son nouveau voyage en Bourgongne s'il avoit de meilleurs desseins.
Ù80 LETTRES DE PEIRESC [1633]
mais je pense avoir pourtant assez d'intherest qu'il le face pour le pou-
voir désirer aultant qu'il peut estre compatible à ses inclinations et à
ses affaires, pour le bien desquelles je me despartirois tousjours volon-
tiers de tous mes intherestz, et principalement de ceux dont je luy avois
escript, qui ne méritent guieres qu'un homme de sa sorte s'en mette
en peine. J'ay esté infiniment ayse que M'' Besly aye faict revenir son
filz en sa place ^ espérant que cela pourra accélérer l'édition de tant de
beaux ouvrages qu'il a composez de nostre hystoire^. Je vous remercie
trez humblement du souvenir que vous avez de la Charte de M"^ Ga-
land à qui je ne manqueray pas d'en escripre soit pour supplier ou pour
remercier selon la disposition que vous y trouverez et selon que vous
le jugerez à propos. Nous attendrons en bonne dévotion le ballot de
livres, non sans quelque regret si la Bibliothèque du Gesner n'a peu
estre du nombre, mais elle pourra venir Dieu aydant avec le Golzius,
sur l'assortiment duquel j'attends encore vostre responce, pour pouvoir
satisfaire l'amy qui me le demande selon son goust. J'ay escript à
M' le Pelletier un remerciement trez humble de la relation dont il
m'a daigné faire part. Ce n'est pas M"" le Mareschal tout seul qui a
la Gazette 8 jours plus tost que le commun; M' de la Poterie' la
reçoit aussy en raesme temps et aussy règlement*, comme plusieurs
aultres l'ont aussy receue, mais non pas si règlement. Si vostre Gaze-
tier s'en veult accorder avec vous, je pense qu'il fauldra luy donner
mon addresse, et luy laisser faire les enveloppes au temps et en la
' Jean Besly, sieur de la Gerberie, fiis
de l'historien, né le ag janvier 1602,
mourut en 1669. Ce fut en 1689 que l'his-
torien des comtes de Poitou re'signa l'office
d'avocat du Roi en faveur de son fils. Ou l'c-
raarque , en tête de l'in-folio publié trois ans
après la mort de l'historien , une Dédicace à
M. P. Dupuy, conseiller d' Estât , par J. Besly ,
fils , conseiller et advocat du Roy à Fontenay-
le-Comte, datée de Paris, 1" février 1647.
On trouve dans ce volume diverses pièces
soit de Besly fils, soit à lui adressées.
' Aucun de ces beaux ouvrages ne parut
du vivant de Besly. Voir les explications que
donne h ce sujet M. A. Briquet dans son
Introduction aux Lettres de Jean Besly
(p. xvi-xx).
' Le commissaire qui était venu en Pro-
vence avec Dreux d'.Aubray. Peiresc lui écrivit
de Belgentier plusieurs lettres , du 1 3 février
i63i au 3o mai de la même année (Mi-
nutes, registre I, fol. Z197-430).
' Pour régulièrement, comme nous l'avons
déjà vu dans le tome L
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. i81
forme que bon iuy semblera, pour les faire arriver à Lyon avant le
mercretly matin, quelqu'un m'ayant voulu dire qu'encores que l'ordi-
naire parte de Paris le vendredy, il attend à quelque poste de là
certains pacquetz qu'on envoyé aprez Iuy, entre lesquelz sont, je m'as-
seure, les Gazettes, dont je n'ay receu par nostre dernier ordinaire que
celles du 1 2* soubz une vostre enveloppe à part avec une bonne correc-
tion d'une epigrammc, mais nous verrons si par le prochain ordinaire
elles feront plus de diligence. Nous n'avons du tout rien de nouveau
présentement. M'' le Mareschal de Victry avoit eu un peu de menasse de
gouttes, mais il en a esté quitte à fort bon marché '. Vous ne me dictes
rien d'une nouvelle Histoire ecclésiastique des Gaulles in 8° du sieur
Bosquet^, dont je vous supplie de m'en faire envoyer deux ou trois exem-
plaires si tost qu'il s'en pourra avoir, et d'excuser l'excedz de mes im-
portunilez comme venantz,
Monsieur, de
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce a8 mare i633'.
' Le plus ancien exemple de l'expression
à bon marché que donne le Dictionnaire de
Littrd est emprunté à une lettre de M°" de
Sëvigné du l'année i65o.
' Ecclesite gallicaïue Historiarum liber I a
primo J. C. in Galliis Evangelio usquc ad
datamaConstanlino imjjeratore Ecclesite pacem
res preeclare (restas complectens ; auctore Fran-
cisco Bosqueto, Narbonensi (Paris, i633,
in-8°). Volume rarissime et pourtant oublié
par le Manuel du libraire. François de Bos-
quet, né à Narbonne le a8 mai i6o5, fut
d'abord magistrat et devint ensuite (16/18)
évécjue de Lodève, et enfin (i655) évêque
de Montpellier. Il mourut le 3 4 juin 1676.
Ce savant prélat fut un des correspondants
de Peiresc. On possède dix lettres de ce dei--
nier écrites h Bosquet du 5 janvier 1 634 au
98 avril i636 (Minutes del'Ioguimbertine,
registre II, fol. 435-637). A la Bibliothèque
nationale, dans le volume 9563 du fonds
français , on trouve deux lettres de Bosquet
h Peiresc : une datée de Paris le 1 o mars
iG33, l'autre datée de Narbonne le ai fé-
vrieri636(fol. aa, a3). Ces deux domières
lettres seront publiées par M. l'abbé P. Henry,
docteur en théologie, actuellement aumônier
du lycée de Mont|)ellier, dans une étude sur
Bosquet historien , qui sera le complément
de son volume intitulé : François Bosquet ,
évêque de Lodhie et de Montpellier, son rôle
dans l'affaire du jansénisme, etc. (Montjiel-
lier, i884, in-8').
' Vol. 717, fol. aao.
61
nvftiBSBti sâTiexttt.
482 LETTRES DE PEIRESC [1633]
J'ay depuis trouvé moyen inesperement d'escrire tant à M' Galland ^
qu'à M^ Rigault^
Cil
k MONSIEUR, MONSIEUR DE THOU,
CONSEILLER DU ROÏ EN SES CONSEILZ D'ESTAT, MAISTRE DES REQUESTES ORDINAIRES
DE SON HOSTEL ET INTENDANT DE LA JUSTICE DE BOURGONGNE,
À PABIS.
Monsieur,
Le mesme jour que j'eus l'advis de vostre desparl de Paris pour
vostre voyage de Bourgongne par une lettre de M' du Puy du 2/1 du
passé, j'eus i'honneur de voir icy un gentilhomme d'Autun, beau frère
de M"" de Montaigu, lieutenant en la Chancellerie^, qui est celluy
dont je n'avois pas peu apprendre le nom, qui avoit recueilly tout
plein de pièces antiques des meilleures qui ayent esté desterrées à
Autun ou ez environs de son temps. Lequel estoit maire ou eschevin
en la mesme année que furent trouvez tous cez vases d'argent avec
des brasseletz d'or, et aultres bagues fort curieuses, qui feurent par-
tagées entre diverses personnes. Le frère de feu M' le président
Jeannin*, qui estoit ecclésiastique, en eut sa part, et entr'aultres de
cez brasseletz de diverses sortes, qu'il avoit une fois promis à feu
Monseigneur le garde des seaux du Vair, mais il ne tarda pas de
' Le registre III des Minutes de la bi-
bliothèque de Carpentras renferme (fol. iaS-
ItZo) quatre lettres à Galaïul écrites en
Tanne'e i633, le 21 mars, le 98 mars, le
26 avril elle 29 juin.
^ La lettre du 28 mars i633 à Rigault
nous a étd conservée (Minutes, registre V,
iolhlib).
' Montaigu est mentionné par Gassendi
(liv. V, p. 427) comme ayant fait en i634
une visite à Peiresc pendant le séjour de
Gampanella dans la maison de l'hospita-
lier savant. Nous retrouverons plus d'une
fois le nom du magistrat d'Autun, lequel fut
un des correspondants de Peiresc. Voir dans
le registre VI des Minutes de l'Inguimbertine
plusieurs lettres à n M' de Montaigu n , écrites
du 28 janvier i63/i au 7 octobre i636
(fol. 519-533).
* Voir, sur ce personnage, t. I, p. 827.
[1633] AUX FRERES DUPUY. /i83
mourir, ce qui le deschargea de sa promesse. Il est depuis mort luy
mcsincs, et Dieu sçait qui aura eu cela si ce n'est Madame de Castille,
sa niepce'.
Un aultre en eut sa part qui consistoit en une assez grande patène
d'argent toute lize sans aulcuns enrichissementz de relief ou de gra-
veure, et une cuillier d'argent (dans le creux de laquelle y avoit une
figure assise de bas relief comme d'un malade appuyé sur une croce
ou bien, à ce qu'il croyoit, d'un Mercure accompagné de son coq, de
son chevreau et d'aultres appartenances, qui n'ont pas esté assez bien
descriples dans le dessein que j'en eus pour les recongnoistre suflizam-
ment) dorée en quelque endroict, qui furent vendues en Avignon, à
un marchand, lequel les revendit à M"' Rubens à Paris. Tout le reste
demeura ez mains de M' deMontaigu d'Autun, qui a espousé l'une
des soeurs du sieur Venot*, qui m'en a donné la relation, ce qui
consiste en une aultre cuillier d'argent toute pareille à celle de M' Ru-
bens avec la mesme figure de Mercure assise espargnée en bas relief
dans le creux de la cuillier, avec le mesme coq, et aultres apparte-
nances; entre lesquelles il dict qu'on distinguoit assez apparemment
le petase ' prez de son siège, au lieu de l'avoir à la teste. Il a plusieurs
aultres cuilliers et aultres escuellons, ou vases de bronze antiques, et
un brassellet d'or fort célèbre, et fort léger ou fort tenu, les pièces du
brasselet estanlz creuses la plus part et remplies d'ambre gris, ce qui
meriteroit bien d'estre examiné de prez etveriffié si ce n'est point chose
adjoustée fraischement. Il dict qu'il y a une petite médaille d'or, enchâssée
' On litdans Tallcmantdes Rëmix (Hislo- à Aulun, du q8 janvier i63à au 7 octobre
ricttc du président Janin, t. III, p. 196) : "11 i636 (fol. 5i7-53a).
la vendit (sa charge de président au parle- ' On lit dans le Diclionnaire de Liltré:
ment de Dijon), et en maria sa fille à Cas- "Péiase , sorte de chapeau en usage chez les
tille , recepveur du cicrgd. n Sur la ni^ce de anciens ; il dlait h larges bords , et protégeait
l'abbé Jcannin , nommée Charlotte, voir une contre la pluie et le soleil. » On trouve dans
note de P. Paris (iii'rf. , p. aoi). le Dictionnaire de l'Académie (1878) une
' Ce beau -frère de M. de Montaigu fut définition quelque peu différente : ir Terme
un des correspondants de Peiresc. Voir dans d'antiquité. Chapeau de feutre, rond, h fond
le registre VI plus haut mentionné les mi- bas et h larges bords. Le péiase ailé de Mer-
nutes de onze lettres adressées à M. Vetiot, cure.n
61.
484 LETTRES DE PEIRESG [1633]
sur les charnières en forme de chatton, avec le visage d'un empereur
et des lettres autour dont la veùe ne pourroit estre que bien agréable
et utile, mais je ne l'estimerois pas à l'esgal de la veiie de la cuillier et
de la patène, s'il y en a une à sa part comme d'aultres m'en ont voulu
asseurer, car M' Venot n'en sçavoit rien de bien précis et je n'osois pas
luy faire trop paroistre combien j'en estois curieux, de peur d'enchérir
trop la marchandise, et de m'esloigner tant plus les moyens d'en avoir
quelque disposition pour la veûe, s'il y a trop de difficulté à en ac-
quérir la propriété, auquel cas je me tourneray du costé de M' Rubens,
m'asseurant que si ceste pièce qu'il avoit n'est passée en Angleterre
avec les aultres qu'il vendit au Bukinghan, il me l'envoyera plus vo-
lontiers que je ne la lui sçaurois demander, tant il est honneste. Et si
cez brouilleries^ de l'Estat présent ne m'obligeoient à une cessation ab-
solue de tout commerce avec luy, je me serois possible desjà dispencé
de luy en donner quelque attainte. Mais je ne vouldrois pour rien du
monde, en ce temps, qu'il se peusse voir de mes lettres à une personne
qui a eu depuis peu les employs dont nous avons ouy parler. Et puis,
si la cuillier qui reste à M"' de Montaigu est véritablement antique (dont
il se fauldra esclaircir), je n'estimeray pas moins d'en pouvoir faire un
jour la comparaison avec celle de M'' Rubens, les trouvantz d'esgale con-
tenance (comme je pense qu'il le fault ainsy présupposer et attendre)
et n'y auray pas moins de plaisir que j'en euz à la comparaison des
deux escuellons d'argent antiques de M' de Roissy, qu'il a voulu par-
tager avec moy, et dont M"' du Puy m'escript que vous avez voulu voir
mes conjectures et resveries de fiebvreux. De quoy certainement je
doibs estre bien honteux; mais comme à quelque chose malheur est
bon, comme on dict, je ne suis pas si marry que vous ayez veu le se-
cours que tirent les espritz malades comme le mien de la communication
de telles pièces, quand il y a moyen de voir et de tenir les originaux,
' Bossuet a parlé {Histoire universelle) b ce sujet, aucun écrivain fintérieur à Balzac,
des (rbrouilleries du royaume", et Balzac et, par conséquent,.! Peiresc. Le xvi' siècle,
(Le Prince) avait, avant le grand écrivain, comme le xv', appelait brouillis les troubles
employé la même expression. Littré ne cite, civils.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. /i85
Or ce qui me tient un peu en suspens et en deffiance de la cuillier de
M' de Montaigu, est que M' Venot son beau frère ne se souvient point
d'y avoir rien veu de doré, et au contraire mon frère de Valavez, qui
a veu celle de M'' Rubens, dict que le petit point qui y paroissoit au
siège de Mercure, en forme de lozange, estoit une espèce de cloud d'or
enchâssé dans l'argent plus tost qu'une doreure, ce qui me faisoit juger
que ce debvoit estre une marque ou note numeralle, pour designer
l'unité et intégrité de la mesure d'un MYSTRUM, qui estoit le quart
du Cyalhus, car ce vase ou ceste cuillier est de trop grande capacité
pour ne tenir qu'une simple cuillier ou une simple Ligula, du poidz
d'une demy drachme seulement remplie d'huille, et il y a plus d'appa-
rence qu'elle ayt esté faicte pour contenir le Mystrum, qui estoit de
trois drachmes ou de six petites cuilliers, et c'estoit l'usaige des anciens
de marquer d'or les poidz plus menuz et destinez à peser les choses
plus précieuses, comme les aultres ordinaires estoient marquez d'ar-
gent. Tellement que si la cuillier de M"" de Montaigu n'est marquée
d'or comme celle de M"" Rubens, je crains qu'elle n'ayt esté moullée
dessus. Et de faict M'' Venot m'a lasché quelques mots d'un certain
moulleur de ce païs là, qui faisoit des merveilles en ceste sorte d'oû-
vraige, et qui en avoit deslogé, pour le soubçon de la faulse monnoye,
lequel se pourroit bien estre exercé à mouUer pour M' de Montaigu ou
pour aultre la cuillier de M"" Rubens, avant qu'elle fust sortie d'Autun;
la conformité de la figure assise toute pareille en l'une comme en laultre
m'estant suspecte, je vous en envoyé un peu de griffonnement afin que
vous en puissiez mieux juger, où j'ay faict colorir • de jaulne la petitte
teste de cloud d'or quarrée, ou en lozange, telle qu'elle estoit repré-
sentée en mon dessein. Si j'avois veu l'original, je vous en parlerois pos-
sible en aultres termes. Une des plus grandes marques de l'antiquité
sera si vous trouvez quelque diflerence aux figures, ou aultres ap-
partenances qui les accompagnent, de plus ou de moins de ce dessein
' Le Dictionnaire de Liltré rappelle, sous le mot colorier, que eolori est Tancien
participe du verbe colorir. Voir le mot colorir dans le Glossaire de La Cume de Sainte-
Palaye.
486 LETTRES DE PEIRESC [1633]
en l'original de la pièce de M' de Montaigu. L'aultre sera si cet ori-
ginal est luysant et poly tant dedans que dehors, un peu plus que la
vaisselle d'argent ordinaire de nos orphevres modernes, et s'il n'y a point
de vestiges des grains de sable, avec quoy on le pourroit avoir moullé,
dont je serois bien tost esclaircy à la première veue que j'en pourrois
prendre, si cet homme s'y trouve disposé. Auquel cas je seray fort soi-
gneux de luy faire fidèlement restituer son original , en sorte que vous
n'aurez pas de reproche de ce costé là, si vous luy engaigez vostre pa-
rolle, ou si vous luy en faictes engaiger celle de quelqu'un de voz amys
et des siens. Mais en toute façon il ne fault pas négliger de s'enquérir
de luy et faire dresser un peu de relation du temps et du lieu où
toutes ces pièces feurent deslerrées, et de tout ce qui fut trouvé con-
jointement, sans oublier de marquer s'il y avoit aulcunes médailles,
pour communes et chetifves qu'elles poussent estre , soit de l'empire ou
d'auparavant, en quelque metail que ce fust, pourveu qu'on recogne ust
les images des Princes ou les noms et inscriptions qui pouvoient
faire juger du siècle qu'elles estoient en usaige , et qu'elles pouvoient
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 487
avoir eu cours, afin d'en conjecturer le temps que ces cuiHiers ou
brasseletz ou aultres bajjues pouvoient avoir esté mises ou cachées en
terre et sçavoir en quelles mains passèrent les principales pièces, s'il est
possible, pour voir si ce sont véritablement celles dont nous cherchons
la source, ou d'aultres. J'ay grande honte de vous estre à si grande
charge, pour des choses de si peu de considération, et si peu dignes
d'une persone de vostre crédit, mais vous n'ignoriez pas ma maladie tant
d'esprit que de corps, quand vous m'aviez daigné admettre au nombre
de voz serviteurs et me faire sy bonne part de l'honneur de voz bonnes
grâces, de façon que je ne doibs pas doubler que vous ne soyez en vo-
lonté et en estât de m'excuser, et de me pardormer toutes cez faulles
et tous ces crimes et indiscrétions, comme je vous en supplie et conjure
de toute mon affection. Je vous escrivis hier par le dict sieur Venot',
qui désire vous faire offre et consacrer son service. G'estun gentil esprit,
grandement bien né et bien morigéné^, qui a de trez bons moyens, et
dict on qu'en tout l'Autunois il n'y a pas de maison plus accommodée
que la sienne; il a une passion aux bonnes lettres nom pareille, et une
grande aversion à toutes les occupations et employs d'olfices et de ma-
riage qui peuvent estre cappables [de l'éloigner] du dessein qu'il a h l'es-
tude où il a de bons commancementz et une gentille bibliothecque. Il
seroit à désirer qu'en chasque province il y eust de telles personnes qui
pourroient saulver une infinité de bons livres m[anu]s[crit]s et de trez
curieuses singularitez, qui se perdent à faulte de gentz qui ayent assez
de cappacité et de charité envers le public pour les recueillir et rachepter
de leur perte inesvitable. 11 a grand désir de vous servir, et d'acquérir
l'honneur de voz bonnes grâces et de vostre protection, par tout ce
' Getleletlre,quicoinmenceainsi: ffMon- ' C'est-h-dire qui a <le bonnes mœurs (de
sieur, je n'ay pas dcu laisser passer en ce morigerari, venu, selon Liltrë, de mos ,
pays M' Venot, d'Autun, elc», est dans le morts, mœurs, etgerere, porter). C'est dans
volume VII des Minutes de l'Iuffuimberline ce sens que l'on a dit, au xv' siècle, rvail-
» (fol. a 88), il côtt' d'une lettre du môme tant aux armes et bien morigenéi [Botici-
jour adressée à M. de Montaigu , (flieutenant qiiaut), et, au xvi" siècle, «sage et bien
gênerai en la chancellerie d'Autun n, et morigenée-K (Ambroise Paré),
parmi les lettres adressées aux frères Dupuy.
i88 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qu'il pourra sacritfier de son service et de ses moyens. Je m'asseure
que vous ne serez pas marry de l'admettre au nombre de voz cliens et
serviteurs, comme je vous en supplie. Et quand la jeunesse luy feroit
obmettre aulcune chose de son debvoir, et des termes du respect qui
vous est deub, parmy l'ardeur de son zeelle, je crois bien que vous
lexcuserez volontiers aussy. Je vous feray un dupplicala de ceste des-
pesche qui va par Paris, pour tenter de faire passer l'autre de Lyon
droict à Dijon, de crainte que vous n'en fussiez party avant la réception
de ces advis icy ou plustost de cez importunitez , dont je vous crie en-
cores mercy de bon coeur, en cette qualité que vous avez daigné m'oc-
troyer et conserver de si bon coeur.
Monsieur, de
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce h apvril iG33.
Je vous supplie d'excuser encores la précipitation oi!i je me suis
trouvé reduict cette fois , et non seulement la mauvaise escripture , mais
ce-desordre et mauvaise construction du style en quelques endroictz,
pour avoir esté interrompu, et trop pressé en reprenant la besongne;
vous entendrez mieux ce que je voulois dire que je ne l'ay sceu ex-
primer, ne pouvant le refaire présentement comme c'eust esté de mon
debvoir et de mon désir.
Je viens de recevoir présentement une partie des mémoires du P. Atha-
nase Kircher, jésuite Alleman, sur l'exposition des Hiéroglyphiques
^Egyptiens des obélisques, extraictz d'un vieil Rabin de Babylone qui a
nom Raby Barachias lequel a escript en Arabe, où il y a des choses gran-
dement abstruses et rares, où les curieux trouveront bien de l'exercice \
' Voir Gassendi, ]iv. V, p. 388, sur le Varûde Kircherdeh Bibliothèque desécrivaitis
P. Athaiiase Kircher, qu'il appelle homme de la Compagnie de Jésus {t.ll,co\. lilij), où
de grande érudition [eruditionis oppido ma- est indiqué cet ouvrage du savant jésuite:
gnœ) et qui habitait alors Avignon, ainsi Prodromus Coptus sive ^gypliacus (Rome,
que sur Rabbi Barachias Nephi. Conférez i636, m-^°). Dans cet ouvrage, dédié au
I
[1633]
AUX FRERES DUPUY.
A89
et ceux principalement qui recherchent des notices et origines de la
langue des Coplites'.
cm
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Avec vostre despesche du 26" du passé, nous avons receu de bien
curieuses pièces et qui méritent de bien plus grands remerciements et
services de revanche que je n'en sçaurois rendre, mais il y avoit im
advis qui me donna bien de la mortification et que je déplore infini-
ment en la disgrâce de ce pauvre P. '■'. Il fault vouloir ce qui plaict aux
Dieux et souhaicter que leur courroux s'appaise'. Je vous r' envoyé
celle de Montmorancy"de l'aultre ordinaire, avec mes actions de grâces
trez humbles telles que je puis. Celle du cardinal Bentivoglio, que je
trouve bien judicieuse et dont je vouldrois bien sçavoir l'aulheur con-
fidament, refera le voyage par le prochain Dieu aydant. Vous aurez
icy une lettre qui m'a esté escriple de Thoulouse sur les m[anu]s[crit]8
dont on m'avoit l'aict feste, mais je crains bien que ce ne soit pas ce
qu'on m'avoit dict. Tousjours l'auldra t'il voir ce que ce peult estre et
s'il y auroit rien à suppléer ou meliorer en l'édition. Je l'exhorteray
tant que je pourray de vous faire envoyer ses livres comme j'avoys desja
faict et les tiendray pour receus, à la mode d'Italie, qu'ils ne donnent
pas volontiers une grâce que plusieurs ne participent à l'obligation.
cardinal Fr. Bnrberini , Kircher a utilisé les
mémoires relatifs aux hiéroglyphes dont
Peiresc fait ici mention.
' Vol. 717, fol. a!i3.
' Il faut lire sans doute : ce pauvre Phe.
Ue quel religieux est-il question? S'agirait-il
du P. Jean Morin (de l'Oratoire), qui eut
vers la même époque divers désagréments
au sujet de ses Exereitationes biblicœ (Paris,
i633, in-/.»)?
' l^es Dieux signifient ici le cardinal de Ri-
chelieu , auquel on peut appliquer le surnom
de Jupiter tonnant , qui tonal altus (Ovide).
* C'est-à-dire les pièces relatives à la suc-
cession du duc de Montmorency, pièces dont
il est question dans la lettre suivante.
«•
tVVftlVIUI *«T1*«AU.
i90
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
La gazette n'est point veniie plus tost que les aultres foys, pour mon
regard, ouy bien pour M' le Mareschal et pour M'' de la Poterie, qui
ont droict de recommandation et préférence. Il faut qu'il y ayt quelque
mystère caché, qui dépende des 2 pisloles dont est question pour le
faire révéler. Ce mien amy choisit le Golzius de la dernière édition, à
5 0 libvres ', mais il ne vouidroit pas qu'on oubliast le petit Thésaurus rei
Antiquariae du mesme autheur*; au cas qu'il ne fusse pas de l'assorti-
ment, il le fauldra achepter à part, s'il vous plaict. Pour le volume en
taille de boys des Empereurs ', il le trouve fort cher à huict escus parce
que, comme vous dictes, ce n'est pas grande chose, au prix du reste. Mais
s'il est si bien relié comme vous dictes, cela peut emporter quelque
portion de la surtaxe^ et pour ne pas laisser cette mortification à mon
pauvre amy, il fault que je luy en fasse bon marché d'une coupple
d'escas de ma bource sans qu'il en sçaiclie rien, pour luy faire trouver
meilleur le service et remploy\ Il n'en pensoit donner que quattre escus,
et à cause de la relieure il en donnera six et sera contant, et je n'y
perdray pas tout, comme s'il demeuroit desgousté de cette petite cherté
de plus. Je vous feray envoyer l'argent par la première commodité Dieu
aydant. Cependant vous le pourrez faire s'il vous plaict arrester ou
prendre. Et s'il se presentoit occasion de l'envoyer, il ne la fauldroit
pas laisser eschapper. Ensemble le Gesner^, mais celuy cy n'a pas tant
de haste que le Golziu». Monsieur le Premier Président* voulut venir
l'aultre jour perdre une coupple d'heures dans ma chettive estude,
où il ne trouva rien de son goust, mais il est si bontif qu'il tesmoi-
' 11 s'agit là de l'ensemble des œnvre» de
GoUzius, publiées de i563 à iSyi, telles
qu'on les trouve décrites dans le Manuel du
libraire (t. II, col. i653).
' Thésaurus rei anliquttriw ex anliquis nu-
ittismatibus (Anvers, 1679, in- 4°; 1618,
in-fol.).
' Icônes imperalorum romamrum ( Anvers ,
1557. in-fol. ). Peu de tempsaprès l'ouvrage
reparut dans la même ville avec un texte
français : Les images au médaillés de tous les
empereurs, depuis Jules César jusqu'à l'em-
pereur Ferdinand, avec leurs éloges (ib&t,
in-fol. ).
' Tous les bibliophiles admireront un
procédé d'une aussi délicate et aussi ingé-
nieuse générosité.
' Bibliotheca miiversalis (1 545 , in-fol.).
'^ Laisné de la Margueiie.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 491
{jnoit de la salisfactioii beaucoup plus (|ue nous ne hiy en pouvions
fournir, principalement à son Imnieur qui n'est pas dans une si vaste
curiosité que celle des aultres qui s'en estoient mieux contentez. Je
vous remercie trez humblement de l'advis que vous m'avez donné du
voyage de M' de Thou en Bourgoi{jne; ce que vous y adjoustez de sa
curiosité de voir ma lettre à M' de Roissy m'a faict rougir à bon essiant
et m'a neantmoings enlin donné l'outrecuidance de luy en escrire ce
que vous pourrez voir en la lettre cyjoincte', sur le subject des rela-
tions que j'ay ciies tout à poinct des pièces dont j'estois en peine ; aydez
moy en son endroict pour me l'aire pardonner. Si ce jeune gentilhomme
d'Autun qui m'en a faict les relations^ vous va voir à Paris, je me pro-
mets qu'il aura chez vous le bon accueil dont vous estes si libéral en-
vers les gents de sa condition, ayant tant d'inclination aux bonnes
lettres, et se trouvant issu et successeur d'un si grand homme comme
esloit M' Chassance *, do qui nous avons desterré le portraict depuis peu ,
d'assez bonne main^ Si vous ne l'aviez, je vous en feray envoyer une
coppie. Ge gentilhomme a nom M"" Venot, et a de bons livres d'un sien
oncle; il m'a faict feste d'un vieil cartulaire, et d'une charte d'un Theo-
(loric où est faicte mention du comte Boson d'Autun, et d'un certain
partage qui servira peult estre bien à M"' du Ghesne, comme à moy. Il
' La lettre que l'on vient de lire son» le
numéro Cil.
' Goinme on va le voir un peu plus bas,
c'était Venot , le beau-frère de M. de Mon-
taigu.
' Barthélémy de GhasBcneuz, né ou diocèse
d'Autun, dans la paroisse d'Issy-rKvôquc,
vers i48o, noniraé premier président du
parlement de Provence en août i53a, reçu
le 3 octobre i .'iS.'l ; il mourut à Aix en avril
ibl»t. Voir la monographie consacrée h ce
.savant magistrat par J.- Henri Piguot : Uh
jurinconsulie au .xrt' siècle. Barthélémy de
Chasseiieuz , premier covuKenlateur de la cou-
tume de Bourgogne , et président du parlement
de Provence. Sa vie et tes œuvres CParis,
«88o,in-8°).
' Dans la Liste de portraits des Fraitçoi*
illustres du tome IV de la Bibliothèque histo-
rique de la France, on indique un dessin au
crayon conservé dans le cabinet de M. de Fon-
tette et une gravure de Cnndier (i ysi , in-
l'ol. ). Le beau recueil de ce dernier ( Portraits
des premiers présidents du Parlement de Pro-
vence) contient une courte notice sur Chas-
seneni où, comme dans la lettre de Peircsc,
ce magistrat est glorifié : on y dit que iree
fut un des plus grands personnages de son
siècle x.
6i.
492 LETTRES DE PEIRESC [1633]
m'a encore parlé d'un m[anu]s[crit] d'un sien amy contenant un petit
recueil de sermons -de S' Bernard non imprimez et par luy mesmes
desdiez à un comte d'importance. 11 ne fault rien négliger par mon
advis et je prends grand plaisir d'apprendre de tout le monde ; il m'a
enseigné enlr'aultres une chose qui m'eust servy si je ne l'eusse ignorée
quand j'escripvois à M'' Rigault de mon interprétation des passages des
anciens tant poètes que scholiastes sur cez mots de Virgile :
Magnos crateras statuunl et VIN A CORON ANT '.
Ce fut en beuvant à la santé de son beau frère qu'il me parla d'un usage
qu'ils ont en Bourgoigne de reprocher à ceux qui versent du vin dans
le verre, s'ils ne le remplissent bien, lorsqu'il paroittrop de bord par
dessus la surface du vin, tu me veux faire la couronne, sans que je soys
prebstre. En quoi je trouve une continuation apparente de l'ancien
usage pour lequel je disois qu'on avoit affecté celte boucle dorée par
dessoubs des mouHeures intérieures dans mes couppes CVMBIBAE,
qui furent desterrées l'année passée. S'il se practicquoit rien de sem-
blable à Paris ou ez environs, je l'apprendrois fort volontiers; vous le
pourrez vérifier bien facilement en vostre academye, oii il abborde du
monde de toutes les provinces de ce Royaulme. J'ay receu une lettre du
cardinal Barberin du i 2 mars, toute de sa main, où il me demande l'ap-
probation de l'eschange qu'il a faict avec le cardinal Antoine son frère
de leurs légations, et me dict que la Bibliothèque d'Urbin intercédera
pour luy, si j'y faisois de la difficulté, par le moyen de quelques uns
des livres ni[anu]s[crit]s qui y sont, qu'il offre de me faire transcrire, de
sorte que je suis bien homme pour le prendre au mot pour quelqu'un,
sur un petit extraict abrégé que m'avoit envoyé M' Naudé de certaines
pièces de la dicte bibliothèque ^. Je n'ay encores peu remettre la main
' Citation quelque peu infidèle. Le véri- ' Voir sur les manuscrits de la biblio-
lable texte du 7 2 4* vers du livre I de thèque d'Urbin divers passages des lettres de
Y Enéide est celui-ci : Gabriel Naudë qui forment le XIII' fascicule
Crateras magnos statuant, etvina coronant. âes Correspondants de Peiresc {?arh , 1887),
et notamment p. 19, 22.
[1633J AUX FllÈRES DUPLY. 493
sur la liasse de M' Holstenius pour vous envoyer celle que je pensoys
vous avoir envoyée. 11 y a si lon{j[temp8 qu'il ne m 'avoit escript, et que
je n'avois pas eu d'occasion de la manier, que je ne la sçaurois avoir
maintenant que j'en ay affaire, mais elle ne m'eschappera pas, et puis
que vous ne le trouvez pas bon, je me garderay bien de luy rien dire
de ce que j'avois certainement délibéré de faire, mais j'attendrois pour-
tant vostre adveu. Je finis donc en vous conjurant de rechef d'excuser
mes infirmitez et ma mauvaise escritture, et de me continuer l'honneur
de voz bonnes grâces comme.
Monsieur, à
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce h avril i633 '.
CIV
\ MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu par l'ordinaire dernier vostre depesche du i" de ce mois
avec toutes cez belles pièces imprimées, tant sur la succession de la
maison de Montmorancy que aultres, et particulièrement cet adver-
tissement du sieur Bordier dont je vous remercie trez humblement,
ensemble M' du Puy vostre frère de ce vieux cahier de Ponderibus, en
quoy il ne cesse de me tesmoigner comme vous de vouloir continuer les
effectz de sa bienveillance, dont nous vous sommes trez tous infiniement
redevables et à tous les vostres. Les advis de la Gazette de la pré-
cédente sepmaine que vous aviez mis sous une enveloppe séparée ne
sont point arrivez plus tost que les aultres non plus que l'aultre foys.
11 est vray que celle cy, je n'ay point sceu que M' le Mareschal* aye
' Vol. 717, fol. 996. — ' I^ maréchal de Vilry, gouverneur de la Provence.
Ii9li LETTRES DE PEIRESC [1633]
receu par cet ordinaire aultres choses plus iVaisches que la relation du
mois de mars toute seuUe que vous aviez mise dans voslre dernier pac-
quet. Pour la Bibliothèque de Gesner, c'est la vérité que j'entendois de
vous demander la primitifve édition plus ample, mais puis que ce n'est
que pour mon usaige, et que l'on la veult vendre si chèrement, je m'en
passeray plus patiemment que si c'estoit pour quelque bon amy, ayant
prins plaisir d'entendre que M' Aubery aye voulu se charger de me re-
tenir la Dactiliotheca de Gorlaeus' parce que c'est pour un de mes
amys qui ne voit l'heure de la recepvoir. Je m'estonne que ce martyro-
loge de Massœus ne soit pas si notoire comme je me l'estois imaginé %
l'ayant veu allégué en divers lieux comme chose assez commune, et
particulièrement dans ce petit recueil de prières de Simon Verrepaeus^
Le Père Vassan* vous sçauroit bien dire ce que c'est, s'il vous venoit en
rencontre. 11 nous sera fort aisé de nous passer du iNicandre tandis qu'il
ne s'en trouve point en commerce, puis qu'un de mes amys me laisse
l'usaige du sien. Quant à M' Holslenius , il ne fault point que vous vous en
mettiez en peine, puis que je vous avois asseuré de ne luy rien dire que
je n'eusse vostre adveu exprez. 11 y a bien trois mois entiers que je ne
luy ay escript chose du monde, et il y a bien plus d'un an par delà les
trois mois qu'il ne m'a point escript à moy, mais un Religieux fraische-
ment revenu de Rome m'a asseuré qu'il luy avoit monstre afforce pa-
piers qu'il disoit luy vouloir bailler pour moy, et afforce curieux desseins
d'antiquitez, mais il ne le trouva pas chez luy quand il alloit luy dire
adieu. Je n'ay encore peu trouver son epistre du voyage de Polongne*.
' Dactyliotheca , seu aimulorum sigillo-
r unique e ferro, eere, ca'gento atque atu'o
promptuarium (Nuremberg, i6oo, in-4°).
' Encore moins notoire aujourd'hui , le
Martyrologe de Massœus a écliappé h toutes
aies recherches , comme à celles de piusieure
de mes savants amis.
' Simon Verepasus mourut chanoine de
l'église cathédrale de Bois-le-Duc et en celte
ville, le 10 avril i5(j8, âgé de soixante-
seize ans. Le recueil dont veut parler Peiresc
est intitulé : Enchiridion piarum precationum
(Anvers, i5(ji, souvent réimprimé). Voir
dans le Moréri la longue liste des publications
de Verepœus, tirée de la Bibltotheca belgica ,
de Valère André.
' Sur le père Vassan, voir le tome I,
page Qo.
'" \\ a été question, plus haut, de la lettre
oîi Holslenius raconte son voyage.
[1633]
AUX FUKIIES DUPUY.
A95
bien ay jo trouvé iiiesperement la charte que me demandoit M' Bely,
mais je ne sçay si je luy pourray escripre par cet ordinaire, car il est
desja bien laid et j'ay un peu de deflluxion sur les yeux qui commance
fort de m'impoi'tuner; en tout cas je la mettray dans vostre pacquet.
sauf d'y joindre ma iettre par le prochain ordinaire. Cependant vous
ne serez pas marry, je vous asseure, de voir la pièce, et M' du Cliesne
aussy, qui m'en avoit faict la demande de la part du dict sieur Beiv,
mais je vous supplieiay de ne la pas communiquer à personne aultro
qui peusse prévenir le dict sieur Bely en l'édition d'icelle, puis qu'il
a tcsmoigné tant de désir de la donner dans son hystoire. J'ay receu
une lettre de M"^ l'Archcvcsque de Thoulouse ', escripte de Lyon le
tî 3'' de mars , oii il me dict avoir laissé à M' Rijjault un volume Grec m[a-
nu]s[crit] de certains vieux aulheurs astronomiques lequel je hiy avois
aultres fois demandé ])our M"' Holstenius, et me mande qu'il a chargé
le dict sieur Rigault de me le faire mettre en main aussy tost que l'on
auroit achevé d'en transcripre je ne sçay quelles pièces qu'il en avoit
promises à quelque aultre; vous me ferez grande faveur de le retirer
lorsqu'il ne sera plus nécessaire au dict sieur Rigault, afin que je le
puisse envoyer à M"' Holstenius. Je ne vous ay pas moins d'obligation
que M'' Fabrot du soing que vous daignez prendre de son Théophile.
S'il se trouve de par de là une Grammaire Persienne et Turquesque
d'un Megiserus^, je serois bien ayse de l'avoir, et me faict on feste d'un
certain Thésaurus linguarum Italice, Gallice, Hispanice, Anglice, oi!i
je voudrois bien sçavoir s'il y a rien d'extraordinaire ^. Pour le livre
' Charles de Monlchal , ddjh souvent men-
tioniié.
' Jérôme Mcfjiser, lu^ h Stulffjnrd vers
t555, mourut h Lintzcni6t6, après avoir
mené nno oxistence très «jfitéiî et avoir [)u-
blié nn grand nonibred'ouvrnjyes en allemand
et en latin. Je ne vois pas parmi ces oitvrajjes ,
dont les plus importants ont élé énnmén's
pai' Weiss [liiojp-aphie univergelle) , une
grammaire des langues de la Perse et de la
Turquie, mais seulement nn traité relatif h
cplto dernière langue : Insfiiulionum IhigtuF
turcicœ lihri /^(Lcipsick, ifijs, in-8*).
' Ce philologue allemand avait publié
dès 1596 (à (îraîtz , in-8°) un diction-
naire intitulé : Dictiomiarium quatuor Im-
{ruarmn. Le même philologue publia, en
160.3, à Francfort, le Thésaurus polyfflottun
(in -8° de plus de 1600 pages h (rois co-
lonnes).
Zi96 LETTRES DE PEIRESC [1633]
chimique, j'avois bien jugé sur le mémoire qu'il n'y avoit guieres d'ap-
parence qu'il eust esté bien donné; il fauldra que celuy qui le désire
en prenne de meilleures instructions, et je ne laisse pas de vous estre
bien obligé du soing que vous daignez prendre de tant d'importunes
commissions. Au reste nous avons admiré toutes ces nouvelles révolu-
tions de la cour, où l'on nous a voulu adjouster icy d'aultres person-
nages d'importance tant femmes que hommes comprins en la desfaveur,
jusques à Madame de Montbason' et M""= du Rallier^, ensemble M' de
Liancourt^, mais nous avons veu icy une coppie de l'abolition de
MonsS""" l'Evesque de Nismes \ qui ne semble pas des moins importantes
pièces du temps. Il est venu un bruict du costé d'Avignon, d'oii il ne
vient guieres de nouvelles véritables, que M"^ le Mareschal de Thoiras
avoit pris l'habit de carme deschaussé, dont nous n'avons rien voulu
croire*. Nous n'avons que trop de fascheuses nouvelles maintenant
en ceste ville sur un subject dont vous aurez un jour toute la procé-
dure, sur le subject d'un souflet donné par un consul à l'un de ses col-
lègues, pour raison de quoy on a voulu faire heurter l'authorité de
M' le Gouverneur avec celle du Parlement, dont ceux qui ont l'humeur
' Marie de Bretagne, née vers 1610,
mariée en 1628 à Hercule de Rohan, duc
de Monlbazon, morte le 98 avril 1657.
On sait que M"" de Montbazon, rrune des
plus belles personnes que l'on pût voir»
et aussi une des moins farouches, fut
aimée par deux des ennemis du cardinal
de Richelieu, Gaston d'Orléans et le comte
de Soissons. Voir Talleraant des Réaux,
t. IV, p. 463.
' Charlotte des Essarts , fdle de François
des Essarts , sieur de Sautour, et de Charlotte
de Harlay, mariée en i63o à François de
l'Hospital, seigneur du Haliier, comte de
Rosnay, maréchal de France en 1 6i3 , morte
le 8 juillet 1 65 1. Voir, sur cette trop célèbre
amie du roi Henri IV, VHisloriette intitulée
Le mareschal de l'Hospital, t. IV, p. 1 6a-i 63.
' Roger du Plessis , duc de Liancoiirt , a
déjà été mentionné (t. I, p. 96). Citons en-
core ici Tallemant des Réaux, Historiette
de Madame de Liancourt (t. IV, p. 3o2-
3o8).
' Claude de Saint-Bonnet , frère de Toiras ,
avait pris parti pour le duc de Montmorency ;
il fut obligé de renoncer à son évêché pour
obtenir l'abolition dont parle Peiresc. Il fui
remplacé, le 19 novembre i633, par An-
thyme-Denis Cohon , un des favoris du car-
dinal de Richelieu.
' Peiresc avait bien eu raison de ne pas
croire à cette prise d'habit. Le maréchal de
Toiras était trop foncièrement militaire pour
ne pas mieux aimer mourir comme un
soldat que comme un moine.
[1633] AUX FRERES DUPL'Y. 497
pacifique sont bien desplaisantz '. Vous me pardonnerez bien sy je ne
vous on (lictz d'aultres choses, estant de tout mon coeur,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce XI avril i633.
' Les historiens de Provence ont |jossé
cet incident sous silence. J'en dirais autant
des historiens de la ville d'Aix, si P.-J. de
Haitze, dont l'ouvrage est si consciencieux,
si complet, n'avait suppléd au silence de
Pitton et de ses autres devanciers. On sait
que la plus grande partie de cet ouvrage a
été publiée dans la llevue Seœtienne, mais,
comme le récit de l'affaire du soujlet appar-
tient aux pages encore inédites de l'Histoire
de la ville d'Aix, j'ai dû emprunter ce récit
au précieux manuscrit de la bibliothèque
Méjanes. Pour cet emprunt j'ai eu recours à
l'extrême obligeance d'un bibliophile d'Aix
qui m'a très aimablement rendu bien d'autres
services, M. Paul Arbaud : (tOu accorda au
député en faveur do la ville la confiscation
des biens du président Coriolis, qu'elle remit
ensuite généreusement à son (ils. Comme ces
choses eurent esté décidées, la ville traita
avec les intéressez sur leur paieroant. Le ma-
réchal de Vitry, sachant que le cardinal de
Richelieu souhaitoit que ces gens Ih, qu'il
appi'Uoit ses martyrs , fussent plenement sa-
tisfaits, pour lui plaire, embrassa leur parti
contre les inlerests de la ville et mit pour cela
en jeu le seigneur de Saint-Martin , second
consul, qu'il s'estoit entièrement ac(|uis.
Celui-ci donc, ainsi disposé, estant au con-
seil de ville lorsqu'on [iroposa le rembour-
sement des intéressez, insista contre Ga-
bassol , son collègue , (jui proposoit de faire
(juelque retranchement aux sommes qui leur
avoient esté adjugées et soutint <ju'on devoit
les leur ac({uiler entièrement. Cette contes-
tation fut portée si avant que Cabagsol receul
un soullet de la part du seigneur de Saint-
Martin en plene assemblée. Le public, sur-
pris d'un procédé si insolent qui violoit les
loix de la société civile, et qui l'offensoit si
grièvement, témoigna d'en vouloir avoir ré-
paration par justice. Sur cela, les consuls
(irent informer par le lieutenant criminel qui
décréta prise de corps contre le prévenu. l/C
Parlement, sachant la conséquence de l'afaire,
et qu'elle estoit de celles qui méritent les
soins des magistrats superieui-s, ordonna
que le décret seroit exécuté de son autorité
et fît crier le seigneur de Saint-Martin trois
briefs jours. Il s'estoit retiré près le Maréchal
qui pour lors estoit h la Tour d'Aiguës, le-
quel , adverli de la procédure du Parlement,
et le prenant pour une injure à sa personne,
vint en mesme temps à Aix , y mena le sei-
gneur de Saint-Martin et le fît promener par
la ville. Celui ci se pourveut par devant La
Poterie, un des intendans, qui renvoïa les
parties au Itoi dans trois semaines, et cepen-
dant surcit h toutes procédures. Cette action
du Maréchal , qui touchoit le Parlement en la
partie la plus sensible, fut la première cause
(les divisions qui se formèrent entre ces deux
|)uissances. Le Parlement en tit des plaintes
au Roi , et comme il n'en récent ps la sa-
tisfaction qu'il avoit sujet d'en espérer, il en
conserva un sentiment plus ulcéré, parce
63
ItUS «AtlOItLC.
498 LETTRES DE PEIRESC [1633]
GV
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUY,
À PARIS.
Monsieur,
Le dernier ordinaire nous apporta sammedy àl'issiie du Palais vostre
despesche du 8""= avec laquelle j'eux soubs une enveloppe à part la Ga-
zette du 2 avril. Mais tandis que j'ouvroys vostre pacquet et celuy du
Prieur de Roumoules, mon homme s'apperceut du cachet d'un petit pac-
quet séparé, dont l'empreinte ressembloil l'enseigne de l'esperon des
Gazettes, ce qui nous fit juger qu'à ce coup la fraische Gazette y seroit
soubs ce saufconduict, comme il fut vray. Car j'y trouvay la dicte Gazette
datée du ix""" avril, accompagnée toutefoys du billet que j'ay creu vous
devoir envoyer avec un mot de responce au sieur Renaudot' qui ne
laissoit pas de datter sa lettre du 8°"^. Je seroys bien empesché de res-
pondre à une si bonne opinion que celle qu'il a conceue de moy et de
mes correspondances, qui ne vont pour la plus part qu'en nouvelles de
livres ou curiositez d'anticailles, qui ne sont pas de celles qu'il fault à
la Gazette, nostre païsne fournissant guieres de matière digne d'y tenir
aulcun rang^. Et je n'abhorre rien tqnt que de passer pour un donneur
d'advis, car j'aymerois bien mieux n'en recevoir jamais , et m'en passer
tout à faict comme j'ay faict durant mon sesjour de campagne assez lon-
guement. Je vouldroys mesme esviter (et me rançonnerois volontiers pour
cela) de passer pour un homme trop curieux de sçavoir des nouvelles du
monde, s'il estoit possible, car l'importunité y est aulcunes foys bien
grande , de la part de ceux qui en viennent demander, et qui s'imaginent
que les injures qui ne sont ni repoussées ni ' Théophrasle Renaudot , déjà mentionné,
reparées demeurent empreintes dans le cœui- ^ Les biographes du fondateur de la Ga-
comme des marques de foiblesse, que les z-ette n'ont pas coimu les tentatives feites
grands corps ne peuvent soufrir. r) (Ms. ioo3 par Renaudot pour augmenter d'une aussi
de la' Méjanes, t. III, p. Sag-SSo.) — La illustre recrue le régiment de ses collabora-
lettre CIV se trouve vol. 717, fol. q3o. leurs provinciaux.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 499
qu'on soit non seulement obligé de leur en dire quand on en a , mais
d'en avoir quand on n'en a poinct, au moings de celles qu'ils cherchent.
Il faudra faire ce que nous pourrons, pour nous acquitter de nostre deb-
voir. Cependant je vous ay bien de l'obligation du soing et de la fa-
vorable intercession qu'il vous a pieu d'y employer pour l'amour de
moy, et vous en remercie de tout mon coeur, tout aultant que si c'es-
toit de quelque bien importante affaire, qui ne vous auroit pas donné
tant de peine , je m'asseure , et ne vous auroit pas faict faire tant de vio-
lance sur vostre humeur, comme possible celle là. Vous remerciant trez
humblement aussy de l'honneur et favorable accueil que vous avez
daigné faire à M"^ de Bourgogne, que nous ne tenons pas à moindre
obligation que sy vous aviez agy et obtenu pour luy tout ce qu'il désire
de Messieurs les Ministres'. J'ay esté fort aise d'entendre que le petit
volume des Cophtes se soit trouvé maintenant entre voz mains, afin
de le pouvoir monstrer au bon M' Petit, avec mon m[anu]s[crit] des
Eclogues, en quoy vous m'obligerez aultant et plus que si c'estoit chose
qui regardast mes plus sensibles et prédominantes curiositez. Estant
bien aise qu'il fasse imprimer les aultres observations sur les anciens
Autheurs, car il en avoit de bien bonnes et qui meritoient bien de
n'estre pas supprimées. Quant aux cahiers que vous m'avez faict tran-
scrire de la bibliothèque du Roy, je vous en ay une bien grande et
bien estroitte obligation, et encores plus de ceux qu'il vous a pieu me
confier originellement, transcripts de la main de feu M' Pithou, dont
la veiie m'a bien rendu plus curieux que je n'estois de telles sortes de
pièces anonymes et de toutes langues, tant Latine que Grecque , voire en
des aultres s'il s'en trouvoit, comme j'en ay receu cez jours cy un vieux
cahier Hébraïque. Et m'en faict on espérer un Arabique au premier
jour. C'est pourquoy, si dans les h cahiers que vous avez faict tirer de
la bibliothèque du Roy l'on n'a voit pas mis les pièces latines, je vous
supplie de les faire transcrire en d'aultres cahiers à part. Je vous r'en-
' Un parent de l'eiresc mentioniKÎ dc^jh et qui était allé en cour comme représentant de
ia ville de Marseille, dont il était un des consuls.
63.
LKTTRES DE PEIRESC [1633]
voye ceux que j'avoys desja receus, affin qu'on les puisse collationner
sur les originaulx, mais je ne voys poinct de raison ne d'apparance
d'en laisser prendre la peine ne la courvée à M"' Rigault, principalement
à cette heure qu'il est si dignement occupé à son Tertullian. Il suffira
que M'" Petit le face, puis qu'il a tant de bonne volonté de s'y employer,
et que sa sanlé le luy permet possible mieux qu'aux aultres. Je m'en
contenteray assez. Et si lorsque le Tertullian sera achevé, M' Rigault
nous veult faire la faveur de nous dire son advis sur quelques uns de
cez petits Autheurs, nous ne le refuserons pas et ne luy en aurons pas
moings d'obligation et aurons moings de regret de le destourner, vous
asseurant que ce ne m'a pas esté une petite mortification d'entendre
que de tant de différents exemplaires m[anu]s[crit]s de la Bibliotiieque ,
il ne s'en soit trouvé pas un seul qui soit en parchemin, et escript du
vieux temps, pour y pouvoir avoir recours au besoing. Cela me rendra
tant plus soigneux de faire visiter ceux du Vatican et d'Urbin, pour voir
s'il n'y en aura pas quelqu'un de plus grande authorité et antiquité.
Car je me trouve insensiblement embarqué en une besoigne, qu'il fault
tascher d'esclaircir et desvelopper d'une infinité d'équivoques et altéra-
tions qui y avoient bien mis de l'obscurité , et qui avoient quasi faict
désespérer de les pouvoir bien descouvrir [et] concilier tant de choses
mal compatibles. J'auray soing de vous renvoyer fidèlement voz cahiers
de M"" Pitou, mais il sera malaisé que je puisse vacquer à souhaict à
l'examen de toute cette matière durant nostre présent parlement, qui
finit à la fin de Juin , aprez lequel temps il fauldra s'y mettre à bon
essiant toutes aultres affaires cessantes pour quelques jours. Cepen-
dant nous pourrions avoir quelque chose de plus du costé de Rome et
du Levant tant en des vases et aultres pièces du temps, qu'en libvres
m[anu]s[crit]s dont j'attends quelque notable secours pour supplément
de ce que j'en ay desja.
Je vous remercie de la bonne relation qu'il vous a pieu me faire de
la persone du sieur Godeau S et comme j'ay grande compassion de voir
' Antoine Godeau, le futur dvêque do Grasse, puis de Vence, déjà mentionné plus haut.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 501
que l'on l'aye voulu attaquer, avec si peu de respect et de defferance
h son cmincnte vertu, puis qu'il a de si dignes parties, j'ay bien de
l'indignation aussy contre ceux qui luy en veiillent de la sorte, et sçay
fort bon gré au sieur de Boysrobert ' de luy avoir rendu de si bons olTices
auprez de Monseigneur le Cardinal^. Sur quoy je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 18 avril i633.
J'ay rencontré par hazard un traicté de treue aprez la prinse du roy
François I pour le saufconduit tant de Madame d'Alençon^ d'une part,
laquelle passa en Hespagne, que du Duc de Bourbon^ d'autre, qui passa
aux isles de Marseille. Je pense qu'il est faict à Tolledo et ne me sou-
viens pas de l'avoir veu entre ceux que M' de Lomenie avoit de mon
temps. 11 y a aussy quelques articles du traicté d'entre l'Empereur
Charles le V et le dict Duc de Bourbon. Vérifiez, je vous supplie, Mon-
sieur, si M' de Lomenie les a ou non, l'un et l'autre*.
GVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Avant que respondre à vostre despesche du iû°" de ce nioys, il
m'eschappe de vous dire, mais je vous supplie que ce ne soit pas à
' Sur l'abbé de Boisrobert, voir t. i, plus que l'ainicttle intervention de l'abbé de
p. 45 1 . Boisrobert en Faveur de son confrère auprès
' Ni los anciens historiens de l'Académie du cardinal de Richelieu,
française, Pelisson et d'Olivel, ni le nouvel ' Marguerite d'Angouléme, duchesse
historien de la Compagnie, M. René Ker- d'Alençon, sœur de François 1".
vil<>r, n'ont indiqué les injustes attaques dont ' Le connétable Charles de Bourbon,
le futur prélat avait été l'objet en iG33, pas " Vol. 717, fol. a3o.
502 LETTRES DE PEIRESG [1633]
d'aultres qu'à M' du Puy, M"' Rigault et à vous, Monsieur, que je ne suis
guieres moins en peine que noz futurs chevalliers du S' Esprit en l'at-
tente de la Penlecoste S mais pour une bien différente occasion, car ils
attendent ce que vous sçavez desja, et l'on me nourrit en l'espérance
et en l'attente que dans ce terme là debvroit arriver un navire de
Marseille nommé le S' Esprit, sur lequel on a chargé toute une grosse
caisse de volumes Grecs m[anu]s[crit]s en parchemin qu'un mullet ne
pouvoit porter, dont il y en a troys ou quattre pièces reliées à la Royale
ou Impériale, dont celuy qui en a faict l'acquisition pour moy se pro-
met que j'en doibve bien avoir de la satisfaction ; or il cognoit un peu
ma curiosité. Il a eu deux ou troys bonnes fortunes tout d'un coup et
de divers endroicts et est grandement heureux en ses rencontres. Si cela
peult venir à bien, j'espère que nous aurons de quoy fournir quelque
pasture aux curieux. C'est du mesme lieu qu'est sorty le volume des
Eclogues de Constantin Porphyrogenete, et me dict on par relation de
celuy qui en a porté «ne partie sur son dos, qu'entr'aultres il y a un
si gros volume en velin qu'il a prez d'un palme d'espaisseur ^ a nostre
mesure, et qui est plus grand que l'ordinaire forme, et par colonnes,
ne m'ayant sceu dire s'il y en avoit plus de deux en chascune page,
mais bien dict-il qu'un Caloyre Grec ^ qui le vid chez mon amy bat-
toit des pieds et mains, disant que c'estoit un thresor, et toutefoys
c'estoit un homme qui estoit en réputation d'avoir d'excellents livres
luy mesmes, et que par la on jugeoit quelque chose de bien extraordi-
naire. Je vouldrois bien que ce fusse quelque pièce de HEXAPLES ou
OCTAPLES. Je n'ay point de lettre de celuy qui a faict le voyage pour
l'amour de moy, mais un qui l'a servy sur les li^ux m'en a faict la re-
' On sait que l'ordre du Saint-Esprit fut guedoc, avait une longueur de neuf pouces,
fondé par Henrini(éditdedécembrei578) ' Moine de l'ordre de Saint-Basile que
en mémoire du jour de la Pentecôte ( 3o mai l'on a appelé depuis Caloyer. Voir dans le
1574), où il avait succédé à son frère, Dictionnaire de rréyoua; l'article Caloyer ou
Charles IX, et que c'était ce jour-là que Caloger, enrichi de citations empruntées h
l'on procédait à la réception des nouveaux divers voyageurs et orientalistes, notam-
chevaliers. ment à Tavernier et au P. Goar.
' Le palme en Provence , comme en I^an-
[1633] AUX FRÈRBS DUPUY. 503
lation, et m'a dict qu'il y -avoil un texte grec de la Bible fort estimé. Il
(ïsL venu par Naples. Et sans que le mistral a régné tout ce caresrae et
quasi tousjours depuis Pasques, le navire S' Esprit seroit arrivé long-
temps y a à Marseille , où mon frère se trouvera tout à poinct pour luy
faire la bien veniie.
J'ay receu depuis deux jours la relation des pais d'Afrique dont je
vous avois parlé cy devant', laquelle je n'ay pas encores peu voir qu'en
courant , et crains bien qu'elle ne responde pas à l'attente ; toute foys cela
dépendra des relations qu'il pourra avoir prinses sur les lieux, oultre
les authoritez des escrivains qu'il y a insérées; c'est un volume escript
in fol" quasi de deux doigts d'espaisseur que je vous feray tenir par la
première commodité d'amy Dieu aydant, pour la communiquer à
M"" Bergeron^, et voir si elle meriteroit d'estre mise au jour. J'en ay eu
d'ailleurs une aultre plus petite qui n'est que d'une demy main de
papier, concernant l'Egypte et principalement le Cayre, où j'ay trouvé
de bien jolies curiositez.
Mais je ne sçay à quoy je me laisse emporter au lieu de res-
pondre à vostre lettre et vous remercier comme je doibs trez humble-
ment de la belle relation qu'il vous a pieu nous faire du lict de
justice, avec tant de peine et de soing que je suis honteux d'en avoir
esté la cause. M' le Premier Présidant a prins grand plaisir de la voir,
durant sa purge qui luy a faict tenir la chambre quelques jours de la
semaine.
Je vous remercie aussy bien humblement de l'advis de l'autlieur du
beau discours sur l'histoire du cardinal Bentivoglio, qui est bien digne
du personage qu'il vous a pieu me nommer'. Je ne suis pas moings
' La relation de Thomas d'Arcos, au sujet éilition des œuvres de l'académicien , édition
de liiquclle on peut voir le fascicule XV des rr revue et augmentée" , publiée h Dresde de
Correspondants de Peiresc, paxsim. 1766 h 1769 en l'j volumes in-8°. Je ne
' Sur Pierre Bergeron, voir t. 1, |>. 77'J. le trouve pas davantage dans la Bihliogra-
' Cet auteur était François de .la Mothe- phie mise par M. René Kerviler k la fin de
le-Vayer. Son beau discours est-il rest<! iné- sa notice sur Fr. de la Mothe-le-Vayer (Paris,
dit? Je ne le trouve pas dans la dernière «879, p. 'jo4-9i3).
504 LETTRES DE PEIRESC [1633]
bien aise d'avoir aussy aprins que le discours de la bataille de Lutzen
fusse de luy, et l'en estimeray bien davantage ^
M' Gyron ^ m'escript qu'il envoyera les deux volumes ni[anu]s[crit]s
à M"" l'advocat gênerai son frère ou à vous pour les remettre à M' du
Chesne, à qui je pensoys escrire, mais le temps m'est eschappé insen-
siblement à mon grand regret, et pensoys bien escrire à d'aultres qu'il
me fauldra remettre Dieu aydant au prochain.
r M' Le Grand m'obligera beaucoup de me faire avoir la communication
du seau de Hugues Capet, et encores plus s'il y en adjouste d'aultres,
entre lesquels il s'en pourroit bien rencontrer quelqu'un qui me fusse
eschappé. J'attends le peintre que M"" de Bié dict me vouloir envoyer, à
qui je donneray volontiers toutes les meilleures adresses quejepourray,
et selon que je le trouveray propre à bien ou mieux faire , je luy don-
neray plus ou moings d'employ et le recevray chez moy afin qu'il ne
I despende rien à l'hostellerie.
Celuy qui veult le Golzius avoit bien sceu que les vies de Jules et
d'Auguste composées au nom de Golzius n'y estoient pas, mais il n'y a
pas grande ])erte, et celles de Suétone sont bien incomparablement
meilleures, et plus dignes d'estre leiies. Il fauldra donques prendre la
nouvelle édition, avec ce vieil volume des Empereurs tel qu'il est, et le
Thésaurus s'il vous plaict, et seulement avoir seing de les faire bien
collalionner par quelque libraire de voz amys de peur qu'il ne s'y trou-
vast aprez de deffectuosité principalement aux figures, car encores le
reste il s'en pourroit en un besoing transcrire quelque feuillet s'il y
manquoit. J'ay receu les epistres de Busbequius^, dont je vous remercie
' Discours sur la bataille de Lulten ( Paris ,
i633, in-4°, anonyme). Quatre éditions de
ce discours furent données en i633, sans
parler de la reproduction faite dans le
tome XVIII du Mercure français d'Etienne
Richer.
" Innocent de Cyron , déjà mentionné plus
haut.
^ Auger Ghislain de Busbec , ou , comme
on écrit le nom dans les Pays-Bas , Ghisselin
de Bousbecques, naquit en iSaa à Gomines
( Flandre) et mourut au cliâteau de Maillot,
près de Rouen, le 28 octobre 1699. Les
épJlres mentionnées par Peiresc sont celles
que Busbec adressa de Paris à l'empereur
Rodolphe -II dont il était l'ambassadeur :
Epistolœ ad lioâolphum 11 , iinperatorem , e
Gallia scriptœ, publiées par Honvaert
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 505
trez humblement, et ay advis de l'arrivée du ballot à Lyon. On m'a
voulu faire à croire que Sillon avoit faict imprimer la seconde partie du
Ministre d'Estat, mais je ne l'ay pas cren'. J'ay eu par hazard une Vie
de feu M' de Villeroy^ traduite en Espagnol^, que j'ay creu vousdebvoir
envoyer à tout hazard, si ne l'avez desja, pour l'affectation du langage*.
On m'a fait voir que je n'avois pas le texte françois original; c'est pour-
quoy, s'il se trouve, je vous prie de me l'envoyer, et me mander si en
avez rien sceu de particulier. On me promet un inventaire bien ample de
la bibliothèque d'Urbin; cependant j'en ay eu un petit abrégé; mais il
est entre les mains d'un mien amy ; je le retireray pour le vous envoyer
incontinant. Vous remerciant du soing que vous avez daigné prendre
de l'édition du Théophile de M' Fabrot dont je vous seray infiniment
redevable comme je le suis desja par advance du bon accueil que
vous promettez à M' Venot d'Authun et des offices que vous m'avez
rendus auprez de M' de Thou , encores que je sois bien marry de n'avoir
mérité la souvenance qu'il a de moy. J'avoys creu que son chemin le
fisse passer par Autun ou si prez de là que le destom- n'en fusse pas
(Bruxelles, i63a). C'est la dernière ëdilion
qui ea ait été donnt'e.
' Peiresc avait eu raison de ne pas le
croire. Nous avons ddjh vu que Le Mi-
nistre d' Estai, par le sieur de Silhon, s^
compose de trois parties, qui parurent ori-
ginairement à Paris, chez Toussaint du
Bray, en i63i, i643 et »66i, dans le
format in-5°.
' Nicolas de Neufville, seigneur de Vil-
leroy, ne h Paris en i54a, mort h Rouen
en 1617, secrétaire d'État, sous Charles IX,
Henri III, Henri IV et Louis XIII.
' Il s'agit de la traduction des Retnarque.s
d'Etat et d'histoire sur la uij et l s services de
M. de Villeroi/, par Pierre Matthieu (Lyo;i,
1618, in-i a ) ; tradueido dal Franchi , por
Pedw van der Ilammen Gomet y Léon ( Ma-
drid, 16a 4, in-8").
* Ce n'est pas la traduction qu'il faut
rendre responsable de cette affectation, mais
l'auteur lui-même, qui , restant trop souvent
poète dans sa prose, abusa singulièrement
du langage métaphorique, ce qui lui a valu,
après iS.'io, un certain succès auprès de
l'école romantique. Reconnaissons, du reste,
que l'opuscule de Matthieu parait avoir beau-
coup plu il ses contemporains dans presque
toute l'Europe, car, sans (wrier des réim-
pressions françaises de i6ao, lôaa, i63o,
i64a, on le retrouve traduit en anglais, en
llnmand, en italien, en latin. Voir la liste
de ces diverses traductions dans la Biblio-
ihique hislonque de la France ( t. III , p. a aa ) ,
d'où elle a été transportée dans la Biblio-
fp'aphie biographique d'Edouard-Maric OEl-
linger (i85o).
6&
■■Mil»t*« aAtiavâLS-
5«« LETTRES DE PEIIIESC [t633j
considérable. Car je n'eusse pas esté si hai'dy à l'importuner de cette
commission qui ne se peult guieres bien faire sans y estre en per-
sone et sans voir ce que ce peult estre. Le gazettier a continué de
m'envoyer sa gazette du i6°" veniie avec voz lettres du i4, et je croys
bien ce que vous avez jugé de sa libéralité, qu'il fauldra neantmoings
recognoistre d'une façon ou d'aultre. Il nie reste de protester à M' Guiet *
que je ne prétends nullement de violanter la liberté de ses opinions et
conjectures négatives ^ mais que jusques à ce qu'il nous aye donné
quelques bonnes preuves de son dire, il ne doibt pas prétendre non
plus de ne nous laisser la liberté de croire ou conjecturer ce que
bon nous semble, ne s'agissant pas de simples moulleures ou fdlets
d'architecture qui peuvent dépendre seulement des ornements ou en-
richissements arbitraires, mais d'un simple ruban doré comme in-
dépendant des aultres mouleures de plus grand relief, lequel ru-
ban ressemble trop le diadème ou couronne des anciens Roys pour
ne pouvoir estre appelle de ce nom de couronne, principalement es-
tant doré par une spéciale prérogative, priva tivement' à toutes les
aultres moulleures qui sont plus hault que ce ruban. J'ay recouvré
de Lyon une aultre couppe de verre ou esraail antique de couleur
violette qui n'a rien de blanc que deux petits mascarons aux costez,
et un seul petit ruban blanc qui luy faict un bord au plus haut de
ses lèvres, au dessoubs duquel ruban la mesure est la plus juste du
monde d'un Sextarius de douze Gyatlies de la grosse mesure, chas-
cune Cyathe de xn Drachmes, de sorte que là il n'y a pas d'aultres
jnouleures auxquelles se puisse rapporter ceste couronne blanche,
ou ruban tout blanc au dessoubs duquel est la mesure du Sextarius
' Sur François Guiet ou Guyet voii- 1. I ,
p. 643. Depuis l'impressioii de celte page a
paru un curieux travail spécial intitule':
François Guyet (lôyS-i 655) , d'après des do-
cuments inédits, par Isaac Uri (Paris, Ha-
chette, 1887. Thèse pour le doctorat ès-
iettres).
' On sait que Guyet ëtait un grand scep- '
tique, un subtil et pointilleux discuteur, un
hypercrilique.
' Littre' cite sous ce mot un écrivain du
xvi' siècle , Antoine Loisel , et un écrivain du
iviii', Montesquieu. Il faudra désormais
citer le magistrat du xvii' siècle entre
ravocal-jui'isconsulte de Beauvais et le con-
seiller au parlement de Bordeaux.
[1633] AlI:X;!FRfcRES DUPUY. 507
des Romains. Mais le papier me manque et il est temp» de darreia
despesche, estant,
Monsieur,
vostre Irez humble, trez obligé et trez obéissant
serviteur.
DE Feibbsc.
A Aix, ce a5 avril i633.
J'cubliois de vous dire que maidy de la semaine passée par un
muletier de ceste ville j'envoyay un petit chat, du poil du vostre', à
M"' de Rossi de Lyon pour le vous faire tenir par quelque rouiller; si
M'' de Thou le trouve à son gré, il le pourra bailler à M"" de Bellievre,
son collègue, comme il désire; sinon, il fauldra en envoyer quelque
aultre.
N'attendez point, je vous supplie, que le bon M'' Petit vous demande
le petit volume Cophte, non plus que mon m[anu]s[cri]t des eclogues,
car il est discret et modeste jusqu'à l'excez ; il les luy fault mettre en
main à la première veûe, s'il vous plaict, l'un et l'autre, je vous en
supplie^.
CVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY'.
Monsieur,
Nous avons eu l'honneur de voir icy M' de Berule, neveu de feu Mon-
seigneur le Cardinal ', qui s'en revient de Rome, où il a laissé en fort
bonne santé Monsieur l'abbé de Thou', dont Madame la Première Pre-
' Un de ces chaU diU angora dont il a niailre des requêtes, intendant de la justice
déjà été question un peu plus haut. en Anjou , etc.
' Vol. 717, foi. Q 39. * Jacques-Auguste de Thou , abbé de Bon-
' Sans autre adresse. neval. dit abbé de Thou, déjà plusieurs fois
' Le nu de ce Jean de Bérulle qui fut mentionné.
(th.
508 LETTRES DE PEIRESG [1633]
sidante' (car ce fut chez elle que j'eus le bien de l'aller salliier) tes-
moigiia un grand contentement, par tout plein de bons respects et par-
ticulièrement pour l'amour de vous, Monsieur, qu'elle honnore et révère
infiniment, selon que la parenté qui est entre vous le luy permet, et
que le requièrent voz eminantes vertus et recommandables mérites, sur
le subject desquels m'estant arrivé de parler à mon tour au moings mal
que je pouvois, aussy bien que M"" de Berule, que Madame la Pre-
mière Présidante felicitoit tant pour la commodité de vostre voisinage
que pour la doulceur dont il alloit jouyr de vostre conversation, et ayant
sceu l'honneur que vous me faisiez de m'advoûer pour vostre serviteur,
il voulut absolument avoir parole de moy qu'il vous porteroit de mes
lettres, pour gaige de la bonne volonté qu'il avoit pour vous, et du
soing qu'il vouloit prendre de voz serviteurs, et de tous voz intérêts,
dont je luy suis infiniment redevable , et dont je ne double pas que vous
ne luy sçaichiez Irez bon gré, selon la bonté de vostre naturel. Il nous
a faict de trez belles et dignes relations tant du costé de Venize et de
Naples, que de Rome, où j'ay sceu d'ailleurs que Monseigneur le car-
dinal Barberin luy a bien defferé de l'honneur. Il a mesmes eu la cu-
riosité et l'asseurance de se faire conduire ou porter jusques sur le bord
de la gueulle du Mont Vésuve, dont l'aspect est si espouventable. Vous
prendrez, jem'asseure, grand plaisir d'entendre ce qu'il y a remarqué,
et d'apporter de vostre costé toute sorte de bonne correspondance à la
passion qu'il a pour vostre service. Et ne trouverez pas mauvais que je
participe en qualité de son serviteur aux obligations que vous acquer-
rez et accumulerez journellement sur luy, sans que je m'ingère,
comme il ne seroit pas raisonnable, de vous recommander tant de re-
commandables parties qui sont en sa personne, et qui vous sont assez
cogneiies, comme je pense, de longue main et le seront tousjours da-
vantage avec le temps. Au contraire je vouldrois bien avoir mérité en
son endroit par quelques dignes services, qu'il eusse voulu me rendre
envers vous. Monsieur, les bons offices qu'il peult, avec le crédit qu'il
' Madame Laisné de la Marguerie. )iit uip sli
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 509
a et qu'il y aura tousjours plus {jrand, puis que j'ay si peu de moyens
de me revancher de voz ordinaires hierifaicLs, et qu'il y a si peu d'es-
pérance et d'aj)parence que je m'en puisse jamais acquitter moy tout
seul, si mes amys ne payent pour moy, comme peuvent faire ceux de
cette condition. Je l'en supplieray le plus humblement que je pourray,
et vous,
Monsieur, de l'agréer de
vostre trez hunible et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce t" may i633'.
CVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
A PARIS.
Monsieur,
Avec vostre dcspesche du 21 du passé nous avons receu le livre du
R. P. Sirmond que nous avions tant désiré ^ et tout plein d'aultres
pièces trez curieuses, dont nous ne vous sçaurions assez dignement re-
mercier, principalement des cahiers m[anu]s[crit]s de Ponderibus et
Mensuris, que je n'ay pas encores peu voir à mon grand regret, mais
à la première ouverture il me semble d'y avoir veu des pièces que je
n'avoys pas trouvées énoncées en l'inventaire qu'il me souvienne, dont
vous croyez bien que je ne puis pas estre marry. Mais je n'y ay trouvé
aulcune distinction de la diversité des volumes d'où touts cez frag-
ments ont esté tirez, estant malaisé que le tout vienne d'un seul volume;
car j'eusse prins grand plaisir d'y trouver cotté aux marges le nombre
du volume de la dicte Bibliothèque, pour y pouvoir avoir recours en
cas de besoing pour la collation de quebjue mot ou charactere ambigu,
' Vol. 71 7, loi. aSh. — ' Anlin-heùcus. De Canone Arnusicano. AeU-ersus Pétri Attrelii
Theologt Respoimonein , qun ejiis Epislolam infirmare conatus est (Paris, S«5b. Cramoisy,
«633, in-8«).
510 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ou doubteux. Et si je ne me trompe, il y avoit en mon bordereau
quelques aultres pièces que je n'ay pas trouvées en ce recueil, mesnies
aulciines qui sont, je m'asseure, en latin, dont je ne double pas que la
recherche ne soit trop pénible et importune, pour en charger M'' Ri-
gault, surtout pendant la presse de l'édition de Tertullian. C'est pour-
quoy j'avoys désiré de luy espargner ceste courvée, et l'endosser^ à
M' Valloys ou bien à M'' Petit, qui est d'assez bonne volonté et patiance
pour cela. Et s'il y a encore du moyen de le faire , vous m'obligerez
bien de le faire trouver bon à M'' Rigault, faisant grand scrupule de
consciance de le divertir pour si peu de chose de ses meilleures et
plus sérieuses occupations. Et le bon homme M' Petit s'y employera
volontiers, et sans que cela puisse tant porter de préjudice à ses aultres
meilleures affaires. Il en pourra faire l'essay sur les premiers cahiers
que je vous r'envoyay par le précédant ordinaire et cependant je verray
de parcourir ces derniers cahiers que m'avez envoyez présentement, à
quoy la commodité des prochaines festes me viendra possible bien à
propos. Et puis je vous les pourroys bien renvoyer à mesmes fins que
les premiers, si M' Petit n'estoit party, ou si M'' Valloys se peult donner
ceste peine. Quant au volume m[anu]s[crit] de M'' de Thoulouse des
Astronomes anciens, puis que je n'avoys pas encor escript à Rome sur
ce subject, j'ay creu que vous ne seriez pas marry de voir la lettre que
m'en a escripte M"^ l'Archevesque, où il semble avoir laissé charge de
m'envoyer son m[anu]s[crit] aussy tost qu'il sera transcript, soit que
ce soit à M' Rigault qu'il en aye parlé, ou à M' Aubert, possible en
présence ou en contemplation de M*^ Rigault. Auxquels vous pourrez
faire voir ma lettre s'il vous plaict, ne trouvant pas estrange qu'il y
ayt eu quelque équivoque en la persone de l'un pour l'autre , car en la
mesme lettre ce bon prélat en a faict une aultre , quand il me parle de
luy avoir aultre foys recommandé un homme dont je ne pense nulle-
ment de m'estre jamais dispencé. Car le mal entendu qui estoit entre
Le Dictionnaire de Littré ne donne aucun exemple de l'emploi de celle locution figurée,
se contentant de la définir ainsi : r charger quelqu'un d'une commission désagréable. -i
[1633] . AUX FRKRES DUPUY. 511
nous esloit antérieur à la promotion du dict seigneur Archevesque à
cette prelature. Bien est-il vray que je luy avois recommandé le sieur
d'Abbalia ', qu'il pense maintenant avoir esté un aultre. Mais tout cela
importera bien peu pourveu que nous ayons son m[anu]s[crit] grec des
Astronomiques, d'où qu'il vienne, et quand il ne tiendra qu'à la comnm-
nication de ce que M"^ Aubert désire du S' Cyrille, j'ose me promettre
de le luy l'aire avoir soit par le dict sieur Holstenius ou par aultres,
car ce sont de cez choses où ne peuvent pas escheoir les didicultez de
ccspaïs là, et que le cardinal Barberin, et le Pape niesmes, seront bien
aises de me faire envoyer, s'il le leur falloit demander. Mais je croys
que M' Holslenius y satisfera volontiers de son costé et me semble qu'il
m'en avoit touché quelque mot en quelqu'une de ses lettres. C'est
pourquoy vous pouvez bien asseurer cez Messieurs qu'ils en peuvent
faire estât sur ma parole, et que cela ne les doibt pas empescher de
me confier l'orijjinal de ce m[anu]s|crit] si lost qu'ils en auront faict
achever la copie qu'ils en désirent, puis que c'est l'intention de M' de
Thoulouse. Et possible aurons nous un jour le moyen de leur donner
de meilleurs tesmoignages de nostre bonne volonté, en recognoisçance
de la leur. Ne pouvant pas nous dissimuler que je me tiendray beau-
coup plus obligé à leur courtoisie, s'ils m'envoyent l'original, que s'ils
le retiennent pour m'envoyer la coppie sur laquelle ils peuvent cotter
pour leur usaige tout ce que l'original y peut fournir de meilleur, par
une collation bien exacte, si ce n'est qu'ils nous voulussent confier l'ori-
ginal et leur coppie, pour le faire collationner par M' Holstenius, aprez
quoy on leur r'envoyeroit cet original sans regret, lequel M"^ l'Arche-
vesque m'avoit offert bien longtemps y a. Je vous renvoyé les deux dis-
cours de M" de la Mothe dont j'ay retenu coppie ^ vous remerciant in-
' Sur ce personnage voir le fascicule X de Montchnl, l'archev^ue de Toulouse si
des Correspondants de Peiresc : Guillaume favorable aux lettrés et si lettré lui-même.
d'Abbalia, Capitoul de Toulouse. Lettres iné- ' IjCS discours sur les relations du car-
dites écrites à Peiresc de i6tg ài 63,3 ( Paris dinal Benlivogiio et sur la bataille de Lnlzeii
et Marseille, i885, in-8°). Il est 1res sou- indiqués dans la lettre CVl (voir ci-dessus,
vent question, dans ce recueil, de Charles p. 5o3 et 5o4).
512 LETTRES DE PEIRESC [1633]
finimentde cez belles pièces, bien marryde ne rien avoir à vous envoyer
en revanche. Avec le livre de M"^ l'Evesque du Bellay ', il fauldroit bien
ivoir celuy contre lequel il s'est si fort cabré. Nous verrons si nostre
imy vouldra avoir encor un peu de patiancc pour le volume de Golzius
în taille de boys, puis que ceux de taille doulce sont en chemin sans
;eluv ià. Cependant ce frippon pourroit recognoistre sa faulte et se
ranger à la raison. Je vous feray tenir les 5o livres par la première
commodité d'amy. Je me doubtay que possible la pièce de M'' de Nismes
n'auroit pas esté publiée pour l'interest qu'y pouvoient prétendre di-
verses persones, et particulièrement ses amys, et ceux mesmes qui luy
avoient procuré ceste grâce; c'est pourquoy je me dispensay de vous
l'envoyer, puis que je voyois que vous n'en disiez mot. Vous m'excu-
serez, s'il vous plaict. Monsieur, s'il y a de ma faulte. M'' Petit me faict
de grands remerciements de la communication qu'il vous a pieu luy
faire du petit livre de liturgies de M"^ de Thou en Cophte et Arabique
à la marge. Je n'ay jamais sceu si voz libraires n'avoient poinct sceu
desassembler ou descoller les feuillets gastez du naufrage en l'aultre petit
volume, que je pensois estre celuy que vous me disiez estre une espèce
de Lexicon ou de Grammaire en forme de Lexicon et dont me parle
M"' de Saulmaise. S'il estoit encor entre voz mains, je vous conseilleroys
de le mettre en celles de M' Petit pour voir s'il en pourroit tirer pied
' Jean-Pierre Camus, né à Paris le 3 no-
vembre i58'3, mourut dans la même ville
le 96 avril 16.59. Il n'avait pas vingt-six ans
révolus lorsqu'il fut nommé (1608) évéquc
fie Belley. Voir les curieux articles du Dic-
tionnaire de Moréri et du Dictiomiaire de
Bayle (au mot Belley) sur le disciple, l'ami
et le biographe de saint Fi'ançois de Sales.
J'ai réuni divers renseignements sur le fé-
cond écrivain (on lui doit plus de a 00 vo-
lumes) autour de deux de ses lettres inédites
)ubliées dans le Bulletin du bouquiniste du
" avril 1870 (p. 179-1 84). Le livre dont
•arle Peiresc est intitulé : De l'ouvrage des
moines (Rouen, i633, in-19); il fut suivi
(lu : Rabat-joie du triomphe monacal (Lille,
i634). En i633 fut publiée la seconde édi-
tion d'un petit recueil formé de trois docu-
ments : Lettre de Monseigneur l'Eminentis-
sime Cardinal Duc de Richelieu à M. l'Evesque
du Bellay sur le sujet des religieux, avec la
response dudit Evesque du Bellay, ensemble la
lettre des religieux, etc. (Paris, Séb. Cra-
moisy, i633, in-8° de 48 pages avec pri-
vilège du lU avril). Le petit recueil avait
paru pour la première fois l'année pré-
cédente, chez le même libraire, in-4° de
90 pages.
^
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 513
ou aisle. Je ne sçay si je hiy pourray escrire ce coup, non plus qji'à
M"^ Aubery comme j'eusse désiré, et à M' Rigault, car je suis fort pressé
d'ailleurs par malheur pour le présent. Si je ne le puis, ce sera par le
prochain Dieu aydant, et je finiray en vous baisant trez humblement
les mains tant de la part de M"" Gassendy qui est icy depuis huict jours,
que de mon frère qui est à Marseille , et demeurant ,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteuc,
DE Priresc.
A Aix, ce il may i633.
A faulte de meilleure matière je vous envoyé une relation que j'ay
receiie de Rome sur la {généalogie de ce prétendu Prince d'yEthiopie ',
à qui le Pape ne donne que simplement la parte, ne l'ayant encore
voulu recognoistre pour vray prince *,
La lettre du sieur Galilée meritoit bien d'estre conservée '. M' Gas-
' Ce pei'soniiage s'appelait Zaga-Chiisl.
Voir sur lui i'nrlicle du Moréri qui renvoie
à la Belntion de la Terre Sainte d'Eu/jène
Roger et aux Imposteurs insignes de J.-B. de
Rocoies. Voir encore Tal!emanl des Réaux.
Historiette intitulée : Le roy d'Ethiopie
(p. 6i-63), et les nombreuses indications du
savant commentateur (p. 63-64). P. Paris
a oublié de citer ce passage d'une leltre de
(îny Patin du 5 mai i638 : i^Je pense que
savez bien la mort du prince d'Kthiopie el
son dpitaphe [un quatrain de Desmarets];
sinon, je vous les enverrai.» P. Paris, en
l'evanche, n'a pas manqué de mentionner
les Mélanges historiques et philologiques , par
M. Michault , avocat au parlement de Dijon ,
où sont reproduites (t. I, 1754, p. 3io-
3ii) irquelques remai^ques anecdotiques de
M. Peiresk sur la personne de l'imposteur
Zaga-Christ». Michault ne nous dit pas d'oii
sont tirées les remarques de Peiresc.
' Peiresc [liemarques , p. 3i4) dit d'Ur-
bain VIII : rrSa Sainteté, nonobstant tout ce
que les bons Pères Récolets lui ont pu té-
moigner, ne l'a point encore voulu renco-
noîlre pour lel [pour empereur\, ni même
permettre qu'il lui baisât les pieds : il lui
a simplement accordé pour son entrelien sa
part de la Chambre, qui consiste en fort |>eu
de chose. 'i D'après le Moréri, de pape lui
donna un palais pour son logement, et l'en-
trelint près de deux ans. Le duc de Crétpii
était alors ambassadeur à Rome, et persuada
h ce prince de voir la France , et de venir h
Paris, ce qu'il fit l'an i635. Après y avoir
vécu trois ans, il inounit au village de Ruel
proche de Paris, dans la maison de plaisanc4>
du cardinal de Richelieu . n'étant alors âgé
que de vingt-huit ans. »
' Quelle est cette lettre? J'ai consulté sur
ce point le spécialiste qui pouvait le mieux
m'éclairer, M. A. Favaro. et le savant pro-
IVPmmtBI* ■iTI««lL«.
514 LETTRES DE PEIRESC [1633]
sendy m'a dict qu'il en avoit escript une aultre aultres foys, sur le
changement que les reviseurs luy avoient faict du tiitre de son livre \
qui meriteroit bien d'y estre joincte , et croid que M'' de la Motte en
aye coppie, à qui j'en vouldroys bien avoir l'obligation; au pix aller
M" Piodati, qui retint l'autographe, eu baillera volontiers une coppie,
si on la luy faict demander.
Le gazettier n'a pas manqué de continuer ses bons offices, dont je
luy ay de l'obligation et encores plus à vous ^.
GIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR DE PARLEMENT,
RDE DES POICTEVINS DERRIÈRE s' ANDR^ DES ARTZ CHEZ »' DE THOO ,
À PARIS.
Monsieur,
Vous recevrez cette lettre par le sieur Gaillard, advocat en nostre
parlement, filz de l'un des meilleurs amys de nostre maison^, que je
feâseur a bien voulu me répondre avec la
plus gracieuse courtoisie qu'il s'agit sans
aucun doute d'une lettre écrite par Galilée
à Diodali, le i5 janvier i633, laquelle se
trouve dans le tome VII de l'édition Albéri
(p. 16-20), ainsi que dcns le tome IV
(p. 478 et suiv.) de VHistaire de* sciences
mathématiques de Libri.
' Dialogo sopra i due sistemidel mondo , etc.
rtll est très exact, me fait l'honneur de
m'écrire le futur éditeur des OEuvres com-
plètes du plus grand des mathématiciens
de l'Italie, que le titre de cet ouvrage dut
être modifié d'après les ordres de Rome,
Galilée l'ayant auparavant intitulé Deljlusso
e rijhuso del mare. Gela résulte de la lettre
du P. Niccolô Riccardi, maître du sacré pa-
lais, à l'inquisiteur de Florence en date
du -ik mai i63i.» M. Favaro craint que
Vautre lettre dont Gassendi avait parlé à
Peiresc ne soit u \ document perdu. 11 ne
reste, aflirme-t-il , aucune trace d'une lettre
adressée par Galilée à aucun de ses amis de
Franc postérieurement à la lettre du P. Ric-
cordi et antérieuremen' à celle du i5 jan-
vieri633 mentionnée en la noie précédente.
M. Favaro ajoute que la première lettre
connue de Peiresc à Galilée est du 26 jan-
vier i634, et que l'on n'a jamais rien re-
trouvé d'une con'espondance entre ce dernier
et Dupuy.
■' Vol. 717, fol. 23.5.
^ Il ne faut p^s cQpfondiie ces Gaillard ,
qui étaient des bourgfiois^i avec les Gaillard,
^
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 515
chéris infiniment et pour l'amour de son père et pour son mérite par-
ticulier, ayant une inclination merveilleusement ardante aux lettres, et
à ce qui y peult estrc de plus recommandable dans sa profession. Je
vous supplie trez humblement d'agréer qu'il puisse avoir l'honneur de
vous offrir son trez humble service, et trouver quelque accez chez vous
pour y voir et ouyr discourir aulcunes foys cez galants hommes de
l'académie qui vous viennent visiter. Il faict estât de sesjourner de par
delà un an , durant lequel temps il se présentera souvent des occasions
de luy faire sentir des eflects de vostre faveur, et je vouldroys bien qu'il
en eust aussy quelques unes de vous servir, ne doublant pas qu'il ne le
fisse trez volontiers, nom plus que de l'honneur de vostre bienveillance
en son endroict aussy bien que de tous les amys que je vous ay ci-de-
vant adressez, dont je vous seray à jamais redevable, et vous rendray
la revanche par toute sorte de services dont je me pourray acquitter
comme.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peihesc.
A Aix, ce 8 may i633'.
ex
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay esté bien mortifié de voir revenir les quattre premiers cahiei-s
Grecs, sans que M"" Petit les aye conférez, puis qu'il en vouloit prendre
gentilsliomraes.quionlété raenlionnës dans M"' de Sëvignë el par Charles Giraud, et
le Wnie I, p. 337-338. Voir sur l'avocal qui se termine ainsi : c Heureux avocat au-
(iaillnrd une note du fascicule \I des Cor- quel les lettres de Peiresc et celles de
respnndaHti de Peiresc {Jean Tristan, sieur M'"' de Sëvigué rendront tt'mpignage jusqu'à
ie Saint- Amant , 1886, p. 3o-3i), note oîi la fin des temps!»
*ont reproduits les éloges à lui donnés par ' Vol. 717. fol. 938.
65.
516 LETTRES DE PEIRESC [1633J
la peine pour l'amour de moy, car je ne voids apparance quelquonque
d'en surcharger M' Rigault, ne en ce temps ne en un aultre, quoy que
sa courtoisie luy puisse faire dire. Si vous vous faisiez monstrer le mé-
moire que j'avois dressé sur son catalogue, vous verriez qu'un mesme
autheur se trouve en divers volumes, et par conséquent qu'il y avoit
bon moyen de profEter en la collation qui s'en pouvoit faire non seule-
ment sur celuy d'où ses cahiers estoient transcripts, mais sur lesaultres
pareils qui sont en divei;^ volumes. Gomme dans les cahiers raesmes
que j'ay receus il y a des pièces transcriptes deux et troys foys, qui
servent à restaurer, corriger et remplir des blancs de l'une en l'aultre,
il y avoit aussy des pièces latines, ce me semble, et la cotte des vo-
lumes où elles sont. Et celles que vous m'avez envoyées de feu M' Pithou
m'y ont encores plus affriandé que je n'estois devant. Mais il fauldra
prendre patiance puis que M' Petit se retire, et voir s'il y aura un jour
moyen d'en endosser la courvée au sieur Valloys. A qui je vous supplie
d'envoyer demander mes eclogues afin que M' Petit les puisse voir,
aultrement je voys bien qu'on le laisra partir de là sans qu'il les aye
peu voir, et toutefoys je l'en avois prié par une mienne lettre et me
semble qu'il n'y debvoit pas avoii' du regret, car ce peu que M'' Petit
en eusse peu alléguer ne pouvoit pas faire tort ne desroger tant soit peu
à l'édition qu'il en meditoit. Cependant je suis bien aise qu'il aye peu
voir le livre de voz liturgies Cophtes, mais s'il eusse peu voir l'aultre
volume du Lexicon, il en eusse bien mieux peu faire son prollit.
J'estime pourtant que la veùe de celuy là ne luy aura pas esté
inutile. Je fcray transcrire les articles du traicté de l'Empereur avec
Bourbon \ et verifiray l'aultre traicté de Trefve dont je vous parloys,
qui ne pourroit pas estre celuy que M"" du Puy vostre frère vous a
designé, si la datte estoit sans équivoque de l'an i538, car Bourbon
n'estoit pas lors en vie-, et il se prévalut du traicté en son passage en
Espagne. Je feray apprester cela Dieu aydant pour le prochain ordi-
' De l'empereur Charies-Quint avec le comiétalile de Bourbon. — ' On sait que Charlr»
fie Bourbon fut'lué devant tes murs de Rome, le 6 mai iSay, au moment où il montait à
l'assaut.
I
[1633] AUX FRKRES DUPUY. .',17
naire el soray Irez aise de servir M"" l'abbé de Thou ou de Boiineval en
meilleure occasion que des livres que vous m'avez daigné addresser
<[ue j'attendray impatiemment, pour leur faire passer les monts, non
sans quelque regret qu'ils ne soient venus à temps pour le passage de
cez troys galères de M"" de Crequy, lequel nous veult venir visiter en
corps demain matin à l'issue de nostre audiance, et puis aprez avoir
disné chez M' nostre Archevesque veult encor aller coucher à Mar-
seille. Au reste les Gazettes estoient fort bien venues durant troys or-
dinaires, mais à ce dernier je les attendoys plus raisonabicment que
devant, parce qu'on pouvoit respondre à ma lettre; je n'en ay poinct
receu. Et fauldroit que le pacquet se fusse perdu par les chemins ou
que quelqu'un eust aiïecté de me le retenir, si ce n'est par oubliance
des commis de ce bureau des adresses. Et loiilefoys l'occasion s'estoit
présentée fort belle cette foys de m'en revancher, par les nouvelles du
Levant que vous trouverez cy jointes, el par celles de l'entreveiie de ce
cardinal Infante avec M'^ de Savoye dont vous aurez icy de bonnes parti-
cularitez que cez gcnts là ne debvroient pas recevoir de vostre main
pour ce coup, afin de leur faire cognoistre leur tort et de les rendre
moings négligents une aultre foys. Combien que je vous diray que ce
n'est pas pour faire le renchery que je vous ay mandé combien je de-
viens indifférant aux nouvelles du monde, ma passion prédominante
ayant tousjours esté pour les nouvelles des livres, et des aultres curio-
sitez tant de la nature que des antiquitez. Et à ceste heure que je voys
tant de mal entendu parmy ceux qui avoient tant de subject d'estre
bien en ce pays icy, je ne sçay à quoy Dieu nous reserve, ne s'il sera
plus expédiant que nous sçaichions rien, ne que nous soyons advertis
de rien qui vaille comme il seroit à désirer que persone ne sceul rien
de tout ce qui se passe icy entre nous, et qu'on en peusse esteindre la
mémoire, mais nous sommes trop malheureux pour cela et du moings
osé-je bien me promettre que vous m'excuserez si ces advis là ne vous
sont poinct donnez de nostre part comme je vous en supplie Irez hum-
blement. Mon frère vint icy samedy au soir avec les consuls de Mar-
seille, pour sali lier M"" le duc de (]requy et M' le Mareschal et s'en
518 LETTRES DE PEIRESC [1633]
retournèrent le lendemain. 11 m'avoit apporté des nouvelles de l'arrivée
d'un navire qui avoit paru à l'embouscheure du port lors de leur des-
part, et que l'on tenoit venir du Levant, mais puis qu'aujourd'huy il
ne m'en a pas envoyé d'aulli'es nouvelles, il ne fault pas que ce soit
celuy qui a chargé mes livres, y en ayant troys en mer de ceux qui
viennent de ce costé là. Au reste je viens de recevoir la caisse de livres
partie du moys de mars, ofi j'ay trouvé tout plein de belles pièces dont
je feray dresser l'inventaire , et entr'aultres la boitte des Republiques que
j'ay veûes trez volontiers, et encores plus le libvre in U" qui y estoit joinct
dont je vous rends mille grâces, car je n'en avoys rien veu en son temps
non plus que des aultres de mesme datte et aultres subsequantes, venus
de mesme lieu. J'y ay eu le Codex Ganonum in 8° avec le Ferrandus,
dont je vous doibs un particulier remerciment et pour moy et pour
celuy qui s'en vouloit servir qui est bien honneste homme. L'histoire
de Montmorancy ' est arrivée à temps pour passer à Rome par cez ga-
lères et m'espargner mon volume qui s'y en alloit à faulte d'aultre. Je
ne puis pas à présent recognoistre les pièces du procez de Montmo-
rancy, mais à l'ouverture du fagot j'ay bien veu que c'est chose gran-
dement exacte et bien assortie, dont je vous ay bien de l'obligation. J'ay
aussy receu un aultre petit fagot venu d'un aultre costé, contenant cez
relations de Venise et cez epistres in U° de Busbequius avec ce petit col-
loque en bas breton, françoys et latin que je n'avoys poinct, et dont je
vouldroys bien un aultre exemplaii-e pour un amy^. M' le Prieur de
' Il s'agit là de quelque exemplaire de
l'Histoire généalogique de la maison de Monl-
morency et de Laval, par André du Chesne
(1694, in-fol.), réimprimée en 1699 (in-
fol.).
' Je dois à M. Henri Gaidoz, le savant
directeur de la revue intitulée Mélusine, les
excellents renseignements bibliographiques
suivants : «L'ouvrage qui vous préoccupe
est sans doute l'édition de i633 de Quim-
per : Dictionnaire et colloques fi-aneoia , breton
et latin , diiisei en trois parties ; Dictionœr ha
CollocoH Gallec-Brezonncc ha latin , divisèt en
teir queu/ren; Dictionimriolum et colloqiUa
gallico-britannico-latina , in 1res partes dis-
tincla, par Guillaume Quiquer, de Roscoiï,
augmentez de moitié, de douze Traitez nmi
encor imprimez, et du latin correspondant au
français et breton , par le même. A Morlaix ,
chez George Allienne , imprimeur et libraire
juré à Roiien, au Palmier Couronné, et à
Quimpercorentin en sa boutique, i633,
4
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 51»
Roumoules me mande qu'il a chargé d'aultres amys de tout plein d'aul-
tres fagots. Sur quoy je vous doibs tant de remerciments que je ne
sçay par où commancer, et aymeroys bien mieux vous pouvoir actuel-
lement servir et tesinoigner par mon obéissance que je suis de tout
mon cœur,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DB Pbirbsc.
A Aix, ce 9 aiay i&â3.
Celle Vie de Tamberlan ' sera bien digne d'estre veue^ comme aussy
avec privilège du Roy. Celte édition de 1 633
est la seule, à ma connaissance, qui ait une
partie latine. J'ignore jusqu'à quel point cet
ouvrage concorde avec le Nomenclator com-
munium rerum propria noinina gallico idio-
mate mdicans. Multo quant mtea brevior et
emendatior. Auclore lladriano Junio medico,
in usum sludiosorum socielulis lesii. En cette
dernière édition a esté adioutëe la langue bre-
tonne , correspondante à la latine et Françoise ,
par maistre Guillaume Quiquerde HoscoU';
en faveur de Messieurs les escoliers des col-
lèges de Quimpercorentin et Vannes. A
Morlaix, chez George Allienne, m.dc.xxxim;
in-i8; a pages non numérotées pour le pri-
vilège; 335 pages plus la pages non numé-
rotées pour la table. La première édition des
dialogues français-bretons est de 1 626 : Die-
lionnaire et colloques François et Breton. Tra-
duits du François en Breton |)ar (J. Quiquer
de Roscoff: livre nessaire[>i\c\ tant aux Fran-
çois que Bretons, se frcquenlans et qui n'ont
f intelligence des deu.v langues. A Morlaix , de
l'impiimerie de Georges Allienne, m.iic.xxvi.
Vvec privilège du Uoy. 'jyij pagesin-j8; plus
.'ig pages non numérotées donnant un voea-
bulaire françois-brelon ; plus 7 1 pages numé-
rotées à part, dont voici le contenu : les
conjugaisons , quelques prières et oraisons, de
la ponctuation, de la prononciation francoim
(p. 37-55), de la prononciation bretonne
(p. 56-68), et le Privilège. M. Lolh a
reproduit quelques-uns de ces dialogues
dans sa Chreslomnthie bretonne, en cours
d'impression dans les Annales de Bretagne
(Rennes, t. III, n" a, p. a 38 et suiv.,jan-
vier'i 888 ). » — Depuis que celte note a été
imprimée, j'ai trouvé dans le Bibliophile
breton (Rennes, 1888, n" tX et X, une
étude sp(^iale de M. Arthur de la Borderie
sur les Colloques de Quiquer, de Boscoff,
étude <jui l'ait |)artie des Notices et doeumenlx
bibliographiques du savant corn'spondant de
l'Institut, et oîi oui été réunis les détails les
plus précis sur l'édition originale des (hllo
ques et sur les étiitions suivantes, notam-
ment sur l'éd tirn de i63a-i633.
' Histoire du Grand Tamerlan, traduite
sur les originaux, par de Sainct-Von (Paris,
1699, in-ia); réimprimé en 1677. .A pro-
pos de la l'orme Tamberlan ailoptée par Pei-
resc, je noterai que le Moréri donne le< trois
formes : Timierlan , Taberlan . Timur-Bee.
' Non , celle Vie n'était pas digne d'être
520 LETTRES DE PEIRESC [1633]
l'Arnobe de M"^ SaulmaiseS et cez Indes occidentales de Laët^, mais tout
cela aura son temps. J'ay recouvré ce vieil exemplaire m[anu]s[crit] Hé-
braïque des Tables Astronomiques du Rabin de Tarascon qui vivoit
trois cents ans y a^, avec un vieil exen)plaire»aussy m[anu]s[crit] du petit
Chronicon Hebraeorum, Seder Olam, que Genebrard a traduict*, que je
veux faire conférer, car il y a quelque continuation. Ce sera de la besoigne
à M"^ Petit pour le traduire et conférer. Au reste si vostre coppiste Grec
est en cbaumage , et que M'' Rigault ne trouvast pas mauvais que je
fisse transcrire cette petite Vie d'Homère par Plutarque^, qui est en la
Bibliothèque n** 107, j'en payerois bien volontiers les frais de la tran-
scription.
Je vous envoyé une vieille pièce sur la revalescence •* de Monseigneur
vue, car un estimable orientaliste, H. Au-
diffrel, la juge ainsi dans la Biographie uni-
verselle : rt C'est un tissu de fables et d'ana-
chronismes. 1
' L'^"! rnobe de Saumaise ne devait paraîtie
([u"en 1 645. Voir sur cette édition et sur les
autres travaux de l'érudit bourguignon re-
latifs à Arnobe le fascicule V des Corres-
pondants de Peiresc , p. 99 , note 2 . — J'ajoute
que les OEuvres d' Arnobe reparurent à Leyde
en i65i, in-4°, par les soins de Claude
Saumaise, et avec les notes de Canterus, de
Stewechius, etc. Saumaise en préparait une
nouvelle édition, mais il mourut sans avoir
pu l'achever. On en trouve les premières
feuilles dans le tome II des Œuvres de Saint-
Hippolyte , imprimé à Hambourg en 1716.
" Novus Orbis seu descriptionis Indiœ Oc-
cidentalis libriKVlll. Autbore loanne de Lael
Anturrp. Novis tabulis geograpbicis et variis
animantium, plantarum fructuumque ico-
nibus illustrati. (Leyde, Elzevier, i633, in-
fo!.) Voir, sur fédition originale en langue
hollandaise (lôaS) et sur la traduction en
langue française (j64o). Les Elzevier de
M. Alph. Willems (n" aSo, Say, igy).
' Déjà mentionné plus haut.
' Ce fut en 1679 que Gilbert Genebrard
publia le Seder Olam Zuta en hébreu avec
une version latine sous ce titre : llebrœorum
brève Chronicon sive Compendium île mmidi
ordine et temporibus (Paris, in-8°). La chro-
nique va jusqu'à l'an 1112 de J.-G. Rappe-
lons que Genebrard naquit à Riom en i537,
fut bénédictin de Cluny, professeur d'hébreu
au Collège de France, archevêque d'Aix
(i59Q-tJ)()6) et qu'il mourut à Sémur en
mars 1697. Voir divers renseignements sur
le savant prélat dans le Gallia orientalis de
Paul Colomiès (p. 87-91). dans le Mémoire
hist. et litl. sur le Collège rof«l de France,
par l'abbé Goujet (t. I, p. 395-809), etc.
' Tout le monde sait que la Vie d'Homère
en question a été faussement attribuée à
Plutarque.
° Mot qui manque à tous ceux de nos
vieux dictionnaires que j'ai pu consulter et
qui vient du verbe revalescere , recouvrer la
santé. Nous avons déjà trouvé en ce volume
la forme reconvalescence.
^
[1633] AUX FRÈRES DUPUY." 52Î
le Cardinal où il y a bien d'assoz gentiies conceptions. Il avoil esté es-
cript en l'orme de lieux pioprcs à ayder la mémoire pour le reciter
par coeur'.
Vous aurez aussy le lict de justice dont je vous remercie trez hum-
blement. Je viens de recevoir un estât du contenu du volume de M' Cyron
que j'estime bien davantage que je ne faysois. Si vous ne l'avez à cette
heure (car je suis fort pressé), vous l'aurez parle prochain, et un abrégé
de la bibliothèque m[anu]s[crite] d'Urbin'^
Je vous prie de faire part des nouvelles de Villefranche à M"' Au-
bery, vostre voisin ^
CXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur, «
J'avois compté sans l'hoste'* quand je vous proraettoys par cet ordi-
naire des extraicts, qu'il fauldra de nécessité remettre à un aultre,
attendu que mes gents ont mieux aymé faire la desbauche que de tra-
vailler avec moy, dont je vous crie mercy. J'avois retenu les relations
d'Afrique et d'iEgypte^ attendante venue du R. P. Athanase Kircher,
qui travaille aux Hiéroglyphiques**, lequel les vouloit voir, mais je pense
' Je regretlede ne pouvoir rien dire de
la curieuse petite pièce provençale sui- le
n^tour de la santé du cardinal de Richelieu.
' Peiresc a voulu dire : un aperçu du ca-
talogue des manuscrits de la bibliothèipie
(l'Urbin.
' Vol. 717, fol. 989.
' Au sujet de cette locution proverbiale.
I.,iltré ne cite, sous le mot hâte, qu'un au-
teur coniicpie posti'rieur « r«?poque oîi (^cri-
vait Peiresc , Noël le Breton , sieur de Haute-
roche. Le Roux de Lincy {Le livre des pro-
verbes français, I. II, p. 170) a recaeilii
celle variante du vieux dicton : itQui compte
sans son hoste compte deux fois.»
' Les relations de Thomas d'Arcos , déjè
mentionnées.
" C'est l'occasion de citer celte remarque
du Dictionnaire de Littré, sous le mot Hié-
roglyphique: (rOn le trouve substantivement,
au lieu de hiéroglyphes , dans une lettre de
Ch. de Sévigné : ir Ce n'est plus de l'écriture
66
IVrttlitKIt »ATtO«4l«.
522 LETTRES DE PEIRESG [1633]
que nous l'aurons icy dans cette semaine, s'il nous tient parole ^ Et
aussy tost je les vous envoyeray, et à M"' Bergeron. Vous pourrez voir
si vous voulez ce que j'escripts à M' du Ghesne touchant les ni[anu]-
s[crit]s du sieur de Gyron. Et ne verroys pas inoings volontiers la ver-
sion que le cardinal d'Esté a voulu faire du discours du Mathieu sur la
vie de M"" de Villeroy^, que le texte de l'autheur, que j'ay tousjours
tenu en mesme predicament' que vous dictes. Et encor un peu au
dessoubs, à cause de l'aiïectation de favoriser les ennemys de la gran-
deur Françoise, pour ne dire mauvaise foy. Monsieur le Premier Pré-
sidant nous a ce jourd'huy voulu traicter avec M"" Gassendi, mais avec
une magnificence et délicatesse nompareille. Il luy tarde bien de voir
les Indes Occidentales de Laetius in fol° aultànt et plus qu'à nous. On
nous a faict fesle d'une relation des Indes des Jesuistes, dont je ne sçay
pas le tiltre ne la datte de l'édition, portant description, entr' aultres
choses, du Royaulme de Jésus, qui faict l'union par une terre fermé de
l'Asie avec l'Amérique septentrionale, au lieu du destroit que l'on y
souloit mettre. Et d'une certaine Isle du mitan de laquelle sortent
quatlre rivières en païs 'si fertile et si amené'* qu'on a revocqué en
double si ce n'estoit pas le Paradis terrestre^'. Gela meriteroit bien
^[une lettre de M'"' de Grignan], ce sont des
crfigui-es tantôt d'une façon, tantôt d'une
«autre; ce sont des hiéroglyphiques d'une
itsi grande et si belle variété. . . n Tel est le
texte de la lettre oSy, éd. de 1787; mais
l'édition de Régnier a hiéroglyphes, n On
lit dans le Dictionnaire de Trévmtsc sous le
mot Hiéroglyphiques : trll est aussi sub-
stantif, et alors il signifie la même chose
qn hiéroglyphe, n
' Voir sur le séjour h Aix du P. Atha-
nase Kircher, qui habitait alors Avignon , le
livre V de la Vie de Peiresc ])ar Gassendi,
[). 388. Voir aussi sur ce séjour la lettre
suivante.
^ Savait-on ffuo le cardinal d'Esté eût
traduit le discours de Pieire Matthieu?
^ Nous avons déjà trouvé le mot prédica-
menl dans le tome I, p. aoa.
' Les rédacteurs du Dictionnaire de Tré-
voux disent: ^ Amené, vieux mot. Agréable.
AmœnuSyit et ajoutent que le mot a été em-
ployé par Clément Marot. Voir dans le Dic-
tionnaire de La Curne de Sainte-Palaye la
citation des vers de Marot avec renvoi à
d'autres vieux auteurs.
* Le paradis terrestre a été placé en de
bien nombreuses localités. Voir, à ce sujet,
un article aussi curieux que savant publié
par M. Alfred Maury dans la dernière édi-
tion de V Encyclopédie moderne (librairie
Firmin-Didot).
[1633] AUX FRÈHKS DUPUY. 523
d'estre veu. Si je puis, vous aurez par cet ordinaire, sinon ce sera
Di«u aydant par le prochain, une petite relation de l'Eslat du Mopor
de l'an 1689 qui ne vous sera pas deza{;reabie en simple patoys d'un
bon marchand. J'ay dcsja escript pour la musique du P. Merc«ne sur
les instructions qu'il avoit cy devant baillées à M' Gassendy, et en at-
tends une bonne relation d'un excellant musicien joueur de luth, qui
a esté esclave des Turcs 10 ou 12 ans, oii il est encores, entrant
dans leurs mosquées quand il veult. Je luy envoyeray coppie de ceit
dernières instructions, et en envoyeray aultant du costé du Levant,
et en Jérusalem où sont les chrestiens de tant de diderantes sectes,
pour en avoir de chascune ce qui se pourra tirer, et en Alep et ail-
leurs. J'ay bien eu du regret de la mort du pauvre chatton de M'' de
Bellievre, qui a esté suivie de la mort du pauvre muletier qui s'en
estoit chargé, lequel deceda dans Lyon deux jours aprez son arrivée,
en la persone de qui j'ay perdu un fort bon homme et fort fidèle.
N'attribuant la mort de ceste pauvre besle qu'A la maladie qui sur-
print ce pauvre bon honuiie à my chemin, car il l'auroit portée dans
son sein plus tost qu'il ne l'eusse rendue en bon estât, mais ses valets
n'avoient pas la mesme affection que luy. J'en ay un aultre de mesme
poil , dont les rayes ne sont pas du tout si fort marquées de noir
sur le blanc comme estoient celles du mort. Mais il est beaucoup plus
noble et moins abastardy que l'aultre, estant né de la chatte que j'ay
eue de Damas et d'un des plus beaux chats que j'aye eu du poil du
vostre, mais il est encores bien jeune et tendret; je ne l'envoyeray
poinct que quelqu'un ne se charge de le porter dans son seing comme
il le mérite, car c'est la plus amoureuse bestiole qui fut jamais. Je ne
regrette si ce n'est qu'elle sera plus petite de beaucoup que les aul-
tres, mais comme c'est une femelle, elle n'en vauldra peut eslrc pas
pfx, si on n'a pas du dessein d'en tirer de la race. Pour toute revanche
de voz nouvelles je ne vous sçaurois dire que le départ de M"" le Duc
de Crequy depuys cette nuict à deux heures qu'il se fit porter en une
chalouppe sur les galères sorties dez le soir précédant, et aussy tost a
faict chemin. M' le Mai'eschal a accordé ce jourd'huy noz deux consuls
66.
524 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qui s'estoient entiebattus ' et s'en va tenir son assemblée à Manosque''
mandée à demain. Madame la Mareschale se resouldra de partir pos-
sible de là pour un voyage cbez elle sans revenir icy qu'aprez l'esté, à
ce qu'on dict, et sur ce je demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
.Ce 16 may i633.
J'oublioys de vous dire que voicy le second ordinaire que la Gazette
a manqué, n'ayant receu par le dernier que celle du 29 avril qui de-
voit estre arrivée dez la précédante semaine , dont j'ay faict plainte à
ceux de la poste croyant qu'ils eussent affecté de retarder la délivrance
du pacquet recognoissable par le cachet de l'esperon. Mais ils m'ont
juré qu'il n'estoit venu que sammedy dernier et que s'il a esté arrésté,
ce doibt avoir esté à Lyon, de sorte que le cachet que je pensoys luy
servir de passeport leur sert maintenant de subject de retardement.
Je vous renvoyé la lettre de M' Grotius qui est trez belle à voir, et
vous en rends mille trez humbles actions de grâces.
Vous avez tousjours oublié de me mander si le livre du sieur Bos-
quet de l'Histoire de l'Eglise Gallicane in 8° se trouvoit à vendre ^ ou
non, car on en a veu icy un exemplaire*.
' Les consuls Gabassol et Saint-Marlin , pour voir la seconde édilioii fort augmentée,
inentionnés un peu plus haut. laquelle parut en l'année qui précéda sa
' Voir, sur Manosque, t. I, p. 70. mort : Ecclcsiœ Gallicuuœ Historinrum libri
' Ecclesim GalUcanœ Historiarum liber I IV (Paris, Jean Gamusat, i636, in-i").
(Paris, i633, in-8°). Peiresc vécut assez ' Vol. 717, fol. 2 '12.
[1633]
AUX FRÈRES DUPUY.
525
CXII
\ MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
En mesnie temps que nous avons receu la despesche du dernier or-
dinaire du i3™', il s'est oportunement présenté une commodité d'un
gentilhomme qui m'est venu demander la responce d'une lettre qu'il
m'apporta cez jours passez , de la part de M"" de Thou , lequel j'ay trouvé
en si bonne disposition de se charger des deux livres que vous me de-
mandiez pour M' Godefroy (de ces voyages de Philippe d'Austriche ' et
de Charles V^) que je les luy ay faict bailler incontinant, de sorte que
vous les recevrez plus tost que ma responce à vostre despesche du
susdict, parce qu'il m'a surprins sans me donner le loisir que d'escrire
un mot à M' de Thou, à qui j'ay faict faire l'adresse de cez livres, ayant
esté contraint de quitter la plume (que j'avoys prinse pour vous es-
crire) sur des compliments que l'on m'est venu faire de la part de
M' de l'Estrade^, gouverneur de Messieurs les Ducs de Mercure et Prince
de Martigues *, qui m'a envoyé certaine boitte de Rome que le Gar-
' Philippe I, dit le Beau, (ils de l'em-
pereur Maxitnilien et de Marie de Bour-
gogne, porta d'abord le titre d'archiduc
d'Autriche, devint eu i48a souverain des
Pays-Bas, en i5o4 roi de Castille, et mou-
rut en i5o6, à l'âge de vingt-huit ans,
laissant deux fils, Charles-Quint et Ferdi-
nand.
- Par /tores faut-il entendre ici manu-
scriis? En pareil cas les voyages du second
des princes nommés seraient s )it la descrip-
tion des voyages , faicts et victoires de l'em-
pereur Charles, V' de ce nom, etc., par le
seigneur Jacques de Herbays (ms. de la bi-
bliullièquc de Madrid), soit le Journal des
voyages de Charles-Quint, de i5ii à i55i,
par Jean de Vandenesse, ce dernier journal
publié par M. Gacliard (Bruxelles, iSy'i,
in-4*) , dans la Collection des voyages des *ou-
veraiiis des Pays-Bas. Le savant éditeur ne
cite, dans son Introiluction, aucun ouvrage
imprimé qui puisse être pris pour un des
livres communiqués par Peiresc à Gode-
froy.
' Ce personnage ne figure dans aucun
dos recueils du xvii* siècle que j'ai pu con-
sullcr.
' C'étaient les fils de César de Vend<\me
et de Françoise de Lorraine, duchesse de
.Me: cœur, princesse de AMarligues, laquelle
526 LETTRES DE PEIRESG [1633]
dinal Barberin luy avoit baillée pour moy. Et m'a t'on dict en mesme
temps que cez princes venoient d'arriver de la Sainte Balme, et qu'ils
estoient aprez le desjuner, pour passer oultre incontinant, de sorte
que j'ay esté constraint d'y accourir, et n'ay peu rendre mes remerci-
ments à M' de l'Estiade sans les sallùer, dont j'ay esté merveilleuse-
ment bien édifié, car certainement il ne se peult rien voir de plus gentil
que cez princes, ne de plus affable et plus honneste. Hz nous ont faicl
une trez agréable description des plus curieuses choses qu'ils ont veiies
en leur voyage de Naples, et particulièrement de la Gueulle du Mont
Vésuve, qu'ils sont allé voir toute branslante et bruyante de canonades
naturelles. Ils ont surprins icy tout le monde, car on ne les allendoit
qu'à ce soir, et n'ont pas voulu partir sans aller rendre la visite à
M' le Premier Présidant, qui les avoit visitez assez précipitamment. Vous
prendriez plaisir sans doubte de les voir parler et agir de trez bonne
grâce, et de gouverner un peu M' de l'Estrade sur les honneurs que
l'on a rendus partout à cez jeunes princes et spécialement M'' et Ma-
dame de Savoye, et le Cardinal Borgia\ qui, en qualité d'advoiié pour
parent du féu Roy, leur a voulu rendre tout plein de compliments, et
les vouloit accompagner à dix milles de Rome à leur départ, si on luy
eust laissé faire. J'ay esté tout ravy de voir la relation de cette epistre
de S' Clément aux Corinthiens de si ancienne escripture, ce qui me
faict insister de tant plus en la bonne espérance que j'avoys conceiie
de voir un jour quelque fragment des ïetraples ou Hexaples. La venue
de nostre navire S* Esprit a été un peu recuUée par le retardement de
sa partance; je ne seray poinct bien en repos d'esprit qu'il ne soit
arrivé à bon port, me promettant que tost ou tard nous y aurons
nostre conte Dieu aydant, et que vostre bonne fortune, et l'ascendant
était fille de Philippe-Emmanuel de Lor- ' Gaspard Borgia , fils de François duc de
raine, duc de Mercœur, et de Marie de Gandie, né en i584, créé caidinal par
Luxembourg, celte dernière fille unique et Paul V en 1611, fut archevêque de Séville
héritière de Sébastien, vicomte de Marti- et de Tolède, vice-roi de Naples, ambassa-
gues. Ainsi s'expliquaient les noms que por- deur de la Cour d'Espagne à Rome, el
taient les deux voyageurs. mourut à Madrid en novembre 1 645.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 527
que vous avez sur les bons livres, aydera grandement la noslre, aussy
bien que l'heureuse industrie de celuy qui est pour inoy sur les lieux,
et que vostre puissant génie sur les lettres fortifiera tellement la foi-
blesse du nostre qu'il y aura de quoy surmonter les diincultez qui
pourroient y eschooir. Quand cette epistre de S' Clément se pourra re-
couvrer, je la payeray bien volontiers un peu plus que de son prix
courant, et s'il s'en pouvoit avoir plus d'un exemplaire, j'en envoyerois
trez volontiers de là les monts. Je vous remercie trez humblement de
l'acquisition que vous m'avez faict de l'Itinerarium Benjamini et du
soing que vous avez de me faire avoir les Indes Occidentales de Lae-
tius qui ne peult pas estrc si cher s'il y a tant de figures en taille
douice, comme on dict. Il doibt partir dans sept ou huict jours de nou-
veaux députez de la ville de Marseille, par lesquels j'envoyeray un peu
d'argent de secours. Vous remerciant bien humblement de la tran-
scription qu'il vous a pieu me faire faire tant par Quentin que par le
coppisle Grec et aultres, car le procès de Montmorancy n'est pas, ce
me semble, de la main de Quentin et me double qu'il soit à renvoyer,
dont vous m'adverlirez s'il vous plaict afin que je le fasse transcrire
icy avant que le vous renvoyer, estimant que c'est une assez grave
pièce pour servir d'ornement à une estude. La lettre du Galilei
que je pensois estre entre les mains de M"' de la Motte n'estoit pas
escripte à luy mcsme, ains aux sieurs Diodati et Gassendy conjoin-
tement, mais je pensois que M"" de la Motte auroit esté assez cu-
rieux pour en retenir une coppie; il fauldra recourir à M' Diodati,
qui doibt avoir l'original par devers soy, dont il ne fera pas difficulté,
je m'asseure, de nous octroyer une coppie, y ayant des particularitez
sur son libvre qui y sont notables et dignes d'estre joinctes à celles de
la dernière lettre du diot Galilée que vous avez prins la peine de
transcrire vous mesmes, à ce que vous m'en disiez. J'ay esté infiniment
aise d'apprendre que l'entreveiie de M" Petit et Valloys ayt esté avec
tant de satisfaction réciproque et que M"" Petit ayt eu moyen de voir
et extraire ce qui luy pouvoit servir dans mon volume des Eclogues,
comme aussy de l'édition de son troisiesme volume Lectionum sacrarum
528 - XETTRES DE PEIRESC [1633]
dont le tiltre sent bien son bon ', espérant que le contenu respondra
tousjours mieux à l'expectation que l'on a de ce pérsonage dont i'inge-
nuité est si grande parmi une lecture si universelle qu'on ne la sçauroit
assez loiier. Au reste je n'ay pas manqué de faire voz recommandations
à M' Gassendy, nostre bon hoste, qui vous remercie de tout son coeur
de l'honneur de vostre souvenir; sa considération principalement nous
a faict venir à bout de la partie que nous avions faicte pour arracher
d'Avignon le R. P. Athanaze Kirchser, qui est icy depuis quattre ou
cinq jours, où nous avons prins grand plaisir de le gouverner; il a de
trez belles notices et de beaux secrets de la nature dont l'un , trez mer-
veilleux, dont il nous promet de nous faire voir la preuve, est d'une
horologe de liège nageant sur l'eau dans lequel il a gravé une raye ou
canal remply d'une graine de plante de Solanum- qui se trouve tous-
jours au soleil comme la fleur, en sorte qu'il marque justement les
heures au bord du verre remply d'eau, dont il dict avoir faict voir la
preuve en bonne compaignie en pleine table, en la présence de l'Elec-
teur de Mayence*, et bien qu'on soit à couvert du soleil dans le logis, ou
que le ciel soit couvert de nues, l'horologe ne laisse pas de monstrer
tousjours les heures fort justes, aultant qu'il y en peult avoir dans
l'arc que faict le soleil sur nostre orizon. Quand cela ne seroit pas si
exactement juste, et qu'il ne s'y cognoistroit d'aultre difî'erance que de
tourner au levant ou au midy ou au couchant successivement à peu
prez, je le tiendroys tousjours pour un grand miracle de la nature,
et qui mérite bien d'estre veu*. Son enlreprinse des Hiéroglyphiques
' Sentir son bon se disait autrefois pour
sentir bon. Je ne retrouve pas l'expression
de Peiresc dans nos principaux dictionnaires.
'' Plante de la famille des Solanëes. So-
lannm se trouve déjà dans Ambroise Paré. Le
Dictionnaire de Cutgrave donne Solane. La
Gurne de Sainte-Palaye cite, en son Glos-
saire, cette phrase de Pelletier du Mans :
tret les Solans provocant à dormir.»
' C'était Anselme Casimir, né le 3o no-
vembre i58a , successeur, le 6 août 1629,
de l'arcbevêfjue Georges-Frédéric; il mourut
à Francfort le 9 octobre 1 667. Voii' VArt de
vérifier les dates, t. XV, 1819, p. i48-i5o.
' On peut rapprocher la description que
fait ici Peiresc, de tous les curieux détails
dormes sur les diverses découvertes de Kir-
cher dans l'article très ample de la Biblio-
thèque des écrivains de la Compagnie de Jésus
(t. II, col. ii5-46i).
I
[1633] AUX FRERES DUPUY. 529
a esté interrompue pour quelques jours, mais il s'en promet tousjours
beaucoup, et les eschantillons (ju'il nous en a faict voir sont bien con-
sidérables. Nous sommes aprez à ne|joticr pour le faire venir demeurer
en celte ville un an si faire se peult, auquel cas nous n'oublierons rien
de tout l'art des sages femmes pour tascher de le faire accoucher de
cet ouvrafje'. Et vous adverlirons du progrez, sur quoy je finiray de-
meurant.
Monsieur,
vostre Irez humble et obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 21 may i633.
Je viens d'apprendre que le pauvre Sanson Napolon a esté tué au-
prez de Tabarque'^ avec quelques uns qu'il avoit amenez avec luy, et
le plains bien. Le prieur de Roumoules vous remettra la relation du
Mogor et M' de Loraenie vous fera voir ce que nous avons de deçà. La
gazette est venue cette fois^.
Je m'estonne que voz libraires n'ayent sceu venir à bout de ce
petit m[anu]s[crit] des Cophtes de M' de Thou pour en dcscoUer les
feuillets.. Quelqu'un m'a voulu dire qu'il les falloit tremper dans de
riiuille ou de la graisse chauffée que je vous conseille de faire essayer,
si mieux vous n'aymez que je le fasse tenter à mon relieur, qui n'est
pas trop mal adroict en aultres choses. Car pour la tache de l'huille ou
' On reconnaît dans cette spirituelle plai- tiië en attaquant le fort de Taharca. Voir sur
sauterie, comme dans quelques autres lieu- les circonstances de cettp mort le draraa-
reuses plaisanteries de cette correspondance . tique récit de M. H.-D. de Grammont (£a
le vif causeur dont J.-J. Bouchard n dit en mission de Sanson Napollon, Alger, t88o.
ses Confessions, di5jh citées : «ses discours |). 76).
sont libres et gays sans beaucoup de scru- ■' Dans un des niimdros suivants de la
pule.. .1 Gatette, Peiresc put retrouver des détails
' Tabarca ou Tabaraka, île de la Médi- (p. a35), envoyés de Marseille, le a6 mai
terranée, sur la côte nord de Tunis, près de t633 , sur la mort du -Capitaine Sanson,
la Calle. Ce fut le 11 mai que Sanson Na- Gouverneur du Bastion de France» , devant
potion, victime d'une odieuse trahison, fut le irchâteau de Tabarque».
67
IVrMMIMB ■4Tt01ittI
530 LETTRES DE PEIRESC [1633]
de la graisse, il ne seroit pas mal aisé par aprez de l'oster ou diminuer
en sorte que le livre n'en seroit pas hors d'usaige. Mais je ne sçay
comme j'avois prins celte équivoque de croire que vous m'eussiez es-
cript, comme il me le semble encores, que l'un de cez petits volumes
Cophtes esloit une espèce de vocabulaire ou de grammaire, et me
sembloit mesnies que vous m'aviez mandé que cela meritoit d'estre tenu
secret, comme je n'en avoys rien dict à persone, ne mesme au dict
sieur Petit, et m'estois contenté de vous en faire souvenir pour au cas
que ne le trouvassiez pas hors de propos, le faire communiquer au
dict sieur Petit'.
CXIIl
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
j'ay esté bien marry d'apprendre que M' de Saulmaise ayt eu si peu
de satisfaction à son arrivée en Hollande^, comme vous dictes par la
vostre du ao"*, et si peu de subject de s'y arrester comme j'eusse désiré
qu'il eusse peu faire pour un an ou deux seulement, pour avoir le loisir
de voir un peu plus paisiblement les m[anu]s[crit]s plus curieux du pais ,
avant que revenir en France, oii je le verray bien plus volontiers qu'en
aultre part quelconque. Je suis trop redevable à M'' Rigault du soing
qu'il luy plaict de prendre de me faire transcrire dans la Bibliothèque
cette vie d'Homère, et ce qu'il y a dans les autheurs latins en la ma-
tière de Mensuris et Ponderibus, sur laquelle j'ay receu un cahier de
la part de M' Holstenius, que je prixse bien encor que ce ne soit que
' Vol. 717, fol, 943. resque récit des mésaventures de son
' Saumaise n'ent-il donc jamais que du voyage de Dieppe à Leyde et de son ar-
mécontentement de son retour en Hol- rivée en cette dernière ville (fascicule V
lande? Voir, dans une lettre de cet érudit à des Correxpondanis de Peiresc, p. 157-
Jacques Dupuy, du 4 avril 1687, le pitto- i63).
[1633 1
AUX FRKRES DUPUY.
531
ce (|ue M' Rigault m'a jà envoyé soubs le nom d'Ensebe. Car celiiy
cy vient d'un m[anujs[ci'itj de 800 ans, du feu cardinal Sirlet ', qui est
dans la Vaticane, où se trouve de (juoy suppléer fort commodément
des lacunes et confusions qui estoient restées en la coppie de M' Ri-
gault. Il m'escript que dans le volume de M' de Tlioulouse, parmy les
opuscules d'Héron ^ ce qu'il a faict de cette matière de Ponderibus et
Mensuris y est fort correctement (au inoings beaucoup mieux que dans
mon ni[anu]s[crit] de Darmariuvs) et que la version latine y est aussy
du sieur d'Auria^. De sorte que si celuy qui est saisy de ce volume
de M' de Thoulouse n'est pas en estât de s'en dessaisir si tost, je
vous supplie de luy faire trouver bon que vostre copiste Grec m'en
transcrive les chappilresde Ponderibus et Mensuris, avec la dicte version
latine, afin qu'à ce moys de juillet Dieu aydant que nous serons sou-
lagez du Palais, je puisse tout d'un train examiner cette matière comme
il s'appartient et respondre à M"' de Saulmaise plus cathegoriquement.
M' Holstenius m'a envoyé son Pbilon Byzantins' des vn miracles du
monde, lire du Vatican, avec la version latine qu'il en a faicte ^, où j'ay
trouvé de quoy faire de bien beaux suppléments à toutes les descrip-
tions que j'avoys peu voir des Pyramides d'iEgypte, qui estoient bien
' Guillaume Sirlet, né à Stilli, mourut à
Rome en 1 585 , âge de soixante et onze ans.
Il fut nommé cardimil par Pie IV en i565.
Sur ce bibliothécaire du Vatican, voir les sa-
vantes et récentes publications de M. E. Mïint?.
ot de M. P. de Noihac.
' Voir l'important travail de Tli.-H. Martin
Sur les mathématiciens grecs nommés Héron ,
dans les Mémoires des savants étrangers, pu-
bliés par l'Académie des inscriptions.
' Joseph d'Auria est un mathématicien
napolitain de la seconde moitié du xvi* siècle.
Voij' la liste île ses travaux, parmi lesquels
on compte surtout des traductions en langue
italienne, da.ns l'article Auria de la Nouvelle
biographie générale.
' Philon de By zance , ingénieur du u' siècle
avant J.-C, auteur d'une Poliorcélique et
( peut^tre) de l'ouvrage De seplem orbis spte-
taculis dont il est ({uestion dans cette lettre.
' M. H. OuionL, dans un curieux article sur
Les sept merveilles du monde au moyen âge
( Bibliothèque de l'kcole des Chartes , 1 88s ,
p. ^9), rappelle que irl'honneur d'avoir élë
le premier et le meilleur éditeur de Philon
de Byzance revient au célèbi-e bibliothécaire
du Vatican, Lukas Holste, bien qu'aucune
desétlitions de Philon ne porte son nom. i> Le
savant critique rappelle encore, d'après le
Recueildc Boissouode ( lettre XXXIX , p. 78 ),
que L. Holstenius envoya, en i63a, à Pei-
resc le texte attribué h Philon de Byzance.
67,
532 > LETTRES DE PEIRESC [1633]
aultrement enrichies lors de cet escrivain qu'elles ne sont à présent. C'est
M' Bodier ' que vous cognoissez qui m'a apporté de la part du dict sieur
Holstenius deux despesches de bien différante datte , des 6 octobre et 7 de
ce nioys de may, avec tout plein de petits desseins de vieux trépieds et
aultres curiositez de mon goust dont je luy suis bien redevable, mais
beaucoup plus de la confiance avec quoy il me descharge son coeur, en
sorte qu'il y a grand subject d'interpréter un peu plus benignement
tout ce qu'on nous avoit dict de luy^ dont j'ay apprins le dettail de la
bouche du dict sieur Bodier qui vous en entretiendra tout à loisir, et
vous fera,. je m'asseure, advoiier que s'il se laissa transporter à quel-
ques paroles dont il eust mieux faict de s'abstenir, ce fut pour avoir
esté un peu trop pressé et violante par le sieur de la Grilliere et en
temps que le pauvre homme estoit bien ulcéré de voir ses affaires d'Al-
lemagne du tout désespérées. Cez esprits ont besoing d'estre un peu
choyez [comme]' vous l'avez trez bien préjugé, la nation portant na-
turellement un peu d'humeur difficile à ployer, et à dissimuler ses sen-
timents. Je vous envoyé non seulement la lettre qu'il m'avoit escripte à
son retour de Pologne (oij je suis un peu honleux que vous voyiez qu'il
me tienne pour celuy que je ne suis nullement, et que je ne sçaurois
estre de ma vie, pour m'avoir mesuré à une aulne dont je n'estoys [tas
digne), mais anssy des extraicls de cez deux belles epistres qu'il m'a en-
voyées par M' Bodier, ayant retenu les originaulx pour luy pouvoir faire
la responce, et faict laisser pour bons respects quelques mots en blanc,
que vous pourrez, un jour, faire remplir en l'exlraict, et suppléer tout
ce qui en a esté retranché, car je vous envoyeray les dicts originaulx.
Maiz il importe bien que cela ne soit pas veu hors de voz mains, et
qu'il n'aille pas que par des commoditez d'amys bien confidants. Si un coup
' On a deux leUres de Peiresc à M. Bo- frère Pierre, le lii janvier i63.3, que
dier, une du i3 juin i633, l'autre du 3 sep- L Holstenius, qui venait d'obtenir un ca-
lembre i635 (Minutes de i'inguimbertine, nonicat à Cambrai, avait tenu des propos
registre VI, fol. ôaS et 699). blessants pour la nation française.
■ iNous avons vu que le chartreux Chris- ^ De'chiriu-e du papie:-.
tophe Dupuy avait écrit de Rome, à son
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 533
il pou voit cstre venu à bout de sa petite prelenlion, je pense que le publir
y trouveroit bien de l'advantajje, et qu'il n'y auroit pas tant à regretter
comme il sembloit, à tout ce qui s'estoit passé. Vous verrez comme il
s'estoit esmeu d'une prière que je m'estois ingéré de luy faire comme son
serviteur, pour le porter seulement à souffrir qu'un honnest' homme de
la cour du cardinal son maistre passast pour son amy, de crainte que
j'avoys des charitez qu'on se preste en ce pais là, et des calomnies où on
en vient aulcunes foys. Mais il n'y a pas eu de moyen de le vaincre ne
de le fleschir, dont il s'excuse de si bons termes, que cela mérite bien
d'estre veu, pour y recognoistre les Iraicts de son humeur et de sa
l'ranchise; tant est que vous y verrez ce que nous cherchions, qu'il
ne se destasche nullement de la France, et ne veult pas desadvoiier le
bon gré que ses amys pourroient prétendre de leur bonne volonté en
son endroict. Tellement qu'il ne sera pas de besoing de luy faire co-
gnoistre la peine où nous en estions, et que vous avez beaucoup mieux
rccogncu que je l'eusse peu faire comment il le falloit traicter, y ayant
de l'apparence que si je luy en eusse escript, comme je l'eusse possible
faict sans voz deffances, il se seroit peult estre esmeu plus avant que
nous ne desirions. M"' Bodier partit d'icy le lendemain de la Feste Dien
pour aller à Monipelier où il ne faict estât de sesjourner que huict
jours, et puis reprendre la routte de Paris. Nous ne l'avons peu gou-
verner qu'à la desrobée durant une aprez disnée; vous prendrez grand
plaisir, je m'asseure, et toute l'Academye, à ses belles relations. Il s'en
va tout chargé de bons libvres, à ce que j'ay peu comprendre, et bien
curieux papiers et mémoires dignes de son humeur. Je viens de rece-
voir le petit itinéraire de Benjamin, dont je vous remercie trez hum-
blement ensemble des mémoires de M'' de Villeroy ' et aultres pièces y
joinctcs, comme aussy de l'advis du Dictionnaire Arabique Ambrosien
(jue j'ay envoyé quérir du costé de Gènes où nous en debvions avoir
un peu meilleur marché. Il nous viendra bien à propos pour l'usaige
du R. P. Athanase Kircher, qui se va remettre à la version de son Raby
' C'est-à-dire de l'ouvrage de Pierre Mallhieu , déjh plusieurs fois mentionné.
534 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Baracliias Nephi Babylonien, sur les Hiéroglyphiques des obélisques
d'iEgypte. M'' Bodier l'a veu céans, et vous pourra bien descrire sa
persone et quelque chose de son humeur et de son inclination et fran-
chise un peu plus grande que l'ordinaire de ses collègues. Il s'en est
retourné en Avignon , en attendant s'il y aura moyen de le faire revenir
icy pour plus longtemps, comme l'on est aprez. Nous avons aprins par
ledict sieur Bodier la mesme nouvelle que vous nous mandiez de la
prison du pauvre Galilée, que nous déplorons infiniment', estimants
que si aulcun la pouvoit avoir méritée pour l'édition de ses dialogues,
ce debvoient estre ceux qui les avoient chastrez à leur poste, puis qu'il
avoit remis le tout à leur discrétion et disposition première. Vous en
verrez un jour un peu de relation. Et je finiray remettant les nouvelles
à M' de Lomenie, et denjeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
PE Peiresc.
A Aix, ce 3o may i633.
Nous avons icy M' du Lieu qui se plaignoit de certains maulx fori
semblables à aulcuns des miens dont je luy ay bien donné de la tabla-
teure ^ et pense que s'il me croit il s'en trouvera trez bien. La Gazette
n'a pas manqué à ce coup. 11 y a un qui parle de la faire publier icy à
l'arrivée de l'ordinaire.
' Galilée, appelé à Rome par la Con-
grégation du Saint-Office, était arrivé dans
cette ville, le lo février i633. Il fiit détenu
d'abord dans le palais delà Trinité-du-Mont,
chez l'ambassadeur du duc de Toscane. Il fut
ensuite détenu dans les appartements du
fiscal de l'inquisition : c'est îi cette détention ,
qui dura une vingtaine de jours , que s'ap-
plique la phrase de Peiresc si pleine de tris-
tesse et de sympathie. Galilée , dès le i " mai ,
fut ramené au palais de l'ambassadeur Nic-
coliui , ovi il jouissait d'une liberté relative
et où il était traité avec les plus grands
égards.
' Tablature est employé ici dans le sens
de notice, connaissance , sens ainsi indiqué
dans le Dictionnaire de Trévoux : rrNaudé a
dit , dans son Mascurat, donner une tablature ,
pour donner une notion, une comiaissancc
de quelque chose : Tu parles si pertinem-
ment du métier qu'il me faut dorénavant
exercer, (jue je ne pense pas de trouver ja-
mais personne qui m'en puisse donner meil-
leure tablature que toi. Mascurat. i
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 535
Le i\ Atlianase Kirclier m'a dict qu'il a faicl imprimer un petit
traicté de Majjnete en Allemagne', que je verroys bien volontiers pour
l'amour de iuy s'il se trouvoil de par delà, et quand mesmes il ne se
trouveroit pas à vendre je l'emprunterois de bon coeur de quelqu'un
pour en avoir la veue et le renvoyer incoutinant.
De ce traicté d'Horlensius de Hollande sur l'observation de Mercure
de M"" Gassendi, quand il s'en pourra avoir deux ou froys exemplaires,
jo vous supplie de ne les pas laisser eschapper, afin que nous en puis-
sions faire passer quelqu'un de là les monts ^.
CXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
A ce coup je vous annonce l'arrivée du vaisseau S' Esprit au port de
Marseille puis vendredy avec mes deux caisses qu'on dict estre fort
{{randes contenants une cinquantaine de volumes Grecs, m[anu]s[crit]8
en velin ou parciiemiu, touts venus du mesme trou d'où esloit sorty
le volume des Eclogues de Constantin Porphyrogenete qui m'avoit esté
envoyé pour monstre ou pour escliantillon, depuis lequel temps celuy
qui m'avoit envoyé les Eclogues estoit decedé , et les livres avoient esté
partagez en quattre parts dont je n'en ay peu avoir que les deux sur
l'une desquelles estoit imputé celuy des dictes Eclogues. Mais si je
trouve dans ce nombre quelque pièce qui m'invite à plus grande re-
cherche, il fauidra faire effort pour avoir les auitres portions. Cez
caisses ont esté mises si avant en l'office du navire qu'on a prins trois
jours de terme pour descharger ce qui est par dessus, lesquels jours
me sont plus longs que des années, tant j'ay d'impatiance de voir s'il
' Magiics sive de arte magnetica libri Ire^ aulhore P. Athanasio Kirchero, elc. — ' Vol. 7 1 7,
fol. 946.
536 LETTRES DE PEIRESC [1633]
y aura rien qui vaille. On m'escript qu'ils sont la pluspart imperfects
au comniancement et à la fin, qui n'est pas une petite mortification,
mais de cette marchandise (comme de la bonne confiture) les frag-
ments ne laissent pas de fournir bien souvent de lalliment bien agréable.
Et ce n'est pas une petite mortification encores de ne vous en pouvoir
envoyer le rooile par cet ordinaire, mais j'espère les avoir à temps pour
le dresser et envoyer par le prochain Dieu aydant. Ils ont couru je ne
sçay combien de fortunes depuis avoir esté acheptez pour moy, tant
des corsaires, que du feu qui se print aux pouldres, et brusla toute la
chambre 8'*= Barbe et toutes les marchandises qui estoient en un lieu
d'où mes caisses n'avoient esté ostées que peu d'heures auparavant et
par un hazard nompareil, touts lesquels adminicules' me font espérer
qu'en ce nombre de livres y en debvroit avoir quelqu'un, dont la for-
tune ou la fatalité portast d'estre conservé par mérite particulier
aprez tant d'années. Celuy qui m'a fait la faveur de les aller chercher
fut prins par les corsaires chrestiens de Malte, voilé, despouillé et
laissé tout nud en chemise en plein hiver exposé dans un boys, sans
vivres et sans eau durant plus de troys jours, jusques à ce que des Turcs
par compassion luy donnèrent du pain pour l'honneur de Dieu , et le
moyen de faire chemin jusques en lieu de cognoisçance, où il eust enfin
cez livres, tellement qu'ils ont bien cousté de la peine et de l'incommo-
dité à ce mien charitable aniy que je regrette bien plus que l'argent
tant du prix de l'achept que des fraiz deson voyage. Mais s'il y a quel-
que bonne pièce, nous ne laisrons pas de nous consoler. On me faict
esj)erer une cassette de livres ez langues Orientales, qui viendront
possible encor à temps à la Bible de M" Le Jay.
J'ay eu vostre lettre du 27"°^ du passé, où j'ay apprins la faveur qu'il
vous a pieu me faire en me procurant la participation de ce traicté de
Fra Paolo dont je vous suis bien redevable. Vous m'avez envoyé long
temps y a les vies de ces Papes d'Avignon in 8° du sieur Bosquet^ et un
' Nous avons déjà trouva ce mot dans le annum mcccxciv ex mss. codicibm nunc
tome I, p. 469. pnmum édita et tiotis illustrata a D. F. Bos-
' Historta ab anno Chrisli ucccv nd quel, Narbonensi, etc. (Paris. Séb. Cra-
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 537
second exemplaire du mesme que j'ay faict passer de là les monts. Mais
ce mesme aultlieur a faict imprimer uii aultre ouvraiye de bien aultre
importance en la mesme forme in 8" de l'Histoire de l'Eglise Gallicane
qu'il a Iraiclée de deux différantes manières, car il faict un dénom-
brement selon l'ordre des temps comme une espèce d'index chronolo-
{{ique de toutes les traditions ecclésiastiques. Et séparément le pre-
mier libvre de l'bistoire telle qu'on la peult vérifier par bons aultlieurs
ou tiltres valables à commaocer de la mission des disciples de S' Poly-
carpe. C'est chez Gamusat , de celte année , avec privilège du 1 4 décembre
dernier'. Il s'en est veu icy un exemplaire avec diverses epistres limi-
naires et Préfaces. Et s'il estoit loisible d'en avoir deux ou troys exem-
plaires, je les payeroys fort volontiers, vous advouant que j'av prins
plaisir de le voir, et croys que de mes amys n'y en prendroienl pas
moings que moy. Encores que le livre soit imprimé, possible n'a ce
pas esté pour le publier, ains pour le distribuer seulement à quelques
amys, comme celuy que nous avons veu est venu de la main de l'àu-
theur, et pour une courtoisie particulière dont il a voulu user envers
celuy qui l'a receu. G'est pourquoy, si le livre n'avoit esté publié, je
vous prie de n'en faire pas d'aidtre bruict, et m'excuser de la peine. La
première epislre est adressée à M'^le Président du Mesmes^ et sans nom
d'autheur; la seconde, où il se nomme tout au long, est adressée aux
evesques, prebstres et diacres, et à tout le clergé de France.
Monsieur Galiand m'oblige fort de se souvenir et du rov Hugues
Capet et de moy. Mais s'il laisse partir de Paris M' le Prieur de Hou-
moules, nous n'aurons pas facilement la mesme commodité de faire
mouUer ce beau cachet. G'est pourquoy mon obligation luy en seroit
bien plus grande de beaucoup. Sur quoy, n'ayant aultre chose à vous
moisy, i63a). L'ouvrage est tlt'dié à l'nbr»?- ' C'était le président Henri de Mesiues.
viateurel continuateur des /limn/w de Baro- qui avait mis Bos<|uet en relation avec Pei-
nius, Henri de Sponde, évêque de Pauiiers. resc, comme le rappelle M. l'abW Henri
' C'est l'ouvrage diîjh mentionné : Eccle- dans son livre déjà cité sur le savant évKjue
sue Gallicanœ Historiarum lilicr I (Paris, de Lodève et de Montpellier (p. aS-ag).
i633, in-8°).
II. 68
538 LETTRES DE PEIRESG [1633]
respondre pour le présent et me trouvant pressé d'ailleurs, je finiray
demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 6 juin i633.
J'oublioys de vous dire que l'arrivée de M' l'Evesque de Digne chez
luy, de retour de son voyage d'Italie', a obligé M' Gassendi de l'aller
voir, y estant invité par le bon prélat si vifvement, que je ne le sceus
retenir qu'un jour. Il partit sammedy matin, avec promesse solennelle
de revenir bien tost avec M'' son Evesque, bien mortifié de ne se pou-
voir trouver icy à l'ouverture des caisses de mes libvres Grecs m[anu]-
s[crit]s dont j'avoys receu l'advis le soir avant son départ.
En son absance l'on m'a addressé une lettre du R. P. Athanaze
Kirchser pour la faire servir à M"" iVIidorge-, à laquelle j'ay joinct un mot
de ma main, que je vous supplie de luy envoyer par quelque amy ou
par quelqu'un des vostres. Et d'aultant que l'on m'a faict voir de ses
ouvraiges que je n'avoys pas, je vous supplie de me faire achepter un
exemplaire de tout ce qui se trouvera de luy '.
CXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'eus bien de la mortification à l'arrivée de mes caisses, en ayant
trouvé fune mouillée et plusieurs livres quasi pourris dans l'estive*
' RaphaëldeBoulogneoudeBollogne,cléjà * Chargement d'un navire. Le mot estiW,
mentionné plusieurs fois, notamment p. 170. qui n'est point dans le Dictionnaire de l'Aca-
Sur le mathe'maticien Claude Mydorge, demie française , provient, selon Littré, de
voir 1. 1, p. /178-479. l'espagnol estiva, lest. Voii- le mot eslive dans
Vol. 717, fol. 948. le Dictionnaire de Trévoux.
[1633J AUX FRERES DUPUY. 539
du navire. Et, qui pix est, ayant trouvé qu'il y avoit fort peu de vo-
lumes entiers, et que le plus {;rand nombre estoit de ces raenoioges
et auitres livres rituels pour l'usage des églises grecques, ce qui
m'a faict juger qu'il y a bien eu des pièces changées depuis la pre-
mière foys qu'on en estoit entré en marché pour moy, mais il se faut
consoler en de plus grands malheurs que cela. L'imperfection des com-
mancemenls et des feuilles finales n'est pas un petit retardement à la
descouverte des œuvres y contenues, qu'il fault examiner avec plus de
temps et de patiance que nous n'en pouvons prendre en la conjoncture
où nous sommes du dégel du Parlement. Il y a deux assez gros vo-
lumes de S' Ghrysostome dont l'un est in Matheum, mais je n'ay pas
encores peu vérifier si le texte grec y seroit d'aulcune des pièces dont
on n'a que la version latine. Il y en a un de S' Grégoire de Nazianze.
Je pensoys y avoir trouvé quelque chose quand j'y rencontray l'Aste-
rius in Phocam , qui n'esloit pas au recueil de Philippus Rubenius ', mais
je m'advisay incontinant qu'il y en nvoit un dans la Bibliothèque du
Roy. Ce codex canonum Ecclesiœ Afl'ricanae de M'JusteP y est et de plus
ce codex canonum Ecclesiœ Orientalis dont faict mention le dict sieur
Justel. Il y a une Iliade d'Honiere (mais ce n'est qu'en gros papier de
Damas) avec des gloses interlinéaires en rubrique, et des scholies mar-
ginales différantes de celles du Didymus' et de l'Eustathius*, où l'on
allègue souvent le Porphyre * en teste des articles. Je conjecturoys que
' Le recueil de Philippe Rubens (frère
atné du grand peintre, né à Cologne en
1674, morl h Anvers on 1611) est intitulé:
Electoriim libri duo , in quibux anliqui rilus,
ememlationes , censurée, Anvers, 1608, petit
in-fol.
' Christophe Justel, né h Paris le 5 mars
1 58o , y mourut en juin 1649. Voir sur cet
érudil l'article de la France protestante. Sou
Codex canonum Ecclesiœ africanœ est de
i6i5,in-8'.
' Didyme, grammairien d'Alexandrie,
contemporain d'Auguste et successeur d'Ari»-
tarque dans la direction de l'école d'Alexan- '
drie. On lui attribue des Scolies sur Ho-
mère qui ont été publiées plusieurs fuis,
notamment par Schrevelius, en son édilion
d'Homère (i656, a vol. in-4*) el par Fr. ,
Ritteren un volumespécial (Cologne, i8âS).
' Ëustathe de Coustantiuople , archevêque
de Thessalonique, mort à la fin du xii' siècle .
dont les Commentaire» sur l'Iliade et l'Odyssée
furent d'abord imprimés à Rome (iS&a-
i55o, 6 vol. in-fol.), puis à Bâle (i5&9-
1 56o , 7 vol. in-fol. ).
' On sait que Porphyre, philosophe d«
68.
54a
LETTRES DE PEIRESG
[1633]
ce fusse le Proclus , car encores que le commancement du texte y soit,
les préfaces sont imperfecles. Je ne sçay si ce ne seroit point quelqu'un
de cez troys que sont cottez en la bibliothèque du Roy. Bien est-il vray
que Gesnerus en met un en la bibliothèque de l'Empereur, in fol. avec
les scholies interlineaires et marginales que je liens estre comme le
mien; ce volume est assez bien conservé hors du derniei- feuillet et des
préfaces qui sont un peu rongées. Il y a un Orphée fort bien conservé'
et accompagné de tout plein d'aultres petits poèmes curieux; je pen-
soys y avoir trouvé quattre pièces de Proclus Lycius^ derrière l'Orphée,
qui ne fussent pas du commun , puis qu'ils ne sont pas dans les volumes
des poètes Grecs assemblez, mais j'ay veu dans le mesme Gesner qu'il
les a trouvés imprimez sans dire dans quel lieu ne en quel temps. 11 y a
une vie par^ Georgius etc. de S' Cbrysostome*, mais vous l'avez en la
bibliothèque du Roy. Enfin je me double fort qu'il n'y ayt rien de bien
exquis pour cette foys en ce qui s'est peu saulver de la pourriture, il y a
un petit opuscule de Clément Alexandrin allégué par Eusebe et par
Photius, de ce Riche qui se peult saulver^, mais je me double que ce ne
soit pas la pièce entière, ains des simples extraicls, car la teneur en est
l'école d'Alexandrie, disciple et biographe
de Plolin , appartient ou m° siècle après J.-C. ,
et que Proclus , philosophe de la même e'cole ,
le plus célèbre des commentateurs de Platon ,
appartient au v* siècle.
* ' Nul n'ignore que l'on possède sous le
nom d'Orphée des poèmes et traités qui pa-
raissent avoir été fabriqués en partie au
temps de Pisisti'ate , en partie dans les pre-
. miers siècles de l'ère chrétienne.
■ Le philosophe Proclus a été ainsi sur-
nommé parce que, natif de Gonstantinople,
il était par sa famille Lycien d'origine.
' Peiresc a mis de pour^nr.
' On a de Georges d'Alexandrie, qui vi-
vait dans le premier tiers du vu' siècle, une
Vie de saint Chrysostome , souvent réimprimée
(parfois avec la traduction latine de Gode-
froy Tillmaim), dans les éditions des œuvres
de ce saint. Plusieurs ont cni que ce bio-
graphe pouvait être identifié avec Georges,
patriarche d'Alexandrie de 6i6 à 63o.
' Le traité : Quis dives salvetur? se trouve
dans la plupart des éditions des œuvres de
Clément d'Alexandrie, personnage canonisé
trop facilement par plusieurs recueils biogra-
phiques. L'opuscule a été souvent publié à
part, tantôt en grec et en latin (Utrecht,
i8i6), tantôt en latin seulement (Kœnigs-
berg, i83i). Voir le traité en français dans
la Défense du Christianisme par les Pères des
premiers siècles de l'Eglise , contre les philo-
sophes, les païens et les Juifs, par Genoude,
a' série (Paris, i846, in-i8, p. aig-
a89).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 541
petite. Le livre est d'assez bonne marque, je le vous feray transcrire si
le desirez, ou vous eiivoyeray l'oriijinal. Je n'ay pas encores peu faire
de plus exacte perquisition. Et ne seray plus si félon A l'advenir pour
me vanter de rien que je ne tienne. La fortune de mon perquisiteur'
luy a plus mal dict cette fois que de coustume. Il y a deux grands vo-
lumes en Majuscule, d'une bien vénérable antiquité, mais ce ne sont
qu'usages d'églises; il est vray qu'il y pourroit avoir quelques bons frag-
ments soit du nouveau testament ou d'aullres livres sacrez qu'il fauldra
étudier plus h loisir. Il y a de ccz rituels d'assez bonne marque, avec les
notes de musique à la Grecque dont le bon P. Mercene est si en peine,
mais il fauldroit quelque prcbstre Grec, pour les chantera leur mode.
II y a diverses pièces du Metaphraste ^, tout cela ne peult estre que bien
commun. Il y a entre aullres une Anthologie en Majuscule, mais ce n'est
qu'une édition d'Aide' ^ue je n'avoys jamais veiie et que je trouve bien
belle. Si j'y descouvre rien de bon, vous pouvez penser que je ne le
vous cacheray pas, n'ayant riea qui ne vous soit entièrement desvoûé.
L'on me donne quelque meilleure espérance d'ailleurs , mais je n'ose plus
faire capital de rien qui soit si casuel et incertain. Je suis bien aise de
l'édition qui se faict à Paris de cette epistre de S' Clément ad Corin-
ihios, nous l'attendrons avec impatience. II fauldroit avoir moyenne la
mesme observance de rubrique d'Angleterre. Je suis bien encores plus
aise que M"" Petit aye emporté la liturgie Cophte, mais je suis eslonné
de voir que vous ne me parliez plus que d'un seul volume en celte
langue, car je resve bien s'il n'est vray qu'il m'en est passé deux par
les mains de ceux du coffre de M"" de Thou que je vous envoyay par la
poste à l'advance, n'estimant pas qu'il m'en soit demeuré aulcun des
siens entre les mains. Vous aurez oublié de l'avoir preste à quelqu'un.
' Ce mot perquisiteur n'a dU! re-
cueilli ni flanâ le Dictionnaire de. Ri-
chelel, ni dans celui de Trévoux. On le
trouve, au xvi" siècle, dans Cotgrave et,
au xvii*, dons V Anti-Menagiana de Ber-
nier (iCg.S).
chroniqueur byzantin, vivait dans le x' sièdc
api-ès J.-C.
' La première édition donnde par \U)e
est de 1 5o3 : Florilegium diversorum epi-
grammatum inseptem libros, gntce (Venise,
m œdibus Aldi, in-8°). Voir Manuel du li-
Simon Métaplirasle, lingiographe cl - braire, t. I, col. ^o-j.
542 ■ LETTRES DE PEIRESC [1633]
J'en ay trois volumes, mais ils sont plus gros que ceux de M' de Thou.
Je n'ay pas encore des nouvelles du dict sieur Petit sur son retour chez
luy, et m'imagine qu'il attendra la S* Jean. Je luy feray tenir cepen-
dant la lettre que vous m'avez adressée de M"" Grottius.
Je vous remercie trez humblement du bon accueil de M'' Gailhard.
Puisque M' le Prieur de Roumoulles s'est résolu à son voyage de
Guienne, je prieray le dict sieur Gailhard de se charger de mes petites
commissions tant que je le pourray pour vostre soulagement et des-
charge, ne vous estant que trop souvent importun, et pour le rompre
aux affaires de curiosité, s'il s'y peult jetter. Je plains grandement le
pauvre M' Diodati dans le malheur de son parent et son hoste, et
pourveu qu'il n'y demeure intéressé, il se fauldra consoler. Vous
avez trez bien faict d'employer Moulinot aux choses jalouses dont je
vous sçay fort bon gré. 11 me tardera de voir cette vie d'Homère par
Plutarche, que vous me faictes transcrire, puis qu'il vous plaict. Et ne
sera plus de besoing de prendre l'Eusebe de Scaliger, car j'en ay receu
un Dieu mercy, qui me saulvera le mien. Il me reste à vous remer-
cier trez humblement des nouvelles à présent qu'elles sont si rares.
On nous a voulu faire à croire que M' de Ghateauneuf estoit decedé' et
que la nouvelle venoit de la part de sa sœur-; je n'en ay rien creu. Et
demeure de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 1 3 juin i633.
Cette aprez disnée estant moy au Palais, MM" les Députez de Marseille
sont passez, et M' l'Assesseur, frère du sieur Viaz que vous cognoissez^
' Charles de l'Aubespine, marquis de abbesse de Royaulieu ; 3° Marie , abbesse de
Châleauneuf, ne mourut que ie q6 sep- Saint-Laurent de Bourges; 4° Elisabeth, ma-
terabre i653. riée à André de CrocheGiet, comte de Vau-
' Quelle sœur? Le marquis de Château- celas, chevalier des ordres du roi.
neuf en eut quatre: i° Magdeleine , mariée à ' Le frère du poète Balthazai' de Via».
Jean Olivier, baron de Leuville; a'Gabrielle,
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 543
est venu prendre chez nioy de mon homme une coupple de peaux de ce
«ajjrin ' verd de Perse que je vous avois promises pour remplacement
de celle que vous aviez desparlie pour l'amour de nous à M' le Cardinal
de Lyon, à qui j'en ay envoyé encores une coupple qu'il m'a faict de-
mander, pour garantir les vostres, m'en estant resté encor une coupple
céans, à vostre service et de voz amys, ayant esté bien marry de ne
m'estre trouvé au logis à son passage , car je le vouloys charger de
quelques pistoles qui marcheront par le premier amy, Dieu aydant;
il n'a pas mesmes prins une lettre que j'avois escripte pour luy à mon
dict seigneur le Cardinal de Lyor/M' le Prieur de Roumoules m'a ern'
voyé un dessein du seau de Hugues Capet qui est bien aultre besoigne
que celuy que M'' de Bié vous avoit baillé. Je n'y trouve rien qui ne soit
fort compatible à l'antiquité du siècle et en suis demeuré grandement
bien salisfaict. J'en attends l'empreinte qui me fera parler encores plus
aflirmalivement.
J'envoye à M"" Bodier une despesche qu'il m'avoit demandée pour un
de ses amys. S'il n'estoit encores arrivé à Paris, je vous supplie de la luy
faire garder pour la luy rendre à son arrivée, croyant bien qu'il ne
tardera pas à vous aller voir. 11 n'y a pas eu de moyen de vous envoyer
la chatte de M' de Bellievre par toutes cez commoditez, il en fauldra
attendre quelque aultre plus opportune. Je vous prie de faire garder à
M' l'Assesseur de Marseille la lettre pour Monseigneur le Cardinal de
Lyon.
J'ay prins la hardiesse d'escrire un mot à M' de Bellievre, maistre
des requestes*, en qualité de serviteur de M' le Président son père et
de M'' de Thou , son bon parent et cher amy, pour luy offrir mon service
et satisfaire au désir d'un amy qui m'a communiqué depuis peu un bien
joly m[anu]s[cnt] des poètes Provençaulx anciens, et pour luy recom-
' Nous avons déjà trouvé la forme »(^n h tour conseiller au Parlement de Paris,
pour chagrin. maître des requêtes, conseiller d'État, am-
Pompone de Bellievre, deuxième du bassadeur en Italie, en Angleterre et en
nom, fds du président h mortier Nicolas Hollande, premier président du Pailement;
de Bellievre et de Claude Brùlart. 11 fut tour il mourut le 1 3 mars 1 697.
544 LETTRES DE PEIRESC [1633]
mander une affaire de l'université de Thoulouse. Je vous supplie de
m'ayder à luy faire excuser ma témérité, et d'y employer si besoing
est l'intervention de M'' de Thou qui sera vraysemblablement à la suitte
de la Cour à qui je n'eusse pas manqué d'en escrire sans la presse du
parlement de nostre ordinaire.
Ce 16'™ juin, allant au Palais, oii l'on a prins jour pour l'affaire de
M"" de Bouteville ^
CXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay esté infiniment aise de voir par voz dernières du lo"^ que vous
soyez demeuré satisfaict des lettres du pauvre M'' Holstenius, et ne
manqueray pas de vous envoyer le Pbilo Byzantius par le prochain
ordinaire s'il ne pouvoit aller par celuy cy, m'advoiiant trez obligé à
M'' Rigault du souvenir qu'il luy plaict avoir de cette petite vie d'Ho-
mère. Je n'ay point receu de libvre de la part du cavalier del Pozzo'^
peult estre à faulte de commodité opportune; il fauldra voir si les ga-
lères de M"" de Crequy à leur retour pourroient faire l'office. J'ay plus
de dix ans y a une coppie d'un petit traicté qui porte le tiltre que vous
dictes, mais il me fut donné pour estre de la façon du feu cardinal
Bellarmin par une persone bien confidante à luy '. Je le chercheray à
' C'était la veuve de François de Mont- du cardinal Bellarmin : Quod Christus non
morency, comte de Luxe, seigneur de Bou- fueril rex temporalis ,i> dont il est question
teville, le décapité du 21 juin 1627 : Éli- dans une letti-e du P. Jean de Lorini à Pei-
sabeth-Angélique de Vienne, morte le 6 août resc, écrite d'Avignon le 1 4 juillet 1626, et
1 696, âgée de quatre-vingt-neuf ans. — publiée dans le fascicule VIII des Correspon-
Vol. 717, foi. aSo. dants de Peiresc, à la suite des Lettres iné-
' Voir, sur le cavalier del Pozzo, t. I, dites du cardinal Bichi , p. 2/11? J'ai rappelé,
p. 801. dans une note de ladite page, que Gassendi
' S'agit-il là du (ttraité de la propre main a mentionné (p. 3o3-3o4) l'autographe de
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 545
ce mois de juillet Dieu aydant que nous serons hors du parlement,
pour le vous envoyer, et me resouls de ranjjer mes livres et mes pa-
piers puis que j'y auray la main, ce qui me pourra fournir occasion
de vous communiquer (juelque aultre chose de voslre goust cl de celuy
de M"" de Louienie Dieu aydant. Vous aurez cependant à faulte d'aultre
chose une lettre du bon roy Françoys incontinant aprez sa prinse', la-
quelle vous avez sans doubte eue de meilleure main. Cela m'a faict
souvenir d'un volume couvert de veliours verd, que j'ay aultre foys
veu entre les mains de M"" Pasquier Valegrand, voisin de feu Monsei-
gneur le garde des sceaux du Vair, contenant des poullets^ et poésies
de ce bon prince dont le style n'estoit pas trop différant de celluy de
cette lettre^. Je ne seray pas marry que M' de Saulmaise face quelque
séjour à Leyden pour y jouyr des m[anu]s[crit]s qui y sont, attendant
si l'on pourroit prendre l'envie de le r'appeller avec quelques honno-
rables appoinctements. J'ay bien du regret de n'avoir sceu le passage de
M' de Nançay" que je seroys allé chercher beaucoup plus volontiers que
Bellarinin donné pîir Lorini, après son re-
lour d»> Ronio,à Pciresc , et j'ai cru devoir
ap[)eler sur le précieux manuscrit disparu
l'attention de tous les bons chercheurs de
France et d'Italie.
' On possède deux lettres écrites de Piz-
zighitone par François I" aussitôt après la
bataille de Pavie (a4 février iSaS) : l'une
adressée h Louise de Savoie, duchesse d'An-
goulême, sa mère, régente en France,
l'autre h l'empereur Cliarles-Quint. I^e meil-
leur texte de ces deux lettres se trouve dans
la Captivité du roi François I", par Aimé
Champollion-Figeac (1867, in-4°, p. 199-
»3o).
* Voir, sur Ciî synonyme de billet galant,
une note des Lettres de Jean Chapelain , t. I ,
p. /1/16.
' Aimé Champollion-Figeac a publié,
dans le volume qui vient d'être cité, les poé-
sies de François I" d'après deux manuscrits
de la Bibliothèque nationale ainsi cotés :
n° 7688-a et n° i5 du fonds de Cangé.
P. Paris a tiré grand parti des poésies du
Père des lettres dans ses Etudes sur Fran-
çois I" . roi de France, sur sa vie privée et
son riffue (Paris, !.. Techener, i885, a vol.
in-S").
' Est-ce Henry de la (Ihastre , comte de
Nançay, maréchal des canaps et armées du
Roi, capitaine du château de Gien, ou son
fils E<lme, marquis de la Chastre, comte de
Nançay, maître de la garde-rol>e du Roi ,
colonel gc'néral des Suisses , l'auteur des Mé-
moires dont nous atten'îons encore une édi-
tion complète? Les La Chastre devaient être
fort liés avec les Dupiiy. ii cause de l'alliance
de la sœur do Henry, comte de Nançay,
Gasparde. avec l'historien J.-Augnste de
Thou.
546 LETTRES DE PEIRESC [1633]
tout le reste de la trouppe. J'escriray à M"^ l'abbé de Thou par la pre-
mière commodité soubs vostre adveu pour luy offrir mon foible ser-
vice, et possible me dispenser d'employer son intercession pour quelque
matière de gents de lettres que je lui eusse volontiers endossé si je
m'en fusse advisé. Je plains grandement la perte de M' Le Grande à la-
quelle je pense que prennent grande part touts ses amys et serviteurs
et par consequant toute l'Académie ; je vouldrois y avoir peu contribuer
de mon sang pour l'honneur que je luy porte et pour les obligations
quejeluyay.
Ces trois volumes d'Amsterdam et de Zélande seront bien du bault
goust de M"" Gassendi, à qui j'en ay donné l'advis incontinant, bien marry
de ne l'avoir peu gouverner icy un peu plus à souhaict; mais l'ar-
rivée de M' l'Evesque de Digne, qui le reclamoit d'une estrangc façon,
luy fournit le prétexte de retourner chez luy beaucoup plus losl qu'il ne
m'avoit promis. Il est vray qu'on le destournoit fort icy de ses estudes
ordinaires, et je crains bien qu'on ne le destourne guieres moings là
hault, quelque mine qu'il tienne, et que malaisément pourra t'il faire
de travail bien assidu s'il ne retourne à Paris. A quoy il fauldra tra-
vailler pour l'interest que le public a de luy tirer des mains son Épi-
cure plus tost que plus tard. Si ce n'est qu'il peusse aller faire le voyage
du Levant, auquel cas je pense qu'il fauldroit l'y exhorter pour les ad-
vantages qu'il en pourroit tirer mieux que tout aultre que je cognoisse.
M"" son Evesque a obtenu un brief du Pape fort honorable qui le rend
quasi un petit légat en son église*, que nous avons vérifié au Parlement
sans préjudice des libertez et privilèges de l'Église Gallicane, edicts du
Roy, arrêts et règlements de la cour. Je vous en feray faire un extraict
pour le vous envoyer ou à M' du Puy vostre frère, qui y trouvera bien
de la matière à discourir. Au reste à ce coup j'ay commancé à recevoir
la Gazette par aultre main que de coustume, car je la soulois avoir de
' Nous avons déjà trouvé dans celle cor- Gallia Chrisliaiia ( l. III , col. 1 1 35 ) , où l'on
respoiidance diverses mentions de ce per- trouve seulement qu'en i633 Urbain VIII
sonnage. nomma assistant au trône pontifical Raphaël
' Ce bref n'a pas été mentionné dans le de Bologne.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 547
la main du Maistre du bureau de la poste, qui m'envoya dez samedy
toutes voz lettres et aultrcs de aies amys, mais je n'eus le pacquet de la
Gazette que le dimanche à midy de la main d'un petit garçon que
m'envoya un nommé Roux soubs l'enveloppe duquel il m'avoit esté en-
voyé, lequel se dict commis de M"' Renaudot, avec le port taxé à huict
sols qui est l'indemnité stipulée aultres ("oys, tant pour le port que
pour la façon de l'enveloppe. J'y trouvay non seulement la Gazette
du xi""*, mais aussy celle qu'on avoit refaicte du /i"* où c'est que cer-
tainement je trouvay bien estrange les paroles entrelassées de nouveau
en la dernière page, dont le monde lut grandement scandalisé de par
deçà où nous n'avions rien ouy d'approchant à une telle aigreur. On
sçauroit bien volontiers la qualité de celuy qui estoit le porteur de cez
drogues et rogatons. Nous n'avons rien si ce n'est qu'on atlendoit dez
hier à Marseille le retour des galères qui avoient touché à Ligourne
dez le lundy i3""^ de ce moys, mais le vent du Nort qui se mit sus les
arresta quelque part sur les chemins; elles apportent, ce dict on, grande
quantité de ligures de marbre pour Monseigneur l'Em. Cardinal de
Richelieu que luy a aciieptées dans Rome le M'* Frangipani'.
Il me reste de vous remercier comme je laicts trez humblement du
soing que vous prenez de parler à M' Aubert pour la transcription de
' C'était le marquis Pompeo Frangipani , rdri, de Bayle, etc. On ne trouve dans le
qui fut marëchal des camps et armées du Recueil Avenel aucune indication relative à
roi Ijouis XIII et qui mourut en juin 1 638 , l'achat de statues pour le compte de Riclie-
coiume nous i'ap[trend Bassompierre eu ce lieul'aitparlemaiipiis Frangipani, le<juel est
passage de ses Mémoires (t. IV, p. 287): simplement nommé en un seul passage (t. V,
ttMais la mort du seigneur Pompeo Frangi- p. ()io, lettre du 98 octobre i630 au raarë-
pauy, quy arriva nu dit mois, me fut sen- chai dEstrées, ambassadeur à Rome : "Le
sible jus(iues h tel point que je souhailay sieur de Fraugipane a escrit souvent à M' le
mille fois la mienne, estant un des plus cardinal de la Valette, etc.»). Les statues
cIh'is, anciens et véritables amis que j'eusse achetées en i633 soul-<dles les mêmes que
jamais eu." l'ompeo est souvent mentionné celles dont il est question dans une lettre, du
dans les ilistorietles de Tallemant de» Beaux 5 février iGSg, de Chaviguy à d'Estrëes :
(t. 1, II, III, IV, V, Vil). Sou frère cadet f M»' le Cardinal a 5o ou 60 statues dans
Mario y ligure une fois (t. Vil, p. 533). Borne ()u'il souhaiteroit de faire venir pour
Voir sur les deux frères et sur leur famille, \\\ch^\\ewii1 {Recueil Avenel, t. VI, p. 6,
si ancienne i Borne, les Dictionuaires de .Mo- u. a ).
69.
548 LETTRES DE PEIRESC [1633]
cez petites feuilles que je désire et dé me faire avoir tout ce quisépeult
avoir de nouveau et de plus digne. M' Petit m'a envoyé son livre, je
vous supplie de m'en faire envoyer une coupple d'exemplaires et de me
tenir tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ao juin i633.
J'envoyay par le dernier ordinaire de Rome l'un des petits exemplaires
du livre adressé à Dom du Puy par M'' l'abbé de Thou soubs d'aultres
enveloppes d'amys, dans le pacquet du cardinal Barberin. J'ay encores
l'aultre, que je pense envoyer par un honneste homme dont j'attends
impatiemment le passage , et vouldroys bien que les aultres livres qu'avez
receus du Prieur de Roumoules à mesmes lins fussent arrivez à temps.
Le procez de M°"= de Bouteville est fort advancé et sera jugé avajit la
tin de ce moys. Si à son retour quelqu'un de son train se peult charger
de la chatte de M"" de Bellievre, je tascheray de la luy faire bailler avec
une aultre pour luy tenir conipagnie, et pour servir d'indemnité à la
personne qui s'en vouldra charger.
Les vers sur les armes de la couleuvre de Milan sont de la façon du
sieur GaffareP.
Nous avons veu icy ez mains d'un amy des vers du sieur Bourdelot,
bien que sans nom, que l'on estimoit^. On me vient d'envoyer pf ester
' Voilà un renseignemenl à recommander
à ceux qui voudront compie'ter la bibliographie
de Jacques Gaffarel, laquelle forme un si ample
et si cm'ieux chapitre d'histoire littéraire.
" l>e sieur Bourdelot était Pierre Michon ,
dit l'abbé Bourdelot, neveu du philologue
Jean Bourdelot. Voir sur les vere du docteur
Bourdelot une note du fascicule XVI des
Correspondants de Peiresc : François Luillier
(Paris, Techener, 1889). J'ajouterai à cette
note, d'après le Parnasse médical français du
D' Achille Chereau (Paris, 187/1, "'-12,
p. 89), que le poète de i633 était encore
poète plus de 4o ans plus tard, car il com-
posa en 1670, dix ans avant sa mort, une
pièce de vers français sur la prise de Lim-
bourg {in-li\ s. 1. n. d. de 7 pages). Moins in-
dulgent que Peiresc pour les vers estimables
de Bourdelot, le D' Ghereau déclare que la
composition du septuagénaire est tiulle.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 549
uti traicté d'Allemaigne et un commanceinent de relation du Iraicté de
Trêve de Hollande ({ue je n'ay pas veu à deiny, tant s'en l'ault que j'aye
peu ju{{er (ju'ils valussent la peine d'estre transcripts. Je m'asseure que
vous aurez eu tout cela, long temps y a; à tout liazard acte de ma bonne
volonté ^
CXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
La presse du Palais est trop grande maintenant que nous n'avons
plus que deux jours pour vous pouvoir entretenir à souhaict, dont je
vous supplie trez humblement de me vouloir tenir pour excusé. Nous
aurons dez hors mais un peu plus de relasche Dieu aydant. J'ay receu
vostre despesche du 17"* avec le livre du sieur Bosquet dont je vous
remercie de tout mon cœur, ensemble des aultres pièces que vous y aviez
joincl, et des curiositez dont il vous plaict nous laire si boiuie part,
mais particulièrement du soing que vous avez daigné prendre de faire
instance à M'' Aubert, pour cet opuscule que je pensois tirer du m[a-
nu]s[crit] de M' de Thoulouse, m'estonnant qu'il ne s'y soit rien trouvé
d'Héron, ce qui me fait craindre que M' Holstenius n'aye veu quelque
aultre volume où. cette pièce fust entrelassée. Je luy en escriray par Je
prochain ordinaire s'il plaict à Dieu, et luy feray instance pour ce qu'il
a de S'" Cyrille, ne doublant nullement qu'il ne me l'envoyé inconti-
nant, car il me l'avoit ofl'ert longtemps y a. Cependant je vous supplie
d'asseurer M"' Aubert qu'en cela et en toute aultre chose, je le serviray
de toute ma puissance bien que petite et ne tiendra pas à moy que je
ne luy fasse paroistre la vénération que je porte à sa vertu. J'ay esté en-
' Vol. 717, fol. aSa. Voir à l'Appendice (n" IX) une lettre de Jacijues Diipuy h Peiresc,
du ah juin i633.
550 LETTRES DE PEIRESC [1633]
cores plus estoimé d'entendre que la Vie d'Homère de Plutarque se soit
trouvée imprimée en ce volume que vous dictes d'Henry Estienne, le-
quel je n'avoys point veu ' ; c'est pourquoy, s'il s'en rencontroit à vendre
un exemplaire , je le feroys volontiers prendre pour cela. Je suis revenu si
tard du Palais que je crains bien de ne pouvoir satisfaire pour ce coup
à la recherche du Philon Byzantin, auquel cas vous ferez mes excuses, je
m'asseure, attendant le prochain ordinaire. Je regrette bien le peu de
courage de voz libraires, pour l'édition de cette epistre de S*^ Clément,
qui meritoit bien d'estre faicte bien tost et bien exactement. Nous
demeurerons en grande impatience en attendant d'en avoir un exem-
plaire pour luy faire passer les monts. Je me conjouys avec vous
et avec M"^ Diodati tant de son retour d'Angleterre que de la glo-
rieuse issue de l'affaire de M"' Galilée, et que Dieu luy ayt faict
la grâce de se purger d'une telle calomnie et de trouver la bonne
justice qu'il meritoit. Ses œuvres en auront tant plus de crédit cy
aprez. La nouvelle de la permission donnée à Monsieur le président
de Mesmes pour son retour m'a esté des plus agréables que je pou-
vois attendre. Il me tardera d'entendre son arrivée à Paris. Vous au-
rez deux lettres de M"" de la Fayette. Je suis bien honteux de l'excez
d'honnesteté de M'' de Thou et de M' de la Hoguelte aussy bien que
de celle de M'' du Puy vostre frère en faveur de M"^ le Prieur de Rou-
moules et de mes intérêts, dont je leur demeureray éternellement re-
devable. La boitte pour M'' l'abbé de Bonneval est arrivée fort bien con-
ditionnée, je l'envoyé par l'ordinaire de Rome qui partira le premier.
J'ay receu de ce costé, par le retour des galères de M' de Crequy, la
plante du vray PAPYRVS que le cardinal Barberin m'a envoyé^, la-
quelle j'ay trouvé un peu différante de tous les portraicts que j'en avois
' Ce fut en lâyS que parut , par les soins papyrus dans les lettres de Peiresc à Sau-
de Hemi Eslienne, la Vie d'Homère, avec niaise qui figureront dans un des volumes
traduction latine du savant éditeur, et avec suivants. En attendant, on peut lire les dé-
aceonipagueraent de divers morceaux rela- tails donne's par Gassendi (p. iHin-^ltB) sur
tifs au grand poète. le papyrus que Peiresc cultiva dans ses jar-
' On trouvera beaucoup de choses sur le dins de Belgentier.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 551
veus imprimez, d'aullant qu'ils avoient esté portraicts sur des plantes
desseichées, et non sur des vivantes, qui ont tousjours de l'advantage
sur les mortes. Je n'ay pas receu do lettre du dict seigneur Cardinal et
me dict on qu'un religieux qui s'en estoit chargé a prins terre h Gènes,
lequel ne tardera meshuy guieres d'arriver. J'ay receu par mesme
moyen une caisse de vases de bronze antiques de différantes sortes,
que je n'ay encores peu examiner à ma mode; il fauldra laisser clore
le Parlement pour y vacquer, et si j'y trouve rien de curieux et remar-
quable, comme il y a de l'apparance, je vous en tiendray adverty et
M' de Saulmaise. On me fairt espérer un Marcellus m|anu]s[crit]' que
j'attends avec une impatiance |)lus grande que je ne lis jamais atdtre
curiosité. Avec cez vases j'ay receu tout plein d'aultres bizzearries fort
extravagantes et entr'aullres des fragments de certaines placques de
bronze antiques de différantes proportions, mais qui monstrent estre
de la dépendance de quelques ornements que l'on croit avoir peu servir
à des liarnoys d'un éléphant. Mais l'antiquité les a fort gaslez et des-
figurez, il y aura de la peine d'en tirer rien de bien réglé. J'ay eu dans
la mesme caisse des desseins de vieux marbres de bas reliefs, en matière
de trépieds, où il y aura bien à discourir quelque jour. On me vient
d'apporter de la part de M' Godefroy de Genève^ un sien discours ad
L[egem] Quisquis Cod. ad L[egem] Juliam \fajestatis', dont j'ay prins
plaisir de voir l'epistre liminaire en courant, où ce personnage promet de
belles et bonnes choses. C'est une pièce du temps qui ne sera pas des
nioings nécessaires à voir en consequance des choses passées et advenir, il
a esté fort incommodé d'un pied à son retour d'un voyage en Piémont,
mais il se porte mieux. Au reste j'ay recouvré une lunette de Veuize de
' Marcellus Empiricus, dëjà mentionné ici mentionné, lequel fui sans doute publie
plus haut. séparément : Oraliones polilieœ li-es. Ulpia-
' Jacques Godefroy, frère puîné de Théo- nus, seu de MajesUitc Principis legibus so-
dore. Ittla. Juliaiiu», seu de arcanix Juliani Im-
' Le P. Niceron {Mànoires pour servir à peratoris artibii» ad Religiontm Christianam
l'histoire des hommes illustres , t. XVII, p. 7a, projligandam. Achaica , seu de causis interi-
n° 9) indique un recueil formé de trois dis- tus Reipubliae Achœorum. (Genève, i634,
cours parmi lesquels se trouve le discours in-4*).
552 LETTRES DE PEIRESC [1633]
longue veûe, d'environ cinq pieds de long et davantage, dans laquelle
Venus nous a monstre de merveilleusement grandes cornes cez jours icy
et Saturne sa figure oblongue et irreguliere comme un macarron que
nous n'avions jamais veii cy devant qu'imparfaictement en noz aultres lu-
nettes, au prix de celle icy. Je ne vous pensois escrire qu'un mot, mais
l'appétit vient en mangeant,. et insensiblement on s'embarque. Je viens de
voir sur le dos de vostre lettre le regret oii vous estes de vostre boitte;
j'useray de toutes les précautions à moy possibles pour la faire aller
seurement soubs l'enveloppe du cardinal Barberin. J'ay aultres foys eu
des empreintes du seau du roy Robert qui n'estoit pas pareil à celuy
du roy Hugues Cappet son père, car il estoit en ovalle à augive,
mais s'il est bien net il vauldroit encores la peine de le mouler, princi-
palement s'il estoit de figure ronde, et par consequant différante de
ceux que j'ay veu. Excusez moy de tant d'importuns discours et me
tenez tousjours.
Monsieur, pour
vostre trez bumble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 22 juin i633.
Vous aurez la coppie d'une lettre de M' de Sabran ' sur le passage
de M"' le Mareschal de Toiras par Gènes, qui mérite d'estre gardée;
mais à cause de celuy à qui elle a esté escritte , je vous prie de ne la
pas laisser courir^. '
' L'ambassadeur de la Cour de France auprès de la République de Gênes. — ' Vol. 717,
fol. 9 5i.
[1633]
AUX FRERES DUPUY.
553
CXVI[I
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Jo pense que vous vous souviendrez d'avoir aulresfois veu chez vous
feu M' Merindol, premier pi'ofesseur du Roy eu médecine dans nostre
université de médecine ' durant le temps qu'il se tint auprëz de feu
Mk"^ le garde des sceaux du Vair, qui l'aymoit uniquement et le prisoit
au dessus tout ce que nous avions eu ce pays de sa profession*, et je
luy estois particulièrement attaché d'une estroite amitié que j'ay deuh
continuer à M' son fiiz\ tant plus volontiers depuis qu'il s'est allié à
une mienne parente, fille d'un mien couzin que j'ay tousjours chery
fort tendrement depuis ma première jeunesse. 11 a voulu aller voir
Paris, et par occasion présenter au Roy les œuvres qu'il a fait im-
primer icy de feu son père*, pour lequel sujet seul je ne luy eusse
pas conseillé de faire le voyage, sachant comme cez compliments sont
' Antoine Mdrindol naquit à Aix , le 30 oc-
tobre «670; il étudia successivement au col-
lège de sa ville natale, au collège d'Avignon,
h la faculté de médecine de Paris, a la faculté
de médecine de Padoue; il obtint en 1606
une chaire à la faculté d'Aix, fut nommé
médecin ordinaire de Louis XIII en 1 Ci 6 et
mourut h Aix le 36 décembre 1 6a 1^. Voir
sur Antoine Mérimlol une curieuse brochure
intitulée : Deux médecitis et uii spagyrique à
Aix, en l'an t6oo , par le docteur Chavernac
(Aix, 1875, in-8", p. îi3-3-j).
' Eu tête de VArs medica (\' \. Merindol,
ouvrage dont il va être question un peu
plus loin, on trouve, parmi d'innombrables
pièces de vers latines et françaises consa-
(U'ées à son éloge, un sonnet d'un de ses pa-
rents, Michel Merindol, où ce dernier rap-
II.
[lelle combien du Vair appréciait le savant
médecin :
Du Vnir, qui cognoissoit son prti «I u valeur.
L'a Hnspoint mille fois d'une telle couleur,
Que les marques nn sont i chascon éternelles.
^ Le (ils d'Antoine s'appelait Jean. Ce fut
un habile jurisconsulte.
* Antonii Merindoli consiliarii mtdiei et
in A quensi Academia primarii professons regii
Ârs medica, in duos parles secla (Aix, Jean
lioize, i633, in-fol. ). L'ouvrage est dédié
k l.,ouis XIII : Ludovico XIII Gallorum Na-
varrœorum/ue reffi Chi-istianissimo atqite m-
l'iclissimo lonffain Iriumphaliitm aiinorum se-
riem, et perpeluam felieilatem Joannes
Mcrindolus Aqucnsis J. \'. D., etc. A la se-
conde page (le l'Epitre dédicatoire brille un
remarquable éloge de Peiresc. Antoine , dans
70
tvpftiartii BATionitB
55/1 LETTRES DE PEIRESC [1633]
receus en cour, et la peyne que les plus beaux esprits du Royaume ont
de faire agréer la présentation des pièces qui sont les plus au goust des
courtizans mesraes, comme il y a pareu à celles des s" Godeau et Chap-
pelain depuis peu\ Mais il desiroit en toute façon voir un peu de l'air
de la Cour et de Paris, ce qu'il ne falloit pas refuser à ce jeune homme
qui est bien né, et d'une fort recommandable modestie, et fort rare
en ce temps. Je vous supplie d'agréer qu'il vous face offre de son
humble service et qu'il luy soit loysible d'entrer quelque fois à l'Aca-
démie quand il sera là. Je recevray comme à moy les faveurs et pro-
testations qu'il recevra de vous, et vous serviray en revanche,
Monsieur,
comme vostre trea humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 4 juillet i633 ^
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARFS.
Monsieur,
Vostre despesche est veniie comme de coustume accompagnée des
gentilesses et singularitez les plus curieuses du temps, dont je vous re-
mercie trez humblement, ensemble des compliments de condoléance
que vous me faictes sur le subjecl de mes pauvres balles de m[anu]-
s[crit]s Grecs, de si bonne grâce que cela vault quasi mieux que les
meilleurs livres qui y eussent peu venir du lieu où le recueil s'en est
son testament, du 6 décembre lôai , avait en i633 (Paris, in-4°) et reparut, la même
recommandé expressément à son 6I9 de pu- année, dans un recueil intitulé : Nouvelles
hViev V Avs medica. Muses des sieurs Godeau, Chapelain, Ha-
' Il s"agit là des Œuvres Chrestiennes de bert, etc. (Robert Rertault, in-8°).
Godeau (Paris, i633, iu-8°) et de VOde à ' Bibliothèque de Carpeulras, registre
Monseigneur le Cardinal de Richelieu, par des Minutes des lettres aux frères Dupuy,
Chapelain , qui parut pour la première fois fol. 336 v°.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 555
faict. Je ne sais pas tout h l'aict hors d'espérance de quelque chose de
mieux. Et cez jours cy depuis la closture de noslre parlement ont esté
employez en une conversation bien a{jreable avec un marchand de Mar-
seille qui a esté vinyt ans au Cayre, de qui j'ay bien appris de plus
belles curiositez que de toutes les relations que j'en avois veiies soit
imprimées ou m[anu]s[crite]s : entr' aultres il m'a asseuré tenir de la
bouche de Memet-Bacha, de Suachem\ son amy particulier, Rajjosoys
de nation, trez vaillant homme et trez robuste, et quasi un demy
géant, mais grandement curieux et honneste, que pendant l'incendie
du Mont Vésuve prez de Naples, il s'embrasa une aullre gueulle de
feux soubsterrains sur les bornes de l'empire du prebstre Jean'^ et du
pais de Suachem sur la mer Rouge, d'où l'on voyoit les flammes et la
fumée, dont les païs circonvoisins furent touts désolez à plus de troys
lieues à l'enlour, et le feu y duroit encores avec violance environ le
moys de mars de l'an lôSa que ce Bassa se retira au Cayre. Or le
mesme liyver, y eult un tremblement de terre jusques au Cayre mesme,
et peu de temps devant, aprez une furieuse tempeste à la Mecque dans
les ruines de la grande mosquée qui en fut abbattûe, la terre s'entr' ou-
vrit et en sortit quelque peu de temps un vent si puant et si infect,
si chauld et si mallin que plusieurs en furent malades, et aulcuns en
perdirent la vie, et si cela eust duré, le lieu en eust esté inhabitable,
mais cela se recombla bien tost et cessa d'incommoder le peuple qui
imputoit le tout au chastiment des faultes de leurs chefs. Il y a des
bains et aultres eaux chauldes non seulement <\ Médina Nebits* et au
Tor*, entre le Mont de Sinai et la Meque, mais en d'aultres endroits,
qui sont indices manifestes des exhalaisons que les feux soubsterrains
' Suakem ou Souakim, ville de Nubie ' C'esl-à-dire Medinet-el-Nabi (la vifle
avec port sur le golfe Arabique, h 3jo ki- du prophète), autrefois Yatreb et vulgai-
lomètres de Djeddah. remeni Médine; h 4oo kilomètres de la
' G'est-h-direrAbyssinie. Voir La /(yen<ie Mecque.
(h prestre Jean, par Gustave Brunet (Bor- ' El-Tor, ville d'Arabie (Hedjaz), sur le
deaux, 1877, '1-8°- Extrait des Actes de golfe de Suei, près du Djebel-Tor, l'aocieo
l'Académie des sciences , belles-lettres et arts Sinai.
de Bordeaux).
70.
556 LETTRES DE PEIRESC [1633]
poulsent à la surface de la terre, de sorte qu'il n'y auroit pas grande
merveille quand il s'y ouvriroit des gueulles de feu semblables à celles
du Mont TËthna et du Vésuve; mais que cela ayt paru en mesme temps,
c'eust esté grande merveille, s'il s'y trouvoit du rapport des temps à
peu prez, car il fauldroit conclurre que la source de ce feu vinsse de bien
profond et de bien prez du centre de la terre. Ce marchand doibt partir
dans huict jours pour retourner en /Egypte et m'a promis des relations fort
punctuelles des jours précis et de touts cez accidents bien et deiiement
attestées en bonne forme probante. Il est tenu pour homme fort franc
et veridique, lequel ne vouldroit pas mentir à son essiant. Il a grand
créance parmy cez peuples, et parmy ceux mesmes qui ont l'intendance
tant des Cophtes que des Grecs et aultres sectes, et se promet quelques
livres curieux. Vous pouvez penser comme je l'ay gouverné et comme
je le chargeray pour recouvrer un peu de la réputation diminuée de
ma pauvre négociation de livres anciens. Il sçait fort bien le Morisque
du païs, ce qui ne nuira pas au dessein, et si nous y pouvons proffiter
de rien qui vaille, la meilleure part en sera pour vous et pour les
aultres suppôts de l'Académie. J'ay bien de l'obligation à M' Deodati
du soing qu'il prend de nous faire part de la lettre du sieur Galilei que
nous attendons en bonne dévotion. Je m'estonne que personne de mes
amys de Rome ne m'en escrive rien; il est vray que mes lettres ne sont
que liuict ou dix jours plus fraisches que les vostres. Je m'estonne du
peu de courage de voz libraires de Paris et particulièrement de cette
grosse compagnie qui imprime les gros volumes des Pères Grecs, de
n'avoir osé entreprendre un ouvrage de si peu de fraiz que cette epistre
de S' Clément, ce qui me faict ressouvenir du Théophile de M' Fabrot,
que le sieur Cramoisy promettoit de faire mettre soubs la presse à
la S' Jean, dont je vous supplie de le faire souvenir. Vous m'aviez
mandé, ce me semble, que l'OEcumenius' avoil esté réimprimé à
' OEcumeniusestuDécrivain ecclésiastique i'ÉvaugUe, que d'autres attribuent à Euthy-
byzanlin, qui vivait probabienient au l' siècle niius Zigabène. On avait publie', au milieu
et sur lequel on ne sait presque rien. On lui du xvi' siècle, une traduction latine d'un
a attribué des Commentaires en grec sur des principaux commentaires qui ont été mis
[1633] AUX FRÈHES DUPUY. 557
Paris'; il fauldra vous en prouvoir d'un, pour les fragments qui y sont
joinctsdu Clément Alexandrin et de l'Arethas^ ce dict on. Nous sommes
a|)rez de vérifier si nous aurions rien du S' Jean Damascene dont le texte
Grec ne fusse pas imprimé, mais je vous assure que depuis le premier
jour de l'arrivée de mes caisses et le lendemain, je n'ay sceu desrober
une journée pour y employer. Gez deux livres de Dausquius ne pour-
ront eslre que trez bons à acquérir^, et celuy des Isles flotantes* sera
encores bon à passer les monts, s'il s'en peult avoir au exemplaire
double. M' Gassend attend bien impatiemment le dernier des troys
que vous m'avez envoyez en dernier lieu, où il doibt trouver aulcunes
de ses observations. Un de mes aniys de TouUon, que j'attend de jour
à aultre, vous portera quelques pistoles de ma part, pour prouvoir à tout
le passé et advenir Dieu aydant. Le bruicl d'une ville à abysmez (sic) à
commancé à Digne quelques jours devant le temps de l'ecclypse dernière ,
auquel jour on l'assignoit, sur ce que aulcuns virent porter hors la ville
des instruments de mathématiques avec quoy M' Gassend la vouloit
observer en un lieu plus eslevé que la ville. Ln moys aprez il s'en
sema une semblable en Avignon pour le 8 niay, jour du changement de
lunaison, qui fit non seulement sortir aiïorce gents de la ville au jour
90US le nom d'OEcunienius : CommeiUaria in ' Claude Dauscjue, né h Saint-Oiner en
sacvosancta (/uatuor Chrisli Evaiigelia . . . i566, entra dans la compagnie de Jësu» en
auctore quidem {ut ptitriini senlimil) OEcu- i585, la (juilla en i6io, devint chanoine
menio , interprète vero Joanno Ilentenio (Lou- de la cathédrale de Tournai et mourut en
vain, i543, in-fol.). i6A4.
' Peiresc veut parler de la réimpression * Claudii Dausquii Sanclomarii Can. Tor.
de i63o-i63i en a volumes iti-fol. qui con- Terra elAqiia,seu terrœ Jluitantes (Touniai,
tiennent les comincntuircs sur les Actes des tG33, in-4'). Ce traité sur les Iles llottanles
Apôtres, les Épîtres de Saint- Paul, etc. a reparu (avec un titre rafraîchi) en 1677
Voirsur cette réimpression, soignée par Fed. h Paris, chez Léonard, in-4*. Voir, à ce
Morel, le Manuel du libraire (t. IV, col. itii). sujet, le Journal des Savants (1677, p. «8i-
' Aréthas ou Ai-élas, théologien grec, ar- i85). L'autre ouvrage de Dausque, que Pei-
chevêque de Césarée en Cappadoce, a laissé resc indiquait comme -Irez bon h acquérir» ,
un commentaire de l'Apocalypse imprimé devait être Vintiqui Norique Lati orthogra-
pour la première fois en i53<i,h la suite du phica, publié h Tournai en i63a et qui a
texte grec des conunenlaires d'OEcumenius eu l'honneur d'être inséré dans le Thesaurux
(Vérone, chez les frères deSabio, in-fol.). Antù/uitatum Romanarum, deGrœvius.
558 LETTRES DE PEIRESC [1633]
assigné, mais de Cavaiilon, Garpentras et aultres villes voisines. Les
femmes envoyoient quérir leurs enfants et les tirer du Collège d'Avi-
gnon pour les mettre en seureté. Enfin on croyoit que ce fust un cri-
minel nommé Avignon qui deubt estre condamné au feu et aux
flammes, et envoya ton froidement en cette ville sçavoir si dans les pri-
sons y avoit aulcun prisonnier qui eust nom Avignon, tant on avoit
d'envie de trouver quelque vérification à tort ou à travers pour sauver
cette prétendue prophétie transférée au jour de solstice. Quant à celle
du Roy de Suéde, elle me fut envoyée d'Avignon à Boysgency, d'oii je
vous envoyay incontinant le mesme billet, ce me semble, que j'en avoys
receu de la part d'un gentilhomme si mal curieux que quand je luy
fis demander d'où il l'avoit tiré il ne peut jamais s'en remettre en mé-
moire. Mais je luy renvoyeray vostre billet aprez toutefoys en avoir rayé
mon nom et les qualitez que vous y aviez laissé mettre qui m'ont bien
faict rougir, et qui m'obligent à vous supplier comme je faict Irez hum-
blement de l'espargner un peu à l'advenir, la garantie de telles pièces
estant fort subjecle à meilleure caultion que je ne sçauroys fournir et
vous dire le vray; je me doubte que ceux à qui est le livre n'ayent eu
appréhension que je voulusse voir l'original, car si c'est un ancien ni[a-
nu]s[crit] il y pourroit avoir des choses du temps de lors de meilleur
crédit et usage que des simples prophéties et c'estoit pour cela que
j'avois faict grande instance pour sçavoir le contenu du livre; or cez
Messieurs là sont fort desfiants et d'aussy difficile communication que
convention, mesurant tous les aultres à leur aulne; ils craignent aussy
que leurs supérieurs ne leur ostent d'authorité les livres qui leur pou-
voient agréer comme cela et c'est ce qui les leur faisoit lascher parfoys.
Je tascheray d'y employer encore quelques aultres amys pour caver le
plus profond que faire se .pourra, pour l'amour de vous, et pour voir
s'il s'y rencontreroit quelque chose de mieux. J'avoys eu moy mesmes
aultres foys deux exemplaires m[anu]s[crit]s en velin des prophéties de
Joachim^ et aultres appendices, où il y avoit je ne sçay quoy de bien
' Joachim, surnommé le Prophète, na- Terre Sainte, prit, h son retour, l'habit de
quit vers 1 1 3o à Gelico (Calabre), visita la Cîteaux, à Sambaccina, devint abbë de Go-
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 559
approchant à l'article du Roy de Suéde, 8i je ne me trompe, mais je
ne les ay peu trouver maintenant. Je m'en vay résolument la semaine
prochaine vacquer à ranger mes livres, et de suitte mes papiers si je
puys, ayant opté de servir le moys d'aoust pour avoir celuy de juillet
plus libre durant noz vacations. Mon frère est à Boysgency mieux que
moy et je demeure.
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce U juillet i633.
M' le Prieur de Roumoules est party tout comblé de voz bienfaicts
et faveurs journalières dont il ne se peult assez louer, et dont les an-
ciennes obligations que nous vous avons sont de beaucoup augmentées,
comme aussy de la continuation de vostre bon accueil au jeune Gail-
hard , de quoy je vous remercie de toute mon aflection.
L'ode du sieur Pellant est bien gentile ' et mérite bien des particuliers
remerciements que je vous en faicts trez humbles et affectueux et de
la nomination de son autheur que j'ay ouy nommer et priser grande-
ment, ie qui me faict priser davantage son oeuvre de beaucoup plus que
si son autheur m'eust esté incogneu;
Madame de Bouteville partit hier et voulut porter une lettre à
M'' de ïhou par laquelle je luy manday qu'elle s'estoit voulu charger
du petit chat, mais les bardes ne sont pas encores parties et je ne sçay
quel ordre il y aura, car s'il n'y a de l'apparance de quelque soing, je
le reserveray à meilleure occasion^.
razzo en 1178, fonda la cong^régation de {\S6'j). VA. Répertoire des .lourcai hUimiqmt
Florence vers 1190 el inounU en 1 9 1 2 , le du ntoi/en âge , par le chonoine Ulysse Che-
3o mars, a San Martino (Gosenza). Les valier (3* fascicule, 1 880, col. isgi).
prophéties qui lui ont été' atlribmïes ne sont ' Ce poète lyrique, apprëdë avec (ant
probablement pas de lui. Voir sur le bien- d'indulgence par Peiresc, n'a pas Irouv»^ la
lieureux Joaciiim un article de M. Ernest postérité aussi favorable, car aujourd'hui
Renan dans la Hevue des Deux-Mondes de nul ne le connaît.
>8GG et un ouvrajje de M. Xavier Rousselot ' Vol. 717. fol. a56.
560
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
CXX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je receus hier ce ballol qui avoil esté si longtemps en chemin, où
je trouvay le discours de Fra Fulgentio, les livres du sieur Bosquet, et
vostre pacquet à Dom du Puy que j'envoyeray par la première com-
nioddité. El peu auparavant avoys je receu par l'ordinaire vostre des-
pesche du i" de ce moys, avec ces belles pièces des sieurs Ghappelain
et Godeau et cette admirable lettre de M' Grottius dont je vous re-
mercie trez humblement, ne sçaichant plus comment vous tesmoigner
ma redevance aprez tant de bienfaicls. Nous avons ])rins grande part en
vostre affliction par la perte de Madame la comtesse Feuillée du Bellay',
que nous avons grandement regrettée pour l'amour de M' de Thou et
de tous les siens. Je me suis dispensé de luy en escrire un mot comme
son serviteur. J'ay trouvé ce portraict de Cujas fort beau^, et vous en
ay bien de l'obligation ensemble au sieur Bernier qui en a prins la
peine. Je le feray tenir au sieur cavalier del Pozzo qui en sera bien
content, je m'asseure, et y en joindray deux autres faicts icy, qui ne
sont pas de si bonne main à mon grand regret. Je feray instance pour le
livre de Schoppius*, mais je ne l'espère pas facilement que par le re-
' Tallemant des Réaux {Hislortette Ma-
rigtiy-Maknoe , t. VII, p. îaSy) mentionne
la famille de la Feuillée du Bellay. P. Paris
(en une note marginale de cette même page)
nous fait connaître deux personnages de cette
même famille, Guy du Bellay, sieur de la
Courbe, roi d'Yvetot après la mort de son
cousin, et Charles, marquis du Bellay. Guy
du Bellay et Lëonor du Bellay, femme de Jac-
ques de Malnoë, sieur de Marigny, eurent
pour père Charles du Bellay, sieur de la
Feuillée et du Bois-Thibaut.
' Ce devait être le portrait désigné en
ces ternies, sous le n° I , dans le tome IV du
Recueil Leiong-Fontette : fâgé de soixante-
sept ans, Royer, a Bourges, in-li'.y
' Un des nombreux pam|)lilets que Gas-
pard Schopp publia contre les Jésuites et
très probablement un des deux que voici :
Mysteria Patrum Jesuilantm (i633, in-iâ);
Anatomia Societalis Jesu ( Lyon ,i 633 , in-4°).
Les libelles de l'année précédente (Actioper-
diiellionis in Jesuitas, in-/i°, et Flagellum Je-
suiticum, in-4°) sont rédigés en langue al-
|1633J AUX FRÈRES DUPUY. 561
loiir de (jiielqu'un de ceux de la suitle de M"" le duc de Crequy, car
pour sa personne l'on commence à doubler qu'il se pourroit bien
trouver engagé de là les Monts h quelque digne eraploy s'il est vray
que la sonnette soit attachée en Italie', comme plusieurs le veulent
croire, sur un bruict qui n'est pas encores bien constant, d'une grosse
escarmouche au pont d'Astheure'^ entre les Espagnols et quelques ré-
giments François qui ne s'y attendoient pas, ce dict on. Nous sommes
touts icy allarmez de la soudaine resolution qu'a faicte M' le Premier
Présidant d'aller passer quelques moys chez luy et à la Cour, parce que
craignons que le peu de subject de contentement et de correspondance
de nostre nation un peu trop rude, et le mauvais traictement qu'on
luy a faict à la Cour depuis qu'il est icy (car il n'a esté payé de ses
gaiges nom plus que nous, bien qu'on n'eust rien à dire à luy de tout
ce qu'on nous vouloit imposer), joinct encores la mésintelligence qu'il
y a eu entre M' le Maresclial et luy, qui ne semble pas avoir esté finie
par le bon bout', nous craignons, dis-je, que toutes cez considérations
n'empeschent son retour de par deçà. Et si sa pieté et charité incompa-
rable ne l'enijjortent h venir exercer sa modération parmy noz humeurs
trop bouillantes, je ne voys pas qu'il aye d'occasion de désirer de
revenir en un si chetif païs que le nostre, et parmy des humeurs
si mal sortables à la doulceur de la sienne. Il receut une despesche
de M' Servien par le dernier ordinaire sur le subject de la permission
(jue le Roy luy avoit octroyée de faire ce voyage, et l'ayant dict à ceux
qui se trouvèrent lors chez luy, toute la ville en fut incontinant toute
en deuil, et en lamentations, qui sont plus grandes et plus générales
que l'on ne croyroit. Au reste le sieur de Piensin que j'altendoys pour
le charger de quelques pistoles à vous rendre, ne m'ayant pas trouvé
au logis, fut si pressé de passer oultre que je ne le vis poinct non sans
lemaiide, et ëciiiippaienl. par consApicnt, h ' Serait-ce Asti, en Piémont, à 33 Icilo-
IVircsc comme aux Dupuy. mètres <!' Alexandrie . sur le Boiirl>o?
' C'est-ànlire que les opérations sont coMi- ' L'expression ^ni'r par le bon'liout n'a
niencées. Je ne retrouve pas cette locution pas été recueillie dans le Diclionnairr de
dans nos principaux dictionnaires. liUré.
II. 71
562 LETTRES DE PEIRESG [1633]
beaucoup de mortification, mais le premier qui passera en aura ia
courvée. Je n' ay pas esté raoings marry que M""^ de Boutteville soit partie
sans que nous ayons peu envoyer la petite chatte rielée ^ de Mon-
sieur de Bellievre ^ et sans que le muletier qui a porté une charge de
ses coffres plus pressez s'en soit chargé, car bien qu'on dise qu'il y en
a encores d'aultres en arrière, et qu'on la fera prendre, jay peine de
le croire, et la bailleray avec regret à des simples muletiers s'il n'y a
d'aultres persones plus soigneuses avec eux. Nous n'aui'ons rien à vous
envoyer par cet ordinaire à mon grand regret, et je me suis trouvé si
embarassé de l'expédition d'un religieux de mon Abbayie qui s'en va
trouver le Prieur de Roumoulles, que tout mon temps a esté consumé
en vain et je suis constraint de clorre et remettre le surplus à une aullre
foys, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 11 juillet i633'.
CXXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Trouvant cette commodité extraordinaire d'un des courriers de
M'' du Lieu qui s'en retourne, j'ay esté bien aise de vous pouvoir
adresser des lettres de M"' Gassendi et de M' l'Evesque de Digne qui es-
' Le Glossaire de La Gurne de Sainte- ' La petite chatte destiaée à M. de Bel-
Palaye donne du mot rielé cette définition : lièvre , de laquelle il a été question plus haut
régulier. Peiresc entend-il par là que sa pe- (lettre GXV).
tite chatte avait des lignes régulières, des ' Vol. 717, fol. 958.
taches bien placées sur sa robe?
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 563
toient arrivées trop lard pour l'ordinaire passé à cause que le porteur
demeura malade en chemin de Digne icy. Et par occasion je vous diray
que Monsieur l'Aisne nostre premier président partit hier d'icy , s'estant
faict mener dans son carrosse luy seul avec son secrétaire à une lieiie
d'icy, où il monta à cheval et renvoya son carrosse pour venir prendre icy
Madame la Première Présidante et le reste de son train, laquelle ne
doibt partir, ce dict on, que demain lundy pour aller retrouver mon
dict sieur le Premier Présidant en Arles oCi l'on dict qu'il l'attendra. Mais
d'aultres croyent que pour se tirer de la presse et de l'importunité des
visites il se pourroit bien cstre retiré dans quelque cloistre de religieux,
en attendant que Madame soit preste à partir, pour avoir loisir d'es-
crire à ses amys sur l'occasion de son voyage. Le temps fera voir la
vérité. Il s'est enfin résolu de laisser icy deux de ses filz les plus jeunes
entre les mains des PP. de l'Oratoire à cause des trop grandes chal-
leurs qui leur pouvoient faire courir quelque fortune par un si grand
voyage et pour servir de gaige de son retour. Mais on ne s'en peult
pas asseurer pour tant, la voix commune estant qu'il ne vouldra pas
revenir, à laquelle je commance à encliner plus que je ne faisoys au-
paravant. Je prie à Dieu que noz appréhensions en soyent vaynes, et que
les voeux du peuple en soient exhaulcez où il est merveilleusement
aymé et révéré, généralement à la reserve de fort peu de persones qui
ne sont peult estre pas des mieux intentionnées.
Nous n'avons poinct d'aultres nouvelles que celles de la cavalcate' de
M'' de Crequi à Rome, que je vous envoyé telles que nous les avons icy.
M' le Mareschal s'en alla hier soir à Marseille, aprez avoir adsisté à des
thèses dédiées à S' Alexis aux Jesuistes, où le sieur Gharlemagne son se-
crétaire argumenta et fit par préface une harangue in génère demon-
strativo, en termes fort elegans, où il dict des merveilles des grands
services que M"^ le Mareschal son maistre avoit rendus au Roy et à la
' Peiresc écrit cavalcale, se souvenant do l'italisD eavakata. Le Dictionnaire de Littré n'in-
dique que les formes cavalquade ou cavalcade, citant d'Aabignë, V. Garloix, Micbel de
Montaigne.
7«-
I
564 LETTRES' DE PEIRESC [1633]
couronne, sans oublier les bons offices qu'il avoit faicts à cette province
en destournant l'oraige des trouppes de Monsieur l'année dernière, et
en toutes les aultres occasions qui se sont présentées depuis sa veniie au
])aïs. Monsieur le Premier Présidant a prins plaisir de voir avant son
partement cez belles odes des sieurs Chappellain, Godeau et Pellant, et
prixse bien la dernière partie de celle de M' Chappellain'. M'' de Thon
n'a aulcun besoing de faire user d'excuse en mon endroict. Je sçay assez
les grandes occupations qu'il a, et qui ne luy peuvent pas permettre
d'escrire à des gents comme nous qui ne sommes qu'à charge et à im-
portunité à noz bons seigneurs et amys. Nous attendrons en bonne dé-
votion les pacquets de libvres que vous nous avez envoyez par la voye
des marchands de cette ville qui est la meilleure, la plus brefve et la
moings incommode. Vous remerciant trez humblement du soing que
vous daignez prendre de me faire avoir le libvre de M"' Middorge^, et
de rn'envoyer le bfllet du R. P. Mercene à qui j'envoyeray par la pre-
mière comodité de cez libvres rituels des Eglises Grecques où le chant
est noté. Mais je ne sçay si ce sera rien digne de luy, et si dans cez vo-
lumes qu'ils ont faict imprimer à Venize de leurs horologes' et aultres
semblables, ils n'auront pas mis la mesme chose dont il y a plusieurs
exemplaires dans Paris, je m'asseure. Nous attendrons impatiemment
cette belle epistre de S' Clément. Et avons veu l'indice du Campanella
et, de plus, un livre imprimé à Padoiie, du Danube et de son origine
et de plusieurs aultres rivières que le cardinal Bagni m'a envoyé, le-
quel je pourroys bien vous envoyer par le prochain ordinaire pour em-
' Les odes dont il a été fait mention ^ en
ce qui regarde Chapelain et Godeau , dans la
lettre CXVIII, et, en ce qui regarde le mys-
térieux Pellant, dans la lettre GXIX.
* C'était ï Examen du livre des Bécréattons
mathématiques et des problèmes, où sont aussi
discutées et rétablies plusieurs expériences
physiques y proposées, par CI. Mydorge,
sieur de la Maillarde en Picardie (Paris,
t633, petit in-8°). Le livre avait déjà paru
en i63o et deviiit reparaître en i634, en
i638, en i6/i3, en lôdg et en 17/13. Voir
divers renseignements sur YExamen et sur
les Récréations mathématiques du P. Jean
Leurechon dans le Recueil des PP. de
Backer et Sommervogel (t. II, col. 73 1-
733).
' Peiresc écrit le mot conformément h
Tétymologie [horologium). Littré n'a pas in-
diqué la forme horologe.
[1633] AUX FRÈRKS DUPUY. 565
pescher de gaster les cahiers du Philon Byzantin de M' Holstenius.
Cependant jo demeureray
voslre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 17 juillet i633.
Nous avons icy le R. P. General des Minimes qui s'est hasté ponr
voir M"" le Premier Présidant avant son voyage'.
CXXU
À MONSIEUR, MONSIEUR DU P{!Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je n'adjousteray rien à celle que je vous escrivis dimanche par le
retour d'un courrier extraordinaire de M' du Lieu, si ce n'est les nou-
velles de Gènes cy joinctes, que je viens de recevoir, estant pressé de
clorre. Aussy bien ne sçauroys je vous dire si ce n'est que nous avons
depuis sceu plus certainement que M' nostre Premier Présidant monta
à cheval luy cinquiesme à deux lieues d'icy sammedy sur les 3 ou
ti heures, et r'envoya son carrosse, ayant surprins tout le monde, et n'y
eust que le bon homme M' Ollivier, doyen du Parlement '\ qui, regret-
tant de ne luy avoir pas bien dict adieu, monta à cheval, et l'alla r'at-
laindre à Sallon, à la couchée, d'où il s'en alla par aprez en Arles
attendre Madame la Première Prcsidante qui partit d'icy la nuict du
dimanche au lundy avecla famille, exceptez les deux plus petits garçons
logez aux PP. de l'Oratoire. Monsieur le Mareschal partit le mesme
jour du sammedy pour aller à Marseille la nuict, d'où il est revenu
cette nuict, à la mode du pais, car depuis deux ou Iroys jours, les chal-
leurs sont si excessives qu'il vault mieux aller la nuict que le jour. J'ay
' Vol. 717, fol. 959. — ' Nous avons déjh trouve le mot bon homme einpioyt? dans le
sens (riioiiime tige. Voir t. I, p. .'ioo.
566 LETTRES DE PEIRESC [1633]
faict venir par Gènes les volumes Arabes de l'édition de Milan que
j'attends à Marseille d'heure à aultre. J'ay demandé ce livre du Duc de
Savoye pour sa qualité d'Altezza real, et vous en envoyeray si tost que
j'en pourray avoir, estant de tout mon coeur,
Monsieur,
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 19 juillet i633.
Je viens d'avoir des lettres du R. P. Dom du Puy du 28 juin, où il
me confirme la nouvelle du Galilée aagé de 70 ans, logé chez l'Am-
bassadeur de Toscane, glorieux d'avoir esté eslargy en si peu de jours,
et si avantageusement, et qu'on avoit regret de l'avoir si mal traicté.
L'on me dict que M' de Lomenie s'en va à la Ville aux Clercs'. Je
croys que vous mettrez ordre que les Euclogues^ soient ouvertes chez
luy. Cela m'empesche d'aller bazarder le Philon de M"' Holstenius de
peur qu'il n'aille courir si loing et jusques à ce que je sçaiche quel
ordre vous aurez mis à cela '.
CXXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Le dernier ordinaire nous a apporté vostre despesche du 1 5 et du
mesme bureau nous avons receu depuis le fagot de libvres où vous aviez
mis les tables de Lansbergius, les oeuvres de Metius*, et deux pièces
' Aujourd'hui commune de Loir-et-Cher,
arrondissement de Vendôme , canton de Mo-
rëe, k lij kilomètres de Blois.
' Il s'agit là des Églogues ou fragments
dont il a 'été déjà question ici. Le mot a été
écrit d'une façon confuse et incomplète et on
le devine plus qu'on ne le lit.
■* Vol. 717, fol. 269.
* Nous avons déjà trouvé mention du géo-
mètre hollandais Adrien Metius et de ses ou-
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 567
de Jonstonu8',runein i a" et raiiltre in i 6", avec les epigrammes latins^,
dont je vous remercie Irez humblement; nous avions eu par la mesme
voye, et sous l'addresse du sieur Perrin , qui est le respoudant desMoreaux
de cette ville (qui ont achepté l'ordinaire), un aultre fagot ofi esloient
les Papes du sieur Bosquet^, lequel nous avons gouverné de tout un jour
avec plaisir, ne pouvant assez loiier sa modestie. Il s'en va à Narbonne
chez luy, pour revenir au commancement de septembre, et passer en
Italie avec M"" de Nouailles *. N'ayez pas de regret au pacquet du minime
couvert de verd; j'ay tant d'amys dans cet ordre là, qu'ils ont droict
d'user de toute liberté avec moy; c'est un de leur ordre ^ qui m'a pro-
curé la pluspart de cez Pentaleuques Samaritains et aultres bons livres.
La commodité est maintenant si belle des balles de cez Moreaux qui
viennent louts les moys, que pour 5 sols la livre on est quitte sans
avoir la peine et le soing d'en escrire à Lyon ou ailleurs. Mais ils n'ont
pas encor estably le commerce d'icy à Paris comme celuy de Paris icy.
On est pourtant aprez et lors les livres marcheront aussy librement et
vrages de mnlhdmaliques (t. I, p. 338). La
liste complète des œuvres de Metius a été
donnée par Weiss dans la Biographie univer-
selle. La dernière publication du gëomèlre
d'Alcmaer [Primum mobile astronomice, etc.)
e8tdei63t (Amsterdam). Une nouvelle édi-
tion, revue et augmentée par Guillaume Blaeu
(Amsterdam, i633, in-/(°), faisait sans
doute partie de l'envoi dont Peiresc accuse
ici réception:
' C'est très probablement Arthur John-
ston, docteur en médecine et poète latin, né
près d'.4berdeen en 1687, mort à Oxford en
1 64 1 , après avoir longtemps professé au col-
lège de Sedan. I^s pièce» dont parle Peiresc
doivent être des fragments de la traduc-
tion des Psaumes : Psalmorum Davidis pa-
raphrasis poetica, laquelle parut en 1637,
fi Aberdeen et h Londres. Les bibliogra-
phes signalent un échantillon de cette tra-
duction qui fut publié h Londres en i633.
' On sait que le mot épifframme a élé long-
temps de genre incertain, et que plusieurs
écrivains du xvi' siècle, notamment Aniyot
et Montaigne, l'ont employé au masculin.
' Les Papes d'Avignon, c'est-à-dire Hit-
toria ab aniio Christi nnccv ad nnnum
Mcccxçir ev mss. cotlicibus Hunc priinum
édita et noiis illuslrata (i63a). Voir ce
qu'en dit (p. 378) Gass^^ndi, qui donne à
Bosquet le titre de jurisconsulte et parle de
lui comme d'un homme très recommandable :
viri commendatissimi .
* Le comte de Noailles, ambassadeur
de la cour de France auprès de la cour de
Rome, déjh mentionné plus haut. Bos-
quet ne suivit ps en Italie le comte de
Noailles.
' C'éUiit le P. Théophile Minuti dont il
sera question plus loin.
568 LETTRES DE PEIRESC [1633]
seurement que les lettres. Je les en presse tous les jours pour envoyer
le Pentateuque qui me reste, par le moyen duquel on peult suppléer la
version Arabique de mon Tritaple, et cez livres des Rituels et musique
des Grecs pour le bon P. Mercene. J'ay desja envoyé à M"' Gassend les
tables de Lansbergius que je fis couldre hier precipitament pour ne
perdre l'occasion de le luy faire tenir par un amy, tant il en avoit d'im-
patiance. J'admire les irrésolutions de voz libraires pour l'epistre de
S' Clément; mais s'il y a moyen d'en avoir une coupple d'exemplaires
d'Angleterre, je l'aymeray bien mieux. Le P. Sirmond a grand tort de
ne vouloir donner celle de S' Barnabe. Je luy en veux escrire, et pos-
sible en advertiray le cardinal Barberin, pour l'en prier, car il y fault
quelquefoys de cez petites façons, à la mode d'Italie, lors mesmes qu'on
a plus d'envie de faire quelque chose. Je vous rends grâces trez humbles
des réitérez offices pour le Théophile du bon M"" Fabrot. Cez Italiens
sont bien de loisir de croire que voz libraires leur baillent de l'argent
pour cez pièces d'Onuphrius, puis que cette epistre de S' Clément est
négligée de la sorte, et tant d'aultres bonnes pièces des plus doctes
du temps.
Il nous tarde bien de voir le Tertullian de M' Rigault, et je n'ay
pas trouvé sa resolution moings estrange que vous'. Mais s'il veult
estre du monde, je n'improuve poinct son dessein, puis que la commo-
dité du prix de cet ofiice à 2Ù mille livres luy ouvre la porte à un s^
bel employ pour son filz. Et qui sçait si un service par luy rendu, ad-
venant occasion de vacance de quelque meilleure charge en ce pais là,
ne pourvoit pas le porter plus hault, avec la créance qu'il a et sa rare
doctrine et de là à Paris ou au conseil. Mais il peult dire adieu aux Muses,
s'il se met à cela. Car le semestre de vacance sera bien court à mon
advis, et bien que les lettres ne soient maintenant en prix parmy cez
peuples, l'envie leur en prendra facilement, principalement si des gents
de ce qualibre la s'en meslent à leur veùe. Car M' du Vair tout seul les
' La résolution d'acheter un office de conseiller au parlement de Metz, ce qui ne tarda jias
à être exécute.
11633] AUX FRf:RES DLPUY. 569
a introduictes en ce pais cy en sorte qu'il y a plus de curieifx que vous
ne croiriez pas, et s'y est l'aict quelques hommes d'importance, entr'aui-
tres M' du Perier, advocat en la cour', (jui faict des actions au barreau,
qui seroient possible bien dignes du vostre, hors de quelque mot du
jarfjon du pais, bien qu'il s'en delleiide tant qu'il peult. Quant à M' Bou-
chard, je me trouve bien einpesché de mes contenances, car je vouidroys
faire pour luy summum de poteiitia pour vostre respect et pour ses
mérites sureminants. Mais j'ay uue lettre d'un minime nommé le P. Ja-
ques, qui m'escriptque M'' Holstenius a eu cette place dont est question,
et persone aullre ne m'en dit un seul mot, encores que j aye tout
plein de lettres tant de rKves(|ue de Vaison que du sieur Meneslrier
et aultres employez à cela cy devant. Et M'' Holstenius est en reste de
m'escrire de plus d'un nioys sur les despesches que je fis à son inten-
tion, qui n'estoient pas sans quelque rapport à cela, bien que je ne
ju{{easse que par presomtion que le .sieur Suarez pourroit avoir cet
evesché dont nous sçavions lors la vacance. Tellement que si j'en es-
cripts, je ne le puis faire si ce n'est que conditionnellement, au cas que
M' Holstenius ne s'en voulust pas char^jer luy mesmes. El le mal est
que je n'ay guieres de temps à délibérer, car l'ordinaire doibt passer
niercredy ou jeudy dans lequel temps il fauldra se resouldre. Ce pen-
dant je vous remercie bien humblement de la communication de sa
lettre où j'ay prins plaisir de voir ce qu'il dict du pauvre Galib^e. Au
reste nous avons aujourdhuy employé une partie du jour à gouverner le
P. Gilles de Loches, cappucin^, et le P. Cesarée, son collegue\ qui re-
' Scipion du Përier, surnommé le Papi-
nien modei'iie, di'jà mentionné plusieurs fois.
' On conserve dans le registre IV des
Minutes de l'Inguiniberline diverses lettres
de Peirescau R. P. Gilles de Loclies, capu-
cin, notamment une lettre du aa août i633
(fol. 3io), une autre du 9o décembre i633
(fol. 3 1 9), (juatre lettres écrites du a o mars
i634 au 9 avril i63/i (fol. 334-336), etc.
Gilles de Loches {/Eg^idius Lochientit) est
mentionné (p. Sgi) par Gassendi , qui le pro-
clame ftvir omnino bonus « et qui rap[)eUe
qu'il avait passé sept ans en Orient, où il
avait appris diverses langues et où il s'était
occupé avec le plus grand /.èle de In re-
cherche d'anciens manuscrits.
' Comme les deux collègues furent d'in-
séparables compagnons , on n'a jmis de lettres
de Peiresc au P. Cesarée; il écrivait tou-
jours au P. Gilles de Loches.
570 LETTRES DE PEIRESC [1633|
viennent d'yEgypte par Rome, lesquels m'ont confirmé l'embrasement
advenu en yEthiopie le mesme hyver de celuy du Vésuve', et de plus
m'ont apprins le nom de la montagne qui est appellée de Sem (qui
veult dire en Abyssin, du nom) et adjoust<'i que la montagne estoit ha-
bitée par des peuples Juifs en divers villages, lesquels en estoient les
maistres soubs la souveraineté du prestre Jean, ce qu'ils n'avoient en
aulcun aultre lieu du monde où ils sont esclaves partout. Mais cet em-
brasement les a surprins, bruslez et ruinez la plus part en haine,
comme on croid sur les lieux, de ce qu'ils estoient partisans du nou-
veau Roy des Abyssins, ennemy des chrestiens Catholiques. Ce qu'il
dict de plus pour le temps est qu'il lient, bien que sans certitude pré-
cise, que cet embrasement 1;\ aye prévenu celuy du Vésuve de quelques
moys, mais les Marseilloys opiniastrent le contraire [et] disent que s'il y
a de la diiïerance elle est fort petite, et ont fait voilleavec un fort beau
temps la veille de la Madelaine [pour] retourner au Cayre d'oii ils me
promettent de belles relations. Ce cappucin m'a parlé d'une seule biblio-
thèque de huict mille volumes m[anu]s[crit]s dont aulcuns sont cottez
du temps de S' Antoine qui y avoit habité ^. L'épistre de S' Clément
n'estoit pas de gueres plus fraische datte'. J'ay grande espérance de ne
mourir pas sans recouvrer quelque bonne pièce Dieu aydant et sans
vous pouvoir tesmoigner, au moings par ma bonne volonté , que je suis
de tout mon coeur.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE PEinESC.
A Aix, ce a3 juillet i633.
' Voir dans Gassendi (p. SgS) un assez ' C'est ce que Gassendi rapporte ainsi
long passage qui commence ainsi : rCum (p. SgS) : ft Memorabile autem est, visam
porro idem optimus vir mentionem obiter ipsi bibliothecam octies et mille voluminum ,
fecisset iusignis incendii , quod in Semo quorum pare non exigua pr«e se ferret aevi
jEthiopum monte eodera lempore contigil Antoniani notas, i
quo Vesuvianum in Italia. . . n Le récit de ' Citons encore Gassendi, qui (p. Sgi)
Gassendi se prolonge jusqu'à la fin de la rap|)elle que i'épître de saint Clément aux
page 396. Corintliiens avait été apportée d't^gypte et
[1633J AUX FKÈUKS DUPUY. 67t
Ce bon père n'avoit jamais peu voir en ^Egypte ia plante du Papyrus
que je iuy ay nionslrée; vray est qu'il n'estoit jamais uioiité à contre
mont du Nil jusque» au Sait où est l'abondance; il a prins grand plaisir
de la voir. Je n'ay poinct peu avoir de peinctre pour la portraire pour
encores; ce sera par le premier Dieu aydant. 11 a prins grand plaisir
aussy à voir dans le Philo Bysantin la description de la fabrique des
Pyramides bien différante de ce (déchirure) qui n'est que le noyeau ou
la carcasse de ce qui aultres foys esloit reveslu de marbres et pierres
précieuses de toutes couleurs, qui rendoient les degrez accessibles, ce
qu'ils ne sont pas à présent qu'avec grande peine et destour pour passer
d'un degré à l'aultre'.
CXXIV
À MONSIKUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vous avez fort^bien deviné que trez volontiei-s j'ay payé le port de
l'epistre de S' Clément, qui nous a donné et à tout plein d'honnesles
gents qui le meritoient mieux que moy un trez agréable entretien; si
elle fust arrivée un jour plus tosl, elle eust passé les monts avec l'or-
dinaire de Rome, où elle est attendue en bonne dévotion et grande
impatiance. Mais à quelque chose malheur a esté bon, car nous n'eus-
sions pas eu le moyen de la voir à son passage que par le lillre. Et
possible arrivera t'elle encor assez à temps par le prochain ordinaire
pour ne pas estre prévenue par d'aultres, si voz exemplaires ne vous
sortent des mains pour prendre cette loutte là. J'y ay envoyé tous les
de ConsUintinople en Angleterre, où clic ve- ù ce sujet «laus l'ai-licle li'isaniberl sur saint
nail (l'être publiée. On s'est beaucoui) occupé , Giéiueul ( Nouvelle biographie générale , t. X ,
parmi les critiques ecclésiastiques comme p. 157).
parmi les critiques profanes, de cette épitre ' Vol. 717, loi. a63.
de saint Clément. Voir divers renseignements
7«-
572 LETTRES DE PEIRESC [1633]
pacquets que vous m'aviez adressez pour le R. P. Dom du Puy, dont
le dernier a esté porté par le député de la ville de Carpentras; les
aultres deux précédants sont allez par la poste à deux diverses foys. Le
pauvre M'' Gassend va bien estre mortifié de ce que le livre des Isles
flottantes' est eschappé , car il l'attendoit avec une estrange impatiance,
et s'il y a moyen d'en faire venir une coupple d'exemplaires vous nous
obligerez bien. Il y a plus d'un moys que j'avoys garny une tren-
teine de pistoles pour en charger M'' de Piensin de Toulon; mais allant
dire adieu à M'" le Mareschal hors de la ville, il oublia de me venir dire
adieu, et depuis il n'est party persone de cognoisçance que j'aye sccu,
n'ayant pas osé les mettre dans le pacquet de la poste à cause des def-
fances, et de faict, parce que vostre dernier pacquet du S* Clément
estoit plus pesant que l'ordinaire pour estre le livre bien battu , on avoit
deschiré l'enveloppe par un bout pour voir d'où procedoit sa pesanteur,
mais les curieux n'y trouvèrent que des feuilles imprimées. Je suis fort
aise que l'édition des Historiens de M' du Chesne commance à rouller,
mais je seroys bien mortifié si cela acculloit^ le Théophile du bon
M' Fabrot. M"" de la Fayette a eu sa lettre en main propre dez sam-
medy matin. Pour M"^ Lhuillier, à faulle de lettres de M' Gassend qui
n'aura pas trouvé de porteur à poinct nommé, je luy escripts un mot,
comme j'avoys faict l'aultre foys, et n'eusse pas manqué de le laisser
soubs vostre enveloppe comme de coustume, sçaichant le plaisir que
vous prenez , et l'advantage qu'il y a d'avoir des lettres plus tost que
plus tard, mais j'avoys lors prins cette occasion pour luy recommander
le petit M"' Gailhard,afin de luy donner entrée chez luy, comme vous
pourrez voir par la response qu'il m'en a faicle par le dernier ordinaire
où il accuse la réception de ma lettre dez le mercredy au matin, et je
croys bien que vous ne les recevez pas devant le mardy. Je pensoys
vous avoir aultres foys envoyé le nom de ce présidant Montcalius qui
n'est poinct aultre en vulgaire que du présidant de Montcal, mais j'ay
' Le livre du P. Dausque {Dausquhis) mentionné un peu plus haut (lettre CXIX). —
' Acculer signifie ici reculer, retarder.
|1633] AUX FRÈRES DUPUY. 573
prins extraict d'un contract pour avoir son propre nom, surnom et
qualitez; son petit (ilz, qui esloit cez jours passez en cette ville, s'ap-
pelle encores M'deMontcal, qui est une terre en Languedoc du diocèse
d'Usez, comme je pense, mais il se tient en Arles. On m'a bienaujour-
dhuy desrobé du temps que j'avoys destiné à escrire en voz quartiers.
C'est pourquoy je suis constraint de clorre, ne pouvant rien remettre à
demain au matin à cause qu'il me fauidra entrer au Palais pour servir
à la cliambre des vacations durant ce moys d'aoust. Seulement vous
diray je confidament une chose que je debvrois taisre (mais à vous je
ne le sçauroys), à sçavoir qu'on me faict feste d'un concile d'Arabie fort
ancien tenu en la ville du Moncal prez l'embouscheure de la mer Rouge',
qui vauldra la peine de l'avoir demandé, et si je le puis une foys tenir,
ce me sera une grande consolation du deffault de mes dernières caisses;
mais il ne nous en fauidra pas vanter s'il vous plaist et que cela ne
passe poinct plus oultre que de ceux de vostre maison. Et avec cette
bonne bouche je demeureray.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 1 aoust i633.
L'Ambassadeur de Gènes trouva sammedy, arrivant à Marseille, deux
galères de Gènes qui y arrivèrent en mesme temps que iuy, sur les-
quelles il s'embarqua hier au matin.
En fermant cette despesche, il est passé un courrier extraordinaire
pour Rome, par qui j'ay envoyé les epistres de S' Clément sans que
nous les ayons bien peu gouster ne faire voir à plusieurs aniys qui en
' Montréal ou Monl-Royal (5tait le chef- an nord du golfe d'Akaba. Voir Ludolphe
lieu d'une principautiî lalino-française du de Sudheiin, dasis son Iter Terra S<utcUt
royaume de Jérusalem. Celle ville nVlail {\rckkes de l'Orient latin, \..\\\, a' 'Çtar{ie,
pas sur les bords de la mer, mais bien dans p. 356; Isambert, Itinéraire de l'Orient,
l'Arabie Pétrée; ses ruines se voient encore t. III, p. 67).
dans l'endroit acluellemenl nommé Scliôbek ,
57i
LETTRES DE PEIRESC
[1633;
ont grande envie; de sorte que si vous nous en pouvez envoyer un
auitre exemplaire par la poste, nous n'en plaindrons pas la voicture, et
vous y obligerez bien des honnestes gents^
GXXV
À MO^SIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis la réception de voz dernières despesches du 29 du passé, je
pensoys vous pouvoir escrire tout à loisir, mais il m'a fallu employer
le temps à visiter l'un des cartulaires de S* Victor de Marseille que je
n'avoys pas veu, qui a esté apporté en cette ville pour certaines af-
faires, ayant eu le moyen de le parcourir tout assez exactement; mais
comme je pensoys en faire transcrire quelques pièces au long, on me
l'est venu vendiquer à ce soir à mon grand regret; j'en avois pourtant
fait tirer quelques pièces, entr'aultres une que vous pourrez voir du
roy Alphonse VI de Castille-, que j'envoye à M'' Godefroy, dans la-
quelle est nommé son prince HENRY de Bourgogne, souche des roy s
de Portugal ', avec sa femme Thérèse* et son beau frère le comte Rai-
mon^, avec d'aultres personnes dignes de remarque en leurs alliances.
Vous verrez ce que je luy en viens d'escrire à la haste sans avoir peu
monter à mon estude que le chault m'a faict abandonner '' pour vérifier
quelque chose de cez alliances sur les libvres de ce païs là. Je m'as-
' Vol. 717, fol. 966.
' Sur Alphonse VI, sui-nommé le Vail-
lant, voir le chapitre des Rois de Castille et
de Léon dans Y Art de vénfier les dates, édi-
tion de 1818, t. VI, p. 5/io-5/i5.
' Siir Henri de Bourgogne, voir la Chro-
nologie historique des rois de Portugal dans
VArt de vérifier les dates, t. VII , p. i-a.
' The'rèse, fille naturelle d'Alphonse VI,
devint en 1094 ou 1095 la femme de Henri
de Bourgogne.
' Il s'agit là de Raymond IV, dit de Saint-
Gilles , comte de Toulouse en 1 088 et auquel
succéda, en iio5, son fils Bertrand.
' Cette phrase nous apprend que la bi-
bliothèque de Peiresc n'était pas située au
rez-de-chaussée de sa maison ; elle était sans
doute au premier étage.
[1633] AUX FRKRES DUPUY. 675
seure que M' Besly, Messieure de S** Marthe et M' du Chesne verront
aussy bien volontiers cette pièce, de laquelle je nay rien peu retenir
que la datte; c'est pourquoy je vous prie de me la faire renvoyer
quand on en aura faict, n'ayant pas voulu difl'erer au |)rocliain ordi-
naire pour ne retarder d'auitant le plaisir de M' Godefroy et de cez
aultrcs Mess". J'ay receu tout plein de lettres d'Italie, que je n'ay
poinct leiies, pour ne me destourner de l'entretien de ce livre, tandis
que je le tenoys. Cependant, puis que vous m'asseurez que M' de Lo-
menie ne Lougc de Paris, j'ay bazardé à la poste soubs son nom le
Philon Byzantin de M'' Holstenius, pour profliter le temps que M' Hi-
gault y est encores puis qu'il le desiroit, à ce qu'il vous pleut m'en
escrire, estant niarry qu'il soit si succint, mais encores y a t'il bien
du plaisir de le voir tel qn'il est, et de le comparer à la description
que font ceux qui ont veu les niazures d'aulcunes des fabriques y
mentionnées, avec ce qu'il en dict. Gomme nous y eusmes un Irez
agréable entretien dernièrement que le P. Gilles de Losches estoit icy,
sur le subject des Pyramides du Cayre, qui ne sont plus que le noyeau
aultres foys reveslu ou encrousté d'aultres moindres quartiers de pierre
ou marbre de diverses couleurs, subdivisez d'un degré à aultre, pour
en rendre l'accez plus facile, car aujourd'huy il fauldroit que ce fussent
des grands géants qui peussent enjamber d'un degré à l'aultre. 11 fauldra
avoir soing de ce petit cahier, d'aultant qu'il est corrigé de la main de
M' Holstenius, à qui il me le fauldra restituer, n'en ayant rien peu
retenir par devers moy, h faulte de bon coppiste Grec. J'y ay moy ad-
jouslé ce libvre du Danube de Math. Ferchio , que le cardinal Bagni
m'avoit envoyé pour servir d'enveloppe, et pour la conservation des
feuilles du Philon. Je recevray et feray Irez volontiers tenir à Rome
les oeuvres de feu M' de Thou ', mais pour les garentir de l'Inqui-
sition, il en fauldra faire l'adresse au cardinal Barberin et je tascbe-
ray d'y joindre quelque aultre chose pour luy mesme. Autrement
' Les œuvres anciennement publk^s, car je ne vois aucune ^itiou de oes œuvres soit ea
i633, soit dans les dix ou douze annt'es précëdeates.
576 LETTRES DE PEIRESC [1633]
il y auroit bien de la peine à le tirer des mains de l'Inquisition, si ce
n'est en faisant l'addresse au General des Jacobins qui est fort de
mes amys ou à l'Inquisiteur mesme, bien que je ne le cognoisse pas,
sur quoy je seray bien aise que vous me mandiez vostre sentiment,
car M'' l'abbé de Bonneval s'en desmelera bien s'il l'entreprend. Il
fault faire diligence de l'envoyer pour ne perdre l'occasion du passage
de M"" de Nouailles à ce moys de septembre. J'ay receu de Gènes les
U volumes du Thresor de la langue Arabique de ce Giggaeius de la
bibliothèque Ambrosienne', dont j'ay faict feste au P. Athanase Kircher
en Avignon, pour luy faire. anticiper sa venue, afin de venir achever
sa traduction de son Raby BARACHIAS.
Le livre de ce ministre Aubertin^ porte un tiltre bien insolent et
mal supportable en France aprez la prise de la Rochelle \ Je viens
d'en recevoir un du costé d'Orange d'Erycius Puteanus*, imprimé
' ^Wg"*' (Ant.) Thésaurus linguœ ara-
bica'. Mediolani, ex Ambrosiani collegii typo-
graphia excudebat J. P. Ramellatus, i63a,
4 vol. in-foi. Voir Manuel du libraire, t. II,
col. 1589. Sur l'orientaliste Antoine Giggei,
mort en 1682, l'année même oh parut
son Thésaurus, voir l'article de Jourdain
dans la Biographie universelle.
'' Edme Aubertin, né en 1 5 96 à Châlons-
sur-Marne , selon la Nouvelle biographie gé-
nérale, en 1596 à Vitry- le- Français selon
la France protestante, fut professeiu- à Char-
tres pendant neuf années , pasteur pendant
vingt-cinq années à Paris, et mourut dans
cette ville le 5 avril i652.
' Voici le titre de ce livre en sa seconde
édition (Genève, i633, in-fol.): «L'Eucha-
ristie de l'ancienne Eglise, ou Traité auquel
il est montré quelle a été durant les six pre-
miers siècles, depuis l'institution de l'Eu-
charistie , la créance de l'Eglise touchant ce
sacrement : le tout déduit par l'examen des
écrits des plus célèbres auteurs qui ont fleuri
pendant ce temps, avec réponse à tout ce
que les cardinaux Bellarmin , du Perron et
autres adversaires de l'Eglise ont allégué sur
cette matière. « La première édition avait été
publiée à Pai-is en 1626 (et non, comme le
dit la Nouvelle biographie générale , en 1 6 2 9 )
sous ce titre : Conformité de la créance de
l'Eglise et de S. Augustin sur le sacrement de
l'Eucharistie. D'après /« France protestante
(seconde édition), itle clergé catholique,
indigné de ce qu'Aubertin avait osé taxer
deux cardinaux d'adversaires de l'Église , et
s'arroger la quahté de pasteur de l'Eglise
réformée, sans y ajouter l'épitbète de pré-
tendue, se plaignit de cette double énormité.
Des poursuites judiciaires furent commen-
cées contre lui à la requête de l'arche-
vêque de Paris. Elles furent, il est vrai,
bientôt abandonnées ...»
* Henri Dupuy (en langue flamande
Van de Putte) a été déjà mentionné en ce
volume (lettre XXX).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 577
à Leyden, sur la balance de ce prétendu traicté de trefve, que je
n'ay pas ericores veu ', mais je n'ay pas laissé d'admirer la liberté
d'escrire de ce subject sans que les choses soient plus advancées.
Je suis trez aise que M'' Saumaise revienne en France, mais je voul-
droys bien qu'il eust eu loisir de voir à son aise les m[anu]s[crit]s
de ce païs là. Il fault que sa femme l'aye emporté, puis que M' Ar-
sens^ luy avoit faict donner satisfaction sur les difficultez pas-
sées, ou que l'air leur soit mal convenable et à l'un et à l'aultre.
Nous n'avons encore peu avoir le livre de l'Altezza real de Sa-
voya\ Il n'y en avoit point à vendre à Gènes ne à Nice, et je
n'ay pas de correspondance à Turin. Il le fauldra faire venir par
Lyon. Pour le sieur Galilée, l'on m'escript que du commancement il
avoit faict boire l'affront entier à ses ennemys. Mais que depuis il y
avoit eu quelque changement et qu'on l'avoit mis en l'esprit de Sa
Sainteté à charge et scrupule de conscience, de sorte qu'il avoit eu
quelque traverse encore. Ce sont les propres paroles d'un homme qui
ne veult pas ôtre nommé, lesquelles s'adjustent fort bien à celles
que vous dictes du cardinal de la Valette''. Mais on m'en promet
' Belli et pacis stalera (i633, in-4°).
VVeiss {Biographie universelle) n'est pas
d'accord avec Peiresc au sujet du lieu
d'impression de ce livre; il indique Lou-
min au lieu de Leyde. 11 rappelle que la
publication de Henri Dupuy lui attira force
désagréments, que l'auteur fut mandé h
Bruxelles poiu- rendre compte de ses prin-
cipes, et que Gaspard Baërle publia contre
lui une satire violente intitulée Anti-Pu-
leanus.
' François d'Âarsens, né h la Haye en
iSya, fils de Corneille d'Aarsens, fut ré-
sident, puis ambassadeur de la Hollamle h
la cour de France, pendant plusieurs années
{i599-i6i3); il mourut en iCli.
^ Voici le titre complet de ce livre tel que
le donne la Bibliografia storica degli Stali
délia monarchia di Snvoia compilala da An-
tonio Manno e Vineenio Protni* (Turin,
i886, p. 36) : Trattato del titolo Regio do-
vuto alla serenisgiimi Casa di Savoia, insieme
con un ristreUo délie Ricoluzioni del Beame di
Cipri apparteneiUe alla Corona deW Altetza
Beale di Viltorio Ainedeo, duca di Sacoia,
Prencipe di Piemonte, Re di C^ri, etc.
(Turin, iGa3, in-fol.). L'auteur de ce li\Te
était le P. Pierre Monod, le célèbre con-
fesseur de Christine de France, né à Bon-
neville en i586, jésuite en i6o5, mort en
prison au fort de Miolans le 3t mars
lUti.
* Voir sur Louis de Nogaret , cardinal de
la Valette, t. I, p. 788.
73
UinUlKfJt aATlOlilLI.
578 LETTRES DE PEIRESC ' [1633]
queique chose de plus asseuré au premier jour. Ce qu'attendant je
demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce 8 aoust 1 633 bien tard.
Je ne sçauroys escrire à d'aultres et spécialement respondre à
M' Tristan^ ne à M' de Valoys pour à cette heure. Mais si quelqu'un
s'en plaint, vous ferez s'il vous plaict mes excuses.
On nous parle d'un livre que M" Galand va mettre soubs la presse
touchant le franc allœud^.
J'oublioys de vous dire, pour les petits chats, que je pensoys vous
avoir escript dez lors du partement de Madame de Bouteville ce qui en
estoit, à sçavoir que je m'estoys attendu qu'elle feroit porter celuy de
M' de Bellievre que j'avoys accompagné d'un aultre du poil de ceux
de M"" Aubery, afin qu'ils languissent moings par les chemins. Mais ceux
qui s'en estoient voulu charger lors de son départ ne s'en acquittèrent
pas comme ils debvoient, et ne voulurent jamais que je sceusse le nom
des muletiers qui debvoient porter ses coffres, ne le temps de leur par-
tement, quelque instance que je leur en peusse envoyer faire tous les
jours. Et deux jours aprez leur départ, veindrent dire qu'ils ne s'en
estoient pas voulu charger. Car si j'en eusse esté adverty, j'estois bien
asseuré que la friandise de quelque pistole eusse faict prendre de bien
plus grandes charges que celle là. Et le mal est que depuis je ne sçay
quel malheur a suivy cez pauvres bestes, que l'une mourut soudaine-
ment la semaine passée deux jours aprez avoir faict raille saults de
' Le numismate Tristan de Saiiit-Amant, la première, qiii fut imprimée en 1637,
déjà mentionné plus haut. in-li", chez Richer, sous ce titre : Du franc-
he conseiller d'Etat Auguste Galland, alleu et de l'origine des droits seigneuriaux,
déjà plusieurs fois mentionné, avait publié avec les loix données au pays des Albigeois
en 1629 un Traité du franc-alleu (Paris, par Simon, comte de Montfort, l'an laïa.
m-W). Le livre annoncé par Peirescest une Voir Bibliographie historique de la Fratice,
seconde édition, plus ample d'un tiers que n" SggSo.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 579
gaillardise, et l'aultrequej'avoys destinée à M' de Bellievre 1 5 jours de-
vant estoit tombée malade aussy soudainement un jour dont la veille
elle avoit paru la plus {jentille et la plus gaye du monde, et toutefoys
on me l'apporta qu'elle sembloit rendre les derniers souspirs. Mais je
la fis secourir si à propos, qu'elle s'est eschappée et semble prendre
courage aultant que jamais. J'estime qu'il ayt esté cours de quelque
maladie incogniie à nous, qui soit particulière pour les chats, car il en
est mort tout plein d'aultres, et particulièrement deux chattées du poil
du vostre, qui estoient des plus beaux que j'eusse jamais eu, qui sont
tous morts l'un aprez l'aultre, sans apparance de mal précédant lors-
qu'ils pou voient estre bons à donner, et non seulement des petits, mais
des grossels aussy. Ne m'en estant resté qu'un qui semble encores bien
gaillard et que je faicts choyer tant que je puis, pour en accompagner
celuy de M'"de Bellievre, s'il se trouve en estât de le vous envover, car
s'il peult eschapper il sera plus gros et plus vigoureux, cette année, les
aultres chattes du poil de rat n'ayant pas faict race qui vaille le garder.
On nous faict feste du Levant d'une anltre race qui seroitbiend'aultre
requeste ' si nous en pouvions avoir, car ils sont touts blancs et ont le
poil long et crespellu^ comme les chiens barbets, dont la queue levée
faict le plus beau pannache qu'il se puisse voir, ce dict on^.
CXXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre despesche du 5"* avec les pièces que vous y aviez
joinctes, dont je vous remercie trez humblement. J'ay eu tout plein de
' C'est-h-dire rechei-che. Cette chose est
de requête, se disait d'une chose rare, dif-
ficile à avoir.
' Littré signale la forme crespelue dans
A. Pare, 0. de Serres. J. du Bellay, etc.
Dans le Glotsatre de La Curne de Sainte-
Palaye on ne trouve que la forme crespé.
' Vol. 717, fol. «67.
73.
580 LETTRES DE PEIRESC [1633]
lettres de Rome sans qu'on m'ayt depuis rien dict de la bibliothèque
du cardinal Barberin et sans que M' Holstenius m'ayt escript, mais
M"" de Bonnaire me mande qu'il l'avoit prié de l'advertir de quelque
commodité de m'escrire. Nous verrous si le prochain ordinaire nous
apporteroit ses lettres. Ce pendant je n'ay pas laissé d'escrire pour
M*" Bouchard, au cas que le cardinal n'eust songé d'y employer M"" Hol-
stenius, et pense que ma lettre arrivera à temps, car l'Evesque de Vaison
avoit remis son sacre au jour d'hier de la Nostre Dame de la ray aoust,
jusques auquel temps la charge ne sembloit pas estre formellement
vacante. Il me tardera d'entendre que l'un ou l'aultre y soient employez.
Si M' Rigault marchande tant', je me doubte qu'enfin il n'en fera rien
et y aura par aprez du regret; s'il ne s'y peut resouldre pour sa per-
sonne, il debvroit faire effort pour y introduire son filz, car pour le
monde ce mestier la vault mieux que le sien. La vie du Tertulhan sera
une rare pièce si M' Rigault s'en peult donner la peine. Nous n'avons
poinct veu le Guill[aume] de S' Amour ^, mais quelque rudesse qu'il y
ayt, si faut-il apprendre de ceux de ce siècle là, pour goffe' qu'il puisse
estre, en quelle manière on traictoit cez nouvelles introductions, et
tousjours sera t'il bon d'avoir ce livre tost ou tard, s'il en eschappe
quelque exemplaire. Quant au P. Renaud minime, c'est la vérité qu'il y a
assez long temps que nous nous cogiioissons; je luy ay bien de l'obli-
gation de ses honnestes offres, mais il n'a pas tousjours si bonne mé-
moire de ses promesses, car depuis qu'il passa par icy, je n'ay jamais
' Pour devenir conseiller au parlement
de Metz.
' On sait que ce théologien naquit, vere
le commencement du xiii' siècle, à Saint-
Amour, en Franche-Comté, qu'il fut docteur
de Sorbonne , chanoine de l'église de Beau-
vais, professeur de philosophie à l'école du
Parvis de Notre-Dame de Paris, recteur, puis
syndic de l'Université, et qu'il mourut le
1 3 septembre 1 272. Voir sur Guillaume de
Saint-Amour l'article de Petit-Radel dans
Y Histoire littéraire de la France (t. XXI,
p. 1 97-2 1 5 ). En cette dernière page on trou-
vera divers détails sur l'édition dont parle
Peiresc (Constance, i63a, in-4°), édition
qui fut l'objet d'un Arrest du privé conseil du
Roy, du 1 4 juillet 1 633 , lequel fut imprimé
la même année , à Paris , chez Cramoisy, en
une brochure de 43 pages in-ia.
' Nous avons déjà trouvé (t. I, p. 326)
l'adverbe gojjenwit employé pour grossière-
ment.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 581
eu de ses nouvelles que par des persoiies interposées ; il est vray qu'il
n'y a pas moings perdu que moy pour sa curiosité. C'est pourquoy, s'il
faict rien de ce qu'il s'est chargé, il passera la mesure de ce que j'en
puis attendre, mais je vous prie que ce soit entre nous. Au reste j'ay
receu par les Moreaux de cette ville un fagot de livres oi!l j'ay trouvé le
pacquet in-S" de M' Lhuillicr et un in-/i" de M' Moreau, avec une sienne
lettre du 3*"" juin à laquelle je pensois respondre par l'ordinaire dujour-
d'huy, mais je fus destourné pour ne dire assassiné ^ tout dimanche et
tout hier, et je crains bien de ne pouvoir cette matinée escrire à per-
sone qu'à vous, auquel cas vous ferez s'il vous plaist mes excuses si
aulcun s'en plainct, comme ils pourroient avoir raison de faire. J'ay par
mesme moyen receu deux exemplaires du volume variarum [kctio-
num] de M"" Petite les œuvres pieuses de M"" Godeau in-i6°', un
discours de l'Eslat et courone de Suéde in-û°* et celuy de Cl[aude]
' Nous avons dc^jà Irouvd le mot axsas-
siné pris dans le môme sens métaphorique ,
t. I, p. iaS.
' Les Variœ kcliones ( Pai-is , 1 6 3 3 , in-6 ° ) ,
dont il a élé question plus haut.
' Dans le Catalogue des œuvres laissées
par les académiciens morts avant l'année tyoo ,
de l'abbé d'Olivet, h la suite de V Histoire de
l'Académie française (t. II, i858, p. 5-j6),
on trouve l'indication d'un litre et d'un format
différents : «Œuvres Clirestiennes , Paris,
in-8°, 1033. Augmenté de deux volumes
dans l'édition <le 1 64 1 . « Voir sur les Œuvres
chrétiennes l'étude déjJi citée de M. I\. Kerviler
sur Antoine Godeau (p. la-ai).
' Un jeune et très savant bibliographe,
M. Henri Slcin (des Archives nationales), a
bien voulu répondre ainsi qu'il suit , c'ost-h-
dire le mieux du monde, à mes questions
sur ce sujet : tf J'ai trouvé u la Bibliothèque
nationale le Discours de l'Estat et couronne
de Suède divisé en deux parties , la première
contenant une description géographique très
particulière de toutes les provinces qui en dé-
pendent, la seconde un abrégé de l'histoire de
tous les roys de Suède jusques à présent (Paris ,
chez Augustin Courbé, h.dc.xxxii, in-8').
11 y a du même volume deux autres édi-
tions , publiées au Mans , chez Gervais Oli-
vier en i633, et chez Hierosme Obvier en
i656. Le contenu du livre ne parait pas
beaucoup différent, mais le titre assez dis-
semblable nous donne quelques i-enseigne-
ments. Je lis textuellement sur le titi-e de
l'édition de 1 656 : Discours de l'Estat et cou-
ronne de Suède, divisé en dix chapitres. . .
fait par E. G. T. P. D. L. D. J., seconde
iMilion reveiie, corrigée et augmentée.
D'après Barbier, l'auteur serait Eustache
Gault, Tourangeau, pi-ôlre de L'Oratoire
de Jésus. 1 J'ajouterai (pie presque tous les
biographes du P. Gault n'hésiti nt pas à lui
attribuer le Discours, depuis Moréri jus-
qu'à Tabaraud {Biographie universelle), et
l'anonyme qui a fourni l'article Gault à la
Nouvelle biographie géttérale, et enfin le
582 LETTRES DE PEIRESG [1633]
Dausquius, que je n'attendoys plus, in- 4° des Terres flottantes \
dont je vous ay bien de l'obligation, vostre soing nous faisant jouyr des
plus curieuses pièces du temps. Je l'ay faict couldre pour l'envoyer à
M"" Gassendi à Digne, qui l'attend avec impatiance^. J'oublioys de vous
dire que l'on escript de Rome qu'enfln il a fallu que le pauvre Galilée
ayt déclaré solemnellement que ce n'estoit pas son advis que ia terre fusl
mobile, encores qu'en son dialogue il l'eust appuyé de fortes raisons,
et qu'il estoit de l'aultre advis contraire. Vous aurez des lettres de M'' de
la Fayette, non seulement de fraisclie datte, mais aussy de la semaine
passée, parce qu'on les apporta céans en mon absance, et qu'on les
bailla à des femmes qui oublièrent de m'en parler, jusques à ce que
l'ordinaire fust party à mon grand regret. 11 y a eu un peu de mal en-
tendu, qui a esté bien tost raccommodé, entre le Parlement et M" de
la Poterie qui avoit faict le commandement au greffier de la cour de
luy remettre certaine procédure criminelle que le Roy avoit evocquée
et renvoyée à luy; la Compagnie ayant trouvé mauvais qu'un intendant
de justice voulust commander le greffier de la cour au lieu qu'en cas
pareil quelqu'une des parties se pourvoyoit par requeste pour faire
ordonner que la procédure seroit portée, à quoy on ne formoit pas de
difficulté, ou bien les commissaires soit du Consed ou d'aultres compa-
gnies souveraines venoient visiter la Compagnie, laquelle, ayant esté
advertie de leur commission , ne faisoit pas de difficulté d'ordonner au
greffier de leur remettre les procédures nécessaires, ainsi que nous l'a-
vons aultres foys veu practiquer par Mess" Vignier de Janicour , Frère, lors
maistre des requestes, qui est à présent pr[emier] Présidant de Grenoble,
leBailleul et aultres. Et par feu M*" d'Herivauix, conseiller de la Grande
P. Ingold, qui, s'il n'en a rien dit dans la ' On sait que Gassendi s'ëtait occupé
Bibliographie oratorienne, l'avait déjà in- des îles flottantes. Le P. Bougerel rappelle
diqué dans son édition du Recueil du P. Cloy- ( p. 4 1 -43 ), d'après le recueil des lettres ma-
seault et doit s'en occuper encore dans un nuscrites françaises de son héros , que , pen-
travail spécial sur les deux frères Gault. dant son voyage en Hollande, il envoya (en
' Nous avons trouvé plus haut (lettre 1629) à Peiresc une description des îles flot-
CMX) mention des Terrœ Jluilantes du cha- tantes de Saint-Omer, description reproduite
noine de Tournai. en partie par le savant biographe (p. àû-liB).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 583
Chambre du Parlement de Paris. De quoy M' de la Potterie estant de-
meuré d'accord et de faire supprimer ses exploicts de commandement
et son ordonnance pretendiic, il vint sammedy à la chambre des vaca-
tions, laquelle, aprez qu'il fut sorty, lit délibération que le greflier luy
bailleroit extraict des informations dont estoit question pour procéder
selon l'arrestdu Conseil et neanlmoings que trez humbles remonslrances
seroient faictes au Roy sur la consequance. Car bien que l'arrest ne porte
qued'ouyr les criminels, le bruict est qu'il entend les juger définitive-
ment bien que les informations soient faictes de l'autliorité du Parlement.
Sur quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce 16 aoust i633.
Je pense qu'aprez l'assemblée des com[munau]lez mandée à Perluys
à demain, il fauldra envoyer quelqu'un au Hoy par qui je verray de
me descharger de ce qui m'est demeuré en main desjà longtemps y a.
Je viens de recevoir des nouvelles d'Italie qui seront cy jointes. En-
voyez s'il vous plaict voz lettres tousjours soubs l'enveloppe de M' du
Lieu comme vous faisiez, car celles qui viennent dehors sont bien sou-
vent mal traictées et les enveloppes deschirées'.
CXXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DUPUY,
À PARIS.
Monsieur,
Avec vostre despesche du 1 f*""" de ce moys j'ay receu la coppie de
l'arrest de Lorraine, ou de Bar, dont la qualité monstre bien que le.s
' Vol. 717, fol. 970.
584 LETTRES DE PEIRESG [1633]
choses sont en mauvais termes pour ce prince ià, qui a cherché son
malheur et quasi forcé ie Roy de le chastier, comme les Rocheloys,
lorsqu'on avoit le moings d'envie de s'en prendre à luy. J'ay apprins
qu'on a exécuté à Metz un certain observanlin desfrocqué par jugement
du présidant Charpentier, qui a advoûé d'estranges choses, lequel avoit
trouvé son asyle aux gardes de M"' de Lorraine. Et si ce qu'on en dict
est véritable, je ne pense pas qu'on veuille pardonner à M'' de Lorraine
si on a de quoy ie chastier, comme il semble qu'il n'ayt gueres de moyen
de s'en garentir en cette conjoncture. C'est pourquoy je pense que le
jugement de cet homme et les chefs résultants de son procez. soient
des plus rares et plus curieuses pièces du temps présent, si les bruicts
qui en sont venus jusques à moy ne sont supposez. Vous en devez sça-
voir de plus certaines nouvelles que nous. Et si cela vous estoit eschappé,
il ne vous sera pas malaisé d'en apprendre le fonds. Nous avons main-
tenant de bien estranges nouvelles à vous dire, bien qu'elles ne soient
pas de telle importance, sur le subject d'un coup de tonnerre qui
tomba le jour Nostre Dame dans l'église du lieu de Mazan au comté
Venaiscin^ où il tua le prédicateur en pleine chaire^ et trois ou quattre
aultres personnes, et en blessa une vintaine, et aprez que l'on croyoit
• que le péril fust passé, un second coup remplit toute l'église de feu
sans faire plus de mal à personne, et seulement brusla les ornements
de l'église; vous verrez les lettres originales que je vous en envoyé ^ en
attendant une relation plus exacte. A quoy il fault adjouster qu'un hon-
neste homme du lieu d'Aiguières en Provence, du diocèse d'Arles*, re-
' Commune du département de Vaucluse, l'apprend le récit (mentionné dans la noie
arrondissement et canton de Carpentras, à précédente) fait par l'abbé Motta, vicaire de
7 kilomètres de celte ville. Voir dans le Mazan. Voir ce même récit au sujet des
fascicule IX des Correspondants de Peiresc autres victimes de l'accident.
[Lettres inédites de Salomon Abuzi, rabbin ' La relation du vicaire de Mazan, l'abbé
de Carpentras, p. Ii^-S i) nn document inédit Motla, et une lettre écrite également de
relatif au coup de foudre du lô août i633 , Mazan, le i6 août i633, par le P. Cassian,
tiré du registre LUI de la collection Peiresc récollet, celte dernière lettre publiée, à la
à ringuimberline. suite de la relation, à la dernière page du
^ Ce prédicateur était trie R. P. Sauveur, fascicule IX des Correspondants de Peiresc.
observantin récollet d'Aixn, ainsi que nous ' Aujourd'hui Eyguières, chef-lieu de
[1633] AUX FRÈRES DUPUY.^ 585
venant de porter quelque argent à Cadarousse ' et passant prez du vil-
lage de Mazan sur le moment de ce desastre, fut enlevé dessus son
cheval et porté en l'air deux ou troys cents pas loing, son cheval Tayant
suyvy au petit pas, sur lequel il remonta bien effrayé, et se rendit chez
luy, où il est dans un lict bien malade et bien troublé de cet accidant.
Le mesme jour de Nostre Dame, à prez de trente lieues loing de Mazan ,
prez' des isles d'Iei-es, troys jeunes hommes du lieu de la Valette prez
Toulon S estants à la cliasse, et s'estants mis dans un batteau de pes-
cheurs pour passer en une isle où ils en pensoient trouver à foison,
comme ils estoient dans le milieu du destroit de la mer qui sépare
l'isle de terre ferme, un tourbillon de vent vint enlever un de cez troys
qui estoit filz unique, neveu du sieur Farnoux^ revenu depuis peu
d'exercer la charge de consul de la nation françoyse au grand Cayre,
et porta le jeune homme dans la mer sans que ses compagnons s'en ap-
perceussent jusques à ce qu'ayants apperceu un chappeau dans la mer,
ils virent que leur compagnon leur manquoit, dont les officiers ont
dressé leurs procez verbaux et informé. J'en ay envoyé demander une
relation pour joindre au reste. Cependant huict galères de Gènes , ayants
suyvy à la piste un navire Flament qui estoit venu faire aygade*et
prendre des r'affraischissementsaux meys [sic)^ d'Ieres, l'attendirent au
sortir des isles et le combattirent avec grand advantage, car le vent
l'avoit abandonné, se tenants justement à la portée du canon de Corsée,
de sorte qu'il ne pouvoit les attaindre avec le sien. Enfin ils luy firent
abbattre les voiles et s'en rendirent les raaistres, le cappitaine n'ayant
jamais voulu abandonner son navire, et les matelots estants descendus
pour faire leur consulat, sans que nous ayons encores peu sçavoir soubs
quel prétexte on l'a attaqué dans les meys du Roy <\ la veiie de la ville
canton de IniTondissemenl d'Arles, h 48 ki- snl d'Alexandrie, écrite d'Aix le 9 mars
lomètres de cette ville. 1 (iag.
' Gaderousse, à 6 kilomètres d'Orange. ' Sous le mol aigtmde, le Dictionnaire
' La Valette, h 5 kilomètres de Toulon. de Liltr^ ne donne aucune citation.
' On a dans le registre III des Minutes ' Je renonce n expliquer ce mol: peul-
de la bibliothèque de Carpeniras (fol. 364) être s'agit-il Ih tout sinipleincot du mot meri
une lettre de Peiresc à M' Farnoux, con- défigure par la substitution de \'y à IV.
II. 74
iHVIIHtMt «àtlOBAil.
586 LETTRES DE PEIRESC [1633]
d'Ieres, les despesches estants passées jusques à Pertuys vers le Mares-
chaj , mais si mon frère en revient à ce soir, comme il le nous faict
espérer, et que j'en appraigne davantage, je vous en feray part. L'assem-
blée a esté tenue, et les resolutions s'en dévoient publier à ce matin.
On y a imposé cent libvres pour feu exigeables dans troys moys au tiers
par moys, ce qui faict la moictié de ce que le Roy a voulu, et le sur-
plus sera emprunté. On y a advoiié une assignation de i 5o mille libvres
que M' de Bullion a voulu qu'on paye par advance cette année, de la
première paye de la prochaine. Il me tarde bien d'apprendre si on ne
despeschera personne en cour, ou qu'il se présente quelqu'aullre com-
modité asseurée pour vous faire tenir ce que je vous avoys appresté long
temps y a pour satisfaire à touls cez curieux libvres qu'il vous a pieu
me faire retenir, et envoyer par le sieur Perrin, par laquelle voye il
fauldra attendre cez exemplaires de l'epistre de S' Clément. 11 m'estoit
malaisé de garder longtemps celuy qu'il vous pleut m'envoyer par la
poste, daultant que cez choses perdent la meilleure partie de leur
grâce quand elles arrivent tard, et surtout si elles sont prévenues d'ail-
leurs. C'est pourquoy je ne deubs pas perdre de commodité de luy faire
passer les monts, où elle estoit attendue en grande impatiance. Je ne
manqueray pas de vous accuser la réception de touts les fagots de libvres
qui viendront de vostre part, mais je vous supplie dezhorsmais d'y faire
cotter sur l^nveloppe la datte du jour que vous les envoyerez au dict
sieur Perrin, afin qu'à l'arrivée je puisse recognoistre le temps de leur
sesjour par les chemius. Car le dernier a voit esté bien longtemps puis
que c'estoit avant que le sieur Prieur de Roumoules allasl à Bordeaux.
Nous vous avons bien de l'obligation , M"" Fabrot et moy, du souvenir
qu'il vous plaict avoir de son Théophile, et avons esté bien aises d'en-
tendre que l'ouvrage de M'^ du Chesne aye d'aultres assossiez qui
n'ayent rien de commun avec les entreprinses particulières du sieur
Cramoisy. Il fera beau voir cette Amérique de Laet'. On m'a dict qu'il
' H s'agit ià du célèbre ouvra^je de Jean i6.S3, in-fol.). Voir le Manuel du libraire,
de Laet: Novus orbis, seu descriptionis Indice t. III, col. 74 1; Les Elzevier, par A. Willems,
occidentalis libri XVIII (Leyde, Elzevier, p. ^S.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 587
y a une chronologie de Lansbergius que je seroys bien aise de voir', cet
homme estant assez exacte en ses aultres ouvraiges à comparaison du
commun. Vous avez raison de dire que h; livre dos Isles Bottantes
n'est pas ce qu'on eust attendu sur un subject si extraordinaire; neant-
moings je n'ai pas esté marry de le voir. J'ai vu dans le cahier de su[>-
plement de la Gazette ou iS"" feuille, du 1 1 aoust, entr'aultres livres à
vendre, ce volume des poètes Grecs d'Henry Estienne fol. où vous disiez
qu'esloit la Vie d'Homère par Plutarque^, lequel j'achepteroys volontiers,
ensemble le Sébastian Serlio de l'Architecture in-fol.' sans que je trouve
le prix un peu cher. Mais s'ils sont encor en estât quand vous recevrez
mon petit paquet, je ne iaisray pas de me rançonner du prix cotté, s'il
ne s'en peult rien rabbattre, ou s'il ne s'en rencontroit ailleurs par ha-
zard, à prix plus modéré, d'aultres semblables bien complets, car pour
la relieure je ne la considère guieres. Vous aurez à ce coup des nou-
velles de Constantinople et du Mogor, dont je vous prie de faire voir la
relation au sieur Gailhard pour la monstrer à un de mes amys qui est
curieux de telles chosettes. Et sur ce je demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce 33 aoust i633.
On nous mande qu'il y a grand bruict à Lyon d'un edict qu'on dict
estre sur le tapis au conseil du Roy, pour i'estabiissement d'un parle-
ment à Lyon, les uns y trouvant aultant de subject de desplaisir que
des aultres de contentement.
A ce matin, sur la présentation des facultez du nouveau légat d'Avi-
' Ckronologiœ lacrm libri tre» (Amster- t55t). Voir de nombreux détails sur
dam, i6a5, in-4'). cet ouvrage dan» le Manuel du libraire,
' Voir ce que Gassendi rapporte (p. 36 1) t. V, col. 3o4-3o5. F/architocte Sébastien
au sujet de la Vie d'Homère et des poètes Serlio nn(piit h Bologne en l'iyS et mounit
grecs édités par Henri Estienne. à Fontainebleau en i559.
■'' Libri ciiujue d'architetlura (Venise,
76.
588 LETTRES DE PEIRESC [1633]
gnon le cardinal Ant. Barberin, la Chambre des vacations, ayant faict
appeller tous Messieurs de la Cour trouvez dans la ville, a refusé l'an-
nexe acoustumée jusques à ce qu'il eust rapporté lettres patentes du
Hoy. Encores que le Parlement de Grenoble, les chambres assemblées,
eusse" faict arrest d'enregistration à la charge de rapporter les dictes
lettres patentes dans six moys. Mais nous avions un arrest du 1 7 oc-
tobre 1628 sur la vérification des facultez du prédécesseur, portant que
pour cette foys on le recevoit à la charge de rapporter lettres dans deux
moys, mais qu'à l'advenir on ne le feroit plus, sans lettres patentes
précédantes, à cause qu'on avoit par aprez trop tardé à rapporter les
lettres du Roy nécessaires'.
CXXVIII
A MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
J'ay bien eu du regret que M"^ Rigault se soit trouvé party, à l'arrivée
du Philon Byzantin, mais puis que c'est pour une si bonne occasion,
il ne le fault pas plaindre ^. Vous me ferez faveur de m'en faire faire
une coppie par vostre coppiste Grec, ayant fort bien deviné que nous
ne pouvons pas avoir icy des persones bien propres à s'en acquitter,
selon le mérite de telles pièces. J'ay eu mille peines à trouver quelqu'un
pour transcrire un cahier que j'avois envie de vous envoyer, de l'un
de mes volumes Grecs m[anu]s[crit]s derniers venus, pour voir si quel-
qu'un de cez Messieurs de delà vouldra prendre la peine d'en examiner
un peu le style, car nous n'y cognoissons rien. Et je m'asseure qu'on
aura bien tost recogneu de par delà , de qui ce peult estre. Le volume
est assez grosset , in fol", plus large que l'ordinaire , et le caractère est fort
semblable au volume des eclogues de Constantin ; que s'il n'y a moyen
de faire transcrire un cahier tout entier, je verray à tout le moings d'en
' Vol. 717, fol. 979. — ^ Rigault était parti pour Metz, où il était allé prendre posses-
sion de sa charge de conseiller.
[1633] AUX FRERES DUPUY. 589
faire transcrire un feuillet. J'alteiidoys icy M' Petit', pour prendre la
peine d'examiner un peu plus curieusement et plus patiemment que moy
touts cez fragments de volumes Grecs. Mais il a esté fort malade à son
retour chez luy et le mènassoit on d'une fiebvre eitique'^ dont je le
plaindroys bien. Mais il se porte mieux , et je l'ay fort pressé de venir icy
changer d'air pour quelques jours durant les vacances, je ne sçay s'il se
pourra resouldre, car l'air de cette ville est meilleur pour cez mauvaises
dispositions là que celuy où il est. Je n'attendoys que cela pour voir
de ranger plusieurs cahiers descousus et hors de place, afin de les faire
couldre et relier quelques pièces, et incontinant vous en envoyer une
caisse, entr'aultres ceux que demande le bon P. Mercene. Mais s'il ne
se resoult bien tost, possible me resoudray je de les vous envoyer tels
qu'ils sont, car voz Messieurs de delà prendront possible plaisir de les
ranger d'eux mesme comme ceux des eclogues. J'envoyeray par mesme
moyen les deux volumes Samaritains, dont l'un faict la version Ara-
bique entière du Pentateuque, mais en charactere Arabe, et l'aultre
contient divers discours moraulx, et de piété, et quelque chose d'his-
toire, entr'autres la Généalogie de Mahomet.
Ce livre du Clymacus Grec-Latin feroit faulte à l'assortiment^ puis
qu'il se trouve, mais il me desplaict que l'assemblée n'ayt pas faict la
deputation que nous pensions, et qu'il passe si peu de gents mainte-
nant en voz cartiers. On m'en faict attendre pourtant dans peu de jours.
Et parce que les galères du Pape viennent à Marseille à ce moys de
septembre, je pense qu'elles amèneront quelques uns du voyage de
M' de Crequy. Si l'histoire de M"" de Thou fust partie plus tost, c'eust
esté une belle commodité pour l'envoyer, car malaisément pourra t'elle
estre icy dans moins de six semaines, lesquelles à conter du 28 juillet
iroient bien avant en septembre. Toutefoys il fault voir ce que pourra
la Fortune.
' L'helléniste et orientaliste Samuel Petit.
* Les contemporains de Peir-esc écrivaient
clique ou hectique.
' 'Joaimes scholasticus abbas nwitlis Sina,
qui vuiffo Climacus appellalur. Opéra omnia
(gr. et ht), interprète Malthceo Radero
(Paris, Séb. Cramoisy, i633, in-foi.).
590 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Je plains bien la belle mère de M' Saulmaise\ et encores plus sa
belle sœur de s'estre ainsin laissée enlever par un marault^, et croys
bien qu'on en vouldra faire un exemple pour desterrer un crime qui se
rend si fréquent. Je plains bien davantage le pauvre chat de M"^ Au-
bery puis qu'il estoit tout porté sur les lieux, que ceux qui se sont
laissez mourir de par deçà. Il fauldra les r'emplacer à ce bon temps
Dieu aydant, celuy que j'avois destiné à M'' de Bellièvre s' estant fort
bien remis, et en estant eschappé un aultre de mesme manteau,
mais d'une aultre ventrée, qui sera plus robuste, et plus vigoureux,
et plus grand; mais pour ceux de poil de rat, il s'en est encores perdu
une ventrée toute entière depuis quattre jours, à faulte que les valets
n'en ont point pris de soing à leur naissance. Il en reste encore une
à naistre, mais elle ira si avant dans l'hiver, je veux dire si prez que
malaisément vauldront ils rien ; toutefoys j'y feray veiller plus soigneu-
sement, puis qu'on s'est apperceu du temps que la chatte a esté cou-
verte, car elles ne manquent pas d'un jour tout au plus les neuf se-
maines toutes entières, qui est une merveille de la nature, digne de
plus de considération qu'il ne semble. Quant aux nouvelles, nous
n'avons que celles d'Italie que vous trouverez cy joinctes qui viennent
de M'' de Sabran, à quoy un aultre adjouste que l'armée du duc de
Feria est de 18 mille hommes et deux mille chevaux, et que l'on es-
cript d'Auspourg que le mareschal Horn' s'advançoit du costé de Tyrol
avec 20 mille hommes, et que te Valstein songe à faire hyverner son
armée. Pour cette province, depuis la closture de l'Assemblée dont
vous aurez les principales délibérations, il n'y a rien que le voyage de
M"^ le mareschal de Victry à Tarascon et Beaucaire où il avoit esté
' On sait que Claude de Sauraaise avait leurs généraux delà Suède, et que Gustave-
épouse Anne Mercier, fille de Josias Mercier, Adolphe appelait son bras droit, naquit en
sieur des Bordes. iSga et mourut en 1667. Voir sur cet
^ Connaissait-on l'histoire de l'enlèvement homme de guerre une bonne petite notice
de M'" Mercier? Sait-on ce qu'il advint d'elle de M. E. Beauvois dans le tome XXV de la
et du maraull? Nouvelle biographie générale.
" Gustave, comte de Horn, un des meil-
[1033] AUX FRÈRES DUPUY. 591
invité longtemps y a par cez Messieurs de Beaucaire, en recognoissance
fies bons offices et favorable secours qu'il leur avoit mené l'année der-
nière. Je luy ay faict tenir là les lettres de M' de Thou et à M' le mar-
quis de Narmoustier ensemble à M"" de la Fayette, et demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 3o aoust i633.
J'ay faict portraire la houppe de la plante Papyrus, mais elle n'a
pu estre coppiée assez à temps; ce sera Dieu aydant pour le prochain
ordinaire.
Cependant, ne pouvant mieux, vous aurez une page de ce volume
m[anu]s[crit] Grec de quelqu'un des anciens Pères, dont nous n'avons
peu recognoistre le style ^
GXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je ne pourray pas à ce coup vous entretenir à souhaict, ayant esté
tout destracqué depuis ai heures, pour la maladie de la fille de mon
neveu laquelle est à l'extrémité, et par disgrâce je suis tout seul, tout
nostre monde, hommes et femmes, estante Marseille, et je suis bien mal
propre t\ cez soings. C'est pourquoy vous m'excuserez, s'il vous plaict,
si je me contente de vous accuser la i-eceplion de vostre despcsche du
96 aoust avec toutes cez belles pièces que vous avez joinctes au Philon
Byzantin, dont je vous remercie trez humblement, et mesme de l'extraict
de ce Philon qu'il vous a pieu me faire faire, qui m'est un grand sou-
' Vol. 717, fol. 374,
592 LETTRES DE PEIRESC [1633]
lagement, ayant bien doublé de ce que vous dictes, pour le regard de
la foy de cet autbeur, qu'il y ayt de l'ampliation de rhéteur, mais
tousjours auray je de la peine à me persuader que ces Pyramides
n'ayent esté incrustées de quelque aultre pierre plus précieuse ou mieux
taillée et adjustée que celle qui y reste, puis que l'on nous dict qu'elles
sont fort inesgales, et assemblées quasi témérairement. Nous avons icy
un mausolée en forme de tour ronde toute solide, enrichie neant-
nioings par dehors de colonnes au plus hault estage et de pillastres aux
aultres du dessoubs , mais derrière les incrustations, le noyeau du mitan
paroict encores, de la mesme sorte, composé de grands et énormes
quartiers de pierre, assemblés quasi témérairement les uns sur les
aultres, et en quelques lieux y est demeuré un petit passage entre ce
noyeau et l'incrustation , car je ne trouverois pas un si grand miracle en
cez Pyramides, s'il n'y avoit esté faict que ce qui s'y void. Toutefoys
je m'en rapporteray tousjours à cez Messieurs qui ont esté sur les lieux
et qui par conséquent sont plus cappables d'en juger que nous. J'eusse
bien voulu escrire à M"' Bodier et au R. P. Mercene, mais il est mes-
huy bien difficile; vous leur ferez, s'il vous plaict, mes excuses. J'ay
receu de Tunis un mémoire sur ce que le bon père desiroit sçavoir de
la musique des Turcs, que je mettray possible céans, encores que je
ne luy peusse escrire, pour ne le laisser languir en attendant l'aultre
ordinaire. L'on m'a aussy envoyé de Marseille les coppies des aultres
deux chartes d'Alfonce de Castille ayeul et de son petit filz de mesme
nom que je n'avoys peu extraire dernièrement, quand j'en tiray la
troisiesme que vous m'avez renvoyé. Je n'ay pas seulement eu loisir de
les lisre et les vous envoyé pourtant et à M"" Godefroy, attendant la
veiie que l'on me faict espérer des originaulx, dont on faict la recherche
dans les archives S' Victor. Du restant de vostre lettre j'en ay usé selon
voz ordres précisément, priant Dieu qu'il nous donne ce qu'il juge nous
estre nécessaire. J'ay receu un fagot de livres par les sieurs Moreaux
où j'ay trouvé un exemplaire de ce petit traicté d'Hortensius \ et de
' Ce petit traité, dédié par le mathématicien de Delfl h Gassendi, était intitulé : Martini
Hortensii dissertatio de Mercurio in so/e «iso (Ley de. i633,in-i°).
[1633Î AUX FRÈUFS DUPUY. 593
celuy du P. Malapertitis ' sur les macules solaires que je desiroys avec
{Trande passion ^ et eusse bien souhaiclé qu'ils eussent esté doubles,
])our en pouvoir faire passer l'un en Italie , car je n'ose le faire de peur
de m'en trouver desponrveu, comme de celuy de Scliickard. J'ay prins
])laisir de voir ce Malapertius, et bien que sa supposition reçoive de
grandes difficulté/, si est ce que je n'en trouve pas moings à l'aultre
advis plus communément rcceu du P. Scheiner, voire j'y trouve des
choses plus mal compatibles qu'à l'advis du P. Malapertius. Nous avons
receu par mesme moyen cet autheur si bien imprim('! en Hébreu in i".
H fault advoiicr que lez Hollandoys font mieux que nous. J'ay rendu le
fagot du P. iVJinime couvert de toille verte à son addresse, et me suis
dispensé d'ouvrir celuy de M"' Gasscud selon ses ordres et de M"" l'IIuil-
lier, y ayant trouvé un livre in A" d'Angleterre des Veritez et Révéla-
tions qui mérite bien d'estre achepté s'il s'en trouve à vendre'. Je.l'ay
faict couldre et couvrir promtement avant que le faire tenir à M'" Gas-
send, parce qu'il n'a pas des libraires à Digne. II aura cetadvantage à
la liberté que j'ay prinse d'ouvrir son fagot. Je vous rends mille grâces
trez humbles de voz nouvelles, et ne puis vous rendre aulcune re-
vanche que de celles de Languedoc que l'on vient de m'envoyer, et que
je n'ay pas seulement veiies. Estant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 6 septembre i633.
' Charles Malapert , ik^ h Mons en 1 58 1 ,
entra dans la Compagnie de Jésus en 1 6oo ,
fut professeur en Lorraine, en Pologne, à
Douai, devint recteur du collège d'Arras et
mourut en iG3o h Victoria, se rendant à
Madrid où Philippe IV l'avait appelé pour
enseigner les matiiématiqucs.
' Aucun ouvrage spécialement consacré
aux macules solaires n'est cité dans l'article
Malapert de la Bibliothèque des écrivains
de la Compagnie de Jésus. Mais on y signale
un ouvrage de l'année i633 dans lequel le
P. Malapert a dû s'occuper des taches du
soleil : Austriaca sidéra heliocyclta astrono-
mieis hypothesibus illigata ; opéra R. P. Ca-
roli Malaperlii lielgœ Monlensis (Douai,
in-4").
' De verilate prout distinguitur a revek-
lione, a verisimili, a pos*ibili et a falto
(Londres, i634, in-à*). Ce livre d'Edouard
7^
594 LETTRES DE PEIRESC -[1633]
Nous avons obtenu la permission que ilesiroit M' de Valoys' de faire
transcrire les oeuvres non imprimées de Libanius dans la bibliothèque
d'Auspourg^.
GXXX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Par le dernier ordinaire de Lyon je receus vos despesches du 2 sep-
tembre, avec la petite boitte pour Home qui seroit allée par le dernier
ordinaire si elle feust arrivée un jour plus tost, mais ce sera Dieu ay-
dant dans dix jours par le prochain. Cependant j'ay aujourdhuy receu
par la voye des Moreaux deux fagots de livres fort bien conditionnez
dans lesquels s'est trouvé tout le contenu que vous aviez cotté sur l'en-
veloppe de chascun de vostre main tant pour ce qui accompagnoit le
livre de l'Amérique de Laet\ dont vous aviez oublié de retenir un mé-
moire, que pour ce qui accompagnoit les deux exemplaires de l'epistre
S* Clément, et le livre de M' Midorge, conformément au mémoire
qu'en aviez retenu et datte du 2 aoust qui est venu dans vostre lettre
du 2 septembre, si ce n'est que vous n'y cottiez que deux exemplaires
du discours de M"^ Justel in-ii°\ et toutefoys il s'y en est trouvé troys,
Herbert de Cherbury avait déjh paru à Pa-
ris, en 1 6a 4, et devait bientôt reparaître à
Londi'es augmenté du traité : De causis erro-
rum (i6/i5 , iu-4°). On sait que le philosophe
diplomate traduisit lui-même le De veritate
en langue française : De la Vérité , en tant
qu'elle est distincte de la révélation, du vrai-
semblable, etc. (1639, in-4°).
' Henri de Valois.
' Vol. 717, fol. 276.
^ J'ai oublié de dire plus haut que Jean
de Laet fut un des correspondants de Peiresc.
On conserve à la Méjanes d'Aix (ms. loai ,
fol. 97) une lettre en latin dans laquelle
le directeur de la Compagnie des Indes
demande ù Peiresc (Leyde, 9 5 mai 1625)
des échantillons de divers minéraux et de
diverses pélriûcations qae l'on trouve en
Provence , en échange d'échantillons de sem-
blables objets qu'il adresse au grand curieux
provençal.
* Discours du duché de Bouillon, et du
rang que les ducs de Bouillon ont en France
(i633,in-4°).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 595
comme vous aviez marqué sur le fagot, de sorte qu'avec celuy qui
estoit dans le fagot de Laet, il y en a qualtre exemplaires, qui trou-
veront assez de bons nraistres. Pleut à Dieu que les aultres fagots que
vous m'accusez tant du 20 aoust de l'Histoire de M' de Tliou que du
27°"* du mesme moys, où est le pacquet de M' Diodati pour le P. Cam-
panella, fussent arrivez, pour pouvoir aller à Rome par les galères du
Pape que l'on attend de jour à aultre à Marseille, car ce seroit une
admirable commoditc'î de les joindre aux mémoires du Languedoc de
Catel \ et aultres livres que je faics estât d'envoyer au cardinal Barberin
par les dictes galères. Je feray tenir à M' Gassendi les deux livres cou-
vers de papier madré in 8" coltez de son nom, tant de la responce de
Du Moulin 2 que de la retraicte d'Alcippe. Ne pouvant vous rendre
assez de remerciments de la continuation de tant de soings et de peines
que vous daignez prendre pour moy. Le quatlriesme exemplaire de
l'epistreS' Clément, venu dez sammedy par l'ordinaire, fut incontinent
cousu, et a bien eu des veiies' avant l'arrivée des aultres deux du fagot
du 2 aoust, dont je feray relier l'un proprement pour Rome avec ordre
d'envoyer le précédant au cardinal Bagny, qui me le demandoit avec
grande ardeur, et l'aullre du fagot sera pour moy, le quattriesme courra
partout où besoing sera chez les amys d'icy et des environs, car quand
ils ont une foys esté ployez et battus en plus petite grandeur que leur
forme, ils ne se peuvent jamais relier bien proprement. Et aprez tout
cela il ne luy manquera pas de maislre. Dieu aydant. J'ay eu avec voz
despesches celle du bureau d'adresse d'ordinaire comme vous l'aviez
bien jugé, mais à cette foys icy, j'y ay trouvé à redire une feuille de
la relation du moys d'aoust dont on avoit doublé la première et laissé
en arrière la deuxiesme, au lieu de quoy, on avoit mis le billet que je
vous envoyé, oh l'on me faict un delTy auquel je en m'attendoys nulle-
ment, car je ne suis poinct résolu d'ouvrir de bureau d'adresse en
' Mémoires sur l'histoire du Languedoc Pierre du Moulin et Guezde Balzac les Le«re«
(Toulouse, i633, in -fol.). de Jean Chapelain, t. I, p. la.
' Réponse à la lettre de M. de Balzac ' C'est-à-dire : a élé examiné par plu-
(i633 , in-8°). Voir sur la polémique entre sieurs.
7S.
596 LETTRES DE PEIRESC [1633]
cette ville pour cette correspondance de gazettes dont je me tiens cer-
tainement bien obligé à M'' Raynaudot, mais puis que dans les cahiers
de la suitle des gazettes, il a déclaré à tout le monde que pour une
certaine pièce d'argent, il se chargeroit d'envoyer les gazettes partout, il
semble qu'il auroit aultant d'occasion de me les envoyer à moy comme
à d'aultres pour mon argent, s'il veult maintenir de bonne l'oy la parolle
qu'il en a donnée toute mouUée si solenmellement. Que s'il vouloit
dire que ce ne fust qu'aprez la publication dans Paris, ce seroit bien
inutilement attendu qu'il n'arrive poinct d'ordinaire qui n'apporte les
gazettes toutes IVaisches non seulement à moy, mais à troys ou quattre
aultres, qui en font si bon marclié que les imprimeurs qui les contre-
faisoient quelque foys n'y trouvant plus à vivre, ou à se r'embourcer de
leurs fraiz,ont esté constraincts de s'en abstenir, tellement qu'en ce cas
mon argent seroit bien mal employé. Et pour la communication des
nouvelles, je suis un trop mauvais autheurpour en faire de capital sur
moy ', et me priveroys bien d'aultres plaisirs plus grands que la com-
munication de la Gazette, plus tost que de m'obliger à donner aulcuns
advis. J'ay creu que s'il vous alloit voir, il ne tiendroit qu'à luy d'y ap-
prendre quelque chose de ce qui se peult divulguer sans regret. Je se-
ray bien aise que vous le luy fassiez entendre de ma part, s'il ne vous .
est dezagreable, par quoiqu'un des vostres qui luy fasse voir cette
mienne lettre, et qui luy paye par mesme moyen les arrérages de la
pension telle qu'il l'a taxée, ou aultre plus grande s'il y escheoit; si non,
je luy déclare que je le remercie comme je doibs de la faveur qu'il m'a
faicte jusques à celle heure, et que nous ne laissons pas d'avoir d'ail-
leurs la communication des mesmes gazettes, tout aussy fraisches, sans
luy en avoir l'obligation à luy, car de l'édition mesmes de Lyon qui y
est tousjours achevée de contrefaire avant que nostre ordinaire en parte,
il en vient tant qu'on veult à fort bon compte. Et je croys que puis
qu'il ne veult pas que je trouve mauvais sa discontinuation, il ne trou-
' Littré n'a pas recueilli l'expression : faire son capital de, avec exemples tirés de
faire de capital sur quelqu'un. Oatroa\eseu- Boiirdaloiie, de Féneloii, de La Bruyère,
lement dans son Dictionnaire la locution : de Pascal, de M""* de Sévigné.
[1633] AUX FRKRES DUI'UY. 597
vera pas mauvais aussy qu'un aultie acquière sur moy roblijralioii dont
il commancc de se lasser; (|ue si on auitre chose y avoyt moyen de le
servir, il se peult bien asseurer que je ne m'y esparyneray jamais, soit
qu'il continue ou non les faveurs qu'il a commancé de me desparlir.
Ne re{;reltant en tout cela que l'imporlunité que vous y recevez, dont
je vous crie mercy de bon coeur, aussy bien que de l'adresse de mes
aultrcs lettres, dont je n'abuse poinct tant que je puis; el pour vous
rendre compte du contenu de ma despescbe du 22 aousl, je pense que
vous aurez sceu ce qui avoit jjrossy le pacquet de M"" L'huillier si ex-
traordinairement, car il contenoit la responce de M"' Gassend à Schi-
ckard, avec de grandement belles observations nouvelles tant sur le
Mercure que sur aultres pliœnomenes célestes bien curieux , dont j'avoys
faict brocher en ah heures une coppie escripte beaucoup plus au large,
pour la pouvoir conférer promtement de par de là, sans rclardalion de
l'envoy de l'autographe, afin d'en envoyer coppie à Hortensius. Et je
croys bien que vous n'entendez pas (jue cela soit exclus du privilège
do passer soubs l'advcu de M"" de Lomenie. Le pacquet du sieur Gaillard
n'esloil que de mes lettres à diverses j)ersones dont j'eslois bien aise de
vous descharger du soing de les faire tenir en divers lieux, 011 il pou-
voit aller quérir luy mesmes les responces, comme il est bien oflicieux.
Celuy de M"" l*etre(|uin contenoit un bail ou aultres pièces de grande
importance qui regardoient les interests de M'' l'abbé de Monlmajour ',
qui est si proche parant de M"" de Thou, que je ne pense pas faillir de
vous en faire adresse, lanl pour la seureté, «'estant perdu d'aultres
despeschcs inqiorlanles, que pour les faire rendre plus tost, car elles
ont lardé deux l'oys de beaucoup de jours et en occasions de grande
consequance, avant qu'elles passassent par noz mains. Et je n'ay poinct
veu que M' de S' Geosmos aye guieres envoyé que de simples lettres
ouvertes hors de cette foys là. Sur quoy il fault (|ue je vous dise que
je lascheray d'en user le plus sobrement que je pourray, et que comme
jusques à celle heure nous avions tousjours payé le port à raison de
' Le fils (li'jh niciiliunnë de l'r. Snvnry de Rrèves.
598 LETTRES DE PEIRESC [1633]
3 s[ols] par once de ce qui vient de Paris icy par l'ordinaire, je ne sçay
quelle bonne fortune a esté la nostre depuis le voyage que M' du Lieu fit
icy, où mon frère et moy luy rendismesbien du service et depuis en deux
ou troys occasions signalées, dans les assemblées des Estats et des com-
munautez,où l'on l'avoit voulu traverser, en sorte que meu de quelque
remors de consciance , depuis deux ordinaires il n'a plus voulu mettre
noz lettres avec celles qu'on faisoit payer, et les a faict joindre à celles
du Roy et aultres qui vont franches, n'ayant rien voulu de son droict,
ce qui a faict honte à Mess" les Moreaux qui nous avoient bien plus
d'obligation que luy, lesquels n'ont rien voulu du leur nom plus, et ne
nous ont plus mis en taxe noz lettres. Tellement que nous sommes bien
plus fortunez que nous ne pensions lorsque nous nous y attendions le
moings. Et ce seroyt grande honte que les vostres fussent moings pri-
vilégiées de par delà, soubs un nom si vénérable que celuy du bon
homme M"" de Lomenie \ et qu'on s'en advisast de par delà lorsque de
par deçà nous commançons de jouyr du privilège de franchise, et c'est
à cette heure principalement que je vous supplie d'en user plus sobre-
ment de vostre costé qu'auparavant, car quand je payois le port je
n'avois pas de regret de le payer d'un livre curieux, et à cette heure
qu'on me veult affranchir, j'ay plus de honte de charger leurs pacqiiets.
La commodité est si belle d'envoyer les livres par les balles si réglées
des mesmes Moreaux, où ils ne font pas de difficulté de prendre le
payement à raison de 5 s[ols] pour livre, que s'ils les recevoient tous
jours aussy tost que celle du 2 aoust, je ne m'en plaindroys jamais.
M' de Saulmaise me demande des livres Cophtes dont j'attends bonne
provision d'Egypte avant la fin de l'année Dieu aydant, et un livre
Hébraïque, pour lequel j'ay escript à Venise, d'où j'en lis aultres foys
recouvrer à feu M"" de la Scala, aultant qu'il m'en demanda. Je ne luy
sçauroys pas respondre par cet ordinaire, mais ce sera Dieu aydant
par le prochain infailliblement. J'ay quelque aultre chose de ce Rivius
»
' Antoine de Loménie, né en i56o, avait alors soixante-treize ans el était, par consé-
quent, assez âgé pour mériter le titre de bon homme.
[1633| AUX FRfillES DUPLY. 599
si je ne me troni])e de la matière navale ' et un livre soubs le tiltre
([ue vous dictes des Ilierojjlypliiijues Arcana Arcanissima qui n'esloit
que de l'Alchimie; je seroys bien morlilié si ce n'estoit quel(|ue chose
de meilleur. M"' le maroschal de Vitry vient de revenir de Marseille d'où
il r'amene mon frère à qui je feray voz baisemains comme je vous
supplie de faire les miens trez humbles i\ M' du Puy vostre l'rere, et de
me tenir l'un et l'aultre,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 19 septembre i633.
Mon homme avoit oublié dernièrement d'enclorre dans vostre en-
veloppe un feuillet Grec d'un m[anu]s[crit] dont je vous faisois mention,
et un du Languedoc que vous aurez maintenant avec des nouvelles de
Gènes et de Gonstanlinople '^
CXXXI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
A PARIS.
Monsieur,
. Ce mot n'est que pour accompagner trente pistoles d'Espagne que
je vous envoyé par la commodité de M' Farnoux, cy devant consul en
Alexandrie d'Egypte', pour M' de Brèves, qui s'en va à Paris, pour voir
' i/i.stomn(i««/Mfln/iyM«(I>omlies,i633), autres ouvrages, notamment une dëfense
ouvraffe dt^k mentionne plus haut (|). 1 56, de l'empereur Jusiinien contre .\leraanni
note 4). Lue seconde partie, //w<ona navalts (i6a6).
média, parut en i64o. La première édition ' Vol. 717, foi. 378.
(en un seul volume in-S") est de itîiç) ' Voir, au folio 366 du registre III des
(Londres). Ajoutons que Thomas Ryves, Minutes de l'Inguimbertine, une lettre de
né vers i58o, mourut en i65i à I^ndres, Peiresc b Farnoux, consul à Alexandrie, du
et que ce docte magistrat a laissé divers 9 mars 1639.
600 LETTRES DE PEIRESC [1633]
cez Messieurs et donner raison du consulat, et instruction des afîaires
qu'ils ont en Levant. Il ne manquera pas de visiter monsieur de Thou,
et avec cette occasion il m'a promis de vous faire rendre en main propre
ce pacquet qui estoit demeuré sur mon cabinet troys ou quattre
moys y a pi'est à clorre, à faulte de commodité d'amy depuis que j'eus
perdu celle de M' de Piensin de Tollon , ne s'en estant présenté depuis
aulcune aultre de ma cognoisçance. Au reste le dict sieur Farnoux a
esté longues années en Levant, et particulièrement en Egypte, mais
il n'estoit pas curieux comme d'aultres, pour le moings en ce dernier
voyage qu'il estoit plus aagé et qu'il a eu de fascheuses rencontres. Il
pourra neantmoings donner encores de bonnes instructions aux curieux
qui le vouldront enquerre, et mérite plus qu'il ne monstre. Je m'asseure
qu'il trouvera chez vous le bon accueil que les gents d'honneur y trou-
vent, à quoy je prendray part, et seray à jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 17 septembre i633 '.
CXXXII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVOCAT EN LA COUR,
RUE DES POICTEVINS DERRIERE s' ANDRE DES ARTZ, CHEZ Jl' DE THOD,
À PARIS.
Monsieur,
La rivière de la Durance, ayant desbordé, conjoinctement avec le
Bhosne, jusques aux portes d'Avignon, a retenu nostre ordinaire troys
jours plus tard que de coustume, en sorte que nous ne l'attendions plus.
Enfin il est arrivé encor assez à temps pour vous pouvoir accuser la
' Vol. 717, fol. 28a.
AUX FRKRES DUPUY.
601
[1633]
réception de vostre despesclie du 9°" de ce moys, où j'ay prins plaisir
de voir cez belles lettres de M' Grotius el de M' Rigaiilt aussy bien
que les advis cslrariffors, dont je vous remercie trez liund)lement, ne
pouvant assez déplorer les occasions nouvelles de mezintellifjence, au
lieu des accommodements que l'on nous avoit voulu faire espérer. Dieu
y mettra sa main toute puissante quand il le jugera à propos pour
nostre bien, et ne le fera jamais aussytost comme je le souhaicte. J'ay
veu comme le mot de Hepudium précisé ' avoit rebutté voz MM" à l'ab-
bord que vous leur aviez monstre cette feuille. J'avoys affecté de choix-
sir ce lieu là plus tost qu'un aultre exproz, pour leur donner plus de
moyen de juger du temps et parce que ce mot n'a pas esté si tard na-
turalizé'^ entre les Grecs qu'il ne se trouve dans Justin, ce me semble;
je ne sçay pas pourquoy cez Messieurs ont voulu si tost condamner ce
pauvre bon père sans l'ouyr, et sans attendre qu'il se presentast, car
ce sont des scholies continuées par l'Evangile de S' Mathieu dont il
manque fort peu du dernier chappitlre, mais au commancement il y
a bien quatlre chappittres de perdus, à mon grand regret, car je tiens
un peu de l'humeur du bon P. Mercene que vous dictes estre de si bon
appétit que toutes viandes luy sont bonnes, vous pouvant asseurer que
j'ay souvent ap])rins des choses bien notables en des ouvraiges bien
négligez, principalement en matière de pièces antiques, de quelque
siècle qu'elles puissent estre. Vous verrez un aultre passage du mesrae
autheur, dont je pense que feu M' Gasaubon auroit bien faict son prof-
fits'il l'eust veu, lorsqu'il en alleguoit d'aultres au mesme sens. Il faul-
droit vérifier dans cez volumes des Gatenas des Pères Grecs, si entre
ceux qui ont faict sur S' Mathieu on ne trouveroit poinct des vestiges
' Sous le mol gréciser LiUré ne cite, en
son Dictiommire , ([ii'un seul écrivain (jui est
du xvin' siècle, Bufl'on, ajoutant, il est vrai,
qu'on trouve ce mot dans le recueil de Cot-
{rrave. 11 rappelle, île plus, ipie l'on dis.iil
aussi ffri'caniser, comme ou le voit dans les
Recherches de Pasquier.
' Le mot mturaliiier était déjh employé
au XVI* siècle (V. Carloix, 0. de Serres,
Michel de Montaigne, etc.). Parmi les con-
temporains de Peiresc, Balzac s'en est plu-
sieurs fois servi. On aime k voir Peiresc,
(jni a naturalisé en France divers ani-
maux et diverses plantes, employer une
expression si souvent employée k cause
de lui.
76
602 LETTRES DE PEIRESC [1633]
de ce que celuy cy dict, pour recognoistre le vray nom de son aulheur.
H y en a des m[anu]s[crit]s, ce me semble, dans la bibliothèque du Roy,
et dans celle de l'Oratoire de M'' de S*^ Malo S et d'aultres encores que
le deffuncl P. Fronton avoit tenus ^. Quand on est dans un village des-
pourveu de pain blanc, on ne laisse pas de se riier sur le bis et d'y
trouver de l'aliment, quelquefoys aussy fructueux que l'aultre. Au reste
j'ay enfin trouvé moyen de vous faire tenir par M'' Farnoux, jadis consul
des Françoys en ^Egypte (qui est party sammedy pour Marseille, d'où
il debvoit aujourdhuy prendre la routte de Paris), un pacquet lequel
je vous avoit faict il y a plus de troys moys, pensant en charger le sieur
de Piensinde Toulon, qui passa sans se laisser revoir, dans lequel vous
trouverez 3o pistoles d'Espagne pour subvenir aux fraiz de touts cez
curieux ILbvres nouveaux dont il vous a pieu me faire part, auxquels je
seroys bien aise d'adjouster l'Horace de Hcinsius de la dernière édi-
tion reveiie et augmentée'. Ensemble une grande Histoire de Rouan
dont on me faict feste* et un livre de M' Grottius sur quelqu'un
-de cez poètes Grecs anciens^, et s'il estoit possible de faire venir
d'Angleterre une coupple de copies du Seldenus de jure hereditario
Hebraeorum ^.
' Achille de Harlay, fils du célèbre sieur * A cet endroit, Dupuy a mis en marge
deSancy(lNicolasdeHarlay),naquiteQi58i, de la lettre de Peiresc : <rHist. de Nom.
fut ambassadeur en Turcjuie , devint prêtre fol. ri II suppose évidemment que Peiresc
de l'Oratoire, évêque de Saint-Malo (fd- avait voulu parler de VHistotre générale
vrier 1 646 ). M. L. Delisle a rappelé ( Le Ca- de Normandie . . . , par Gabriel du Moulin ,
binet des Tnanuscriis, t. II, p. 267) que les Rouen, i63i, in-fol. (Note de M. Lëopold
Oratorigns de la rue Saint-Honoré possé- Delisle).
daient une belle collection de manuscrits ' Peut-être le volume publié quelques
orientaux, qui venaient, pour la plupart, années auparavant : Excerpta ex tragœdiis
d'Achille de Harlay, baron de Sancy, mort et comœdtis Grœcis , emendata et Lalinis versi-
évéque de Saint-Malo. bus explicala ab Hug. Grotio (Paris, Buon,
' Le P. Fronton du Duc. Voir, sur ce sa- 1626, in-Zt").
van t religieux , 1. 1, p. Sa. 'Ce fut dans sa prison que Jean Selden
' Il s'agit là de l'édition de 1 629 (Leyde , composa son traité : De successionibus in bona
in-i6).LesElzevieravaient publié, en 1628, defuncti ad Leges liebrœorum, imprimé
les œuvres d'Horace sans commentaires et pour la première fois en i63i et réimprimé
pour l'usage exclusif des écoles. en i636.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 603
Il s'est descouvert une vieille Histoire m[anu]s[crite] qui finit à Ur-
bain II, et ([ui comniance d'assez liault les choses de celte province, et
particulièrement du costc; d'Avijjnon, Orange, Cavaillon, Anibrnri, où
il y a de grandes notices pour les origines et généalogies de noz princes,
et y a mesmes un concile qui est eschappé au P. Sirmond ; raais cela
est tombé entre les mains d'un Irez hoimeste homme, qui ncantmoings
en est si jaloux qu'il n'en veult rien laisser voir, se voulant donner
l'honneur de le faire imprimer luy mesmes dans deux ans, ce dict il, en
quoy il nous obligera bien fort, et le feroit bien davantage s'il pou-
voit anticiper le temps, car il me tient en une merveilleuse impatiance
d'en voir quelque chose. Il fut bien malade cez moys passez, et ce seroit
grand dommage si cela tomboit en mauvaises mains, cez siècles qui y
sont traictez ex professe estant de ceux oii l'on a plus de besoing de
secours de livres, car on me dict qu'il s'estend beaucoup sur les deux
ou troys cents ans devant Urbain II dont nous avons si peu d'autheurs
curieux. Vous pouvez penser que je luy faicts l'amour, à bon essiant,
c'est à dire sans rien obmettre ne espargner de tout ce qui peut fleschir
les plus fieres et plus inexorables maistresses, non seulement pour
l'amour de moy, mais aussy pour l'amour du bon M' du Chesne qui
en sçauroit encores mieux faire son proffît que moy. Il fauldra que le
temps nous y ayde si la chose est faisable, pour abbreger un peu la
mortification oii j'en suys aprez avoir rendu d'assez dignes services, ce
sembloit, à ce personage pour pouvoir prétendre sur luy un peu de
communication d'une viande de si bault goust pour moy, mais je n'en
ay peu apprendre aulcunes aultres parlicularitez que celles de cy dessus,
encores avec prou peine; bien a t'ii asseuré qu'il n'y a poinct de nom
dautheur, ce que je regrette grandement. ÏNous avons icy depuis deux
jours Monsieur Petit de Nisraes, qui me promet d'estre icy tout ce
jnoys, dont je suis bien fier; je ne sçay si j'auray de quoy luy fournir
de la pasteure proportionnée h son génie; sa conversation est merveil-
leusement doulce, et agréable, et digne d'un meilleur sesjour que celuy
oii il se tient. Il faict mettre au net ses loix attiques, lesquelles sont
bien advancées, et quasi prestes à nàettre au jour, croyant bien qu'il
76.
604 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ne tardera pas^ On nous parle icy depuis quelques jours d'une version
Françoyse des oeuvres de leu Monsieur de Thou preste à imprimer^.
J'ay escript pour sçavoir en quel estât ell' est, croyant que vous avez
grand interest de sçavoir ce que c'est. On parloit mesme de l'imprimer
en un lieu où l'on vouloit establir une nouvelle imprimerie, mais j'en-
tends que le marchand n'est pas prest à trouver un fonds proportionné
à un tel ouvraige; si j'en puis rien apprendre de particulier, je ne
fauldray pas de vous en faire part, estant de tout mon coeur,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 19 septembre i633.
La maladie de mon homme fit demeurer mon pacquet l'ordinaire
passé, tellement que vous en aurez deux à ce coup , dont je fus bien mor-
tifié huict jours y a, ne s'estant depuis offert aulcune commodité extra-
ordinaire pour le vous faire tenir de toute la semaine, bien qu'elles
soient assez fréquentes lors qu'on n'en a que faire , par les courriers de
Gènes ou de Rome'.
GXXXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu, avec vostre despesche du 16 de ce mois, les petilz im-
primez et pièces du temps, que j'ay bien pris plaisir de voir, ensemble
' Commentarii in kges Auicas (Paris, tempsd'acliever, à cet âge, une traduction qui
i635, in-fol.). du reste, à la façon dont il s'en tira, dut lui
' Il ne faut pas penser à la version du coûter inHaiment peu de peine. Nous ver-
futiu" académicien Pierre du Ryer, laquelle rons plus loin (lettre CXXXVIl) qu'il s'agit
ne devait voir le jour qu'en 1669 (3 vol. d'un précurseur de du Ryer, nommé Ga-
in-fol ). H est vrai que du Ryer, en i633, briel Boulle.
avaitdëjà trente-sept ans et qu'il aurait eu le ^ Vol. 717, fol. 980.
[1G33] AUX FRERES DUPUY, 605
les nouvelles de la Cour du xi et du xu, que je n'ay point trouvé estranoes
après l'évasion de cette princesse', craijjnanl fort que son mariage ne
soit aultant peut eslre et plus funeste à sa maison que celluy de la
Princesse de Manloiic avec le Duc de Reteloi8^ qui avoit neantmoins
tant de droict et tant de voeux de son costé, ce qui ne sera pas peut
estre en celluy cy. Le succez du siège de Nancy en fera bien tosl pa-
roistre des efl'ectz, je m'asseure', car j'ay bien de la peine à me per-
suader que celte grande villace'', vraysemblablement mal agguerrie et
mal pourveiie des gens du mestier, puisse faire guieres de résistance
aux armes du Roy. J'ay pris plaisir de voir la commission de Messieurs
du Parlement de Metz, qui nous a servy à ne pas doubter du supplé-
ment d'un mot que M' Rigault avoit obmis par mesgarde en sa lettre;
le libvre dont il parle de cet evesque suiïragant pourra enseigner de
belles choses de cez pais là s'il a mis le nez dans les vieilles chartes,
comme je le pense. Les fagots que vous avez baillez au sieur Perrin du
2 0 et 37" d'aoust ne sont poinct encores arrivez à mon grand regret,
mais les galleres du Pape ne le sont ])as aussy, tellement que je ne suis
poinct encores hors d'espérance de faire tenir à Rome par ceste voye
là l'Histoire de M"" de Thou, à propos de laquelle il fault que je vous die
qu'en recognoissant mes livres j'ay trouvé de manque le premier volume
que j'avois de la première édition , avant qu'elle eust esté chastrée* ; si par
hazard il s'en trouvoit encores quelque exemplaire, je le payerois volon-
tiers, quand mesmes il seroit un peu frippé, pourveu qu'il y reslast
encores assez de marge pour le pouvoir rellier proprement comme il le
' Marguerite de Lorraine, sœur du duc
Charles, qui avait élé maritk) h Nancy, le
3janvier i63a, avec Gaston d'Orldans , frère
de Louis Xlll.
* Charles, duc de Rétlielois, fils de
Charles I", duc do Mnnlone, et de Catherine
de Lorraine, mourut le 3o août i63i, ayant
(îpousé, le 9 5 décembre 1697, sa cousine
Marie de Gonzague.
^ Au monicut où Peiresc exprimait cet
espoir, Nancy avait ouvert depuis deux jours
ses [)ortes à Ijouis XIII en vertu du traité
conclu entre ce prince et le duc Charles de
Lorraine (ai seplenibre i633).
' Le Dictionnaire de Littré rappelle que
Pusquier, en ses Recherches, a parlé de ircelle
jfrande villasse de Rome» et que Voltaire,
dans une de ses lettres, a parlé "de cette
jjrande villace de Paris-.
' Paris, i6o4-i6o(), 4 vol. in-fol.
606 LETTRES DE PEIRESC [1633]
mérite , et n'y espargneray pas quelque chose de plus de la valleur com-
mune, me ressouvenant que celluy que j'avois achepté de Febvrier m'avoit
cousté le double du prix commun. Au reste il fault que je vous die de
plus sur ce subject qu'ayant appris qu'il se parloit d'imprimer une ver-
sion Françoise de ceste belle histoire de M' de Thou en cez quartiers de
deçà, que l'on disoit estre toute preste à mettre soubs la presse, et par
où l'on pretendoit d'acquérir de la réputation à une nouvelle impri-
merie que l'on veut establir en la ville d'Orange', soubz l'adveu et peut
estre quelque contribution du Prince pour faire valoir sa ville, j'ay
mis tant de gens en queste qu'enfin j'ay appris qui estoit celluy qui
faisoit cette entreprise et qu'elle n'estoit pas si advancée comme l'on
m'avoit dict, ayant veu neantmoins que vous aviez intherest d'en sçavoir
tous les tenantz et abboutissantz qui estoient venus à ma congnoissance,
soit que vous en eussiez ouy parler auparavant ou non, et pour cet
effect je vous envoyé la response que m'a faicte sur cela un gentilhomme
bien curieux à qui nous appartenons un peu, nommé le sieur de Beau-
castel, qui se tient à Courteson^, des dépendances de la principauté
d'Orange, avec la lettre qu'il avoit eiie de la part de ce traducteur,
ensemble un libvre de controverses du mesme autheur qu'il y avoit
adjousté pour me l'aire voir son style, dans les epistres liminaires; en-
cores que la despesche soit vieille, je ne l'ay receiie que depuis hier
pour estre passée par diverses mains et avoir faict quelque sesjour eu
Arles. Mais je ne feray point de responce que je n'aye de voz nouvelles
sur cela, et que jo ne sache ce que vous trouverez bon que j'en die,
soit qu'il faille l'exhorter à continuer ou le desmouvoir de cesle entre-
prise au cas que vous ayez quelque aultre en main qui s'en puisse plus
dignement acquitter, comme je n'en doubte quasi point, voyant les de-
mandes que vous m'avez faictes aulcunes foys pour les noms vulgaires
' L'imprimerie avait él^ pour la première les écrits relatifs à l'histoire de cette ville
fois Aabiie à Orange en plein xvi° siècle. Voir (Valence, 1877, in-8°).
le Dictionnaire de Descbamps, et surtout une ' Gourthezon (département de Vaucluse,
brochure spéciale du D' Martial Millel, No- arrondissement d'Avignon, canton de Bé-
lice sur les imprimeurs d'Orange et tes livres darrides . à 5 kilomètres de cette ville).
sortis de leurs presses , avec un appendice sur
[1633] AUX FRÈRKS DUPUY. 607
de quelques lieux et de quelques personnes de pardeça qui y sont
inentionnées qui semblent estre pour ayder (juelqu'uu qui eusse ce tra-
vail en main', et au cas que cela soit, je ne pense pas que ce soit pour
celluy cy que vous vous soyez donné ceste peine, puis que j'apprends
par les lettres cy jointes (ju'il n'estoit pas trop bien informé des inten-
tions de feu M"" de Thou pour ce rejjard, dont vous l'auriez peu esclaircir
beaucoup mieux et plus certainement que celluy qui s'en est meslé;
toutes foys je me pourrois encores tromper; tant est que les fagots du
sieur i'errin ne pourront point arriver aussy tost comme je le désire,
pour ne perdre une si belle commodité que celle de ces galleres pour
faire tenir de la marchandise qui a si peu de commerce en ce pais là
hors des mains des gallandz hommes, comme ceste histoire, et peut
estre ce livre du milord Herbert '^ pour le P. Gampanella, à qui je l'eu-
voyeray et seray bien ayse d'escripre par mesme moyen en suitle d'une
lettre que j'ay de luy. Cependant je vous doibs bien remercier comme
je faicts trez humblement du soing que vous avez eu de me procurer
un exemplaire de ceste pièce de Milord Herbert, que je tiendray à sin-
gulière faveur et obligation envers M"" Deodati aussy bien qu'envers
vous. Je vous doibts bien encore des remerciements comme à M"^ Ri-
gault de la participation de son Tertulian, mais je vous supplie de m'en
faire aciiepter un exemplaire pour le cardinal Barberin qui me le de-
mande avec grande instance, et s'il est possible que ce soit du plus
beau papier tant pour l'un que pour l'aultre exemplaire, car pour moy
i'ay grande envie de relire encore une foys ce libvre sur ceste belle
' Rappelons, h ce propos, que Jacques
Diipuy avait publiti un index des noms pro-
pres qui se trouvent latinisés daiis V llUtoire
du président (le Tliou (Genève,i6i4, iu-d"),
et que cet index fut réimprimé sous ce litre :
Resoliitio omiiiitm dij/icultatum , etc., h Ratis-
bonne (tOgO, in-'i").
* Le De verilale dont il a été question
plus haut (lettre GXXIX). A propos de
l'envoi par Uiodati (qui était alors en An-
gleterre) d'un exemplaire du même ou-
vrage à Gassendi, Bougerel analyse (p. i34-
137) les observations de son hért»s sur les
idées soutenues par l'ancien ambassadeur
d'Angleleri-een France, observationsque l'on
trouve fji extenso dans l'édition des Œuvres
complètes (Lyon, in-fol., i658: Ad Ubrum
D. Eduardi Herberti Angli de veritate epi-
stola).
608 LETTRES DE PEIRESC [1633]
édition là, et payeray volontiers au libraire la plus vallue du papier
lant de l'un que de l'aultre. Je ne me suis point dessaisi des petitz livretz
du P. Malapertius et Hortensias, jugeant bien qu'ils auroienl esté tous
enlevez comme ceux de Skikard , mais j'ay une si grande mortifficalion
de ne leur pouvoir laisser passer les niontz que je ne le vous sçaurois
exprimer, et s'il estoit possible pour ces petites pièces là de peu de
coustange, principalement de celle de mathématiques, de m'en retenir
une couple d'exemplaires lorsqu'elles arrivent , vous m'obligeriez grande-
ment, et m'osteriez d'une grande peine. Nous attendrons en bonne
dévotion cet aultre fagot du douziesme septembre qui ne pourra pas
arriver de quelques jours, principalement à ceste heure que les pluyes
et inondations ont si fort rompu les chemins, mays j'ay esté infiniment
ayse de voir par vostre bordereau que vous y aviez mis le libvre de Sel-
denus, pour lequel je vous escripvis dernièrement, et seray trez ayse
de voir ceste belle histoire nouvelle d'Angleterre dont vous ne nommez
point l'autheur qui merileroit bien d'estre sceu, puisque la pièce est
si belle comme vous dictes, au cas qu'il n'aye mis son nom en ceste édi-
tion et qu'il se puisse apprendre; j'attendray aussy ceste relation de
M'' Hulon' en bonne dévotion, et pour les deux traittez qu'il a pieu à
M' Godeffroy de m'envoyer, puis que vous les aviez faict transcripre par
Quentin, je ne laisray pas de m'en prevalloir et les envoyer possible au
comte de Marcheville qui est grandement friand de ceste marchandise,
tellement que tousjours en seray je bien redevable à M' Godeffroy à
qui je tascheray de procurer tout le contentement qui pourra dépendre
de moy, espérant du coslé de Thoulouse tout ce qui se trouvera en
eslat sur les registres, mais pour Rome je n'ose pas luy promettre grand
chose d'une marchandise si jalouse, les registres estantz fort mal com-
muniquables, car je n'ay jamais peu avoir extraict de deux ou trois
bulles, cottées et dattées par le P. Bzovius en sa continuation du Baro-
' Prieur do Cassnn (en Languedoc), des note des Lettres de Jean Chapelain (t. I,
habitués du cabinet des frères Dupuy, demi- p. 196-1 96 ). On trouvera beaucoup de dé-
frère de Jean -Jacques Bouchard. Voir les . tails sur ia relation de Hullon dans une des
Confessions de ce dernier (p. 5 à 65), une lettres suivantes (n° CXXXV).
[1633] AUX FRKRES DL'PUY. 609
nius ', et particulièrement de celle en vertu de laquelle le Pape entra
en possession du Comt»'^ Venaiscin, rpii a esté tonsjours continuée jusque»
à j)resoiit, dont je fiiisois la reclierclio pour Ijunour de vous, et ce fut ce
qui accrocha les inenioires que j'avois commencé de dresser sur ce suh-
ject, qu'il fauldra neanlmoins vous envoyer un matin telles qu'elles sont,
si nous n'y pouvons joindre ceste pièce et une aultre que l'on m'avoit
faict espérer des Archives de Carpentras qui ne se sont jamais rouvertes
depuis. Je vous escriptz au lict, m'estant faict tirer un peu de sang pour
un peu de fiebvrotte^ que m'avoit causée un vent marin fort fraiz qui
me surprit samedy matin l'audiance tenant, mais {jraces à Dieu je suis
sans fiebvre,et {jrandement soulagé; cela me servira neantmoins d'ex-
cuse que vous ferez, s'il vous plaist, envers cez MM" sy je diffère de
leur escrire au prochain ordinaire et particulièrement à M' Godeffroy
et à M"' Rigault et à M' Lhuillier, ensemble à Monsieur du Puy, vostre
frère, qui a droit de me commander plus absolument qu'il ne faict,
principalement pour des personnes de mérite si relevé comme est
M"" Heratilt', qui sera tousjours le trez bienvenu et servy de la meilleure
façon qu'il nous sera possible. Je vous envoyé, un verbal du coup de ton-
nerre de Masan exlraict des registres de l'Evesché *. On nous dict que
le tonnerre a bien faict du desordre à la Charité*, mais nous n'en sça-
vons pas les particularitez. J'y ay joint un aultre verbal d'un certain
mal d'oredle bien extraordinaire. J'ay receu deux exemplaires du libvre
de l'Altezza Reale du Duc de Savoye, l'un desquels est pour vous, et si
ce n'est pas cet ordinaire i\ cause de la grosseur du pacquet, ce sera
Dieu aydantparle prochain et parce qu'il ne se peult pas plyer en trop
' Abrahami Btovii eontinuatio Annalium
liaronit (ab mm ikjS, usquc ad annum
i565), Cologne, i6iG-i63o, 8 vol. in-
folio.
'" Ge dimiiiiitir (lu mot_^èt>re se reiroiivo
dans une phrase de Molière {Le Malade i'ma-
ff inaire) : it Je dddaigne de m'amuscrh ce menu
fatras de maladies ordinaires. . . h ces Jie-
vrottet. . . »
^ Didier Hërauld, né vers 1675, mort k
Paris en juin « 669 , fut célèbre comme ëru-
dil cl comme jurisconsulte. On a de lui de
savantes observations sur Arnobe, Martial,
Minulius l'Vlix, Tertullien. Il fut un des
plus ardents des nombreux adversaire* de
Saumaiso.
* L'ëvêclié de Carpentras.
* La Charité-sur-IiOire (Niivre).
77
t«MI«BBU II4T1««AU.
610 LETTRES DE PEIRESC [1633]
petit volume sans le gaster; j'y feray insérer le dessein de la plante du
papyrus que j'ay enfin tirée des mains du peintre qui m'a bien laict
languir en l'attente d'icelluy, tant ceste sorte de gents tient mal volontiers
parolle en matière de besongne qui n'est pas tant de leur goust. Sur
quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peirbsc.
A Aix, ce a6 septembre i633.
S'il se trouve quelque plan de Pignerol, je vous prie de m'en faire
achepter un exemplaire, pour assortir le recueil de semblables choses^
GXXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DE LOMÉNIE,
CONSEILLER DU ROY EN S«S CONSEILS D'ESTAT
ET SECRÉTAIRE DE SES COMMANDEMENTZ,
À PARIS.
Monsieur,
Nous n'avons à cette heure aultres nouvelles du païs que l'arrivée
des galleres du Pape à Marseille depuis deux jours, où elles ont porté
600 balles de soye de Messine; elles n'entrèrent pas toutes dans le port,
ains tantost l'une, tantost l'aultre, parce qu'elles portent l'estendard
avec lequel elles font difficulté de commencer le sallutà l'estendard de
France des nostres. Le mauvais temps les a obligées de refaire quelque
chose et de spalmer^ avant leur retour, ce qu'elles feront à Toulon
' Vol. 717, fol. a84. donner le suif, etc.» Littré donne à la fois
' Le Dictionnaire de Trévoux définit ainsi espalmer et spalmer. Voir le mot espalmi
ce mot : «Terme de marine, pour signifier dans le Glossaire de La Curne de Sainte-
enduire les navires de bray ou de goudron. Paiaye et les mots espalvérade et spalvérade
C'est la même chose que poisser, goudronner, dans le Lexique ajouté par M. Lud. Lalanue à
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 611
comme l'on croid, où il n'y a poinct d'esteiidard gênerai à saJiûei-.
C'est le grand prieur Nary qui les commande et qui, en qualité de Grand
Croix, doibt demain solennellement donner la Grand Croix à son con-
frère M''le lîaillif de Fonrbin, cappitaine de la Galère Royale de France,
et qui les commande toutes en l'absance de M' le General. Mon frère
y est allé cejourd'huy exprez, pour adsister avec les consuls à la céré-
monie, dont vous aurez la relation en temps et lieti.
Les ravages des eaux pluviales ont esté fort grands en tout,s cez
quartiers de deçà, et estime t'on le daumage seulement dans le terroir
de Marseille, à deux cents mille escus,tant il y a de murailles abbatiies
et de terres gastées. Noz pauvres gents de Boysgency eurent belle peur,
mais il n'y a pas eu de mal grâce à Dieu. M"" nostre Archevesque vid
abbattre à la veûe de son chasteau de Jouques' toutes les murailles
qu'il avoit faict construire autour de son jardin et ravager tout ce qu'il
y avoit faict planter, avec une mortification nom pareille, qu'il n'im-
pute si ce n'est à l'excez du plaisir qu'il y avoit prins l'esté dernier. La
Durance et le Rhosne ont desbordé de toutes parts si furieusement
qu'il y a de la besoigne pour beaucoup d'années à reparer le mal qu'il
y a en des endroicts, et à recueillir le bien qu'ils ont apporté en
d'aultres, selon la vicissitude des cboses. Il y a eu grande contention
de charité* en Arles entre une Dame de qualité et le corps de la ville,
pour les aliments' d'un petit enfant que le Rosne apporta de bien loing
dans son berceau, accompagné d'un coq, sans qu'on aye peu sçavoir
d'où il est venu, si ce n'est que l'enfant estoit fort aiïamé; enfin le
corps de ville d'Arles a eu la preferance- et le faict norrir aux despens
du public, sur l'espérance que ce debvroit estre un jour un bon cit-
toyeu, puis qu'il est eschappé d'un tel danger. Nous n'avons pas de
son dililion des Œuvres complètes de Pierre de
Bourdeille , seigneur de Brantôme ( t. X , 1 88 1 ).
'■ Coiiimime du ilépartRiiieiit des Boiiche»-
du-Rhdne, arrondiBscmcnt d'Aix, canton
de PeyroUes, à 67 kilomèlres de Marseille.
On reinar({ue h Jouques les débris d'un
vaste édifice qui a conservé le noDi de
lÉvêché.
' Ce que dous appelons un combat de
générosité.
' C'est-à-dire pour subvenir aux frais de
l'alinienlalion.
77-
612 LETTRES DE PEIRESC [1633]
meilleur entretien comme vous pouvez voir; c'est pourquoy je croys
bien que vous m'en excuserez pour ce coup comme je vous en supplie
et de m'advoiier tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
j)E Peiresc.
A Aix, ce 3 octobre i633 '..
GXXXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
ADVaCAT EN LA COUR DE PARLEMENT DE PARIS,
À PARIS.
Monsieur,
Avec vostre despesclie du 22 septembre j'ay receu le livre des ob-
servations sur la relation du m[aréch]al de M[ariH]ac*, que je seray
infiniment aise de voir ne l'ayant encores peu, non sans beaucoup de
mortification, depuis l'arrivée de l'ordinaire, par lequel j'ay aussi receu
le pacquet de M' Hulon, avec cette relation qui est si gentile et si
curieuse, que je ne sçaiche rien de plus digne d'estre sceu pour le
temps courant par ceux qui ont eu quelque goust et quelque cognoi-
sçance des ordres et règlements du cabinet, et des civilitez plus emi-
nanles, qui fera un jour l'une des plus belles pièces du siècle. Estimant
que la suitte ne seroit pas moins curieuse si celuy qui a commancé de
rédiger par escript de si belles particularitez se donnoit la peine de conti-
nuer, aux occasions qui se présenteront principalement en cas qu il se fist
' Vol. 717, foi. 986. leur auteur, la notice consacrée par M. Rem-
' Observations [de Paul Hay, sieur du Ker^AM.A&nsLaBrelagne h l'Académie fran-
ÇAuaidei] sur la vie el condamnatiwdu Mor çaise (a' édition, 1879), à Paul Hay du
réchal de Marillac, et sur le libelle intitulé : Chastekt {p. 1-6 4). L'excellent critique s'oc-
Relation de ce qui s'est passé au jugement de cupe, dans un chapitre spécial , le troisième ,
son procès, en i633 (Paris, i633, in-A" àa Procès du maréchal de Marillac.
et in-8°). Voir, sur ces Observations et sur
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 613
([uelque solemnisation ' (le ralHaiicodoiit il s'agist, aultreque celle qu'on
(lict avoir esté faicle à liuiz cloz, dont le destail se sçanra aussy quel(jue
jour et méritera bien d'estre sceu, car on asseure que les articles
eussent este signez par les Roys d'Espagne et d'Angleterre, et d'aultres
adjoustent par l'Empereur. J'ay eu bien de l'obligation à Messieurs du
Cliastelet et Hulon de cez deux rares pièces, mais vous ne pouvez pas
desnier aussy que ce ne soit pour l'amour de vous principalement,
puis que je n'ay pas seulement l'honneur d'estre cognfeu de l'un ne de
l'auitre, et que ce ne peult estre que par voz bons oQices qu'ils ont
apprins de moy, plus tost ce que vous vouldriez que je fusse, que le
peu que je puis estre, ([ui seroit trop indigne de la bonne volonté qu'il
leur plaict avoir pour moy. C'est pourquoy c'est à vous. Monsieur, que
j'en doibs les principaulx ren>erciments et à qui il me fault avoir re-
cours pour faire admetti-e à cez Messieurs mes compliments et actions
de grâces, en attendant les moyens de leur rendre quelque service
trez liumble en revanche, comme je feray trez volontiers, et vous su|)-
plie les en vouloir asseurer. Les galères du Pape sont arrivées à
Marseille depuis deux jours commandées par le grand prieur Nary,
qui doibt l'aire demain la cérémonie de bailler la Grand Croix au Baillif
de Fourbin, qui commande les galères du Roy en absance de M' le
General des galères. Elles n'entrèrent pas toutes dans le port, à cause
qu'elles portent leur estendard, et qu'il leur fauldroit conimancer de
salliier l'Estendard de France, ce qu'ils prétendent ne debvoir faire à
cause de la prérogative ecclésiastique. Mais il y en entre lantost l'une,
tantost l'auitre. Et y doivent sesjourner encor deux jours. Vous pensez
en quelle peine j'ay esté de voz livres pour Rome que je n'ay poincl
encores, mais on me vient dadvertir qu'il arrive des balles des Moreaux
où j'espère qu'ils seront venus assez à temps pour aller par une si op-
portune commodité, ayant desja receu un libvre que M"" Gailhard avoit
baillé au sieur Perrin seulement le a septejiibre qui est arrivé à l'ad-
' Le Dictionnaire de LiUré ne cite sous ce mot que deux «>cnv«iDS, un du xv' siècle.
Gerson, l'autre du xvi*, Robert Estienne.
614 LETTRES DE PEIRESC [1633]
vance avant les balles du 20 aoust. Comme j'en estois icy, l'on m'est
venu faire une bien agréable interruption, pour voir les deux fagots
de la fin d'aoust, qu'on venoit de tirer tout présentement des balles,
que Ton a ouvertes tout de suicte pour l'amour de moy. Car on eust
attendu à demain. J'y ay trouvé en l'un l'OEcumenius, avec tout ce dont
vous l'aviez accompagné suy vant le rooUe cotté sur l'enveloppe de vostre
main, mesmes l'exemplaire du libvre de veritate du Milord Herbert,
dont je remerciray comme je doibs M"" Deodati, et l'aultre enveloppé,
et adressé au P. Campanella, à qui je l'adresseray par mesme voye.
Dans l'aultre fagot, qui estoit encerpillé ^ à part hors des balles, et cotté
de mon nom , il ne s'est trouvé que les quattre volumes de l'Histoire
de feu M"" de Thou, fort simplement attachez avec un peu de fisselle,
sans aulcune enveloppe ne adresse à Rome, tellement que j'y en feray
faire une en bonne forme, et l'adresseray à M' l'abbé de Thou, et au
R. P. Dom du Puy, pour ensuyvre voz ordres, et mettray le tout dans
une cassette que j'adresseray au cardinal Barberin pour esviter les
difticultez des censeurs. Je luy envoyé troiz aultres volumes in-fol° et
une coupple au cardinal Bagny, qui s'en iront touts soubs la mesme
faveur du cardinal Barbenn. Si cette commodité m'eust failly, j'eusse
esté bien empesché à trouver de la seurté pour cez volumes de
M'' de Thou, mais ell' est venue du ciel tout à soubaict, dont je suis bien
aise pour l'amour de vous et de cez Messieurs qui se sont voulus servir
de mon addresse.
Il me reste à vous remercier, comme je faicts trez humblement, du
souvenir que vous daignez avoir de l'édition du Theopiiile de M"" Fabrot,
et encores plus de la continuation de voz bons ofiices auprez de Mon-
sieur nostre Premier Président et Madame la Première Présidante, dont
je vous doibs toutes les grâces et bienfaicts que j'en ay receus, n'ayant
rien faict qui les peust mériter. J'escripts à mon dict sieur, en responce
d'une trez honneste lettre dont il m'a voulu honorer, et vous supplie de
' Je ne trouve ce mot dans aucun de nos vieux dictionnaires. Etre encerpillé , c'est être
enveloppé de cette toile grosse et claire qui sert à emballer les marcbandises et que Ton ap-
pelle serpillière.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 615
ra'adsister à l'aire excuser le pecbé originel de nostre chetif païs et mon
desinerite particulier.
Je vouldroys bien sçavoir l'autheur de ce petit livret de l' Estai et Cou-
ronne de Suéde 8» chez Augustin Courbé' et vous prie de m'en envoyer
un aultre exemplaire quand la commodité s'en présentera. Car celuy-là
m'est eschappé des mains. J'avoys un exemplaire double de l'Histoire
de Chastillon de M' du Chesne ^ que j'eusse envoyée au Cardinal par
celle commodité, sans qu'il s'y est trouvé une feuille double, et par
conseqiiarit une de manf[uc qui cstoit la seconde du cahier b g aux
preuves laquelle debvoil estre collée Gg 2 et la page 2 35. Si elle se
peult recouvrer, vous m'obligerez de me la faire avoir; c'est de l'édition
de l'an 1621 fol° Cramoisy. Je vous envoyé la feuille double pour la
luy rendre au cas qu'elle luy serve.
Monsieur nostre Archevesque m'a voulu faire presaat du premier
volume de Pelrus Aurelius in à" fort gros, et en grand et beau papier,
lequel je n'avoys pas ', et d'une aultre deffence de la Hierarcliie ecclé-
siastique in /i° par Franciscus Hallier'', où il manque un feuillet, qui
n'est qu'uu demy carton, cotté Aiiij , pag. 7, chez Morel, i632. Au se-
cond volume d'Aurelius, il n'y a poiucl d'aultre comniaucement que la
première l'euille A. Asserlio Epislolae Antistitumetc. ; toutes les epistreeet
préfaces y desfaillent; s'il y eu a esté faict aulcunes, encores fauldrai'il
voir de les perfectiouuer, si faire se peult, puis que cela faict uu si
grand article de ce qui a tenu le tapis ^ depuis quelques années.
' Nous avons vu plus haut que ce livret a
pour auteur le P. Gault.
' Histoire fféiiéatoffique de la maison de
Chastillon- sur-M ame , jastifiée par titres et
bonnes preuves , etc. , par Amlrd du Ghesne
(Paris, Cramoisy, iCai, in-fol.).
' Vindicia censitrmfacultatis theologiœ Pa-
risieiisis, etc., Paris, iCSa, in-4°. Cet ou-
vrage de Jean du Vergier de Uanranne,
ablx! (le Saiut-Cyran , fut rëimpriind en 1 635,
en i64i, en 1696.
* François Hallier, né à Chartres vers
1 SgS , fut docteur et professeur en Sorbonne,
syndic de la faculté de tliëologie, fut nommé
en i656 dvâquc de Cavaillon, et mourut le
93 juillet 1689. Voici le titre complet de
l'ouvrage cité pur Peiresc : Défense de la
hiérarchie ecclésiastique et de la censure de la
faculté de théologie de Pari» contre l'éponge
d'Hennan Loêinelius.
' Mous avons trouvé dons le toaie I les
expressions durer sur le tapis (p. aSa) et
tenir le tapis (p. 36a).
616 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Quant au prioré ' de Roumette [sic) ■^, asseurez vous qu'en Avignon il
ne s'en est expédié aultre cliose que ce que vous avez veu du 3o juillet
per obitum en faveur du sieur Ponat, dont M' le sacristain Valbelle
nie fit voir le mémoire de la date, qu'il envoya à M"' de Thou ensemble
d'une aultre date, qu'un aultre avoit prinse pour un aultre prioré de
S' Laurens dépendant de Cluny, vacant par le decez de la mesme per-
sone qui avoit le prioré de Romette. Jay veu un mémoire de toultes
les dates prinses en Avignon dans les moys de juin et de juillet, où
il n'y avoit rien de plus sur cela. C'estoit à Rome qu'on avoit envoyé
la résignation de Romette en faveur d'un neveu du dernier titulaire
qui n'avoit pas l'aage, afin d'en obtenir par mesme moyen la dispence,
comme vous aurez veu par mes despesches du précédant ordinaire,
pour raison de quoy j'escrivis à Rome afin de prendre acte de tout
ce qui se trouveroit refusé ou accordé pour fortifier vostre droict que
je tiens indubitable, et dont je vous félicite de rechef comme d'une
pièce digne de vous et dont j'admire de voir la contestation d'honnes-
teté non seulement entre l'Eminentissime cardinal de la Valette et
M'' de Thou, mais encores entre M' de Thou et vous, puis qu'ils s'y
sont touts portez de si bonne grâce. Je prie à Dieu que vous en puis-
siez jouir aussy longuement et heureusement que le vous peuvent
souhaicter voz plus fidèles serviteurs, entre lesquels si je suis des
moindres en pouvoir, je vous puis bien jurer que je ne le suis pas en
dévotion toute entière envers vous et tous les vostres, estant du meil-
leur de mon cœur.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc. .
A Aix, ce 3 octobre i633.
' Littré a retrouv»* la forme pnoré Jans ' Romette est une commune des Hautes-
des textes du iii° et du xv" siècle. Il ne cite, Alpes, canton de Gap, à 4 kilomètres de
pour le XVI* siècle , que cette phrase d'Au- cette ville. On y signale les vestiges du
bignë : tria chambre priorelley (au mot prieuré dont parle Peiresc.
prieural).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 617
J'oublioys de vous dire que la lettre d'Espagne imprimée sur le
subject du voyage de l'Infatit Cardinal monstre bien la foiblesse, puis
(ju'il n'a osé passer au lieu oi!i il est destiné, et que cette aultre vieille
pièce de la Rochelle meriloit bien d'estre veiie et conservée.
Vous aurez enfin le dessein du Papyrus, avec le libvre de l'Altezza
real de Savoye, et si le paquet n'est trop gros, encor un aultre contre
le pauvre Galilœi de Claudio Ben'gardo'.
Vous aurez du Papyrus le bourgeon comme il paroit en sa naisçance
avant que s'esclorre ou espannouyr, et puis le mesme tout esclos, et à
part un des fiUets de la liouppe ou du Scapus'', tout verd, et un de
ceux qui sont secs etfannis' tels que l'on employoit à faire les feuilles
à escrire. Vous en aurez aussy de ceulx que j'ay faict arracher de la
plante, afin que les puissiez mieux comparer sur les feuilles de vostre
m[anu]s[crit] des epistres d'Avitus*.
Quand vous le trouverez bon, vous m'obligerez d'agréer que M'Gail-
hard l'aille faire voir à M' Robin *, à frère André '^, et à M' Gault ^ et en
un besoing à M"' des Nœuds *. Le bon P. Mercene le voulloit voir aUssy, et
je pense qu'en son temps M"" de Saulmaise ne sera pas marry de le voir.
Tandis que le Roy a la Lorraine et le Barroys, il fauldroit bien avoir
faict diligence pour trouver le contract de mariage du bon roy René
' Dubilationes in diahgum Galthi Lynen , vers de Racan ( Iraduclion du psaume ixiv) :
traité déjh nientionnt? plus haut (p. 458). Le Yoil s'épanouir. /anir, tomber à l»rre.
Lauleur de ce trait»?, Claude Guillerraet, * Il s'agit des fragments des Œuvres d A vi-
seigneur de Bdrigard ou Bcauregard, iia- lus suipapyrus qui sont à la Bibliolhèque na-
quit à Moulins à une date qui est controversée tionale, ms. lai. 8913. Voir 1. 1, p. 63.
(1578, selon les Mémoires de Niceron, * Sur les botanistes Robin père et fils,
t. XXXI, 1 591 selon rinscription de son por- \oir l. I , p. 55o.
trait mis en tête du Circulus Pisanus, i643); * On ne conserve dans les Minutes de la
il étudia h l'université d'Aix en Provence, bibliothèquedeCarpentrasqu'une seule lettre
s'établit à Paris, alla en 1698 professer la de PeirescauR. P. André(reg. IV, fol. 3io).
philosophie hPise et en i64oh Padoue, où ' Nous avons déjà trouvé plus haut le
il occupa sa chaire justpi'à sa mort (tG63). nom de cet amateur (p. 39a).
' Dans Pline le naturaliste, le mot scapus ' M. des Nœuds était un autre amateur
a le sens de tige d'une plante. parisien auquel Peiresc a écrit quelquefois.
' Liltré remarque que l'on a dit yàniV notamment le 10 décembre 1 639 (Minutes
au .wii" siècle, comme au xvi*. et il cite ce de llnguimbertine, registre I, fol. 53a).
618 LETTRES DE PEIRESG |1G33]
d'Anjou avec la nièce du cardinal duc de Bar, héritière de Lorraine,
oii estoit la substitution du Barroys en faveur de la France. Ensemble
l'Erection de la Duché de Bar'.
CXXXVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Je n'ay jamais rien faict pour vostre service, et particulièrement en
laflaire de cette vacance, que je ne vous en deusse au centuple, et que
je ne fisse d'aussy bon coeur, si j'en avois assez de moyens. J'escrivis
en mesme temps au sacristain de Valbeile à Marseille, et luy demanday
s'il y avoit aulcuns graduez nommés sur S' Victor, le priant en cas qu'il
y en eust de faire un tiltre au religieux tenant l'induit de M' de Thou,
et d'y exprimer l'annexe de Briault sans attendre aultre advis. Je n'ay
pas encores eu de responce de luy, mais je croys bien qu'il vous aura
respondu de Marseille par le mesme ordinaire. Vostre aultre lettre fut
Ivier rendiie icy à M"^ le lieutenant Valbeile, de qui vous aurez comme
je pense la responce, mais je me doubte que vous aviez faict equivocque
et que vous aviez prins pour sienne une lettre du conseiller son frère
qui se trouva présent icy et qui avoit escript à M"" de Thou lors de la
despesche du ig""" du passé dont vous m'accusez la réception. Je ne
pense pas. qu'il y ayt aulcun gradué nommé sur S' Victor, parce que
l'usage n'en est pas encor introduict en cette province, où la proximité
de la légation d'Avignon faict admettre les résignations ordinairement
assez à temps pour exclure quasi toute la fonction des ordinaires. C'est
pourquoy on ne se veult pas amuser icy à attendre des grâces expec-
tatives si casuelles et de si longue attente que pour le joyeux advene-
ment du Roy, et choses semblables , il y en a qui ont esté des 2 0 années
sans pouvoir estre remplyes et davantage.
' Vol. 717, fol. 487. '
[1633] AUX FHKUKS DUFl'Y. 611)
Je inc lioiive si pressé à ce coup, (|iio je ne sçauray vous entretenir
qu'à la (lesrobée à mon grand regret, et me fauldra finir en vous re-
merciant comme je faicts de tout mon coeur de tant de belles pièces
sur le subject de l'acquisition de Nancy, que j'ay trouvées toutes escriptes
de vostre main, et l'excez est neanlmoings si grand en vostre lionnes-
teté qu'aprez tant de feuilles de vostre escripture, vous me faictes en-
core des excuses de ce qu'il vous en eschappe quelque chose, e» quoy
vous me faictes grande honte, et si en cez occasions vous vouliez en-
voyer quérir Quentin, il pourroit bien vous soulager d'une bonne
partie, et escrire chez vous ce qui se pourroit confier à ses yeulx, car
je ne seroys pas d'avis que vous luy laissassiez emporter hors de chez
vous ces curiositez si rares et si jalouses. Au reste je viens de recevoir
de Toulon la responce du grand prieur Nari, gênerai des galères du
Pape, sur la réception de ma caisse de livres puis le 7""^ et m'a t'ou as-
seuré qu'elles firent voilie dez hier, tellement que M' l'abbé de Thou
et le 1'. Campanella ne larderont guieres d'avoir leurs livres aussy bien
que le cardinal ceux que je luy envoyé par mesme moyen, le gênerai
m'asseurant qu'il aura seing de cette caisse comme de ses propres yeulx
puisqu'elle porte l'adresse del Cardinal Patron. Elle estoit arrivée trop
tard à Marseille pour y estre embarquée, car le gênerai n'y vint
que mardy à l'heure de la messe pour la cérémonie de la Grande Croix
qu'il donna au Baillif do Fourbin chez qui il disna et puis se retira
aux islcs d'où il partit la nuict mesme pour Tollon, de sorte que le
lendemain ma caisse le suyvoit par terre à Tollon. On attend icy me-
credy Madame la Mareschale qui debvoit estre à ce soir à Tarascoa
avec M' le Mareschal de Victry. Son fils M'' le Marquis de Narmoustier
y va demain au devant et mon frère (qui vous salue tous trez humble-
ment) l'accompagne, sur quoy je demeure.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 10 octobre i633.
M' Petit ne voulut pas estre icy plus de dix ou douze jours pour
78. •
620 LETTRES DE PEIRESC [1633]
s'en aller à Montpellier avant l'ouverture du collège. C'est véritable-
ment un trez lionueste homme digne d'eslre aymé et servy.
J'ay prins un merveilleux plaisir de voir ces epistres escriptes au
roy Louys VII et attendray en extren)e impatiance l'édition des res-
tantes s'il n'y a moyen de les voir à l'advance.
Les lettres de M' Rigault viendront tousjours à temps par la ))oste
quand il trouvera du temps d'escripre, dont je doubte un peu. Cepen-
dant vous avez trez bien jugé qu'il valloit mieulx laisser gaigner temps
aux balles des sieurs Moreaux qui vont si lentement.
Je ne sçauray escrire à ce coup h M' Deodati comme j'esperois pour
le remercier de son livre de Milord Herbert, ni à Mess" de Saulmaise et
Godefroy et le P. Mercene, tant le temps nous est court. Je n'ay aussy
peu trouver une pièce que je vous avois apprestée, et que je vouloys
joindre au livre contre Galilei, pour la conserver, qui me fera différer
jusques au prochain ordinaire. Dieu aydant, sous vostre bon plaisir.
Je vous remercie des Gazettes d'Amsterdam qui font une bonne
partie de celles de ce Renaudot, et sont aultant et possible plus
fidèles. Il a encore continué le dernier ordinaire, je ne sçay s'il
CXXXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Un compliment qu'il m'a fallu rendre à ce soir à un Prélat qui m'es-
toit venu voir et qu'il a fallu reconduire à l'heure du serain^m'a tellement
enrumé tout d'un coup', et attiré sur les yeulx trop de deflluxion pour
' Vol. 717, fol. 988. ' Le poète Philippe Desportes, dans ses
' C'est ^occasion de rappeler que, dans spirituelles imprécations contre une nuit trop
les textes anciens, serein n'a que le sens de claire, a dit:
sotr, ■ 0^z-vou5 du serein, craigneî-vouspointdurheume?
[1633] AUX FRKRKS DL'PUY. 621
pouvoir supporter des lunettes, sans losf[Hclles je ne sçaurois escrire
de ma main, lors que je m'y trouvois le plus oblifjé par la réception de
vostre despesche du 7' octobre contenant [dus de huict ou dix feuilielz
de minutte tout de vostre main, dont je suis si honteux et si surcliargé
d'obligation que je ne sçaurois jamais vous en rendre d'assez digne re-
vanche, ne pas niesme des remercimentz qui ayent aulcune proportion
à ma deble, mais vous le voulez ainsy et je me contenleray de vous
dire que c'est du meilleur de mon coeur que je vous en rends mes trez
humbles actions de grâces, attendant si j'y pourrois adjouster aulcuns
effetz de ma dévotion qui peussent mériter une partie de la bonne opi-
nion qu'il vous plaist avoir de moy. Nous estions fort afl'amez de nou-
velles sur les occurances présentes, mais vous nous en avez tellement
rassasié et de celles du plus hault goust que nous debvrions en avoir
faict un repas pour long temps. J'en useray selon qu'il vous plaict me
l'ordonner, principalement de celles du costé de Metz. J'ay bien pris
plaisir de voir les vers du sieur Colletet', et bien que M' Gaulmin^ ayt
mieux faict aultrefoys, je n'ay pas laissé de trouver ses conceptions
aussy extraordinaires que libres et bien respondantes à son humeur et
à son style. C'est tousjours une des pièces du temps qui debvra tenir
rang entre les plus curieuses. J'ay prins grand plaisir à la naifveté
du style de ce commencement de version Françoise de l'Histoire de
M' de Thou, et ne nianqueray pas de le vous renvoyer aprez l'avoir
fait voir à quelqu'un de noz amis, si ce n'est que vous trouvassiez bon
que je le fisse voir à nostre Daulphinois', à cette lin qu'il se laisse plus
' Sur Guillaume Colletet, né h Paris le ' Ce Daulpkinoù était un sieur Boulle,
la mars 1898, mort en la même ville le dont il sera souvent question dans la suite
to {é\rm- i&bç),\oir\esLettrcii de Jean Cha- de cette correspondance. Uaprès des notes
pelain, t. I et II , surtout t. 1, p. 56, t. II, manuscrites du P. Bougerel qui mont été
p. 17-26. FjCs vers de Colletet devaient être communiquées par M. le marquis de Cla-
dc8 vers de circonstance , des vers faits à l'oc- piers , Gabriel Boulle naquit h Marseille vers
casion del'enln'ede I.ouisXIll à Nancy. j58o et mourut en i6.to. On \oit dans la
' Les vers de Gilbert (înulniin devaient seconde «'dilion de Id France protestante
aussi cëb'brcr les beureux événements de (t. II, 1880, |>. 998) qu'il était ministre
Lorraine (prise de Lunéville, deMireconrt, en 1630 à Baix et de i6q5 h 1637 à Vin-
cession de Nancy). sobres en Daupbiné. G" est poui-i]uoi Peii-esc
f)-2-2 LETTRES DE PEIRESC [1633J
tost vaincre à laschei" le pied, voyant la Lesongne desja si advancée
et d'une main qu'il ne sçauroit esgalier; mais je ne le feray pas sans
vostre ordre expresse. Bien feray je ponctuellement tout le reste qu'il
vous plaist me prescripre par vostre lettre, et attendray fort impatiem-
ment ce beau glossaire que vous nous faictes espérer sur ce subject.
J'escripray à Rome par le prochain ordinaire de jeudy avec l'ayde de
Dieu pour faire lever un perquiratur s'il n'a desja esté faict, de- toutes
les expéditions concernant le prioré de Roumette, et aultres bénéfices
du dernier titulaire d'icelluy, pour y apprendre le nom du Banquier
chargé de cette poursuitte, et pour tascher de voir sur son registre ce
qu'il y pourroit avoir cotté du reffus de la dispense dont est question.
Il me tardera de voir que vous en soyez paisible possesseur, comme
je l'espère, vous remerciant trez humblement de tant de soing que
vous continuez à me procurer de toutes parts des libvres et aultres
pièces curieuses, dont je vous rendray quelque change quand il plairra
à Dieu. Il est vray que j'avois entreprins de ranger mes papiers lors du
despart de Monsieur le Premier Président, mais les chaleurs survin-
drent si violentes tout d'un coup qu'elles m'en osterent le moyen tout
à faict et me contraignirent de quitter la place qui n'estoit plus tenable
et de me retirer à une estage plus bas de la maison et un peu plus
fraische ', laquelle je ne sceus abbandonner que jusques à la S' Remy,
depuis lequel temps il n'a pas esté en mon pouvoir de m'y remettre;
mais je suis bien résolu de le faire si je puis avant que l'auUre exrle-
mité contraire du froid nous surprenne, et en ce cas je pourrois donner
plus de satisfaction à M'' vostre frère, sur le subject tant du comté Ve-
naiscin que d'aultres terres adjacentes. Au reste je suis honteux de la
peine que vous avez voulu prendre pour ce vénérable gazetier, de qui
appelle Daulphinois ce Marseillais. On cile, A. Vitré. i6i5, in-8°), il rappelle {/Vé/*ace)
dans la France protestante , d"après Gui Al- qu'il a collaboré pendanl quelques années à
lard et d'après Rochas, de nombreux ou- la traduction de ir cette grande et excellente
vrages de Boulle. Dalis un de ces ouvrages Histoire de M. le Président de Tliour.
où l'ancien ministre converti prend le titre ' Je'ne trouve nulle autre part le mot étage
(le conseiller et historiographe du Roy [Essay employé au féminin.
de l'histoire (féitérale des protestants, Paris,
[16:W| AUX FHKRKS DUPUY. 623
je n'ay point eu de pacquet par le dernier ordinaire bien qu'il l'eusl
faict faire en vostro présence, ne sachant à quoy imputer cela si ce
n'est à quelque bizarie (sic) , puis qu'il estoit demeuré d'accord avec vous
de ce qu'il avoit à faire, mais quoy qu'il vous aye dict, je ne crois pas
comme il n'y a aulcune apparence qu'il reçoive aulcune correspondance
de nouvelles de la part de M' le mareschal de Vitry ne de M"^ de la
Poterie,- auxquels il ne manque point d'envoyer sa gazette tous les
ordinaires comme il l'envoyé pareillement à un certain advocat nomnné
Roux, sou correspondant, de (jui je ne pense pas certainement ([u'il
|)uisse apprendre des nouvelles qui vaillent quand il Iny en voudroit
escripre. H se contente de partager avec l'imprimeur quand il peut
trouver quelqu'un qui la veuille entreprendre, ce qui arrive rarement
parce (ju'ilz n'y trouvent pas leur compte. Il en usera comme bon luy
semblera, et nous ne laisrons pas de voir sa gazette et ses relations
d'ailleurs comme nous avons faict à ce coup cy. Vous verrez les nou-
velles que nous avons eiies du costé d'Italie par le dernier ordinaire
et je liniray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce XVII octobre iC33.
J'eusse bien voulu escripre à M' L'IIuillier, puis que je n'ay poinct
de lettres de M' Gassend à luy envoyer, pour satisfaire à mes conven-
tions et accuser la réception de sa despesclie que j'ay fiiict tenir au dict
sieur Gassend, mais l'heure est desja un peu tarde, et mon homme
s'endormant sur le papier, je suis contraint de vous supplier de faire
mes excuses pour ce coup, ensemble à M"' Gailhard et aux aultres qui
se pou voient attendre à voir présentement de mes lettres, les suppliant
de patienter jusques au prochain ordinaire, «et de ne me tenir pas
moins leur serviteur pour cela '.
' Vol. 717, fol. 990.
624 LETTRES DE PEIRESC [1633]
GXXXVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay eu des mortifications bien sensibles à l'ouverture de vostre der-
nière despesche du lù"''. En premier lieu de ce que j'y trouvav une
lettre pour Rome si importante comme est celle de Monseigneur le car-
dinal de la Valette, et que l'ordinaire de Rome n'estoit passé que du
jour précédant, tellement qu'il y aura i5 jours à perdre icy en l'at-
tente du prochain, comme vous aviez appréhendé à Paris. Si vous vous
lussiez advisé d'advertir M' du Lieu en luy faisant l'advance de mon
pacquet, qu'il y avoit des lettres pour Rome, et de le prier de me
l'envoyer à l'advance s'il pouvoit (comme il a faict aultres foys par le
courrier mesraes de Rome, lequel part de Lyon le mardy), il me l'eust
peu envoyer à temps et l'eust faict je m'asseure volontiers, comme il
le practique tousjours pour le pacquet de M' le Mareschal qui arrive
de 1 5 en 1 5 jours, la semaine de l'ordinaire de Rome, par le courrier
de Rome, un jour ou deux avant l'arrivée de nostre ordinaire qui ne
part de Lyon que le mercredy à midy, ou à 4 heures du soir. S'il
passoit quelque extraordinaire comme il y en a quelque foys, je le ha-
zarderois, pour ne perdre tant de temps en affaire si pressante, dont
j'ay meilleure opinion que vous, estimant que la fortune, qui donne
aprez le mauvais temps le beau, vouldra commencer à ce coup de faire
pour vous, et recompenser le temps perdu cy devant. J'en feray l'adresse
selon voz ordres à Dom du Puy, comme la plus asseurée, et la plus
disposée et préparée à se servir de cet advantage par les précédantes
poursuittes qui auront esté faictes sur cette occurrance. Comme j'en
estois icy, l'on m'est venu interrompre avec un pacquet de Rome venu
à Marseille sur une galère de Gènes, où j'ay trouvé une lettre de
M'' l'abbé de Ronneval, dont la signature m'avoit grandement resjouy
d'abbord, croyant que ce fust en response de ce que je luy avoys
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 625
cscript pour l'affaire de Roumettcs, mais quand j'ay jelté les yeulx sur
la datte que j'ay trouvée du 1 1 septembre, j'ay bien veu qu'il ne pou-
voit pas avoir lors receu mes despcsclics, et de faict ce ne sont que com-
pliments, mais les plus obligeants et les plus cordiaux qui se puissent
mettre par escript, quoy que ce ne soit que sur l'addressc de cez petits
livres et boittes que vous aviez faict passer par mes mains, dont je
luy suis mille foys plus redevable que tout ce qu'il vouldroit estre
à moy, et feray bien tout ce que je pourray pour luy en bailler des
tesmoignages et à touts les siens, du nombre desquels je vous tiens,
vous ayant d'ailleurs tant d'aultres obligations de vostre chef particulier,
que je ne vous en sçaurois exprimer les justes sentiments nom plus que
l'estime que je faicts de vostre vertu et de l'eminence de voz mérites
par dessus la plus part des personnes tenues pour les plus méritantes
du siècle ; c'est pourquoy vous ne debvez pas soubs correction trouver
estrange qi/il m'en soit eschappé quelque petit mot en escrivant à
Monsieur de Thou par une occasion si plausible, et en laquelle je ne
m'en fusse peu taisre sans crime, et sans grande charge de consciance,
vous estant desvoué comme je suys, et sçaichant l'affection qu'il vous
porte, estant bien asseuré que je ne luy pouvoys desplaire en luy par-
lant d'une personne si chérie. Par une lettre de M' de Bonnaire
du 2 2* septembre veniie avec celle de M' l'abbé de Thou, j'ay apprins
le partement du sieur Chartres puis le 1 9"*, et qu'il s'estoit chargé de
quelques fagots pour moy, entre lesquels il y en a un de Dom du Puy,
avec un livre de plantes, ce dict-il, que je croys estre celuy del Padre
Ferrario jésuite S dont le Cardinal m'envoya un exemplaire par le
courrier ordinaire qui partit de Rome de mesme datte du 2 2"* du passé.
J'auray soing de vous faire tenir celuy de Dom du Puy le plus tost que
je pourray aprez l'avoir receu, espérant que le dict Chartres debvra
arriver à Marseille par la première barque de Gènes, où il ne voulloit
' Jean-Baptiste Ferrari, né à Sienne où il mourut en i655, après avoir occupe pondant
vinjjt-lluit ans la chaire d'iidhreu au Collège Romain , venait de publier : De Florum cultur»
libri IV{ï\ome, lôaS.b-i").
79
mrtivtmit ■ATteiAii.
626 LETTRES DE PEIRESC [1633J
pas s'arrester plus de 8 ou i o jours. Et cela m'a faict dispenser d'en-
voyer mon exemplaire qui vous estoit destiné du mesnie libvre au boa
M' Robert, parce que c'est proprement de sa vacation, et pour cet effect
j'en chargeray M'' de la Fayette ou un aultre gentilhomme qui va avec
luy, lesquels doivent partir dans deux ou troys jours, car M"" de la
Fayette ira en Toui'aine avant que prendre la routte de Paris. Et j'en
attendray d'aultres exemplaires que j'ay envoyé quérir à Rome pour
moy et mes amys. Cependant si le mien arrive plus tost à Paris, je
mettray ordre que M"" Gaillard l'aille prendre chez le sieur Robin
pour le vous faire voir des premiers en attendant le vostre, qui ne
peult meshuy gueres tarder de venir, et les Moreaux me promettent
de faire partir bien tost des balles pour Paris, oultre que le retour du
Roy fera mettre en chemin afforce monde comme je pense de jour à
aultre.
L'aultre mortification- que j'eus, et dont je ne sçauroys- parler sans
que mon poulx en soit agité quasi aultant que si j'avoys la fiebvre bien
forte (tant j'ay de honte d'avoir esté cause que vous ayez prins tant
de peine pour chose si mal digne de vous, et des sérieuses occupations
qui vous debliennent d'ordinaire), fut de voir la patiance que vous aviez
prinse d'escrire de vostre main jusques à dix ou douze feuillets de mi-
nutie à doubles colonnes en chasque page, et que vous eussiez voulu
tenir compterroUe de tant de meuiies et importunes fournitures contre
l'expresse supplication que je vous avoys si solennellement faicte et si
souvent réitérée , de vouloir seulement tenir en un coing de vostre ca-
binet ua petit sac de mon argent, pour y prendre journellement ce qu'il
fauldroit payer pour moy sans aultre compterroUe que de tenir mémoire
de ce que vous auriez mis. Encores n'estoit il pas nécessaire que de
sçâvoir quand le sac commenceroit à s'alléger, afin d'y remplacer des
fonds pour les pièces courantes. Estant du tout impossible que vous
n'en ayiez oublié une infinité d'articles, car il fauldroit un homme qui
n'eust aultre chose à faire que de se tenir au contoir avec son libvre
devant soy, comme les commis des banquiers, pour y escrire à toutes
heures tant de menue despence, qui me faict rougir et trezsuer sang
[1633] AUX FRERES DUPUY. 627
et eau ' quand j'y songe, et que je considère mon indiscrétion de vous
avoir fourny de la matière d'une si importune et onéreuse occupation,
où il se trouveroit tousjours h perdre pour vous 80 ou 1 00 pour cent,
oultre le temps qui vous est si précieux et si utile au public et à voz
amys, aussy bien qu'à vous et aux vostres. Ce qui me constraindra,
puis que vous ne voulez user avec moy de la liberté que je vous de-
mandois en cela, de chercher quelque aultre adresse à quelqu'un à
qui le temps ne soit pas si cher, et si M' Gailhard faict du sesjour de
pardelà, je luy endosseray cette courvée et de porter, toutes les foys
qu'il ira à l'Académie, une petite bourse de mon argent à part pour
payer en passant ce que vous luy direz de prendre pour moy en matière
de livres ou aultre, vous suppliant trez humblement de l'agréer ainsin,
et de luy donner les advis aux occurrances de ce que vous trouverez à
propos de me faire achepter ou transcrire, m'asseurant que quand je
l'en auray une foys prié, il ne fera pas de difficulté de practiquer ce
que vous n'avez pas voulu faire, et de se contenter de tenir mémoire
seulement du prix de quelques livres plus rares et plus considérables,
et pour le surplus prendre de l'argent dans mon sac quand il en fauldra,
et m'advertir quand il commencera à faillir. Car sans mentir, hors de
laisser ce soing ù quelque facteur pu commis de libraire , je ne sçauroys
souffrir cette peine au moindre de mes amys, et à plus forte raison à
vous, Monsieur, de qui les moments me doivent estre si chers que le
regret et desplaisir ne fust cappable de me donner la fiebvre à bon
essiant, aprez les inquiestudes d'esprit que j'en ay desja esprouvées
plusieurs foys, et principalement à ce coup, rien n'ayant peu y ap-
porter du tempérament que l'espérance et l'occasion de vous en des-
charger présentement sur le dict sieur Gailhard en attendant le retour
du sieur Prieur de Roumoulos.
La troisiesme mortification a esté de me trouver trop pressé mainte-
nant, à mon grand regret, pour revoir et considérer les passages de
' Littré, nu sujet de la locution suer sang et eau, ne cite que le* Plaideurs de Racine et
un roman de Licsnge.
79-
628 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Pline sur le papyrus ^ et ce que tant de grands hommes y ont voulu
discourir ^ afin de vous pouvoir parler plus particulièrement, en vous
faisant la relation de ce que j'ay esprouvé sur ma plante , dont j'ay es-
sayé de séparer la substance de la tige à peu prez comme veult dire le
Pline, et ay trouvé qu'elle se divise assez facilement tout de son long
et retient assez de fermette, par le moyen de certaine espèce de menus
filaments qui y régnent de hault en bas, pour faire quasi le mesme
effect que l'on void en la tisseure ou fabrique du papier de vostre
Avitus, et neantraoings retenir une faculté naturelle d'adherance les
uns aux aultres, quasi comme s'il y avoit je ne sçay quoy de gluti-
neux^ en l'humidité de la plante, quand elle a esté cueillye quelques
jours. Car quand elle est fraische, l'humidité y est trop abondante
pour cela. 11 fauldra y mieux penser à loisir, Dieu aydant, et y appliquer
l'experiance qui s'en pourra tirer. Cependant, pour la forme de la
plante, je suis marry que je ne la fis portraire dans le temps qu'elle se
commançoit à espanoûyr, car vous l'eussiez veiie avec ses filaments bien
adjustez et bien roides en bault, ainsin que des vergettes, mais cela ne
dure qu'un jour ou deux, car à mesure qu'elle s'espanouyt, cez fila-
ments commancent à s'abbattre çà et là, jusques à tant qu'ils sont en la
forme que vous les avez veus, oij ils 4emeurent aprez jusques à ce qu'ils
seichent et perdent leur naturelle couleur verte. Je tascheray de vous
en envoyer des houppes entières que j'ay faict coupper exprez pour cet
effect pour vostre satisfaction et de M'' Hullon, à qui je vous supplie de
faire mes excuses en attendant un peu plus de commodité, pour une plus
exacte disquisition. Et possible auray je le moyen d'en envoyer quelque
filleule vivante au printemps prochain , ayant cependant envoyé à Boys-
gency mon vase pour y passer l'hyver avec raoings de regret qu'icy.
' Livre XIII, chap. XXI, xiti et Xiiii. in triaC. Pliniide Papyrocapilalibri XIII),
' Je suppose que parmi ces grands dans les Opuscula varia (Francfort, 1612,
hommes Peiresc n'oubliait pas son ancien 1-66).
correspondant Joseph Scaliger, qui a ëcril ' Glutineux est déjà dans les œuvres
de si savantes pages K ce sujet {Anmadver- d'Ambroise Paré, ainsi queglutinosité.
sion$s in Melchioris Guilandini Commentarium
[1633] AUX FRERES DUPUY. 629
Mais j'ay une aultre relation à vous faire concernant des caméléons
vivants que j'ay recouvrez depuis peu, sur lesquels j'ay observé de
bien jolies particularitez que les autlieurs anciens et modernes n'ont
pas touchées. 11 y en avoit quatre, et en est mort deux par les chemins,
dont l'un fust esventré en débarquant à Toullon, et y furent trouvez
i5 oeufe gros comme des noyeaulx d'ollive. Des deux qui me sont de-
meurez vivants l'un est de naturelle couleur gris pasle parsemé de pe-
tites tasches noires, l'aullrc naturellement de couleur verte tachette de
plus grosses plaques jaulnes; mais quand on les expose au grand air, à
l'aspect du ciel et principalement au soleil, ils deviennent noirs l'un et
l'aultre, et leur void on comniancer par le costé du corps qui regarde
le ciel, l'aultre costé retenant encores sa couleur naturelle. Le verd a
le ventre plus enflé que l'aultre et je juge que ce soit une femelle pleine
d'oeufs comme l'aultre. Ils font de la fiante noire et jaulne, en forme
de crottes comme des noyeaulx d'ollive, et la verde prend souvent des
mouches, à mesure qu'elles voilent ù l'entour d'elle, avec une vitesse
conq)arable à celle d'un esclair en dardant sa langue de la longueur
de 3 ou 4 doigts, bien que leur desmarche soit plus tardive que celle
des tortues. Mais leur forme de dormir est admirable, car ils grimpent
et s'agraffent contre les montants des branches de la cage, avec leurs
quatlre pattes et leur quefie, de sorte qu'ils sont comme pendus en l'air;
et ne se destournent pas de leur repos et de leur posture pour peu de
bruict. Si je les eusse eus devant l'esté, je pense que nous aurions faict
de bien curieuses remarques, mais h ceste heure que Ihyver approche,
je crains fort de ne les pouvoir saulver jusques au bon temps, attendu
que les mouches manqueront au premier froid, et je ne sçay où les
tenir en lieu qui leur soit propice, car ils viennent d'Alfrique où il faict
bien chauld et où ils se cachent, dict-on, l'hyver dans les cavernes,
où c'est que je veux bien croire qu'ils ne mangent pas beaucoup nom
plus que les tortues et aultres animaulx qui jeûnent et vivent l'hyver
de leurs chairs, comme l'on dict. Mais Dieu sçait si dans la terre ils ne
trouvent pas quelque aliment qui nous est incogneu, et quand ce ne
seroit que l'air soubstcrrain avec son huinidilé et challeur naturelle en
630 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ce temps ià, c'est chose que je ne luy sçauroys fournir que bien diffici-
lement, craignant que d'aultres animauk ne les vinssent persécuter
dans les caves si nous les y tenions, et que l'odeur du vin ne fust cap-
pable de leur nuyre. J'ay envoyé demander à Marseille si quelqu'un
de ceux qui ont faict du sesjour en Affrique n'auroit point observé
comment on les entretient durant l'hyver, car pour l'esté je n'en se-
roys pas en peine. Je ne pensois pas vous en dire tant, mais cela m'est
escliappé insensiblement. Vous excuserez ce desordre et la naifveté avec
laquelle je vous entretiens possible trop librement de mes occupations
chettives d'un cogne-festii ^ sur la confiance que j'ay en vostre bonté,
et de cez Messieurs de chez vous qui me pardonnent de si bon coeur
et de si bonne grâce mes petites infirmitez et maladies d'esprit et sur
tout mes lentitudes^ à vous obeyr et servir, spécialement en cez mé-
moires du Venaiscin, pour l'assortiment desquels il me falloit ranger
mes papiers oii je suis bien asseuré de trouver de bon secours, de quoy
je n'ay encores sceu prendre le temps. Mais il faull que je m'abstienne
du Palais quelques jours pour en venir à bout et me deslivrer de cette
promesse envers M' du Puy, vostre frère, et de tout plain d'aultres
dont j'espère avoir moyen de m'acquiter envers divers amys par cette
recherche. Au reste j'ay tousjours de nouvelles obligations à Monsieur
de Thou du souvenir qu'il veult avoir d'Autun, et à vous. Monsieur,
du soing que vous prenez de l'entretenir en cette bonne disposition. Si
son chemin s'adonnoit de ce costé là, sa venue nous esclairciroit de
toutes choses. Pour le P. Raynaud', je pense qu'en vain on s'y atten-
droit, aprez avoir esprouvé combien sa mémoire est courte, de ce qu'il
se charge de faire.
' La Curne de Sainte-Palaye , dans son gne/estu, qui se tue en ne faisant rien.»
Glossaire, mentionne, au sujet de cette ' Nous avons déjà trouvé ce mot employé
expression proverbiale, les Commentaires au singulier (f. I, p. -Bj!).
de Monluc et les C^uriositez françaises ' Ce P. Raynaud, qui était Minime , ne
d'Oudin. Voir encore Le Roux de Lincy, doit pas être confon<lu avec le P. Théo-
citant, dans Le livre des proverbes français' phile Raynaud, Jésuite, qui figure dans
(t. II, p. 33), cette phrase de la Comédie le tome I (p. 77^) et dans le présent tome
des proverbes : ff Aussi chanceux que co- (p. Sgi).
[1633] AUX FRKRES DUPUY. 631
Les imperfections de mes livres ont esté fort bien suppléées par les
deux feuilles qu'il vous a pieu m'envoyer. Si le Tertullian arrivoit
bientost, il se présente dans i5 jours une Irez bonne commodité d'en
envoyer l'un à Rome et j'espère d'en recevoir au nioings l'un et puis
l'aultre viendra tout à son aise. Pour le Thcopliile de M' Fabrot, il
fauldroit voir de mettre en queiie au sieur Cramoisy' quelqu'un de cez
Messieurs qui vont souvent en sa boutlique, pour le faire presser
souvent, car cez gents là ne font jamais rien qu'à vive force de presse;
aultrement il sera aussy esloiyné d'y mettre la main en caresme qu'à
cette heure, attendu qu'il se présente lousjours d'aultres pièces plus
pressées.
Quant à M'Petit, j'ay aujourd'huy receu une sienne lettre sur la re-
ceptiond'une liste que je luy ay envoyée de libvres Arabes, entr' autres
ces ti volumes de Thésaurus de Milan et quelques ni[anu]s[crit]s en
cette lanjjue ofi il estudie présentement. Je luy escriray pour ce vo-
lume de liturgies Cophtcs et ne douple pas ([u'il ne le renvoyé incon-
tinant combien que je ne pense pas qu'il y eust faict tout ce qu'il eust
désiré, nom plus qu'à troys aultres qu'il a à moy depuis plus d'un an.
El à vous dire le vray, quand il fust icy, je luy avoys dict de les garder
jusques à la fin de cette année pour s'y bien instruire, et lors je faisoys
estât de les joindre avec ceux qu'on me promet du Levant dans ce
temps là, pour envoyer le tout à M"" de Saulmaise, estimant qu'ils en
ont affaire là, pour la traduction que l'on faict de certains libvres
d'Histoire et d'Astronomye de ce pais d'/Egypte, qui sont en langue
Arabique, mais vraysemblablement entremeslez de paroles et locu-
tions égyptiennes, comme estoit le Barachias du P. Athanase, et qui
ne se peuvent facilement deschiffrer sans fayde de la langue des
Cophtes dont on me faict espérer un dictionnaire, comme celuy de
Rome, duquel je ne perds pas encores l'espérance, et ce que faict
maintenant M'' Petit y servira comme fit au P. Morin l'eschantillon du
^'enlateuque Samaritain pour obtenir la communication de cet exeni-
' L'expression , qui est des plus pidoresques , n'a pas ëlë recueillie par nos lexicographes.
632 LETTRES DE PEIRESC [1633]
plaire m[anu]s[crit] du sieur Pietro délia Valle dont on estoit si ja-
loux. Sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce ai octobre i633.
Je viens de recevoir d'Avignon un vieil pacquet de M' Hérault du
h octobre, qu'il avoil laissé en si mauvaises mains, que je ne l'ay eu
qu'aujourdhuy 2 5"% oh il s'excuse sur le desbordement de la Durance
qui l'avoit arresté deux jours dans Avignon, et qu'il estoit constraint
de passer oultre en Languedoc, dont j'ay esté merveilleusement desplai-
sant, car il ne me donne aulcune espérance de retour de par deçà. Je
suis trop malheureux puis que les rivières s'enflent pour empescher les
honnestes gens qui vouldroient venir en ce cbelif païs pour y exercer
leurs actes de charité. De sorte que me voila frustré de l'espérance que
j'avois conceûe de servir en sa persone quant et luy M"' du Puy vostre
frère suyvant les commandements qu'il m'en avoit faicts par la lettre
dont il m'avoit honnoré pour ce subject. Il m'a envoyé une bien obli-
geante lettre de Monsieur l'advocat gênerai Bignon du i^"' septembre'..
CXXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Vostre despesche et provisions adressées à M' de Valbelle furent
portées sammedy par un de noz laquays, lequel ne trouva pas là M' le
sacristain, mais il l'a cejourd'huy rencontré à my chemin d'icy à Mar-
seille, regrettant bien que je n'aye sceu qu'il fust en cetle ville. Il
' Vol. 717, fol. aga.^
^1633] AUX FRÈRES DUPUY. 633
trouvera encores à ce soir voz lettres chez luy à temps pour vous en
accuser la réception par l'ordinaire, et mon frère qui est à Marseille ne
manquera pas d'y tenir la main comme il fault, ayant escript un mol
à Monsieur de Thou qui sera cy joinct, où c'est que possible luy ren-
dra t'il compte de vostre affaire. Ne voyant l'heure que la responcc de
mes lettres de Home soit veniie, et que le dict sieur sacristain soit allé
faire faire vostre mise de possession sur les lieux puis qu'il s'en est
voulu charger, pour voir s'il y apprendra rien de plus sur les actes
possessoircs des impetrans.
Quant à vostre commande, vous pouvez penser si j'en escriray et si
j'y feray sunmium de potentia, ne doublant nullement que vous n'en
ayez toute sorte de contentement, sinon du Gratis, à quoy l'on ne s'y
cognoit guieres, au moings pour la favorable expédition. C'est pour-
quoy j'estime qu'il sera bon de ne pas presser l'affaire que l'on n'ayt
quelque asseurance du refus ou retardement de la dispence de ce jeune
garçon, à cause que les fraicz sont grands de ces sortes de grâces.
Pour le surplus, j'ay escript à M'' Holslenius touchant cez deux livres de
S' Cyrille sur S' Jean, pour M' Aubert' que je scroys trez aise de pou-
voir servir, et pour son mérite et pour l'amour de vous, Monsieur, et
de M' Rigault. Je n'en ay poinct encores de responce et suis en quelque
espérance de l'avoir par un de mes amys nommé Chartres, parly de
Rome dez le 19""* septembre, qui scroit arrivé longtemps y a, mais je
ne sçay sur quoy Messieurs de Gènes luy font faire quarantaine à ce
' Jean Aubei-t, Jocleur en lliéoiofjie de
la facultd (le Paris, principal du collège
d'Harcourt, chanoine de Laon, succdda en
i^liS à Pierre de Montrnaur dans la chaire
de grec du Collège royal de France. Il ne la
posstîda que depuis le 20 fe'vrier de celle
année jusqu'au 1" novembre, qui fui le jour
de sa mort. Celait, dit Goujel {Mémoire
hist. et bibl. sur le Colliuie royal de France ,
t. I, p. 569) (fun homme trè^ savant dans
les langues, dans les humaiiilés et même
dans la théologie. Guy-Micliel LeJay avoue.
dans la Prifaee de la Bible polyglotte, qu'il
lui était redevable des soins qu'il avait bien
voulu se donner pour revoir le texte grec
de cette polyglotte. Tout le monde connaît
aussi son édition grecque et latine des 0£"i«-
vres de saint Cyrille, patriarche d'Alexan-
drie, la seule que nous ayons en grec el en
latin (i()38, Paris, 6 vol. in-fol.). Voir sur
cette édition l'Histoire des auteurs sacrés ot
ecclésiastiques , de Dom Rémi Cellier, t. XIU,
p. 4oG, ioy. . . 1
80
ivriivilil HKXi-
634 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qu'on m'a escript de Marseille. Bien vous diray-je que M' Aubert auroit
bien peu nie confier un peu plus franchement, puisque M' l'Àrche-
vesque de Thoulouse en estoit demeuré d'accord, ce m[anu]s[crit] des
Astronomes Grecs qui m'avoit esté offert et promis pour le dict sieur
Holstenius, et qui avoit deub estre transcript depuis le temps qu'on est
aprez, plus d'une foys si l'on en avoit envie. Craignant que M' Holste-
nius ne se soit un peu picqué de ce retardement et qu'on veuille qu'il
se fie de la parole d'aultruy sans qu'on se veuille fier de la sienne.
Possible n'y songe t'il pas, et vous pouvez croire que je n'y nuiray pas,
mais voyant que je n'ay poinct de ses nouvelles, je crains qu'il ne me
sçaiche une partie du mauvais gré, pour m'en estre entremis sans avoir
bien mesuré la foiblesse de mon crédit. Je ne manqueray pas de luy en
faire une recharge la plus instante que je pourray. Cependant je vous
félicite à l'advance le retour inespéré tant de M' d'Aubray que de
M"" Rigault, et vous supplie de me conserver en l'honneur de leurs
bonnes grâces. Estant grandement obligé à M' Valois du soing qu'il prend
de cez eclogues de Constantin Porphyrogenete et ne tiendra pas à nioy
que je ne le serve comme il fault partout où j'en trouveray des moyens,
.l'attends la responce de M"' Ja[cques] Godefroy pour les harangues
non imprimées de Libanius et de Rome pour les Epistres du niesme
autheur. Et vouldroys bien l'avoir engagé à l'édition de son Animian.
Nous avons eu icy cez jours passez le sieur de Muinemauer Hollandoys
que M'' P ' m'avoit adressé, qui est un trez galant gentilhomme;
il est à Marseille et nous avoit promis de repasser içy. Je suis bien rede-
vable à M'' du Chesne de la communication qu'il luy plaict m'octroyer
de cez epistres de Louis VII, dont je tascheray de luy rendre un jour
quelque revanche si je puis. Nous n'avons poinct eu de gazette par cet
ordinaire, ce qui me faict croire que si le sieur Renaudot n'a changé
d'advis, on m'a retenu son pacquet à la poste, pour estre clos d'un ca-
chet trop cogneu par les commis soit de Lyon ou d'icy. Il fauldra le des-
guiser à l'advenir s'il veult que je l'aye asseurement ou bien qu'il le
' Déchirure du papier.
[1033] AUX FRERES DUPUY. 635
vous veuille confier pour l'envoyer soubs vostre enveloppe. L'on m'a
faict teste d'un livre de Cunœus intitulé Satyra Menippœa'; s'il s'en ren-
controit, je ne seroys pas marry de le voir. J'avoys aultre foys veu chez
M'Cramoisy un livre in-fol" de l'Histoire de Gènes imprimé à Anvers,
dont j'ay oublié le nom; je pense pourtant que ce soit le Foglietta^.
Si vous en rencontrez un exemplaire complet, je le payeray volontiers
et seray ù jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce dernier octobre i633.
J'escripts à M' Hnllon sur le Papyrus et vous faicts la mesme prière
qu'à luy de vouloir pardonner mes faultes et ignorances inexcusables.
J'ay veu une lettre escritte d'auprez de Bar dans ce moys d'octobre,
par laquelle on mandoit que la Duchesse de Lorraine estoit attendue h
Bar aussy tosl qu'elle se porteroit bien, pour y rendre les Foy et Ho-
mage deubs au Roy pour le Barroys, et qu'aprez cela on debvoit rendre le
Barroys au Duc de Lorraine, par le moyen de quoy on s'y promettoit
plus de repos que devant. Nous n'avions pas sceu cet article du traiclé
de Charmes^.
On escript de Bordeaux du 1 4 de ce moys que M' Le Camus, procu-
reur gênerai de la Cour des aydes de Paris*, estoit en ce païs là, pour
' C'était une réimpression d'un opuscule
que Pierre Cunœus avait publié, en 1619
(Leyde, in-16) contre des pédants dont il
avait eu à se plaindre. Voici le titre complet
de l'opuscule : Sardi vénales : Sali/ra Menip-
pea in hujus aecuti homiiics plerosque inqUe
enditos. Petrus Cuiueids scripsil . . . addita est ,
ex cjusdem inlerprelntionc , D. Julinui impera-
toris Mlyra in principes romanes.
* Hubert Fogliettn naquit à G^nes en
i5i8, passa une partie de sa vie à Rome
et mourut en 1 58i , laissant inachevée Tliis-
toire de sa ville natale que Paul , son frère ,
publia en i585 [Hisloriœ Gemteimum li-
bri XII , ah origine /rentis ad nnnitm iSaS.
Gênes, chez Jérôme Bartoli, in-fol.). Ni Gin-
guené {Biographie universelle), ni l'auteur
du Manuel du libraire faii mot Foliela) n'in-
diquent une édition d'Anvers.
* Charmes est aujourd'hui un chef-Ken
de canton du département des Vosges, ar-
rondissement de Mirecourt, à i5 kilomètres
de cette ville, h oB kilomètres d'Épinal.
* Nicolas Le Camus, fiU aîné de Nicolas
80.
636 LETTRES DE PEIRESC [1633]
affaires particulières de Monseigneur le Cardinal Duc de Richelieu et
qu'il y avoit porté une procuration de Son Eminence à M'' l'Archevesque
de Bordeaux '■ pour en son nom prendre possession de la Duché de
Fronsac^ et que pour cet effect [ils s'estoient]^ acheminez sur les lieux
pour y procéder".
GXL
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu avec vostre despesche du a 8°" cez mémoires de M"^ de
Cordes^, dont je vous remercie et vous supplie luy faire mes humbles
remerciments à la première veiie, ayant prins plaisir d'apprendre par
son moyen des particularitez que je n'eusse possible jamais sceiJes, à
faulte de temps d'en aller chercher des instructions dans de si gros vo-
lumes. Puis que vous me donnez la disposition de ce cahier de la version
Françoise du latin de feu M' de Thou, je l'envoyeray à ce gentilhomme
qui est amy de l'autre traducteur, a6n de rompre le coup de l'entre- ,
prinse de cet ouvraige qui n'eusse jamais peu reuscir à vostre souhaict
et satisfaction,
J'ay esté bien aise d'apprendre l'excuse de M' Gaulmin qui est bonne
à sçavoir, et ne manqueray pas de renvoyer à M"' du Chesne la coppie
d'epistres •■' incontinant que je l'auray peu parcourir, car puisqu'elle
Le Camus et de Marie Goiberl, mourut en de Gtiitres, p. 1 1 1, 1 14. Il a été d^jh ques-
iGCi. Ce fut un des correspondants de Pei- tion de Fronsac et de Richelieu dans notre
resc. Voir deux des leltres qu'ils échangèrent tome I, p. (jli.
dans l'excellente monographie : Peiresc abbé ' Déchirure du papier.
(/« Gu '<rcs, par Ant.de Lantenay( Bordeaux, ' Vol. 717, fol. agS.
1 888 , grand in-8°, p. 1 1 1 et 1 1 2). " Le chanoine bibliophile Jean de Cordes ,
' Henry de Sourdis. déjà plusieurs fois mentionné.
- Voir sur le cardinal de Richelieu, pro- ° Les épîlres du roi Louis VI[ dont il a
jjriélaire de la terre de Fronsac, Peiresc abbé été déjà question p. 465.
[1633]
AUX FRÈRES DUPUY.
637
doibt si tost eslre soubs la presse je ne m'amuscray pas à en rien faire
transcrire, bien prieray je M' du Chesne de m'en faire avoir un exem-
plaire de l'espreuve, s'il est possible, à l'advance, et plus tost payeray
le decheq de l'imperfection que cela pourroit faire à un volume car je
seray bien aise d'y barbouiller mes conjectures à la marge de quelques
unes, pour noter les temps et qualitez des persones qui peuvent toucher
noz contrées de deçà. Cependant je suis grandement obligé au dict
sieur du Chesne de la courtoise communication qu'il m'en faict dez à
celte heure, dont je n'abuseray pas, et plus tost ne le retiendray qu'un
jour, de peur de faillir au terme qu'il vous a donné. Que si j'eusse sceu
qu'il se deubst si tost mettre soubs la presse, je l'eusse attendu volon-
tiers, comme je le luy avoys escript. Mias il m'a voulu donner ce tesmoi-
gnage de l'excez de son affection en mon endroict. C'a esté à mon grand
regret que j'ay tant différé d'envoyer à Monsieur du Puy vostre frère
les mémoires du Venaiscin, mais j'attendoys le moyen de remanier
mes papiers, où je suis asseuré de trouver de bonnes pièces sans les-
quelles ils seront deffeclueux, car je sçay qu'il veult quelque chose de
plus précis que le commun, .l'ay veu le catalogue de la foire où j'ay veu
promettre un libvre qui sera bien de mon goust en son temps, d'un
canon Paschal escript par un Victorius Aquitarius l'an hh']^, avec des
commentaires d'un yEgidius Bucherius, Jésuite, à Anvers fol"*, et un
' Voir dans V Histoire littéraire de la France
(l. IF, p. /ia/i-/iQ8) un article sur Yictotius,
autexir d'un cycle pascal. On dit dans cet ar-
ticle que Victorius, appelé Victor par Fré-
dégaire, diait d' Aquitaine et que Paul de
Middelbourjj, qui ("crivait au coraniencement
du ïvi° siècle, est le premier qui Tait fait
naître J» Limoges.
' On lit dans l'article qui vient d'être cité
(p. 437) : ffLe P. Gilles Bouclier, Jésuite,
est le premier qui a mis au jour le cycle
pascal de Victorius. Après avoir fait im fort
long commentaire sur le texte , il fit imprimer
l'un et l'autre avec diverses autres pièces sur
le même sujet en un volume in-fol. , h Anvers ,
chez Balthazar Morel , qui (enoit la l>outiqae
lie Planlin, l'an i634 ou i633, comme
porte la datç qui est h la fin du livre, et que
le marque Aubert le Myrc. « Voir dans la
Bibliothhque des écrivains de la Compagnie
de JésM (t, I, 1869, col. 799-800^ un ar-
ticle sur le P. Gilles Boucher, Bouchier, Bu-
cherius, né en Artois l'an «677, mort h
Tournay le 8 mars 1 6C5 , article où l'on
donne la date de 1630 au recueil ainsi in-
titulé : Mgidii Bucherii Atrebalis e Socielate
Jesu de doctrina Temporum Commentariiu m
Victorium Aquitanum, etc. (in-fol.).
638 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ThaumaturgusMathematicusavecdes figuresen taille doulce,àCoiogne S
qui pourroit bien estre curieux et bon à donner s'il n'est trop cher.
Vous m'avez cy devant envoyé cez deux pièces de Fromundus in lx°
tant de l'immobilité de la terre que de son labyrinthe ^, de sorte que cela
osté, tout le contenu de vostre mémoire est trez bon à retenir. Comme
du précédant mémoire, le Barlœus contre Machiavel, le Rivetus de
origine Sabbathi in 12', cez Monumenta HoHandiae Egmondana Scri-
verii* li°, le Winsenius Rerum Frisicarum h"'^, Bclgar. Annales Rey-
dani f°®, Meursii Regnura Atticura'' à". Et quant à cez suppléments des
volumes in fol° Rerum Indicarum *, il fault que j'examine un peu les
' Cet ouvrage, qui pai'ut eu 1628 et qui
reparut en j636, en i65i, en iC58, en
1706, avait 6lé composé par Gaspard Ens,
fécond polygraphe qui , né à Corch, travailla
pendant vingt-cinq ans pour les libraires de
Cologne.
' Fromundus est Libert Froidmont ou
Froimont , docteur en théologie de l'université
de Louvain, né en iSSy, mort en i653 h.
Louvain , où il avait longtemps professé et
où il était doyen de Saint-Pierre. Les deux
ouvrages mentionnés par Peiresc sont : Anti-
Arislarchiis , sive de orbe terrée immobtli, ad-
versus Philippum Lwuhergium (Anvers, 1 63 1 ,
in-4°) et Lahyrinlhus, sive de composilione
eontoat (Anvers, i63i, in-4°).
' Dissertatio de origine sabbati (Leyde,
i633, in-ia). L'auteur est le théologien
protestant André Rivet, né à Saint-Maixent
en 1673, mort à Bi-eda en i65i. Voir la
liste complète de ses œuvres dans la France
protestante.
* Monumenta antiqua et inscriptiones an-
tiquis tabulis et libris mss. Regalis Abbatite
Egmondanœ (Leyde, i633, in-i°). La pre-
mière édition est de 1609 (Leyde, in-i").
Voir, sur P. Schriver, t. I, p. 856.
'' Pierre Winsenius , né en 1 586 , nommé
historiographe de la Frise en 1 6 1 6 , fut pro-
fesseur d'éloquence et d'histoire à Franecker,
et mourut le 1 1 novembre 1 644 ; son Historia
rerum Frisicarum, en six livres, parut à
Leuwarden (Leovardiae) en i6a6, 1629,
iÙ^Ù, i656.
• Reidanus (Everhard), néà Devenler en
iSig, fut bourgmestre à Arnheim, député
aux Etats généraux des Pays-Bas; il mourut
le a 5 février 160 a. Il composa en hollandais
une histoire des choses faites en Belgique
de l'année i566 à l'année lOoi, dont Denis
Vossius donna une traduction latine k Leyde
en i633, in-fol.; il y eut une édition fla-
mande de la même année dans la même
ville.
' Eegnitm Atticum, sive de Regibus Athe-
niensium (Amsterdam, i633, in-4°). Jean
de Meurs avait publié , depuis l'année 1616,
un grand nombre d'ouvrages relatifs à la
Grèce, parmi lesquels on remarquait Athe-
nœ alticœ , sive de prcecipuis Athmien-
sium antiquitaiibus ftéri /// (Leyde, 162 4,
in-h").
* S'agit-il là du recueil d'un éradit suisse ,
Louis Gottfried : Historia Indiœ Orientalis ?
Le tome XII de ce recueil (in-fol.) avait
paru à Francfort en i6a8.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 639
miens pour vérifier ce qu'il m'en peult manquer et tascher de les rendre
complets. J'ay veu sur le catalofjue mesmes de la foire la Statera de
Puteanus ti" de Leyderi que je verray volontiers, et la satyre Menippée
de Cunaeus que je vous demandoys l'aultre jour, mais il fauldroit par
mesme moyen vérifier si cette édition cy n'a pas esté chastrée, car
j'entends qu'eu la première il y avoit d'estranges libertez de langue.
J'ay aussi veu un Christofori Hurteri AlamaniaR seu Superioris Suevi»
Cliorographia nova Ulm.ne apud Jo. Gerlerum f°, que je prendroys vo-
lontiers', si c'est rien qui vaille, car de ce pais là il nous fault prendre
des instructions partout où nous pouvons.
L'on a aultres foys imprimé à Paris dez l'an 15^7* et de reclief
l'an 1675 in 8° des Homélies soubs le nom d'Eusebius Ëmissenus ,
qui auront sans doubte esté refaictes plus proprement, avec la resti-
tution des noms des vrays autheurs. Si vous en rencontrez quelque
bonne édition, soit frippée ou en blanc, me ferez plaisir de m'en re-
tenir, et en defl'ault d'aultres je prendray volontiers la première de
l'an 15^7 parce que le cbaractère m'en agrée davantage que de la
suy vante de l'an 1675. Parce qu'il y a des choses de nostre Lyrins^
nous avons interest de voir ce que l'on en a tenu en divers temps,
quoy que l'on ayt lors donné à cet Eusebius ce qui estoit de nostre
Faustus * et d'aultres.
' Je ne trouve rien sur Chrisloplie Hurler.
Je vois seulement que VA Uemania , site Suevia
superior parut aussi à Amsterdam chez Jean
Blaeu et Jean Jansson.
' Eurèbe , snrnomnié Emesène ou d'Émèse
(Emisa), naquitàla lin du ni' siècle et mourut
h Aniioche vers 3Go. On a sous son nom
plusieurs honit^lies, mais on les regai-do gd-
nëralement comme supposées. L'édition de
1547 (Paris, in-8°, chez Nicolas Le Riche)
a été faite par Jean de daigny. Celle de 1 .ïyS
parut (in-S") chez le libraire Michel Sonnias;
quelques exemplaires portent les noms des
libraires Jérdme de Marnes et Guillaume Ca-
vellat. Peiresc n'a pas connu l'édition de
Claude Fremy (Paris i554), ni l'édition
d'Anvers (i558,"in-8"), et, ce qui est plus
étonnant, il semble ignorer qiie les homélies
auxquelles il s'intéressait tant avaient été ré-
imprimées, en 1618, par André Schot dan*
sa collection des Pères.
' C'est-à-dire l'afcliipel de Lérins.
* Peiresc dit nostre Faïutus, parce que ce
théologien, né en Bretagne, appartient h la
Provence, d'abord comme abbé de Lérins
(&33 ou &3&), et eosaite {l^^i) comme
évêqne de Riez. Plusieurs de ses homélie*,
notamment VHomilia de S. Majcimi Laudibus,
640 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Il me fauldra encor un exemplaire de ce voyage des Hiirons in 8°,
m'ayant fallu donner encores celuy que vous m'en aviez envoyé la se-
conde foys. Mais pour l'honneur de Dieu laissez le soing à M"' Gaillard
de faire la recherche et tenir le mémoire de cez petites choses, si ce n'est
que le sieur Gramoisy le veuille faire sur son libvre pour vous descharger
de cette importunité, et moy du desplaisir; aultrement n'attendez plus
que je vous donne de cez courvées, que je ne puis supporter en vostre
persone, ayant esté bien aise que le prieur de Roumoules ayt faict ac-
quitter les ho pisloles, mais je m'estonne que le consul Farnoux ne
soit encores comparu, car il y a plus d'un moys et demy ce me semble
qu'il s'en chargea, et commance à craindre qu'il ne soit tombé malade
quelque part par les chemins. Je n'ay poinct eu de gazette par cet or-
dinaire non plus que par le précédant, et avoys creu qu'elles me feus-
sent retenues à Lyon par les commis de la poste, sur la cognoisçance
du cachet, mais je ne sçay plus ce que j'en doibs croire. Bien est il
vray que Ion n'a pas retenu un aultre pacquet venant du bureau
d'adresse à un certain qui a baillé les gazettes à un chetif imprimeur,
à condition toutefoys de ne les imprimer que 8 jours aprez leur datte,
mais il n'a pas laissé de faire voir qu'il avoit les gazettes fraisches,
comme nous les avions cy devant, ce qui me faict conjecturer que ce
soit quelque nouveau style qu'aye voulu tenir le Gazetier, car M"^ du
Lieu m'a aussy escript de Lyon que le Gazetier ne leur vouloit plus
envoyer la Gazette qu'aprez le sammedy. Je seray bien aise de sçavoir
au vray si cez deux ou troys dernières foys que je n'en ay poinct eu le
deffault est procédé du bureau mesmes ou non, et aprez s'il se faict tant
tenir, nous nous en sommes tant passez aultresfoys , nous nous .en sçau-
rons bien passer encores. Et je suis bien asseuré que persone ne l'aura
de deçà qui ne soit bien aise de me l'envoyer incontinant sans que nous
ayons plus la peine de tant solliciter des gents qui font tant les ren-
chéris de peu de chose. Vous verrez maintenant un estrange embra-
ontétëalti'ibuéesàEusèbe Emesèiic. Voirsur par les Bénédictins à Fausle dans TZ/wtoire
ce point la notice très considérable consacrée littéraire de la France, t. II, p. 6oo.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 641
sèment advenu en Constantinople si les advis sont véritables au calcul
comme je les tiens au demeurant, où je ne plains que les livres m[anu]-
s[crit]s qui seront periz avec tant d'aultres richesses.
Reste à vous respondre sur le faict de vostre prise de possession
pour raison de quoy je dilTeroys attendant de revoir M' le sacristain
Valbelle, qui me dict hier que le Prieur de Seillans ', l'un des plus
intelligents de son monastère, entreprenoit le voyage à cause que luy
se trouve Grand Vicaire de M?' le Cardinal de la Valette, et daultant
qu'il craignoit de l'obstacle de la part du sieur d'Aspres, père du Re-
signataire, qui est voisin de Romettes, et a une compagnie sur pied;
je luy conseillay de prendre des lettres de M' le Mareschal et un de ses
gardes pour le faire plus respecter, et luy ay faict préparer des lettres
pour l'Evesque de Gap*; mais ne l'ayant pas reveu ne trouvé lantost
chez lui où je l'alloys chercher pour cet effect, je ne sçay s'il n'aura
poinct changé d'advis, ou du moings faict différer le partement de ce
moyne, dont je tascheray de vous pouvoir esclaircir demain Dieu ay-
dant avant le partement de l'ordinaire, combien que je ne double
poinct que de son costé il ne vous en escrive et à M' de Thou, à
qui je souhaicte bon voyage en Bourgoigne, et heureuse issiie de ses
négociations publiques comme par cy devant, avec toute la satisfaction
qu'il y peult désirer.
M' le Baillif m'escript du jourdhuy qu'il eut hier seulement le com-
mandement du Roy de tenir prestes deux galères pour M' le comte
de Nouailles à la fin de ce moys. Ce sera un beau passage pour ceux
qui vouldront aller en Italie.
Sur quoy je finis demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Pbiresc.
A Aix , ce 7 novembre 1 633.
' Seillans est une commune du ddpaite- * L'ëvêque de Gap éjait alors Charles-
ment du Var, arrondissement de Draguignan, Salomon Duserre. qui siégea de iSgS k
canton de Fayence, à 5 kil. de cette ville. iGSy.
II. 8i
i«rtmt*tc i«Tt«iail.
642 LETTRES DE PEIRESC [1633]
J'envoyai hier à M' le lieutenant Valbelle par un de noz laquaiz
exprez le pacquet que vous me recommandiez tant de M' de Bellievre,
qui fut rendu en main propre, croyant bien qu'il n'aura pas manqué
d'en accuser la réception par cet ordinaire, ayant remis à m'en escrire
par mon frère qui vient demain.
J'envoye à M"" de Valloys la responce de M' Godefroy qui liiy accorde
non seulement cez pièces du Libanius qu'il deraandoit, mais de luy dé-
férer pour l'édition de l'Ammian ce qu'il vouidra, soit de haster la sienne
ou de la reculer pour attendre que luy l'aye faicte s'il veult. Sur quoy
je l'ay prins au mot, et ay stipulé pour M"' de Valloys toute deferance
réciproque. J'attendray sa resolution, et suis marry de ne luy pouvoir
envoyer à ce coup un meilleur dessein du Goulfe de Smyrne que celuy
que je luy envoyé S mais on me le faict espérer entre cy et le prochain
ordinaire *.
CXLI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Depuis avoir faict ma despesche j'ay veu ce matin le sieur de Val-
belle, sacristain, qui m'a apprins une nouvelle que je n'attendoys pas,
à sçavoir que parlant à M' le Mareschal de vostre affaire, le sieur
d'Aspres le vint salluer revenant d'Avignon oii il a mené -son filz aux
estudes', aagé de i/j à i5 ans, qui neantmoings a faict la guerre, et
l'ayant enquis de l'affaire du Prioré, dict qu'il avoit obtenu toutes les
bulles et provisions nécessaires dez le 28 juin, un moys avant le decez
' Je publierai dans un des fascicides de avoirenvoyéun<rcrayondugolfedeSrayrneii.
la collection des Correspondants de Peiresc ' Vol. 717, fol. agS.
( Lettres inédites de Henri de Valois) une lettre ' Ce synonyme du mot collège a été né-
de cet érudit , du a 2 novembre 1 633 , où il re- g^'g^ dans la plupart de nos recueils lexico-
mereie le grand archéologue provençal de lui graphiques.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 6i3
du resifrnant, qu'il estoit à Casai et qu'ayant advis du refus de la dis-
pance il print la poste pour aller à Kotne, et trouva que M' le Mareschal
de Croqny avoit desja faict son affaire et obtenu la dispence tant de
raa(;e ratione studiorum que de l'irrégularité encourue par la milice.
Ce neantmoins il dict qu'il ne partit de Rome que le 9 septembre, ce
qui m'est un peu suspect, car quelques autres divertissements qu'il
peusse avoir à Rome, pour sa persone, tousjours estoit il obligé d'en-
voyer les bulles dez qu'il avoit sceu le decez du resignant pour les faire
exécuter et faire prendre possession du bénéfice qui estoit si friand.
C'est pourquoy je tiens asseureraent qu'on a antidatté la dispance au jour
de la présentation de la résignation, mais je prevoys bien de la peine
à le vérifier. Le dict sieur sacristain de Valbelle dict qu'il se trouva
de cognoisçance avec le dict sieur d'Aspres, lequel en suitte d'icelle luy
a promis de luy envoyer les propres originaulx de toutes les bulles et
tiltres de son filz pour faire apparoir qu'il est bien et deuement pourveu
en temps et lieu. 11 fauldra les voir et les examiner, et particulièrement
la possession ou datte d'icelle et avoir le Missa de Rome, estimant que
si l'on y estoit bien servy on verifieroit par le payement des droicts et
desbourcement des deniers et quittances de diverses persones qui
les reçoivent la postériorité de l'expédition. A quoy il fauldroit persone
bien active et hardie sur les lieux. J'en ay receu une bastonnade la plus
sensible que j'aye eu de longtemps ' et ay bien de la peine à me rendre
en si beau chemina II fault vouloir tout ce qu'd plaict à Dieu, et tous-
jours suis je de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peirbsc.
A Aht , ce 8 novembre 1 633 , en hasle '.
' Le mot bastonunde, pris dans im seule forme usit^ dans l'ancien français.
sens niëtapliorique, n'est pas indi(|U(5 par ' Locution à rapprocher de cps loculioM
Littrd qui, du reste, ne cite aucun t'cri- de deux autres contemporains: ne le laisMOt
vain sous le mol pris dans le sens propre pas en »i6MucA«nin (Balzac) ; ils ne demeu-
el se contente de rappeler que Cliarles rèrent pas en «t ieau cA«miii (Bossuet).
d'Orléans a employé le mot baslonnée, ' Vol. 717, fol. 3oo.
8».
64/i
LETTRES DE PEIRESC
[1633]
CXLII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire vostre despesche du xi avec une
lettre de mesme datte de M'' Bignon accompagnée d'une du sieur Gail-
hard dattée du xn comme la Gazette et comme si le courrier n'estoit
parly que le sammedy, dont je seroys bien aise de sçavoir l'ordre et rè-
glement au vray. J'ay eu par mesme moyen ce livret de Cunaeus ' que je
faicts relier pour voir ce que c'est, en attendant ce beau Panégyrique
de Heinsius au Roy de Suéde '^ auquel je feray fort volontiers passer les
monts, aussy bien qu'à cez feuilles séparées des poèmes de Barlaeus^
que j'estime quasi plus que les recueils plus accomplys qui pourroient
estre faicts des œuvres de cet autheur, attendu que tels recueils ne se
font qu'en petit volume et fort chetif cliaractere auquel on ne gouste
nom plus la délicatesse des vers que les perdrix sans orange *, oultre
que ce sont ordinairement les plus dignes pièces et les plus recom-
mandables qui s'impriment en si belle forme, et que ceux qui ont tant .
soit peu de divertissements d'affaires ont de la peine à se mettre à la
lecture de tels volumes entiers de recueils, mais pour des feuilles ou
cahiers séparez il n'est pas si difficile d'en desrober le temps et le loisir.
' Ce livret était la satire citée dans la
lettre CXXXIX : Satyra Menippea, etc.
^ Danielts Heinstipatiegyricus , GustavoMa-
gno , Suecorum , Gothorum, Vaiidalontm etc.,
régi consecralus. (Leyde, EIzevier, iGSa,
in-fol.). OEttinger [Bihliographie biogra-
phique, p. 260) n'indique point le nom de
l'auteur de ce panégyrique et lui attribue
le format in-/i°.
' Gasparis Barlœi poematum editio nova,
priore castigatior et altéra parte auctior
(Leyde , EIzevier, 1 63 1 , pet. in-i 9 ). M. Wil-
lems [Les EIzevier, p. 88) dit que le prin-
cipal mérite de ce recueil consiste dans sa
belle exécution typographique, car il y a
diverses réimpressions beaucoup plus com-
plètes, parmi lesquelles on recherche surtout
celle d'Amsterdam, i645, 9 vol. pet. in-19.
* L'orange dont on se servait en Pro-
vence pour assaisonner les perdrix était cette
orange amère que l'on appelle bigarade et
qui a quelque chose de l'aigreur du citron.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 645
Cependant j'ay receu par les sieurs Moreaulx troys fagots tout d'un
coup, dans l'un desquels estoit un exemplaire du Tertullian accompagné
de deux exemplaires du Seldenus de jure hereditario Hchreorum qui
passeront les monts Dieu aydant; en l'aultre y avoit un aultre exem-
plaire du mesme Tertullian tout seul; au troisiesme, qui estoit soubs
l'enveloppe de M' Lhuillier, y avoit le volume des poètes Grecs
d'H. Estienne et des livres et papiers dudict sieur Lhuillier tant pour
M' Gassendi que pour moy; sur l'enveloppe des fagots on avoit cotté
qu'on les avoit envoyez le i et le ù octobre de vostre main ou de celle de
M"' Lhuillier, mais il y avoit esté adjousté d'aullre encre un tiret
devant le U pour faire i4, et en aultre endroict le 16 d'octobre, telle-
ment qu'à ce compte ils n'auroient pas du tout tant tardé par les che-
mins comme nous croyons. Je pensoys y trouver les figures des instru-
ments de musique du bon P. Mercene, dont il avoit accompagné une
lettre que vous m'envoyastes à part du 1 du mesme moys d'octobre,
mais ils auront esté oubliez par mesgarde hors des dicts fagots quand
on les a faicts, soit chez vous ou chez M"' Lhuillier.
Je vous remercie donc trez humblement de tant de peine et de
soing que vous continuez de prendre pour l'amour de moy. Et vouldroys
bien qu'il vous pleut de vous en descharger de tout ce que pourra faire
soubs voz ordres M"' Gailhard, qui est jeune et a besoing de tels diver-
tissements en ses occupations, où il acquerra tousjours quelque notice
des libvres non inutile à un homme de sa profession et de son hu-
meur. Et comme il vous va voir souvent, il vous y pourroit rendre raison
de voz commissions, et tenir bordereau des fraiz, car je ne sçauroys
souffrir en façon du monde que vous vous donniez cette torture, que
je sents aussy douloureuse que si l'on m'y mettoit moy mesme. Or,
pour sortir enfin de cette matière des libvres avant que respondre
au restant de vostre lettre, je vous diray que le livre des youlx que
vous aviez négligé ne sera pas moings de ma curiosité que tout aultre,
s'il vient de bonne main, quand ce ne seroit que pour le style ou pour
les figures, car c'est une des plus grandes merveilles de la nature à
mon gré, et dont l'effect est si difficile à comprendre (ju'il fault escouller
646 LETTRES DE PEIRESC [1633]
toute sorte de preuves et d'observations et en tirer le peu de fruict qui
s'en peult avoir, principalement aprez avoir veu ce que le P. Scheiner
en a escript et demonstré dans sa Rosa ursina^ où il semble mener
le lecteur comme par la main^ se promener dans son oeuil, pour y
voir recevoir les images des objects et les rayons d'icelles se reunir par
les effects de l'optique tout de mesmes que dans une cbambre obscure
où l'on les introduisit à travers un verre convexe (qui faict le mesme
effect que nostre humeur crystalline, pour grossir plus ou moings les
objects selon sa convexité plus ou moings grande) et y trouver son se-
cours aux courtes veiies en la conçu rrance d'un concave, pour r'ac-
courcir l'assemblage des rayons qui ne se pourroit faire que plus loing
que ne porte le diamètre de nostre oeuil, qui est la vraye raison de
l'usage des verres concaves aux courtes veiies, ce que persone n'avoit
jamais imaginé devant luy que je sçaiche. Et quand il n'y auroit que
cela de bon dans son gros volume, on ne le sçauroit assez prinser à mon
gré. J'avoys perdu la souvenance de ce Bizzari'us l'rippé de l'Histoire de
Gènes que vous dictes m'avoir envoyé ci devant, et le feray chercher.
Pour le Foglietta, puis qu'il n'est imprimé qu'à Gènes, je tascheray
d'y en envoyer trouver un. Vous avez fort bien jugé que ce n'estoit pas
trop de cent francs pour le coppiste d'une quinzaine de Harangues dé
Libanius, qui est à une coupple d'escus la pièce. Car celuy mesmes
qui les avoit transcrittes demandoit 5o escus pour une seconde tran-
scription. Je pense que ce soit quelque bon homme qui ne soit pas trop
accommodé, et qu'il n'est possible qu'un pauvre pédant à qui le temps
est bien court s'il doibt norrir de son travail quelque grosse famille.
J'avoys creu que les libraires qui feront l'édition voulussent faire la
despence de la coppie, mais si cela n'estoit je la payeray plus tost moy
mesmes trez volontiers, pour ne pas laisser cela sur les coffres de M'' de
Valloys, ne de M' Godefroy, nom plus qu'en pure perte à ce pauvre
Ehingerus^. Vous pourrez bien vous en informer soubs main, discre-
' Sur le P. Scheiner et sur sa Rosa ' Ne croyait-on pas l'expression plus mo-
ursina voir les notes 4 et 6 de la derne?
page aSg. ' Élie Ehinger, né en iSyS en Bavière,
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 647
tement, sans en rien faire cognoistre au dict sieur de Valloys, comme
je vous en prie, de peur (ju'il ne voulusse faire cérémonie là dessus.
Quant au m[anu]8[crit] des Astronomes Grecs, vous avez eu grande
i-aison de dire que cette affaire doibt avoir esté bien mal concertée,
puis que je vous en ay envoyé ce me semble aultres foys une lettre
escripte de la main de M"" de Thoulouse (à qui il appartient), qui me
mandoit l'avoir laissé à M"" Higault pour me l'envoyer si tost qu'on en
auroit retenu une coppie. Et toutes foys c'estoit à M' Aubert' et non
à M'' Rigault, et les ordres n'en avoicnt esté gueres formels, puis que,
à ce que je puis comprendre par voz lettres, l'on n'a pas encores com-
njancé de le transcrire, et ne sçait on pas si l'on le fera ou non. Ce-
pendant, puis qu'on avoit faict entendre à M" Holstcnius qu'on le luy
fut ministre prolestant , conservateur de la
Bibliothèque pui)lique d'Augsbourg et mou-
rut à Ratisbunni- le a8 novembre i653.
Voir la biographie de ce savant par Jacques
Brucker(Aug8bourg, i7a4,in-8',en latin).
Weiss, qui indique ses principaux ouvrages,
notamment le Catalogue de la iibliotkèqae
d'Augsbottrg (|633, in-fol.), dit: rOn a
conserva des lettres qui lui étaient adressées
par Andri! Schott et Peiresc, par lesquelles
on voit que Ehinger avait fourni au premier
des copies plus con-ectes de différenls ma-
nuscrits, et au second des recherches sur les
poids et mesures en usage parmi les Hë-
hreux.ji Deux lettres do Peiresc à Ehinger
(du 3 janvier i633 et du 5 septembre de la
raâme annde) ont paru dans les Ammnilales
liUerariœ ( 1. 111 , Francfort et Leipsick , 1 7 a 5 ,
p. 266-974). On a conservé à la Mëjaues
d'Aù(m8. ioa9,fol. 1 17-1 a 0) trois lettres
latines d'Ehingerus à Peiresc, deux de
l'aimëe i633, une du 36 avril i636. Lrfi
première de ces lettres accompagnait l'eovoi
de vers latins et du calalogue de hi biblio-
thèque d'Augsbourg. Ehinger donne h son
correspondant, dans ses trois lettres, les
titres de Reverendissiine prœiul, Reveren-
dissime in Chrislo pater.
' Comme on chercherait en vain le nom
de cet érudit dans nos recueils biographiques
anciens et modernes (Morëri, Micbaud,
L. Lalanne, etc.), je vais reproduire le pas-
sage de la Vie de Peirete dans letpiel Gas-
sendi nous fait connaître les travaux de
Jean Aubert(p. 3g s), ce qui complétera ma
note de la lettre CXXXIX : ^-Addo quod
exscribi curavit, ex Bibiiotheca Auguslana,
opéra quœdam B. Gyrilli , docto ni-o Joaimi
Aubcrto ad complendum editiouem sacri
auctoris neces8aria:obqu8m etiam caussam,
evolvi curavit Bibliothecas varias lam His-
panas quam Siculas, ac prae onniibus Vati-
canam, e qua nonnulla adeptus est, quas ut
Uolstenius percenseret corrigeret(|ue lubeu-
tius, procuravit ut Aubertus Parisiis vicissim
censcret et corrigeret ahquot Graecos astro-
nomos, quos expetitos Hol.ttenio ipse Peires-
kius ex Bibiiotheca optinii Archiepisoopi
Tolosaiii curarat exscribi.» Je n'ai trouvé ni
à Paris, ni en Provence, aucune lettre de
Peiresc à Aubert, aucune lettre d'Aubert à
Peiresc.
6/i8 LETTRES DE PEIRESC [1633]
livreroit, sinon en original, au moings en coppie, moyennant les livres
de S' Cyrille qu'il avoit offert aultres foys, il ne fault pas trouver es-
trange, ce me semble, s'il a creu qu'on luy pouvoit bien confier l'un
comme luy l'aultre. Ce n'est pas que j'en aye depuis eu de nouvelles
de sa part, mais c'est de crainte que l'on ne luy aye donné subject de
prendre cet ombrage puis qu'on ne s'est fié de luy ne d'un tiers. Car
pour ce qui me pouvoit concerner, je ne double pas que ce que vous
en a dict M"' Aubert ne soit trez véritable, et M' de Thoulouse me l'a
confirmé avec promesse de m'envoyer le volume où est ce que je de-
mandoys, lorsqu'il sera de retour de la cour où il faisoit estât de
s'acheminer de son Abbaye (d'où il m'escript) avant qu'aller à Thou-
louse, mais tout cela est aisé à rajuster et y a de beaux remèdes,
car je pense que si j'avoys mandé à M' Holstenius que j'ay les Astro-
nomes, il envoyeroit bien tost son m[anu]s[crit] de S' Cyrille et romproit
bien tost son silence, s'il ne tient qu'à cela.
J'oublioys de vous dire que par cet ordinaire j'ay receu deux pac-
quets de la part du sieur Renaudot, l'un soubs le cachet ordinaire de
son enseigne, que j'ay jugé avoir esté envoyé par l'ordinaire du mardy,
comme le commun, où il n'y avoit que l'assortiment complet de la
Gazette de la semaine précédente avec la relation du moys, l'aultre
soubs le cachet d'un 3£ contenant un sien billet du xi, la Gazette et
nouvelles du xn que je n'ay faict voir à aulcun aultre que ceulx de
nostre maison, et pour mieulx le faire croire, j'ay envoyé demander à
l'imprimeur Roise' la coppie qu'il en avoit de sa part pareille à la
mienne, luy renvoyant touts ceux qui me la faisoient demander. Le
dict sieur Renaudot vouldroit que je luy escrivisse d'ordinaire. Je vous
prie de luy dire ou faire dire que j'ay trop peu de santé pour m'as-
sujettir à cela, et que je me priveroys de beaucoup plus grande com-
modité que ne peult estre celle de voir la Gazette, pour esviter de me
soubsmettre à telle subjection. Quand je vous envoyeray des nouvelles
que vous jugerez de son goust et dont la publication soit indifférante,
' Voir plus loin (p. 670, noie) une notice sur l'imprimeur Roize.
[1633] AUX KUKIIES DUPUY. 6W
je ne trouveray pas mauvais que vous les luy laissiez voir, comme vous
pourrez faire à cette iieure de celles de Gonstantinople, où il trouvera
pcull csire des pariicularitez qu'il n'a pas vciies, mais que je me puisse
captiver de luy escrire ne de luy en envoyer re{;lement, c'est ce que je
ne sçauroys faire, pour rien du monde. Au reste il ne m'a poinct faict
de responce cathejjorique, si les pacquets que j'ay receus de sa part,
soubs le cachet d'un double Tournoys, et puis d'un chiffre du 38 sont
ainsin partis de son bureau ou non. Car j'avoys interest de .sçavoir si
on me les ouvroit à Lyon, à son desceu, ou bien s'il les y adresse à
quelqu'un, qui aye de luy permission de les voir, et cachetter d'aullre
cachet que le sien propre.
Je vouz supplie de faire mes excuses pour ce coup à M' L'Huillier
et à M'' Gailhard, estant trop pressé pour leur pouvoir escrire. Ce sera
Dieu aydant par le prochain'.
CXLIII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Après vous avoir accusé la réception et rendu mes humbles remer-
ciments de vostre despesche du /»"* de ce moys, je seray contrainct d'en
remettre la responce à l'ordinaire prochain Dieu aydant, et par con-
sequant i\ touts les aultres aniys auxquels je vous supplie trez humble-
ment d'en faire mes excuses sans oublier de les accepter vous mesmes,
attendu que ce que je vous reservoys de temps aprez avoir escript à
M'' de Sauhnaise m'a esté heureusement desrobé par M' de Vosberg qui
m'a apporté une lettre vostre du i5 octobre, et tenu en trez doulce
conversation une bonne partie de la journée, non sans quelque morti-
' Vol. 717, fol. 3o3. Cette lettre ne porte parfailement conservé. Jacques Dupuy a mis
ni date ni signature. Elle est tout entière au dos: Du aa novepabre i633. M' de Pei-
dc la main de Peiresc et le cachet en est i-esc. Aiv.
II. 81
650 LETTRES DE PEIRESC [1633]
fication de ce qu'il disoit ne pouvoir différer à demain tant ii estoit
pressé de partir, et pour m'achever de peindre, dez qu'il m'a quitté j'ay
eu mille autres persones qualifiées sur les bras, et des dames parmy
lesquelles je ne suis pas si volontiers que d'aultresS et enfin on m'a
apporté de Rome des fagots de livres et cassettes de vases et despesches
du 1 7 septembre tant de M"^ vostre frère le rev[erend] P. Dom du Puy,
qui vous envoyé le P. Ferrarius^ et un aultre livre de Sclioppius,
ce dict il, que de l'eminentissime Cardinal et aultres, entre lesquels
il y a un vase de crystal de roche antique duquel j'ay bonne opinion ,
mais il fault clorre cette despesche veuille je ou non, avant que d'en
pouvoir faire l'examen et mezurage. Pour toute revanche de voz nou-
velles ne vous pouvant envoyer qu'une relation de cet embrasement
de Constantinople que vous avez desja sceu, et qui seroit bon à M' Re-
naudot s'il n'a voit esté prévenu. J'ay à ce coup receu de sa part, soubs
aultre cachet que le sien, à sçavoir d'un chiffre d'un double 3S, une
sienne lettre du ti avec la relation du moys, la feuille séparée de la
Gazette sans celle des nouvelles et une aultre petite relation de Turin.
Vous priant de le faire asseurer que persone que moy n'en a rien veu ,
et que pour mieux exclurre toute curiosité d'aultruy, puis que j'avois
desjà passé deux ordinaires sans gazette, et que je m'estoys contenté
de voir celle du libraire qui en imprime parfoys des fragments, je l'en-
voyay demander publiquement et ne la voulus avoir veiie que de sa
main, de sorte qu'il n'a rien à appréhender de ce costé là. Et vous
supplie de m'aymer tousjours comme.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DK Peiresc.
A Aix, ce i4 novembre i633.
Je vous supplie que ma lettre à M' Saulmaise n'aille pas hors de voz
Peiresc avoue donc qu'il ne se plaisait pas dans la société des dames , ou du moins
qu'il s'y plaisait moins que d'autres. — * C'est-à-dire le De florum cullura du jésuite
J.-B. Ferrari.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 651
mains, et de m'ayder à en faire excuser le desordre et les deffectuositez.
Mais pour la feuille à part qui est imprimée, je vous prie que pcrsone
ne sçaiche que je la vous aye faict voir et au dict sieur Saulmaise,
pour garder crédit. Nous envoyons des Remonstrances au Hoy par cet
ordinaire que M"' le Premier Présidant vous pourra faire voir; vous les
trouverez dignes de vostre curiosité, je m'asseure.
M' L'Huillier, M' du Mesnil Aubery, le R. P. Mercene, M' Gailhard
et aultres me pardonneront, s'il leur plaict, pour ce coup si je diffère
mes dcbvoirs en leur endroict.
Je viens de recevoir le m[anu]s[crit] Copte de la part de M' Petit
avec une sienne lettre tout à poinct pour le joindre à cette despesche
et pour en faire la comparaison avec l'espreuve imprimée, dont j'ay
esté infiniment aise.
Je ne pense pas que le pauvre M'' Petit s'en soit gueres servy, attendu
qu'il tomba malade quasi incontinant après son retour de Paris et qu'il
n'en estoit pas trop bien guary à ce moys de septembre quand il nous
vint voir icy, ayant esté depuis contraint de faire un voyage à Monl^
pelicr pour procez, tellement que si lors que M' Saulmaise en aura faict
il trouve bon de le vous renvoyer et vous à M' Petit, je pense que
vous lu y ferez grande faveur; il ne m'en dict rien par sa lettre à moy,
mais je le juge ainsin. Et crois ([u'il en fera fort bien son proffit.
Du i5"" novembre.
Le sieur de Vosberg m'avoit dict qu'il vous escriroit, mais l'ayant en-
voyé semondre à ce matin, mon liomme l'a trouvé qu'il montoit à
clieval pour Marseille, s'estant excusé sur la compagnie qui l'en avoit
empescbé et sur la presse de partir'.
' Vol. 717, fol. 3oa. Le foHo de la pnkédente leUre est marque' 3o3.
Ba.
652 LETTRES DE PEIRESC [1633]
GXLIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DE THOU,
CONSEILLER DU ROY E» SES CONSEILS D'ESTAT,
MAISTRE DES HEQUESTES ORDINAIRE DE SON HOSTEL
ET INTENDANT DE LA JUSTICE EN BOURGONGNE,
À DIJON.
Monsieur,
Vous apprendrez par le donneur de la présente le desastre arrivé en
la maison d'un mien proche parent et ancien amy trez intime, et le
piteux estât où il est réduit, si vostre induit ne trouve son ouverture en
la vacance d'un Prieuré conventuel du pais de Rouergue, qui avoit esté
longues années en sa maison, et pour la conservation duquel il avoit
laict de grandes despences et desvoué son filz aisné à la vie ecclésiastique
et relligieuse, dont j'ay grande compassion, et voudrois bien que le sort
fust tombé sur quelque aultre. 11 vous déduira les fondementz sur les-
quelz on luy a voulu faire à croire que le bénéfice dont est question ne
soit pas de la mesme nature des aultres qui sont subjectz à induit, mais
si vous ne les trouvez suffîsantz, je ne pense pas qu'il s'y veuille arrester,
et croys bien qu'il tiendroit plus volontiers la pièce de vostre main, si
tant est que vous en veuillez traicter par les voyes d'honneur, et qu'elle
ne puisse pas estre commodément tenue par quelqu'un de voz parentz ,
auquel cas il n'oseroit y aspirer, et moy encoi-es moins vous en faire la
supplication qui ne pourroit estre qu'inciville; mais comme je suis
obligé de la vous faire en tous les cas qu'elle me peult estre loysible et
admissible, je la vous faicts la plus humble, la plus instante et la plus
affectueuse que je puis, bien marry de ne m'en estre peu excuser dans
la notoriété de l'honneur que vous me daignez faire en m'advouant
pour vostre serviteur, et dans les liens oii je me trouve attaché par
droict de sang et d'inclination aux interestz de ceste maison. Mais je me
prometz que vous ne laisrez pas de me pardonner comme je vous en
[1C33] AUX FRÈRES DUPUY. 653
supplift et conjure trcz humblement, et de croire que je tiendray à
siii{juliere faveur toute la grâce que vous luy voudrez faire et que je
seray h jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Pkiresc.
A Aix, ce Qs novembre i633.
Monsieur Gras mon cousin s'est depuis résolu de faire luy mesujcs
le voyage pour l'amour de son filz, et vous pourra faire de meilleure
grâce les ofl'res qui y esclierront'.
CXLV
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay receu vostre gros pacquet du iS""" avec ce beau panégyrique de
M'IIeinsius au Roy de Suéde, et sa lettre originale, que je n'ay pas veu
moings volontiers, pour une infinité de bonnes choses que j'y ay ap-
prinses, entre lesquelles j'estime bien ce qu'il vous mande sur son tra-
vail au Testament nouveau*, d'où il se peult attendre des choses bien
dignes de luy, mais principalement cette ingénuité avec quoy il se jus-
tifie des jalousies qu'on luy avoit imposé contre M' Saulmaise, à qui il
rend un éloge bien honnorable à mon gré dans la conjoncture où ils
ont esté et dont je ne pouvoys m'imaginer le progrez tel qu'on nous le
figuroit. Je pourray bien faire passer les monts à ce Panégyrique, c'est
pourquoy il fauldra songer d'en remplacer un aultre tost ou tard. J'ay
par mesme moyen receu la despesche de M' Kigault, qui n'a |)a8 voulu
' Vol. 717, fol. 3o6. — ' Les Exercitatlonex saciw ad Novum Testamenlum parurent en
1639 (Leyde, in-fol.).
654 LETTRES DE PEIRESC [1633]
que je luy desrobasse l'honneur de présenter son TertuHian à M'^l'Emi-
nentissime Cardinal Barberin pour qui il m'a envoyé une lettre que je
feray tenir par le prochain ordinaire, attendant que le livre la suyve,
par un religieux de ma cognoissance fort cappable de se bien acquitter
de cette commission. Et suis fort tenté d'envoyer par luy mesmes l'aultre
exemplaire à l'Eminentissime Cardinal de Bagni , puis que M"^ Rigault me
mande qu'il luy en a destiné un. Mais je seroys bien mortifié par aprez
s'il ne s'en trouvoit plus pour moy du grand papier pour remplacer
celuy que m'aviez envoyé de sa part. Les ayant desja faict relier touts
deux en marroquin de Levant incarnat' assez proprement pour le pais
oiîi nous sommes. Il s'est trouvé, ce me semble, dans vostre pacquet
un cahier des Harmoniques du R. P. Mercene in fol° ^, mais je crains
que mon libraire ne l'ayt prins parmy les enveloppes des dicts volumes
du TertuHian, et que ce ne soit possible une partie de ce qu'il me pro-
mettoit dez le i octobre. M"' Moreau m'a adverty qu'on luy mandoit de
Lyon l'arrivée de quelques autres balles de Paris, où il y avoit d'autres
fagots pour moy, espérant d'y trouver les figures du dict P. Mercene
et ce manuscrit des epistres de Louys VII dont je commensois desjà
d'estre en grande peine, crainte de manquer à une si courte assignation
que l'on nous en donnoit du commancement, ayant prins grand plaisir
d'entendre qu'on le remette à la fin du volume et que nous le puissions
tenir un peu plus de temps sans regret. Mais je m'estonne bien que voz
libraires ne sçaichent rien de cez livres de Hollande que j'avoys mar-
quez sur le catalogue de la Foire; si faudra t'il avoir cette Statera de
Puteanus pour laquelle on dict qu'il a failly d'estre ruiné tout à faict et
qu'il est bien empesché à interpréter son dire. Ce n'est pas livre de
deux ou troys feuilles, mais je pense que voz libraires ayment mieux
' On voit que Peiresc reste toujours fidèle différentes parties séparées dont on peut voir
à SOS goûts exclusifs pour le maroqiïin rouge l'énumération dans le Manuel du libraire
de première qualité. (t. III, col. 1661-1G69). Une de ces parties
^ On sait que Y Harmonie universelle de ou pièces ( Traité des consonances) est dé-
Marin Mersenne, qui parut à Paris en deux diée à Peiresc.
tomes in-fol. (lôSô-iôSy), est composée de
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 655
attendre les voyafjes d'Elzevir à Paris que de se prouvoir de ses livres
à la Foire de Francfort, et pense qu'ils y trouvent mieux leur compte.
N'ayez pas de regret au Fromondus double, quehjue amy sera bien
ayse de s'en accommoder de pardcça, et peult estre M' Gassendi
mesmes, s'il ne l'avoit desjà. Mais je ne trouve pas que vous ayez tant
de raison d'insister j\ exclurre le pauvre M"' Gaillard de ce petit em-
ploy ' dont il a aullant d'envie de se mesler que raoy de luy en endosser
tout ce qu'il en pourra prendre, de quoy je ne prétends pas neant-
moings rien diminuer de mon obligation en vostre endroict tout aussy
grande que si persone aultre ne s'en mesloit que vous. Car je ne re-
fuse pas puis qu'il vous plaict que vous marquiez, sur les factures des
libraires qui vous sont portées, ce que vous vouldrez prendre pour
raoy. Mais quand il iroit luy mesmes dans les bouttiques pour les faire
mettre à part, et collationner devant luy, et puis les porter cbez vous et
en dresser luy mesmes les roolles et mémoires, sur le prix que luy aurez
conseillé d'en accorder, je ne vois pas que vous ayez tant de subject
de vous plaindre de sa persécution nom plus que de la mienne, attend»
que vous aurez tousjours la peine du choix et d'en ordonner, et luy. y
gagnera tousjours quelque routtine bien utile pour la cognoisçance
et prinsée'^ des bons livres. Et je ne plaindray pas tant sa plume que
la vostre, à dresser touts cez roolles, dont je ne me puis souvenir, sans
que cela mette ma cervelle en challeur et altération cappable de m'enK
pescher de dormir, tant j'ay de honte de voir que vous vous don-
niez de telles tortures, pour si peu de chose. Encores si vous vouliez
vous contenter de tenir un sachet à part suyvant mes précédantes re-
questes et y prendre de l'argent à mesure qu'il en faict de besoing,
sans aultre conterolle que d'en remplacer le fonds quand il commence
à manquer, je me consolerays aucunement, mais puis que ne le vouiez
ainsin, il faultbien que vous souffriez qu'un aultre s'endosse celte peine,
si vous m'en voulez tirer moy. Aultrement je vous dicls à bon esciant
' La charge d'assister les frères Dupuy ment de copies ])oiir l'iusatiablc bibliophile,
dans leurs coininissions pour Peiresc et de ' Priiisée est là pour apprëcintion, pour
tenir les comptes d'achat de livres et paye- prisée, mot déjà employé par Aniyot.
656 LETTRES DE PEIRESC [1633]
que je n'oseray plus vous prier de telles commissions et importunitez.
Je suis bien aise que l'édition des eclogues de M"" de Valloys aille tout
à bon \ car de cez MM" les libraires il ne fault croire gueres plus que
ce qu'ils font voir en matière de leurs promesses. Je vous renvoyé la
lettre de M'" Heinsius, et s'il estoit loisible de voir vostre responce, et
sa réplique sur ce subject s'il en faict, je vous en auroys grande obliga-
tion, comme aussy s'il estoit loisible de voir celle de M"" de Saulmaise
sur ses infirmitez. Bien marry de n'avoir encore peu trouver le temps
de dresser la relation des caméléons, qu'il fault en toute façon luy en-
voyer Dieu aydant^. Je ne laisray point escliapper le traicté de Nancy,
qui est une trez digne pièce pour le temps. On m'a dict qu'on a veu
ceux que M' de Lorraine avoit faicts, tant avec l'Empereur qu'avec les
Espagnols, où il y avoit article pour le voyage et expédition du Duc
de Feria, mais le temps fera sortir un jour tout cela des lieux où il est
tenu pour encores trop secret pour venir jusqu'à nous. Il me reste don-
ques pour respondre à voz dernières de vous satisfaire sur le point par
où je debvois avoir commancé, à sçavoir que par l'ordinaire de Rome de
jeudy prochain Dieu aydant je ne manqueray poinct d'escrire au Car-
dinal Barberin (puis que vous le desirez, quoy que je l'estime bien
superflu et supererogatoire veu que vous luy en avez escript) sur l'expé-
dition du Prioré conventuel de S' Saulveur à vostre proflit, où je ne
pense pas qu'il puisse escheoir aulcune difficulté, ne pouvant assez louer
la magnanimité de M' l'abbé de Thou , à vous faire ce petit presant de
si bonne grâce comme vous le dictes, désirant que ce vous soit une
planche pour arriver à quelque meilleure et plus digne pièce. Bien
marry que ce ne soit en attendant mieux celle de Romette, pour raison
de quoy je vous advoûe que je me laissoys emporter à croire que vous
aviez plus de droict et d'advantage que l'on ne vous l'accorde par delà.
Car pour les simples provisions de droict en la forme ordinaire nous
' Nous disons aujourd'hui tout de bon. la correspondance avec Claude de Saumaise.
' On trouvera ce que Peiresc appelle la Du roste, c'est un sujet sur lequel Peiresc
relation des caméléons dans le volume qui , est revenu souvent et qu'il a traite avec pré-
consacré aux lettres à divers, contiendra dileclion.
[1633] AUX FRKRES DliPUY. 657
tenons bien sans difficulté que le Pape ne les pouvant refuser, la seule
réquisition (quoique refus qu'il y ait) sert de liltre. Voire l'acte de l'ar-
rivée du courrier en un besoing. Mais quand il s'agist d'une dispence
contre le droict commun, qui est chose volontaire et arbitraire, nous
ne l'avons pas encores veu practiquer de par deçà , quand il y a un
droict acquis à un tiers dans l'entrctomps. Mais comme la cognoisçance
de cette affaire appartiendroit absolument à MM" du Grand Conseil, il
en fault demeurer à leurs maximes qui vous sont mieux cogneùes sans
double qu'à nous. Nous n'avons eu icy qu'un arrest pour la Prevosté de
la Métropole de cette ville, où l'on avoit voulu induire une nécessité
au Vice légat de dispenser en pourvoyant, dont on avoit faict tant de
bruict par de la, que c'a esté une des choses plus mal interprétées
et imputées h aussy grand crime quasi que touts les desordres derniers
des sonnettes , pendant lesquelles cet arrest fut donné contre M' Marchier
que vous cognoissez qui avoit un acte d'élection capitulaire'. Mais en
s'accommodant par aprez avec le resignalaire, il a laissé confirmer cet
arrest non sans de grands reproches encourus, et bien généralement.
Je pense vous en avoir envoyé aultres foys la coppie; si non, je le feray,
ou peult estre luy mesmes, qui est encores de par delà, sera bien aise
de vous en fournir toutes les pièces. Tant est que vous aurez veu ce
qui vous est escheu du costé de Roùergues, vous avez beau fouyr et
croire que vous cognoissez tant de malheur en vous, car voicy trop de
concurrances en un coup qui vous appellent à la vacation ecclésiastique
veuilliez vous ou non meshuy. Donc je vous félicite et demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
, DE Pkiresc.
A Aix, ce a8 novembre i633.
Par un secrétaire de M' le présidant Segueran mon beau frère, party
à ce matin à ses journées, je vous ay envoyé le volume in d" de la Flora
' Voir sur l'abbë Marchier, prëvftt de l'dglise cathédrale de Saint-Sauveur d'Aix , t. I ,
p. 95, note 6.
Il- 83
6S8 LETTRES DE PEIRESG [1633]
du P. Ferrarius, que le R. P. Dom du Puy m'avoit adressé avec celuy
de Schioppius que je vous envoyay par l'ordinaire passé. H m'a promis
de le vous rendre incontinant qu'il arrivera. J'avoys faict garnir une
petite caisse, pensant la faire tenir par mesme voye, des m[anu]s[crit]s
que me demanda le R. P. Mercene, mais les Moreaux me promettent
de la faire partir au premier jour. J'y avoys mis le Pentateuque Arabe
des Samaritains pour le R. P. Morin et le petit volume m[anu]s[crit]
de l'Orphée, et des Hymnes d'Homère et de Proclus que vous m'aviez
cy devant demandé, ce me semble, et vouldroys bien en avoir qui
fussent plus à vostre goust^
GXLVI
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
L'ordinaire dernier qui nous apporta vostre despesche du 21°^ du
passé arriva presque en mesme temps que celuy qui alloit à Rome, de
sorte que si je me fusse trouvé hors du palais quand il fut apporté aii
logis, c'eust esté encor à temps pour envoyer le pacquet de M' de Bon-
neval^ par l'ordinaire de Rome, lequel ne se trouva despesche de
IVP le Mareschal qu'une demy heure auparavant que je fusse retiré chez
nous, dont je fus bien marry; il fauldra attendre l'aultre à t5 jours
d'icy, et je ne manqueray pas de la recommander au mieux qu'il me
sera possible , n'estant besoing de vous mettre en peine du port, attendu
que vous sçavez comme nous vivons maintenant avec M' du Lieu et les
Moreaux pour ce regard, et d'icy à Rome je sçay que bailler aux cour-
riers de marché faict, aultant quand ils ne me porteroient qu'une seule
lettre comme quand il y a quelque libvre ou quelque boitte. Seulement
suis je à délibérer si je l'envoyeray par la poste soubs l'enveloppe du
' Vol. 717, fol. 307. — ' L'abbé de Thou.
[1633] AUX FRKRES DUPUY. 659
cardinal Barberin, ou non, puis que vous dictes que les courriers
l'ont cy devant voilé. Car je ne vouldroys pas que cela advint à celuy
cy. Je cherche quelque libvre qui s'y jjuisse joindre commodément,
pour demeurer ;\ Son Eminence en compensation délia brigga', comme
ils disent. Au reste j'ay prins grand plaisir de voir toutes les parti-
cularitez de l'affaire de Bourdeaux qu'il vous a pieu nous despartir, et
seray infiniment aise d'en voir les aultres, et les suittes en son temps.
Cependant je vous renvoya ce que j'avoys cy devant receu sur ce sub-
ject, avec ce que vous nous en aviez envoyé cette foys, et vous en re-
mercie le plus affectueusement que je puis, ensemble du soing que voas
avez daigné prendre de faire tenir à M'' Saulmaise mes lettres, oii je
vouldroys bien que vous eussiez trouvé chose plus digne de vostre
curiosité, mais nostre foiblesse ne peult lien faire de mieux, et vous
estes si bontif que vous vous payez aultant de la bonne volonté que de
l'effect. J'ay receu une lettre de M' Huilon qui meriteroit bien de l'estude
pour y dignement respondre, et un morceau de vostre m[anu]8[crit]
d'Avitus un peu différant, ce semble, en la substance et construction
du Papyrus de celuy que j'en pensois avoir, qui sera vraysemblablement
venu de quelque aultre part, mais M"' Huilon disoit y avoir escript quel-
ques mots de sa main que je n'y ay pas trouvez, ce qui me faict craindre
qu'il n'ayt mis dans sa lettre un morceau pour aultre. Vray est (ju'on
ne laisse pas de bien voir son intention, au morceau qu'il ma envoyé,
et que je me resouls de r'envoyer par le prochain ordinaire Dieu ay-
daut et l'accompagner du mien, avec quelque fragment de cet ancien
livre trouvé avec la mommye. Bien marry de ne l'avoir j)eu faire à
présent, mais on me destourna tout hier et tout dimanche et ay bien
eu de la peine ce matin de desrober ce peu de temps pour ne laisser
eschapper la commodité de vous cscrire par celuy cy.
J'ay eu des lettres de M'' vostre frei-e le R. P. Dom du Puy du 5 no-
vembre où il m'accuse enfin la réception de mes despesches à M' l'abbé
de Thou, sur l'affaire de Romette, mais il n'entre poinct au destail de
' Chagrin, souci.
83.
660 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ce qui s'y estoit faict. Il dict que la bibliothèque du cardinal Bar-
berin est demeurée à la disposition d'un advocat Vénitien de bien peu
d'érudition et mal versé aux livres, ce qui tire en consequance une
plus grande jalousie et discourtoisie ' que de raison. Ce sont d'estranges
fatalitez que ceux qui ont de quoy avoir les livres n'en puissent user
ne faire user ceux qui le pourroient, si ce n'est parmy cez peuples sep-
tentrionaulx dont l'air est si rude et si mal supportable à nostre nation.
On escript que le Galilei est sorty du monastère de Sienne où il avoit
esté jusques à présent, pour se retirer chez l'archevesque qui est de
ses amys, et qu'on esperoit qu'enfin il luy seroit permis de se retirer
à une sienne maison des champs. Mais que cependant le Grand Duc de
Toscane ne laissoit pas de faire imprimer ses mechaniques^. Sur quoy
je finis demeurant.
Monsieur,
vostre irez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 6 décembre i633.
En pensant clore le pacquet j'ay trouvé que par mesgarde mon
homme avoit envoyé à mon frère qui est à Boysgency l'original de la-
lettre du Prieur de Roumoules et de l'ordinaire de M' d'Espernon,
mais l'aultre ordinaire vous suppléerons Dieu aydant'.
' Littré, sous le mot rfi«co«r<owi'e, necite col. tiôa) eldans/-e«£'/ie»ierdeM. A.Wil-
que deux écrivains du xvi' siècle , Montaigne lems (p. 1 1 6 ). L'ouvrage est dédié au comte
et d'Aubigné. de Noailles qui , pendant son ambassade à
' Discorsi e dimostrazionimatematiche, etc. Rome, fut un des plus dévoués protecteurs
(Leyde, Elzevier, i638, in-4°). Voir le titre de Galilée,
complet dans le Manuel du libraire (t. II, ' Vol. 717, fol. 3 10.
[1633]
AUX FRERES DUPUY.
661
CXLVII
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Je receus par le dernier ordinaire vostre despesche du 2 de ce moys,
avec les feuilles du premier cahier de l'édition de M' du Ghesne, et à
ce soir j'ay receu son ni[anu]9[crit] des episires du temps du roy Louys
le jeune fort bien conditionnées, ensemble un bréviaire de M'L'Huillier
pour M"' Gassend , n'estant arrivé que deux balles aux sieurs Moreaux
qui en ont d'aultres en arrière parties de plus vieille datte. Mais je ne
suis pas marry que celle où estoit ce m[anu]s[cril] ayt esté anticipée
afin de le pouvoir plus lost renvoyer. Et vouidroys bien que les exem-
plaires de TertuHian que M' Rigault a destinez à Rome peussent ar-
river à temps pour la commodité des galères puisque M'' deNouailles
ne donne poinct encores de ses nouvelles guercs pressées. J'ay cepen-
dant faict relier les deux exemplaires que j'en avoys, pour suyvre les
deux lettres qu'il a escrittes aux cardinaux Barberin et Bagny, touts
deux en marroquin de Levant rouge, le plus proprement que l'a sceu
faire mon relieur' et un peu mieux qu'on ne faict communément à
Rome pour ces Mess[ieu]rs à ce que j'ay peu voir de la relieure d'un
exemplaire en grand papier de ce livre du P. Ferrarius que le cardinal
Barberin m'a voulu envoyer relié en marroquin rouge par son relieur-,
mais il faict pitié, tant il est savetté^, ce qui me faict bien regretter de
ne l'avoir eu en blanc, caria beaulté et la blancheur du papier est telle
' Il s'agit là probablement de Corberan ,
déjh mentionné et qui paraît avoir été de pins
en plus , dans les dernières années de la vie
de son maître, le relieur favori de ce dernier.
' Le cardinal, connaissant les doubles
préférences de son correspondant, avait
voulu, par une exquise attention, donner
aux livres qu'il lui oËnil la parure que
l'éminent bibliophile aimait h donner à se»
propres livres.
' Littré n'allègue aucun écrivain au sujet
de l'emploi de ce mot et se contente de rap-
peler que l'on dit d'un ouvrage gâté : irC'ett
de l'ouvrage saveté.»
662 LETTRES DE PEIRESC [1633]
qu'il meritoit de passer par les mains d'un meilleur ouvrier. C'est grand
daumage que le papier du Tertullian ne soit de pareille blancheur, y
ayant tant d'aultres singularitez qui rendent cette édition Irez excellante
et irez élégante , n'estimant pas que le siècle oii nous sommes en ayt faict
aulcune si digne que celle là \ Ce sera un peu de reproche h cez MM" de
Rome de n'avoir communiqué les diverses leçons de leurs m[anu]s[crit]s
puisque les aultres qui sont passez par les mainz de M" Rigault ont esté
si bien employez, ne doublant pas qu'il ne s'y feusse rencontré quel-
que chose de bon en plusieurs lieux difliciles, combien que j'estime que
Fulvius Ursinus en avoit veu quelques uns^. Il fauldra Dieu aydant
relire cet autheur de bout à aultre pour y gouster le génie et le grand
zelle et naifveté de ce grand personnage en son vray lustre, à cette
heure qu'il y a esté restably de si bonne grâce.
Je vous remercie trez humblement du livre de Schioppius qu'il vous
plaict me despartir, estant curieux de no rien laisser eschapper, parti-
culièrement sur le subjet de la Généalogie de cette maison d'Austriche,
pour voir le progrez de la flatterie plus ou moings grande de ceux qui
s'en sont meslez, et si par hazard, quand il se vend des bibliothèques,
il s'en rencontroit quelque pièce rare, comme celle de Roo, et celle de
certain carme imprimée en Allemagne in U", je les payeroys volontiers
quelque chose de plus qu'elles ne valent communément. Je suis marry
que le bon homme de M' de Lone ayt laissé eschapper de ses mains la
relation de Constantinople avant que vous l'eussiez veiie; une aulti-e
foys , je vous en feray les adresses. Mais je suis bien plus marry de n'avoir
plus tost sceu que M'' Aubert ne prétendisse pas d'interest particulier au
m[anu]s[crit] des Astronomes Grecs, car j'en eusse pressé M"^ de Thou-
louse un peu plus vivement, ne l'ayant osé faire pour ne heurter les
desseins de ce personnage dont j'avoys la vertu en singulière vénération.
Et fault que cez empeschements viennent de quelque aultre costé dont
nous ne nous doublons possible pas. Mais puisque nous les ignorons, il
' Éloge qui mérite d'être cité partout où Terlullien, voir la Bibliothèque de Fuhio Or-
il sera question du beau travail de Rigault. «ni, j)ar M. Pierre de Noihac (Paris. 1887,
^ Sur les travaux de ce savailt relatifs à p. 49, 187, 270, 389).
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 663
nous sera permis de parler tant plus librement de cette affaire pour la-
quelle il semble qu'on ne sçauroit faillir de suyvre les ordres contenus
en la lettre que m'avoit escritte M''dc Thoulouse.sçavoir est que si tost
qu'on l'auroit transcript, l'original me seroit envoyé, pour le faire tenir
à M' Holstenius. Que s'il se trouve là un coppiste Grec, qui en veuille
prendre la peine, j'en feray volontiers la despence et feray laisser la
coppie h M"" Aubcrt, pour en suyvre les ordres du dict sieur Arche-
vesque. Ne doubtant point que M"" Holstenius ne m'abandonne les livres
qu'il a de S*^ Cyrille, qu'il avoit desja offerts, et dont il m'a engagé sa
parole, n'estimant pas qu'il me les voulust avoir refusez quand mesmet*
il ne se trouveroit pas engaigé de parole à ce marché comme il est. Il
fauldra seulement voir d'y faire le meilleur mesnage que faire se pourra .
car je me double que M"" l'Archevesque sera bien aise de remettre cette
coppie possible au P. Petau, ou aultre de sa compagnie. Quant à M"^ de
Valloys, je ne luy escriray pas de ce coup , attendant si la responce de
M"^ Godefroy pourroit arriver. Mais pour esviter qu'ils ne se brouil-
lent ou desgoustent l'un de l'autre, je seray trez aise de payer les
100 francs dont est question, que je ne plaindray nullement, pour fa-
ciliter l'édition. N'estimant pas que M' de Valloys ayt subject de se tant
plaindre de M'' Godefroy pour cela, attendu que le mal est venu de cet
Elie Ehinger \ qui doibt estre quelque pauvre pédant, bien nécessiteux
et bien sordide '\ et de faict lorsque je demanday une pareille tran-
' Élie EhinjjiT, né en iSyS, mourut en
i653. Il fut d'abord pnstcur, puis profes-
seur; en i6i3 il devint recteur et biblio-
tbécairo h Augsbourjj. De i635 à iGig il
dirigea le gymnase de Ratisbonne. Voir la
liste de ses publications dans le Morcri, dans
la Biographie Michaiid, dans la Biographie
Didot, etc. On n insdrt! dans les Aiiupiii-
tates litlerariœ de Sciielborn (t. VIII) une no-
tice biographique sur Kliinger par Jacques
Brucker. On trouve dans le môme recueil
(t. III, p. a6i-a65) deux lettres de Peircsc
du 3 janvier 1 633 et du 5 septembre do la
môme année , adressa irA Monsieur. Mon-
siear le très docte professeur Elias Ehiii-
gerus. Bibliothécaire de l'Eminenlissinic Ité-
publique d'Auspourg».
' Dans la liste des exemples de l'emploi
de ce mot donnt's par Littré, aucun (sauf un
terme de médecine tiré d'Anibroise Paré)
n'est antérieur à la date de celle lettre. Los
citations qui s'en rapprochent le plu» sont
empruntées ii la Mothe-le-Vayer et à
Patru.
66i LETTRES DE PEIRESC [1633]
scription, un gentilhomme d'honneur de mes amys, qui se tient à Aus-
pourg, m'escrivit que Ehinger en vouloit 5o escus pour la peine, qu'est
un tiers de plus qu'il n'en a prins de M' Godefroy, lequel il est raiso-
nable de faire indemniser, soit qu'il y ayt desbourcé son argent, ou que
son credict soit demeuré engaigé. C'estoit proprement aux libraires qui
entreprennent l'édition à faire cette advance, mais je sçay qu'ils sont
assez desgoutez pour vouloir le morceau tout cuict et tout masché;
c'est pourquoy je ne suis pas d'advis qu'il tienne à cela que la chose ne
s'achève. Et avant que sortir de la matière des livres, M"" Gassendi , ayant
veu le catalogue de la Foire, m'a conseillé de faire venir deux libvres
in fol. imprimés à Francfort, que je seroys bien aise d'avoir quand ce
He seroit que pour l'en accommoder s'il venoit icy, ou s'ils estoient à son
usage les luy envoyer chez luy. Les tillres sont Henrici Briggii^ Trigo-
nometria britannica etc. lib. 11 apud Clementem Schleich. Et de l'aultre
Trigonometria Artificialis, sive Magnus cano etc. Adriano Vlacio etc.
ibid. *. Mais il fault que ce soit de cette dernière édition, qui est me-
liorée de beaucoup par dessus les précédentes à ce qu'on présuppose.
Quant au Gazetier, je n'ay poinct eu de ses nouvelles par cet ordinaire,
et celles que j'en eus par le précèdent vindrent soubs son ordinaire
cachet de l'esperon, ce que je trouvay quasi aussy estrange que de n'en
avoir poinct à ce coup cy. Mais son imprimeur ne laissa pas de me les
apporter le soir mesmes, tellement que si il faict tant le renchery, il
fauldra se rediraer de cette vexation en se passant de sa despesche puis
qu'il y veult plus de façon que je n'en puis fournir, regrettant infini-
ment l'importunité qu'il y a pour vous. Il me reste à remercier comme
je faicts trez humblement M' du Puy vostre frère de ce qu'il vous plaict
me faire espérer de sa part concernant le testament de nostre roy René
et son premier mariage, dont je vous suis grandement redevable à tous
deux. Mais vous m'avez bien descontenancé en m'escrivant ce qu'il vous
' Henri Briggs était mort trois ans au- ^ Le mathématicien hollandais Adrien
paravant(26janvier i63o), âgé de soixante- Viacq fit aussi paraître, en 1698, à Gouda,
dix ans, à Oxford où il occupait la chaire de une édition de ï' Arithmelica logarkhmica du
géométrie. mathématicien H. Briggs.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 666
plaict me mander concernant le prioré de S' Leons , car ce n'a jamais
esté mon intention que M"' de Thou ne vous. Monsieur, deussiez consi-
dérer mon intercession au cas que la pièce fust de la qualité requise ou
compatible à vostre induit, de manière que puisque vous dictes que le
prioré S' Martin a aultres foys passé par là, il n'y a rmlle apparance que
celuy cy aye de plus grand privilège. C'est pourquoy je vous déclare
formellement que je révoque toutes les instances que vous pourriez
prétendre vous y avoir esté faictes àfi ma part, et ne consentiray jamais
que vous vous despartiez de vostre droict, vous asseurant que je ne le
souffriroys pas pour raoy mesmes ne pour mes plus proches, et beau-
coup moings pour cez Messieurs là dont la parenté n'est pas plus proche
que de remué de germain, et avec lesquels nous n'avons aulcune sorte
de meslange d'intérêts que d'une affection de sang telle que la nature
nous peult obliger en cas pareil. Estimant au centuple la moindre des
obligations que je vous ay et à M' de Thou. N'estant plus de besoing de
songer à aultre chose qu'à vous faire remettre le droict du religieux
nommé pour en poursuyvre vostre provision en commande à Rome où
je vous serviray du bon du coeur si je le puis comme,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce xii décembre i633.
[Au bas de la page:) S'il vous plaict de tourner.
11 est arrivé à Marseille une occasion de procez bien plaisante pour
raison d'un anneau auquel estoit enchâssé un diamant de bon prix, que
le sieur d'Agostin avoit laissé tomber dans la mer, lequel s'est trouvé
depuis dans le ventre d'un poisson mis en pasté. Diverses persones pré-
tendant participation à cette bonne advanture, tant entre le cuisinier,
le pâtissier et l'hoste qu'entre les pescheurs, et celuy qui a voulu ven-
diquer sa bague, encores qu'il l'eusse perdue en bonne compagnie assez
longtemps auparavant. J'ay envoyé demander extraict des pièces prin-
cipales du procez pour le vous envoyer, afin de ne rien advouer qui ne
•84
666 LETTRES DE PEIRESG [1633]
soit bien vérifié, attendu qne cescontesisontsi.subjects à complications.
C'est p&upquoy je n'encroys encores rien moy mesmes que par bénéfice
d'inventaire jusques à ce que j'aye veu la procédure , et ne vous con-
seille pas d'en croire plus que moy.
•lî Ayant veu une relation venue de la part d'un serviteur de M' d'Es-
pernon, qui a semblé fort judicieusement dressée, j'ay creu la vous
dfibvoir envoyer ^ '
GXLVni
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PUY,
À PARIS.
Monsieur,
Avec la vostre du 9""" j'ay receu par l'ordinaire de Lyon le livre
qu'il vous a pieu m'envoyer de la Statera d'Erycius Puteanus, et les
vers du sieur de Porchères Arbault*, et beaucoup plus des aultres
vers latins que m'aviez auparavant envoyez et qui s'estoient par mes-
garde meslez entre les papiers de ma table à l'ouverture du pacqiiet,
ce qui m'avoit faict obmettre de vous en rendre les trez humbles re-
merciments que je doibs, comme d'une trez belle pièce et que j'ay
trouvée grandement à mon goust, ce qui me faict désirer d'en ap-
prendre l'aultheur quelque jour s'il est loisible. J'ay par mesme moyen
receu la lettre de M' Saulmaise que je vous renvoyé avec mille
mercys trez affectueux, ayant prhis grand plaisir de la voir, bien que
ce n'ayt pas esté sans grande mortification de voir les incomuioditez de
sa santé, dont j'ay grande compassion aussy bien que de l'affliction que
luy apporteroit la perte de sa femme, que vous dictes estre attainte
d'une si dangeureuse maladie principalement en si mauvaise saison,
que la piccotte est tenue beaucoup plus dangeureuse, surtout à des
«personnes de son aage. Mais si Dieu en avoit ainsin disposé, je ne sçay si
' ' 'Vol. 717, fol. 3n. ^ ' Paraphrase des Psaumes Graduels, et Poésies sur divers sujets
(Paris, i633,in-8').
[1633J AUX FRÈRES DUPUY. 667
ce ne seroit poinct pour quelque plus grand bien. Car certainement je
n'estime pas qu'une f'eniiue d'Iiumeur si diflicile' ne soit d'un grand
enibarraz et cinpesclienient à un si grand humnie de lettres^, reduict
en de si grandes iufirniitez du corps. C'est pourquoy il fault estre
résolu A tout et laisser faire à Dieu, en telles occurrances. Ce que
vous me mandez de l'exemplaire du Tertuliian en grand papier
que M' Rigault a faict tenir, ce dictes vous, à l'Kminentissime car-
dinal de Bagni, me fera retenir le mien, qui estoit tout prect à em-
baller demain avec celny du cardinal Barberin, et pour l'envoyer par un
amy qui s'embarque api-ez demain à Marseille, ladvis m'en estant ar-
rivé tout à temps, car si M' Kigault a envoyé le sien par aultre adresse
que la mienne, comme il semble, le mien eust esté supernumeraire,
en quoy j'apprends qu'il est bon de n'aller pas si viste, comme vostre
bon zelie vous vouldroit faire aller quelquefoys, pour observer ponc-
tuellement les ordinaires à la mode d'Italie. Je suis bien aise qu'ayez
trouvé moyen d'avoir un autre exemplaire du Panegyriquede Hein-
sius^ et le livre de Skikareus de Jure Hebraeorum ' que nous attendrons
en son temps avec les aultres de la Foire qu'il vous a pieu me retenir.
Sur quoy il fault que je vous die que si vous vouliez vous resouldre à
la proposition et prière trez humble que je vous avois si souvent faicte
de ne pas tenir couteroolle, que celuy des parties des libraires que vous
endosseriez, en les acquittant, d'un seul mot de la somme accordée h
cbascun libraire, et pour ceux qu'on achepte en desfail, ensemble pour
toute aultre meniie despence, tenir seulement un sac ;\ part, pour v
prendre de l'argent à mesure que vous feriez payer quelque chose pour
moy, sans aultre couteroolle, je consentiroys facilement à vous laisser
continuer ce soing de retenir des livres pour moy à mesure que vous
' On sait que le caractère acariâtre de la
femme de Saumaise <*tait proverbial.
^ Rappelons que celle heureuse expres-
sion, (jui a dl*i peut-être trouvée par Pei-
resc, car je ne la rencontre pas dans les écrits
antérieurs, a été aussi appliquée par lui aux
frères Dupuy.
' Le panégyrique de Gustave- Adolphe.
' Cet onvra{^ avait [>aru déjà depuis
plneienrs années. En voici le titre exact :
yi*s rtgium Hebrœoruin e tenebrit rabbi-
nicis erulum (Strasboui-g, t695, in- à*).
Il y eut une réimpression k I^ipsick en
1674, iu-4°.
8«.
668 LETTRES DE PEIRESC [1633]
en prendriez pour vous ou pour M' de Tliou. Mais de vous laisser
prendre la peine que vous y avez mise jusques à présent, oullre qu'il
est impossible qu'il ne vous en eschappe une infinité d'articles, qui de-
meure aprez sur vos coffres, il est impossible que j'y puisse condes-
cendre , d'aultant que pour rien du monde je ne vouldroys me charger
d'une semblable courvée qui n'a point de fin, et qui seroit cappable
de vous oster de trop bonnes heures une fois de l'an. Gela ne pou-
vant estre compatible qu'à des commis de marchands ou boutiquiers
qui de cela font le capital de leurs occupations, et qui ne tirent de leur
caisse aulcun argent qui ne soit incontinant mis en ligne de compte.
J'en faicts quasi aultant pour moy mesmes, afin de voir ce que me
coustent mes petites curiositez une foys de l'an, prenant pour cet effect
de l'argent dans une petite layette oïl je ne touche poinct pour aultre
chose et où je ne marque si ce n'est ce que j'y mets, et aultant de
l'an, je recognoys, par ce qui y reste, ce qui s'y est despendu, sans
aultre conterolle qui me cousteroit quasi plus à mon humeur que l'ar-
gent. Pour l'honneur de Dieu essayez d'en user ainsin et me traictez à
mon aulne et à ma mode si vous voulez que j'aye recours à vostre
bonté pour cela, aultrement je vous supplie et conjure de tout mon
cœur de ne pas avoir dezagreable que je tasche de vous faire descharger
sur quelque aultre. Aussy bien je pense que M' le Prieur de Roumoules
ne tardera gueres de retourner à Paris s'il trouve commodité soit du
carrosse de M' de Bordeaux', de M' d'Agen^ ou d' aultre. Au reste
il me tardera grandement d'apprendre de M' de Thou s'il aura jugé
les pièces de M' de Montaigu^ véritablement antiques, sur les indices
que je luy en avoys donnez, dont je luy seray grandement redevable,
et d'avoir employé son crédit envers luy pour faire qu'il les apporte
quant et luy au voyage qu'il veult faire icy, lequel j'attendray en bonne
dévotion pour en pouvoir faire l'examen sur les originaulx, aprez quoy
il ne m'importera pas tant de les laisser à un homme qui tesmoigne en
' Henri de Sourdis. — ' Gaspard de Daillon, qui siégea de i63i à i635. — ' Le ma-
gistrat d'Autun dont il a éli déjà question dans la lettre CIL
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 669
estre si jaloux. Mais je suis bien en plus grande peine de ce que le
sieur Gras* a escript icy à un sien parent qui s'en alloit vous trouver
à Paris, et crains fort que vostre lionnestelé ne vous fasse relascher à
toute aultre chose que ce que je puis prétendre, soubs prétexte de sa
parenté avec moy, laquelle je vous supplie trez humblement de ne
pas vouloir considérer, puisque ce n'est pas mon intention, au cas que
je voys que les choses sont reduictes, la pièce n'estant poinct incompa-
tible en vostre personc. Voire quand elle le seroit, puis qu'elle n'est pour-
tant pas incompatible avec l'induit, non plus que le Prioré S' Martin
des Champs, quelque obhjjation qu'il y ayt au monachaf-'. Vous trou-
veriez assez de moynes quand il en fauldroit venir à cetle condition,
qui seroientbien aises de permuter cette pièce pour quelque aultre qui
se peusse plus facilement mettre de commande. C'est pourquoy vous
ne devez de façon quelconque prejudicier à vostre induit et au droict
qui vous est irrévocablement acquis en ce bénéfice. Car quand ce se-
roit pour moy mesmes, ne pour de mes enfants, si j'en avoys, je ne le
soulFriroys pas, et beaucoup moings le doibs je faire pour des parents
si esloignez pour lesquels je n'ay poinct entendu rien demander à
M' de Thou ne à vous, au cas que vostre induit eust bien eu cette va-
cance. Cez gents là n'ayant pas d'aultre bénéfice à vous bailler en
eschange qui puisse estre de la qualité et valeur requise pour entrer
en permutation comme vous en trouveriez d'aullres, s'il en falloit venir
là, mais je ne pense pas et tiens indubitablement que vous le forez
mettre en commande pour le tenir vous mesmes, et c'est ce que je
vous conseille d'y faire en toute façon, vous remerciant Irez humble-
ment de voz nouvelles et demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ly décembre i633.
' Le concurrent dt^à inentionni' de Diipuy. — ' Je ne trou>e le mol monachal ni dnii?
les Dictionnaires de Ilichelel et de Trt'vonx. ni dans le Glossaire de La Ctlnie de Sninlp-
Palaye.
670; LETTRES DE PEIRESC [1633]
Mon frère n'est pas encore de retour de Boysgency. H verra l'hon-
neur que vous luy faictes de vous souvenir de iuy et vous en sera bien
redevable.
Je n'ay point eu de Gazette par cet ordinaire dernier nom plus que
par le, précédant, et toutefoys non seulement M'' le Mareschal et le petit
imprimeur Roise^ l'ont eue comme de coustume, mais aussy les sieurs
Moreaux qui ont le bui'eau des lettres de l'ordinaire, tellement qu'elles
sont bien tost respendues par toute la ville. Et semble que le sieur Re-
naudot faict bien le renchery en son endroit soubs sa correction , car
je ne pense plus qu'elles soient retenues à Lyon puis que tant de gents
en reçoivent icy mesmes, règlement et sans faillir. Et de s'imaginer
' Je dois à un de mes meilleurs collabo-
rateurs provençaux , M. Léon de Berluc-Pe-
russis, la note que l'on va lire sur cet impri-
meur, et aussi la note que l'on trouvera un
peu plus loin surle Panégyrique de Louis Xlll
par le jeune fds du maréchal de Vitry :
trLff ville d'Aix possédait, h cette date de
i633, deux imprimeurs, Etienne David et
Jean noize. Une rivalité marquée régnait entre
les deux ateliers, depuis qu'en iSgS Jean
Tholozan , beau-père de David , avait enlevé
à Jean Gourran, prédécesseur de Roize, le
titre envié d'imprimeur de la ville. David était
le protégé, ou plutôt le collaborateur et l'ami
de Peiresc, témoin deux lettres, des 7 mars
et 8 septembre 1 63o , qui figiirent parmi les
Lettres inédites de Peiresc, publiées par le
président de Saint-Vincens. C'est sans doute
à celte prédilection pour David que nous
devons attribuer le mot quelque peu dédai-
gneux de notre grand bibliophile à l'endroit
de Jean Roize. Roize méritait mieux que cela.
11 avait été d'abord libraire à Aix, avant d'ac-
quérir, en i6a4, l'imprimerie de la veuve
Coignat, fille de Jean Courran (Henricy,
Notice sur l'origine de l'imprimerie en Pro-
vence, p. i4). Dès 1629, je le trouve qua-
lifié imprimeur ordinaire de l'Université,
dans une plaquette, sortie de ses presses,
sur la prise de la Rochelle. Cette même année
il publie le Pontifcium Arelatense, en atten-
dant d'imprimer, en i655, V Histoire des
comtes de Provence, de Rufli.
i-La dynastie des Roize se continua, pa-
rallèlement h celle des David, jusqu'à la fin
du xvu' siècle : à Jean succéda Jean-Baptiste ,
et à celui-ci Etienne. Leur nom s'est éteint
de nos jours en la personne de M. Roize,
ancien professeur de rhétorique au collège
Bourbon d'Aix, qui a laissé un renom de
science et d'originalité. Quant à leur ate-
lier, il avait passé, au siècle dernier, aux
Adibert. Ceux-ci , après la Révolution , ont eu
pour continuateurs successifs M. Tavernier,
M. Marins Illy, M. J. Brun, son neveu, et
aujourd'hui MM. Garcin et Didier, impri-
meurs de l'Académie.
«Notons, comme un rare exemple de sta-
bilité industrielle, que les successeurs de
David et de Roize occupent encore, en 1889,
les locaux primitifs de leurs devanciers , dans
la rue Thiers et dans la rue Manuel. Le nom
seul des rues est changé, n
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 671
que pour l'avoir je me doive obliger à luy escrire, et des nouvelles,
il auroit tort, et me prendroit pour une ame bien lasche et bien foible.
Vous aurez des nouvelles du Levant qui n'iront plus soubs d'aoltres
enveloppes que la vostre.
Je viens de recevoir un grand pacquet d'Auspourg où il y a dés
lettres du sieur Ehingerus que j'envoyeray par le prochain ordinaire à
M' Valoys, où il verra les plaintes qu'il faict de n'estre pas payé de
i&o talleres' qu'il attendoit du sieur Godefroy et de sa recompense
pour la transcription des Dialogues de S' Cyrille que le sieur Lumaga
de Paris luy a faict extraire pour M' Aubert, me demandant par cha-
rité de luy faire remettre l'une et l'aultre partie, et que je playde sa
cause envers M' Godefroy et envers M' Lumaga, se plaignant que la
grande antiquité , de l'exemplaire de Libanius luy a grandement usé
la veue. Tellement que je n'ayois pas tant de tort d,e dire qu'il ne
falloit pas imputer à M"" Godefroy ce qu'il y avoit de messeant en la
demande de cez fraiz de transcription. On me promet pour la Foire
d'Argentine * un nouveau catalogue fort exacte de la Bibliothèque Au-
gustane '.
Nous avons icy gouverné tout le jour d'hier le sieur de S' Amand*
de retour de Rome avec un grand playsir d'ouyr le récit de sez
poèmes* et de ses pérégrinations jusques aux Indes, ensemble de
celles d'un sien frère qui y est allé bien plus avant que luy* et
' Oti a reconnu Ik le ihaler, monnaie
(l'Allemagne, d'une valeur de près de
({uatre francs.
" C.'cst-b-dire la foire de Strasbourg {Ar-
gentoratum).
' De la bibliothèque d'Augsbourg {Au-
gusla Vindelicorum). Ilap[)elons (|ue Ehinger
fit paraître eu i63() le catalogue annoncé ici
par Peiresc : Cataloifits Bibliolhecœ Augus-
tnnœ (Augsbourg, in-fol.).
' Marc-Antoine Gérard de Saint-Amant,
mentionné dans le tome I, p. 812. Voir, sur
le séjour chez Peiresc du futur académicien ,
Gassendi, livre V, p. 897. Le récit du bio-
graphe semble calqué sur le propiw récit de
Peiresc , comme on le verra par les citations
qui vont suivre.
' irDesiuente anno suavissimum (labuit
detinere domi per aliquot dies celebrem
poetam Sanlaniantium, cum Duce Crequio
Roma redeuntem. Guni fuerit vero mirifice
illius lepore, ac venustissimorum poëmalam
recitatione deleclatus. . . 1
" TLajtitiam tamen prœcipue duxit ex
recitatis prseclaris rébus, quas partim ipse,
partim frater in suis ia Indiam aliasque re-
672
LETTRES DE PEIRESG
[1633J
qu'il dict avoir veu en la Jave majeure \ en la province de Batas^
plusieurs de ces animaulx qui font un troisiesme genre entre l'homme
et le singe ^ lesquels ne sont poinct malfaisants et servent dans les
maisons à ballayer la chambre, allumer le feu et à aultres ministères
domestiques dont ils s'acquittent fort ponctuellement et avec une
grande mansuétude, faictes vous en entretenir. Il a veu des forests
d'orangers et cittroniers saulvages si grandes que c'estoit à perte de
veûe* vers le Tagris^ en la coste occidentale d'Afrique, ce qui n'est
giones peregrinationibus observassent. » Sur
ce frère de Marc-Antoine , voir la notice de
M. Gh.-L. Livet en tête des Œuvres com-
plètes de Saint-Amant (t. I, i855, p. vi).
' L'île de Java , dans la raer de ia Sonde.
Peiresc l'appelle majeure, pour la distinguer
de la petite île de Java ou île Bali , à sept ki-
lomètres de l'autre.
' D'après le Nouveau dictionnaire de géo-
graphie universelle, par Vivien de Saint-
Martin, au mot Battas, on désigne aujour-
d'hui sous le nom de Pays des Battas une
partie de l'île de Sumatra .
' (fRelulit, inter caetera, fuisse sibi visa
in lava majore animalia quaedara, quae fo-
rent naturœ homines inter et Simias me-
diœ. 1 Gassendi ajoute (p. 397-899) diverses
particularilës curieuses sur les singes de
l'Afrique d'après les récits faits à Peiresc
par le médecin Noël et par d'Arcos. (J'ai
oublié de citer ce passage dans \ Avertisse-
ment des Lettres inédites de Thomas d'Arcos
à Peiresc, Alger, 1889.)
' Les détails fournis par Peiresc sur les
lointains voyages de Saint-Amant sont d'au-
tant plus curieux, que Pellisson se contente
de dire que rrdans sa jeunesse il avait vu
l'Afrique et l'Amérique 1. M. Livet ne men-
tionne même pas, dans la notice spéciale
déjà citée, le peu que l'historien de l'Aca-
démie française nous avait appris des aven-
tureuses expéditions du futur auteur du
Moyse sauvé. Puisque le nom de Saint-
Amant se présente devant nous, j'avouerai,
profitant de deux charitables et simultanés
avertissements, venus l'un de Belgique,
l'autre de Montpellier, donnés le premier
par un savant membre de la Gompagnie
de Jésus, le R. P. Ghérot (communication
manuscrite), le second par un membre
très distingué de notre université, M. le
professeur Gharles Revillout (article sur le
premier tome des Lettres de Peiresc aux
frères Dupuy, dans la Bévue des langues
romanes, de novembre -décembre 1888),
que je me suis trompé (t. I, p. i4i
et 819) en disant qu'il avait été question
du poète pour l'archevêché de Toulouse.
J'étais ainsi allé chercher bien loin une
mauvaise explication, quand j'en avais tout
près une qui était parfaite. Le candidat de
janvier 1637 était simplement Gharles de
Montchal , lequel s'appelait M. de S'-Amand
du nom de son abbaye et qui devint arche-
vêque de Toulouse en cette même année
1697.
' Peiresc veut parler probablement du
royaume de Tigré, dans l'Abyssinie, entre
la Nubie, l'Amhara, le pays des Gallas et
celui des Changallas.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 673
pas esloigné des lieux où Schouten' dict en avoir veu dans ces
eaulx 'K
On me demande un exemplaire dell' Historia del concilie Triden-
tino di Pietro Soave '' de la première édition de Londres in fol"* encores
((u'elle soit reliée et frippée, pourveu qu'elle ne soit trop deschir^-e.
Je vous prie de faire chercher s'il s'en trouveroit quelque exem-
plaire. On ne veult poinct les aultres subséquentes éditions.
M' de la Fayette escript à mon frère du 2/1 novembre qu'il partiroit
de Tours le 3o pour aller à Paris où je pense qu'il sera et que vous luv
pourrez rendre ma lettre cy joincle, et s'il y est il se chargera volon-
tiers, je m'asseure, du pacquet de ce bon P. Gilles de Losches Cap-
pucin ; si non, vous trouverez bien quelque bonne adresse d'amy à
Tours pour le luy faire tenir s'il est possible franc de port.
J'oublioys de vous dire que vendrcdy dernier nous ouysmes dans
l'Eglise des Jesuistes un grand et noble Panégyrique au Roy pour la
prise et réduction de Nancy, prononcé trez dignement en latin durant
une bonne heure par le petit Marquiz de Victry en trez bonne com-
pagnie, où il nionstra la grandeur de son courage, de sa mémoire et
de sa gentilesse nom pareille. On l'imprime* et je ne manqueray pas
' Guillaume Cornelisseii Schmiten, navi- * Ici une petite phrase incidente : S'«7 pok»
gateur liollaudnis, inourui à Madagascar en plaîl de tourner.
1 C-25. Voir le Journal ou description du mer- ' Nous avons i\éjh vu que c'est le pseudo-
veilleux voyage fait par G. C. Schouten, natif nyme de Pietro Sarpi, en religion /ro Paolo
de I{orn,dansles années i6i5 , t6i6, 161J, (t. I, p. a8).
comme il a découvert, au sud du détroit de * Cette édition est de l'année i6ai.
Magellan , un nouveau passage jusque dans ' I/impression du morceau oratoire du
la grande mer du Sud , ensemble des aventures jeune François de Vitry faillit brouiller les
admirables qui lui sont arrivées en découvrant puissances. On le craignit du moins ; Rome
plusieurs îles et peuples sauvages {Xmslcrdam , s'en émut, et les Jésuites d'Aix, lanw's par
1617, in-4"). Ce Schouten a été confondu leur général, durent se retrancher derrière
(p. 337, noie a) avec un deses homonymes la crainte révérencielle que leur inspirait le
ptcompalrioles, voyageur comme lui, mais père de leur élève. Voici en quels termes ce
qui appartient à la seconde moitié du piquant épisode est raconté dans les Annales
xvii* siècle. On est prié de remplacer, dans du Collège Royal-Bourbon d'Aix , manuscrit
ladite note , le nom de Gautier Schouten par inédit appartenant au comte de Montrabon ,
relui (le Guillaume Schouten. et dont la publiciition , que l'abbé Edouard
u. 85
678 LETTRES DE PEIRESG [1633]
de le vous envoyer au prochain ordinaire, s'il n'est faict à temps pour
celuy cy '.
GXLIX
À MONSIEUR, MONSIEUR DU PU Y,
À PARIS.
Monsieur,
Vous m'avez osté d'une grande peine par vostre despesche du 1 6
d'appréhension que vous ne vous tinsiez trop fortement aux termes
d'honnesteté de la précédante. Et ne voys pas que M' Gras mon cousin
puisse prétendre aulcun subject de se plaindre de vous, nom plus que
Méchin nous prépare, sera un précieux ser-
vice rendu h l'histoire de l'enseigfnement en
Provence :
rrSur le commencement de cette année
(i63i) fut imprimé le Panegirique de Louis
Troiziesme touchant la prinse de Nancy, que
Mons' le maivjuis de Vitry, escolier de rhé-
torique, avoit récité en l'égUse de céans, sur
le mitan du mois de décembre de l'armée
passée. Mons' le Gouverneur son père avoit
ainsy voulu qu'il feut imprimé, quoyque
céans on y eust quelque diflïculté pour di-
verses raisons, et entre autres de peur que
cesle impression n'offenceast la maison de
Lorraine. Lcdict panegirique, recité et im-
primé en latin , feut traduict et imprimé encor
en françois ; et du despuis envoyé de tous
costés par Mons' le Gouverneur. Le P. Rec-
teur mesme en envoya à Rome, où l'on avoit
faict de pleintes à nostre P. General touchant
ladicte impression, comme ayant esté faicle
sans le congé du R. P. Provincial. Mais ré-
ponse feut tosi donnée, que la volonté de
Mons' le Gouverneur ayant esté telle, on ne
pouvoit faire autrement que le laisser faire.
autrement on l'eust offensé h outrence. D'ail-
lieurs, il n'y avoit rien dans ledit panegi-
ri(jue qui peust offenser la maison de Lor-
raine, ainsy que le tesmoigna mesme le
R. P. Estienne Charles , lors assistant à Rome
pour la France, par une letti-e sur ce sub-
ject, qu'il en escrivit au P. Recteur.»
Les deux éditions du Panégyrique sont
également rarissimes. Je ne connais à Aix
aucun exemplaire de la traduction française.
Quant à l'édition princeps, l'exemplaire
qu'en possède la Méjanes est le seul que j'aie
pu rencontrer. En voici le titre et la descrip-
tion, empruntés à une note du très obligeant
bibliothécaire adjoint, M. F. Vidal :
rrBibl. Méjanes, aSSya; au dos: Recueil
de diverses pièces ( a5 ) : Ludovici Justi , Régis
Christianissimi , Nancœi expngnaloris , Pane-
gtjriciis hahitus a Francisco de l'Hospilal,
marchionede Vitry, Suadœ alumno , anno œlcUis
duodecimo, in œde Collegii Régit Rorbonii
Aqueiuiis Societatis Jesu, die 16 decemhris,
anno 1 633. — Aquis Sextiis, apud S. David,
t63i. (90 p. in-4°). 1
' Vol. 717, fol. 3i4.
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 675
de droict sur la piesse, puis qu'elle vous est si bien acquise et à si juste
tiltre, et que vous l'aviez méritée et au centuple si longtemps aupara-
vant. Ne doublant pas que vous ne soyez marry que le sort soit tombé
sur luy plus tost que sur un aultre, puisqu'il vous jette en un si estrange
pais. Mais aprez cela il auroit tort de prétendre aultre chose de vous
s'il ne se met en son debvoir et en estât de se pouvoir faire entendre
et escoutter s'il a aulcun raisonable party à proposer. Pour ce qui est
du litige, et des fidèles instructions de la valeur de la pièce, vous
pourrez voir la lettre que je luy en escripts, et la luy faire rendre par
M' Gailhard ou par quelqu'un des vostres s'il n'est desja party |)Our
s'en revenir. Vous advoûant ingeniiement que ce pais là est si eslogné
de tout mon petit commerce, quoy que j'en aye eu quelque peu pai'
delà du costé de Bordeaux, que je me trouveray bien empesché à
vous en rien promettre qui vaille, si ce pauvre homme ne se desabuse
et ne se resoult de vous y servir comme il doibt de tout son pouvoir,
et avec toute sorte de confiance et de fidélité. Nous avons bien icy
quelques procez evocquez du pais de Rouergues, où M' l'Evesque de
Rhodez' et Mess" de son chappitre sont parties intervenantes avec
beaucoup d'aultres. Mais les parties ne sont poinct encor icy, et
n'estime pas qu'ils se hastent de venir qu'ils ne voyent r'approcher
Monsieur nostre Premier Présidant, de sorte que le secours de ce costé
là n'est pas besoigne si preste, quoy que j'estime que diflicilement se
pourra t'il faire que les uns ou les aultres ne puissent avoir des amys
sur les lieux cappables d'en donner de bonnes instructions. Mais il y
auroit trop de temps à attendre et à perdre, à mon gré. Et fauldra
voir si du costé de Thoulouse il ne se pourroit poinct practiquer
d'aultres habitudes plus presantes, au cas que M' Gras ne se range
à son debvoir. A quoy je pense qu'il pensera; mais comme il est
malaisé de penser un blessé ne de manier sa playe sans douleur, il ne
fault pas trouver estrange s'il s'y trouvoit quelque répugnance ou
sentiment à l'abbord et fault en laisser faire une partie au temps, el
' Bernard de Comeillan , déjà raeulioDaé plus haut.
85.
676 LETTRES DE PEIRESC [1633]
le laisser dormir dessus et ronger son frain, car je n'estime pas qu'il
n'y revienne eniin com' il doibt. Si vous jugez que je puisse ou
doibve faire aultre chose, vous n'avez qu'à commander absolument et
attendre de mon obéissance tout ce que pourra fournir ma foiblesse
avec tout le supplément de bonne volonté qui y pourra escheoir.
Cependant il me debvra bien estre permis de me conjouyr avec vous
de ce que cette pièce debvant sortir des mains d'un mien parant ne
pouvoit tomber en meilleures que les vostres, ne plus compatibles à
mes souhaicts et à mes interests. Vous suppliant trez humblement de
croire, et sans cajollerie, que les miens propres ne me sont poinct plus
chers que les vostres, et que quand il sera question de travailler à
Rome pour cette commande je m'y employeray de meilleur coeur (si
m'y jugez cappable) que si c'estoit pour moy mesmes. Il ne fauldra que
commander combien que je ne l'estime pas nécessaire si cez cardinaux
tant de la Valette que Bischi ' s'en veullent mesler, au moindre mot
desquels vostre affaire passera sans contredict. Principalement si vous
ne vous aheurtez pas tant au Gratis qui seul pourroit y apporter du
retardement, et plus de façon que si c'estoit chose grandement impor-
tante. Auquel cas je vous conseille d'y faire intervenir une petite lettre
de cachet, de celles qu'on appelle de la main du Roy à Sa Sainteté et
s'il est possible au cardinal Barberin comme vice chancellier, car cez
petits honneurs font passer aulcunes foys ce monde là par des lieux
qu'on ne s'oseroit promettre, et comm' on dict par le trou d'une
esguille*. Principalement si M' de Nouailles, s'en allant de par delà^,
avoit à mettre entre ses premières suppliques et demandes celle la bien
qu'hors des termes de ses instructions et affaires d'Estat. Cela vous
servira d'advis, si le trouvez bon, et je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a6 décembre i633.
' Peiresc a , par inadvertance , écrit Biaiii. n'indique aucun écrivain qui s'en soit servi.
' Littré, qui cite l'expression proverbiale, ' Le comte François de Noailles allait
[1633] AUX FRÈRES DUPUY. 677
J'ay envoyé vostre lettre à M"" le Sacristain ' à temps pour vous res-
pondre par cet ordinaire.
11 s'est rencontré des navires à faire voille par ensemble ou par con-
serve, comme ils disent*, pour aller en divers ports et havres du
Levant oi!i il m'a fallu escrire, ce qui m'a consumé le temps que je
pensoys employer à escrire à M' Rigault et à cez aultres Messieurs
auxquels je vous supplie de faire mes excuses et particulièrement à
M' L'Huillier. Cependant je vous doibs accuser la réception de deux
fagots par Messieurs les Moreaulx, l'un du tome de M' de Thou, l'aultre
des livres de la foire dont je vous envoyé le bordereau avec mille
remerciments trez humbles, et à M' L'Huillier de celuy des Tables de
Lansbergius qu'il y a voulu mettre sur son compte, ayant ja faict
tenir ce matin à M' Gassendy les 3 pièces qu'il m'a ordonnées'.
prendre possession de son ambassade de
Rome.
' Le sacristain de Valbelie, dëjà tant de
fois mentionné.
* L'expression était déjà usitée au
xvi' siècle. Rabelais a dit: iren conserve de
trirèmes, de ramberges. . . » ,4myol, à son
tour, a ainsi traduit une phrase du Timoléon
de Plular(|ue : n allèrent tous ensemble de
conserve prendre terre . . . i
' Vol. 717, foi. 3i6.
APPENDICE.
PREMIÈRE PARTIE.
LETTRE DE PEIRESC À CHRISTOPHE DUPIJY.
Monsieur mon R. P.,
La perte a esté si grande en la personne de feu M' Aleandro et pour le pu-
blic et pour ses amys, que je ne m'estonne nullement qu'elle ne vous ayt laissé
(lu regret au cœur encores plus que vous ne dites, ayant la part que vous aviei
en ses bonnes grâces, et cognoissant comme vous faisiez l'eminence de sa vertu,
et rareté de son érudition , avec la bonté de son naturel et surabondance de
son honnesteté, qui luy avoit acquis tant d'amys, d'honneur et de réputation
dans le mondée Et croys bien que l'une des plus grandes consolations que
vous puissiez avoir en une telle occurrence, fut de pouvoir joindre vos premières
larmes et condoléances avec celles de M' de Bonnaire, qui ne l'aymoit pas
moins tendrement que vous^. Car ce sont de ces pertes qui ne sont pas répa-
rables. N'y ayant personne de jna cognoissance parmi ceux de cette nation , qui
puisse faire ce qu'il eust faict , ne de qui on se puisse promettre ce qu'on pou-
voit hardiment promettre de luy et de sa franchise et sincérité. Les siècles n'en
produisent pas tant à la foys. Et Dieu sçait quand il en naistra un aultre, qui
puisse estre comparable h luy au moings en quelque chose. Et loiisjours pou-
vons-nous bien nous assurer que difficilement aurons-nous jamais le bien de
le voir, au moings, d'en pouvoir jouyr, quand bien Dieu en auroit déjà faict
naistre quelque aultre, attendu que nous ne pouvons espérer d'y acquérir des
' De ce bel clogo on pourra rapprocher volumes de la correspondance d"" Peirew.
un autre éloge d'Aleandro, consigné dans ' Le beau-frère, déjà souvent mentionné, du
une lettre écrite le mémo jour à Holslonius, poète Barclay.
lettre qui fera partie d'un des prochains
680 APPENDICE. [1629]
habitudes telles que nous avions avec luy depuis une trentaine d'années'. La
plus grande consolation que je me puisse figurer est en ce que je recognois
que pour mon regard, je n'estois pas digne de jouyr d'une telle amitié et cor-
respondance que la sienne. Et possible que le siècle ne le meritoit gueres non
plus, veu qu'il a «i mal recogneu sa vertu et sa suffisance; c'est pourquoy ce
n'est pas à tort que Dieu le nous a osté, eu esgard à nous; il fault vouloir ce
qu'il luy plail veuillions-nous ou non, et luy laisser disposer de nous et des
nostres à son bon plaisir et volonté , sans en murmurer, afin que souffrant avec
patience telles mortifications, nous appaisions son ire et la destournions de
dessus nous, et de dessus les aultres amys qu'il nous laisse, et qu'il les nous
conserve tant plus longuement. C'est à quoy aboutissent maintenant mes
vœux, et particulièrement à ce que Dieu vous préserve et M'' de Bonnaire, plus
quemoy-mesmes, ensemble M' Holstenius que je ne puis assez plaindre et dé-
plorer en telle perte pour les intérêts particuliers qu'il y avoit. Et vous supplie
et conjure de tout mon cœur de prévenir en son endroict toute sorte d'offices
de charité Chrestienne sur cette occurrance, et lascher de vous rendre média-
teur envers ces Mess" de vostre cognoissance en cette Cour là, pour luy pro-
curer la subrogation de quelque fidèle amy au lieu du pauvre deffunct. Et
puisque M' Aubery^ se retire en France, moyenner un peu d'amitié plus
etroicte que devant entre M' de Bonnaire et luy, afin de trouver quelqu'un en
qui il puisse se confier, aux occasions qui se peuvent présenter, et de qui il se
puisse promettre quelque bonne adsistance. En quoy vous ferez, je m'assure, "
plaisir aud[ict] s[ieur] de Bonnaire, et obligerez grandement non seulement
led. s'^ Holstenius, qui le mérite assez, mais encores moy-mesmes, qui rece-
vray comme si c'estoit en ma propre personne toutes les faveurs, caresses et
bons offices qu'il recevra de vous et dud[ict] s[ieur] de Bonnaire.
Le s' Doni est certainement trez galant Gentilhomme, et qui respondra, je
m'assure, en quelque chose à ce que nous desirons. Je suis bien aise qu'il ayt
esté employé plus tost qu'un aultre de la nation en la charge du deffunct'. Mais
entre vous et moy, je crois bien que M" Holstenius y auroil bien autrement
paru. Ces Mess" ont des considérations humaines, dont il n'est pas loisible de
' Cela fait remonter les relations des deux nominare primtim debiii, Hieronymo Aleandre
érudits jusqu'à l'année 1600, époque du séjour juniore, vcro Musarum delicio.»
de Peiresc à Rome. Nous savions déjà par Gas- ' Sur Louis d'Aubery, voir t. I, p. 33a.
sendi (livre I, p. Ù6) que, dès 1600, Aleandro ' On sait qn'Aleandro était secrétaire du car-
étaitundesmeilleureamisduvoyageur:t:...quem dinal Fr. Barberiii,
[1629] APPENDICE. 681
discourir, tant s'en faull qu'on y puisse trouver à redire. El pour led[ict] 8[ieur]
Holsteniiis, j'estime qu'il est beaucoup meilleur pour le public et pour son par-
ticulier contentement qu'il demeure en liberté de ce costë là, non que je pense
que cette charge luy eust peu apporter de divertissement considérable, à ne
considérer que la simple fonction d'icelle, qu'il auroit faicte en se jouant, mais
à cause delà subjection, et perte de temps qu'elle traisne quasi inévitablement,
ayant à respondre à des personnes de cette condition là.
Vostre lettre m'a grandement resjoui sur la fin, avec les bonnes nouvelles
de M' de Thou, qui nous ont este confirmées par les lettres d'Alexandrie du
9 5 feb[vrier], estimant qu'il ne soit pas meshuy loing de Rome, s'il n'y est
desja. Nous l'attendrons en bonne dévotion avec M' Aubery. Et ce ne sera pas
sans nous souvenir de vous Dieu aydant, et de nos aultres bons seigneurs et
amys de par do là. Il me tardera d'avoir ce bien et d'avoir quelque bon moyen
de vous servir un jour comme.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 27 avril 1639.
Je vous remercie trez humblement de l'inscription TRITVRIS que M*' le
Gard*' m'a faict envoyer en mesme temps que le s' Suarez, à qui j'en escripts
un peu pliis au long mon sentiment. Et vouidrois croire que ce fust le nom ou
le soubriqiiet sous lequel se faisoit designer le sculpteur qui pouvoit avoir tra-
vaillé à la statue mise sur cette base, si ce n'est que ce fust la jiatrie ou origine
de ce Magistrat M. NVMMIVS, ce qui avoit de besoing d'un peu de disquisition
plus exacte que je n'en ay maintenant du loisir, et que M' Holstenius la voulust
examiner luy-mesmes, ensemble les autres pareilles dans Grutlerus. où se
voyent non seulement de semblables noms gentils , PODULONII , PHOSPHORII ,
LEVCADIl, PELACINII, AEGIPPI, ASTERII, DRAGONTH, HONORH, mais
aussi certaines répétitions de noms propres, de ceux mesmes à l'honneur des-
quels elles estoient faictes'.
' Copie tirée de la bibliothèque Barberiai et communiquëe par M. Eugène Munti, ancien membn^
de l'École française de Rome, conservateur des archives et de la bibliothèque de l'École nationale des
beaux-aris.
8«"
682 APPENDICE. [1629]
SECONDE PARTIE.
LETTRES DES FRÈRES DUPUY.
I
LETTRE DE JACQUES DUPUY
««À MONSIEUR, MONSIEUR DE PEIRESC, CONSEIlLER DU BOY
EN SA COUR DE PARLEMENT DE PROVENCE, À AIX».
Monsieur,
Il me semble que nous tardons bien cette fois à recevoir de vos lettres, les
dernières estant du xi du passé. Je m'en estonne veu que vostre province sait
produire maintenant quantité de nouvelles et d'importance à cause de l'arme-
ment qui se fait que l'on nous asseure estre pressé pour faire impression dans
ce Montferrat. Nous n'avons encore rien de certain du passage du Roi de là les
monts, les derniers advis estoieat d'Ambrun du 27 du passé', dont il faisoit
estât de partir de là le lendemain et estre le 3° du courant dans le Piedmont,
ayant au paravant envoie deux coquins^ (il nomme ainsi dans sa lettre à la
Reine Mère les Mareschaux de Crequi et de Bassompierre^) pour s'asseurer
des passages. Le bruict le plus constant est que nostre avant-garde composée
de dix mil hommes de pieds et de quinze cens chevaux est maintenant passée,
mais cela n'est que par conjecture. Il y a maintenant ici une affaire sur le tapis
qui fera bien des intrigues et brouillera grandement le cabinet, et Dieu veuille
que cela n'aille plus avant. Je vous mandois par mes dernières comme Monsieur
estoit rebroussé tout brusquement vers ces quartiers sans avoir veu le Roi , avec
' Louis XIII était arrivé à Embran le lundi ' Bassompieire ne mentionne pas l'aimable et
26 mars 1699; il y tint un conseil auquel assista familière injure qui lui fut appliquée par le roi,
le cardinal de Richelieu et où, dit Bassompierre en un moment de gaieté. Il nous apprend que, le
(MAnoires, t. IV, p. 65), trse résolut que M' de 27 février, itmardy jour de caresme prenant, s il
Creqny et moy nous irons saysir des passages du partit d'Embrun avec le cardinal et le maréchal
Piémont». de Créqui et que, le jour des cendres, a8, il
' C'est-à-dire deux vaillants, deux déterminés gravit le mont Genèvre.
apitaines.
[1639] APPENDICE. 68S
intention, disoit-on, d'empescter le parlement de la PrineesM Marie' qui es-
toit assifjnë au i a de ce mois, y ayant gentilhomme envoie eipi4s par M' de Man-
tone pour la conduire. La Uoine Mère, craignant c|ue mou dit sieur ne la fist
enlever par les chemins, et qu'il ne l'epousast par force et contre le consente-
ment d'elle qui deaire l'alliance de Florence, feit tenir samedi lo un conseil
au Louvre on estoient M" le Cardinal de BeruUe, le surintendant, Marillac, le
maistre de cam|), et fut résolu d'envoier quérir à Colommiers'^ (Maison de
Madame de Longueville la douaricre)la dite princesse et l'emmener au Louvre;
et un nommcî Quensac, fort déterminé et qui est employé en la marine par
M' le Cardinal*, eust charge de faire cette conduite avec tout ce que l'on peut
ramasser de cavaliers volontaires en cette ville, qui [)ouvoit monter à cent che-
vaux, et la l^oyne Mère bailla ses carosses pour faire la plus grande diligence
qu'il se pouvoit. ToHt cet equippage partit à minuit du samedi au dintaoche,
et estant arrivez à Coiommiers sur les 8 heures , Quensac feit entendre à la
princesse ces ordres qu'il avoit de la Royne Mère qui estoient que sa Majesté
desiroit parler à elle auparavant son parlement et pour ce subject lui avoit
fait préparer son logement au Louvre. La princesse respondit qu'elle esloil
toute preste d'obéir et n'avoit autre volonté que la sienne, de sorte qu'elle partit
incontinent cstre habillée, auivie et environnée de toute cette cavalerie qui ne
trouva aucune rencontre par le chemin; et estant passés au delà du bois de
Vincennes environ un quart de lieûe, un exempt vint apporter un nouveau
commandement à Quensac qui est que pour certaines considérations la Roine
Mère avoit changé d'advis et lui commandoit de mener la dite Princesse au Bois
de Vincennes et la loger dans l'appartement du Roi. Quensac feit entendre ce
nouvel ordre à la Princesse qui lui fict response qu'elle obeiroit à tout ce que
la Royne Mère desireroit, et ainsi fut conduite au dict bois de Vincennes où
Madame de Longueville sa tante lui tient compagnie, et dit-on que dans 3 ou
Il jours la Roine Mère Tira visiter et l'emmènera avec elle au Louvre. La dite
princesse, Quensac prenant congé d'elle, le pria de dire à la Roine Mère
qu'elle lui fist entendre ce qu'elle desiroit qu'elle escrivit à son |)ere , parce qu'elle
avoit ordre de lui de partir le i a et qu'elle ne voioil que les choses se dispo-
' Marie-Louise de Gonia({U6-Clè»e« , fille du
duc de Maiitoue.
* Gaulominiere, Seine-et-Marne, à 47 kilo-
mètres de Mfliuii. Voir le récit de l'am-stalion de
la princesse Marie dans les Uénuitrt» de BaMom-
pierre (t. IV, p. 35).
' Quensac n'est pas raenlioaaé «M seule fois
dans les huit volumes du RtemS À»tm$L Je ne
retrouve son nom daus lutuB das recueils le-
lalib au rèfpie de Louis XIU que j'ai sooi la
main.
86.
68à APPENDICE. [1629]
sassent à exécuter ce commandement. M' de Marillac a fait un voiage vers Mon-
sieur qui est à Montargis^ pour i'advertir de ce procéder, et est, dit on, re-
tourné et après avoir esté tenu conseil chez la Royne Mère est encores reparti.
Plusieurs jugent que M" de Bellegarde et le Cogneux'' sont bien embarrassés
et auront bien de la peine à dévider cette fusée, et principalement ce dernier
auquel la Royne Mère ne veult pas de bien et qu'elle croit pouvoir plus que
personne sur l'esprit de son fils. Il y a commandement à la poste de ne bailler
aucuns chevaux jusques à ce que la Royne Mère eust depesché son courrier
vers le Roy. Voila l'affaire qui entretient maintenant nostre «ourt et toutes les
compagnies. Dieu veuille que tout reucisse au bien de l'Estat et au contente-
ment de ceux qui y ont le principal interest.
L'on parle maintenant avec incertitude de la surprise d'Orange quoy que
plusieurs croient que le Gouverneur soit d'accord avec le Roy, mais qu'il ne se
veult encore déclarer''. Je vous envoie copie d'une lettre qui mérite d'estre
gardée pour cette histoire et semble qu'il prépare des excuses pour prétexter la
défection. J'y ai joint l'arrest donné par M' le Garde des Seaux* touchant
l'ordre des Finances. Il s'est réimprimé ici depuis peu les arrests en Robe rouge
colligés par M"^ Bouguier conseiller, qui est une collection dont on fait cas; je
vous en ay pris un exemplaire. Il y a au devant un poème de M' Borbonius*
fort beau , où il parle de la prise de la Rochelle et des Anglois *'. C'est en la
' Chef-lieu d'arrondissement du Loiret, à
69 kilomètres d'Orléans.
^ Grands amis, comme on sait, du frère de
Louis XIIL
' Voir, au sujet de cet incident de Phistoire
d'Orange et au sujet du gouverneur de cette
ville, le sieur de Valkembourg, une note du fasci-
cule VIII des Correspondants de Peiresc (Le car-
dinal Bichi, évéqne de Carpenlras, i88.ï, p. 38).
Conférez le tome I des Lettres de Peiresc aux
frères Dupuy, p. 890. J'ajoute à ces indica-
tions cette citation de l'^lrt de vérifier tes dates
{Chronologie historique des comtes de Hollande,
I. XIV, 1819, p. 478) : ttMaurice de Nassau,
successeur de Philippe-Guillaume, son frère,
dans ses droits sur la principauté d'Orange,
avait donné, l'an 1619, le gouvernement
de ce pays au prince Emmanuel de Portu-
gal, avec charge d'y établir, pour comman-
dant des troupes, Jean de Hertoge, sieur de
Valkembourg. Emmanuel ayant été rappelé
l'an i6a3, ce capitaine prit le gouvernement
d'Oiange. Mais bientôt ses ennemis le rendirent
suspect. On l'accusa de traiter avec Riche-
lieu de la souveraineté, à condition de rendre
sa place héréditaire. Sur cette accusation, le
prince rappela Valkembourg. Celui-ci, refu-
sant de donner sa démission, se fit tuer en
se défendant contre ceux qui avaient l'ordre de
l'arrêter. »
* MicM de Marillac.
^ Nicolas Bourbon , déjà mentionné.
• Le ftrt beau poème du futur académicien
n'est mentionné ni dans les recueils bibliogra-
phiques (Lelong-Fontette, Manuel du libraire.
Catalogue de ta Bibliothèque nationale. Essai
de bibliographie oratorienne, du P. Ingold, Bi-
bliographie Rochelaise, de Léopold Délayant), ni
fl629]
APPENDICE.
«M
façon des Sermoncs de M' de l'Hospital '. Je suis bien marri que cette pièce
n'est en meilleur endroit. Je tascherai d'en avoir copie destachée du livre, car
vous seriez bien aise de la (aire passer de là les monts. Un de nos poètes nao-
dernes dont on fait grand cas en court, nommé S' Amande a fait imprimer ses
vers in-li" où il y a un cahier de railleries où sont force bons mots , et un peu
de sales, que l'on ne donne pourtant qu'aux amis^. J'en ay pris un. Le 1 9 tome
du Mercure est aussi publié où il y a plusieurs bonnes pièces insérées. Je suis
marri qu'il ne se présente occasion de vous faire tenir toutes ces pièces dont jf
vous envoie le catalogue alfin qu'au moins vous voiez en quoi s'emploie vostre
argent et me mandiez librement en quoi j'excède mon pouvoir, ne voulant rien
faire que ce que me prescrirez. Les finances me manquent, y a desja quelque
temps, mais j'espère qu'aurez donné ordre au recouvrement. J'ai parlé ù
M' Lussou touchant le Registre (entre deux ais); il s'estonne de vostre curio-
sité qu'il n'a point eue, encore qu'il soit du mestier. Il dit que ce livre est tenu
fort chèrement et ne se communique. Il croit en avoir quelques extraits et m'a
promis de bailler ce qu'il en aura. M' Haultin aussi fera le mcsme, mais il est
lent et noslre Quentin nous échappe au premier jour. Je vous baise les mains
et suis,
Monsieur,
vostre très humble et affectionné serviteur,
J. DU Pdy.
De Paris, ce 13 mars 16-19.
Les Bonvisi ont fait banqueroute à Lion de grandes sommes*.
dans les recueils biographiques (Moréri, Mi-
chaud, Didot, etc.), ni dans une élude spéciale
de M. R. Kerviler {La Champagne à l'Académie
Jraneaae. Nicola» Bourbon , élude »ur ta vie et tet
travaux, Paris, 1878).
' Mich. Hotpitalii epitlolarum et $ermomim
libri VI (editi a Guido Fabro, J. Aug. Thuano
et Scev. Sammartano). Paris, cbet Mamerl Pâ-
tisson, i585, petit in-fol.
' Marc-Antoine de Gérard, sienr de Saint-
Amand.
' Cette première partie des QEuvret de Saint-
Amand parut à Paris, de l'imprimerie de Rob.
Estienne , pour Fr. Pomeray et Toussaint Quinel,
163g, in-&° de l) feuillets préliminaires et de
355 pages.
* Bibliothèque nationale, fonds fnnfais,
vol. gitilt, fol. 85. Autographe.
686 APPENDICE. [1629]
II
LETTRE I>E JACQUES DUPOY
R À MONSIEUR , MONSIEUR DE PEIRESC , CONSEILLER DU ROY
EN SA COUR DE PARLEMENT DE PROVENCE, i AIX ».
Monsieur,
Comme j'estois sur le point de vous escrire et me plaindre du peu de nou-
velles que recevons de vostre part, vostre despescbe du second de ce mois m'a
esté rendue fort bien conditionnée avec tous les pacquets et autres imprimés
qui y estoient joints, de sorte que me voila payé et avec usure, vous asseurant
que le temps le mieux passé et avec plus de contentement est celui que nous
emploions à la lecture de vos lettres dont les plus longues sont les meilleures.
M. de la Motte s'est trouvé à l'ouverture du pacquet et luy ay délivré celuy de
M' Gassendi dont il m'a monstre des lettres d'Aix la Chapelle assez fraisches,
où il y avoit des recommandations pour vous^ Je suis fort aise que mes pac-
quets vous ayent esté délivrez , en estant en peine et de sçavoir d'où pouvoit pro-
venir un si grand retardement. Il y a si peu de temps entre la réception de
vostre ditte despesche et le parlement de l'ordinaire que je ne pourrai pas sa-
tisfaire à la plus part des choses que desirez, me reservant de le faire par le
prochain, auquel je ne manquerai de vous envoier une partie des livres que
me demandez. Si vous n'avez fait renouveler les ordres du costé de Marseille à
Mad"' Lignage, je vous prie de le faire, car il y a de plus de trois semaines
que l'argent manque, Quentin ne laissant pour cela d'escrire, et M' Haullin doit
mettre son registre des monoies entre les mains de M' Rigault , de sorte que ce lui
sera encore de l'emploi et craignons bien que son maistre ne parte auparavant.
Devant que de venir aux nouvelles du monde , je respondrai à vostre despescbe,
et commencerai par le remerciment des vers du sieur Remmius ^ que je n'ay
encore en loisir de veoir ni de faire veoîr aux amis. Mon frère fera ce qu'il
pourra auprès de M' de Lomenie pour l'expédition que desirez de luy pour ce
sieur Nostradamus '. Il nous a communiqué celle que luy escrivez des nou-
' Gassendi faisait alors, en compagnie de ' Abraham Ravaud, dit Remy, déjà souvent
Luillier, ce voyage dans les Pays-Bas sur lequel mentionné.
Bougerel a donné tant de détails ( Vie de Gai- ' César de Nostredame.
tendi, p. 37-66).
[1629] APPENDICE. NV
velles de vostre province dont on est ici mal informée, sedisMit scuiement en
gênerai que M'' de Guise est eatr»'! daas le Piodmont sans trouver résistance.
L'ordonnance de M' le Garde des Seiiax a esté ri'îimiirimëe , mais sans change-
ments de la première édition ^uc me njarquez [cjui] n'ont point <'st(5 publiés.
Ces Messieurs du Parlement se sont assemblez rieux ou trois fois »nr ce sul^
et n'ont examiné que quatre ou cinqiavticlos, de sorte que s'ils continuent de la
façon , ils en auront pour dix ans encore. J'ay toujours doubté de ta vérité de
la nouvelle d'Orange sur ce que vous ne nous en mandiez rien. Mon frère a
ce mémoire qu'en avez aultres fois fait et vous en fera 1res volontiers faire une
copie'. Nous avions desja seeu ce que [>orte l'extraict de lettres touchant
M' de Thou et pense vous l'avoir mcndé, mais les lettres de M' Aubri du 8 février
révoquent en doute cet advis, ce qui a aussi esté confirmé par d'autres lettre»
de niesme datte , de sorte que cela nous tient en flus{)ens et ne sçavons qu'en
croire. Pour moy je trouve le temps bien court, estant parti de Sayette lei no-
vembre i6a8 pour aller en Jérusalem ef de là en Egypte, tfestre de retour
au commencement de janvier à Raguse'^, d'où l'advis en esloit venu à Rome, et
M' Lumague , dont Poulailloii est gendre , n dit à un de nos amis que le dit sieur
Poulaillon estoit à Venise et y avoit plus de trois mois qu'il n'avoit esté à Ra-
gusc. Je ne sçai commentaccorder tout cela. Je crois facilement la mort du valet.
Monsieur de Thou par ses lettres de Sayette mandant le piteax estât auquel il
estoit languissant de fiebvreil y avoit plus de trois mois. Le sieur Léger (?), com-
pagnon de voyage de M"^ le Tanneur, s'est marié à ce carnaval dernier h la fille
d'un procureur nommé Mangeot qui a cinquante mil livres de bien. Je ne l'ai
veu qu'une lois en tout. Si par rencontre je le puis veoir, je lui parlerai de ce
que me mandez touchant le Roi de Perse d'aujourd'hui. Je serois bien aise de
recouvrer ce livre imprimé à Venise de Pietro délia Valle dont me parlez. O
Tarich Regum Persiae est fort estimé et est traduit sur un livre en langue Ara-
bique fort authentique. Il se peut onvoier par paccpiets et k deux fois pour ne
trop charger l'ordinaire, (ie livre intitulé Lingua Samaritana ne se trouve plus
et croy qu'il n'y en avoit que /i ou 5 exemplaires. Il ne contient que deux feuilles
et vous le pourrez avoir dans ce pacquet. M' Grolius fera ce qu'il pourra pour
promouvoir l'édition des inscriptions , mais on n'a dessein que de l'Auctuarinm.
' Ce mémoire se retrouve, comme je roi déji de piècp<i rehlives à la principtiilé d'Onage.
constaté, dans un des registres de la collée- ' En Dalniatic, sur la rive orientale de TAdria-
tion l'eircsc, à la hitiliothèqiic de Garpon- tique, à 3 5o kilomètres de Zara.
iras, portant le numéro LXXVIII, et rempli
688 APPENDICE. [1629]
Je luy lirai ce que m'en escrivez, et si M' Doni tient parolle, je croi que cela
réussira. Je vous exhorte de tenir prestes vos inscriptions et seroit facile de vous
les faire imprimer séparément des autres. Pour M"^ de Toulouse ', il partit d'ici
le i"de ce mois, et l'exemplaire de son factum donné à M' Marchier estoit
j)our vous estre délivré, croiant cette voie plus seure et prompte, et nous en don-
nant un pour nous, prevoiant bien la demande que je lui allois faire pour vous,
il me dit qu'il vous en avoit envoie un exemplaire par mon dit sieur Marchier
qui s'en sera voulu approprier. Il l'a tenu secret, craignant que ces Messieurs
des Parlements s'en formalisassent, encore qu'il soit fort dans la retenue et ne
sextravague point de son fait. Il est fort bien imprimé et mérite d' estre gardé.
Je m'informerai touchant ce qui se pratique ici par nos prescheurs en présence
de l'Archevesque de leurs sermons. J'ai ouï dire et asseurer que l'Archevesque
estant présent et ne se trouvant point plus grande puissance comme du Roi ou
des Reines, et de Monsieur, l'on adresse la parole à l'Archevesque. Je vous re-
mercie de la perquisition qu'avez faitte pour le faict de ce moine qui ne pou-
voit parestre plus exacte. Je ferai voir vostre lettre à celuy qui m'en a parlé et
vous en ferai sçavoir la response. Voila pour response à vostre lettre, me reser-
vant de vous envoler par le premier ordinaire les livrets que desirez. Devant
que de venir au public, j'ai à vous faire souvenir d'une prière que vous a fait
autres fois M. Bergeron et dont il vous a escrit sans avoir receu, dit il, au-
cune responce ; c'est pour les volages d'un nommé Le Blanc de vos quartiers^
sur lequel il croit qu'ayez grand pouvoir, et M' le président Lussou, qui affec-
tionne fort ce dessein, m'adict en riant qu'il avoit l'extrait du registre des mo-
noies entre deux aix, mais qu'il ne s'en desaisiroit point que vous ne lui eussiez
fait raison de ces voiages de Le Blanc. Je vous supplie de mander par le pre-
mier à quoy cette affaire tient, car je ne doute nullement que de vostre costé
vous n'y ayez apporté toute la diligence requise.
Pour ce qui est des nouvelles de l'armée, encore qu'en soiez plus proche que
nous, je crois neantmoins que les courriers en sont plus tost despeschez de
deçà; c'est pourquoy je vous envoie copie de deux lettres dont la première est
de M' Lucas, et l'autre d'un Gentilhomme dont je ne sçai le nom. Il y a eu
quelque advis du depuis, que M' de Sennetaire, estant allé trouver le Duc de la
part du Roi, estoit entré en quelque conférence et traicté d'accommodement et
depuis retourné devers le Roi, mais je n'en ai rien veu par escript de bien au-
' Cliaiies de Montchal. — * Nous avons vu que Vincent Leblanc étail né à Marseille.
[1629] APPENDICE. 689
thentique. On adjouste que le Hoi doit cstre bien losl de retour à Grenoble, ce
que j'ay peitu; h croire. Pour ce qui est do la Princesse Marie, elle est toujours
au Bois de Vinccnnes au lofjemcnt du Roi où les Princesses ses parentes la
visitent, mais fault avoir des billets de la lioine Mère, et fait on démasquer les
femmes de leur suitte creinte que quelqu'un y entre déguisé. Monsieur a sup-
porté cet arrest fort impatiemment et a dit tout ce qu'un homme en colère et
amoureux peut dire : il a mandé tous ses domestiques pour l'aller trouver à
Orléans et faisoit estât d'aller à Champifjny', maison de sa feue femme en
Touraine. Il a dit<pi'il ne verroit la Roine sa mère qu'en peinture. Messieurs
de Beilegarde et le président le Cogneux sont auprès de lui pour l'adoucir.
11 avoit envoie visiter sa maistresse par un nommé Briançon*, frère du comte de
Lude^, mais Lousteinau, qui commande au Bois de Vincennes, lui a refusé
de parler à la Princesse. Madame la comtesse de Soissons a eu de rudes propos
avec le cardinal de Berulle, que l'on tient avoir esté un des principaux aulhcurs
de ce conseil*; l'on fait mettre des barreaux à plusieurs fenestres du logement
de la Princesse, crainte de quelque enlèvement. On n'a pas encore eu advis
de la cour comme cette action aura esté receûc; je ne doubte point que la Roine
Mcre ne soit bien advouéo, car s'agissant de son fdz. c'est elle qui y a le prin-
cipal interest. Je vous avois envoie cop[)ie de la Jussion envolée au Parlement
sur le fait de M' de Vandosme; mais le Procureur gênerai, prevoiant le reffâs
qu'elle trouveroit de la compagnie, ne l'a présentée, et a fait en sorte que
sans faire mention do cette dilTicullé sur la nomination des commissaires, ces
Messieurs nommés tant par le Roi que par la court se sont transportés au Bois
de Vincennes, où Lousteinau les rcceutavec toute la garnison en ordre et les feit
monter en la chambre du Duc qu'ils trouvèrent d'une façon fort posée et sé-
rieuse; ils s'asseirent à l'entour de la table, dedans des chaises, et lui se mil
au bout et se tenant nue teste et debout ; ils le feirent asseoir et, le Greffier
' Aujourd'hui commune dTndre-et-Loire, ar- comte de Nauteuil, et de Jeanne de Chasteigner
rondisscmeul de Chinon, canton de Richelieu, à de la Rocheposay.
55 kilomètres de Tours. ' Timolcon de Daillon, comte de Lude, éUit
* Érasme, comte de Brian^on, mort sans pos- le fils aine de François de Daillon.
tenté de Marguerite Hurault, tille de Henri, ' Connaissait-on la querelle de la comteM* de
comte de Chivemi, (gouverneur du pay^ Char- Soissons et du cardinal de BérulleT Les anecdo-
Irain , était le troisième fils de François de Daillon , tiques réciU de Jacques Dupuy, dans cette lettre
comte de Lude, marquis d'Illicrs, seigneur de et dans la précédente, sont pout-étro ce qui a
Pontgibaud cl de Briançon , sénéchal d'Anjou , été écrit de plus intéressant sur l'arrestation de
gouverneur de Gaston de France, duc d'Orléans, Marie de Goniague et sur les suites de cetla
et de Françoise de Schomherg, fille de Gaspard, arrestation,
H. 87
690 APPENDICE. [1629]
ayant faict lecture tant de l'abolition que de sa confession y attachée, ils lui
demandèrent si cette pièce estoit de lui et s'il n'avoit rien à y adjouster davan-
tage. Il leur fit response que non et qu'il avoit accusé jusques à ses pensées.
Cela fait, ils se retirèrent sans parler d'autre chose. L'on croit qu'il sera bientost
mis en liberté, la Roine Mère en ayant dit quelque chose, et c'est elle mesme
qu'a fait solliciter ces Messieurs de se transporter au Bois de Vincennes sans
plus user de remises. Nous avons perdu un des anciens conseillers d'Estat qui
est le bonhomme M' de Chateauneuf. M' l'Evesque d'Orléans son fils est ici
auquel je ferai bailler vostre lettre. Mon frère vous baise les mains comme je
fais de mon costé, vous priant de croire que je serai à jamais,
Monsieur,
vostre très humble et affectionné serviteur,
J. DU PuY
A Paris, ce ao mars 1699.
M' le Grand , maistre des Requestes, et M' d'Aubrai partent ce jourdhui pour
aller servir leur quartier. Le premier fera ce qu'il pourra pour donner jusques
en vostre province. Il est de mes intimes amis et fort cogneu de M' vostre
frère.
Le sieur Vris^ m'a mis entre les mains un pacquet que je crois estre la Gé-
néalogie^.
III
LETTRE DE PIERRE DUPUY À PEIRESC.
Monsieur,
J'ay respondu à vos deux depesches du a 8 avril et 5"" may arrivées à trois
jours l'une de l'autre fort bien conditionnées avec tous les pacquets et lettres qui
y estoient jointes qui ont esté envolées à leur addresse. Je vous rends grâces
' Guillaume de l'Aubespiae, baron de Châ- Châtcauneuf, garde des sceaux de France,
teauneuf, né en 1547, avait été ambassadeur ' Sur le peintre Adrien de Vries, voir t. I,
en Angleterre et chancelier des ordres du roi. p. 5i, 733-786.
Il avait eu de sa femme, Marie de la Chastre, ' là une ligne perdue dans la reliure. —
neuf enfants dont les plus célèbres furent Vol. 717, foi. 89. Autographe.
l'évéque d'Orléans et Charles, marquis de
[1629]
APPENDICE.
691
des curiositcz et livres qui les accoinpagnoient. Celte relation espagnole ton-
chant la prise de la Rochelle est bien remarquable; un Gentilhomnr)e Alleman
qui nous bailla ce mémoire de livres Espa{;nols que je vous ai envoyé nous dit
en avoir une qu'il achepta sur les lieux et s'estonnoit des louantes qu'on donnoit
à nostre roi et en un temps que l'intelligence n'estoit pas tant grande entre les
deux courones à cause des affaires d'Italie; mais je crains (|ue vostre courtoisie
ordinaire vous face priver de cette pièce pour nous en faire part si libéralement
comme avez desja faict de la relation de Perse qui est grandement estimée de
par deçà. Ce seigneur Pietro délia Valle' fait mention de deux relations, l'une
de ses voiages et l'autre de la Géorgie. Si avez quelque accez auprès de loi, il
seroit bon de pénétrer en quel dessein il est touchant la publication de ces
deux pièces (jui seroient grandement bien reçues. M' le Card. Barberin y pour-
rait beaucoup, car cet impriiné lui est dédié.
Avant que de venir à ce qu'il y a de public, je respondrai à vos dites des-
pesches : je me doubtois bien que le s' Rémi s'excuseroit sur la liberté que
quelques uns se sont voulu donner de faire brefves ou longues les syllabes des
noms propres. Ces Mess" me feircnt bien des lors cette response, mais qu'elle
n'estoit suffisante, et qu'il falloiten ces choses là suivre les anciens qu'en avoient
usé de la façon, et que le long usage doit prévaloir à tout ce qu'on pourroil
alléguer au contraire et duquel on ne peut rendre raison , comme par exemple
pourquoi la première de amo est brefve et celle de hamus longue^ et ainsi
tous les autres. A la première rencontre je communiquerai à M' Grotius ce
que m'escrivez de ces origines des noms propres et de diverses façons auxquelles
ils ont esté changez, et ne manquerai de vous escrire ce que j'en pourrai re-
tenir, et vostre disgression est très à propos et pleine d'érudition et grande
recherche, et pleust à Dieu que toutes celles de M' Sauhnaise sur son Solin
n'eussent point esté tirées plus loing'. Il travaille maintenant sur un troisième
volume qui est purement sur Pline et dont il fait plus de cas que des deux
autres. Il veut l'achever devant que d'aller en Bourgogne où il fait estât de
s'acheminer dans six semaines avec toute sa famille et ne sçait quel temps il y
séjournera. Je l'ai enfin mené chez nostre peintre; il est fort bien commencé
et il n'y a persone qui ne le recogneust. M' Grotius est tout à fait achevé et
fort ressemblant. M" le Beauclerc et la Ville aux Clercs se transporteront bien-
' Voir I. I, p. 545.
^ Qui temel est lœtut fallaci pitcit ab hamo
(Ofide).
■" Trop juste critique dos conjecturales clv-
iiiologics d'un philologue dont l'érudition était
plus vaste que sûre.
87.
692 APPENDICE. [1629]
tost chez lui pour se faire tirer. Mon frère les a veus depuis deux jours et les
en a sollicitez en vostre nom pour vous donner celte satisfaction. Maintenant
(|ue la Roine M[ere] est à Luxembourg ', ce leur sera pourmenade de s'arrester
chez lui. Pendant le peu de séjour que fait ici M' Rubens, je rendis un petit
service à M' Vris qui lui fut assez agréable, car l'ayant adverti de son arri-
vée, nous nous trouvasmes chez lui et le recommandois fort à mon dit s' Ru-
bens et le priai de faire de bons oflices pour lui auprès de M' deS-Ambroise,
ce qu'il me promit de faire par lettre, ayant desja prins congé de lui. Le dit
s"^ Rubens voulut voir ses derniers ouvrages que le s"^ Vris apporta et feurent
grandement estimez. M"^ l'Ambassadeur de Flandres, au logis du({uel il demeu-
roit, les veit aussi, qui en ayant fait récit à celui d'Espagne, il l'est venu visiter
chez lui. Je voi qu'il commence à estre fort connu et n'a que faire de chercher
des protecteurs , car ses ouvrages le recommandent assez. Je veux mal à M"^ Mons-
tier^ qui continue tousjours à lui faire de mauvais offices; c'est un marault
indigne de la cognoissance de gens d'honneur. Nous ne lairrons pas cela sans
reproche à la première rencontre. Le dit s"^ Rubens veit le palais de la Roine
M[ere] avec tout son ameublement et me dit n'avoir rien veu de si magnifique
en la Court d'Espagne. La chambre où est son lict qui est renfermée dans un
grand pavillon ressemble à cez lieux enchantez descrits dans les Amadis; il n'y
a que iM' de Ralzac avec ses hyperboles capable d'en faire la description.
Pour ce qui est de la Rible Hébraïque , il n'y en a qu'une in 1 6° de Rob.
Steph.', et l'année qui est de 1 56.5 est seulement marquée à la fin desPseaumes.
Je ne vous conseille point de faire cet achapt. Vostre ami se pourra bien passer
de l'exemplaire qu'il a. M' Rigaull vous doit remercier des lettres de recom-
mandation qu'il a receues de vous par ce dernier ordinaire. Le nom de son
Rapporteur est Chômas, qui est en assez mauvaise réputation comme d'homme
corrompu. Toutesfois c'est le hazard qui le leur a donné et non la faveur de leurs
parties. Il n'y a encore eu moyen de faire faire un espreuve du Theo])hile de
M' Fabrot et ai esté moi mesme trouver Vitré qui le doit imprimer pour l'en
solliciter, mais outre qu'il est syndic aussi bien que Cramoisy, c'est lui qui a
entrepris l'édition de la Grande Bible*, de sorte qu'il ne manque pas d'occu-
' C'est-à-dire au palais du Luxembourg. kment réditlon do Robert Estienne de i5i4-
' Le' peintre Daniel du Monstier dont le ca- i546, in-i6.
ractèrc, s'il faut en croire les lignes qui vont * La Bible polyglotte de Le ia) (lèsS-iGlib),
suivre, était loin de valoir le talent. en lo vol. in-fol.
' Dans le Manuel du libraire on indique seu-
[1629] APPENDICE. • 693
pation ; mais je crois que la longueur sera reconipens(?e par la beauté de l'im-
pression, car il entend assez bien son mestier. Toutesfois je ne me fie point à
ces gens là, sachant leur ivrognerie, ce que n'ignorez non plus, ayant passé
par leurs mains.
Nostre ami, qui entreprend les Œuvres de M' de Malherbe, s'a[)pclle Gra-
nier ', qui a l'honneur d'estre cogneu de vous et de M' vostre frère, vous prend
au mot pour les lettres de M' de Malherbe, qui serviront de grand ornement
h son édition; que si n'avez le loisir d'en faire le choix et retrancher ce qui
seroit inutile, il vous donne sa parole que les envolant ici, il les renverra trez
exactement et suivra l'ordre que vous luy prescrirez. Je vous prie, s'il y a
moyen, de le favoriser en cela ; la mémoire de M' de Malherbe semble vous
y convier et puisqu'il les avoit voulu examiner pour les polir, cela fait croire
qu'il les jugeoit dignes de voir le jour. Mon dit s' Granier m'avoit il y a quelque
temps fait cette prière que j'avois esconduitte crainte de vous faire unerequeste
incivile. Mais puisque de vous mesme vous vous y estes comme engagé, je n'ai
fait aucune dilficulté de faire cet office. Vous en userez neantmoins comme le
trouverez plus à propos^.
M' Rigault se resoult bien, (|uand M' le Nonce' sera de retour ici, de lui
faire présent de son Tertullien entier, ce qui sera plus à propos que d'envoier
la préface détachée. Mon dit s'' Rigault a vu ce qu'escrivez à mon frère tou-
chant ces inscriptions antiques et ce mot TRITVRRII et croy qu'il vous en
touchera quelque mot. J'en parlerai aussi à M" Grotius et Saulmaise. Ce dernier
a maintenant entre les mains les Marmora Arundeliana et à l'ouverture du livre
il me marqua quelque faute assez grossière faute d'avoir bien leu le marbre.
Cela fait croire qu'il en trouvera beaucoup d'autres. Il a plusieurs anciennes
Inscriptions Grecques qu'il voudroit fere imprimer et illustrer de notes et y
joindroit volontiers celles ci. Je tascherai à l'y faire resouldre. Le sravoir de
cet homme en ce genre de lettres est prodigieux, et M' Grotius, qui a leu son
dernier ouvrage ", ne se peut lasser de l'admirer et priser. Il trouvera peu de
lecteurs de cette sorte.
Pour ce qui est du registre de Lauthier, je vous ay mandé comme Quentin
l'a transcrit. Mon frère en a fait faire une copie pour lui et avoit dessein d'v
' Augcr de Matilôoa , sieur do Granier. Voir bibliographique du tome I des CEurriM i
t. I, p. '117. (/« .Wa/A«ri« (p. icit).
• Ce paragraphe, depuis les mots: A'o>(reami, ' Le r^rdinal Bagni.
a été insérd par M. Lud. L,alanno dans la Notici • f'linianeeexercitalione${i6ag, * »ol. io-fol. ).
694 APPENDICE. [1629]
faire coller les monoies que nous avons de M' Haultin , mais il y a rencontré
tant de difficulté à en faire le rapport qu'il a tout laissé là et s'est contenté du
simple discours , aussi que le registre de Lauihier contient plusieurs monnoies
eslrangeres qui ne sont dans les planches de M' Haultin, et fault qu'il les ait
eues d'autre jpart pour les appliquer à son livre. Le registre entre deux ais a
bien des figures de monoies en marge, mais elles sont comme imprimées sur
le papier mesme et non collées. Il sera bientost transcrit par Quentin. Je
m'enquerrai chez nos libraires si ce livre de figures ne se trouveroit point,
et quand il se rencontreroit il faudroit qu'une personne intelligente les
collast crainte de besveùe.
Avant que de venir à ce peu de nouvelles, il faut que je vous remercie du
pacquet de M"^ de Thou du Caire, joint à vostre depesche du 98 avril, en-
semble de la communication de vostre lettre que je vous renvoie. Je ne vous
fais part de celles qu'il nous escrit pour ce qu'elles ne contiennent que les
mesmes choses et non du tout si particulières. Vos advis de Suze sont assez
notables pour ce qui regarde la trefve de Savoie. Au reste ils sont remplis de
putides flatteries. Il n'est pas vrai que M' le Mareschal de S'-Luc^ ait esté à
Venise , il n'a pas passé Nancy, où il tomba malade d'une maladie que les me-
disans baptizent du nom de veroUe ; et de fait à son arrivée ici il s'est retiré
avec sa femme ^ à Ruel où tous deux s'en font penser, car on prétend qu'elle
lui a faict ce beau don de nopce '. Nous avons eu quelques advis de Vallence
que je vous envoie ; ils sont de M' Ferrant. W le Cardinal doit avoir maintenant
joint le Roy avec l'armée : les députez des deux Ducs n'ont peu convenir pour
l'appretiation des terres et le Roi y doit envoler des commissaires. Ceux de
Gènes aussi n'ont peu demeurer d'accord avec M' de Savoie pour leurs diffé-
rents, sont partis neantmoins fort satisfaits du Roi. On asseure que M"^ le Car-
dinal est parti de Suse assez content du Duc et croit-on que tout se terminera
à l'amiable. Mais vous devez mieux sçavoir ces nouvelles que nous, en estant
plus proches.
' Timoléon d'Espinay, chevalier des ordres 1697, avec Gabrielle de la Guiclie, veuve de
du roi, gouverneur de Brouagc, lieulenanl gé- Gabriel, seigneur de Chazeron, et fille aînée
néral au gouvernement de Guyenne, vice-amiral de Jean-François, seigneur de Saint-Géran,
de France, maréchal de France en i6a8, mort maréchal de France, mort à Paris le 19 jan-
à Bordeaux le la septembre 1 646. vier 1682.
^ Le maréchal de Saint- Luc, qui avait épousé ' Voir à ce sujet dans Tallemant des Réaux
en premières noces Henriette de Bassompierre, l'historiette intitulée : Le maréchal de Saint-Luc
sœur du maréchal, se remaria, le la juin et le comte d'Etlan, ton fitê {l. l\, f. a4G).
[1629] APPENDICE. 695
Pour ce qui est de deçà , la Princesse Marie a salué la Reine Merequi lui a fait
assez maigre accueil; elle se baissa pour baiser la Robbe, la Reine la retira et
l'embrassa sans la baiser, et puis se tournant tint quei({ues propos légers à Ma-
dame de Longueville sa tante. Il n'y a rien de bien résolu pour son parlement.
Monsieur ne vient point, comme il s'estoit dit. Il est toujours à Orléans : la paix
d'Angleterre est conclue et le commerce restabli; M' de Cbasteauneuf est attendu
ici pour y aller Ambassadeur extraordinaire'. Ils doivent envoyer de leur costé
pour extraordinaire un comte de Dembi, non pas celui qui est beau-frere de
feu le Duc de Buckingham, mais un autre, pour ordinaire un nommé Wachi
emploie autresfois par le Duc vers les Suisses. On ne dit point qui y résidera
de nostre costé, non plus qu'en Espagne et en Bruxelles. Le siège de Bos le
Duc 2 continue tousjours. Je n'ai peu voir les derniers advis. Si ceux qu'on m'a
dit sont véritables^, les HoUandois en seront bientost les maistrcs, car ils as-
seurent que le prince est desja logé dans le mares, duquel costé la ville est
moins fortifiée et qu'il se dessèche par quantité de moulins à eaùe faits pour
cet effet. Il faut savoir ce que nous mandera M' Rubens qui désire fort que le
commerce de nos lettres se restabiisse. Le Marquis de Spinola est tousjours
en Espagne et bien à propos pour sa réputation. M' le Garde des Sceaux a eu
d'assez rudes paroUes k Valence avec M' le Surintendant sur le subjectde quel-
ques Arrêts qu'on luy veult faire sceller encore qu'il n'y ait point esté ouï. Et
ce différent se termina de la sorte que chacun dit qu'il en feroit sa plainte au
Roi. On dit pourtant (jue le dit s"^ Garde des Sceaux a esté fort caressé du Roi
à son arrivée. Pour la charge de M' d'Herbault, on ne sçait point qui en sera
pourveu. M' de l'Avrilliere y a de grandes pretensions et la voix commune l'y
appelle.
Je suis et serai toute ma vie, Monsieur, vostre très humble
et affectionné serviteur,
P. DU Puï.
r Je vous envoie un Ovide qui, je croi, vous agréera grandement pour la
' Ce fut deux jours après la date de cette lo juillet 1619. La dernière rat du 11 tvri!
lettre que furent liguées  Privas les in- i63o.
structions données à Charles de l'Aubespiue, * Voir ioc le si^ de Bois-le-Doc une note
maniuis de CliAteauncuf, lo Tiilur garde des de la page 169.
sceaux. La première dépêche dn l'ainbassadeiir ' Par-dessus ces mots, du Piiy a ëcrit : Si lai
nu cardinal de Richelieu est datée de liondres, advis qui sont venus.
696 APPENDICE. [1630]
beauté de l'édition et l'elegance'. Vous aurez l'Horace^ l'ordinaire prochain.
Je ne vous conseille pas de vous en desaisir qu'il n'y en ait d'autres de deçà.
J'y ay joint deux plans du combat de Suse et les petites heures Grecques.
La petite lettre au s"^ Berger a esté receue et vous en remercie.
Mes recommandations à M' vostre frère. Mon frère vous salue.
De Paris, ce 18 may 1699'.
IV
LETTRE DE CHRISTOPHE DUPUY À PEIRESC.
Monsieur,
Je suis en peine par quel discours commencer pour m'excuser d'avoir esté si
longtemps sans vous escrire. Je pourrois bien alléguer les incommoditez que
j'av eues pendant cet esté à cause des maladies que nous avons ressenti en
cette maison, desquelles j'ay ma part aussy bien que les autres; mais j'ayme
mieux reconnoistre ingenûement ma faute et vous prier de me pardonner, que
d'entrer en toutes ces excuses. Nous avons esté trez fort en peine de sçavoir de
vos nouvelles , ce qui n'a point esté sans appréhension pour mon particulier à
cause des divers advis que nous avons receus en divers tems, que la peste avoit
pénétré en plusieurs lieux de vos quartiers. J'ay opinion que vous avez main-
tenant par delà M"^ de Thou , s'il n'est passé plus outre. M" de Meslay ", son
frère, arriva icy trois jours aprez qu'il en fust party, ce qui me faict porter
plus patiemment son absence.
Vous avez sçeu comment M' Holstenius a esté despesché en Pologne
pour porter le bonnet à Monseigneur le cardinal S. Croix; il s'est mis en
quelque équipage parce qu'il est allé avec le titre de Camérier d'honneur de
Sa Sainteté. Devant son partement, il me mit entre les mains un pacquet
de livres lequel je n'ay voulu ouvrir, encore qu'il m'ayt donné la permission,
affin que je le luy gardasse pendant son absence. C'est ce qu'il avoit de plus
exquis entre les choses qu'il avoit acquises depuis qu'il est en ce païs, et au
' C'est l'édition elzévirienne de Daniel Hein- ^ Bibliothèque d'Inguimbert, collection Pei-
sius en 3 volumes in-16, que M. A. Willems dé- resc, registre XLI, tome II, fol. ga. Auto-
signe ainsi (Les Elzevier,f. 83) : rédition jolie et graphe.
assez rare. n ' Jacques-Auguste de Thou , baron de Meslay,
' VHorace de Daniel Heinsiusen 1 vol. in-16. déjà mentionné plus haut (p. 266).
[1630] APPENDICE. 697
casque Dieu disposast de luy, il entend ef désire que je l'envoyé à Paris, à mon
frère, pour en faire ainsy que bon luy semblera, estimant que s'il a quelque
chose qui soit digne d'estrc mis au jour, on ne d(5tiendra par delà ensevély
comme on fait icy ce qu'il a de bon. Il se plaignit à moy sur ce propos qu'il
n'y avoit eu moyen de voir aucune chose de ce que le signor Aleandro avoit
laissé, et f|ui estoyent tombées entre les mains de quelques personnes qui ne
leur laissèrent voir le soleil ; que pour ce sujet il me consignoit ce peu de livres,
adin qu'ils ne courussent pareille fortune. J'ay bien voulu vous donner advis de
tout ce que dessus affin ([ue vous fussiez témoin de ce depost, ce que pourtant
je n'ay voulu déclarer à personne , n'estimant pas qu'il en soit besoin ; seulement
en ay donné advis à mon frère et non à autre, car il n'est pas expédient que
par deçà on en soit adverti.
Je pensois qu'il me laisseroit les auteurs de Venatione, mais ne se trouvant
du tout achevez, il me dit qu'il les portoit avec luy, et par le chemia il leur
(lonneroit la dernière main, pour les laisser en Allemagne, s'il y trouvoit en
passant quelqu'un qui les voulut im[)rimer. Je vous envoyé une lettre qu'il vous
escrit et vous rend conte de son voyage. Je n'ay encore osé ouvrir le pacquet,
qui n'est nullement cacheté, pour le luy restituer à son retour en la mesme
façon qu'il me l'a consigné. Si toutefois vous desirez avoir mémoire de ce qu'il
contient, je le feray pour l'amour de vous. Je sçay qu'entre autres, les quatre
livres de S' Cyrille sur S' Jean y sont ainsi qu'il m'a dit, et peut estre tout
son travail sur le Stephanus de Urbibus ', où il y a de belles choses.
Je n'ay autre chose pour le présent. C'est pourquoy, aprez vous avoir baisé
trez humblement les mains et à M' vostre frère, finiray par vous assurer que
je sais et seray toute ma vie ,
Monsieur, "
vostre, etc.
Fr. Christophe dd Poy.
De Rome, ce i janvier »63o.
M' Rigault m'a adressé une fort longue lettre latine pour Monseigneur le
Cardinal sur le fait du différent ([u'il a avec M' l'Evesque d'Orléans-.
' Élienne de Byzanco, le géographe du »i* siècle, auteur de Iltpi vô>.etn>. — ' BiblioUièqué Mé-
janes, à Aix. Collection Peiresc, vol. X, fol. 871. Copie.
88
698 APPENDICE. [1630]
LETTRE DE JACQUES DUPUY A PEIRESC.
Monsieur,
Je commence à mieux espérer de la seureté de nos depesches, la vostre du
2 0 du passé m'ayant esté rendue le 1 5 du courant et outre ce me donnant
advis de l'arrivée des miennes entre vos mains. Je desirerois pourtant qu'à
vostre loisir il vous pleust m'en marquer les dates pour estre encore en plus
grande seureté. Pour ce qu'est des vostres , je n'en ai point receu d'autres que
celles que je vous ai marquées par mes précédentes. Les courriers pour Rome
passant par vos quartiers , M' Jacquet aura plus de moien de vous faire tenir
promptement mes pacquets, dans lesquels neantmoins je n'ose rien mettre de
conséquence jusques à ce que je voie le commerce mieux restabli. Pour response
à vostre lettre , je vous dirai qu'elle nous a esté très agréable pour le long temps
qu'avions esté privés de cet entretien que je repute une des plus grandes dou-
ceurs de ma vie. Les amis aussi n'en ont point receu moindre contentement.
Vous aurez appris par mes dernières l'arrivée du coffre de M' de Thou en cette
ville et croi qu'il vous escrit et remercie de tant d'obligations qu'il a receùes
et reçoit journellement de vous. Nous n'avons rien appris de M' Holstenius de-
puis son passage à Vienne. Les lettres de Rome du i o avril ne nous en disent
rien. Je n'ai pas moins d'impatience que vous d'apprendre le succez de son
voiage et de ses rencontres en matière de livres. Son Porphyrius est imprimé
à Rome', et mon frère le chartreux nous en envoie par le retour de M' de Be-
thune^. Par les dernières de M' d'Aubray de Lion il estoit sur son parlement
pour vostre Province , et ne manquera de vous consigner fidèlement les pa-
quets dont il s'est voulu charger. Je lui souhaite bon succès de sa commission
qui n'est pas petite, ayant aflEaire à des compagnies de bien différentes humeurs
et un peu rudes. Vous m'obligerez, s'il est au lieu de communication, de lui
faire mes humbles baisemains. Pour ce qui est de vos livres , Monsieur de Val-
belle, lieutenant de l'amirauté du Levant, qui est ici et fort de vos serviteurs
et de M' de Thou, s'en est voulu charger, et de faict aujourd'hui je les ai fait
' Poi-phyrius de vita Pythagorœ; ejuidem sen- ob$ervaUonet adjecit (Rome, imprimerie du Va-
tenliœ ad iiitellijfihilta ducentes ; de antro nym- tican, i 63o , in-8°).
pharam. Luc. Holstenius lai. verlit , dissertationem ' L'ambassadeur de France à la cour de Rome,
de vita et tcriptis Porphyrii et ad vitam Pythagorœ déjà souvent mentionné en ce volume.
[1630] APPENDICE. 699
emballer et couvrir de toile cirée divisés en deux balles, et envoie chez le dit
sieur de Valbcllc qui , faisant ses balles pour Lion , les y joindra et les conduira
lui mesme de Lion h Tarascon dans son batteau, et m'a promis de les vous
faire rendre en main propre très heureusement. J'ai creu , estant très honcste
homme et vostre ami , ne pouvoir consigner en meilleure main. Il est fort oblige
à M^ de Thou, qui l'assiste grandement à la poursuite de son procez, el sa re-
commandation n'y nuira point. Il en attend l'événement' incontinant après
ceste fcste. Gela fait, il partira pour s'en retourner chez lui. Que si son procez
le retenoit ici [)lus long temps, je sçaurai l'addrcsse qu'il a tenue pour Lion
et vous la manderai affin que de vostre costé vous peussiez faire venir vo8
dicts deux ballots, mais je croi qu'il sera bien plus seur d'en laisser faire le
dit de Valbello. Je lui ai aussi baillé un exemplaire relié à la Flamande de la
petite Bible Hébraïque de Rapbelenge* que me demandez, n'en ayant peu
trouver en blanc, nos libraires ne s'en chargeant gueres autrement que reliés,
à cause des imperfections qui s'y rencontrent. Drouart en a encore deui autres
pareils que je n'ai voulu retenir, craignant qu'elle ne vous feut agréable de la
façon ; elle est fort rare et n'en vient plus du pays. Vous me ferez sçavoir vostre
volonté. M' de Valbelle vous envoiera cest exemplaire par voie seure. M' Ay-
card n'est point venu jusques ici, ayant rencontré la court à Lion. S'il y vient,
M' de Thou et nous lui ferons offres de nostre service et assisterons en ce qui
dépendra de nous. Monsieur Rigault est en termes d'accommodement avec ses
parties qui se mettent à la raison depuis l'arrest; il n'y a que M' Haultin qui
se fait tenir, mais il se rendra à la prière des amis communs. Je ne sçai si
M' Petit de Nismes vous aura point fait tenir son livre*. Nos critiques de deçà
en font un jugement très desadvantageux. Il avoit fait veoir quelques pièces
assez passables, mais elles ont esté suivies de tant d'autres que cela a tout ruiné
l'ouvrage. Ils disent qu'il n'a aucun jugement à ses corrections, qu'il fait de sa
teste sans aucun manuscript et aux poètes contre la règle de quantité. Il faut
bien prendre garde devant que de se commettre au jugement des hommes.
M' de Saulmaise, quoi que l'autheur m'ait esté recommandé, m'a escrit de deçà
très librement son sentiment, mais comme à un ami qui en use avec discrétion.
Vous tiendrez ce l'ait secret, s'il vous plaist. Pour les médailles de M' Aubery,
M' d'Aubray vous rendra un petit pacquet où elles sont contenues. Quant aux
' L'issue, ce qui advient, d'evtnirt. niana RapkeUngii), une de 1699, rtnlre de»
* Le Manuel du libraire cite (t. I, col. 867) niinëes i6io-i6t3.
deux éditions in-8° de Leyde {ex officina planli- ' MùetUanea (Paris, i63o, in-4*).
88.
7W APPENDICE. [1630]
nouvelles du monde , elles sont maintenant en vos quartiers ; on nous dit que
le Roi doit maintenant estre caché dans la Savoie; les Reines et le conseil de-
meurent à Lion, ce qui ne plaist gueres à M' le Garde des Sceaux. M' du Chas-
telet esl intendant de la justice en l'armée du Roi ', qui est un bel emploi pour
lui et fort contre le goust du Garde des Sceaux qui ne le tient nullement pour
ami : mais Monsieur le Cardinal l'a voulu ainsi; vous jugez par là le peu d'in-
telligence qu'il y a entre ces Messieurs.
Monsieur est ici en qualité de Gouverneur de Paris et Isle de France; outre
ce il a un autre pouvoir pour commander l'armée de Champagne : tous deux
ont esté verifiiés au Parlement, ce qui a reveillé la querelle entre la Grand
Chambre et Enquestes. Ces derniers ayant esté tumultuairement dans la
Grand Chambre prendre leur place et demander communication de cet affaire,
qui leur fut respondu avoir desja esté délibéré et verififié et qu'il ne rcstoit plus
qu'à le publier à l'audience , ce qui se feroit cette mesme matinée quand ils se
seroient retirés, estant jour d'audience, Messieurs des Enquestes demeurèrent
en leur place jusques après dix heures à s'entrcregarder et ainsi le pouvoir ne
fut publié ni l'audience tenue. Il n'a laissé neantmoins d'ostre envoie à Mon-
sieur avec l'arrest de veriffication. Pour ce qui est du Parlement, ils ont remis
leur différent après la Trinité. Monsieur Frère du Roi a un conseil ici establi
composé du Cardinal de la Rochefoucaul, Monsieur Bafort(?), Président le
Jay, Président le Cogneux, de Roissy, OUier, Fouquet, Bruisseaux, de Chevry,
Prévost des Marchands-, Procureur gênerai, Chevalier du Guet, etc. et mesme
je veois desja quelque arrest donné en ce conseil de matière dont le Parlement
devroit cognoistre, qui est d'un enlèvement d'une femme mariée qui est en
mauvois mesnage avec son mari. L'arrest est signé de M"^ Leblanche. Le bon
homme M"^ de Lomenie n'est de ce conseil, dont il se formalise fort peu. Je
vous ai desja mandé la mort de nostre Premier Président'; sa place ne se rem-
plira pas si tost, v ayant à pourveoir à affaires bien plus pressées. Quand ces
pouvoirs de Monsieur se verront, je vous en ferai faire copie. Le bon homme
M' Des Landes est sur le point de prendre congé de la compagnie. M' Bouchet
Bouville montera à sa place de Doyen , et personne des Requestes n'ira à la
' Paul Hay, sieur du Ghastelet, le futur aca- des Réaux, los Mémoires de Mathieu Mole. etc.
démicien. ' Jean Bochart, seigneur de Champigni. Voir
^ La plupart de ces personnages ont été déjà sur ce magistrat l'article du Mwériàe 1769 con-
mciilionnés dans le tome I ou dans ce tome-ci. sacré à la famille Bochart (t. II, seconde partie,
Voir pour les autres les lUslorieUet de Tallemant p. i).
[1630] APPENDICBL TM
Grande chambre, y ayant uno place Buperniimeraire. Vous Irouviirez ici un livret
(lu bun.'au des rencontres (jui de prime abl)ord vous seftiblcra ridicule et
n'aurez pas esté seul de vostre advis ; mais j(; vous puis asseurer qu'on eo est
maintenant destrompé et plusieurs recognoissent l'utilité qu'on en peut tirer
pour le public, cognoissant plusieurs personnes qui y ont trouvé condition. Je
croi qu'après l'avoir considéré vous n'improuverez ce dessein. J'ai fait un mé-
moire de tout ce (|ui est contenu dans vos deux ballots, (pie je vous envolerai
au prochain ordinaire. Monsieur Ferrand est à Lion pour ses affaires; It est en
très bonne intelligence avec M' de Baunes, General des postes, et fait la charge
du bureau de Paris soubs lui absolument. M' Jac(|uet y est très mai et venu k
rupture ouverte contre le dit sieur de Baunes. Je crains bien qu'il lui en suc-
cède mal, dont je serois très marri. Peut estre qu'à Lion ils .se raccommoderont.
Je vous baise les mains et suis,
Monsieur,
vostre très humble et obéissant serviteur,
J. DU PcY.
De Paris, ce so may i63o.
Mes humbles recommandations à Monsieur vostre frère '.
VI
LETTRE DE DUPUY À VALAVEZ.
Monsieur,
Je ne doute point maintenant que toutes mes lettres ne vous ayenl esté
rendues puisque M' Ferrand, auquel en partie elles estoient addressées, est à
Lion. J'ai receu vostre dernière du 18 avec une relation si particulière de ce
qui se passe que je n'ai point de parolies suffisantes pour vous en remercier.
Aussi que la saison est si stérile de deçà que je ne vous en puis rien mander
que ne sachiez desja d'ailleurs. Vostre postscript du 1 8 avec l'arrest du conseil
touchant le fait d'Hulins nous a aussi esté rendu , avec l'extrait des lettres des
Indes qu'avions desja veu ici. La nouvelle d'Orenge est de très grande impor-
tance et nous ferez faveur d'en mander la continuation. Il estoit malaisé que
ce gouverneur, après avoir joué le personage qu'il avoit fait, esperast autre
' Bililiotlièque nationale, fonds français, vol. gSAA, fol. 79. Autognjtke.
702 APPENDICE. [1630]
fin. Il eust deub songer à sa retraitte de meilleure heure. Pour ce qui est de
nostre correspondance pour l'advenir, Monsieur Ferrand m'escrit qu'il a fait
l'oflice envers M' du Lieu, successeur de M"' Jacquet, et que je lui peus ad-
dresser seurement tout ce que je voudrai pour Monsieur vostre frère. Je lui
escris pour cet effet et le remercie de sa courtoisie. Je ne doubte nullement
que de vostre costé vous n'y apportiez toutes les précautions nécessaires. Je
suis très marri de ce changement et vous prie quand verrez M' Jacquet de lui
tesmoigner le ressentiment que nous en avons et que nous n'en serons pas
moins ses très humbles serviteurs. Enfin M' le lieutenant Valbelle est parti ven-
dredi dernier en compagnie de M' d'Orléans ^ et d'autres députez du clergé qui
vont en court pour faire leurs remonstrances touchant les treize cent mil livres
que le Roi leur demande. Ils ne se plaignent pas tant de la somme que du pro-
céder pour la lever, car le Roi entend que ceux qui font la levée pour les de-
cimes la facent pour cette somme sans aucune assemblée pour éviter les lon-
gueurs, et vous voiez là le notable interest de M"" d'Orléans, et aussi qu'ils
s'estimeroient taillables comme les paysans et subjets à la crue de la taille
comme il plairoit à Messieurs du Conseil d'en ordonner. J'ai donné quelques
pacquets à M' de Valbelle qu'il vous délivrera. Je pense qu'il sera assez à temps
à Lion pour faire conduire les deux ballots. Pour ce manifeste qui respond à
celui de M' de Savoie , je vous en ai envoie un exemplaire de façon que n'avez
que faire de vous en mettre en peine davantage. Le feu de la S' Jean s'est fait
ici sans aucune assemblée ni solemnité ^ à cause de l'absence du Roi qui est
exposé tous les jours aux hazards. L'on a fait ici des prières de 4o heures par
les églises pour la prospérité de ses affaires et de sa santé. Je m'estonne aussi
bien que vous que tardions tant à recevoir des lettres de M' vostre frère. Je
vous prie luy escrivant de l'asseurer de mon très humble service. Je vous baise
les mains et suis.
Monsieur,
vostre très humble et affectionné serviteur,
DU PuY.
De Paris, ce aB juin i63o.
Je me resjouis de l'asseurance que vous donnez d'un voiage, cet automne,
en nos quartiers.
' Gabriel de l'Aubespine. — 'On sait qu'à l'occasion du feu de la Saint-Jean on célébrait de temp
immémorial à Paris une fête très populaire, très joyeuse, très brillante qui a été souvent décrite.
[1630] APPENDICE. 703
Monsieur de Thou m*a chargé de vous faire ses humbles recommandations
comme font.aussi tous ces autres Messieurs '.
VU
LETTRE DE JACQUES DUPUY X PEIRESC.
Monsieur,
Je ne vois point que la diminution de la peste en vos quartiers nous facilite
davantage le commerce de vos lettres, n'en ayant point receu depuis celle du
a 8 juillet. M' le Prieur de Roumoule en est en grande inquiétude, ne désirant
point partir de cette ville sans avoir auparavant receu responsc à celle (ju'il
vous a escrit. Il doibt acquitter les parties^ de Cramoisy qui pourront monter
à quelques cents livres. Il a vu Madame de Buon par rencontre qui lui a fort parlé
des parties que deviez à fu son mari et qu'elle dit monter à mil livres. Si le
dit Prieur en avoit ordre de vous, il |)Ourroit sortir de cette affaire et s'en ac-
corder à l'amiable, mais je luy ay dit que son mari metloit plusieurs livres en
conte dont ne demeuriez pas d'accord , et outre ce plusieurs imperfections qui
s'y rencontrent, mais de cela vous en ordonnerez comme il vous plairra. Les
belles offres de M' de Marcheville à M' Gassendi l'ont comme vaincu et crois
asseurement qu'il fera le voyage de Levant avec luy^. M' Lhuiliier le consent,
ne pouvant pour luy présentement le faire à cause de la caducité de son père,
et do l'incertitude oh les officiers sont touchant le droit annuel , mais ces deux
obstacles ostez, je vous assure qu'il fera ce voyage pour contenter son esprit,
et cette absence ne diminuera en rien l'affection qu'il porte au dit sieur Gas-
sendi. M' Marchier, prevost de vostre Eglise, est en cette ville, qui nous a fait
la faveur de nous venir visiter. Il est ici pour les affaires de son cardinal*
auxquelles il doit trouver toute facilité, chacun cherchant l'occasion d'obliger
des gens constituez en si haut degré de faveur et de mérite. Nous avons icy
publié de nouveau ce livre du sieur Petau in-folio qui est un 3* tome en suite
de ses deux premiers^, traittans de chronologie; la première partie contient
■ Bibliothèque nationale, fonds français, ' Le cardinal Alphonse de Richelieu, arche-
vol. g54i, fol. 8a. Autographe, véque d'Aix, puis de Lyon.
* Notes, comptes, factures. » Nous avons vu que le P. Petau a«ai( publie
' On sait que ce voyage ne se fit pas. VOpui â» doctrina («mpvmnt ta (6*7 (Piri*^
704 APPENDICE. [1630]
plusieurs auteurs anciens', comme le Geminus et Hiparchus déjà trop rares
et auxquelz il a ajouté la version. H y a aussy quelques calendriers anciens.
La seconde partie sont observations contre un Caranza Espagnol, qui l'a at-
taqué assez rudement dans un livre imprimé à Genève^, et M' de Saulmaise
qu'il traitte assez injurieusement et indignement. Et certes ces Messieurs se
seroyent bien passez d'en venir à cez extremitez, mais leurs amis n'ont peu
rien gagner sur leurs esprits tant ils sont aigris. Je feray en sorte que vous en
ayez un exemplaire de fin papier et que M' de Roumoule s'en charge.
Pour les nouvelles, je ne puis rien mander, estant moins prez que vous des
lieux où elles se passent. La paix est généralement souhaitée de tous, mais je
ne vois point d'acheminement à un si grand bien. Quantité de provinces de
deçà sont menacées de famine, la récolte des blés ayant esté trez mauvaise en
plusieurs lieux. La sédition d'Orléans a esté sévèrement chastiée, y en ayant eu
sept ou huit de pendus. Nous n'avons rien de bien particulier d'Allemagne. Le roi
de Suède continue toujours ses progrez et s'est rendu maislre de Stetin, capitale
de Pomeranie. Il y a quelques advis de la translation de la Diète de Ratis-
bonne, mais je ne la tiens pas bien asseurée. Vous verrez par celte proposition
de l'Ambassadeur d'Angleterre^ comme le Roy se laissa piper et ne se conten-
tant de faire des lachetez, veut y engager les autres avec luy ; mais je ne pense
pas qu'on aye grand égard à cette offre. Ces Messieurs ne se mettront point cette
année en campagne, et se contenteront d'estre spectateurs de nostre guerre
d'Italie , les bras croisez ; mais ils auront leur tour aussy bien que nous. J'oubliois
à vous mander que M' Ferrand, nostre amy, est tout à fait hors de la poste, n'y
avant peu entrer aux conditions que M' de Bauve demandoit. Un nommé Soi-
gnée de Bordeaux, son associé en cette charge du temps d'Almeras, et qui,
oultre ce, tient la poste de Bordeaux, y est entré avec quelques autres associez;
ils ne la prennent que pour sept ans à ferme et en rendent trente mil livres
par an^ et V oultre ciB, prestent cent mil francs sans inlerest à M' de Bauve,
Séb. Çrampisy). Le supplément parut sous le titre * Le jurisconsulte Alphonse Caraïua mit à la
à'Uramhgion sive lystema variorum aulhorum, smleie son Irailé: De Partu naturah et legittmo,
qui de sphœra ac tideribus eorumque motibui grœce réimpression de Genève, j63o, in-i°, une dia-
commentaù tuht',e{c. (Paris.S. Craraoisy, i63o, Iribe contre VOpiu de doclrina temporum.
in-fol.). ' La présente lettre est suivie, dans le ma-
' Voir la liste de tous ces auteurs dans le nuscrit de la Méjanes, d'un document intitulé:
titre complet de V Vranologion tel que le repro- Proposition de l'Anibaisadear du Roi de la Grande-
duit la Bibliothèque de» éa-ivain» de la Compagnie Bretagne, document qui a été plusieurs fois im-
de Jésus ( t. II, col. 1 898). primé.
[1630] APl•E^DlCI•:. 705
le([uel restituera celle somme au bout de sept ans. Considérez comment un
homme de bien se peut sauver à ce pri\ et r|uelie rourloisie on peut attendre
de ces Messieurs. Je suis marri de ce ciiangemenl, car M' Ferrand recherchoit
loutes les occasions d'oblifjer les honnestes yens, desquels il est universellement
reyrcttiî. Il se retire de nostre voisinage pour aller au quartier du Louvre . . . ' qui
est gentil personage, ce que reconoitrez à l'inspection de l'ouvrage; il est
à M' le prësident de Mesmes. Tous les ann's se portent bien de deçà et vous
saluent, et moy en mon particulier qui désire plus que personne d'eslre
conservé en l'honneur de vos bonnes grâces que je chéris plus que chose
du monde, vous priant de croire que je suis et seray toute ma vie,
Monsieur,
vostre, etc.
J. DU PtJY.
De Paris, le 3 septembre iC3o.
Le peintre a tiré les figures du manuscrit de la Bibliothèque du Rov et
M' de Roumoules en est chargé qui vous les portera. Avec vostre permission
M' vostre frère trouvera icy mes humbles recommandations. M' de Thou et
mon frère vous en disent autant*.
Vin
LETTRE l)K JACQLES DIJPIY À PEIRESC.
Monsieur,
Si je ne voyois quantité de lettres de vos quartiers et d'assez fraische date
qui asseurent de vostre bonne disposition , j'aurois sujet d'en mal |)enser. n'avant
receu aucunes lettres de vous depuis celles du a6 juillet apportées par M' île
Marcheville. M' le Prieur de Roumoules fait estai de partir au commencement
delà semaine prochaine, bien en peine de vostre silence, et ne voyant que son
séjour en cette ville vous puisse estre utile, il s'est chargé de quelques livres
et papiers que j'avois pour vous, comme aussy du pacquet de Nicolas Da-
mascenus de M'" Grotius-', que je n'ay pas creu pouvoir estre mis en meilleures
' Il y a évidemment ici une lorime dans le ' Le peu que l'on posséd.iit alors des oiivraf^
texic. historiques de Nicolas de Damas avait Hé traduit
' Bibliothèque Méjanes. Collection Peiresc, en latin par N. Cragius (Genève. iSg^, io-i*).
vol. X, fol. 873. Copie. Le texte grec, accompagné d'une traduction la^
II. H9
706 APPENDICE. [1630]
mains. Cela meriteroit bien d'eslre imprimé, et la lettre qu'il vous escrit ser-
viroit de préface. Vous en ferez comme il vous plaira , car ce n'est pas chose
qu'il affecte, ne nous en ayant tesmoigné aulcune envie, et crois mesme qu'il
n'en a retenu copie. Mon dit sieur de RoumouleS a acquitté les parties de
Cramoisy et Drouard qui montent à i34 livres, ainsy que verrez par leurs
quittances qu'il a retirées, de façon que vous estes quitte envers nos libraires.
Je vous envoyé le livre intitulé Uranologium du P. Petau , qui vous contentera
plus à cause des auteurs anciens qu'il y met, que pour les invectives contre
M' de Saulmaise et autres. Encore que M' Petit aye demandé à vous faire pré-
sent de son livre, neantmoins cette voye estant fort longue et mal assurée, j'ay
creu qu'il valloit mieux en charger M' de Roumoules. Nos libraires ont reim-
primé l'CUcumenius qui estoit si rare auparavant, le grec et le latin en deux vo-
lumes in folio ^. Je n'ay voulu vous en retenir un sans vostre advis , ne sçachant
s'il sera de vostre goust, et si la première édition vous suffit, vous me ferez
sçavoir vostre volonté là dessus. Il y en a de grand papier. Le P. Sirmond en-
treprend l'édition de Théodoret^. Nos libraires, nonobstant le mauvais tems,
ont envoyé à la foire ; nous verrons ce qu'ils en apporteront. Je ne vous mande
point de nouvelles publiques, en ayant connoissance aussy tost que nous. Dieu
veuille que cette trefve de six semaines soit suyvie de l'effet qu'on s'en promet.
Cette restitution actuelle de Casai, ville et chasteau, fait bien mal au cœur, et
Dieu veuille que celle de la citadelle ne s'en ensuyve, ainsy qu'il est stipulé
par la capitulation, au cas qu'elle ne soit secourue quinze jours aprez la trefve
expirée. Le marquis Spinola, par les derniers advis de Lion, estoit tenu mort,
mais on en attendoit la confirmation -^ Le Valestein a esté désapointé par l'Em-
pereur à l'instante prière des Electeurs qui refusoient absolument de luy ac-
corder aucune grâce, s'il ne leur donnoit cette satisfaction. Le duc de Bavière
est fait général de la Ligue catholique et le conte da Tilly son lieutenant, le-
(ine, l'ut publié pour ia première fois par Henri paru dans l'auloinnc de i6.3o et que, par coiisé-
de Valois , dans les Excerpta Polybii, Diodori, etc. quent , c'est à tort que ia Nouvelle biographie gé-
(Paris, i634, in-4°). On sait que les Fragments nérale attribue à cette édition la date de i63i.
de Nicolas de Damas ont reparu avec additions - Le Théodoret du P. Sirmond ne parut que
par les soins d'Orclli (Leipsick, 180 4 et 1811) douze ans plus tard : Beali Theodoreti Epiic.
fit avec nouvelles additions par les soins de Cyri opéra omnia in quatuor tomo$ distributa
G. Millier (tome m des Fragmenta historicorum (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1663,
grœevmm de la Bibliothèque grecque de Didot). in-fol.).
' On voit par là que les Commentaires sur les ' .^rabroise Spinola mourut cinq jours après
livres saints de cet écrivain byzantin avaient déjà que cette lettre fut écrite.
^
[1630] APPKNDICK, 707
quel s'achemine en Poméranie contre le Roy de Suède qui y continue ses pro-
grcz. Valestein preste cinq cent mil escjiz à l'Empereur qui le fait son lieutenant
en Bohême et Hongrie, provinces (|ui ne dépendent de l'Kmpirc et sur lesqiieli»
les Electeurs, aux Diètes d'Allemagne, n'ont que voir. On dit qu'il luy demeure
des restes de la guerre, tant en fonds qu'en argent, plus de neuf millions d'or,
(lellc que nous faisons en Piémont ne nous vaudra pas tant. Vous allez voir un
nouveau gouverneur en Orange, qui est le baron de Dona. qui a époust^ la
sœur de la princesse d'Orange et par conséquent beau-frère du Prince'. Il a
passé par icy et doit saluer le Roy à Lion devant que de prendre possession de
son gouvernement. On dit qu'il est brave gentilhomme et d'esprit modéré.
Une partie du train de Madame de Valkembourg, veuve du Gouverneur, est
en cette ville et elle doibt bientost suyvre, faisant estât de passer icy l'année de
son deuil, devant que de se retirer en Hollande. M' de Thou se porte fort bien
et m'a commandé de vous faire ses humbles baise-mains , comme aussy M' Aubri.
Tout le reste des amis est en bonne santé et vous salue, comme je fais de mon
costé, désirant demeurer à jamais,
Monsieur,
rostre, etc.
J. DU PtY.
De Paris, ce ao scptembi'e i63o.
J'oublibis à vous dire que M' de Roumoules m'a baillé huit pistoles d'Es-
pagne pour cstre employées selon les occurrences aux livres et transcriptions et
autres choses que désirerez. 11 me reste, outre cela, quelque chose de quatre
cent francs que je receus au mois d'avril iG-jg. Que M' de Valavez trouve icy,
s'il vousplaist, mes humbles recommandations. Nostre nouveau fermier de la
poste, qui est un Gascon, Loignac, auparavant maistre de la poste de Bour-
deaux, fait telle exaction sur les pacquets qu'il en a excité une plainte gene-
ralle; mais je ne vois pas encore ([u'elle soit pour produire aulrun règlement.
Il menace de faire payer le bon homme de Lomenie et M' Le Pelletier. Nostre
amy nous dit qu'au dernier ordinaire, on vouloit exiger de luy le port, mais
qu'il parla de si bonne sorte au valet, qu'on ne luy donnera plus cette com-
mission. Je ne vous conseille pas d'envoyer d'hors en avant des pacquets excé-
' Heiil'i-Frédôric de Nassau avail épousé Emilie de Solms, fille de Jeau-Albert, comte de Solrns-
Bruasfclds.
89.
708 APPENDICE. [1033]
dants la grosseur ordinaire, sans qu'on sache ce que tout cecy deviendra.
M' Ferrand part demain pour aller à Lion , mais je le vois tout résolu de ne pen-
ser plus à cette afFaire. Néantnioins il est un peu vindicatif et aura de la peine à
digérer l'attront que lui a fait M' de Bauve et il ne manque pas d'amis. M"^ Du
Lieu par sa dernière du i 3 me tesmoigne force courtoisie et désir d'aider nostre
correspondance'.
IX
LETTRE DE JACQUES DUPUY À PEIRESC.
Monsieur,
Nous n'avons pas esté moins mortifiés à l'ouverture de vostre lettre du
i3 juing que vous le fustes à celle de vos quaisses, nous imaginant tous
qu'il se trouveroit dans ce grand amas quelque pièce d'importance pour recom-
penser le travail de vostre ami qui avoit tant peiné pour les recouvrer et
satisfaire vostre curiosité, mais il se faut consoler sur l'espérance qu'il se
pourra rencontrer quelque chose de meilleur. Peut estre qu'avec ces poésies
d'Orphée U y pourra avoir quelque pièce qui n'a point encore esté veue, mais
ces choses ont, comme vous dites, besoin d'un peu de temps pour les exa-
miner à loisir.
Pour venir au particulier de vostre despesche, vous aviez bien jugé que
M' de Roumoules seroit party quand elle arriveroyt. J'ay receu une de ses
lettres d'Orléans avec une qui \ estoit joincte pour M'^ de Valavez que vous trou-
verez icy. M' Gaillard a distribué toutes vos lettres et n'a pas eu peu d'affaires;
il est tout plein de bonne volonté pour vous servir pendant son séjour en cette
ville. J'ay fait tenir à mon dit sieur de Roumoules ce qui s'addressoit à luy et
tout ce que je recevray ou pour luy ou de sa part, je ne manquerav pas d'en
avoir soin. Vous m'estonnez de dire que n'eussiez point encore veu cette édition
de l'Anthologie en lettres majuscules, y ayant fort long temps que nous en avons^.
Ce livre mérite d'estre gardé par curiosité des premières éditions, car pour
l'usage il n'est pas tant commode. Nous avons receu aussv une lettre de vostre
part par les mains de M"^ de Berulles qui est fort honneste homme et qui nous
' Bibliothèque Méjanes. Colleclion Peirosc, édition de VAnthohgie de Planude, donnée par
vol. X,fol. 377. Copie. J. Lascaris à Florence en iltQli (in-4°) el qui
' Jacques Dupuy veut-il parler do ia première fut exécutée en lettres capitales?
[1033] APPlîNDICn:. 709
faira singulière faveur de nous visiter. Nous sommes dans un mesme voisinage,
ce qui doil encore faciliter l'amitié. Je n'ay point veu d'autre volume Cophte
parmy les livres de M' de Thon venus du L'avant que celuy des Fjiturgies,
(|ui est maintenant entre les mains de M' Petit, tout le reste estant Arabiques.
Mons' Diodati est icy de retour qui vous faira venir de Genève sa copie de
la lettre du seigneur Galilei que vous demandez. Nostre Epistre de S' Clément
ne s'imprime point encore, et ne sçay ce qui en succédera. J'ay escrit en An-
gleterre pour en faire venir demy-douzaine d'exemplaires, car tou.sjours cette
édition, quoyqu'on la refasse, sera meilleure et plus authentique. Quand nous
donnasmes à M' de Roumoules la peau de chagrin verd , ce n'estoit pas à des-
sein d'en avoir une autre et avec telle usure que de doubler nostre capital en
si peu de temps; mais vous accablez vos amis de courtoisie qui sont bien marris
de ne s'en pouvoir rovencher.
Quand iVr Viaz sera icy, je luy rendray vostre pacquet, comme aussy celu\
pour M' Bordier qui n'est pas encore arrivé.
J'ay fait rendre vostre lettre à Mons' de Bellièvre et M' de Thou Fa appuyée
de sa recomniandalion qui n'estoit pas grandement nécessaire, estant fort in-
formé de voslre mérite et qualité, estant fort assuré qu'il fera tout ce qu'il
pourra en vostre recommandation.
Pour ce qui est des nouvelles, je crois que la Gazette vous en apprendra plus
que je ne vous en sçaurois mander. Le Roy est à Forges' où il boit des eaux :
M' le Garde des Sceaux* ne suwra point ;i cause de l'incommodité des loge-
înens et du peu de séjour que la Cour y fera. M' le Comte fost mercredy à la
chambre des Comptes, oii il fit vérifier 99 Edits de créations d'offices, vente
de domaines et autres semblables. M' de Lorraine crie au meurtre et à l'ayde
sur ce que les Suédois sont entrez dans ses terres, ont ravagé quantité de vil-
lages et le menacent de prez. Je ne sçay si ceux auxquels il s'adresse pour faire
ces plaintes luy en feront grande raison, car l'orage luy pmirroit bien venir
de ce costé là pour se venger de tant do contreventions de sa part au der-
nier traitté de paix avec luy, l'année dernière.
L'Ode d'AlcJ|)pe que je vous envoyé est faite par un de mes amis nommé
M' Pcllans et m'assure que vous trouverez la pièce bien polie. Quebpi'un l'a
nonmiée assez à propos l'adieu sans adieu, couune vous jugerez mieux ayant
leu la dernière stance.
' Forges-les-Eaux , clicf-licii do canlon de la .Seinp-lnfi-ripiiro, arr. de Neiifcliilel , i 45 kiloatirc*
de Roupn. — ' Pierre Sogiiier élail garde des sceaux depuis le mois de fé>rier iGS.S.
710 APPENDICE. [1633]
Je vous envoyé la copie de la Prophétie du Roy de Suède que vous nous
feites tenir longtemps avant sa mort. On m'a prié de sçavoir de vous d'oii cela
est tiré et s'il y a moyen d'en avoir quelque preuve authentique, car la plus part
du monde croyent et bien souvent avec raison que ces choses se font aprez coup.
Je vous envoyé les titres de deux livres de Dausquius, que Cranioisy a receuz
de Flandres, qui semblent mériter et donner dans vostre goust. Néantmoins
je ne les ay voulu mettre par les chemins sans avoir auparavant vostre advis.
11 a couru un bruit fort gênerai que nostre bonne ville debvoit abimer cette
nuit dernière et cela fondé sur une prétendue révélation de Capucins. Plusieurs
ont esté si sots que de quitter la ville ; mais Dieu mercy tout est en mesme
estât que devant. Mes humbles recommandations à M' de Valavez vostre frère.
Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur.
Monsieur,
vostre, etc.
J. DU Pur.
De Paris, ce 96 juia i6,33 '.
LETTRE DE CHRISTOPHE DUPUY A MONSIEUR DE PEIRESC,
CONSEILLER DL ROY EN S\ COUR DE PARLEMENT, À MX.
Monsieur,
J'ai deux de vos lettres depuis huicl jours du a et 17 du passé. La 1'" je l'ai
receu par les mains de M' le chevalier del Pozzo à qui vous l'aviez recommandée
caldamente ^, estant toute sur l'affaire du procès du s' Pierre , de laquelle vous
devez estre à présent plainenient informé par celles de M"" de Bonneval qui à mon
avis a usé de toute diligence pour en descouvrir le secret, ayant suivi pour cela
les avis et les adresses que vous avez pris la peine de nous donner avec un soin
et une affection nompareilie , si bien que je ne reprendrai point ici ce qu'il m'a
asseuré vous avoir mandé par plusieurs fois , et puisque c'est une affaire à la-
quelle il ne faut plus penser, je crois n'avoir plus rien à dire en cela, sinon à
vous remercier non autant que je dois, mais autant qu'il m'est possible, de
l'affection qu'il vous a pieu nous tesmoigner en cette occasion qui a esté telle
' Bibliothèque Méjanes. Collection Peiresc, vol. X, fol. 38o. — - Chaudement, vivement.
[1633] APPENDICE. 711
(jue elle ne se pouvoit faire pnroistre davantage envers des personnes à qui
vous auriez de frez grandes obligations, de sorte que estant très certain que
jamais aucun de nous n'a esté si heureux que de vous pouvoir rendre le moindre
service du monde, il faut advoûer que il n'y a parole qui puisse exprimer les
ressentiments que nous en avons non plus que le désir qu'il se présente un
jour occasion pour nous pouvoir rovancher. J'cscris à mon jeune frère ' en quels
termes vous escrivez ih lui à M'^ le cardinal Barberin et en quelle opinion vous
l'avez mis en l'esprit de son Eminence, aflin (|ue de son costé il essaye de faire
plus que moi qui ne vous puis dire autre chose sinon moriar ingratus.
Je n'ai point ouï dire qu'on ayo imprimé deux registres des cérémonies de
Rome du temps de Burchard'^, nom plus que celles de Paris de Grassis-*. Je
vous dirai pourtant que j'ai eu en mon pouvoir le Diarium Pontificale Inno-
centii VIII de Burchard et celui de Jules II et de Léon X de Paris de Grassis
qui m'ont esté prestes pour les faire vendre. J'en ai ... * volumes par devers
moi assez bien escrits in-i" gros . . . doits. Le quatriesme, qui est la q* partie
de Jules II , ne m'a esté mis entre les mains ... je pourrois avoir pour dix cscus
la j)iece, qui est un assez bon prix eu égard à ce que je paye aujourd'hui,
car choque volume ne se peut pas copier pour qo. J'ai encore deux vo-
lumes de pareille gro.sseur de Onuphrius Panvinius* lesquels seront à vendre
à la mesme condition et sont aussi fort bien escrits, et celui qui s'en veut dé-
faire, qui est personne de lettres, m'a assuré que ils ne sont imprimez, ce que
je peus vérifier aisément par <|ui peut avoir toutes les œuvres de . . . escri-
vain comme . . . que vous les avez tous. Le premier de ces deux volumes
d'Onuphrius contient De prestantia Basilicœ Sancti Pétri libri septem con
un trattato in fine délia forma ch' era la confessione di S. Pietro anticamente
' Jacques Diipuy. On sait qiio Cliristoplin
éUiit l'ainé de la faniitle.
' Voir, sur le Journal de Jean Burcliard,
l. I,p. 46o.
'> Paris de Grassis, coiume écrivent les uns,
de (irassi, conmiu écrivent les aiilrt-s, était un
frère du savant canonistc le cardinal Acliillc. Il
naquit à Bologne, comme son frère, et mourut i
Romo le 10 juin i5a8. Il fut le successeur de
J. Buixlinrd dans la chaire do premier maître
des cérémonies de la Chapelle papale ot devint
évoque de Pesaro en i Tu 5. Il a laissé un journal
de tout ce qui s'est passé A la cour de Rome de-
puis i5o/i jusqu'à la mort de I.éon \. De con-
sidérables extraits en ont été donnés par Oderic
Rainaldi dans ses Annata ecclniattiqtin et par
F. de Bréquigny dans le tome II des Notict$ dm
manutcrilt d» ta liiblioth^ut du Roi. Voir le
Diclioimairf de Moréri, le DicHonnatrt de Bajie,
la Biographie iiniverteUe (article de Wciss), U
SourelU biografhi» gMraU (article d'EmMt
Grégoire), etc.
* C^e vide et les vides suivants sont caiMé* par
des déchirures du papier.
' Sur 0. Panvinio voir le tome I, p. «i8,
ai g.
712 APPENDICE. [1633]
fatto dal Signore Michel Lango. Le II tome contient lib. III! Onupbrii Pan-
vinii : De Basilica, baptisterio et Palriarrhio Latemncnsi Riluales vetusti, vulgo
ceremoniaies appellati, ex antiquis patribus et bibliotheca Vaticana, labore et
industria Onupbrii Panvinii , tom. I^ . . Micrologiis Onupbrio interprète vocuni
ecclesiasticarum. Geremoniale Cincii cardinalis ante CCCCannos... erutis ex
bibbolheca Vaticana ab Onupbrio. Onupbrii librorum decem De varia crealione
Pontificii Romani epitonie. J'ait fait voir tous ces susdits livres à M"^ Débon-
naire qui pourra vous en escrire, et si vous les desirçz vous nous en ferez savoir
s'il vous plaist vostre volonté. M' Débonnaire croit avoir veu quelque commen-
cement de ce livre des animaux des Indes fait par un médecin Flaraen babitué
en cette ville appelé Faber^, qui est mort depuis peu d'années^. Je ne failiiray
de parler à M' Holstenius pour les deux livres de S' Cyrille d'Alexandrie et
vous en rendrai response. Je suis bien aise que les livres de M' Naudé soient
arrivés seurement. L'on m'a dit que la bible Arabique se feroit entièrement.
Neantmoins j'en fais difficulté, sachant les longueurs dont on a de coustume
d'entretenir les hommes en ce pays*. Cet ouvrage est une entreprise de la con-
' Cet ouvrage et lessuivcints ne sont pas men-
tionnés dans les recueils biograpliiques et t)il)lio-
grapliiques. Niceron, qui énumèr" 97 piiWi-
cations de Panvini (I. XVI, p. SSi-SSg), ajoute
que cet érudit «a fait encore un grand nombre
d'ouvrages qui sont restez en manuscrits^. Parmi
les ouvrages inédits du très fécond écrivain, on
cite son grand traité De cœremonm curiœ romnnœ ,
en 1 1 volumes in-fol., qui se conserve en la hi-
bliothèque royale de Munich. Sait-on dans quelle
collection d'Allemagne ou d'Italie on garde les
manuscrits indiqués par le P. Cti. Dupiiy?
- Jean Faber, analomisie et botaniste, naquit
vers 1 570 à Bamberg, fut reçu docteur en mé-
decine à Rome, occupa avec distinction la chaire
de médecine à l'Académie romaine, commenta
les lUustrium imagines de Fuivio Or^inl ( Anvers ,
1606), attaqua violemraenlJoseph Scahger [De
nardo et epilhymo adcei-êus Jos. ScaUgentm ditpu-
tatio, Rome, 1607, in-i°); il fut l'ami de César
Césalpin, du jésuite Clavius, de Fabio Columna ,
de Galilée, etc. Voici comment Weiss(fiiogT«pAic
universelle) parle du livre mentionné par le
P. Chr. Dupuy : "Kn fondant l'Académie des
Lincei, le prince Cési s'était particulièrement
proposé de favoriser la publication de l'ouvrage
composé par Recchi sur l'histoire nalnrelle du
-Mexique, d'après les manuscrits laisses par
Fr. Hemanilès, médecin du roi d'Es'pagne Phi-
lippe il. Aucun des lincei ne remplit plus promp-
tement que Faber les intentions de l'illustre
fondateur. Son travail sur la zoologie du Mexique
fut imprimé à Rome, en 1C28, in-fol., sons ce
liti-e : De animalibus ituiicis apud Mexicmn, mais
la publication en fut retardée jusqu'en i65i, où
parut la première édition de l'ouvrage de Recchi
ou plutôt d'Hernandès. Les additions de Faber
ne se rattachent, pour la plupart, qu'indirecte-
ment a l'ouvrage qu'il était chargé d'éclaircir et
de commenter; mais elles n'en sont pas moins
tiès intéressantes. 1 •
' Co, qui montre combien est fausse la conjec-
ture ainsi rapportée par Weiss : (tOn croit qu'il
mourut à Rome vers 1 Gfto , dans un âge très
avancé.)! La Nouvelle biographie générale dit qu'il
mourut vers le milieu du ivii' siècle. On saura
désormais que Fah.^r était déjà mort sept ans
avant i64o.
' L'événement ne justifia que trop les craintes
du P. C. Dupny au sujet de la lenteur que l'on
[1633] APPENDICE. 713
grégalion de la Propagande où il fault délibérer sur la moindre difficulté et
proposer h la congrégation : anssi n'en a-t-on veu sortir que de petits livres de
trois ou fi feuilles, et puis chacun sait de quelle estime. Je n'ai point encor
apris quel jugement on faisoit icy de l'epistre de S' Clément. Le lieu d'où elle
sort la rend fort douteuse' ... et au bout du conte je ne sçay s'il y a icy au-
cun de ceux à qui il appartient d'en juger qui soit capable d'en bien parler,
ce qui est déplorable. Ce seroit une belle chose que l'édition grecque de cette
bible à laquelle est attachée cette epistre . . . l'entreprise. Excusez si je vous
ennuyé par cette misérable lettre que je finirai par la prière que je vous fais
de me tenir tousjours pour
vostre ires humble et très obéissant serviteur,
Fr. Ch. i)U Puï.
Rome, ce 17 décembre i633'.
niollail î'i imprimer la liible arabique, cnr l'édilion
projcléi^ ne fut achevée que trente-huit ans plus
liird: Biblia arabica (Home, typi$ Congregnl. ih
propag. fde , 1671, 3 vol. in-fol.).
' G'cst-à-dire , si je comprends bien le texte
incomplet, snnpecte i cause de son origine an-
glaise, Rome se méfiant de ce qui venait d'un
pays héi-cîlique.
' Bibliothèque nationale, fonds français,
vol. g56/i , fol. 97.
FIN DU TOME DEUXIÈME.
CP
90
0
BINDING SECT. JAN15
DC
36
.98
P33U
1888
t. 2
Pelresc, Nicholas Claude
Fabri de
Lettres de Peireac aux
Frères Dupuy
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
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